Tous les articles par Katia Bayer

Prix Océans du court métrage, appel à projets

Créé en mai 2012 par France Ô, en collaboration avec la Quinzaine des Réalisateurs et le Syndicat des Producteurs indépendants (SPI), le Prix Océans du Court-Métrage donne l’opportunité à des réalisateurs de monter un projet de court-métrage, ayant pour cadre l’Outre-mer. Présidé par Lucien Jean-Baptiste, ce prix récompense un scénario de langue française ayant une thématique ultramarine.

Vous rêvez d’écrire l’outremer, de la filmer, de la montrer ? Participez à cette 3ème édition !

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Envoyez vos projets aux couleurs des outremers avant le 31 décembre 2014 par mail à courtsocéans@francetv.fr . Un jury de professionnels sélectionnera le meilleur scénario qui se verra récompensé d’un financement de 30 000 euros pour réaliser son court-métrage. Le film lauréat sera diffusé lors de la soirée de clôture de La Quinzaine des réalisateurs 2016.

Lien utile : ici !

Le Top 5 de la rédac’ !

Pour la cinquième année consécutive, nous vous proposons notre Top 5 des meilleurs courts métrages de l’année, à l’instar des autres revues et sites web dédiés au cinéma. Voici les films de l’année qui ont marqué l’équipe de Format Court.

Sylvain Angiboust

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1. Ceux qui restent debout de Jan Sitta, France
2. A Living Soul de Henry Moore Selder, Suède
3. Daphné ou la belle plante de Sébastien Laudenbach et Sylvain Derosne, France
4. Cólera d’Aritz Moreno, Espagne
5. La maison de poussière de Jean-Claude Rozec, France

Amaury Augé

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1. Tempête sur Anorak de Paul Cabon, France
2. Animal Sérénade de Béryl Peillard, France
3. Ennui ennui de Gabriel Abrantes, France
4. Inulpiluk de Sébastien Betbeder, France
5. Tant qu’il nous reste des fusils à pompe de Jonathan Vinel et Caroline Poggi, France

Fanny Barrot

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1. Tant qu’il nous reste des fusils à pompe, Jonathan Vinel et Caroline Poggi, France
2. La Part de l’ombre de Olivier Smolders, Belgique
3. Peine perdue de Arthur Harari, France
4. 8 balles de Franck Ternier, France
5. Nan lakou kanaval de Kaveh Nabatian, Haïti, Canada

Katia Bayer

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1. Beauty de Rino Stefano Tagliafierro, Italie
2. Le Skate moderne de Antoine Besse, France
3. Art de Adrian Sitaru, Roumanie
4. Oh Lucy! d’Atsuko Hirayanagi, Japon, Singapour, Etats-Unis
5. Guy Moquet de Demis Herenger, France

Julien Beaunay

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1. A Living Soul de Henry Moore Selder, Suède
2. Don’t Hug Me I’m Scared 2 – TIME de Joseph Pelling et Becky Sloane, Royaume-Uni
3. The Bigger Picture de Daisy Jacobs, Royaume-Uni
4. Oripeaux de Sonia Gerbeaud et Mathias Panafieu, France
5. Symphony No 42 de Réka Bucsi, Hongrie

Marie Bergeret

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1. La Part de l’ombre de Olivier Smolders, Belgique
2. The Chicken de Una Gunjak, Croatie-Allemagne
3. L’homme au chien de Kamal Lazraq, Maroc, France
4. Tehran-Geles de Arash Nassiri, France
5. La Demi-saison de Damien Collet, Belgique

Juliette Borel

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1. Red Hulk de Asimina Proedrou, Grèce
2. Pork & Luna de Xiaoyu Du, Chine
3. Labyrinthe de Mathieu Labaye, Belgique
4. Colectia de Arome d’Igor Colibeanski, Roumanie
5. Gli Immacolati de Ronny Trocker, France

Adi Chesson

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1. Mélodie pour Agnès de Marrie Larrivé et Camille Authouart, France
2. Shadow de Lorenzo Recio, France
3. Lilith de Maxim Stollenwerk, Belgique
4. La Part de l’ombre de Olivier Smolders, Belgique
5. L’homme au chien de Kamal Lazraq, Maroc, France

Georges Coste

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1. Ceux qui restent debout de Jan Sitta, France
2. Supervénus de Frédéric Doazan, France
3. T.I.A. (This is AfricA) de Matthieu Maunier-Rossi, France
4. 3e page après le soleil de Theodor Ushev, Canada
5. A Living Soul de Henry Moore Selder, Suède

Agathe Demanneville

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1. Habana de Edouard Salier, France
2. To taste the ground de Shannon Harris, Canada
3. The Weatherman and the Shadowboxer de Randall Lloyd Okita, Canada
4. Cambodia 2099 de Davy Chou, France
5. Le Sens du toucher de Jean-Charles Mbotti Malolo, France

Mathieu Lericq

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1. Hillbrow de Nicolas Boone, France
2. Art de Adrian Sitaru, Roumanie
3. Fragmenty de Aga Woszczyńska, Pologne
4. The Weatherman and the Shadowboxer de Randall Lloyd Okita, Canada
5. Aïssa de Clément Tréhin-Lalanne, France

Lola L’Hermite

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1. Habana de Edouard Salier, France
2. A Living Soul de Henry Moore Selder, Suède
3. Man on the chair de Dahee Jeong, Corée
4. 8 balles de Franck Ternier, France
5. Le Sens du toucher de Jean-Charles Mbotti Malolo, France

Camille Monin

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1. Rabbit and Deer de Peter Vacz, Hongrie
2. ex aequo : A iucata de Michele Penneta, Italie, Suisse et La Femme de Rio de Emma Luchini, France
3. L’homme au chien de Kamal Lazraq, Maroc, France
4. Une vie radieuse de Meryll Hardt, France
5. Petit frère de Rémi Saint-Michel, Canada

Julien Savès

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1. La Part de l’ombre de Olivier Smolders, Belgique
2. Shadow de Lorenzo Recio, France
3. Jiminy de Arthur Môlard, France
4. Nectar de Lucile Hadzihalilovic, France
5. ex aequo : A Living Soul de Henry Moore Selder, Suède et Oripeaux de Mathias de Panafieu et Sonia Gerbeaud, France

Xavier Gourdet

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1. One part seven de Reynold Reynolds, Etats-Unis, Italie
2. Notre Dame des hormones de Bertrand Mandico, France
3. Planet ∑ de Momoko Seto, France
4. Habana de Edouard Salier, France
5. Si jamais nous devons disparaître ce sera sans inquiétude et en combattant jusqu’à la fin de Jean-Gabriel Périot, France

Zoé Libault

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1. Tant qu’il nous reste des fusils à pompe de Jonathan Vinel et Caroline Poggi, France
2. Aïssa de Clément Théhin-Lalanne, France
3. Stone cars de Reinaldo Marcus Green, Afrique du Sud
4. 8 balles de Franck Ternier, France
5. L’homme au chien de Kamal Lazraq, Maroc, France

Marc-Antoine Vaugeois

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1. Peine perdue de Arthur Harari, France, France
2. Géronimo de Frédéric Bayer-Azem, France
3. Métamorphoses de Shanti Masud, France
4. Mahjong de Joao Pedro Rodrigues et Joao Guerra da Mata, Portugal
5. Tourisme International de Marie Voignier, France

Reindeer d’Eva Weber

Documentaire, 3’14’’, 2013, Grande-Bretagne, HSI London

Synopsis : Voyageant 400 km au-dessus du cercle polaire au village Karigasniemi à Utsjoki en Finlande, la cinéaste Eva Weber montre l’élevage de rennes qui a été le gagne-pain des autochtones Samí de l’Arctique durant d’innombrables générations.

À l’approche des fêtes, certains auront certainement envie de retomber en enfance et de croire de nouveau au Père Noël. Dans ce sens, le court, très court documentaire d’Eva Weber, présenté au Festival de Sundance en 2013, nous offre un peu de cette magie de Noël.

En effet, il est question ici d’un regard sur les éleveurs de rennes en Laponie, sans aucune parole, juste pour nous laisser profiter de la beauté et de la majesté de ces bêtes. La réalisatrice britannique réussit à nous transporter en trois minutes seulement au cœur d’une tradition finlandaise ancestrale. On est emporté par son image sublime qui capte jusqu’aux flocons de neige, par ses cadres très maîtrisés permettant de se placer au plus près des animaux et par un travail sur le son rendant palpables le brame et le pas des rennes. Et puis, il y a ce plan final où l’on aime à imaginer que le fameux Père Noël s’éloigne avec l’un de ses rennes pour poursuivre ce voyage hors du temps.

Camille Monin

Beach flags de Sarah Saïdan

Courant 2015, la petite ville de Vendôme accueillera pour la première fois une résidence d’animation. La dernière édition de son festival du film était justement placée sous le signe de l’animation, représentée par 6 courts-métrages en compétition nationale, un programme parallèle spécial et une exposition interactive sur ses différentes étapes et techniques de fabrication. Beach Flags, court-métrage de Sarah Saïdan, en compétition officielle, fait partie ce ces représentants de l’animation française.

Le film prend place parmi des sauveteuses en mer iraniennes … qui n’ont pas le droit de se montrer en maillot de bain. Etrange paradoxe. Elles passent donc le plus clair de leur temps à s’entraîner pour une compétition de beach flags : une course dans le sable où il faut être la première à attraper un drapeau pour gagner. Cette épreuve, pouvant être faite entièrement vêtue, est la seule à laquelle ces sauveteuses peuvent participer.

Le récit, tel une fable, conte l’histoire de Vida, la favorite du groupe avant l’arrivée de Sareh, bien meilleure coureuse qu’elle. Une concurrence effrénée s’installe entre les deux jeunes filles, entraînant ainsi la médisance des autres.

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La singularité de ce court-métrage se retrouve principalement dans les séquences de rêves. La vie de Vida est ponctuée de cauchemars dans lesquels ses combats quotidiens sont symbolisés par des noyades. Les couleurs sombres et l’animation énergique de ces séquences rend compte de l’angoisse qu’elle ressent face à son quotidien.

