Tous les articles par Katia Bayer

L. H. d’Adam Sedlák

« Merde alors ! » Voilà ce qui nous traverse l’esprit lorsque l’on découvre la scène de crime au début de « L. H. » : les toilettes d’une université dont les murs de faïence blanche ont été recouverts d’une impressionnante couche d’excréments. Par qui ? Le mystère sert de point de départ à ce film d’école tchèque pour dresser un état des lieux peu reluisants mais cocasse de son pays. Et oui, cette situation improbable est « inspirée d’une histoire vraie ».

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L. H. : « Lord Hoven », le Seigneur du Caca. C’est ainsi que se fait appeler le vandale. L’inspecteur Arnõst est dépêché à l’université par son supérieur pour faire la lumière sur cette affaire. Le policier est à sa place au milieu des étudiants : gringalet vêtu en jean/t-shirt et roulant à vélo, Arnõst a toujours l’air d’un adolescent.

Son enquête sort de l’ordinaire mais elle est traitée tout à fait sérieusement, avec une telle gravité que cela en devient drôle : il faut voir Arnõst, imperturbable, relever des indices dans les toilettes maculées, analysant la consistance des excréments du coupable pour en déduire son régime alimentaire, à la manière d’un épisode des « Experts » coprophile. De façon tout aussi pince-sans-rire, le court-métrage reprend les conventions du film policier. Comme un serial killer et son profiler, Lord Hoven et Arnõst entretiennent des points communs troublant (leur obsession pour la matière fécale) ; ensuite, toujours comme dans nombre de films à suspense, la vie privée du policier interfère avec son enquête lorsqu’il a une aventure avec une suspecte.

L.H.

À plusieurs reprises, des personnages croisent le déféqueur en série sans soupçonner son identité. La résolution de l’affaire a de toute façon aussi peu d’importance que les motivations du « criminel » (une blague potache pour passer le temps). Ce qui intéresse le réalisateur Adam Sedlák, c’est ce que l’affaire des toilettes révèle de son pays : corruption et racisme ; merci de vous boucher le nez en entrant. La merde est partout, des policiers bidonnent leurs résultats d’enquête pour toucher des primes, la direction de l’université trafique des faux diplômes. Chez les étudiants, la recherche du vandale vire au délit de faciès : on accuse les Roms, puis les Slovaques, voisins peu appréciés. L’arrivée du policier à l’université se fait au son de la Moldau, célèbre morceau de musique classique et hymne de la République Tchèque : le décalage entre les images et le lyrisme de la musique fait sourire mais le recours à un morceau aussi emblématique permet surtout de montrer que c’est l’ensemble du pays qui est concerné par l’ironie du film.

L.H. 2

Le prénom Arnõst signifie « honnête ». Même lui, pourtant, ne l’est pas : cet amateur de plaisirs tarifiés est un faux naïf, à la fois manipulateur et manipulé. Pour échapper à l’ordure, il cherche pendant tout le film une destination de vacances lointaine sur le Web : il finira sur la plage d’un centre de vacance, un décor artificiel qui reflète ses compromissions tout au long de l’enquête.

Sylvain Angiboust

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L comme L. H.

Fiche technique

L.H.

Synopsis : Les toilettes d’une université sont recouvertes d’excréments par un mystérieux vandale. Un policier mène l’enquête.

Réalisation : Adam Sedlák

Genre : Fiction

Durée : 31’20

Pays : République tchèque

Année : 2013

Scénario : Adam Sedlák

Image : Tomáš Sovinský

Son : Jan Šulcek

Montage : Marek Štěpánek

Musique : Vložte kočku

Interprétation : Lukáš Příkazký, Jenovéfa Boková, Jiří Štěpnička, Petr Stach, Václav Neužil.

Production : FAMO

Article associé : la critique du film

2ème Prix Format Court au Festival d’Angers

Du 16 au 25 janvier, aura lieu le 27ème Festival d’Angers. Pour la deuxième année consécutive, Format Court y attribuera un nouveau Prix au festival dans la catégorie des Plans animés européens. Le Jury Format Court (composé de Amaury Augé, Katia Bayer, Géraldine Pioud et Nicolas Thys) élira le meilleur court en compétition parmi les 20 films retenus.  Celui-ci bénéficiera d’un focus en ligne, sera projeté dans le cadre des séances Format Court, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) et bénéficiera d’un DCP doté par le laboratoire numérique Média Solution.

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Films en compétition

– Chaud Lapin d’A. Magaud, S. Béjuy, M. Berreur, G.Gaston et F. Andrivon, France
– Dans la joie et la bonne humeur de Jeanne Boukraa, Belgique
– Eclipse de Jacky de Groen, Belgique
– Entre chien et loup de Reza Riahi, France
– Glad (Hunger) de Petra Zlonoga, Croatie
– Half Wet de Sophie Koko Gate, Royaume-Uni
– Imposteur de Elie Chapuis, Suisse
– J et le poisson de Cécile Paysant, France
– Kijé de Joanna Lorho, Belgique
– The New Species de Katerina Karhànkovà, République Tchèque
– La Nuit des jours de Emma Vakarelova, France
– Ø (Solitude) de Mai Ulrikka Sydendal, Danemark
– Opowieść o lesie (Of a Forest) de Katarzyna Melnyk, Pologne
– Oripeaux (Faded Finery) de Sonia Gerbeaud et Mathias de Panafieu, France
– Port Nasty de Rob Zywietz, Royaume-Uni
– The Phantom of the Cliff de Annlin Chao, Royaume-Uni
– Phobo de Hélène Ducrocq, France
– La Reine des neiges de Mina Perrichon, France
Le Sens du toucher de Jean-Charles Mbotti Malolo, France, Suisse
– Wind de Robert Löbel, Allemagne

Short Screens #46 : Je t’aime… moi non plus

L’amour est un oiseau si frêle dont nul ne peut se passer et c’est bien en vain qu’on le scelle au moment où il rêve de s’envoler. Pour rendre hommage à cette vague irrésolue, Short Screens a parcouru les chemins de traverse des amours imaginaires et vous propose huit courts métrages, coups de cœur aux battements tragi-comiques. Rendez-vous le jeudi 29 janvier à 19h30, au cinéma Aventure, Galerie du Centre, Rue des Fripiers 57, 1000 Bruxelles. PAF 6€.

Visitez la page Facebook de l’événement ici.

