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Semaine de la Critique. Mia Hansen-Løve, présidente des Jurys du Prix Découverte du court métrage et du Prix Révélation France 4

Les infos cannoises commencent à tomber avant les différentes conférences de presse prévues ce mois-ci. Si Jane Campion sera à la tête du Jury des courts métrages et de la Cinéfondation, Mia Hansen-Løve présidera les Jurys du Prix Découverte du court métrage et du Prix Révélation France 4 à la Semaine de la Critique.

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La réalisatrice française Mia Hansen-Løve présidera deux jurys avec pour mission de découvrir un cinéaste du court métrage et révéler l’auteur d’un long métrage. Elle remettra le Prix Découverte du court métrage, succédant ainsi à João Pedro Rodrigues qui a récompensé l’an passé Un dimanche matin de Damien Manivel. Accompagnée d’un jury composé de producteurs et de directeurs de festivals, elle décernera le Prix Découverte à l’un des 10 films de cette compétition, qui a révélé des artistes de renom : François Ozon, Gaspar Noé ou Andrea Arnold.

Mia Hansen-Løve poursuit cette mission en présidant le Jury Révélation France 4, un prix qui reflète l’enthousiasme de jeunes cinéphiles du monde entier pour les nouveaux talents du cinéma. Entourée de 4 jeunes critiques internationaux, elle récompensera l’un des 7 longs métrages de la Compétition.

Après un premier rôle au cinéma en 1998 dans « Fin août, début septembre » de Olivier Assayas, Mia Hansen-Løve intègre le conservatoire d’art dramatique de Paris puis collabore aux Cahiers du Cinéma jusqu’en 2005. Elle réalise plusieurs courts métrages dont « Après mure réflexion » sélectionné au Festival de Locarno. Réalisé en 2007, son premier long métrage « Tout est pardonné » est sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs, puis obtient le Prix Louis-Delluc. « Le père de mes enfants », hommage au producteur Humbert Balsan, est sélectionné en 2009 dans la section Un Certain Regard où il est primé. « Un amour de jeunesse », son troisième long métrage, est présenté au Festival de Locarno en 2011.

10e Festival du cinéma de Brive, le palmarès

Le 10ème Festival de Brive, dédié au moyen métrage, s’est achevé ce dimanche. En voici le palmarès…

Grand Prix Europe Brive 2013 : One Song de Catalina Molina / Autriche / 2012 / 31’ / Fiction / Production : Six Pack Films

Prix d’interprétation honorifique : Armi Toivanen dans Korsoteoria (So it goes)/Finlande / 2012 / 30’ / Fiction/ Production : Aalto University

Grand Prix France Brive 2013 : Artémis, cœur d’artichaut de Hubert Viel /France / 2012 / 58’ / Fiction / Production : Artisans du Film

Mention : L’Age adulte de Eve Duchemin/France-Belgique / 2012 / 56’ / Documentaire / Production : Les Films Grains de Sable

Prix du Jury Jeunes de la Corrèze : One Song de Catalina Molina/Autriche / 2012 / 31’ / Fiction / Production : Six Pack Films

Mention : Those for whom it’s always complicated de Husson/France / 2013 / 55’ / Fiction / Production : KIDAM

Prix du Jury des spectateurs : Artémis, cœur d’artichaut de Hubert Viel/France / 2012 / 58’ / Fiction / Production : Artisans du Film

Mention : Toucher l’horizon de Emma Benestan/France / 2012 / £Fiction / 30’ / Production : La Femis

Prix du public : Je sens le beat qui monte en moi de Yann Le Quellec /France-Autriche / 2012 / 32’ / Fiction / Production : White Light Films

Prix Ciné+ : Artémis, cœur d’artichaut de Hubert Viel/France / 2012 / 58’ / Fiction / Production : Artisans du Film

Prix du scénario de moyen-métrage : Les cailloux de Bambéto de Anne Cissé

Rappel. Séance Format Court/Carte blanche Lobster Films ce jeudi 11/04 !

Sensible au cinéma d’antan, le site internet Format Court, spécialisé dans le court métrage, vous invite à sa nouvelle soirée mensuelle, le jeudi 11 avril prochain, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème), pour une carte blanche consacrée à Lobster Films, société parisienne spécialisée dans la conservation et la restauration de films anciens. Lors de cette séance exceptionnelle, pas moins de 16 curiosités et autres raretés (documentaires, dessins animés, burlesques, soundies, publicités, bandes annonces, scènes à trucs, …), réalisées entre 1904 et 1948, vous seront proposées, en présence de Serge Bromberg, président de Lobster Films.

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En pratique

► Projection des films : jeudi 11 avril 2013, à 20h30. Durée du programme : 77’

► Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris

► Accès : BUS 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon).
 RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée).

Entrée : 6 € !

Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com

Silence, on court ! : les films sélectionnés

Le Festival Silence, on court !, que nous couvrons pour la première fois et dont nous sommes partenaires cette année, débute ce soir aux Voûtes. Jusqu’au 13 avril, il se déplacera dans Paris, au Studio des Ursulines, à la Péniche Cinéma, à Confluences et au Forum des images. Pour sa sixième édition, parrainée par Bertrand Bonello, ce festival mettant en avant le travail de jeunes réalisateurs tous âgés de moins de trente ans a sélectionné 24 films français et étrangers. En voici les titres, jugés très prochainement par le jury du festival (Vanja Kaludjercic, programmatrice, Nathalie Lapicorey, Gizem Zeynep, productrices/Partizan Films, Manuel Chiche, distributeur et éditeur DVD/Wild Side Films, Amaury Augé, rédacteur/Format Court).