Beach Flags n’est pas sans rappeler Persepolis, le long-métrage d’animation de Vincent Paronnaud et Marjane Satrapi, adapté de la propre bande dessinée éponyme de cette dernière. Les deux films sont réalisés en 2D traditionnelle, ont des traits relativement proches et tracent des portraits de femmes iraniennes, opprimées par leur société. Cependant, à la grande différence de Persepolis,  Beach Flags est coloré. L’utilisation d’aplats de couleurs pour les personnages et de décors peints à la gouache fortement diluée transporte le spectateur dans un monde enfantin, renforçant l’idée de conte.

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Sarah Saïdan, fraîchement diplômée de la Poudrière, réalise ici un premier film abouti, qui témoigne de la condition de la femme en Iran, son pays d’origine, et des échappatoires que certaines peuvent y trouver. Dans son film, Sareh, bientôt mariée de force, pourrait retrouver sa liberté si elle gagnait la course, seulement c’est sa rivale Vida qui détient la clé de son avenir. Quelque peu manichéen, le film de Sarah Saïdan se clôt comme un conte où le sacrifice et la solidarité gagnent face à l’ambition égoïste de la victoire et aux considérations liberticides d’un Etat totalitaire.

Zoé Libault 

Consulter la fiche technique du film

B comme Beach Flags

Fiche technique

Synopsis : Vida est une jeune nageuse sauveteuse iranienne. Favorite dans son équipe, elle est décidée à se battre pour décrocher une place dans une compétition internationale en Australie. Mais, avec l’arrivée de Sareh, aussi rapide et talentueuse qu’elle, elle va être confrontée à une situation inattendue.

Réalisation : Sarah Saïdan

Genre : Animation

Durée : 13′

Pays : France

Année : 2014

Scénario : Sarah Saidan

Animation : Jumi Yoon, Eloïc Gimenez, Armelle Mercat

Montage : Hervé Guichard

Production : Sacrebleu, Folimage

Article associé : la critique du film

Vendôme 2014 : La France, terrains vagues

Plusieurs festivals de courts-métrages choisissent une ligne éditoriale pour déterminer leurs critères de sélection. Ainsi, le festival Premiers Plans (Angers) met en avant les premiers films (courts et longs-métrages) dans sa compétition, tendis que d’autres festivals font la part belle aux films LGBT (Chéris Chéris) ou aux films de femmes (Créteil). La spécificité du festival de Vendôme consiste à mettre en avant dans sa compétition de films courts des œuvres soutenues financièrement par une région. L’occasion de poser la question épineuse du territoire et de la manière dont les cinéastes français présents cette année en compétition s’approprient (ou non) les espaces qu’ils investissent.

Recevoir l’aide d’une région implique la plupart du temps pour les cinéastes bénéficiaires de localiser le tournage de leur film dans la région qui leur apporte un soutien, généralement en province donc. À partir de ce moment là, on peut se demander ce qui motive les réalisateurs, si ces lieux et donc ces «décors imposés» stimulent leurs imaginaires. Ce n’est pas un hasard si de nombreux films en compétition à Vendôme cette année prenaient pour cadre principal de leurs récits des zones périphériques, situées à l’extérieur des grandes villes et propices aux errements, à la vacance de personnages en pleine transition. Mais est-il possible de filmer ces états sans faire dialoguer les corps et les lieux, sans faire exister ces espaces ?

CE MONDE ANCIEN

« Ce monde ancien » de Idir Serghine place son trio de jeunes adultes en jachère dans une zone commerciale périurbaine, et conte le long de ses trente minutes les errements de ses personnages «normaux», héros ordinaires ou anti-héros inoffensifs. Si l’on peut saluer le parti pris du jeune cinéaste de ne jamais sacrifier la ténuité de son récit de départ à un quelconque spectaculaire, on ne peut qu’être désolé de constater que le film ne cultive en retour rien de plus qu’une vision générique de ses personnages et de ses lieux. Ces jeunes adultes «un peu» paumés, qui se draguent «un peu», rêvent «un peu» (les States comme horizon lointain, pas très original) mais n’agissent pas beaucoup, nous les avons trop vus. Et les acteurs du film, malgré toute la sympathie qu’ils inspirent, se retrouvent aussi peu investis que leurs personnages face au peu de marge que leur laisse le programme du film. Ils sont posés dans le cadre et renvoient une image que nous connaissons déjà, comme les centres commerciaux, fast-food et autres parkings qu’ils arpentent. Des personnages un peu tristes dans des décors un peu tristes, en somme.

Dans un autre registre, Morgan Simon ne tire pas grand-chose de plus des espaces qu’il investit dans son dernier opus, « Essaie de mourir jeune ». Ici, les retrouvailles entre un père et un fils sont contées le temps d’une nuit, où l’on suit leur pérégrination à travers une ville inconnue. Tout ici semble propice à faire disparaître le décor : l’action se déroule de nuit, les valeurs de plans sont exclusivement resserrées sur les visages des comédiens et la caméra portée bringuebalante empêchent les personnages et par extension le spectateur de construire leur rapport à l’espace, d’appréhender la géographie d’une ville (ce qui pose problème quand l’évolution du récit tient dans le trajet physique des personnages). On pourrait rétorquer qu’il s’agit d’un «film d’acteurs», que le cinéaste a choisi de coller aux basques de ses protagonistes pour ne s’attacher qu’aux affects et aux tensions naissantes entre eux. Soit, mais il faudrait alors revenir sur le déséquilibre problématique entre les énergies des deux acteurs principaux, l’un trop mou (Julien Krug) et l’autre en surrégime permanent (Nathan Wilcox). Il devient alors difficile de ressentir la montée d’une tension, d’un désir commun qui porterait ces deux personnages, enjeu principal du film qui trouvera son aboutissement dans une improbable scène de triolisme aussi grotesque qu’inconfortable.

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Faire disparaître le décor (« Essaie de mourir jeune ») ou n’en rien raconter d’original (« Ce monde ancien »), tel est le ressenti à la vision de ces deux films. Heureusement, d’autres réalisateurs présents à Vendôme ont creusé, se sont appropriés des lieux génériques et ont tenté d’en tirer autre chose. Nous avions déjà évoqué dans de précédents articles des films tels que « Tant qu’il nous reste des fusils à pompes » de Jonathan Vinel et Caroline Poggi, « Peine Perdue » de Arthur Harari ou encore le « Géronimo » de Frédéric Bayer-Azem, qui élargissent leurs cadres et les ouvrent sur la nature et les grands espaces pour trouver du répondant à des récits plus chargés en colère et en mélancolie.

Deux autres films en compétition ont retenu notre attention pour les mêmes raisons. D’abord, « Les Éclaireurs » de Benjamin Nuel, une étonnante comédie qui situe son action sur le même territoire que le film d’Idir Serghine. On retrouve la zone périurbaine ainsi qu’un trio de jeunes adultes (encore deux hommes et une femme, décidément !) un peu paumés. Seulement, on découvre au fil du récit que ces trois personnages ont constitué dans leur prime jeunesse une bande de supers enquêteurs à la «Scooby-Doo», mascotte canine et ennemis masqués à l’appui. La trivialité du décor choisi pour leurs retrouvailles (un restaurant chinois bon marché) apporte ici un contraste bienvenu avec la dinguerie du postulat et charge le film d’une mélancolie discrète, les couleurs chaudes venant nimber les personnages et offrir un écrin propice aux réminiscences. Nuel fait preuve d’une sensibilité et d’une intuition surprenante en n’exploitant aucunement la dimension possiblement parodique ou spectaculaire de son postulat de départ pour générer du comique et en s’en remettant essentiellement au jeu de ses interprètes, tous superbement accordés. Une réussite et la découverte d’un auteur à suivre.

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De son coté, Jean-Sébastien Chauvin livre avec son nouvel opus « Les Enfants » une œuvre dans la droite lignée de ses précédents travaux (« Les filles de feu », « Et ils gravirent la montagne »). Ici, le film conte la fuite d’une mère et de ses deux enfants, amenés à quitter le cocon familial sinistré par la présence d’un monstre enfermé dans leur grenier. Une fois dehors, la découverte d’un monde post-apocalyptique (cadavres, fumerolles inquiétantes et routes désolées) pousse le trio à fuir en direction de la forêt. Chauvin retrouve alors les décors naturels qui l’inspire tant, où les immensités luxuriantes se font tantôt le berceau d’une innocence perdue tantôt le détenteur de forces secrètes et mystérieuses. Une fois encore, c’est en se perdant à travers les dédales de verdures que ces personnages partent en quête de leur lumière intérieure, matérialisée ici par l’apparition d’un petit vaisseau spatial en forme d’œuf lumineux. Placer sa croyance dans l’imaginaire, le fantastique, est une démarche si rare dans la production de courts-métrages français qu’il faut saluer ce geste fort, si confiant dans la simplicité et la maîtrise de ses outils. Chauvin, en redonnant à ces décors de Bretagne leur dimension féerique, parvient à les transcender pour les amener vers un horizon nouveau.

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Pour conclure, c’est peut-être en quittant la France que les réalisateurs français livrent les films les plus inspirés. Le jury officiel a remis le Grand Prix de la compétition au très beau « Cambodia 2099 » de Davy Chou, cinéaste qui a transformé un film de vacance tourné au Cambodge en œuvre intimiste et mélancolique glissant habilement vers la science-fiction. Et le jury Format Court, en récompensant le documentaire « Tourisme International » de Marie Voignier, a témoigné de son intérêt pour l’exploration par une jeune réalisatrice d’un pays inconnu au travers d’un dispositif savant et éminemment cinématographique. Il existe encore bien des territoires à explorer, au prix seulement d’un billet d’avion ou d’un peu d’imagination.