Un projet à l’initiative de l’asbl Artatouille et Format Court.com

PROGRAMMATION

NOAH de Patrick Cederberg & Walter Woodman/ Canada/ 2013/ fiction/ 17′
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Une histoire qui se déroule intégralement sur l’écran d’ordinateur d’un ado. Nous sommes témoins de la dégradation rapide de la relation entre Noah, personnage éponyme, et sa copine, au fil de cette fascinante étude des comportements (et de l’amour) à l’ère numérique.

COUPLE de Thales Banzai/ Brésil/ 2014/ fiction/ 10′
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Ce moment où le couple s’essouffle…

VIEUX COMME LE MONDE de Hubert Fiasse & Carlos Gerardo Garcia/ Belgique/ 2013/ documentaire/ 11′
vieux comme le monde
Et toi l’infidélité… ça te parle? Tu pourrais peut-être nous en toucher un mot?

LOVE PAPER de Bambang K.M./ Indonésie/ 2012/ expérimental/ 8′
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C’est l’histoire de la relation entre un homme et une femme. Combien de temps durera-t-elle? Personne ne peut le prévoir…

LUCHA LIBRE de Ann Sirot & Raphael Balboni/ Belgique/ 2014/ fiction/ 12′
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Jean et Aurélie sont en couple et fréquentent régulièrement les marasmes du conflit amoureux avec toute la panoplie de mauvaise foi, de mutisme, d’enlisement, d’argumentation fleuve, de bonds et de rebonds qui l’accompagne.

MELONHEAD de Andy Fortenbacher/ USA/ 2013/ fiction/ 13′
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Gordon s’est entiché de Wendy, mais il ne sait pas comment conquérir son coeur. Après avoir reçu quelques conseils d’un terrible dieu, lui disant que les femmes sont animées par des choses effrayantes, Gordon prend le risque de proposer à Wendy un rendez-vous galant le plus terrifiant de sa vie…

I LOVE YOU SO HARD de Ross Butter/ Royaume-Uni/ 2013/ animation/ 4′
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Joel adore Jacqui tellement fort que ça va grave dégénérer.

Article associé : la critique du film

LONG BRANCH de Dane Clark & Lindsey Stewart/ Canada/ 2011/ fiction/ 14′
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Lynn se balade à New York à la recherche d’un coup d’un soir. Pensant avoir trouvé la bonne personne, elle se rend finalement à l’évidence, ce n’est pas exactement ce qu’elle avait en tête…

Plus d’infos : http://shortscreens.be/

Martin Scorsese. Courts métrages et documentaires

La collection DVD « Les Introuvables » s’est donnée comme ambition de faire revivre les chefs-d’œuvre cinématographiques des grands maîtres du cinéma. Dans le volet dédié à Martin Scorsese, on retrouve ses trois premiers courts métrages ainsi que deux films documentaires dans lesquels l’on pressent déjà les thèmes et obsessions de l’un des réalisateurs américains les plus prolifiques de sa génération.

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L’épopée cinématographique d’un rêve américain

En cinquante ans de carrière et plus de quarante films (longs, moyens et courts) à son actif, lauréat d’une Palme d’or pour « Taxi Driver » (1976) et de plusieurs Oscars dont celui du meilleur réalisateur pour « Les Infiltrés » (2007), Martin Scorsese peut se targuer de bénéficier du statut fort enviable des artistes appréciés aussi bien par la critique que par le grand public. Un cinéaste qui a trouvé le juste équilibre entre la compromission artistique et la marginalisation.

Alors qu’il fréquentait les cours de Haig Manoogian à la New York University, il tourne « What’s A Nice Girl Like You Doing in A Place Like This ? » (1963) ainsi que « It’s Not Just You, Murray! » (1964), deux courts métrages loufoques, réalisés en noir et blanc qui mettent en exergue la capacité du jeune Marty à mettre en scène un univers singulier empreint de nombreuses références cinématographiques. Car Scorsese fait partie de cette génération cinéphilique qui comme les De Palma et les Ford Coppola a vu et revu les classiques américains, de Griffith à Hitchcock en passant par Vidor et Berkeley. Rien n’a de secret pour lui. On s’accordera à dire que dès ses premiers films, Scorsese explore l’Amérique et son histoire vue au travers du prisme de l’immigration porté par des personnages aussi tendres qu’effrayants.

Ainsi le protagoniste de « What’s A Nice Girl Like You Doing in A Place Like This ? » est un écrivain en panne d’inspiration à tel point fasciné par un tableau qu’il finira par se retrouver à l’intérieur de celui-ci. Original, hybride, teinté d’humour, le film se présente comme une fable énigmatique où le réalisateur prend plaisir à passer du coq à l’âne en un montage d’images tout à fait novateur. Le titre fait référence à la rencontre (assez tardive dans le film) du narrateur avec une artiste peintre qui loin de le stimuler, le freinera dans sa quête artistique. L’art est alors considéré comme une réponse subversive à la trivialité quotidienne, un formidable moyen de s’ouvrir au monde.

« It’s Not Just You, Murray! » réalisé l’année d’après, met en scène un gangster new-yorkais d’origine italienne qui raconte son parcours de 1922 à 1965. Scorsese fait preuve de désinvolture en dressant un portrait au vitriol du rêve américain nourri d’illusions. Murray se présente en face caméra. Il s’adresse au spectateur directement, l’invite à écouter son histoire rocambolesque de riche mafieux qui a fait fortune dans la distillation d’alcool. Sans cesse remis en question par une mise en scène ironique, le court subit l’influence du film noir, des comédies musicales et du rococo fellinien. Ayant grandi dans le quartier new-yorkais de « Little Italy », Scorsese puise dans ses origines modestes une source d’inspiration inépuisable. Le personnage de Murray aurait été insufflé par son oncle et le personnage de la mère est interprété par Catherine Scorsese, la propre mère de l’artiste. Dès ce deuxième opus, le réalisateur laisse transparaître son goût pour les bas-fonds, la petite criminalité que l’on apercevra plus tard dans des films tels que « Mean Streets » (1973), « Gangs of New York » (2002) ou encore « Les Infiltrés » (2006). A la différence notoire qu’il se dégage de « It’s Not Just You, Murray! » un optimisme lumineux et un cynisme enjoué que l’on ne retrouvera plus dans les films suivants.

C’est en réponse à la participation active des Etats-Unis à la guerre du Viet-Nam que Scorsese réalise « The Big Shave » (1967), un film très court et percutant qui illustre la barbarie humaine. Dans une salle de bain d’une blancheur immaculée, un jeune homme blanc, bien sous tous rapports, se rase. Mais plus il se rase, plus il se coupe. D’apparence banale et anodine « The Big Shave » renvoie à l’absurdité des conflits, source de violence inutile. La musique (ou l’absence de musique), comme dans la plupart des films de Scorsese, contraste avec l’image et permet un décalage réflexif sur l’action permettant de renforcer la tension.