Compétition nationale

► J’ai toujours rêvé d’être un robot, Robert Ly, 2012, Fiction, 5’17
► Nieuwpoort en juin, Geoffrey Couanon, 2012, Fiction, 30′, Shellac Sud
► La Maison d’Olga, Morgane Le Péchon, 2012, Animation expérimentale, 6’, École nationale supérieure des Arts Décoratifs
► Comme des lapins (Chroniques de la poisse, CHAP. 2), Osman Cerfon, 2012, Fiction animée, 8’, Production Je Suis Bien Content
Rodri, Franco Lolli, 2012, Fiction, 23’, Les Films du Worso
► Chantier 00 – Journal d’Éric Melville, Denis Frêres, 2012, Fiction / Documentaire, 25’, Association Franciste
► En équipe, Steve Archiepo, 2012, Fiction / Documentaire, 21’10, Shaker Production
► Il n’y a pas de nom plus beau, Alexandre Donot, 2012, Documentaire, 30’, La fémis
► La terre, Vincent Le Port, 2012, Expérimental, 8’45
► Le Ballet, Thomas Louis, 2012, Animation / Fiction, 4’08, Gobelins
► Les Compliments d’Amour, Marie Madinier, 2012, Fiction, 16’, AGAT Films et Cie
► Mauvais coton, Sébastien Zaccoletti, 2012, Fiction, 25’
► Merci mon chien, Nicolas Bianco-Levrin & Julie Rembauville, 2012, Animation, 7’47, Folimage
► Riolette Autopsie, Rémi Gendarme, 2012, Documentaire / Expérimental, 21’

Compétition internationale

► Snail Trail, Philipp Artus, Allemagne,2012 Expérimental, 3’13, The Academy of Media Arts
Men of the Earth, Andrew Kavanagh, Australie, 2012, Fiction, 9’50, Ramona Telecican
► Die Schaukel des Sargmarchers, Elmar Imanov, Allemagne, 2012, Fiction, 30’
The River, Tarquin Netherway, Australie, 2012, Expérimental, 13’
L’Amour bègue, Jan Czarlewski, Suisse, 2012, Fiction, 20’, ECAL École cantonale d’Art de Lausanne
À nos terres, Aude Verbiguié, Belgique, 2012, Documentaire, 21’22, Médiadiffusion
► Head Over Heels, Timothy Reckart, Royaume-Uni, 2012, Animation / Fiction, 10’18, Fodhla Cronon O’Reilly
► L’incertitude d’Henseinberg, Richard Gérard, Belgique, 2012, Fiction, 16’33, IAD, Institut des Arts de Diffusion de Louvain-la-Neuve
► Os Vivos Tambem Choram, Basil Da Cunha, Suisse, 2012, Fiction / Expérimental, 30’, Box Productions
► Pièce à nouer, Ornella Macchia, Belgique, 2012, Animation, 5’26, Atelier de production La Cambre

Le site du festival : www.silenceoncourt.fr

Soirée Bref, mardi 9 avril 2013 : les charmes du spectacle

Comédie burlesque, faux documentaire, western, danse : chacun de ces films flirte avec une matière – pour ne pas dire un genre – pour mieux en jouer, l’évoquer, la questionner ou s’en inspirer. Il se trouve que ce sont des premiers films programmés par la revue Bref mardi prochain, à 20h30, au MK2 Quai de Seine.

Le jardin des Eden de Sébastien Ors. France, 2012, couleur, 26 mn, Blu-ray.

Réalisation et scénario : Sébastien Ors • Image : Nathanaël Louvet • Montage : Rémi Dumas • Son : Bruno Auzet • Interprétation : Fabien Ara, Géraldine Martineau, Claire Nebout, Robin Renucci, Julien Boulinguez, Julia Kende Rozgonyi, Marie Puil, Hélier Cisterne et Hugo Cisterne • Production : Shellac Sud

Teddy et Juliette ne le savent pas encore, mais ils sont faits l’un pour l’autre. Teddy entame alors un véritable chemin de croix au long duquel nombre d’éléments – de la rivalité amoureuse aux caprices divins – vont se déchaîner. Quant à Juliette, son coeur est prêt à s’ouvrir. Encore faudrait-il qu’elle ose avouer à son prétendant sa passion secrète…

Fais croquer de Yassine Qnia . France, 2011, couleur, 22 mn, DCP.

Réalisation : Yassine Qnia • Scénario : Mourad Boudaoud, Carine May, Yassine Qnia et Hakim Zouhani • Image : Marianne Tardieu • Son : Clément Maléo et Samuel Beaucamps • Montage : Linda Attab • Interprétation : M’Barek Belkouk, Rudolph Mendy, Mounir Idriss, Smail Chalaane et Mohamed Faroud • Production : Nouvelle toile

Yassine, jeune cinéphile passionné, veut tourner un film dans son quartier. Il souhaite associer ses amis d’enfance à son projet. Mais l’amitié a parfois ses travers…

Ce n’est pas un film de cow-boys de Benjamin Parent. France, 2012, couleur, 12 mn, DCP.