Marc-Antoine Vaugeois

Le Voyage dans la lune de Georges Méliès en couleurs

Lors du festival de Cannes 2011, Format Court s’était entretenu avec Serge Bromberg, de Lobster Films, après la projection exceptionnelle de la version restaurée, colorisée et musicale du « Voyage dans la lune », le chef d’œuvre de Georges Méliès. À l’occasion des 20 ans des séances Retour de flamme, fêtés au Balzac jusqu’au 16 décembre, nous revenons sur l’histoire et la sauvegarde de ce film, édité en DVD.

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Très tôt, Georges Méliès, l’inventeur des effets spéciaux, des fééries, des trucages, de la prestidigitation et du spectacle au cinéma, a combiné magie et cinéma, imaginaire et merveilleux, apparitions et disparitions dans ses films. Premier succès mondial du cinéma, « Le Voyage dans la lune » (1902) raconte en 15 minutes un épisode fantasmé de la conquête de l’espace bien avant qu’un Américain ne pose le pied sur l’astre lunaire.

Peut-être avez-vous vu ce film muet, en noir et blanc, ultra connu pour son plan emblématique d’obus percutant de façon accidentelle l’oeil de la lune. Si ce titre et l’univers de Méliès vous intéresse, sachez dans ce cas qu’une version couleur du même film a fait son apparition à la fin des années 90 dans un bien fâcheux état et que sa sauvegarde relève du miracle. Cette épopée, Serge Bromberg et Eric Lange, les fondateurs de Lobster Films, nous la relatent justement dans un des multiples bonus de ce DVD, un documentaire intitulé « Le Voyage extraordinaire ».

La face cachée du film, la voici. En 1999, Anton Jimenez de la Cinémathèque de Barcelone se rend chez Lobster pour retrouver des films de Segundo de Chomón, un réalisateur catalan spécialisé dans les films à trucs, dont un film très similaire au « Voyage dans la lune » nommé « Excursion dans la lune » (1908), également présent dans ce DVD. Dans la conversation, il révèle à ses interlocuteurs qu’il dispose d’une copie en couleurs du « Voyage », longtemps considérée comme perdue, en état de décomposition avancé. Eric Lange et Serge Bromberg récupèrent la copie, l’image comporte bon nombre d’impuretés mais est effectivement en couleurs ! Image par image, le film sera photographié et numérisé avec beaucoup de patience. Différents laboratoires seront approchés, sans succès, pour sauver le film, jusqu’à ce que les Américains (Technicolor Creative Services, sous la personne de Tom Burton) réussissent à mener à bien la résurrection du film et à réparer les dégâts du temps, en faisant jouer les moyens modernes et technologiques, à savoir les pixels et les palettes graphiques. Les outils numériques permettront ainsi de rassembler les fragments des 13.375 images du film et de les restaurer. Quant aux images manquantes, perdues ou trop dégradées, elles seront récupérées de la version noir et blanc du film puis coloriées.

La copie d’origine est muette, mais pour compléter ce lifting, un autre projet naît à cette période : celui de transmettre le film à une jeune génération qui ne connaît ni Méliès ni son film et d’accompagner le film d’une musique originale. Le groupe Air, ayant déjà signé des B.O. de musiques de film, la composera, avec comme particularité celle d’écrire une partition continue, puisque le film de Méliès ne comporte aucun dialogues.

109 ans après sa création, « Le Voyage dans la lune » s’offre donc une restauration de premier plan et la créativité d’un groupe français reconnu. Face à de tels changements, certaines personnes s’enthousiasment quand d’autres s’offusquent. Après la projection du film à Cannes, les uns vibraient encore tandis que les autres prenaient à partie Serge Bromberg, ne reconnaissant que la copie originale, avec ses imperfections liées au temps. Seulement, pour le collectionneur, une copie ne prime pas sur l’autre, comme l’atteste la présence sur ce DVD de versions supplémentaires du même film. « Le voyage dans la lune », en noir et blanc, se décline en effet en plusieurs options : muet, versions orchestre et boniments, orchestre seul ou piano seul. D’autres bonus complètent enfin ce DVD : les entretiens avec Air et des auteurs influencés par Méliès (Michel Hazavinicius, Michel Gondry, Costa-Gavras, Jean-Pierre Jeunet), mais aussi deux films de Méliès, plus rudimentaires, et tournant aussi autour de l’astre phare : « Eclipse de soleil en pleine lune » (1907) et « La lune à un mètre » (1908). Pour compléter ces bonus, « Le Voyage extraordinaire » propose aussi de nombreux extraits de films de Méliès et des documents d’époque, dont un émouvant enregistrement de la voix du père du spectacle cinématographique parlant de sa découverte inopinée du trucage.

Katia Bayer

Article associé : Le Voyage dans la lune de Georges Méliès par Serge Bromberg

Le Voyage dans la lune de Georges Méliès en couleurs  : Editions Lobster Films

2 courts de Cannes en ligne !

À l’occasion du Jour le plus Court, visionnez en exclusivité deux films du dernier Festival de Cannes, « Leidi » de Simón Mesa Soto, la Palme d’or du court métrage et « Lievito Madre » de Fulvio Risoleao, 3ème Prix ex aequo de la Cinéfondation en 2014.

Leidi de Simón Mesa Soto (Fiction, 15′, Colombie, Royaume-Uni, 2014, The London Film School). Palme d’or du court métrage 2014

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Cliquer sur l’image pour visionner le film

Synopsis : Leidi vit avec sa mère et son bébé. Son fiancé, Alexis, n’est pas réapparu depuis quelques jours. Ce matin là, après avoir lavé son bébé, elle part acheter des plantains. Dehors, on lui dit qu’on a vu Alexis avec une autre fille. Elle ne rentrera pas à la maison tant qu’elle ne l’aura pas retrouvé.

Article associé : la critique du film

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Lievito Madre » de Fulvio Risoleao (Fiction, 17′, 2014, Italie, Centro Sperimentale di Cinematografia). 3ème Prix ex aequo de la Cinéfondation en 2014

Synopsis : Lui, elle et l’autre : le triangle classique. Mais qu’est-ce qui se passe quand l’autre n’est pas un être humain? Ou plutôt s’il est fait de farine, d’eau et de miel ?

Patrick Osborne, Jeff Turley, Kristina Reed. Le court métrage, l’étincelle et l’animation chez Disney

Depuis quelques années, le court-métrage Disney est, avec celui de Pixar, une véritable star. Au Festival d’Annecy par exemple, il a souvent droit à une présentation très complète, souvent plus longue que le long-métrage auquel il est attaché.

Cette année, le court-métrage « Feast » (littéralement “Festin”), première réalisation de Patrick Osborne, montrait, en 3D et en relief, une quantité affolante de nourriture ingurgitée par un chien. L’intérêt serait plutôt limité si on ne précisait pas les deux originalités du film. En premier lieu, une belle fibre poétique  se dégage de la description des histoires de cœur d’un maître, vues depuis le point de vue de son chien.

Il y a aussi dans ce court de Disney un style unique, utilisant la 3D mais cherchant aussi à capturer le trait crayonné. Le type d’image, hybride au final, ne laisse pas l’oeil tranquille. Jeff Turley, le directeur artistique à l’origine de ces images n’en est pas à son coup d’essai puisqu’il avait déjà signé celles de l’oscarisé « Paperman », à l’esthétique en noir et blanc très dessinée. Pour « Feast », on retrouve également la productrice Kristina Reed, elle aussi déjà présente sur « Paperman ». Petite discussion avec ces deux figures importantes du court-métrage chez Disney, ainsi qu’avec un nouveau venu, le réalisateur de « Feast », Patrick Osborne.

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De gauche à droite : Patrick Osborne, Jeff Turley, Kristina Reed © Cinecoulisses

Ayant commencé dans les effets spéciaux, comment avez-vous décidé de vous tourner vers un cinéma aussi graphique que celui de « Paperman » et de « Feast » ?

Patrick Osborne : Quand vous travaillez dans les effets spéciaux, il y a un moment où vous réalisez que vos images sont conçues autour des acteurs et leur performance vous semble d’autant plus intéressante. Quand je suis arrivé chez Disney pour « Volt », ça m’a donné l’opportunité d’être acteur. En fait, quand on est animateur, il faut incarner les personnages pour chercher leurs mouvements et c’est vraiment une étape amusante. En effets spéciaux, il y a pas mal de belles choses, mais ça se réduit souvent à une sorte de mécanique. Il s’agit de rendre réaliste l’environnement autour des acteurs. Or, je me suis rendu compte que c’était plus intéressant de jouer. J’ai eu envie d’être celui qui fait l’action, au moins en tant qu’animateur, et pas seulement celui qui contribue au réalisme du plan.

C’est ce que fait Disney en un sens : transporter le spectateur dans un univers où tout devient une performance d’acteur. Il y a donc de longs plans muets où seule l’expressivité du personnage compte. J’aime beaucoup ça et c’est cette tendance actuelle avec leurs derniers longs métrages (« Volt », « Raiponce », « La Reine des neiges ») et aussi leurs courts (« Paperman ») qui m’a donné envie de développer mon propre projet de court-métrage. D’ailleurs, quand j’ai eu l’opportunité de faire un court-métrage, tous mes scénarios avaient des dialogues. Je trouve que c’est la partie la plus intéressante à écrire.

Du coup, pourquoi avez-vous choisi d’incarner un chien, celui de votre enfance qui plus est ?

P. O. : J’ai eu des chiens pendant toute mon enfance, mais ils ne ressemblaient pas à ceux du film. Ils étaient plus beaux, mais il y a trop de beaux chiens dans l’animation. C’est un écueil facile, surtout chez Disney, le « beau cabot de studio ». On voulait aussi travailler à partir d’un graphisme plat, donc il nous est venu l’idée d’un chien ayant un pelage à motifs permettant de mieux repérer ses mouvements par rapport au décor. Aussi, les chiens ont un rapport à la nourriture qui est très direct et je voulais raconter une histoire liant la nourriture et d’autres sujets plus larges comme la famille ou l’amour ; le chien m’est alors apparu comme ce lien.

