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Short Screens #37: Frontières

Physiques ou psychologiques, symboliques ou littérales, les frontières sont des délimitations artificielles et floues vouées à se transformer sans cesse. Quand elles ne sont pas source de conflits, elles sont une invitation au voyage, une découverte de l’autre côté du miroir. Le temps d’une séance, Short Screens a rassemblé sept courts métrages témoignant de belles traversées aux lisières des genres et des réalités.

Un projet à l’initiative de l’asbl Artatouille et Format Court

Jeudi 24 avril à 19h30 au Cinema Aventure, Bruxelles. PAF 6€

Programmation

ANNA de Spiros Charalambous
Grèce / 2012 / fiction / 23′

Anna

Marie, 30 ans, originaire de Philippines, travaille dans un village à Chypre. Elle prend soin d’un vieil homme âgé de 85 ans et qui souffre d’artériosclérose. Il passe sa journée à regarder la télévision, et plus précisément un feuilleton, mettant en vedette Anna. Il semble obsédé par l’actrice.

MOTORVILLE de Patrick Jean
France / 2013 / animation / 2’46

motorville

Dans Motorville, c’est la « street view » qui prend vie sous nos yeux. Suivez les aventures d’une ville dont le cœur ne bat plus et qui doit s’exiler au Moyen Orient pour se procurer sa dore de pétrole.

STRAIGHT 8 d’Ayisha Abraham
Inde / 2005 / expérimental / 17′
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Straight 8 est une partie d’un vaste projet racontant l’histoire culturelle des films d’amateurs dans la région de Bangalore. Construire une représentation sur des images déjà produites et imaginées: Le readymade, le recyclage, le found footage ou les objets trouvés, les éléments d’une culture habitant les archives privées de la mémoire, le projet cherche à explorer et décrire une créativité non-professionnelle à un temps où la technologie n’en était encore qu’à l’enfance; le résultat est une contre-histoire du cinéma Indien.

ORPHEUS de James Button
Royaume-Uni / 2011 / fiction / 7′
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Une histoire sombre et expérimentale d’un homme qui cherche son amour perdu.

DIE ANDERE SEITE d’Ellie Land
Allemagne / 2007 / documentaire-animation / 5’10
die andere seite
Un documentaire animé à propos du mur de Berlin, explorant l’imagination des enfants, ce qu’ils pensent y avoir de l’autre côté, sans n’y être jamais allés.

Article associé : la critique du film

CROIT de Fabrice Couchard
Belgique / 2005 / fiction / 17′

croit-fabrice-couchard

Hiver 1934, un hameau isolé des Ardennes belges. François est le jeune paysan qui livre le lait chez les habitants du village. Un jour, le docteur lui demande d’aller porter d’urgence une lettre à un confrère dans la ville voisine. Sarah, la fille du médecin, prétend être sa captive. Elle persuade François de la prendre avec lui et de la  » libérer  » de cette étrange persécution. Le temps presse, mais le trajet le plus rapide ne peut se faire que par la traversée de la Fagne blanche et glaciale. Pris dans la tourmente, François et Sarah vont se perdre…

THE RUNNERS de Matan Rochlitz & Ivo Gormley
Royaume-Uni / 2013 / documentaire / 11′

TheRunners

Les réalisateurs Matan Rochlitz et Ivo Gormley sont allés à la poursuite de joggers pour ouvrir la discussion pendant leur effort. L’occasion de poser des questions plutôt personnelles, et de voir leur aptitude à s’ouvrir.

Pour la France de Shanti Masud

Strangers in the night

Le film de Shanti Masud s’ouvre sur un cliché, et pas des moindres : Paris, la nuit. L’Allemande Désirée, appareil photo en main, shoote le croissant de lune qui se dessine derrière quelques nuages. Le déclic de l’appareil semble appeler un autre personnage à l’intérieur du cadre, le jeune Charles, blondinet espiègle qui décide « d’offrir sa nuit » à cette inconnue. On devine dans ces quelques paroles échangées par les personnages les intentions de la réalisatrice : Shanti Masud nous offre « sa » nuit parisienne, carrefour cosmopolite où tous les romantiques se donnent rendez-vous et partagent la vision d’une ville rêvée, chargée de mystères et habitée par les fantômes du cinéma. Le titre du film lui-même contient la promesse d’un don, et les multiples cadeaux et petites attentions que les personnages s’échangeront tout au long de cette nuit ne dérogeront pas à la règle : « Pour la France » est un présent fait au spectateur, qu’il serait bien idiot de refuser.

La balade commence lorsque Désirée et Charles sont rejoints par France, jeune femme au long manteau noir semblant surgir de la nuit même. Le trio improvisé s’arrête dans un bar, repaire de quelques oiseaux nocturnes perchés sur leurs tabourets évaluant nos héros à leur entrée en même temps que la caméra détaille cette faune par un élégant panoramique. Ce plan semble répondre au précédent opus de la réalisatrice, le diptyque composé de « But we have the music » et « Don’t touch me please», moyens-métrages réalisés en super 8 où Shanti Masud multipliait les portraits de ses amis pour dresser celui d’une génération sur fond de musique pop. Si la narration classique à pris le pas sur les formes expérimentales, la cinéaste poursuit ici sa recherche personnelle d’alchimie entre les portraits d’individus et les morceaux de musique, très présents dans « Pour la France » (de Debussy à Kraftwerk). Le petit groupe s’élargit lorsque Désirée ramène à son bras deux jeunes marginaux, Blaise et Ivo. France frémit à l’apparition de ce dernier et l’on devine rapidement le lien qui les unit. Il est temps de migrer. Direction l’atelier d’Ivo, le beau tatoueur, pour continuer la soirée.

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Dans la pénombre de la cour d’immeuble, Charles s’apprête à faire sursauter ses deux compagnes en se cachant derrière un muret. Sa blague tombe à l’eau lorsque le gémissement de Blaise, résonnant depuis l’atelier, redirige les regards des trois compères vers une fenêtre du premier étage. À l’image de cette scène, le film de Shanti Masud procède en permanence à de subtils déplacements des enjeux à l’intérieur des séquences, à des ruptures de tons qui l’empêchent de se figer dans une pose trop sérieuse ou révérencieuse. Si la réalisatrice emprunte aux films de chambres des années 70 de Garrel et d’Eustache le grain charbonneux du noir et blanc et le sens du portrait, elle ne s’abandonne pas pour autant à la contemplation tragique ou nostalgique d’un imaginaire révolu. À la fièvre enivrante qui consumait les héros de ces films, Shanti Masud préfère la caresse, la douceur des échanges de regards et les pirouettes d’un “petit clown triste”.

Dans l’intimité retrouvée de l’appartement, France et Ivo vont se confier à Désirée, lui livrant leurs secrets et leurs rêves à tour de rôles. La belle allemande devient ainsi le vecteur de parole, le maillon manquant pour relier les amants entre eux. Comme la navette qui traversera le corps de Désirée en surimpression lorsque, assoupie sur les bords de Seine, elle profitera des premiers rayons du soleil au petit matin, son corps se transforme en vaisseau et permet la liaison providentielle des individus croisés au court de la nuit. Peut-être est-elle réellement un ange, et cette soirée un peu magique et hors du temps son œuvre ? Shanti Masud ne tranche pas, mais conclut son film par un hymne à son personnage principal résonnant jusque dans les chambres de ces titis parisiens que la chance aura placée sur son chemin.

« Pour la France » est un beau cadeau fait par la réalisatrice à la ville qu’elle aime, aux acteurs qu’elle filme avec désir et aux spectateurs las du naturalisme triste. Shanti Masud nous invite à rêver Paris à nouveau en régénérant une imagerie trop longtemps dévolue aux cartes postales, sublimée par le noir et blanc et par une bande son hétéroclite.

Marc-Antoine Vaugeois

Consultez la fiche technique du film

Article associé : l’interview de Shanti Masud

P comme Pour La France

Fiche technique

Synopsis : Un soir, Désirée, jeune Allemande de passage à Paris, rencontre Charles, France et Ivo. Passée l’effervescence de la nuit, ils se retrouvent dans une intimité soudaine. Le petit matin les découvrira changés.

Genre : Fiction

Durée : 28’

Pays : France

Année : 2012

Réalisation : Shanti Masud

Scénario : Shanti Masud

Directeur de la photo : Tom Harari

Montage : Julie Picouleau

Son : Mathieu Descamps, Matthieu Deniau

Auteur de la musique : Olivier Marquerit

Décors : Yannick Moine

Interprétation : Friedelise Stutte, Sigrid Bouaziz, Bastien Bouillon, David Atrakchi, Pascal Tagnati

Production : La Vie est Belle Films Associés

Articles associés : la critique du filml’interview de Shanti Masud

 

T comme Trespass

Fiche technique

*** Local Caption *** Trespass, , Paul Wenninger, A, 2012, V'12, Kurzfilme

Synopsis : En anglais « trespass » signifie s’immiscer, mais peut aussi faire allusion à une entrée non autorisée ou, dans le jargon juridique, une « perturbation domestique ». Ce film d’animation en prises de vue réelle joue avec tous les sens du terme.