Réalisation : Benjamin Parent • Scénario : Benjamin Parent et Joris Morio • Image : Nicolas Loir • Son : Arnaud Julien, Guillaume Dham et Olivier Do Huu • Montage : Béatrice Herminie • Interprétation : Leïla Choukri, Garance Marillier, Finnegan Oldfield, Malivaï Yakou et Damien Pinto Gomes • Production : Synecdoche

Le secret de Brokeback Mountain est passé hier soir à la télé. Vincent l’a regardé et ça l’a bouleversé. Il profite de la récréation et de l’intimité des toilettes du collège pour raconter de manière touchante et naïve le film à Moussa. De l’autre côté du mur, dans les toilettes des filles, Jessica, elle aussi très affectée, en profite pour poser pas mal de questions sur les deux papas homosexuels de Nadia, le tout avec beaucoup de maladresse.

Je sens le beat qui monte en moi de Yann Le Quellec. France/Belgique, 2012, couleur, 32 mn, DCP.

Réalisation et scénario : Yann Le Quellec • Image : Nicolas Guicheteau • Son : Antoine Corbin, Fred Meert, Benoît Biral • Montage : Martial Salomon • Interprétation : Rosalba Torres Guerrero, Serge Bozon, Véronique Hervouet et Julien Playe • Production : White Light Films, Kinoko Films et La Parti

Rosalba, jeune guide touristique, souffre d’une affection étrange : la moindre mélodie provoque chez elle gesticulations et danse de façon aussi subtile qu’incontrôlable. Malgré ses ruses pour cacher son excentricité, ce corps indomptable pourrait bien séduire son surprenant collègue Alain…

Infos pratiques

Séance à 20h30

MK2 Quai de Seine
14 Quai de la Seine
75019 Paris
M° Jaurès ou Stalingrad
Tarif : 7,90 € (cartes illimitées acceptées)

Festival du Film d’Aubagne, les plus, les moins

Il y a plus d’une semaine, Format Court rentrait d’Aubagne, petite ville du sud de la France connue pour son écrivain maison (Marcel Pagnol) et son festival annuel, combinant musique et cinéma. L’an passé, nous vous avions présenté cette manifestation très proche du court métrage, mettant à égalité les réalisateurs et les compositeurs. Cette année, nous sommes retournés trois jours à Aubagne, pour glaner un peu de soleil (raté) et repérer de nouvelles perles courtes (rares au regard de l’importante sélection)

Cette année, 73 courts métrages étaient en compétition internationale au festival. Au départ, la page 21 du catalogue, introduisant les 11 programmes de courts, promettait des « énergies créatrices (…), un nouveau cinéma (…), des petits moments délicieux ». Curieux, nous sommes allés en salle et avons puisé dans le carton de DVD pour faire le lien entre les séances (deux programmes de courts étant seulement projetés quotidiennement), en faisant l’impasse sur les déjà vus « Tennis Elbow », « Kali le petit Vampire », « Tram » , « Prora », « Topo Glassato al Cioccolato », « La Bifle » et « Abgestempelt » (dont l’interview de son réalisateur Michael Rittmansberger fait partie du focus consacré au festival). À l’arrivée, sur 37 nouveaux films, nous avons trouvé 7 exceptions remplissant cette fameuse promesse.

Commençons par les points d’interrogation et les franches consternations. Le Prix du Public, « Du Poil de la bête » de Sylvain Drécourt (France, 2ème film), mettant en scène Philippe Nahon, déçoit par le traitement très inabouti d’une histoire entre un fils et un père, sur fond de chasse à l’homme et de course au Goncourt. « Les cerises du bateau » de Sarah Hatem (Liban, France, 1er film) agace profondément par ses longueurs et son propos (une rencontre soi-disant improbable, dans un Beyrouth, « tiraillé » entre modernité, blabla et tradition). « Dans le pas de Léa » de Renaud Ducoing (France, 3ème film) offre le même sentiment par son histoire tirée par les perruques entre Léa, ex-prostituée, et Maryline, toujours active dans le métier, qui papotent (à poil) de la fidélité et de la liberté, à l’intérieur d’une caravane (logique).

« Return to Sender » de Denise Hauser (Finlande, 1er film), s’intéresse (sans nous) à une scientifique cherchant tant mal que bien l’homme de sa vie sur Internet, alors que « Leon & Barbara » de Marcin Mikulski (Pologne, 2ème film) mêle sans grande originalité petits vieux, fins de mois difficiles et culture de la marijuana, sur un air d’accordéon lancinant et insupportable. Enfin, « Sex, Lies and Flowers » de Jan Santroch (République tchèque, 1er film) ose se présenter comme un film d’humour noir et ironique (cf. synopsis) là où on ne voit qu’un film à sketches bancal avec pots de fleur et tromperies à gogo.

Gardons le meilleur du pire pour la fin avec deux premiers films ex-aequo : a) « La promotion » de Manu Joucla (France), une comédie pas drôle sur les rapports dominant/dominé dans le monde du travail et de l’amour trop libre, et b) « You Missed Sonja » de Félix Koch (Allemagne), un film d’école bourré d’hémoglobine, de dialogues pas possibles et d’images de caméras de surveillance, plus proche du thriller pathétique que du cinéma de demain.