La même année où il réalise le long-métrage de fiction « Alice n’est plus ici », Martin Scorsese décide de livrer le témoignage de ses parents à travers un documentaire succulent. « Italian American » (1974) est un film hommage à cette première génération d’immigrés italiens qui s’est battue pour se forger un chemin dans la jungle new-yorkaise. Bâtisseurs de leur vie, ils ne remettent aucunement en question le rêve américain, a contrario, ils le personnifient. Profondément conscient de ses origines, Scorsese a voulu faire part de celles-ci en filmant ses parents dans un documentaire qui se veut libéré de toute grammaire conventionnelle du genre car il n’hésite pas à dévoiler l’envers du décor, le dispositif cinématographique, et à se montrer en train de filmer. Plus proche de la discussion anecdotique que du récit historique sur l’immigration, le film dévoile la personnalité d’un père travailleur et taciturne face à une mère quelque peu envahissante. Considéré comme le contrepoint documentaire de « Mean Street », le film fait ressurgir le New York d’avant-guerre.

Quatre ans plus tard, fort du succès de « Taxi Driver » Scorsese tourne « American Boy : A Profile of Steven Prince », un documentaire aussi iconoclaste que « Italian American » sur le fils du directeur de la William Morris Agency. Partant du même principe que le dispositif fait partie prenante du processus artistique, il montre ce que le spectateur n’est pas supposé voir comme les interactions avec le cameraman, par exemple. Le film est une succession d’anecdotes sur la vie mouvementée du rejeton déjanté du rêve américain. Si la génération des parents de Scorsese représentait un rêve réussi, celle de Prince (dans laquelle Scorsese se reconnaît pleinement) en revanche, montre une certaine ambivalence par rapport à ce rêve. Ne s’y retrouvant pas, elle tente de déconstruire ce qui a été tissé auparavant en ayant recours à la drogue. Le film est tourné en deux week-ends dans la maison de Scorsese. Des images d’archives présentant un Steven Prince enfant sont là pour rythmer la structure narrative du film. Proche de l’improvisation, le film, considéré comme le pendant documentaire de « Taxi Driver », renvoie l’image d’un artiste en proie au doute et à la désillusion, reflet de toute une génération qui n’a déjà plus de repères. Par certains égards, il annonce la rage de « Raging Bull » (1980) qu’il tournera tout de suite après.

En cinq films phares des débuts de Scorsese, ce DVD offre un bel aperçu de l’œuvre d’un réalisateur boulimique qui a fait sienne la devise de King Vidor « Un film pour moi, un film pour eux ». Un parcours exemplaire et irréprochable, en somme !

Marie Bergeret

Martin Scorsese. Courts métrages & documentaires. Edition Wild Side

Stella Maris de Giacomo Abbruzzese

Découvert à Brest, primé à Villeurbanne (Prix des Industries Techniques du Cinéma Rhône-Alpes à la meilleure production, Mention spéciale Format Court), présenté ce jeudi 8 janvier 2015 au Studio des Ursulines en présence de l’équipe, bientôt à Angers et Clermont, Stella Maris de Giacomo Abbruzzese est une fiction stimulante que ce soit pour son sujet extrêmement original, les fessiers de ses personnages masculins et la force de son scénario.

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Giacomo Abbruzzese a déjà réalisé plusieurs courts-métrages avant et après son passage au Fresnoy. Habitué à tourner partout sauf en France, il nous a beaucoup surpris en fin d’année avec son dernier travail, Stella Maris. Toujours aussi militant mais moins dérangeant que dans ses films précédents, il a enfin fait le film qu’on attendait de lui, un film dans lequel on le sent pleinement en confiance pour aborder le long-métrage (en écriture).

Dans ce film tourné en Italie, trois groupes d’individus se croisent au moment de la procession annuelle de la Vierge dans le village local : une jeune femme et son père, l’illuminateur de la fête populaire, un groupe de prisonniers et le maire borgne. Autour d’une tradition (les détenus recouvrent la liberté si ils arrivent à toucher la statue de la Vierge en pleine mer), chacun est confronté à ses propres secrets, peurs et désirs.

Stella Maris est un film sur la lumière, l’obscurité, l’illumination (divine, ampoulée), la liberté, l’emprisonnement, l’engagement, le sacrifice, les croyances, la vilénie, l’amour et le mensonge. De ce film, on retient le rapport à la vérité et à la rédemption, l’hallucinante scène de fin, l’audace de ses francs-tireurs et son réalisme à l’italienne. Stella Maris, c’est enfin et surtout le film de fiction qui nous inspire et qui nous porte le plus depuis la fin de cette étrange année 2014.

Katia Bayer

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Article associé : l’interview du réalisateur

S comme Stella Maris

Fiche technique

Synopsis : Un village perdu au bord de la Méditerranée. À l’occasion d’une fête populaire, tous les habitants se rassemblent sur le bord de mer dans l’attente de l’arrivée par les eaux d’une statue illuminée, la Stella Maris, vierge de la mer. L’histoire d’un artisan de la lumière et de sa fille, d’un maire borgne, de feux d’artifice comme une bombe et du street art comme révolution.

Réalisation : Giacomo Abbruzzese

Genre : Fiction

Durée : 26’37’’

Année ; 2014

Pays : France, Italie

Scénario : Giacomo Abbruzzese

Image : Guillaume Brault

Son : Vincenzo Urselli

Montage : Marco Rizzo, Giacomo Abbruzzese

Décors : Egle Calò

Musique : Luc Meilland, Alessandro Altavilla

Production : La Luna Productions

Articles associés : la critique du film, l’interview du réalisateur

Tout était dit..

Hier, la sale info est tombée, horrible. Ce soir, c’est l’anniversaire de Format Court aux Ursulines. Pas évident de faire la fête.. A Format Court, l’illustration, le journalisme, la dérision, la critique nous touchent aussi (même si on ne parle que de court.. Et alors ?). Ce matin, en évoquant la séance sur la Toile, on est tombé sur le dessin-hommage de Bansky qu’on aime bien.

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Et puis.. Chose bizarre, on a retrouvé un autre dessin, celui de Charb, dont l’humour et le trait nous avaient tellement fait marrer qu’il représentait la photo de profil de notre compte Facebook. Le mot juste, la main qui dessine, le noir et blanc, le petit mouvement de la clé qui vole, la nuance entre le ciné-boulimique et la culture, la vraie. Voilà.. Tout était dit..