Genre : Animation, Fiction

Durée : 10’30

Pays : Autriche

Année : 2012

Réalisation : Paul Wenninger

Scénario : Paul Wenninger

Image : Paul Wenninger, Nik Hummer

Lumière : Jerzy Palacz, Paul Wenninger

Montage : Martin Music

Musique / son : Nik Hummer, Michael Moser

Interprétation : Paul Wenninger

Production : Kabinett ad Co. , Paul Wenninger, KGP – Kranzelbinder Gabriele Production, Sixpack Film

Articles associés : la critique de « Trespass », l’interview de Paul Wenninger

Paul Wenninger : « Je ne suis pas comédien mais danseur. L’animation est pour moi ce qui se rapproche le plus de ma pratique artistique, la chorégraphie »

C’est au festival Premiers Plans d’Angers que nous avons rencontré Paul Wenninger qui est venu présenter son premier film « Trespass », présenté dans la catégorie Plans Animés. Membre du collectif Kabinett ad Co.,  ce chorégraphe et musicien autrichien est un artiste à la recherche de nouvelles expériences visuelles et sensorielles que nous avons interviewé afin de mieux appréhender son travail autour du mouvement. Pour « Trespass », il a utilisé la pixilation, technique d’animation en volume et a filmé son corps image par image dans un décor toujours en mouvement, créant un film très maîtrisé où chaque élément semble dépasser les contraintes de l’espace et du temps.

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Comment est né le projet « Trespass » ?

J’ai commencé avec une série de performances scéniques dans lesquelles le corps était toujours contextualisé parmi des objets et au sein d’un environnement. Avec ces rapports de cause à effet, je laissais le public être acteur de la performance. Pour moi, commencer à faire de la pixilation fut une étape logique. Alors, on s’est lancé dans le projet naïvement et on a commencé à faire du slow motion, à expérimenter cette technique.

Quelle était votre motivation pour faire un film d’animation après toutes ces années de performance scénique ? Pourquoi vous êtes-vous tourné vers l’animation plutôt que vers la prise de vue réelle ?

Tout part du mouvement. De ce point de vue, pour moi, c’était ma première œuvre cinématographique, mais pas ma première création artistique. Bien sûr, la stop-motion est un procédé différent, mais cela fait cinq ans qu’il est présent dans mon travail et que j’utilise des médias différents. On a aussi des projets musicaux, un groupe de deathmetal qui s’appelle Superlastic, on travaille sur des sons, des objets, des images, la scène, la performance, on a du mal à se contenter d’une seule chose. D’un point de vue chorégraphique, c’est intéressant pour moi de travailler de façon très précise en studio, sur l’animation d’un film, parce que vous pouvez obtenir des choses beaucoup plus précises que sur scène.

L’essence du film est un travail chorégraphique sur la façon dont nous créons l’environnement, comment celui-ci change, comment les objets bougent et comment la caméra se déplace par rapport au corps, et vice-versa. Tout cela revêt un aspect chorégraphique à mes yeux. Filmer le réel ne m’intéresse pas, on le voit dans les documentaires, et c’est toujours intéressant, mais refléter ce qu’on voit ne correspond pas à ma démarche artistique. Je ne suis pas comédien mais danseur, et l’animation est pour moi ce qui se rapproche le plus de ma pratique artistique, la chorégraphie.

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Pourquoi votre corps évolue-t-il dans votre film à un rythme différent des objets qui l’entourent ?

Ce qui était intéressant dans ce projet, c’est que le corps possède déjà en lui un tas d’informations à propos de ce qui l’entoure. Par exemple, lorsque je veux prendre une tasse, avant de la toucher, toutes les informations la concernant sont déjà présentes dans mon corps, alors je sais, grâce à l’expérience, comment je vais la saisir. Je connais son poids, sa taille, sa texture, il y a donc plein de paramètres qui sont déjà présents dans le corps. Dans « Trespass », j’ai beaucoup travaillé sur le fait que le corps transporte toutes ces informations avant que l’objet ne soit là. Le corps essaye de s’asseoir alors que la chaise n’apparaît qu’au dernier moment, ou un bras se tend pour appuyer sur un bouton et la radio n’apparaît qu’au dernier instant, même si vous l’entendez déjà. Tout cela est un jeu chorégraphique, c’est ça qui m’intéresse.

Votre travail sur le corps évoque notre rapport au mouvement et à la conscience que nous en avons. Comment « Trespass » questionne-t-il notre rapport à l’environnement qui nous entoure ?

Nous savons aujourd’hui que nous sommes des individus conditionnés dans un monde conditionné. « Trespass » aborde notre expérience et les images que nous connaissons. Par exemple, lorsque nous avons créé ces performances scéniques auparavant, nous avons travaillé sur l’expérience de notre savoir. Vous avez par exemple une peau de banane sur la scène, puis quelqu’un la retire et à la place, vous mettez un corps étalé sur le sol, et tout le monde rit parce que les gens comprennent que l’homme est tombé à cause de la peau de banane. La banane, un corps sur le sol, sont deux éléments connectés et nous faisons facilement l’association entre eux, c’est une relation de cause à effet. Mais en réalité, je n’ai jamais vu personne tomber à cause d’une peau de banane, et je pense qu’il en est de même pour la plupart des gens, mais nous en avons une image tellement forte que nous associons immédiatement ces deux éléments.

Ce sont des images conditionnées, mais lorsque nous les vivons, à quel point sommes-nous libres, combien de nos décisions sont-elles réellement dénuées de tout conditionnement, ce qui pose également la question de ce que peut être un corps libre. Tous ces aspects mènent vers cette question de la frontière : quelles sont les limites, comment traverser des lieux ou des choses qui font barrière dans nos esprits ? Qu’est-ce qui, par exemple, génère cette notion de privatisation ? Je vis dans une grande ville, mais est-ce que je vis dans un espace libre, est-ce réellement public ou privatisé ? Cela pose également à la question du droit du corps et sur la façon dont les frontières sont utilisées afin de créer un dedans et un dehors.

Nous sommes des créatures qui dépendent du temps et de l’espace. C’est justement la question du temps qui est posée dans le film, en plaçant le corps en premier, puis le temps, et ensuite l’espace, ce qu’on peut faire grâce au stop-motion. Le corps est ainsi libéré de son environnement et de la vitesse réelle du temps. Ce n’est pas un film de danse mais c’est un film qui exploite les qualités du danseur, qui est capable de contrôler son corps sur le long terme. Ce film aborde toutes ces questions.

*** Local Caption *** Trespass, , Paul Wenninger, A, 2012, V'12, Kurzfilme

Était-ce très différent pour vous de jouer devant une caméra plutôt que sur scène ? Avez-vous dû modifier votre façon de travailler et de décomposer le mouvement ?

Exactement, si bien que ça ressemble plus à un travail de chi kong. J’ai programmé les mouvements de la caméra en fonction du corps, si bien qu’ils revêtent un aspect chorégraphique à son égard, et nous avons parfois travaillé pendant trois ou quatre heures rien que sur un mouvement. Si j’avais fait cela sur scène, ça aurait été très ennuyeux pour le public. Comme nous filmions beaucoup en extérieur, c’était aussi une sorte de performance d’avoir un corps qui faisait un même geste sur une durée de trois heures. Cela créait une sorte de tension et attirait du public. Faire ce film, c’était placer mon corps hors du temps, mais par la suite, nous avons animé mon corps en temps réel, et c’est finalement les éléments extérieurs qui sont passés hors du temps. Ils changent très rapidement, ce qui crée un décalage.

Quelles ont-été les différentes étapes de sa réalisation ? Comment avez-vous travaillé sur le son qui constitue un élément très important du film ?

Nous avons filmé pendant neuf mois, presque tous les jours et la post-production a pris presque un an. Ça aurait pu être plus rapide, il y avait beaucoup d’autres choses sur lesquelles travailler, la composition, le son ont justement été très importants… Il y a trois couches de son dans le film : une pour donner une textualité acoustique au corps, une deuxième pour créer l’atmosphère, les sons ambiants, et puis il y a l’aspect musical. Le passage d’une couche à l’autre (parfois le corps disparaît lorsque le son augmente) crée une très belle composition.

Quelles ont été les influences cinématographiques, plus particulièrement en animation, qui vous ont inspiré pour ce travail ?

C’est une question difficile car avant de faire ce film, je ne m’intéressais pas particulièrement au cinéma d’animation. Mais maintenant, étant présent sur des festivals, j’ai soudainement vu beaucoup de films qui ont été réalisés plus ou moins en même temps que le mien, dont des choses exceptionnelles. J’étais comme un enfant aux yeux grands ouverts qui découvre le monde de l’animation, stimulé par ces images. Bien sûr, j’ai fait quelques recherches à droite à gauche, j’aime bien notamment le travail de Julia Pott, et j’aime beaucoup l’approche artistique de Chris Landreth. Je trouve que dans beaucoup de films d’animation, l’aspect narratif est très bien mené, mais la démarche artistique l’est moins, on s’en tient à une certaine technique et on raconte une histoire qui pourrait provenir d’un livre. J’ai eu parfois des doutes à cet égard. Je suis moins intéressé par cette façon de raconter.

