A Living Soul d’Henry Moore Selder

Un film-cerveau

Le court métrage fantastique a son festival, Court Métrange (Rennes), et cette année, ses invités suédois semblaient partants pour traiter, chacun à leur manière, une question philosophique très actuelle sur les limites de l’être humain au moment même où la science rejoint la fiction.

Lars Lundström, Président du jury y avait répondu en réalisant la série « Real Humans », diffusée sur Arte et décrivant un monde où des « presque humains », des robots, cherchaient une place dans la société. Henry Moore Selder, réalisateur du film « A living soul », lauréat du Prix Format Court, y apporte une autre réponse.

Il y décrit les pensées et la vie d’un être humain lambda, ici appelé Ypsilon, réduit à son seul cerveau, enfermé dans un bocal au sein d’un laboratoire aux allures de mouroir aseptisé et brillant. Il tombe sous le charme d’une technicienne de laboratoire, Emma (Excellente Louise Peterhoff, vue justement dans « Real Humans ») et réussit à entrer en contact avec elle. Comment, dès lors, vivre un amour sans corps et au travers d’un contact ténu ?

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Ypsilon est véritablement « Une âme dans un bocal », selon le titre du roman de Per Christian Jersilde (encore un suédois) ayant servi de base au film. Partant du monologue intérieur du livre, Henry Moore Selder construit un huis clos en un seul point de vue subjectif. Ypsilon étant à la merci physique des éléments de son entourage, il ne véhicule, en bon cerveau, que de la pensée. Aussi, à intervalles réguliers, des éléments insolites surgissent, venant perturber le cours de la narration, comme autant de rêves éveillés pour Ypsilon et le spectateur. Ils en deviennent parfois proprement imprévisible et même loufoque quand ils ne sont pas tout simplement drôles. Difficile de ne pas être surpris par exemple quand le film nous montre un œil scrutateur vissé dans les fesses d’un chien ou une main coupée cavaleuse digne de « La Famille Adams ».

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Entre minimalisme formel et réseau de références sophistiquées un brin cryptiques, « A living soul » pose Ypsilon comme une sorte de spectateur minimal. Il ne voit pas en trois dimensions, il ne lui reste qu’un oeil, et il ne peut entendre qu’au travers de son bocal rempli d’eau. Ce bocal, c’est un peu sa salle de cinéma à lui, d’où il observe le monde.

Alors que l’on pense à « Johnny s’en va t’en guerre » (un film de 1971 réalisé par Dalton Trumbo, scénariste controversé, entre autres de Stanley Kubrick) et à son homme-tronc, survivant de la première guerre mondiale, voyageant dans ses souvenirs, le film cite explicitement des éléments issus des standards de la science-fiction. On y croise le stylo en apesanteur de « 2001, L’Odyssée de l’espace », les lunettes d’ « Invasion Los Angeles » de John Carpenter en passant par des plans entiers sortis de « Robocop » jusqu’à la musique classique agrémentée de synthétiseur modulaire, comme celle de Wendy Carlos dans « Orange Mécanique ».

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Tout en avançant la belle idée que l’amour et le rêve sont les seuls traits purement humains « A living soul » s’offre le luxe de nous parler du rapport aux machines, de télépathie et surtout de handicap. Avec une grande intelligence autant sonore que visuelle, il reprend les questions philosophiques posées par le livre dont il est issu. Il ne vous suffit plus qu’à le découvrir…

Georges Coste

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