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Jean-Charles Mbotti Malolo : « La providence m’a permis de faire mon film. Quand je m’y suis attelé, j’avais envie de m’attaquer à quelque chose de difficile, avec de nombreux enjeux »

Issu de la double culture du hip-hop et de l’animation, Jean-Charles Mbotti Malolo a réalisé « Le Sens du toucher », lauréat de notre premier Prix Format Court au Festival de Villeurbanne. Présélectionné aux César de l’animation et projeté ce jeudi 8/1 lors de la séance anniversaire de Format Court aux Ursulines, ce premier film subtil et vibrant, à la croisée du mouvement, des couleurs et des sentiments, convie langue de signes, ondes visuelles et relations amoureuses. À Villeurbanne, Jean-Charles Mbotti Malolo est revenu sur son parcours, son intérêt pour la danse, son passage par Emile Cohl, sa collaboration avec la chanteuse Camille et les enjeux de son film, notamment par rapport à la notion de bruit.

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En découvrant ton travail, que ce soit ton film de fin d’études (« Le Coeur est un métronome »), un exercice sur iPad (« Le Paon ») ou ton court le plus récent, « Le Sens du toucher », on remarque que le mouvement et l’absence de paroles vont souvent ensemble. Les liens entre non verbal et gestuelle t’intéressent à ce point ?

C’est assez particulier. Pour « Le Sens du toucher », je ne voulais pas m’enfermer dans la communication corporelle. Au tout début, je voulais faire un film dialogué, sans mouvement ni communication. C’est revenu malgré moi, j’ai lutté pour essayer de contrôler ça, mais je me suis rendu compte que j’avais encore des trucs à creuser autour du non verbal et du mouvement. L’idée de surdité, de langue de signes, de travailler avec des sourds, me plaisait beaucoup. « Le Coeur est un métronome » est la première utilisation de la danse et de l’animation, je pense qu’à l’époque, je n’étais pas allé assez loin.

En termes d’histoire ?

Oui. C’est mon film de fin d’études. J’avais besoin d’encore travailler là-dessus.Dans ma manière d’aborder le cinéma, les choses passent beaucoup plus par la posture, la gestuelle, le corps, l’acting, le mouvement que les mots. Pour mon prochain film co-réalisé avec Simon Roussin, « Please Please Please », écrit par Nicolas Pleskoff, je franchis une étape intéressante. Il s’agit d’un film sur James Brown, l’idée de mouvement et de danse est toujours là mais le projet est très dialogué. Amaury Ovise (Kazak Productions) m’a proposé de travailler sur ce film; ce qui me plaît, c’est cet enjeu du dialogue, ça fait longtemps que j’ai envie de m’y confronter.

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L’envie de faire de l’anim’, c’est lié à quoi ?

Quand j’étais petit, je dessinais beaucoup. J’ai vu un reportage sur l’école des Gobelins, j’ai voulu faire de l’animation. Je faisais beaucoup de portraits, j’avais un dessin assez réaliste. Je n’étais pas doué pour créer des choses et inventer des univers à partir de mon imaginaire.

Est-ce que tu avais essayé d’animer tes dessins, de faire bouger tes feuilles ?

Étrangement, oui. Juste après avoir vu ce reportage, à l’âge de 12-13 ans, je l’ai fait une fois, ça m’a amusé 5 secondes. Je n’avais pas d’ordinateur, du coup, je n’avais pas les moyens techniques pour faire de l’animation.

Les Gobelins, tu as essayé ?

Non. Très vite, je me suis rendu compte qu’aller à Paris pour faire les Gobelins et y vivre était juste impossible pour mes parents. L’aspect financier m’a freiné. À Cohl, l’année coûtait cher mais au moins, j’étais chez mes parents et je n’avais pas de frais. J’ai travaillé, je suis allé à la fac, j’ai fait des fresques, des décorations de magasin pour mettre des sous de côté. Quand j’ai commence à m’impliquer dans le dessin, c’était aussi pour le graffiti.

Et ton goût pour la danse ?

La culture hip-hop m’a influencé. Le dessin et le hip-hop sont deux choses qui vont ensemble, qui m’ont toujours porté. J’ai dessiné très tôt et je me suis toujours dandiné. J’ai sans cesse glissé de la danse au dessin.

Comment fonctionne l’enseignement à Emile Cohl ?

L’école propose une formation en 4 ans. Les deux premières années sont communes, les deux dernières sont spécialisées en animation, BD, illustration ou infographie. Je suis resté en animation. Avant, même quand je faisais du graffiti, je ressentais la frustration d’être un dessinateur de portraits plutôt doué pour recopier des trucs; j’étais un peu bloqué pour créer et développer des univers à part. En arrivant à l’école, j’ai réussi à débloquer ça et à aller vers quelque chose de plus personnel.

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Entre ta sortie de l’école et « Le Sens du toucher », qu’as-tu fait ?

J’ai travaillé sur des longs-métrages. En 2008, quand j’ai commencé sur « Kérity la maison des contes », on m’a dit que si j’avais une prétention d’animateur-réalisateur, il ne fallait pas que je la perde de vue. C’était facile de faire ses heures et de travailler sur les travaux des autres. Après mon film de fin d’études, je voulais très vite refaire un film mais je n’avais pas forcément quelque chose à raconter à ce moment-là. L’idée du « Le Sens du toucher » n’est pas venue tout de suite, le projet est né en 2009.

Est-ce que tu as eu envie d’y mettre des choses que tu n’avais pas pu creuser dans le précédent ?

C’est exactement ça. Sur mon film de fin d’études, mon scénario n’avait pas été validé. Je l’ai relu il n’y a pas longtemps et j’ai compris pourquoi. Je m’étais lancé dans un truc pseudo-politique étrange et je pense que je n’avais pas la maturité pour écrire des trucs engagés il y a sept ans. Ça n’avait ni queue ni tête. On m’a demandé de ne pas le faire tel, l’égo a joué, j’ai eu du mal à me positionner. Benoît Chieux qui gère cette section m’a conseillé faire de l’illustration, j’ai essayé de lui montrer que j’étais motivé et que je voulais faire de l’animation. J’avais une semaine pour faire des images. Il m’a demandé ce qui me plaisait dans la vie en dehors du dessin. Je lui ai parlé de la danse, je lui ai montré des vidéos. Il m’a dit : “Fais ça, fais de la danse”.