*** Local Caption *** Trespass, , Paul Wenninger, A, 2012, V'12, Kurzfilme

Avez-vous d’autres projets de film ?

Oui, nous sommes actuellement en train de travailler sur un film de pixilation au sujet de cette année, qui marque l’anniversaire de la Première Guerre Mondiale. C’est très lointain, et en même temps, ça fait partie de notre histoire. Je me suis demandé comme je ne me suis encore jamais attaqué à quelque chose d’aussi concret dans mon travail comment traiter artistiquement un tel événement. J’ai travaillé avec des dioramas, j’aime beaucoup ces endroits, et j’aimerais y replacer cette guerre. De cette manière, j’aimerais créer quelque chose de générationnel sur la façon dont nous regardons la guerre, car je ne peux pas la reconstruire. Le but est de poser des questions destinées à la caméra sur ce que sont de véritables images et sur ce que l’on choisit de montrer.

Je termine l’écriture d’un scénario, ce que je n’avais jamais fait auparavant. C’est très intéressant de faire des choses nouvelles, d’essayer de trouver le langage adapté aux choses que j’imagine, de commencer par les images que j’ai en tête, car généralement, mon travail part d’expérimentations et de trouvailles, en étant quelque peu dogmatique face aux résultats, et en en recherchant les conséquences. Pour moi, l’art est toujours une question de décisions que l’on a prises, et avant de réaliser ce travail artistique, écrire à son propos me paraît parfois absurde. C’est donc un monde nouveau pour moi.

Propos recueillis par Agathe Demanneville

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Article associé : la critique du film

Trespass de Paul Wenninger

Avant ce premier court métrage d’animation auquel nous avons attribué le Prix Format Court au festival Premiers Plans d’Angers, en compétition dans la section Plans Animés, l’Autrichien Paul Wenninger n’était pas vraiment un cinéaste, mais un metteur en scène, un chorégraphe et un musicien. Ces pratiques sont toutes réunies dans « Trespass », film qui associe la technique du stop-motion à une mise en scène soignée où chaque détail compte. Le film met en scène des corps et des objets en mouvement soumis à des rythmes différents, véritable chorégraphie sublimée par une bande son à plusieurs niveaux qui comprend l’acoustique du corps, les sons ambiants et la musique.

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Le mot anglais « trespass », signifie « faire intrusion », « passer le seuil », et résume l’intention de celui qui anime et donne un sens à ce mot : mettre en relation des objets, des corps et des lieux qui s’animent et entrent en relation au sein d’un espace filmique relevant de la sphère privée. Ces éléments interagissent devant et avec la caméra, se contaminent et outrepassent leurs propres limites, abolissant pour quelques minutes toute notion de frontière temporelle et spatiale. Le seuil est ainsi dépassé.

« Trespass » offre des images auxquelles le spectateur peut attribuer différents sens de lecture. Déroutantes, poétiques, parfois absurdes, les images créées par Paul Wenninger mettent en relation les corps, les objets et les sons, et les font communiquer pour créer du sens. Son personnage, ou plutôt le corps qu’il met en mouvement mais auquel il ne donne pas réellement vie, se trouve entre quatre murs et entre en contact avec divers objets du quotidien, effectuant les mouvements auxquels on associe ces objets avant même qu’ils n’apparaissent à l’écran : chaque geste semble être une sorte d’anticipation de l’objet. Le personnage, conditionné par les éléments qui l’entourent, ne réfléchit pas et se déplace instantanément, presque robotisé, comme s’il avait enregistré au préalable des informations sur ces objets.

*** Local Caption *** Trespass, , Paul Wenninger, A, 2012, V'12, Kurzfilme

Le film met en scène un homme dont on ne sait rien et qui devient non pas sujet mais objet du film. Véritable chorégraphie du quotidien, cette figure voyage dans toutes sortes de lieux sans réellement franchir les quatre murs qui l’entourent, et sans subir le passage du temps qu’un tel voyage, de l’Afrique à l’Europe par exemple, implique : ce sont les éléments extérieurs, les objets, les personnes et les bruits qui tour à tour viennent envahir l’écran et la sphère privée, pénétrant dans l’intimité de cet homme.

Au premier abord, le temps et l’espace ne semblent plus être des obstacles et toute frontière parait soudainement abolie. Mais « Trespass » a quelque chose d’inquiétant, car il reflète un aspect angoissant de la société post-moderne : le développement rapide des moyens de transport et de communication et la course perpétuelle contre le temps tendent vers une abolition des frontières spatiales et temporelles qui rend floues les limites entre l’espace public et l’espace privé, entre ce qui est urgent ou ne l’est pas, ce qui est indispensable ou ne l’est pas. Très vite, on a l’impression que le corps est devenu prisonnier d’une boucle temporelle sur laquelle il n’a aucune emprise, sans véritable conscience.

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Dans ce film, le corps, évoluant dans un espace envahi et sujet à de multiples agressions extérieures se déplace machinalement et sa destruction, son épuisement, semblent quant à eux imminents. Certains motifs récurrents sont là pour le certifier : les chutes du personnage, les tableaux de son corps inerte et le sang, des éléments qui viennent s’immiscer dans cette chorégraphie de la vie, une chorégraphie presque absurde.

« Trespass » est un film qui ne prétend pas illustrer le réel mais crée au contraire un monde dans monde, une réflexion abstraite et imagée de notre fonctionnement et de notre rapport au corps et à l’espace. Paul Wenninger analyse et décompose le mouvement, il transforme les gestes du quotidien en une chorégraphie déconcertante, qui mérite d’être vue et revue pour lui attribuer un sens.

Agathe Demanneville

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Article associé : l’interview de Paul Wenninger

Projection Format Court, jeudi 10 avril 2014, à 20h30, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème)

Notre prochaine projection de courts, organisée le jeudi 10 avril à 20h30 au Studio des Ursulines (Paris, 5ème), s’articule autour de deux Prix Format Court, « Pour la France » de Shanti Masud, primé au dernier Festival de Vendôme et « Trespass » de Paul Wenninger, récompensé au Festival Premiers Plans d’Angers. Deux autres films complètent notre programmation : « La fugue » de Jean-Bernard Marlin, l’un des cinq finalistes aux César et « A Story for the Modlins », un docu-fiction ayant fait sensation à Clermont-Ferrand l’an passé. Comme toujours, la séance sera accompagnée d’une rencontre avec les équipes présentes.

Programme

La Fugue de Jean-Bernard Marlin, Fiction, 2013, 22′, France, Les Films de la Croisade. Ours d’or (Festival de Berlin 2013), Prix de la presse Télérama  (Festival de Clermont-Ferrand 2014). En présence de l’équipe

Synopsis : Lakdar, éducateur dans un foyer pour mineurs délinquants à Marseille, accompagne au tribunal sa jeune protégée, Sabrina, jugée pour une ancienne affaire. Il part confiant, convaincu que leurs efforts seront récompensés.

Articles associés : la critique du film, l’interview de Jean-Bernard Marlin

Pour la France de Shanti Masud, Fiction, 2012, 30′, France, La vie est belle films associés. Prix Format Court  (Festival de Vendôme 2013). En présence de l’équipe

Synopsis : Une nuit à Paris. Le passage de l’allemande Désirée dans la vie de Charles, France et Ivo. Le petit matin les découvrira changés.

Article associé : la critique du film

Trespass de Paul Wenninger, Animation, 2012, 11′, Autriche, Sixpack Film. Prix Format Court (Festival d’Angers 2014). En présence de Elisabeth Lampurée (chargée des partenariats et de la communication du Festival Premiers Plans d’Angers)

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Synopsis : En anglais, « trespass » signifie s’immiscer, mais peut aussi faire allusion à une entrée non autorisée ou, dans le jargon légal, à une « perturbation domestique ». Ce film d’animation joue avec toutes ces significations.

Articles associés : la critique du film, l’interview de Paul Wenninger

A Story for the Modlins de Sergio Oksman. Documentaire, 2012, 26′, Espagne, Dock Films. Grand Prix Labo et Prix du Public (Festival de Clermont-Ferrand 2013)

Synopsis : Après avoir participé au film Rosemary’s Baby, Elmer Modlin a fui avec sa famille dans un pays lointain et s’est enfermé dans un appartement sombre pendant trente ans.

Article associé : la critique du film

En pratique

► Date, horaire : jeudi 10 avril 2014, à 20h30

► Durée de la séance : 86’

► Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris

► Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), BUS 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)

 Entrée : 6,50 €

 Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com

Festival Courtisane du 2 au 6 avril

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Plateforme pour le cinéma, la vidéo ou le multimédia, Courtisane continue à (se) chercher sur les chemins de traverses du cinéma expérimental. Entre vidéos d’art et expérimentations virtuoses, les œuvres présentées dans le cadre de la programmation du festival demeurent à nouveau des découvertes incontournables de la scène nationale et internationale.