J’imagine que la sentimentalité du film touchera sûrement davantage les parents. Mais j’ai tenu à ce qu les enfants puissent suivre le film, même s’ils ne comprennent pas tous les concepts attachés à ce qu’ils n’ont pas encore vécu.

Est-ce plus simple de travailler sur un court-métrage que sur un long chez Disney ? Êtes-vous plus libre ?

Kristina Reed : Il faut s’insérer au milieu de productions bien plus grosses. Il y a déjà « de plus gros bateaux qui occupent le canal », des longs métrages. Mon travail consiste donc à recruter les bonnes personnes, à exploiter les ressources techniques dans les moments de creux, à trouver des arrangements commerciaux.

FEAST

Jeff Turley : En tant que chef déco, je sais qu’on réajuste même certains aspects visuels du film en fonction des personnes qu’on arrive à avoir réellement et certains talents inattendus orientent le résultat final de manière imprévue. Toute la question est donc d’orienter ces changements par rapport à l’idée de départ pour que le film conserve sa cohérence.

Au vu de ce genre de difficultés, je pense pour ma part et pour répondre à votre question, que le court-métrage est plus difficile. Il y a énormément d’intervenants, tous très différents. Malgré cela, il faut organiser une production en miniature. C’est une difficulté supplémentaire.

K.R. : Cependant, il y a désormais, et depuis quelques années, un début de tradition autour de la « petite perle » en court-métrage. Nos productions en forme courte sont désormais bien plus respectées et considérées qu’avant au sein de chez Disney. Elles sont vues comme des sources d’inspiration autant artistique que technique. C’est donc plus simple aujourd’hui de produire. Disney fait des courts-métrages depuis ses tout débuts mais il y a une nouvelle énergie dans le studio autour du court-métrage. C’est en partie depuis « Paperman », (NDR : Oscar du meilleur court-métrage d’animation 2013) que Disney a mieux compris ce que le court pouvait apporter au studio : un lieu d’innovation, mais aussi, un moment de remise en question de la narration. C’est devenu plus simple à produire pour ces raisons-là. Il y a même désormais, en interne, des programmes plus formels, ce qui est encore mieux.

Pouvez-vous nous en parler ?

K. R. : Il y a un programme chez Disney que nous appelons « Spark » (« L’étincelle »), où chacun peut proposer un projet. On vous donne un mois pour développer ce que vous souhaitez. La seule contrainte est de ne pas être engagé sur une autre production pendant ce temps-là. Patrick a donc engagé Jeff et quelques autres animateurs sur son projet, « Pet ».

P. O. : C’est un exercice pour faire la bande-annonce d’un faux film qui n’existera jamais. C’est donc surtout une recherche visuelle, plus encore qu’un film. C’est ainsi que j’ai rencontré Jeff. Nous sommes devenus très proches et c’est rare dans une structure aussi grande, avec près de 700 personnes. On s’est dit qu’on pourrait se passer du reste d’une équipe classique pour un moment. En travaillant au même endroit, on s’est rendu compte qu’on tentait de « détruire » un peu les outils qu’on avait. On luttait contre l’image numérique tout en l’utilisant pour en faire ce qu’on voulait.

Le film qui résulte de « Spark » reste-t-il au sein de Disney ? Vous ne faites jamais de partenariats avec d’autres studios lors de ces programmes ?

P. O. : Le film reste effectivement en interne chez Disney. Le programme est destiné aux artistes maison, il leur permet de travailler leurs idées qu’ils doivent apprendre à pitcher. Cela ne concerne pas seulement les artistes. Une telle production implique également des techniciens. C’est en fait une belle opportunité de se rencontrer pour tous ceux qui travaillent dans le studio et c’est vraiment une belle idée.

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Qu’avez-vous conservé de l’exercice « Pets » et du programme « Spark » que vous avez aimé retravailler sur « Feast » ?

J. T. : Il y a beaucoup d’éléments notamment graphiques. Il y a aussi cette idée d’utiliser les outils informatiques pour d’autres buts que ce pour quoi ils ont été conçus. Patrick voulait vraiment mettre le développement graphique original de son histoire en avant et on a tenté de rester fidèle à ce principe. D’autres films le font, mais ici, le développement graphique devient l’inspiration première du film, ce qui est assez rare. C’est une idée qui vient de « Pets ».

P. O. : On a aussi utilisé des idées issues de la mode et du type de photographie moderne qu’elle produit. On a fait venir un photographe spécialisé en publicité alimentaire qui nous a expliqué quelle lumière rendait la nourriture appétissante. La principale idée graphique que je souhaitais utiliser est que la lumière sculpte les objets mais influence aussi les sentiments liés à ces objets.

Une autre inspiration extérieure nous est venue d’un travail qu’on a fait sur les split-screen, qu’on a répertorié dans les films, avec ou sans musique. Par exemple, on est arrivé à la conclusion que sans musique, on trouvait que le personnage était mieux mis en valeur.

K. R. : Pour revenir à l’aspect visuel du film il faut se rendre compte que les outils utilisés pour « Feast » sont les mêmes que ceux utilisés pour « Big Hero 6 », le long-métrage qu’il accompagne. L’aspect visuel est complètement différent d’un film à l’autre, voire radicalement opposé. « Big hero 6 » est un film très lisse où le trait est invisible. L’univers visuel de « Feast » est bien plus rugueux. L’association des deux fonctionne d’autant mieux par contraste. Ce n’est pas une question d’outils mais une question d’artistes.

Comment avez vous choisi de faire chaque coupe du film en flou au début de chaque plan ? Etait-ce pour donner une réelle consistance au temps qui passe dans « Feast » dont l’histoire se déroule sur plusieurs années ?

P. O. : Il y a l’idée du passage du temps, c’est vrai, mais aussi le fait que le chien parcourt des lieux différents. Je me suis alors rendu compte que ça allait trop vite pour le spectateur qui doit bouger ses yeux trop rapidement et manque la performance d’acteur que je voulait justement mettre en avant.

Pour donner l’impression que cette performance est saisie en une fois, nous avons eu un seul animateur pour animer toute cette longue séquence. Il a donc choisi de lier les arrière-plans afin d’aider le spectateur à suivre l’action. Ça prendrait trop de temps sinon, pour qu’à chaque décor, le spectateur s’y retrouve sans perdre de vue le personnage principal. Chaque décor remettant à zéro les possibles, on a préféré une transition douce qui, à nouveau, va dans le sens d’une seule performance d’acteur pour le chien, le personnage que l’on suit en premier dans le film. On insiste ainsi également visuellement sur la gradation, car dans cette première séquence, le chien apprécie la nourriture de plus en plus.

K. R.: Au niveau pratique, le court-métrage dure 6 minutes pour 60 plans. La plupart des plans durent 3 à 4 secondes. C’était donc un souci constant de ne pas perdre le spectateur.

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Comment avez-vous travaillé le soundesign ?

K. R. : On a utilisé la musique au début du film, comme tout les autres outils, pour indiquer le temps qui passe. Il y a une chanson des années 1990, une mélodie bien différente plus tard et l’idée est de colorer chaque scène d’une atmosphère qui lui est propre. L’idée est d’amener le spectateur à regrouper les éléments de l’histoire lui-même. Normalement, surtout chez Disney, la musique indique quoi penser, mais ici, elle incite le spectateur à penser par lui-même.

Comment définiriez-vous dans votre travail la limite entre le style et la description de la réalité?

J. T. : C’est vraiment une question compliquée. Quand nous travaillions sur « Paperman », John Lassetter (NDR : Fondateur de Pixar, réalisateur de « Toy Story » et actuel directeur de Walt Disney Animation Studios) a dit quelque chose qui m’a marqué : « Quand le style vient se mettre entre l’histoire et le spectateur, il devient superflu. » Il arrive que le style fasse obstacle à ce que vous essayez de dire, qu’il se suffise à lui-même. Cela arrive quand vous saisissez mal les contours de votre histoire. C’est là qu’il faut faire le choix douloureux de lier votre style à votre histoire. Et on arrive, du coup, à des réflexions comme : « Cette texture ne fonctionnera pas pour la scène ». Il faut donc ne garder que les éléments de style utiles à ce que vous avez à dire.

Patrick et Josh (le responsable effets visuels) me disent souvent que je vais trop loin. Je leur fais confiance, Kristina est aussi un bon garde-fou. À vrai dire, cette question n’a pas de réponse individuelle mais c’est un questionnement collectif permanent pour trouver ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.

Propos recueillis par Georges Coste

8 balles de Frank Ternier

Après la Quinzaine des Réalisateurs en mai dernier et avant le Festival de Clermont-Ferrand début 2015, « 8 balles », était ces jours-ci en compétition officielle au Festival du Film de Vendôme. Il s’agit du dernier court-métrage d’animation de Frank Ternier.

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Gabriel a 36 ans, exilé pour affaires il vit à Taïwan, dans la petite ville de Taipei. Depuis six mois exactement, il est obnubilé par une odeur de poisson frit qu’il traque sans répit. Cette odeur appartient a un homme que le protagoniste connait bien, puisque celui-ci l’a agressé, le laissant pourvu d’un trou de 45 millimètres dans le crâne, et a tué des membres de sa famille. Nous suivons notre héros dans une chasse à l’odeur, chasse à l’homme surtout, bien décidé à cicatriser une douleur psychique et organique qui le ronge.

L’espace narratif se pose sous la forme d’un récit radiophonique. L’homme se raconte au présent, tandis qu’un duo de voix-off (une femme et un homme) narre l’action et cristallise l’état interne obsessif du personnage, sous forme d’auto-interrogations, de doutes sans fin et de répétition de mots.

À cette pluralité narrative, s’ajoute la petite fille de Gabriel. Âgée de 8 ans, elle est le troisième personnage du film, ou second selon les interprétations, et est un témoin rapporteur de la déresponsabilisation progressive du père. Ayant perdu tout forme de raison, celui-ci atteint un point de non retour qui n’est pas sans concessions sur sa vie réelle : au contact de l’effluve, il finit par laisser sa fille seule faire le chemin de l’école, négligeant même, et ce non sans une grande culpabilité, d’aller la chercher.