Comment ton premier film professionnel s’est-il fait ?

Au printemps 2010, Benoît Chieux m’a appelé pour travailler sur les décors de « Tante Hilda ». Je voulais rester concentré sur mon projet de court, mais je ne pouvais pas me permettre de refuser un projet de long chez Folimage. Je pensais mettre mon film entre parenthèses pendant un an. Deux mois après, des personnes de l’école de la Poudrière ont lu mon projet. Le comité artistique de Folimage a voulu le lire aussi. À ce moment, je me préparais pour présenter le projet de concours d’Annecy. Arte m’a primé et Folimage est devenu le producteur principal. La providence m’a permis de faire ce film. Quand je m’y suis attelé, j’avais envie de m’attaquer à quelque chose de difficile, avec de nombreux enjeux.

Qu’est-ce que tu as appris finalement sur ce film-là ?

Je pense que j’apprends beaucoup sur moi en travaillant au contact des gens. Grâce à ce film, je suis devenu beaucoup plus fort en dessin, j’ai appris à mieux animer et à dessiner. La rencontre avec Camille (qui a signé la musique originale du film ndlr) m’a aussi appris beaucoup de choses sur moi. C’est quelqu’un d’assez direct, qui sait ce qu’elle veut et qui arrive à dire les choses sans trop se prendre la tête. Au début de l’écriture, j’écoutais sa musique, des choses me touchaient. Sa façon d’écrire et de chanter créait des images en moi J’ai bizarrement connecté mon écriture aux émotions qu’elle me procurait. Mon film est allé vers sa voix. Je me suis dit que ce serait bien qu’elle fasse la musique, je ne voulais pas demander à une musicienne de l’imiter. J’ai réussi à la contacter et elle a accepté de participer au projet. Au début, je souhaitais aussi travailler avec Sly Johnson, un beatboxer qui fait des rythmes avec la bouche et qui avait déjà travaillé avec elle. Le premier jour de l’enregistrement, il n’est pas venu. Je me suis retrouvé confronté à Camille. Ça n’a pas été facile. Je me suis liquéfié sur place. Je n’ai pas su tout de suite la rattraper pour la ramener vers moi. Elle m’a dit : “Mec, réveille-toi, c’est toi le réalisateur, c’est ton film !”. Image_LSDT_Festival_009 copie_905

Vous avez donc fait le film qu’à deux. Il est différent du point de départ ?

Il est mieux, car au début, j’avais prévu de faire quelque chose de bruitiste, de faire la musique et tout l’univers sonore à la bouche comme les personnages ne parlent pas. Au début, elle devait endosser le rôle de la femme. Camille aime les bruitages à la bouche, mais ça ne fonctionnait pas. J’ai dû changer mon fusil d’épaule et faire des bruitages très réalistes.

Tu as donc une série de bruitages de la bouche de Camille !

Oui. Parfois quand je mets iTunes en mode aléatoire, je tombe sur des trucs très bizarres (rires) !

Pour le film, tu as aussi collaboré avec Mathilde Combes, une comédienne sourde qui a fait le travail des voix. C’était important pour toi d’aller au bout de ta démarche ?

De manière générale, travailler avec des personnes en situation de handicap peut être très vite emprunté. Tu n’as pas forcément la légitimité en tant que valide et entendant. Je suis très sensible à ça. J’ai toujours souhaité raconter ce genre d’histoire avec des pincettes. Je suis allé voir Emmanuelle Laborit pour discuter du projet. Elle fédère la communauté sourde et avait deux points de vue sur le film à la fois comme actrice et sourde. Elle a tout de suite répondu à ma demande. Je lui ai montré l’animatique, elle m’a fait un retour sur le film. Malgré ma bienveillance et mes connaissances, j’avais peur que mon point de vue sur la communauté sourde l’emporte. Elle a mis le doigt sur ce qui manquait et ce qui avait besoin d’être retravaillé, mais elle m’a dit que ça allait de manière générale et ça m’a beaucoup rassuré. Mathilde a vu l’animatique aussi, elle a été très touchée par le propos et l’idée de mettre en place des ondes visuelles. J’ai fait également une formation en lange de signes pour comprendre l’univers des sourds et dans quoi je mettais les pieds.

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Beaucoup de gens m’ont dit en voyant le film que le son et les bruits étaient bizarres, qu’il y avait un problème d’enceinte dans la salle. Mais il faut savoir que les sourds ne sont pas forcément muets et dans la langue des signes, les mimiques, la posture de la bouche et l’expression du visage expriment beaucoup de choses différentes, Les sourds sont très bruyants dans leur manière de s’exprimer avec leurs voix, leurs cordes vocales, ils font du bruit avec leurs verres et leurs chaises car ils ne se rendent pas compte de ses effets. La notion de bruit ne fait par exemple pas partie de leur monde du tout et ça n’a pas été évident de restituer cette idée.

Tu as encore envie de travailler autour du handicap ?

Pour le moment, je suis en train de faire un court d’une minute sur la Grotte Chauvet qui abrite les plus vieilles peintures rurales du monde. C’est une collection d’une quinzaine de courts soutenue par Arte. Travailler sur un film d’une minute me change du « Le Sens du toucher » qui fait 15 minutes, une durée importante pour un film d’animation. La question du handicap a fait partie de ma vie. Je pense que ça reviendra à un moment dans mon travail.

Propos recueillis par Katia Bayer

Articles associés : la critique de « Le Sens du toucher » , le reportage Jean-Charles Mbotti Malolo, en deux courts & deux mouvements

À la rencontre du jeune cinéma français : Frédéric Bayer-Azem, mardi 6 janvier, 20h au Cinéma L’Archipel

Après avoir invité Shanti Masud en octobre, le Cinéma L’Archipel accueille Frédéric Bayer-Azem dans le cadre de son cycle « À la rencontre du jeune cinéma français », organisé en partenariat avec Format Court.

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En l’espace de trois courts-métrages, Frédéric Bayer-Azem a révélé un regard de cinéaste déjà affûté, libéré de toute grammaire ronronnante mais porté par une intransigeance de tous les instants. S’il ne s’approprie aucun « sujets », c’est pour mieux s’approcher des corps de ses interprètes qu’il filme avec respect et pudeur, les rendant à leur mystère et à leur beauté brut. Maîtriser l’ellipse, faire de chaque raccord une rupture en composant un montage aussi heurté et élégant que la chorégraphie d’un match de boxe, telles sont les qualités premières et essentielles d’un cinéma libre, fou, drôle.