Toutes les informations : www.courtisane.be

6ème Millenium Festival – du 3/4 au 11/4, Bruxelles

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Depuis sa création en 2009, le Festival Millenium poursuit sa vocation de proposer des documentaires qui interpellent et nous font découvrir l’Autre dans sa complexité ainsi que la beauté de la différence. Initié pour mettre à l’honneur des films dont les thèmes sont liés aux Objectifs du Millénaire pour le Développement, le festival est devenu un rendez-vous incontournable grâce à l’originalité de sa programmation.

La 6ème édition du festival aura lieu du 3 au 11 avril, ai CIVA et à l’espace Senghor à Bruxelles.

Découvrez la sélection de courts et moyens métrages!

Compétition internationale

Yemeniettes de Shawn Thompson (Yemen, 60′)
Trois adolescentes yéménites participent à un concours d’entrepreunariat. Cependant, en chemin, elles rencontrent les difficultés posées par un pays où l’éducation est corrompue, sans emploi et sous la menace de la présence d’Al-Qaïda. Malgré le fait d’avoir grandi dans une société où le modèle traditionnel des genres est encouragé et perpétué, Wafaa, Maha et Reem sont déterminée à se forger un meilleur avenir.

Compétition « Travailleurs du Monde »
Films sélectionnés en collaboration avec Le P’tit Ciné, organisateur du Festival Regards sur le Travail

Avec le vent de Raf Custers (Belgique, 36′)
Croissance pour les uns, patience pour les autres. Nous le voyons en République démocratique du Congo, où ce documentaire a été tourné en avril 2013. Le film déconstruit les rapports entre les populations locales et l’industrie minière. Pendant que le cuivre et le cobalt sont extraits des mines pour nourrir l’économie mondialisée, les congolais toussent. Le vent chargé de pollution est aussi celui des aspirations à un développement soutenable et au bien être pour le peuple congolais.

Karaoké domestique d’Ines Rabadan (Belgique, 35′)
Dans toutes les maisons, quelqu’un doit ranger, lessiver, nettoyer. Mais qui ? Karaoké domestique est une performance et une expérience : trois « couples » de femmes, dont l’une s’occupe du travail ménager de l’autre, sont interviewés par la réalisatrice Inès Rabadán au sujet de l’organisation et de la hiérarchie complexe qui règne dans une maison.

 Little Land de Nikos Dayandas (Grèce, 51′)
Depuis l’arrivée de la crise financière en Grèce, de plus en plus de jeunes athéniens ont décidé de déménager vers la campagne, dans l’espoir d’une vie meilleure. Parmi eux, Theodoris qui s’est installé sur l’île isolée d’Ikaria dans la mer Égée. Il y découvre une économie locale qui s’avère fonctionnelle, une petite société qui fait preuve d’une exceptionnelle culture de l’autonomie et de la coopération, où le peuple vit mieux et plus longtemps. Le documentaire a pour but de dévoiler le secret des habitants de l’île, dont la vie, totalement différente, pourrait nous inspirer en temps de crise économique et sociale.
Compétition « Vision Jeune »

Le printemps d’Hana de Sophie Zarifian, Simon Desjobert (France, 55′)
Le 11 février 2011, après 18 jours de manifestations populaires, le président égyptien Hosni Moubarak démissionne et décide de remettre le pouvoir entre les mains du conseil suprême des forces armées. Du haut de ses 18 ans, Hana décide de participer activement à ce mouvement révolutionnaire. Elle cherche, avec la grande spontanéité qui la caractérise, un moyen de s’impliquer dans les changements politiques et sociaux de son pays. Elle essaie de faire entendre sa voix auprès de sa famille, au sein d’un nouveau parti politique, dans son groupe d’amis, ou encore dans la rue.

Democracy Camp de Ismail Elmokaden, Zahra Mackaoui (Israel, 48′)
Dans un camp pour adolescent en Egypte, durant l’été 2011, la rébellion est dans l’air. Encouragés à s’exprimer librement et influencés par la vague révolutionnaire du printemps arabe, les jeunes adolescents du camp commencent une révolte contre le règlement de leur propre camp. Mais après l’euphorie initiale, des divisions émergent entre les différents protagonistes, et les enfants découvrent que la démocratie est plus compliquée à mettre en place que ce qu’ils imaginaient. A leur retour à la maison – en Egypte, Tunisie, Yémen et Cisjordanie – ils peinent à trouver leur voie parmi les bouleversements qui ont lieu dans la région. Ces adolescents ordinaires représentent la pensée et les changements du monde arabe, et à travers eux le film explore la prise de conscience politique et sociale vécue par des millions d’enfants.

Nous, dehors de Bahïa Bencheikh-El-Fegoun, Merieme Achour Bouakkaz (Algeria, 53′)
Manel, jeune fille de 23 ans, a porté le voile pendant deux ans. Aujourd’hui, elle est sur le point de changer sa vie et de se libérer du hijab qui l’opprime de plus en plus. Manel se cherche, elle est en quête de réponses au coeur d’une société qui a du mal à accepter deux concepts : la liberté et le respect. A travers son histoire, nous rencontrons d’autres femmes de son âge mais aussi d’autres générations. Elles se font par de leurs quêtes, de leurs doutes et des expériences qu’elles ont vécues.

La alfombra roja de Manuel Fernández et Iosu López (Espagne, 12′)
En Inde, pas moins de 158 millions de personnes vivent dans l’extrême insalubrité des bidonvilles. Des millions d’enfants jouent autour de déchets, de vaches, de rats et d’excréments. Le bidonville Garib Nagar, dans le quartier de Bandra (Bombay) est la maison de Rubina, une jeune fille de 12 ans qui rêve de devenir actrice et de transformer son bidonville en un endroit propre et habitable.

Panorama « Connaître l’Autre »

The War Campaign de Boris Benjamin Bertram (Danemark, 60′)
Dans plusieurs pays, l’invasion de l’Irak de mars 2003 a été déclarée illégale. Boris Bertram décortique le processus de la guerre et suggère des façons d’organiser les futures campagnes militaires pour les vendre au public. Il efface notre croyance en l’intégrité politique avec son reportage sur le prélude de la guerre en Irak et le jeu politique qui l’a déclenchée. Par l’intermédiaire d’archives et d’interviews avec des personnalités-clés, il nous montre comment les récits sont inventés et comment l’histoire s’écrit.

The Rape of the Samburu Women d’Iara Lee (Kenya, 13′)
Lorsque le Kenya était encore une colonie britannique, les femmes ont été confrontées à une épidémie de viol. Bien que ces viols aient été officiellement rapportés, les soldats n’ont pas été reconnus coupables par l’armée britannique. Au milieu des années 1990, Beatrice Chili a réagi face à cette situation en mettant en place le village de Senchen, une communauté auto-suffisante dirigée entièrement par des femmes. Dans ce village, les femmes construisent des maisons, fabriquent des vêtements, cultivent la terre et élèvent les enfants. Ce court métrage montre le courage de ces femmes qui racontent à cœur ouvert leur souffrance et qui parlent avec passion de leur combat pour obtenir justice.

The Kalasha and the Crescent d’Iara Lee (Pakistan, 13′)
Les Kalash du Chitral forment un peuple du Pakistan septentrional, dont le riche héritage culturel est en contradiction avec l’islam dominant. Aujourd’hui, bien que ce peuple doive faire face à la pauvreté, au tourisme et à l’islam, certains militent pour ne pas que leur culture s’éteigne. Les traditions Kalash peuvent-elles résister à la fois à la mondialisation et aux tensions religieuses ?

Battle for the Xingu de Iara Lee (Brésil, 11′)
Le long du fleuve Xingu, un affluent de l’Amazone, vivent plus de 10 000 indigènes dont la survie dépend de la rivière. Le gouvernement brésilien, pour développer la région, propose d’y construire un barrage hydro-électrique. Cette initiative mettrait en danger la biodiversité de son bassin mettant ainsi en péril le futur de ses habitants. En janvier 2009, plus de 100 000 Brésiliens se sont rassemblés à Belem pour le Forum social mondial, où les habitants du Xingu ont fait entendre leurs voix et ont assuré qu’ils ne laisseraient pas menacer la rivière et leur culture.

The Ghost of Piramida de Andreas Koefoed (Danemark, 58′)
Dans The Ghost of Piramida, le réalisateur Andreas Koefoed suit Efterklang dans une expédition audio de 9 jours dans la ville fantôme de Piramida sur le Spitsbergen, à quelque mil kilomètre du Pôle Nord et habité par plus d’ours polaires que d’hommes. Accompagnés par leur taciturne et peu impressionné protecteur russe d’ours polaire, le groupe part à la chasse au trésor dans les immeubles vides de la ville fantôme.

Au nom du Maire de Hirte Anca (Roumanie, 54′)
Bienvenue à Piatra Neamt, Roumanie ! Dans un petit bureau près de la Mairie, des demandeurs d’emploi font la queue devant une seule et unique interlocutrice. Un jeu de rôles commence à se mettre en place. On suit au plus près les visages, les regards et les expressions, créant ainsi une allégorie du pouvoir. De l’absurde au tragique, du comique au sérieux : c’est un film construit comme une pièce de théâtre de l’Ionesco en cinéma documentaire !