Le processus de quête prend forme mais les réponses post-traumatiques submergent Gabriel de flash-back intrusifs desquelles émanent une intense sauvagerie. Arrivera t-il une fois pour toute à mettre un terme à tout ce fiasco ? Rien n’est moins sûr…

À l’initiative du collectif « Idéal Crash » avec qui il a réalisé ce film, Frank Ternier développe un huis-clos atemporel dans un univers graphique où se confondent les techniques d’animation et d’arts plastiques telles que le dessin, la peinture, l’encre de chine, la vidéo, la 3D ou encore le collage. La bande originale, composée par Fréderic Duzan, aussi connu sous le nom de Zed, progresse entre musique ambient et électro-acoustique, développant avec éloquence une atmosphère subversive et oppressante.

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Si pour certains, le scénario pourra avoir des airs de déjà-vu et un côté trop simpliste, d’autres trouveront qu’avec ce court-métrage, Frank Ternier développe un drame sans traitement homérique, davantage porté sur les aspects réalistes d’une expérience de traumatisme, en y subordonnant les thèmes du deuil et de la vengeance. Aussi photographe, motion designer et graphiste, il met à l’honneur les pratiques « cross-over », l’occasion d’innover, sans cesse, la notion même de créativité. Résolument contemporain et esthétique, sans jamais être trop lisse, l’univers du vidéaste, a ce petit quelque chose d’aventureux et d’émancipé qui valorise les ambitions libertaires du cinéma d’animation.

Lola L’Hermite

Article associé : l’interview de Frank Ternier

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Post-it de rappel, Soirée Format Court demain soir !!

Ce vendredi 19/12, à l’occasion du Jour le plus court, le magazine en ligne Format Court, spécialisé dans le court métrage, vous invite à découvrir 100 ans de cinéma (1916-2014) à travers 8 films éclectiques & incontournables (« L’Amour existe » de Maurice Pialat, « Balloonland » de Ub Iwerks, « Eût-elle été criminelle » et « 200 000 fantômes » de Jean-Gabriel Périot, …).

La séance Format Court aura lieu, comme d’habitude, au Studio des Ursulines (Paris, 5e), à 20h30 et sera suivie d’une rencontre avec l’équipe de « Journée d’appel » de Basile Doganis, en sélection au Festival de Clermont-Ferrand 2015). Venez rencontrer à cette occasion Basile Doganis (réalisateur), Mohamed Ghanem (comédien), Judith Chalier (directrice de casting) et Virginie Cheval (scripte).

Infos, programmation : ici !

Entrée : gratuite ! Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com

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Lila Pinell et Chloé Mahieu. Portraits documentaires, personnages extrêmes & obsessionnels

Lila Pinell et Chloé Mahieu sont deux jeunes documentaristes qui travaillent en binôme depuis 5 ans. À l’occasion du dernier festival de Vendôme, elles sont revenues sur leur projet Boucle Piqué.

Ce moyen-métrage de 40 minutes suit un groupe de jeunes filles en stage intensif de patinage artistique et dresse le portrait de leur entraîneur, Xavier. Cet homme à la voix fluette ne laisse passer aucune erreur, poussant les jeunes stagiaires à bout pour les mener jusqu’à la victoire en compétition. Avec ce film, les réalisatrices nous montrent un milieu en apparence bon enfant avec en toile de fond un arrière-plan extrêmement violent.

Cette violence, on la retrouvait déjà dans leur premier documentaire sur des jeunes catholiques intégristes, Nos fiançailles. Ce film exposait les pratiques et coutumes d’une jeune fille quelques temps avant ses fiançailles, entre préparation religieuse devant un prêtre et participation aux manifestations extrémistes avec d’autres jeunes.

 

Format Court vous propose de retrouver l’interview de Lila Pinell et Chloé Mahieu, deux documentaristes prometteuses, prête à chambouler l’ordre social en mettant en exergue des milieux mé (ou mal) connus de tous.

Texte : Zoé Libault

Entretien, montage : Zoé Libault

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B comme Boucle Piqué

Fiche technique

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Synopsis : Un stage de patinage artistique, à la montagne, en été. Les jeunes adolescentes qui y participent sont toutes des championnes. Les rivalités et les sentiments émergent, et lorsque la discipline s’intensifie, les filles inventent des chorégraphies pour s’échapper.

Réalisation : Chloé Mahieu, Lila Pinell

Genre : Documentaire

Durée : 39′

Année : 2014

Pays : France

Image : Thomas Bataille

Son : Chloé Mahieu, Lila Pinell

Montage : Emma Augier

Production : Capricci films

Article associé : l’interview de Chloé Mahieu et Lila Pinell

Hors Autoroute de Rhona Mühlebach

Sélectionné au Poitiers Film Festival et primé à deux reprises cet été à Locarno (Prix Action Light du meilleur espoir Suisse & Prix Cinema e Gioventù), le court métrage suisse « Hors Autoroute », réalisé par Rhona Mühlebach pour son bachelor à l’Ecole Cantonale d’Art de Lausanne (ECAL), relate les péripéties d’un couple à la dérive au milieu de paysages montagneux. Née en 1990, Rhona Mühlebach a également réalisé deux autres courts, « Ferien » et « Schwesterherz » en 2013.

Roman et Linda, hormis leurs verres de bloody mary, n’ont plus grand chose à partager. Partis ensemble à vélo pour se balader dans les montagnes suisses, ils ne vont cesser de se déchirer, jusqu’à se séparer, ne supportant plus la stagnation dans laquelle s’embourbe leur relation.

Lors du visionnage, la splendeur implacable des paysages traversés est frappante. Véritable « bol d’air frais » visuel, celui-ci ne suffit cependant pas aux deux personnages qui font leur randonnée chacun de leur côté, ne daignant jeter un coup d’œil qu’à celui des deux qui avance le moins rapidement. Le spectateur ne peut rester de marbre lorsqu’il voit Roman, déjà peu en forme, s’essouffler sur son vieux vélo dans une côte pentue tandis que sa compagne Linda chemine tranquillement vers le camping aux commandes de sa bicyclette électrique. La force de ce court métrage émane également de l’évolution de la relation entre les deux personnages, souvent séparés volontairement par les événements malgré leur virée en « amoureux », mais s’obstinant toujours à se retrouver, malgré une relation qui bat sérieusement de l’aile. Roman dort dans un autre camping, trop fatigué pour continuer et se ressource auprès d’un jeune couple russe tandis que Linda se morfond de son côté dans un autre lieu dans les hauteurs. Ils se retrouvent, se lancent des reproches puis repartent malgré tout ensemble.

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Le soir, dans un hôtel, Linda se fait aborder par le réceptionniste et tente de rendre jaloux Roman, sans succès, ce dernier étant trop occupé à converser avec des motards. Elle se saoule et lui rétorque qu’il l’ennuie profondément. Arrivés au sommet, ils regardent pour la première fois la nature sauvage les entourant, en silence, puis Roman continue seul l’ascension tandis que Linda, sur son vélo électrique, repart de son côté. Face au manque de communication et cette stagnation, les deux personnages ont finalement décidé d’agir.

Un joli court aux personnages non moins attachants, rythmé en grande partie par des plans fixes, exprimant toujours justement la solitude et l’ennui de chacun.

Camille Griner

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H comme Hors autoroute

Fiche technique

Synopsis : Boire des bloody mary est la seule chose qui leur reste en commun. Roman et Linda partent à vélo pour une virée dans les montagnes. Leur sortie sera plus compliquée que prévu.

Genre : Fiction

Durée : 21’

Pays : Suisse

Année : 2014

Réalisation : Rhona Mühlebach

Scénario : Rhona Mühlebach

Image : Benjamin Dobo

Montage : Baptiste Ribrault

Interprétation: Andrea Zogg, Charlotte Heinimann, Marina Grankova, Robert Baranowski, Cédric Leproust

Son : David Puntener

Production : ECAL

Article associé : la critique du film

L’Étrange Festival : retour sur les programmes de courts 2 et 4

Source intarissable de films déviants et hors-norme, la sélection de courts métrages de la vingtième édition de l’Etrange Festival comptait pas moins de 45 films répartis sur 5 programmes. Voici un petit aperçu des films marquants des programmes 2 et 4, avec notamment les aventures d’un sosie d’Hitler, le chanteur Christophe en panne d’inspiration, une version post-industrielle de La Havane, mais aussi les deux films primés lors de cette édition : « Sequence » et « Pony Place ».

Programme 2

Sequence de Carles Torrens (États-Unis)

Imaginez-vous qu’en vous réveillant un matin, tout le monde vous regarde de travers, avec une expression de dégoût sur la bouche, vous accusant d’avoir souillé leurs rêves avec des actions perverses et obscènes. C’est sur cet excellent pitch que démarre « Sequence », Prix du Public à l’Etrange Festival 2014, narrant la descente aux enfers d’un jeune homme qui devient le jouet d’une malédiction passagère, et par conséquent le bouc émissaire de toute la planète.

Rythme soutenu, mise en scène ingénieuse, « Sequence » place le spectateur par identification inévitable avec le personnage principal accusé de maux dont il n’a pas souvenir/conscience, dans une position de paranoïa digne d’un épisode de la « Quatrième Dimension ». Malin et ludique, le film se permet un décrochage gore très graphique en fin de métrage (inspiré du film « Society » de Brian Yuzna), quand il advient que le jeune homme a rompu la malédiction et que c’est sa voisine qui en hérite à son tour.

Pony Place de Joost Reijmers (Pays-Bas)

Lauréat du Grand Prix Canal + 2014, le film néerlandais « Pony Place » parle de la confrontation d’un couple de retraités face à la technologie moderne. Leur petite fille, Emma, passe son temps sur sa tablette, continuellement absorbée par un jeu vidéo qui consiste à développer une ferme virtuelle. Alors qu’elle doit se séparer de cette tablette sur ordre de ses parents, ses grands-parents se retrouvent à maintenir l’essor de cette « ferme » virtuelle, sans rien connaître aux jeux vidéo.