À l’issue de la projection, le cinéaste dialoguera avec Marc-Antoine Vaugeois (rédacteur à Format Court).

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Programme

Les Ficelles (2012)
Pan (2013)
Geronimo (2014)
+ 1 surprise

Infos

Cinéma L’Archipel : 17 boulevard de Strasbourg – 75010 Paris M° 4, 8, 9 Strasbourg St Denis/Château d’eau /Bonne Nouvelle

Tarifs
– 8 € / plein
– 6,5 € / réduit (étudiants, demandeurs d’emplois, plus de 60 ans sur justificatif sauf week-end et jour de fête)
– 4 € pour les – de 14 ans

Événement Facebook : https://www.facebook.com/events/270711239719191/?fref=ts

Le Sens du toucher de Jean-Charles Mbotti Malolo

Au théâtre des sourds, dans un tonnerre d’applaudissements silencieux, deux jeunes gens dans le public se regardent, rougissent, se plaisent. À l’extérieur, quelques brefs mots-signes et hochements d’épaules servent à dépasser leur timidité et fixer un dîner chez l’homme. Telle est la prémisse du premier film de Jean-Charles Mbotti Malolo bien nommé « Le Sens du toucher » et primé par le jury Format Court au Festival de Villeurbanne cette année.

Fasciné par l’idée de l’amour comme chorégraphie, le danseur-réalisateur conçoit une animation qui explore une relation basée sur deux personnages on ne peut plus contrastés. Louis est réservé, maniaque de la propreté, coincé, sévèrement allergique aux chats. Chloé, en revanche, est exactement son contraire, bordélique, décontractée, désinhibée, une grande amatrice de l’espèce féline, surtout lorsqu’il s’agit de mignons petits chatons. Les aléas du couple en quête d’un terrain d’entente malgré les différences flagrantes qui les opposent prennent la forme d’une saltation stylisée, mêlant gestuelles rythmées et pas de danse sur fond d’un scénario dramatique bien ficelé.

Le choix d’une image en 2D entièrement dessinée à la main (bien qu’inspirée de comédiens filmés) permet à la fois de doter d’un grand réalisme les mouvements gracieux de corps dansants et de dépasser les limites de la réalité. Ce sentiment paradoxal est renforcé par le choix de garder les roughs (brouillons) monochromatiques à l’image finale, ce qui confère parfois un effet brut à un dessin autrement lisse et plein de couleurs.

La danse retrouve son écho dans l’utilisation de la langue des signes, « non verbale » par excellence avec ses propres codes de mouvement et d’expression. D’ailleurs, l’intérêt esthétique de ce langage à part entière a vraisemblablement déterminé le choix narratif de protagonistes sourds-muets. Pourtant, loin d’être un prétexte gratuit, ce parti pris aura permis à Mbotti Malolo de mener à bien un travail sensoriel poussé et cohérent, hautement synesthésique à tout moment. La bande-son y contribue considérablement : forcément dépourvue de tout dialogue et minimaliste à souhait, elle est soulignée par des bruitages et voix occasionnels, et une partition vocale rythmique – signée par la chanteuse Camille – pour accompagner le ballet visuel sans jamais prendre le dessus. Le résultat est un film poétique et touchant, délicatement équilibré entre fiction et danse, riche en émotions et sensations.

Adi Chesson

Consulter la fiche technique du film

Articles associés : le reportage Jean-Charles Mbotti Malolo, en deux courts & deux mouvements, l’interview de Jean-Charles Mbotti Malolo

S comme Le Sens du toucher

Fiche technique

Synopsis : Chloé et Louis s’aiment secrètement. Leurs gestes se substituent aux mots, chaque parole est une chorégraphie. Louis se décide enfin à inviter Chloé à dîner et accepte de la laisser entrer accompagnée de chatons, malgré son allergie. Le dîner va alors révéler ses côtés les plus sombres.

Genre : Animation

Pays : France

Durée : 14′ 31″

Année : 2014

Réalisation : Jean-Charles Mbotti Malolo

Scénario : Jean-Charles Mbotti Malolo

Image : Jean-Charles Mbotti Malolo

Animation : Guillaume Lorin, Suzanne Seidel, Jean-Charles Mbotti Malolo

Compositing : Benoît Razy, Jean-Philippe Nicolle

Musique Originale : Camille

Montage : Pauline Coudurier, Hervé Guichard

Production : Folimage Studio, La Fabrique Production, Nadasdy Film

Articles associés : la critique du film, l’interview de Jean-Charles Mbotti Malolo

Festival Ciné-Rebelle, appel à films

L’appel à courts-métrages pour la  2ème édition du Festival Ciné-Rebelle est lancé. Sont acceptés tous les types et tous les genres de films, d’une durée maximale de 15 minutes.

Organisé par les étudiants de l’université Paris X Nanterre, le festival projettera les films sélectionnés le vendredi 17 avril 2015 au cinéma Le Chaplin Denfert, à Paris.

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Intéressés ? Envoyez vos films avant le 15 janvier 2015.

Fiche d’inscription et règlement à télécharger ici.

Jean-Charles Mbotti Malolo, en deux courts & deux mouvements

En novembre dernier, à l’issue du festival de Villeurbanne, Format Court décernait son premier Prix Format Court à Jean-Charles Mbotti Malolo pour son très beau film « Le Sens du toucher » projeté prochainement lors de la séance anniversaire de Format Court, le jeudi 8 janvier 2015 (en présence du réalisateur). Diplômé en 2007 de l’école Emile Cohl à Lyon, Jean-Charles Mbotti Malolo a beaucoup travaillé sur les séries et les longs-métrages, notamment pour le compte des studios Folimage et La Fabrique. Il est également danseur (on vous conseille d’aller voir son compte You Tube; rythme, battles et bon sons garantis). D’un court animé à l’autre, il n’y avait qu’un pas… de danse. Voici donc les précédents travaux de l’auteur du « Sens du toucher » aussi agile de ses mains que de ses pieds.

Le Cœur est un métronome

Le premier film connu de Jean-Charles Mbotti Malolo, « Le Coeur est un métronome » est son court de fin d’études d’Emile Cohl réalisé en 2007. En 4 minutes et quelques secondes, le film illustre la relation complexe entre un père et son fils. La palette graphique est teintée, mais la musicalité, la gestuelle, le rythme, les corps et l’absence de parole annoncent déjà « Le Sens du toucher », son premier film professionnel.