Anplagd de Mladen Kovacevic (Serbia, 52′)
Avec la technologie adéquate, on peut faire d’une simple feuille d’arbre un instrument à part entière. C’est ce que nous apprend ce sympathique film sur un village serbe qui consacre tout son amour à cet instrument si primitif. Dans le vrai style de Tarkovski, le film commence par une brise caressant les arbres et, pendant que la vie suit paisiblement son cours dans le village, l’automne décroche les feuilles des arbres. Josip et Petar se rassemblent pour jouer de la feuille et, avec l’aide de l’excentrique Vera, ils en apprennent la phonétique. Une amitié extraordinaire et taciturne se développe entre ces trois personnes.

Le site du festival

Retour en images sur la séance Format Court de mars

Jeudi 13 mars 2014, notre séance mensuelle au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) accueillait une programmation « Spécial Brest » consacrée au Festival Européen du Film Court de Brest. La projection fut suivie d’une rencontre avec Fabienne Wipf, directrice du festival, de Gudmundur Arnar Gudmundsson (réalisateur islandais de « Hvalfjordur »), de Chema García Ibarra et Leonor Díaz (réalisateur et directrice artistique/coproductrice espagnols de « Misterio », Prix Format Court à Brest) et de Bérenger Thouin (réalisateur français de « Guillaume le Désespéré »). Voici les photos de la soirée, proposées par l’objectif de Laura Bénéteau.

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Avec Fabienne Wipf, directrice du Festival de Brest

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Avec Leonor Díaz et Chema García Ibarra, directrice artistique/coproductrice et réalisateur (« Misterio »)

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Avec Gudmundur Arnar Gudmundsson, réalisateur (« Hvalfjordur »)

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Avec Bérenger Thouin, réalisateur (« Guillaume le Désespéré »)

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Concours Audi talents awards, appel à projets

Créé en 2007, le programme de mécénat culturel Audi talents awards a pour vocation de détecter et soutenir des talents émergents. Les candidats ont jusqu’au 31 mars 2014 – date de clôture du concours – pour déposer leurs projets dans les catégories « court métrage », « musique à l’image », « desig n» et « art contemporain ». Le jury – composé de personnalités parmi lesquelles des ambassadeurs Audi – désigneront le 1er juin 2014 les lauréats, lors de la délibération finale à Paris.

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Les projets doivent être en accord avec l’une des valeurs phares de la firme, “l’avant-gardisme”, tout en gardant une parfaite indépendance vis-à-vis du secteur automobile. A la clé, un accompagnement complet pour les lauréats pour finaliser leurs projets.

Le concours est gratuit et ouvert à toute personne majeure francophone résidant en France métropolitaine. Les candidats sont invités à retirer les dossiers de candidatures en ligne, puis à les déposer ou à les envoyer à l’agence événementielle d’Audi France, Double2, 34 rue Eugène Flachat, 75017 Paris.

BD6Né, Film Noir Festival : soutenez-les !

Les membres de Format Court aiment le court métrage et le prouvent en créant leurs propres festivals ! Julien Savès et Julien Beaunay sont à l’origine du festival BD6Né, le premier festival entièrement consacré aux apports de la BD dans le cinéma. Quant à Géraldine Pioud, elle est à l’initiative de la première édition du Film Noir Festival, seul et unique festival consacré au film noir en France. Ces deux festivals fêtent leurs deux ans cette année. Tous deux ont lancé des campagnes sur Ulule, le site de financement participatif, et ont besoin d’appuis pour maintenir leur équilibre fragile et financer leur projet. Soutenez-les : même 5 euros peuvent faire la différence !

Le festival BD6Né, dont la deuxième édition aura lieu du 4 au 6 avril à Paris, Nanterre et St Ouen, n’a plus que trois jours pour compléter sa campagne. 80% du projet est financé, aidez-le à atteindre leur objectif !

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De son côté, le Film Noir Festival vivra également sa deuxième édition dans quelques mois, du 27 au 30 novembre 2014 ,en région parisienne. Lancée il y a seulement deux jours, la campagne n’en est qu’à son début (3% de son objectif). N’hésitez pas à le soutenir, lui aussi !

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Brussels Short Film Festival, les films sélectionnés en compétition internationale

Le 17ème Brussels Short Film Festival aura lieu du 23 avril au 3 mai prochain. Trois compétitions s’y inscrivent : l’internationale, la nationale (films belges) et Next Generation (courts d’écoles). Voici d’ores et déjà la liste des films qui concourront en compétition internationale.

Compétition internationale

8 Ay – Hüseyin Aydin Gürsoy – Turquie
9 meter – Anders Walter – Danemark
Anacos – Xacio Baño – Espagne
Ballen – Janne Schmidt – Pays-Bas
Belinda Beautiful – Marianne Blicher – Danemark
Bishtar Az Do Saat– Ali Asgari – Iran
Boles – Spela Cadez – Slovénie
Canada – Nicolas Leborgne, Sophie Thouvenin – France
Ce l’hai un minuto? – Alessandro Bardani – Italie
Chigger – Ale Miguel Llanso – Espagne
Closure – Ling Low – Malaisie
Democracia – Borja Cobeaga – Espagne
Ennui Ennui – Gabriel Abrantes – France
Esa Música – Dario Vejarano – Colombie
Folk Kjøper Blomster – Morten Haslerud – Norvège
Keys of Heaven – Hamy Ramezan – Iran
La Femme de Rio – Nicolas Rey, Emma Luchini – France
La lampe au beurre de Yak de Hu Wei– Chine, France
La Maison de poussière – Jean-Claude Rozec – France
La Virée à Paname – Carine May, Hakim Zouhani – France
Le Ballon de rouge – Sylvain Bressollette – France
Le pays qui n’existe pas – Cécile Ducrocq – France
Lettres de femmes de Augusto Zanovello– France
Maiden – Stephen Kanaris – Australie
Man kann nicht alles auf einmal tun, aber man kann alles auf einmal lassen – Marie-Elsa Sgualdo – Suisse
Mémorable moi – Jean-François Asselin – Canada
Metube: August sings Carmen ‘Habanera’ – Daniel Moshel – Autriche
My Circumcision – Arne Ahrens – Allemagne
Next Exit – Ben Goodger – Royaume-Uni
No Kissing – Manuel Arija de la Cuerda – Espagne
Nyuszi és Őz – Péter Vácz – Hongrie
Once Upon A Time In the Shed – Barnaby Dixon – Royaume-Uni
Penny Dreadful – Shane Atkinson – Etats-Unis
Plimbare – Mihaela Popescu – Roumanie
Pride – Pavel G. Vesnakov – Bulgarie
Punch – Daniel Crowe – Royaume-Uni
Quelqu’un d’extraordinaire – Monia Chokri – Canada
Red Hulk – Asimina Proedrou – Grèce
Retention – Thomas Kruithof – France
Selma – Mohamed Ben Attia – Tunisie
Sequence – Carles Torrens – Etats-Unis
Sexy Dream – Christophe Le Masne – France
Shopping – Vladilen Vierny – France
Solecito de Oscar Ruiz Navia, Colombie, Danemark, France
Stand-by Me – Martijn de Jong – Pays-Bas
Stew & Punch – Simon Ellis – Royaume-Uni
Supervenus – Frédéric Doazan – France
The captain – Nash Edgerton & Spencer Seusser – Australie/Etats-Unis
Un Lugar Mejor – Marisa Crespo – Espagne
Voluntario – Marco Rico Javier – Espagne
Xe Tai Cua Bo – Mauricio Osaki- Brésil

Nouveau Prix Format Court au Festival de Brive

Le mois prochain, Format Court attribuera un nouveau prix à l’un des 25 films sélectionnés aux Rencontres européennes du moyen-métrage de Brive. Le Jury Format Court (composé de Katia Bayer, Zoé Libault, Camille Monin, Géraldine Pioud et Marc-Antoine Vaugeois) élira le meilleur film de la compétition (films de fictions, expérimentaux et documentaires). Le moyen-métrage primé bénéficiera d’un focus spécial en ligne et sera programmé lors d’une séance Format Court organisée au Studio des Ursulines (Paris, 5ème).