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Malgré de nombreux moments caustiques, notamment dans la disparition progressive des poneys de la petit fille par manque d’adresse au jeu, « Pony Place » reste un film léger qui utilise habilement le comique de situation. C’est une histoire d’apprentissage et de « domptage » entre deux générations et deux conceptions différentes de la vie. Une oeuvre sage qui aurait mérité un peu plus de mordant dans son traitement.

Programme 4

Chigger Ale de Fanta Ananas (Éthiopie)

Remportant largement la palme de l’ovni cinématographique de la sélection, « Chigger Ale » suit l’évolution d’un étrange sosie d’Hitler au milieu d’une taverne fort fréquentée, à ce détail près que l’action se situe en Ethiopie (Addis-Abeba) et que le sosie en question est noir, petit, mal dans sa peau et à l’étroit dans son costume. Moqué et pris en pitié par ses compatriotes, alors qu’il souhaiterait être plutôt craint, ce petit homme pathétique va tout faire pour être plus respecté.

Extravagant, empreint de surréalisme, « Chigger Ale » aligne les séquences absurdes, comme par exemple le sauvetage inopiné du sosie en fin de film, par sa « mère » nazie au volant d’une voiture/vaisseau qui le ramène dans l’espace, là où est sa vraie place… Un film qui, derrière son humour ravageur, se permet de réfléchir sur les germes de la haine avec moulte distance, mettant en exergue la solitude, la tristesse, la frustration et le sentiment de non appartenance à une communauté comme facteurs de fabrication d’idées haineuses.

Habana d’Edouard Salier (France)

« Habana », la nouvelle oeuvre du très talentueux Edouard Salier, magicien du compositing et du motion design, prend place à La Havane, dans un futur proche très industrialisé, où s’affrontent faction armée et guerrilleros semi-caïds, semi-révolutionnaires. Dans une forme documentaire proche du reportage sur le vif, nous y suivons Lazaro, jeune résistant du ghetto, qui nous invite à pénétrer l’envers du décor de ce monde miséreux et désespéré.

Visuellement flamboyant grâce à de subtils effets qui créent tout un décorum plus vrai que nature, « Habana » impressionne par sa mise en scène ample, moderne et enlevée, mais aussi il déçoit, car son histoire se révèle au final trop convenue par rapport à l’ambition affichée et à l’univers développé. Le film dérive dans son dernier acte sur le film d’horreur fantastique à base de manipulation génétique et perd un peu de son intérêt au niveau du propos politique et social. L’idée d’une arme mortelle, créée de toute pièce et échappant au contrôle de ses créateurs, n’est pas mauvaise en soi dans le contexte du film, mais l’histoire se terminant là, elle ne se retrouve pas du tout développée et est source de frustration.

Malgré une légère déception, « Habana » reste d’une beauté sidérante pour l’une des premières incursions de Salier dans la fiction pure (il a réalisé plusieurs clips en images réelles, dont celui de Scratch Massive et Koudlam) et donne envie de le voir évoluer sur un format plus long et une histoire plus aboutie.

Juke-Box d’Ilan Klipper (France)

Venu du documentaire, Ilan Klipper a souhaité pour son premier court métrage, « Juke-Box », dresser le portrait de Daniel, un chanteur déchu, en proie au doute, essayant par tous les moyens de créer, même s’il doit pour cela se fermer du reste du monde et errer dans un univers de solitude et de pénombre.

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Interprété au couteau par le chanteur Christophe, qui apporte tout son vécu au personnage, le film joue sur l’ambiguïté entre la fiction et le réel, et suscite un malaise palpable, créant une empathie immédiate pour cet homme, dont on se retrouve à pénétrer l’intimité la plus secrète. Ambiance étouffante, situations pesantes, relations compliquées avec l’extérieur, le film se permet une éclaircie libératrice sous la forme d’un décrochage poétique et lyrique, quand Daniel/Christophe arrive enfin à écrire une chanson et à la chanter. Beau et trivial, lumineux et trouble, « Juke-Box » est une belle réflexion sur la difficulté de la création artistique et son impact sur la vie matérielle.

Territoire de Vincent Parronnaud (France)

Nouveau film très attendu de Vincent Parronnaud (aka Winshluss), qui présentait également le court métrage d’animation « Smart Monkey », en ouverture de festival, « Territoire » fêtait sa première diffusion à l’Etrange Festival. Le film raconte l’histoire d’un berger solitaire du Béarn qui va devoir porter secours à une jeune femme sans défense, attaquée par une troupe de parachutistes de l’armée venus s’entraîner en montagne, et transformés à leur insu en une meute avide de monstres enragés.

Film de genre classique de belle facture, « Territoire » est une variation autour du film de zombies (un peloton de l’armée ayant subi des expériences et se retrouvant infecté) et du western (un héros solitaire un peu bourru, venant en aide à la veuve et l’orphelin), une oeuvre hybride qui tente de lier le film d’horreur au folklore français. Seulement, le film pêche un peu par un manque d’originalité dans son récit, qui n’exploite pas assez le contexte de l’époque dans lequel il s’inscrit (1957, Guerre d’Algérie) et qui se révèle être sans grande surprise, malgré un lieu de choix très cinématographique pour l’action, à savoir les montagnes impressionnantes des Pyrénées. Avec ce film, Winshluss continue à réfléchir sur la violence sauvage de l’être humain, certes de manière plus conventionnelle, mais toujours en cherchant et développant ses propres obsessions thématiques au sein de genres très différents.

Julien Savès

Articles associés : L’Étrange Festival : retour sur le programme de courts 5 & les programmes de courts 1 et 3

Musique et Cinéma, ce soir au Grand Action !

Vous aimez la musique et le cinéma ? Vous cherchez une activité intéressante à faire ce mercredi soir à Paris ?

L’École de la SRF vous invite ce 17 décembre 2014 à 20h au Cinéma le Grand Action à une rencontre « Musique et Cinéma » avec Céline Sciamma et Para One pour » Bande de filles », Claire Burger et Low Entertainment pour « Party Girl ». La rencontre sera animée par Thierry Jousse et suivie d’un cocktail.

Entrée libre mais RSVP INDISPENSABLE à hrosiaux@la-srf.fr

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Clermont-Ferrand 2015, la sélection internationale

Pas moins de 79 films seront en compétition internationale au prochain Festival de Clermont-Ferrand. Après les sélection labo et nationale, découvrez les titres retenus dans cette section prisée des festivaliers. Bonne info : les nouveaux films d’Olivier Smolders (Belgique), Jens Assur (Suède), Umesh Kulkarni (Inde) et Olga Pärn et Priit Pärn (Estonie, Canada) font partie de ce gros programme.

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Films sélectionnés

– A Million Miles Away de Jennifer Reeder (Etats-Unis)
– A Single Life de Job Roggeveen, Joris Oprins et Marieke Blaauw (Pays-Bas)
– A Warm Spell de Toshimichi Saito (Japon)
– The Beaten Path de Phurba Tshering Lama (Inde)
– Beauty de Rino Stefano Tagliafierro (Italie)
– Beeke de Charlotte Rolfes (Allemagne)
– The Bigger Picture de Daisy Jacobs (Royaume-Uni)
– Birthday in Chongqing de Yichuan Hu (Chine)
– The Bravest, the Boldest de Moon Molson (Etats-Unis)
– The Call de Zamo Mkhwanazi (Afrique du Sud)
– Completo de Ivan D. Gaona (Colombie)
– El Corredor de José Luis Montesinos (Espagne)
– County State USA : Sweet Corn de Jonathan Nowak (Etats-Unis)
– Crocodile de Gaëlle Denis (Royaume-Uni)
– Cuentos excepcionales de un equipo juvenil femenino. Capiitulo I : Las Aracnidas de Tom Espinoza (Argentine, Venezuela)
– De Smet de Wim Geudens (Pays-Bas, Belgique)
– Deep Space de Bruno Tondeur (Belgique)
– Démontable de Douwe Dijkstra (Pays-Bas)
– Dinner For Few de Nassos Vakalis (Grèce, Etats-Unis)
– Fan Fan de Chia-Hsin Liu (Taiwan)
– The Fish that Drowned de George Sikharulidze (Géorgie, Etats-Unis)
– Fuligem de David Doutel (Portugal)
– Futile Garden de Ghazaleh Soltani (Iran)
– Grace Under Water d’Anthony Lawrence (Australie)
– Guilty de King Fai Wan (Chine, Hong-Kong)
Guy Moquet de Demis Herenger (France)
– Hipopotamy de Piotr Dumala (Pologne)
Hjonabandssaela de Jörundur Ragnarsson (Islande)
– Hole de Martin Edralin (Canada)
– Hosanna de Young-Kil Na (Corée du Sud)
– Hot Nasty Teen de Jens Assur (Suède)
– Inspection de Gala Sukhanova (Russie)
– Interior. Familia. de Gerard Quinto, David Torras et Esteve Soler (Espagne)
Irène d’Alexandra Latishev (Costa Rica)
– Izlaz U Slucaju Opasnosti de Vladimir Tagic (Serbie)
– Ja vi elsker de Hallvar Witzo (Norvège)
– Jane’s Wedding de Cole Stamm (Philippines)
– Jour J de Julia Bünter (Suisse)
– Last Trip Home de Fengyu Han (Singapour)
– La Légende Dorée d’Olivier Smolders (Belgique, France)
– Lystopad de Masha Kondakova (Ukraine)
– Makkhi d’Umesh Kulkarni (Inde)
– Maryam de Sidi Saleh (Indonésie)
– Minsu Kim In Wonderland de Chan-Yang Shim (Corée du Sud)
– Modernidad de Roberto Barba Rebaza (Pérou)
Moul Lkelb (L’homme au chien) de Kamal Lazraq (Maroc, France)
– Nieprawdopodobnie Elastyczny Cztowiek de Karolina Specht (Pologne)
– Nino de metal de Pedro Garcia-Mejia (Mexique, Colombie)
– No Free Lunch de Leeron Revah (Israël)
– The Nostalgist de Giacomo Cimini (Royaume-Uni, Angleterre)
– Not Working Day de Shijie Tan (Singapour)
– L’Offre de Moïra Pitteloud (Suisse )
– Oh Lucy ! d’Atsuko Hirayanagi (Japon, Singapour, Etats-Unis)
– Parking d’Ivaylo Minov (Bulgarie, Royaume-Uni, Angleterre)
– Père de Lotfi Achour (Tunisie, France)
– Peregon de Ruslan Akun (Kirghizstan)
– Perrault, La Fontaine, Mon Cul ! de Hugo P. Thomas, Ludovic Boukherma et Zoran Boukherma (France)
– Persefone de Grazia Tricarico (Italie)
– Pilots on the Way Home d’Olga Pärn et Priit Pärn (Estonie, Canada)
– Port Nasty de Rob Zywietz (Royaume-Uni, Angleterre)
– Prends-moi d’André Turpin et Anaïs Barbeau-Lavalette (Canada, Québec)
– Rabie Chetwy de Mohamed Kamel (Egypte)
– Return de Ryan Heron (Nouvelle-Zélande)
– Ricsi de Gabor Hörcher (Hongrie)
– Roadtrip de Xaver Xylophon (Allemagne)
– Rodlos de Kira Richards Hansen (Danemark)
– Salers de Fernando Dominguez (Argentine)
– Samantha de Francisco Rodriguez (Chili)
– Sem Coraçao de Tiäo et Nara Normande (Brésil)
– Smile, and the World Will Smile Back d’Abdelkarim Al-Haddad, Ehab Tarabieh, Yoav Gross, Diaa Al-Haddad et Shada Al-Haddad (Israël, Palestine)
– Somewhere Down the Line de Julien Regnard (Irlande)
– Sthorzina de Radu Mihai (Roumanie, Macédoine, Serbie)
– That Day of the Month de Jirassaya Wongsutin (Thaïlande)
– Thread de Virginia Kennedy (Malaisie)
– Till Day’s End d’Amitai Ashkenazi (Israël)
– Une idée de grandeur de Vincent Biron (Canada, Québec)
– Las Ventanas de Maryulis Alfonso Yero (Cuba)
– Vicenta de Carla Valencia (Equateur / Animation)
– Zarautzen erosi zuen d’Aitor Arregi (Espagne)