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"La Ville lumière"

Heureusement, à Aubagne, nous avons trouvé des « films gentils », possédant certaines qualités sans pour autant nous emballer complètement. Commençons par « Grace » de Jo Kelly (Etats-Unis, Suisse, Belgique, 1er film), Mention du festival, qui lie Jérôme, handicapé mental et physique à Via, prostituée vieillissante, sur fond musical plus ou moins tolérant, mais qui oublie de finaliser son histoire. Poursuivons avec « The Rattle of Benghazi » de Paco Torres (Espagne, Irlande, 3ème film), dans lequel on troque la guerre contre des jeux d’enfants mais dans lequel les bons sentiments et les mauvais acteurs ne font pas bon ménage. « La Ville Lumière » de Pascal Tessaud (France, 3ème film), autre film aimable, confronte un jeune homme à ses pairs, lors de certaines séquences empruntes d’une belle émotion, face aux femmes aimées, pour la vie ou pour un soir.

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"How Dave and Emma Got Pregnant"

Terminons avec deux films d’animation très distincts. En premier lieu, une autre Mention, « Fuga » de Juan Antonio Espigares (Espagne, 3ème film) dont on n’a pas compris grand chose, mais dont la musique qui l’accompagne est tellement belle que le film peut bien être mentionné dans ce reportage. Enfin, « How Dave and Emma Got Pregnant » de Joost Lieuwma (Pays-Bas, 3ème film) a le mérite de déclencher l’hilarité par son idée crétine de base : un homme, frustré de ne pas devenir père, voit dans la graisse de son épouse sa progéniture tant rêvée au point de la bercer et de l’accompagner au parc à la vue de tous (sa graisse, oui, vous avez bien lu). Le film, déjanté à souhait, tient plutôt bien la route, mais se ratatine vers la fin, en n’assumant pas son délire jusqu’au bout. Dommage tant cette histoire absurde convoque le rire gras (sans mauvais jeu de mots), changeant de la morosité ciné ambiante.

Parlons maintenant des films réjouissants, vus à Aubagne (car oui, il y en a eu, n’allez pas croire tout ce qu’on vous écrit). À nos yeux virtuels, sept titres valaient le détour cette année au festival. « Korosteoria » d’Antti Heikki Pasonen (Finlande, 3ème film), Prix du Meilleur film de fiction au festival, illustre avec drôlerie et finesse le lien entre deux jeunes paumés, dans une Finlande dépressive et esseulée. sur un air de Dr Alban (aah, It’s My life), de caisses IKEA et d’envies de changement (l’ailleurs ou l’amour ?). « Le Chevreuil » de Rémi St-Michel (Canada, 3ème film) lui emboîte le pas en suivant Marc, un fumeur de joints nonchalant, qui troque le corps de son père contre celui d’un chevreuil percuté sur la route (!), en empruntant à l’humour absurde et à la musique fun & rock toutes leurs saveurs.

Côté belge flamand, deux premiers films nous ont également plu : « Dood van een schaduw » de Tom Van Avermaet, dernièrement nominé aux Oscar (excusez du peu), montre un Matthias Schoenarts méconnaissable (oubliez la masse, la force, concentrez-vous sur son regard, ses émotions), en proie à l’amour et au sacrifice dans ce conte fantastique, plongé dans l’ombre et les ténèbres. Sans autre lien avec ce film si ce n’est sa nationalité, « Natasha » de Roman Klochkov (interviewé au festival), lauréat du prix du Meilleur film d’animation à Aubagne, suit, sous le couvert de l’animation, un ours russe Nicolaï, confronté aux clichés, à la destruction du rêve européen et à l’amour brûlant pianoté un soir de tristesse éthylique. Dans la lignée d’« Administrators », le film de fin d’études de Klochkov, Natasha touche par son graphisme soigné, son humour teinté de mélancolie et le soin apporté à sa partition musicale (un plus à Aubagne).

Côté français, « Lisières » de l’acteur devenu réalisateur Grégoire Colin (2ème film) porte bien son nom et son pluriel puisque le film joue beaucoup sur l’entre-deux (forêt/ville, marginalisation/intégration) en suivant Tchavo, un jeune rom perdant quelque peu ses repères le jour où sa famille disparaît, le laissant seul, malgré lui.

Nos deux derniers intérêts vont à deux films d’écoles, l’un anglais, l’autre israélien. « Head over Heel » de Timothy Rechart (Royaume-Uni), sélectionné cette année à la Cinéfondation et lui aussi nominé aux Oscar (ens animation, pour le coup) propose de s’immiscer dans la vie de Walter, vivant au sol et de sa femme, Madge, vivant au plafond, dans une maison dans laquelle ils se sont éloignés l’un de l’autre depuis bien longtemps. Ce film de marionnettes fonctionne par l’originalité de sa construction (en haut/en bas, le monde à l’endroit/à l’envers), son absence de parole, ses petits regards par dessus les lunettes et ses pas chassés de rapprochement. De son côté, « The House on the Water » de Omer Regev (Israël) s’en sort plutôt convenablement, pour un film d’école, en abordant le choc post traumatique d’un ancien soldat et ses conséquences néfastes sur sa vie d’artiste, d’homme marié et de père de famille. Le sujet n’est certes pas nouveau, mais le film adopte dans sa forme des partis pris intéressants servant son histoire (de l’obscurité des flash-back à la lumière du jour, de l’image tremblante, reflet des incertitudes et des tourments intérieurs à la dissimulation d’un enfant apeuré, derrière un bol de céréales matinales).