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Sélection officielle 2014

‘A IUCATA de Michele Pennetta, Suisse

ANIMAL SÉRÉNADE de Béryl Peillard, France

ANOTHER HUNGARY de Nagy Dénes, Hongrie

BOY de Julie Madsen, Danemark

D’OÙ QUE VIENNE LA DOULEUR de Khalil Cherti, France

ENNUI ENNUI de Gabriel Abrantes, France

EXTRASYSTOLE de Alice Douard, France

IL EST DES NÔTRES de Jean-Christophe Meurisse, France

JOANNA de Aneta Kopacz, Pologne

LES JOURS D’AVANT de Karim Moussaoui, France-Algérie

KARAOKÉ DOMESTIQUE de Inès Rabadan, Belgique

KK (THE GIRL WITH THE DOG) de Wiktor Ericsson, Suède

THE LOVE EQUATION OF HENRY FAST de Agniesza Elbanowska, Pologne

MAHJONG de João Pedro Rodrigues & João Rui Guerra da Mata, Portugal

MÉTAMORPHOSES de Shanti Masud, France

OCÉAN de Emmanuel Laborie, France

PAPA OOM MOW MOW de Sébastien de Fonseca, France

PEINE PERDUE de Arthur Harari, France

PETIT MATIN de Christophe Loizillon, France

PRIDE de Pavel G. Vesnakov, Bulgarie

SHADOW OF A CLOUD de Radu Jude, Roumanie

SHOOT ME de Narges Kalhor & Benedikt Schwarzer, Allemagne

SUNNY de Barbara Ott, Allemagne

TANT QU’IL NOUS RESTE DES FUSILS À POMPE de Caroline Poggi & Jonathan Vinel, France

TOUT CE QUE TU NE PEUX PAS LAISSER DERRIÈRE TOI de Nicolas Lasnibat, France

Short Screens #36: H/histoire(s)

Par sa capacité à reproduire, réinterpréter et réinventer ce qui a été, le cinéma est l’art le plus à même de faire revivre ce qui n’est plus. Six récits taillés dans la douleur et la beauté, ouvrent les fenêtres du passé et transgressent les frontières entre réel et imaginaire. Une programmation éclectique et internationale où des petites histoires côtoient la grande Histoire!

Un projet à l’initiative de l’asbl Artatouille et FormatCourt.com.

Jeudi 27 mars à 19:30 au Cinema Aventure, Bruxelles.

PROGRAMMATION

DER DA VINCI TIMECODE de Gil Alkabetz
Allemagne / 2009 / expérimental / 3′

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Dans ce film, une image est isolée afin de créer une animation basée sur ses détails. Divers fragments de cette image, avec pour points communs des formes similaires, nous permettent de découvrir des mouvements secrets.

Articles associés : la critique du film, l’interview de Gil Alkabetz

GIMKA UND GOLKA UND ICH de Susanne Weck
Belgique / 2012 / documentaire / 27′

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« Voici Gimka et Golka. Elles sont amies et vivent en Afrique. Venez avec elles! Elles veulent nous montrer et nous raconter leur vie… » (Gimka et Golka)
Étant enfant je rêvais de ce monde, maintenant j’y suis allée. Le film sera une interprétation sur ma rencontre avec mes deux héroïnes d’enfance, une tentative de rencontre entre un monde imaginé au travers d’un livre d’enfance et une réalité perçue.

HISTORY OF THE WORLD IN THREE MINUTES FLAT de Michael Mills
Canada / 1980 / animation / 3′

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Charmante petite histoire du monde en 3 minutes.

RASHTRIY KHEER & DESIY SALAD de Pushpamala N
Inde / 2004 / fiction / 11′

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Pushpamala N. aborde l’identité nationale de l’Inde à travers le portrait d’un famille idéale de classe moyenne durant les années 50 et 60. Le titre, qui signifie Pudding National & Salade autochtone, fait référence aux deux plats représentant les couleurs du drapeau national symbolisant les différentes communautés du pays, unies en célébration du jour de l’indépendance.

THE HISTORY OF LIFE de James Todino
Royaume Uni / 2013 / animation / 2′

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Une épopée historique de science-fiction combinant animation, art et monologue poétique pour créer un récit profond, exaltant et sans complaisance sur l’Histoire de l’Humanité et sa disparition potentielle.

LES JOURS D’AVANT de Karim Moussaoui
Algérie, France / 2013 / fiction / 47′

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Dans une cité du sud d’Alger, au milieu des années 90. Djaber et Yamina sont voisins mais ne se connaissent pas. Pour l’un comme pour l’autre, il est si difficile de se rencontrer entre filles et garçons qu’ils ont presque cessé d’y rêver. En quelques jours pourtant, ce qui n’était jusque là qu’une violence sourde et lointaine éclate devant eux et modifie à jamais leurs destins.
Prix Format Court au Festival du Film francophone (FIFF), Namur 2013

Articles associés : la critique du film, l’interview de Karim Moussaoui

Jiminy de Arthur Môlard

Citation documentaire, filtre vert, musique classique. Les premiers moments du film de Arthur Môlard ressemblent à beaucoup de propositions plus ou moins adroites du cinéma de science-fiction, notamment françaises. Mais, à l’instar de « Juke-box » de Ilan Klipper et de « L’homme qui avait perdu la tête » de Fred Joyeux, deux autres films de la sélection du dernier Festival de Clermont-Ferrand, « Jiminy », propose une vision décalée de la folie face à une normalité défaillante.

Nathanaël (Benjamin Brenière), le héros du film ouvre les yeux, une voix lui parle, posant au spectateur une première question de cinéma : d’où vient donc cette voix intérieure, manifestement celle d’un homme plus âgé ?

La question de cinéma trouve une réponse de science-fiction. La voix provient d’une prothèse « futuriste mais pas tant que ça », appelée le « criquet » que l’on s’implante dans le cerveau afin d’être assisté dans la vie courante, à la manière d’un GPS. Cerise technologique sur le gâteau, la chose peut prendre le contrôle du corps pour les tâches répétitives. On voit donc le héros conduire les yeux fermés dans une scène glaçante dès le début du film.

Nathanaël, dépanneur de criquets, est appelé pour aider des parents ayant équipé leur fils autiste, Oscar (Victor Boulenger). Cas de conscience pour le héros : aidera-t-il plus le fils autiste en lui retirant son criquet, ce qu’il n’a pas le droit de faire, ou devra-t-il faire le jeu pervers des parents souhaitant un enfant idéal en réparant son criquet, ce qui est dangereux pour Oscar ?

La mise en perspective vertigineuse de la figure du dépanneur renvoie immédiatement à son rapport omnipotent vis-à-vis de l’informatique moderne, connectée, celle qui connaît tout de nos vies en temps réel et pour laquelle, parfois, il est question, sinon de vie et de mort, au moins d’un suivi précis de toute notre vie.

Une autre mise en perspective intéressante est la présentation de plusieurs malades accro à la technologie. L’idée est reprise ici mais est traditionnelle du cyberpunk (le fameux mouvement de SF moderne fondé par l’écrivain William Gibson et qui aboutira à « Matrix »).

Denis Lavant interprète justement un de ces malades les plus hauts en couleurs face à l’impressionnante Marie-Stéphane Cattaneo, jeune comédienne jouant au millimètre une figure de médecin opiniâtre.

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Le concept de transformer le corps en gadget et les pensées en informations peut sembler extrême. Aussi, la force du film de Arthur Môlard est de réussir à nous expliquer simplement et à nous convaincre franchement de l’intérêt de son astuce grâce à un grand dépouillement utilisé comme un atout et qui n’est pas sans rappeler « Bienvenue à Gattaca » d’Andrew Niccol (1997). Surtout, la grande force du film est d’insister, non sans ironie, sur les conséquences de la prolifération d’une telle technologie, à savoir les dangers de l’addiction qu’elle suscite.

L’addiction ne se fait plus via les objets dans « Jiminy », mais via les promesses de modifications de la réalité. Le film entre ainsi clairement dans la science-fiction non technologique et se rend accessible malgré son réseau de références riches. Outre la beauté de sa photo et de sa musique, le film réussit à exposer son univers singulier et sourdement violent avec suffisamment de légèreté pour renvoyer le spectateur à sa propre conscience. C’est finalement un peu le sens de l’astuce de son titre, « Jiminy », venant de « Jiminy cricket », la conscience du « Pinocchio » de Walt Disney.

Georges Coste

Consultez la fiche technique du film

Article associé : l’interview de Arthur Môlard

Arthur Môlard : « Ce qu’on voulait faire, c’était se réapproprier la pauvreté de nos moyens, en enlevant une part du décorum technologique de la science fiction et en faisant du corps humain le gadget lui-même. »

L’humain et la machine entretiennent des relations particulières dans « Jiminy », un court métrage de science-fiction avec notamment Denis Lavant. Le film réussit le tour de force de rendre crédible un univers de science-fiction avec les moyens actuels du court métrage. Comment y parvient-il ? Quelles ont été ses sources d’inspiration ? Voici quelques réponses d’Arthur Môlard, son réalisateur.

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Au début de ton film, tu nous expliques en images le concept principal : un nouveau gadget, le criquet, fournit une voix intérieure qui nous assisterait dans la vie courante. On se surprend à trouver l’idée utile, voire éventuellement attirante. Puis, quand on voit les personnages malades, on hésite.

L’idée c’était ça. Au début, il fallait que le spectateur ait envie de posséder cette technologie, puis qu’il en ait peur au fur et à mesure du film. Ça suit le cheminement du héros.

Pourquoi ton héros s’appelle Nathanaël ?

Ça vient d’une nouvelle d’Hoffman qui nous a inspirée : « L’homme de sable ». Michael Powell et Emeric Pressburger l’ont adaptée au cinéma dans « Les contes d’Hoffmann ». C’est l ‘histoire d’un homme, Nathanaël, qui tombe amoureux d’une femme, Olympia, qui se révèle finalement être un automate. On a abordé la nouvelle au sens allégorique : notre héros tombe en quelque sorte amoureux d’une technologie qui fait de lui un automate.