Dans ce court, élu Meilleur premier film au festival d’Hiroshima en 2008, après une énième dispute, le fils quitte le nid et le père perd l’appétit. Ils se retrouvent, sont dans l’incapacité de se parler, mais finissent par communiquer par le seul moyen possible, la danse (le hip-hop pour le fils, les claquettes pour le père). L’esquisse se forme, le chapeau vole, le père se retrouve à terre, le fils le ramasse. Les petits pas se créent, un en avant, trois en arrière et le parapluie s’attrape quand tombent les premières gouttes de pluie.

Fait avec des jolies gouaches, des pantalons un peu larges et un tempo qui colle à l’image, « Le Coeur est un métronome » montre les accords et désaccords père-fils sans beaucoup de sous-texte. Un peu trop court, un brin discret sur ses photos de début et de fin, le film révèle une ligne spontanée, un rythme étudié et des mouvements de danse, chers à Mbotti Malolo. On retient du film l’émotion saisie pendant 18 secondes (3’12’’- 3’30’’), interrompue par un éclat de tonnerre, la valse à la chemise et ce titre si poétique, marquant la pulsation des sentiments et de la musique.

Le Paon

Autre curiosité découverte sur le Net, « Le Paon » est un très, très court de 38 secondes seulement réalisé par Jean-Charles Mbotti Malolo en l’espace de 3 jours dans le cadre d’un marathon d’animation sur ipad, pour le Festival d’un jour à Valence (qui fête ses 20 ans cette année). Il a été conçu à partir d’une musique du compositeur Christophe Héral (« Chienne d’histoire » de Serge Avédikian, « La Queue de la Souris » de Benjamin Renner) et d’une application « L’atelier McLaren  » (créé par l’ ONF, en lien avec le travail du Canadien Norman McLaren). Ce super film trop court (lui aussi) mêle rythme et émotion, cadre noir et couleurs chaudes, musique et rythme, humour et poésie, jeu de formes et perspectives avec toujours cette ligne aussi libre que l’oiseau qu’il croque. Cette fois-ci, on retient l’envol du volatile, la voix de ténor du paon illustré, le coeur de petits chanteurs à cheveux longs et ce final tout en pois rouges. Grâce à ce tout petit film, on sait enfin ce qui se cache sous les plumes de notre ami, le paon !

Katia Bayer

Articles associés : la critique de « Le Sens du toucher », l’interview de Jean-Charles Mbotti Malolo

Format Court : Soirée anniversaire (6 ans !), jeudi 8 janvier 2015 au Studio des Ursulines !

Dès ce mois-ci, Format Court entame sa sixième année au service du court métrage (bouchon !). Jeudi 8 janvier 2015, nous vous invitons à nous rejoindre dès 20h30 au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) pour une nouvelle séance de courts placée sous le signe du lumineux, du poétique et du (sou)rire. À travers 5 films américains, canadiens, italiens, hongrois et français, vous découvrirez des propositions burlesques, audacieuses, mystiques et chorégraphiées.

Pour accompagner cette séance, les équipes de « Stella Maris » de Giacomo Abbruzzese et « Le Sens du toucher » de Jean-Charles Mbotti Malolo (Prix Format Court au Festival de Villeurbanne 2014) seront présentes. En guise de supers bonus, des croquis préparatoires du film « Le Sens du toucher » seront exposés à l’entrée des Ursulines et un verre offert ponctuera cette soirée anniversaire.

Programmation

Le Sens du toucher de Jean-Charles Mbotti Malolo (Animation, 14’31, 2014, France, Studio Folimage, La Fabrique, Nadasdy Film). Prix Format Court au Festival de Villeurbanne 2014, présélectionné pour le César 2015 du Meilleur Court Métrage d’Animation. En présence du réalisateur

Synopsis : Chloé et Louis sont sourds, mais ça ne les empêche pas de bien s’entendre. Ils s’aiment secrètement. Leurs gestes se substituent aux mots. Ils dansent, chaque parole est une chorégraphie. Seulement ils ne se connaissent pas encore complètement, et le dîner va révéler les côtés les plus sombres de Louis. Il a horreur de l’insouciance de Chloé, et par-dessus tout, de sa propre rigidité. Ce soir, il ne réussit pas à se détendre, il est allergique aux chats et Chloé en a apporté un.

Articles associés : la critique du film, l’interview de Jean-Charles Mbotti Malolo

Petit Frère de Rémi St-Michel (Fiction, 14′, 2014, Canada, Romance Polanski & Klaus Kinky). Sélections (2014) : Semaine de la Critique (Cannes), Festival du Nouveau Cinéma (Montréal), Festival de Cambridge

Synopsis : Antoine, jeune cas à problèmes de 14 ans, passe une journée avec son tuteur, Julien. Pour une dernière fois avant le départ de ce dernier pour la Russie, les deux “frères” déconnent dans les rues de la métropole.

Articles associés : la critique du film, l’interview de Rémi St-Michel et Eric K. Boulianne

Stella Maris de Giacomo Abbruzzese (Fiction, 26’34, 2014, Italie, France, La Luna Productions). Mention spéciale Format Court au Festival de Villeurbanne 2014. Sélections (2015) : Festivals d’Angers & de Clermont-Ferrand. En présence de l’équipe

Synopsis : Un village perdu au bord de la Méditerranée. A l’occasion d’une fête populaire, tous les habitants se rassemblent sur le bord de mer dans l’attente de l’arrivée par les eaux d’une statue illuminée : la Stella Maris, Vierge de la mer. L’histoire d’un artisan de la lumière et de sa fille, d’un maire borgne, de feux d’artifices, comme une bombe et du street-art comme révolution.

Article associé : la critique du film

Symphony no. 42 de Réka Bucsi (Animation, Hongrie, 9’33, 2013, Moholy-Nagy University of Arts and Design). Shortlisté pour les Oscars 2015, sélections (2014-2015) : Festivals de Berlin, d’Annecy, de Sundance, de Clermont-Ferrand

Synopsis : Un récit qui présente, de façon originale, un univers subjectif en 47 scènes. Des événements de la vie quotidienne mettent en évidence la cohérence irrationnelle du monde qui nous entoure. Des situations surréalistes qui mettent en scène les humains et leur rapport à la nature.

Article associé : Annecy 2014 : La crème de la crème

His Wooden Wedding de Leo Mac Carey (Burlesque N&B, VOST, 19’38”, 1925, États-Unis, Hal Roach – Pathe Exchange)

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Synopsis : Charley, riche play boy se marie un vendredi 13. Le témoin, un amoureux déçu de la mariée, lui fait passer un message anonyme lui annonçant que la femme qu’il épouse a une jambe de bois. Charley affolé décide de rompre et de partir oublier son chagrin sur un bateau.