Films en ligne : 32 courts-métrages du GREC à (re)voir !

Belle initiative que celle du GREC (Groupe de Recherches et d’Essais Cinématographiques) qui met en ligne sur son site internet plus d’une trentaine de courts-métrages que la structure a produits.
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Ces dernières années, le GREC a été notamment associé au succès rencontré en festivals par deux films : « La Dame au chien » de Damien Manivel et « Tant qu’il restera des fusils à pompes » de Jonathan Vinel et Caroline Poggi qui a remporté l’Ours d’or lors de la Berlinale 2014. Mais depuis 1969, date de sa création, plus de 900 films ont été produits et nombre de cinéastes y ont débuté. Parmi les films disponibles en ligne on retrouve des grands noms de la cinématographique française actuelle : Alain Guiraudie, Laetita Masson, Arnaud des Pallières mais aussi des jeunes cinéastes venant de réaliser leur(s) premier(s) long(s) : Katell Quillévéré (« Suzanne »), Thomas Litli (« Hippocrate »), Hélier Cisterne (« Vandal ») et les espoirs de demain : Clément Cogitore ou Jean-Sébastien Chauvin. Une mine donc pour les cinéphiles de tous poils.

Amaury Augé

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Films du GREC disponibles en ligne

1. A bras le corps de Katell Quillévéré
2. L’arrière-pays de Safia Benhaim
3. Cendres de Paul Costes
4. Les choses rouges de Arnaud des Pallières
5. Chroniques de Clément Cogitore
6. Chroniques de guerre en Côte d’Ivoire de Philippe Lacôte
7. Crème et crémaillère de Rima Samman
8. Dahomey de Jean-Baptiste Germain
9. Dehors de Hélier Cisterne
10. Embrasser les tigres de Teddy Lussi-Modeste
11. Essai de reconstitution des 46 jours qui précédèrent la mort de Françoise Guiniou de Christian Boltanski
12. Far from Manhattan de Jacky Goldberg
13. Les filles de feu de Jean-Sébastian Chauvin
14. Les héros sont immortels de Alain Guiraudie
15. Hopla ! de Pierre Meunier
16. L’interview de Sylvain Roumette
17. Julien Blaine, l’éléphant et la chute de Marie Poitevin
18. Kamel s’est suicidé six fois, son père est mort de Soufiane Adel
19. La linea invisible de Lisa Diez Gracia
20. N’yaman’Gouacou, viande de ta mère de Laurent Sénéchal
21. Paris-ficelle de Laurence Ferreira Barbosa
22. Les petits bateaux de Laetitia Masson
23. Quelques heures en hiver de Thomas Lilti
24. Regardez-moi, je vous regarde de Brigitte Lemaine
25. Romaine un jour où ça va pas d’Agnès Obadia
26. Stridura de Ange Leccia
27. Tout doit disparaître de Jean-Marc Moutout
28. Une vie dans la journée d’Albert Cossery de Sophie Leys
29. Le voyage à Vezelay de Pierre Creton
30. White Spirit de Martine Deyres
31. Y penser sans cesse de Denis Cointe
32. Y’a du foutage dans l’air de Djamel Bensalah

Retour de flamme, l’intégrale éclairée

Pour eux, le temps est une poésie mais aussi une épreuve. Depuis plus de 20 ans, l’équipe de Lobster Films recherche, restaure, conserve et met en avant des fragments inédits de cinéma, depuis son invention en 1895 jusqu’à la fin des années 60. Ces films anciens tournés sur pellicule nitrate inflammable ont une durée de vie qui varie entre 80 et 90 ans, ce qui explique l’urgence à les sauver d’une décomposition inéluctable. Pour certaines copies, l’éphémère a déjà joué : les bobines sont rouillées donc inutilisables. Pour d’autres, même endommagées, le sauvetage peut par contre avoir lieu à temps.

Pour redonner vie à ces images, les membres de Lobster ont choisi de les faire partager de deux façons. En 1992, les films (courts pour la plupart) ont commencé à être projetés en salle, accompagnés au piano par Serge Bromberg, lorsqu’il s’agissait de sujets muets. Les séances Retour de flamme étaient nées. Dix ans plus tard, germa l’idée de lancer une collection DVD portant le même nom afin d’offrir également à domicile des raretés perlées d’antan. Depuis, six volumes et un coffret réunissant tous les films présentés dans les éditions précédentes sont sortis en l’honneur d’un cinéma inventif, malicieux et follement exquis. Aperçu de 15 titres  » lobsterisés », tous DVD confondus.

« Tulips shall grow » (animation Technicolor, USA 1942) : Dans un décor enchanteur et coloré, Jan rejoint de ses sabots pressés sa dulcinée, Janette, jolie locataire d’un moulin à vent. Ces deux-là s’aiment et se le disent par tulipes et gâteaux interposés. Soudain, le paysage s’assombrit et les cheveux se dressent sur les têtes de bois : une armée surgit, menaçante, et rase toute trace du bonheur d’antan (moulins, gâteaux, tulipes). Ciel ! Janette a disparu…

Réalisateur hongrois ayant fui le nazisme, George Pal est l’inventeur des « Puppertoons » liant les « puppets » et les « cartoons », ces marionnettes en bois animées filmées image par image en Technicolor. En 1944, il reçut un Oscar d’honneur pour ce genre double dont est issu « Tulips shall grow », remarquable regard sur la guerre et ses exactions.

« Mighty like a moose » (burlesque noir et blanc teinté, USA, 1926) : Ils sont mariés mais souffrent tous deux d’un défaut esthétique : lui, au niveau des dents, elle, au niveau du nez. Qu’à cela ne tienne : chacun de son côté se fait opérer en cachette. Méconnaissables, ils font connaissance en sortant de la clinique. L’amour les a repérés (patapouf). Que vont en penser les « vrais » conjoints ?

Cette comédie relevée est issue de la créativité d’un tandem prolifique : Charley Chase et Leo Mc Carey, associés à 45 reprises. Oublié aujourd’hui, le premier, tour à tour acteur, réalisateur et producteur, fut très populaire en son temps, discernable entre tous, par ses rôles de dandy séducteur à la tronche impayable (fine moustache, oreilles décollées, yeux facétieux, bouche pitre) assortie à des cheveux brillants de brillantine brillante.

Leo Mc Carey, lui, est notamment connu pour avoir été l’inventeur du duo Laurel et Hardy et le maître queux d’une certaine « Soupe au canard » servie en 1933 avec les survoltés Groucho, Harpo, Chico et Zeppo.

« Un Monsieur qui a mangé du taureau » (comique noir et blanc, France, 1935) : Après avoir dîné, un monsieur devient nerveux, enfonce des cornes sur sa tête et se rue sur tous ceux qui ont le malheur de croiser son chemin. La police demande des renforts à Madrid : rapidement, des toréadors sont dépêchés pour venir à bout du Monsieur qui a mangé du taureau…

Ce film irrésistible comporte plusieurs particularités fantasques : son histoire absolument cocasse, ses images muettes tournées en 1909, et l’insert d’un commentaire plus que fantaisiste en 1935. À quoi est due cette étrange mixité ? Certains films muets ont été sonorisés au moment des balbutiements du parlant, les tournages se révélant trop longs et compliqués. C’est le cas de ce film dans lequel le narrateur, un chansonnier connu dans les années 20 et 30 sous le pseudonyme de Bétove, livre une voix-off des plus extravagantes.

« Baisers volés » (noir et blanc et noir et blanc teinté, 1920) : « Cessez donc de me chatouillez ! « , « Vous êtes fou, John ! « , « Voyons, reprenez-vous mon ami. Que dira papa ? « , « Accrochez –vous, je vais vous faire perdre la tête », … Les sentiments muets au cinéma ? Tolérés, mais gare aux baisers.