Dans Jiminy, la marionnette serait donc le personnage d’Oscar, un enfant autiste à qui ses parents ont greffé un criquet, une bonne conscience. On se rapproche plus de « Pinocchio » du coup ?

Effectivement, l’histoire de Pinocchio est évoquée à travers cet enfant autiste qui est utilisé comme une marionnette par ses parents alors qu’il voudrait simplement être un enfant normal. Grâce au criquet, les parents d’Oscar font de lui un robot, une espèce de caricature d’enfant idéal.

Dans « Pinocchio », Jiminy cricket est la bonne conscience du héros. On a trouvé intéressant et ironique de donner le nom de Jiminy à une entreprise qui fournit, en quelque sorte, une « conscience artificielle » aux individus. C’est aussi pour ça qu’on a appelé cette puce électronique un « criquet » – on trouvait que le mot « criquet » sonnait bien.

Une publicité à l’atmosphère « familiale » revient à plusieurs reprises pendant le film. Peux-tu nous en dire plus ?

En fait, la pub redouble l’histoire du film. Même les commentaires en voix-off peuvent être interprétés comme des commentaires sur l’histoire du film.

C’est mon co-scénariste Teddy Jacquier qui a eu l’idée que la publicité se déroule entièrement au sein d’une famille. L’idée principale, c’était une partie de colin-maillard : comme le gamin qui a le foulard sur les yeux est équipé d’un criquet pour l’assister, il ne heurte aucun obstacle. A la fin de la pub, son criquet le ramène vers sa mère, et la voix-off dit : « Parce que le chemin le plus sûr nous ramène toujours vers ceux qu’on aime. » On peut y voir un commentaire ironique sur l’histoire d’Oscar, l’enfant autiste : son criquet l’empêche d’échapper à l’emprise de ses parents.

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Les commentaires de la publicité se retrouvent dans le discours d’Oscar à la fin du film.

On s’est dit que c’était important que la publicité « Jiminy » « scande » le film. Elle revient trois fois et, à chaque fois, elle a un sens différent. A la fin, Oscar est en mode automatique, et il débite les slogans de cette publicité. Tragiquement, son corps est devenu un simple relais, une espèce de « magnétophone humain ».

C’est également le sens du Rubik’s cube qu’on voit à plusieurs reprises dans le film. A la fin du film, le Rubik’s cube est entièrement jaune. On peut tourner le Rubik’s cube dans n’importe quel sens, on gagne à chaque fois. Mais d’un autre côté, il n’y a plus de jeu, ça n’a plus aucun intérêt.

Ce Rubik’s cube est une métaphore de l’enfant idéal : effectivement, le criquet crée un enfant parfait ; mais il n’y a plus de fausses routes, plus de déviances ou d’erreurs de trajectoire, et donc, quelque part, plus d’humanité. C’est, à mon sens, le plus grand risque que présenterait un système d’assistance tel que celui-là.

Quelle machine t’a inspiré pour ce constat ? Le GPS et sa voix qui guide ?

Le GPS, c’est forcément inspirant, c’est très drôle. L’idée d’une voix qui nous guide vient forcément de là. Après, on voulait aussi que cette voix ressemble à celle d’un majordome : bienveillant mais pas trop intrusif. Il fallait que ce soit une voix qu’on accepterait d’entendre dans sa tête, à qui on ferait naturellement confiance. Il y avait un équilibre à trouver, car dès que la voix paraissait trop ingérente, trop paternaliste, on s’est rendu compte que ça ne fonctionnait plus. Il ne fallait pas que le spectateur se dise : « ça doit être insupportable à vivre au quotidien. »

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Comme pour la voix, le côté informatisé de ton univers transparaît de manière invisible, induit par ce qu’on devine derrière les objets. Il y a notamment un « mode automatique » où le criquet prend le contrôle du corps des personnages. Comment as-tu choisi ta manière de montrer ça ?

Ce qu’on voulait faire, c’était se réapproprier la pauvreté de nos moyens, en enlevant une part du décorum technologique de la science fiction et en faisant du corps humain le gadget lui-même. Par exemple, quand le héros conduit sa voiture les yeux fermés, finalement, son criquet fait de lui un prolongement de la machine.

C’est ça qu’on trouvait intéressant. On nous demande parfois pourquoi Nathanaël conduit les yeux fermés : si le volant de sa voiture bougeait tout seul, est-ce que ça ne serait pas plus simple ? Mais ce qui nous plaisait, c’était précisément ce renversement : que ce soit notre propre corps qui devienne la machine, l’outil, le gadget.

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D’où la tragédie pour Nathanaël à la fin, quand ça ne fonctionne plus.

Oui, mais du coup, la remise en question est positive. Il ne s’en rend pas compte tout de suite mais, en lui arrachant son criquet, on l’a forcé à se réapproprier son corps.

Le manque de moyens a-t-il influencé d’autres choix esthétiques ?

Les petits accessoires comme les élastiques viennent du manque de budget. Avec des moyens, on aurait gardé les élastiques – que j’apprécie pour l’analogie avec les fils de la marionnette -, mais on aurait pu rendre ça plus intéressant visuellement.
J’aimais bien l’idée de prendre des objets très prosaïques, issus du quotidien, et les tirer vers la science-fiction. J’aime bien tout ce qui est SF fait de bric et de broc – comme « L’armée des 12 singes » de Terry Gilliam.

L’idée, c’est que, dans notre société futuriste, la haute technologie s’est totalement miniaturisée, elle a presque disparue parce qu’elle s’est fondue dans le réel. Je pense que c’est l’avenir de la technologie : les technologies se miniaturisent à un point tel qu’elles finiront forcément par disparaître.

Dans notre film, la technologie n’est plus visible et au final, si on s’en tient à ce qu’on voit, à la surface des choses, c’est exactement comme si le film se déroulait à notre époque.

A l’opposé de cet aspect lisse qui touche les personnages bien portants, j’ai eu le sentiment que les malades sont plus « rugueux », Denis Lavant en est l’exemple parfait.

C’est tout à fait ça. D’un côté, on a les personnages en mode automatique, à qui on a essayé de donner un côté « pantin » : Oscar, par exemple, devait avoir l’air lisse – notre référence, c’était l’enfant-robot joué par Haley Joey Osment dans « A.I. » de Steven Spielberg. De l’autre côté, on a les personnages qui n’ont plus de criquet, et à qui on a essayé de donner un côté plus organique, plus rugueux. C’est aussi pour ça que Denis Lavant était idéal dans le rôle. C’est vraiment un corps, une gueule… en plus d’être un acteur extraordinaire !

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Marie-Stéphane Cattanéo qui joue Claire, la médecin, joue un personnage qui se tient à la frontière entre ceux qui utilisent à profit cette technologie et ceux qui en sont les victimes. Comment l’as-tu choisie ?

Je l’ai choisie d’abord parce que c’est une très bonne actrice. Elle est intelligente et ça se voit. Et, mine de rien, c’est très dur de jouer l’intelligence quand on n’est pas soi-même intelligent. C’est quelque chose dans le regard. Ensuite, elle a un côté rassurant, très humain. C’est ce dont notre personnage masculin avait besoin.

Pour continuer à développer l’univers que tu présentes dans ton court-métrage, tu as en projet une série télévisée plutôt qu’un long-métrage. Pourquoi ce choix et comment comptes-tu garder la limpidité de ton récit sur une longue période ?

Pendant l’écriture du court-métrage, on s’est posé la question des origines et des fondements de notre univers, et de tous ses possibles narratifs. La série, pour ça, c’est un boulevard, un espace de liberté.
Ce qu’on veut raconter dans la série, c’est l’histoire d’une famille qui se disloque à cause de cette nouvelle technologie. On veut voir les personnages évoluer progressivement dans leurs rapports à leur criquet, chacun à leur manière. Certains vont tellement évoluer qu’arrivés à un certain point, on ne les reconnaîtra plus – un peu à la manière de ce qu’ils ont fait avec Walter White dans « Breaking bad ». Une transformation psychologique aussi importante exige du temps et de nombreuses étapes pour être crédible et admise par le spectateur. Le support de la série TV offre le temps nécessaire pour ce type de trajectoire.

Pour finir, quel est ton avis sur la Google Glass, les lunettes ajoutant une « surcouche » virtuelle dans le champ de vision des utilisateurs afin de les assister dans la vie courante ? C’est une innovation qui ressemble un peu au criquet ?

Je trouve ça passionnant. Il y a de très bons courts métrages sur ce principe là, comme « Sight ». On pourrait très bien imaginer, à terme, une interface virtuelle qui permette de remodeler en direct le monde qu’on regarde, de transformer tout ce qui est un peu moche dans notre quotidien en quelque chose de plus esthétique… Ce serait l’équivalent d’un I-pod visuel ! Ça poserait évidemment des questions éthiques et sociales : chacun vivrait dans sa propre bulle et verrait quelque chose de différent de son voisin.
Dans « Jiminy », c’est une voie qu’on a pensé emprunter à un moment du développement du scénario, mais on s’est rapidement dit que c’était en trop. Ce que voit le personnage, on a délibérément décidé de ne pas le montrer, parce qu’on s’est dit que ça nous emmenait vers autre chose, un autre sujet.