Profitons de la nationalité et du sujet de ce dernier film pour parler, une fois n’est pas coutume d’un long-métrage. Cette année, un autre film israélien était en compétition à Aubagne : « Rock The Casbah » de Yariv Horowitz. À la clôture du festival, le film a obtenu une Mention spéciale du Jury à la grande joie du réalisateur (“Merci la France !”). Ce n’est que quelques jours plus tard qu’on a appris que le réalisateur avait perdu connaissance pendant quelques minutes après s’être fait agresser physiquement et verbalement pendant le festival, à l’issue de la projection de son film lié à un souvenir personnel de l’armée (après la mort brutale de l’un des leurs dans la bande de Gaza, quatre soldats israéliens sont réquisitionnés pour retrouver le meurtrier, sur le toit d’un immeuble).

À Aubagne, le contact entre les gens est aisé, et c’est une bonne chose. On se rencontre au petit déjeuner, en terrasse, à une fête, devant le ciné (Le Marcel Pagnol, pour rester simple) ou au resto de pâtes pas terribles. Pendant le festival, nous avons ainsi pu un peu échanger avec Yariv Horowitz et son compositeur, Assaf Amdursky, tout comme avec l’équipe de « The House on the Water » et avec les autres.

Nous n’avons pas pu voir  « Rock The Casbah ». À en juger par la bande-annonce, ci-dessus, il est fort possible que le film interroge, interpelle et dérange. Pourquoi pas ? Tous les films ne sont pas lisses, bien heureusement. Mais si certains se défoulent sur d’autres au nom d’une nationalité et d’un sujet traité (par besoin de catharsis ou non), pendant un festival, lieu de culture, de découvertes et d’échanges, on est en droit de se poser des questions et de dénoncer, à notre minuscule échelle, ce genre d’agissements confondant fiction et réalité, cinéma et actualité.

Katia Bayer

Festival d’Aubagne 2013

Le 23 mars, se terminait le Festival international du film d’Aubagne, très copain avec l’image, la musique et le son, et mettant les compositeurs autant en avant que les réalisateurs. Beaucoup de courts figuraient au programme de cette édition : u une compétition de 73 films, subdivisés en 11 programmes, quatre cartes blanches à quatre festivals européens (Festival de Clermont-Ferrand, Festival Anima/Belgique, Zagreb Film Festival/Croatie et DOCsk/Slovaquie) ainsi qu’un programme de courts avant les longs et un autre de « Courts qui rendent heureux », spécialité du festival ces dernières années. Après avoir suivi le festival pendant trois jours, nous vous invitons à nous retrouvez ces jours-ci pour notre compte-rendu de cette toute dernière édition.

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Cinéma du Réel. Pays rêvés, pays réels

Proposé en collaboration avec le site internet Critikat.com, le programme « Pays rêvés, pays réels » présenté ces derniers jours au Cinéma du Réel se compose d’une sélection de films contemporains courts et longs traitant au sens large de représentations imaginaires, fantasmées ou concrètes que les individus portent sur des espaces géographiques d’ici ou d’ailleurs.

La sélection de courts métrages s’articule autour de six films. Certains sont orientés vers un imaginaire fort, comme « L’île » de Pauline Delwaulle (France) qui explore une forme documentaire à la frontière de la fiction en utilisant des textes de récits de voyage qui illustrent les images contemporaines. D’autres, en revanche, sont très ancrés dans une réalité sociale comme « Mitote » où le réalisateur, Eugenio Polgovsky (Mexique) jongle entre contexte politique, rituels culturels et rassemblement sportif.

Comment rêver, s’extraire d’une réalité parfois trop dure à porter pour les populations, les individus ? Comment s’accomplir dans un monde en mutation ? Quelles vies peut-on s’autoriser dans la marginalité, dans la norme ? À quel moment basculer dans la folie douce pour mieux accepter sa condition réelle ? Autant de questionnements qu’abordent les réalisateurs dans ces films courts qui interrogent l’individualité et le groupe.

Chacun à sa manière, avec son propre spectre de connaissances et d’envies cinématographiques, explore les pays et paysages. Chez Bertille Bak, on regarde même du côté de l’art contemporain. Le film « Transport à dos d’hommes » (France) use en effet de procédés artistiques relevant du happening mis en scène au sein d’une population de voyageurs comme pour surligner leurs pratiques : le mouvement, toujours le mouvement vers l’ailleurs.

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À l’opposé, dans son court métrage « A Cerbère » (France), Claire Childéric filme au plus près les gestes répétés d’ouvriers dans un entrepôt ferroviaire et fige ainsi leur vie dans cet espace unique où les trains partent sans jamais emmener les ouvriers à leur bord. À Cerbère, la vie continue mais flotte sur les vestiges d’un prestigieux passé qui n’est plus. Ultime trace architecturale du faste d’antan : l’hôtel qui n’est plus qu’une coquille vide presque muséifiée.

Dans ce programme, la part belle est faite aux productions récentes avec des films encore peu vus. Seul le court métrage de l’inimitable Luc Moullet datant de 1995 « Imphy, capitale de la France » ouvre un regard sur le contexte avant la crise dans laquelle ont été réalisés les autres courts métrages. Ce film offre ainsi une bouffée d’air rieuse dans ce programme qui tend plutôt vers la nostalgie d’un monde passé et une certaine mélancolie de l’ailleurs.

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Pour autant, le programme ne donne pas dans le fatalisme, les hommes semblent tous trouver des ressources pour s’extraire de leur réalité par l’imaginaire. Le film biélorusse « Wooden People » de Victor Asliuk représente sans aucun doute le mieux la capacité humaine à s’inventer un monde pour survivre. Un vieil homme seul dans un village abandonné s’est ainsi récréé une vie où il est prophète en son pays, un pays peuplé de figurines en bois qu’il façonne de ses mains.