La censure et le cinéma, une affaire intime. Devant ces baisers échangés dans les années vingt, la morale d’aujourd’hui n’aurait rien à redire, mais pour les censeurs de l’époque, ces scènes avaient bien eu un caractère « impudique » contraire aux bonnes valeurs morales. Perdues de vue, elles ont été retrouvées en 1997, près de Bruxelles, sur une bobine longue de 196 mètres. Leurs protagonistes peuvent désormais s’embrasser en toute tranquillité…

« Trois films de prévention du dessinateur O’Galop » (dessins animés, noir et blanc, France, 1918) : Comme le dit la chanson, « un petit verre d’alcool, c’est bien peu de choses ». Mais pris trop régulièrement, il peut avoir des effets ravageurs : provoquer des troubles de la vue, engendrer des enfants irrécupérables (« les enfants de l’alcool ») et mener à la prison ou à l’asile. L’alternative à cette noirceur : l’eau et la pratique du sport en plein air rendant fort et victorieux.

Au lendemain de la guerre, « Petites causes, grands effets », « Pour résister à la tuberculose » et « Le Circuit de l’alcool » ont fait partie d’une campagne de santé publique lancée en France. Marius Rossillon alias O’Galop, l’inventeur du pneumatique Bibendum Michelin, livra, à cette occasion, des inserts et des conclusions moralisatrices plutôt étonnantes dans le but de sensibiliser la population à l’alcoolisme et à la tuberculose.

« Le Cochon danseur » (comique noir et blanc, France, 1907) : Avec son smoking et son haut-de-forme, il a tout l’air d’un dandy sauf que dans la vie, c’est plutôt un cochon. Il offre un mouchoir à une jeune femme attirante qui n’en veut pas et qui le lui jette au museau. Finalement, elle se ravise, et lui ôte son petit haut. Ils se mettent à danser, main dans la patte.

Avant que le cinéma l’emporte sur le music-hall, celui-ci a formé au spectacle de nombreux comiques dont Chaplin, Keaton et les Marx Brothers. Sur d’autres planches et dans un contexte différent, ce numéro de Cochon danseur (daté de 1907) est un plan fixe de deux minutes, le montage et les angles de vue étant encore loin d’exister.

« Danse serpentine dans la cage aux fauves » (documentaire noir et blanc colorié au pinceau, France, 1900) : Découvrez un numéro exceptionnel de la ménagerie Laurent, avec des lions se ruant sur les murs et les parois de leur cage. Pour renforcer la tension, se trouvent à leurs côtés un dompteur ainsi que Mademoiselle Ondine, une danseuse qui par ses mouvements offre des ondulations à sa robe aux couleurs changeantes.

En 1892, Louis Fuller inventa aux Folies Bergères la danse serpentine dans laquelle les mouvements de bras se mêlaient à ceux des robes portées. Cette danse à la mode a donné lieu à différentes versions dont celle-ci, liée à un divertissement très populaire à l’époque : les fêtes foraines. Que ce soit pour le cinématographe naissant, les monstres de foire ou les numéros de bêtes sauvages, le public réclamait des attractions curieuses et sensationnelles. Dans le présent documentaire, les animaux côtoient des humains dont une danseuse à la robe magique grâce au coloriage au pinceau. Fantaisie garantie image par image derrière les barreaux.

« Les Femmes députées » (comique noir et blanc teinté, France, 1912) : Mesdames Dubois et Dupont se présentent aux élections des femmes députées. La campagne débute, les colleurs d’affiches et les électeurs prennent parti tandis que les tribunes s’improvisent dans la rue. Pendant ce temps, que font les maris ? Ils s’occupent plus ou moins soigneusement de la vaisselle et sortent avec leurs enfants retrouver les collègues également délaissés par leurs épouses pour la cause politique.

Daté de 1912, ce film de fiction évoque le militantisme des femmes, mais aussi la difficulté à ne pas y laisser des plumes de chapeaux lors des débats houleux à la Chambre. Pour rappel, en France, les femmes n’ont obtenu le droit de vote et d’éligibilité qu’en 1944 alors que leurs libertés avaient commencé à être réclamées par les suffragettes françaises en 1896 et par leurs consœurs britanniques en 1860.

« Les Gosses de la butte » (docu-fiction noir et blanc, France, 1916) : Ils ont reçu l’ordre du général Eugène de se préparer à un combat sans merci : tout à l’heure, ils entreront dans le chou de l’adversaire : la concierge du n°360 de la rue de Caulaincourt. Accompagnée de drapeaux, de chariots, de chiens et de munitions de toutes sortes, la parade se met en marche et passe à l’offensive, une fois arrivée à destination. Parbleu, l’ennemie est butée ! Vite, repli stratégique et évaluation des dégâts à l’infirmerie.

Mêlant documentaire et fiction, ce film court présente un Montmartre bien différent de celui d’aujourd’hui. Parsemé de champs et de moulins à vent, il permet, en pleine guerre, à une bande de gosses entreprenants d’imiter les grands hommes partis au front. À défaut d’Allemands, ce sont les concierges qui font les frais de leurs ardeurs belliqueuses.

« Arthème avale sa clarinette » (comique noir et blanc, France, 1912) : Arthème aime beaucoup sa clarinette jusqu’au jour où il l’avale. On ne le dit jamais assez : il faut toujours se méfier des instruments de musique…

Ce film très court frôlant les 4 minutes jouit de deux spécificités : il inclut des effets spéciaux étonnants (heureusement d’ailleurs, sinon ce pauvre Arthème aurait rudement mal à la gorge !) et il a fait l’objet d’une reconstitution image par image, les deux copies disponibles étant relativement endommagées.

« The Cook » (burlesque noir et blanc teinté, USA, 1918) : Un restaurateur emploie deux pitres dans son établissement : l’un à la cuisine (Fatty Arbuckle), l’autre en salle (Buster Keaton). Nul besoin de se soucier du contenu de la marmite ni de se demander où échoueront les commandes : ces deux énergumènes sont des professionnels même lorsqu’ils dégustent des spaghettis longs et collants !

L’intérêt de ce film, hormis ses facéties scénaristiques, tient évidemment à son casting et à sa date de réalisation. Pourquoi ? Quatre ans après « The Cook », Arbuckle, gloire du burlesque dans les années 10-20, est accusé du viol et du meurtre d’une starlette. Même si il est acquitté à trois reprises, sa carrière d’acteur est brisée. Qu’il est loin, le moment où un Keaton, prénom Buster débutait en tant que second rôle à ses côtés…

« Amour et publicité » (comédie noir et blanc, France, 1932) : Dans une vitrine d’un grand magasin, les mannequins ont été écartés au profit des humains aux visages et aux corps plus expressifs. Selon le règlement, on a le droit de dévoiler ses jambes, de chanter, de se marier devant Monsieur le Directeur, d’aller au bal et de recevoir son amant. Oui, mais est-on heureux pour autant ?

Bien avant la toute puissance de la télé-réalité, il y a eu « Amour et publicité » qui combinait déjà surexposition, voyeurisme et marketing. À noter que ce genre de comédie faisait office d’avant-programme dans les salles de cinéma.

« Excursion dans la lune » (féerie en noir et blanc coloriée au pochoir, France, 1908) : Un beau jour, les hommes eurent une toquade et décidèrent d’aller sur la lune. Dans cette optique, ils construisirent une fusée, rencontrèrent les autochtones (les lunatiques ou les lunaires ?) et enlevèrent la fille du seigneur local. L’excursion fut une réussite, leur caprice fut une succession de tableaux.

Segundo de Chomon, pionnier du cinéma espagnol et réalisateur d’« Excursion dans la lune », s’est clairement inspiré de son maître Méliès et de son « Voyage dans la lune » (1902). Sa balade se veut féerique (ah, les beaux effets spéciaux), muette et coloriée au pochoir, avec une petite différence toutefois par rapport à la version originelle : les yeux de l’astre demeurent intacts.

« Post no bills » (burlesque noir et blanc, USA, 1923) : Avoir un associé n’est pas de tout repos, surtout quand celui-ci est un incapable. Comment inciter au travail un homme qui commence tard et finit tôt, n’a rien de mieux à faire que draguer la caissière et donner des coups de pieds au derrière de la collectivité ? En l’obligeant à coller des affiches dans la ville, même si il a une conception particulière de cette mission.

Cette comédie relevée est portée par le fantaisiste James Parrott. Frère cadet de Charley Chase, il commença sa carrière au cinéma grâce à son aîné qui le fit entrer dans les studios Hal Roach en tant que scénariste et figurant sur les films de Stan Laurel et Harold Lloyd. En 1922, James écrivit et joua sur un autre registre, « The Paul Parott Comedies », sa propre série dont est extrait « Post no bills ».

« The Pest » (burlesque noir et blanc, USA, 1923) : Vainement, il tente de vendre la vie de Napoléon, seulement, les personnes qu’il rencontre sur son chemin ne sont pas vraiment conciliantes à l’égard de sa tactique d’approche et de son discours commercial. Pourtant, il s’accroche, et lorsqu’il fait la connaissance d’une jeune femme charmante harcelée par son propriétaire, il prend les devants. Un combat légitime, un ennemi farouche, une occasion de passer pour un héros ? Voilà qui est bonapartiste à souhait.

Issu du music-hall, Stan Laurel fit ses armes humoristiques en 1908 dans la troupe de Fred Karno aux côtés de Charlie Chaplin avant de s’essayer dix ans plus tard au cinéma. Réalisé en 1928, « The Pest » fait partie des « Stan Laurel Comedies », ces courts métrages burlesques produits par Guilbert Anderson, dans lesquels sont déjà présents la maladresse, l’incompréhension, l’innocence, l’absurde et le mime de celui qui s’associera plus tard avec un certain Oliver Hardy.

Katia Bayer

Coffret Retour de flamme : l’intégrale – 6 DVD (Lobster Films)

Article paru sur Cinergie.be