Pork & Luna de Xiaoyu Du

En compétition internationale du festival de Clermont Ferrand était présenté cette année le film de Xiaoyu Du, « Pork & Luna », mettant en scène la cohabitation houleuse d’une jeune fille et de sa belle-mère.

En Chine, une femme travaille dans une usine de viande porcine. Dans une brève scène d’exposition, défilent les corps entassés des cochons encore vivants, puis les morceaux de viande crue dépecée dans l’atmosphère glacée des locaux. La scène suivante dénote largement : dans un salon de coiffure, Luna, délaisse son client la tête moussue de shampoing pour aller rejoindre son copain Jilbao, venu la chercher en moto. Cela commence comme une fugue amoureuse, une échappée belle. La légèreté de la jeunesse se défie du monde adulte… pour atterrir chez la mère de Jilbao, austère et tyrannique. Le caractère de la mère semble contaminé par son mode de vie, par la violence du travail à l’usine, de la chair malmenée. Les amoureux n’en ont cure, et l’insolence de leur bonheur s’agite face à sa solitude.

Pork&Luna

Cette entrée en matière se révèle n’être que fausse piste : très vite Jilbao disparaît mystérieusement. Luna et sa belle-mère vont devoir se supporter dans une étrange atmosphère d’attente et de confrontation. Chacune voit en l’autre un mode de vie écœurant, avilissant. Elles sifflent comme des chats et leur comportement animal prend des airs de lutte de territoire. La trivialité de leurs affrontements relève d’un dégoût viscéral : rejet des dessous féminins, intrusion dans l’intimité de la douche ou des toilettes. La promiscuité dans toute son horreur : l’odeur de l’autre devient intolérable, puisqu’elle vous rentre dans le corps sans crier gare.

Pourtant, selon un schéma bien connu, l’hostilité est faite de projection et d’identification, et la ressemblance entre les deux femmes se dessine progressivement, tout comme le double jeu du fils. L’intimité de la caméra épaule et son cadre vivant, le mélange entre champs/contrechamps et plans d’ensemble modèlent une symétrie d’opposition puis se muent subtilement en symétrie associative. Le ton âpre du film se dissout. L’inquiétude et l’entraide font jaillir des liens ténus de complicité et l’empathie des corps. Les deux femmes s’apprivoisent, se soutiennent et se découvrent.

Quand le fils revient, une autre fille au bras, on ne sait laquelle des ruptures est la plus difficile… La mère et Luna prises dans la répétition d’une trahison amoureuse ne s’en ressemblent que plus.

Juliette Borel

Consultez la fiche technique du film

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