« Pays rêvés, pays réels » est un programme qui transporte le spectateur dans des moments de vie d’individus aussi différents dans leurs existences quotidiennes que semblables au regard de leurs rêves. L’imaginaire est, semble-t-il, le propre de l’homme, et pourtant dans les récits des courts métrages présentés ici, les pays les plus rêvés sont aussi ceux où les hommes sont les plus absents.

Fanny Barrot

Cinéma du Réel, le palmarès côté court

Le Cinéma du Réel, que nous avons suivi ces jours-ci, s’est terminé hier soir, avec la reprise des films primés hier. Voici le palmarès, côté court établis par les deux jurys.

– Jury officiel (Ariane Doublet (réalisatrice), Felice D’Agostino (réalisateur) et Fabien Gaffez (critique, directeur du festival d’Amiens)

Prix du court métrage : MAURO EM CAIENA de Leonardo Mouramateus / Brésil, 2012, 18′

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Mention spéciale : CHA FANG / THE QUESTIONNING de Zhu Rikun / Chine, 2013, 20′

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– Jury des détenus du centre pénitentiaire de Fresnes

Prix : MADERA de Daniel Kvitko / Cuba, 2013, 25′

Mention spéciale : QUAND PASSE LE TRAIN de Jérémie Reichenbach / France, 2013, 30′

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Consulter le palmarès complet sur le site du festival

Prochaine soirée Format Court, jeudi 11/04/13 : carte blanche à Lobster Films, en présence de Serge Bromberg !

Depuis la rentrée, nous vous proposons régulièrement, lors de nos Soirées Format Court, de voyager dans le temps, avec des courts d’époque poétiques et formidables. Nous avons ainsi programmé au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) « One Week » (La Maison démontable) de Buster Keaton et Edward F. Clin (1920), « Symphonie bizarre » de Segundo de Chomon (1909) et « Mighty like a moose » (À visage découvert) de Leo Mac Carey (1926). Ces films ont un point commun : ils figurent tous trois dans le catalogue de Lobster Films, une société de conservation et de restauration de films anciens dirigée par Serge Bromberg et Eric Lange. Par le passé, nous avons consacré un Focus à cette structure amoureuse du cinéma d’antan dont les premiers films remontent à 1895. Aujourd’hui, nous lui offrons une carte blanche, le jeudi 11 avril prochain, lors de laquelle pas moins de 16 curiosités et autres raretés, réalisées entre 1904 et 1948, seront projetées au Studio des Ursulines, en présence de Serge Bromberg.

Programmation

Tramway (documentaire, muet N & B, 5’15, France, 1913)

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Synopsis : Sous le regard complice d’une ribambelle d’enfants, un tramway s’engage dans les rues de Dunkerque au début du XXe siècle. Au détour d’un long travelling le quotidien se déploie : commerçants, hommes d’affaires, ménagères, marchands ambulants, badauds de toute sorte participent de l’effervescence urbaine. Puis, à mesure que l’on s’éloigne du centre, la ville se voile et un autre mouvement, celui de la périphérie, prend le dessus.Issu d’une copie nitrate, ce documentaire empreint d’une beauté immuable témoigne de l’impact du temps dans l’image filmique et sa matière.

Le Roi du Maquillage de Georges Méliès (scène à truc, muet sonorisé N & B, 2’42, France, 1904, Star Film)

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Synopsis : Méliès, en habit et chapeau haut de forme, dessine sur un tableau noir les têtes d’un poète, d’un vieillard barbu puis d’un jockey anglais, enfin d’un “comic excentric”. Il prend tour à tour l’apparence de ces personnages avant définir en Méphistophélès.

Betty Boop’s Crazy Inventions de Dave Fleischer (dessin animé, série Betty Boop, sonore N & B, 6’32, États-Unis, 1933, Fleischer Studios)

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Synopsis : Venez découvrir les merveilleuses inventions toutes plus loufoques les unes que les autres que Betty et ses amis vous proposent.

Rum and Coca Cola (jazz, série Soundies, avec Jeri Sullivan, sonore N & B, 2’30, États-Unis, 1945)

Petites causes, grands effets de O’Galop (dessin animé, muet N & B, 2’04, France, 1918)

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Synopsis : Les effets d’un petit verre d’alcool. Et en le prenant chaque jour, on devient alcoolique.

Pour résister à la tuberculose de O’Galop (dessin animé, muet N & B, 1’44, France, 1918)

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Synopsis : Pour résister à la tuberculose, soyez fort et pratiquez les sports en plein air.

Le Circuit de l’alcool de O’Galop (dessin animé, muet N & B, 2’11, France, 1918)

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Synopsis : Dessin animé de propagande anti-alcoolique. Le circuit de l’alcool ou la métamorphose d’un écu.

Un duello allo Schrapnell (comique, muet sonorisé teinté, 5’00, Italie, 1913, Itala Films)

Synopsis : Deux alpinistes sauvent une randonneuse qui s’est blessée en grimpant la montagne. Dès commence une rivalité qui les mènera au duel pour conquérir le cœur de la jeune femme.

Le bon exemple (publicité, avec Fernandel, sonore N & B, 2’17, France, 1938, Seita)

Synopsis : Publicité de la firme Seita avec Fernandel.