En pratique

Horaire : Jeudi 8 janvier 2015, à 20h30. Accueil : 20h
Durée de la séance : 83’
Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
Entrée : 6,50 €
Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com

Festival BD6Né, appel à films

Le Festival BD6Né est un festival entièrement consacré aux apports de la BD au Cinéma et à toute la richesse des échanges entre ces deux arts. La 3ème édition du Festival BD6Né se déroulera du 23 au 26 avril 2015 à Paris et en Région Parisienne et sera organisée conjointement par Collectif Prod et Broken.

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Pour la compétition de courts métrages, le festival recherche des films français et internationaux, d’une durée maximale de 20 minutes (générique inclus), produits après le 31 décembre 2012, qui rendent compte d’un attachement ou d’une passerelle entre l’art cinématographique et la bande dessinée.

Date limite d’inscription : 28 février 2015

Voir conditions, inscriptions et règlement :

– sur le blog du Festival : http://bd6ne.blogspot.fr/
– ou sur le site de Collectif Prod : http://collectifprod.net/festival-bd6ne-2015-appel-a-films/

Sangre de Unicornio de Alberto Vázquez

« Cette licorne (…) ; c’est le plus bel animal, le plus fier, le plus terrible et le plus doux qui orne la terre « . Voltaire – La princesse de Babylone (1768)

« Terrible et doux », c’est un peu ce qui pourrait caractériser le quatrième film de Alberto Vázquez, « Sangre de Unicornio », présent à Court Métrange cette année. Un peu à la manière de ses caricatures pour le quotidien espagnol El Pais ou dans ses films précédents, comme « Birdboy », on trouve beaucoup de rouge à l’image.

Il y a aussi un narrateur en espagnol à la voix exagérément grave et de la grosse musique rock Epic Metal du groupe non moins espagnol, Hongo. Le mythe de la licorne y est bel et bien terrible mais s’exprime par le biais de deux nounours, les véritables héros du film. Moffy, et son frère Gregorio ont tout de deux Bisounours, mais aussi une rivalité fraternelle digne de Caïn et Abel dans la Bible. Mais surtout, ils chassent les licornes.

La licorne est un symbole à la fois masculin et féminin, bienveillant et dangereux, proche et inaccessible, présent dans la Bible tout autant que chez les alchimistes, connu de l’Occident à l’Inde. Dans « U », le beau film animé par Serge Elissalde et Grégoire Solotareff de 2006 et dont le U sert à Unicorne, la licorne était un personnage attachant et proche.

Dans « Sangre de Unicornio », elle est insaisissable et devient, de ce fait le but d’une quête menée par les deux héros, en somme, un MacGuffin idéal. Au-delà de la cruauté du conte, on trouve, dans « Sangre de Unicornio », une confrontation du monde enfantin face à des problématiques d’adulte. Il est donc facile d’éprouver tour à tour de l’empathie ou du rejet pour les personnages alors qu’autour d’eux, tout un environnement se déploie, aussi enchanté que cauchemardesque. Alberto Vázquez nous dessine des fleurs en forme de cœur sans nous épargner leur couleur rouge sang. La variété graphique est impressionnante et le film convoque, ici et là, des éléments de « La Planète Sauvage » de René Laloux tout autant que des icônes chrétiennes du XVè siècle.


Outre son graphisme, le film présente une animation subtile. Comme chaque image est dessinée, les nuances sensibles du film se fabriquent en faisant varier la fluidité de l’animation. Quand il faut décrire une action, les images s’enchaînent très vite. Quand il faut évoquer un mythe ou un souvenir, l’animation se fige jusqu’à l’image par image, montrant parfois des illustrations ou des tableaux, comme dans une étonnante séquence centrale du film définissant le mot « douleur ».

Au final, « Sangre de Unicornio » fait penser à un carambolage entre « Bob l’éponge » et un film d’horreur espagnol d’Álex de la Iglesia, mais sa singularité se trouve dans l’ironie cruelle face aux mythes qu’il explore. Derrière un gout du discours martelé, asséné comme autant de coups de poing au visage du spectateur, se montre un réel amour pour le récit graphique. Outre son point de vue singulier donc, « Sangre de Unicornio » nous offre le luxe de placer sa maîtrise des images en avant de la cruauté de son discours. Le mélange est détonnant, le film efficace et marquant. À ne pas manquer.

Georges Coste

Consulter la fiche technique du film

S comme Sangre de Unicornio

Fiche technique

Synopsis : Deux oursons partent chasser des licornes, leur proie de prédilection. Les licornes ont une chair tendre et un sang sucré au goût de myrtilles dont les oursons ont besoin pour rester beaux.

Genre : Animation

Durée : 8’37

Pays : Espagne

Année : 2013

Réalisation : Alberto Vázquez

Scénario : Pedro Rivero, Alberto Vázquez

Son : Víctor García

Musique : Víctor García – Hongo

Montage : Iván Miñambres

Production: Abrakam Studio

Interprétation : Lola Lorente, Borja Bas, Alberto Vasquez

Article associé : la critique du film

Sébastien Betbeder. Le jeu, l’impro, les adulescents et Paris

La filmographie de Sébastien Betbeder voit alterner des formes courtes et longues. D’un côté, il y a des films comme La Vie lointaine et Sarah Adams, de l’autre, il y a Les Nuits avec Théodore et 2 Automnes 3 hivers.

Au Festival de Vendôme 2014, le réalisateur présentait son dernier film sélectionné en compétition nationale, Inupiluk, une comédie orchestrant la rencontre entre quatre garçons très différents, Thomas et Thomas, deux Français, et Adam et Ole, deux Groenlandais. Ce film de 34 minutes sortira en salles au début de l’année 2015; Sébastien Betbeder en prépare déjà la suite. Retour en quelques minutes sur la genèse de ce moyen-métrage ainsi que sur les thématiques et genres cinématographiques que Sébastien Betbeder aime aborder et croiser dans ses films.

 

Et vous, quels sont vos courts-métrages favoris cette année ?

Noël Joyeux ! Hier, nous avons publié notre Top 5 annuel des meilleurs courts métrages de l’année. Nous sommes curieux de connaître vos goûts et aimerions savoir si les films qui nous ont marqués cette année vous ont plu à vous aussi.

Et pour vous, quels sont les meilleurs courts de l’année, tous genres et nationalités confondus ? Vos commentaires sont les bienvenus en réponse à cette petite actu en forme de point d’interrogation.

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