Propos recueillis par Georges Coste

Article associé : la critique du film

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J comme Jiminy

Fiche technique

Synopsis : Dans un proche futur, la plupart des gens se font implanter un « criquet » dans le cerveau : une puce électronique qui leur permet de basculer en « mode automatique ». Nathanaël, un réparateur de criquets, fait face à un dilemme moral lorsque les parents d’un jeune autiste lui demandent de pirater la puce de leur fils.

Genre : Fiction

Durée : 20′

Pays : France

Année : 2013

Réalisation : Arthur Môlard

Scénario : Teddy Jacquier, Arthur Môlard

Son : Grégoire Moussard, Florian Tirot

Musique : Nicolas Laferrerieù

Montage : Romain Brunetti, Jeoffrey Pilaud

Interprétation : Benjamin Brenière, Caroline Bal, Marie-Stéphane Cattaneo, Denis Lavant, Vincent Furic, Victor Boulenger, Raphaël Almosni, Bertrand Chamerois

Production : 3iS

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Rappel. Soirée Format Court, « Best of Brest », ce jeudi 13 mars 2014 !

Le magazine en ligne Format Court vous convie à sa nouvelle séance « Spéciale Brest », ce jeudi 13 mars 2014, à 20h30, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). Venez découvrir lors de cette soirée une sélection de six courts métrages sélectionnés (et pour certains primés) lors de la dernière édition du Festival Européen du Film Court de Brest, en novembre 2013. La projection sera suivie d’une rencontre avec Fabienne Wipf, directrice du festival et de nombreux professionnels français et étrangers : l’islandais Gudmundur Arnar Gudmundsson (réalisateur de « Hvalfjordur »), les espagnols Chema García Ibarra et Leonor Díaz (réalisateur et directrice artistique/coproductrice de « Misterio », Prix Format Court à Brest), le français Bérenger Thouin (réalisateur de « Guillaume le Désespéré ») et le britannique Bugsy Riverbank Steel (réalisateur de « Locked Up »).

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En pratique

► Séance : Jeudi 13 mars 2014, à 20h30. Accueil : 20h.

► Consultez le programme en ligne. Durée de la séance : 90′

► Adresse : Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris

► Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), BUS 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon)

► Entrée : 6,50 €

Réservations vivement conseillées : soireesformatcourt@gmail.com

Les César, Cannes, Brest & Brive

Il y a dix jours, Format Court était invité aux César pour goûter de curieuses choses au wasabi, admirer la vue depuis le toit du Théâtre du Châtelet, voir s’enchaîner les émotions et les bides sur scène, s’incruster au Fouquet’s, essayer de rester discret et posé devant Mathieu, Scarlett, Roman, Adèle, Jérémy, Niels, Quentin et les autres.

Les courts métragistes n’étaient pas en reste, mélangés aux autres (humoristes moyennement drôles, comédiennes stylées, professionnels narquois, …). Le court métrage a eu droit à son lot de clichés habituels (si il y a bien quelque chose qui ne change pas aux César, c’est bien les jeux de mots infinis sur le court). Visiblement émus, Xavier Legrand et Amélie Harrault, tous deux récompensés pour « Avant que de tout perdre » et « Mademoiselle Kiki et les Montparnos », ont fait preuve de plus de sobriété en précisant que leurs – premiers – films avaient réclamé du temps (trois ans pour le premier et cinq pour la deuxième). Car oui, rappelons-le, les films courts nécessitent des années avant de se terminer et ne sont pas forcément les petits frères des longs, malgré les clichés prononcés par les remettants des César. Si vous avez raté ces deux films de qualité ou si vous souhaitez juste les revoir, Format Court vous propose de les visionner en ligne : « Avant que de tout perdre » est consultable ici (jusqu’au lundi 10 mars inclus. Vite !) et « Mademoiselle Kiki et les Montparnos » (sans restriction de date, par contre).

Restons sur la paillette. On l’a appris en fin de semaine. Abbas Kiarostami présidera le Jury des courts métrages et de la Cinéfondation lors du prochain Festival de Cannes. Après Atom Egoyan, Michel Gondry, Jean-Pierre Dardenne et Jane Campion (qui devient Présidente du festival cette année), le réalisateur iranien s’intéressera, avec ses co-jurés, aux films d’écoles et aux meilleurs courts métrages réalisés et produits aux quatre coins de la planète. Le choix Kiarostami est salutaire tant la renommée du réalisateur de « Où est la maison de mon ami ? », « Ten » et « Le Goût de la cerise » n’est pas à revoir et éclairera un tant soit peu la forme courte d’école étudiante et professionnelle, peu visible à Cannes, en comparaison avec le long métrage. Il y a deux ans, au moment du Festival de Golfe de Dubaï, nous avions rencontré le réalisateur, parrain du projet de la Cinéfondation avec Martin Scorcese. Aujourd’hui, deux mois avant le festival, nous vous invitons à re(découvrir) cet entretien dans lequel le court métrage et les réalisateurs de demain occupent une bonne place.

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Avant d’en savoir plus sur Cannes dans les prochaines semaines, évoquons le présent et un autre festival. Notre prochaine soirée de courts a lieu ce jeudi 13 mars 2014, à 20h30 au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). Elle est consacrée au Festival Européen du Film Court de Brest. L’an passé, nous avions attribué pour la première fois un prix dans ce festival de courts métrages réputé pour ses sélections opérées par Massimiliano Nardulli, le programmateur artistique. À l’époque, nous avions décerné notre prix à « Prematur » de la norvégienne Gunhild Enger. Fin 2013, nous avons remis un nouveau prix Format Court, cette fois à « Misterio » de l’espagnol Chema García Ibarra, un réalisateur à l’univers singulier et fantastique qui s’était distingué par le passé avec ses précédents films « Protoparticulas » et « El ataque de los robots de Nebulosa-5 », sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs 2009.

Au même titre que les autres Prix Format Court, « Misterio », sélectionné également à Berlin, Sundance ou Court Métrange, fait l’objet d’une projection en salle, dans le cadre de nos séances mensuelles. C’est ainsi qu’il est programmé dans une soirée Format Court spécialement consacrée au Festival de Brest, fruit du partenariat entre les deux structures, qui fait suite à la séance Best of Brest, organisée l’an passé. Lors de cette soirée à laquelle nous vous invitons à nous rejoindre, six courts métrages sélectionnés à Brest cette année (et même primés pour certains), seront projetés en présence de Fabienne Wipf, directrice du festival et plusieurs réalisateurs français et étrangers dont Chema García Ibarra. Nous vous invitons donc à bloquer la date de ce jeudi dans votre bel agenda, à venir découvrir des films magnifiques, forts et décalés et à rencontrer des auteurs d’ici et d’ailleurs : l’islandais Gudmundur Arnar Gudmundsson (dont le film « Hvalfjordur », sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes 2013 en était reparti avec une Mention spéciale), les espagnols Chema García Ibarra et Leonor Diaz, le français Bérenger Thouin et le britannique Bugsy Riverbank Steel.

Enfin, pour faire le lien avec les Prix Format Court, nous vous annonçons la création d’un nouveau partenariat avec les Rencontres européennes du moyen-métrage de Brive. Depuis quelques années, nous mettons en avant de nombreux moyens métrages sur notre site et/ou en salle : « Marseille la nuit »  de Marie Monge, « Utan Snö » de Magnus von Horn, « Vilaine fille, mauvais garçon » de Justine Triet et même « Avant que de tout perdre » de Xavier Legrand. Nous en récompensons même certains en festival : « Les Jours d’avant » de Karim Moussaoui (Festival International du Film Francophone de Namur 2013), « Le Monde à l’envers » de Sylvain Desclous (festival de Vendôme 2012) et « Pour la France » de Shanti Masud (au même festival, mais en 2013). Lors de notre séance brestoise cette semaine, un moyen métrage – film d’école par ailleurs – fait également partie de notre programmation : « Die Schaukel des sargmachers » d’Elmar Imanov, lauréat du Grand Prix du film court de la Ville de Brest 2013.

À Format Court, nous sommes de plus en plus interpellés et séduits par le moyen métrage, permettant aux auteurs de développer leurs histoires, d’approfondir leurs personnages et de nourrir leurs mises en scène. Comme pour les autres prix, le film primé par le Jury Format Court (composé de Katia Bayer, Zoé Libault, Camille Monin, Géraldine Pioud et Marc-Antoine Vaugeois) bénéficiera d’un focus en ligne et sera programmé dans le cadre des soirées Format Court. Plus d’informations à venir sur ce nouveau prix ce vendredi 14 mars 2014, au lendemain de la conférence de presse de Brive révélant les titres des films en compétition.

D’ici là, bonne semaine à tous et vive le court métrage !

Katia Bayer
Rédactrice en chef