I’ll say she is (bande annonce, avec les Marx Brothers, N & B, 4’36, États-Unis, 1931, Paramount)

Synopsis: Bande annonce du film « Monkey business », dans laquelle chacun des frères Marx tente d’imiter Maurice Chevalier pour une audition.

Tulips shall grow de George Pal (animation, sonore couleur, 6’59, États-Unis, 1942, Paramount)

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Synopsis : Jan est amoureux de Janette. Les jours s’écoulent paisiblement au rythme des moulins à vent, jusqu’à ce qu’une armée de boulons arrive et massacre tout sur son passage. Mais les tulipes repousseront. Un chef-d’oeuvre.

Premier prix de violoncelle (comique, muet N & B, 2’41, France, 1907, Pathé)

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Synopsis : L’artiste s’installe sur un pliant au beau milieu de la rue et se met à jouer. Bientôt, des fenêtres pleuvent des projectiles de toutes sortes sans pour autant couper l’inspiration du musicien jusqu’à ce qu’une petite fille vienne lui offrir un bouquet de fleurs. Celui-ci remercie, salue et s’en va.

The fresh lobster (burlesque, avec Billy Bletcher, sonore N & B, 6’29, États-Unis, 1948)

Synopsis : Billy descend au milieu de la nuit manger le reste de langouste du frigo. De retour dans son lit, il réalise rapidement qu’il s’est couché sur une langouste géante. Il prend la fuite, poursuivi par l’énorme langouste. Situations absurdes, langouste animée etc. Ce film très rôle se termine dans le lit car. Ce n’était qu’un rêve.

Fiddlesticks de Ub Iwerks (dessin animé, série Flip the Frog, couleur, 6’02, États-Unis, 1930, Celebrity Pictures)

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Synopsis : Flip dirige un orchestre animalier. Une terrible compétition s’engage entre lui au piano et la souris au violon… Lequel est le virtuose des animaux ?

Un Monsieur qui a mangé du taureau de Eugène Deslaw (comique, sonore N & B, 6’49, France, 1935, Victor Films)

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Synopsis : A l’issue d’un repas, un monsieur clame que c’est du taureau qu’il a mangé, et se dispose à encorner tout le monde. Il décroche du mur une paire de cornes, se la flanque sur la tête et entame une corrida frénétique. Les convives affolés téléphonent d’urgence en Espagne pour réclamer un matador. Version sonorisée et commentée de façon délirante par Betove d’un film de 1909.

The Rounders de Charlie Chaplin (burlesque, avec Charlie Chaplin, Fatty Arbuckle, Minta Durfee, Charley Chase, Al Saint John, muet sonorisé N & B, 13’15, États-Unis, 1914, Keystone)

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Synopsis : Charlie et Fatty, qui viennent de se payer une beuverie carabinée, regagnent leurs foyers respectifs. Ils font les fonds de tiroir et s’en retournent au cabaret.

Infos pratiques

– Projection des films : jeudi 11 avril 2013, à 20h30. Durée du programme : 77’

– Adresse : Studio des Ursulines – 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris – Accès : BUS 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon).
 RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée).

Entrée : 6 € !

Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com

– Prochaine séance : le jeudi 9 mai 2013 !

Défense d’aimer de May El-Hossamy

May El Hossamy est une artiste complète. Peintre, photographe et vidéaste, elle se met en scène dans « Défense d’aimer », un court métrage interpellant. Pour ce film, sélectionné au Cinéma du Réel, elle a choisi de questionner ses proches au sujet de l’amour et de l’une de ses multiples facettes.

« Défense d’aimer » se présente comme un conte où May El Hossamy mène une enquête auprès de sa mère, un sage et un homme religieux pour tenter de découvrir si en Egypte, une musulmane a le droit d’épouser un chrétien. Grâce sa manière de filmer tour à tour chaque personne, El Hossamy arrive à nous faire pénétrer dans l’intimité d’une société toujours fortement influencée par les écrits religieux.

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En passant de la sphère privée à la sphère publique, El Hosssamy confronte les arguments. Alors que la mère a peur que sa fille ne se marginalise trop en choisissant un « amour impossible », le sage, lui, préfère s’en remettre à Dieu, quant à l’imam, il dévoile le côté clairement misogyne de la religion en citant le verset du Coran disant que les hommes ont autorité sur les femmes.

Conçu dans le cadre des Ateliers Varan, « Défense d’aimer » donne l’impression d’avoir été tourné dans l’urgence. On y sent le manque de moyens (caméra mobile, éclairage naturel, bruits parasites), ce qui pourrait lui conférer le qualificatif de  » film de famille », pourtant à y regarder de plus près, on comprend soudainement l’envie de la réalisatrice de dénoncer une injustice profonde. Dans sa volonté de ne jamais apparaître en face caméra, d’être le contrechamps des personnes qu’elle interroge, elle démontre, que dans la société égyptienne, il n’y a pas de réel rapport d’égalité entre les personnes mais au contraire, que les rapports sont mis sur le mode de la confrontation. Ce n’est que dans les dernières minutes qu’on la voit dans la pénombre, face à l’homme qu’elle aimerait épouser. C’est qu’à ce moment-là, elle est bel et bien dans une relation égale.

Le manque de réponses satisfaisantes de part et d’autres mène les jeunes gens vers une impasse, celle qui interdit d’aimer librement l’élu de son cœur. Vers la voie de la démocratisation, il semblerait que dans le pays des pharaons, la plus grande des révolutions a l’amour pour nom.

Marie Bergeret

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Q comme Quand passe le train

Fiche technique

Synopsis : La Patrona, Mexique. A chaque passe d’un train de migrants, l’épicière Norma et ses amies se précipitent pour leur fournir des vivres à la volée.

Pays : France

Année : 2013

Durée : 30’

Réalisation : Jérémie Reichenbach

Directeur de la photo : Jérémie Reichenbach

Son : Jérémie Reichenbach

Montage : Baptiste Petit-Gats

Producteur : Adonis Liranza

Article associé : la critique du film

Quand passe le train de Jérémie Reichenbach

« Quand passe le train » est l’un des cinq courts français présentés en compétition internationale au Cinéma du Réel. Pourtant, l’histoire de ce documentaire nous emmène loin, bien loin de la France, au cœur du Mexique dans l’État de Veracruz.

Si Jérémie Reichenbach avait jusque là plutôt exploré des sujets d’Afrique, il donne ici à voir le quotidien d’un groupe de femmes latino-américaines rythmé par le passage de trains de migrants qui cherchent à gagner les États-Unis.

On pourrait dire de ce documentaire que tout est dans le titre tant le train est un élément déterminant dans la vie du groupe de femme filmées par Jérémie Reichenbach. C’est dans cette relation presque intime, en tous cas inconditionnelle, entre les femmes et la machine que le réalisateur semble puiser l’énergie de son œuvre. Tout le film se construit autour du passage des trains en bordure du village de Patrona. Un des uniques moments de réconfort dans cet éprouvant voyage se situe là, à Patrona, dans un mouvement de vie des femmes qui, regroupées au bord des rails les bras chargés de victuailles, crient « à manger » et jettent dans les bras des migrants des paquets de nourriture.

Un des partis pris de réalisation les plus significatifs du film réside sans doute dans la façon d’opposer radicalement les moments de la vie quotidienne « classique » et ceux où les trains passent. Le réalisateur, dans son montage, suit pendant plusieurs jours les femmes du village. Les temps de préparation presque ritualisés des denrées défilent à l’image (le marché, la cuisson, la répartition, l’emballage, le chargement…). Les mouvements sont précis, adéquats, silencieux… Ces temps sont tels de longs instants de calme avant la tempête ferroviaire, rapide, bruyante et puissante. Les hommes jaillissent alors de partout (des wagons, du toit du train, …) pour tenter d’attraper des victuailles tendues à bout de bras par les femmes au bord des rails. Ça crie, ça grouille de vie, et puis… Stop. Le train est passé. La vie reprend son cours, jusqu’au prochain sifflement du train.

« Quand passe le train » est un film généreux. Jérémie Reichenbach aborde ici d’une manière extrêmement sensible un sujet qui lui est cher : la migration. Le film nous entraîne au plus proche de ces femmes courageuses qui donnent à des inconnus de quoi survivre dans un geste d’amour gratuit. Sans être dans la compassion, Jérémie Reichenbach nous plonge dans l’intimité de ces femmes qui ont sans doute vu partir leurs maris, leurs fils dans ces trains d’exil.

Fanny Barrot

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Cha Fang (The Questioning) de Zhu Rikun

Quand la Chine met la pression sur son cinéma indépendant

Dans la compétition internationale de courts métrages du Festival du Cinéma du Réel, le film de Rikun Zhu, « Cha Fang » (« The Questioning » en anglais), nous offre un regard oppressant sur les conditions de production du cinéma indépendant chinois actuel. Témoignage hyperréaliste d’une situation politique tendue, « Cha Fang » saisit un instant de pression policière commun pour nous donner un aperçu brûlant de la situation des droits de l’homme en Chine aujourd’hui. Parmi ses différentes activités, Rikun Zhu est aussi le directeur du Festival du Film Indépendant de Pékin, festival qui cette année a dû être annulé suite aux intimidations politiques exercées par le gouvernement sur les organisateurs.

En déplacement dans la province chinoise de Xinju en soutien à des défenseurs des droits de l’homme, Rikun Zhu et un membre de son équipe sont dans leur chambre d’hôtel un soir de juillet 2012. On frappe à la porte. C’est la police. Avant d’ouvrir, le réalisateur allume sa caméra et filme l’intégralité de la scène. Le procédé technique est donc celui d’une caméra cachée, pour un plan séquence fixe de vingt minutes qui nous fait vivre l’intrusion policière de l’intérieur. On découvre alors la façon d’opérer de ces policiers. Ils sont presque une dizaine à pénétrer dans la chambre, la plupart en uniforme, d’autres en civil. L’un d’entre eux utilise lui aussi un caméscope pour filmer la scène. L’impression est forte car on se filme de toute part, comme pour mieux signifier le climat d’insécurité et de suspicion générale qui entoure le moment. De chaque côté des caméras, rien des propos échangés ne sera perdu.

L’interrogatoire commence par ce qui ressemble à un banal contrôle avec présentation des passeports et des cartes d’identité. Mais peu à peu la tension monte car Rikun Zhu fait preuve d’une relative indocilité. Dans le cadre, le réalisateur est presque tout le temps de dos, comme un témoin anonyme, alors que face à lui, les policiers perdent la tête en entrant de trop près dans le champ, laissant l’autorité de leur uniforme écraser l’interrogatoire. Cherchant à faire respecter ses droits, Rikun Zhu insiste pour que les policiers présentent eux aussi leurs documents. Puis, il essaye de les faire parler pour connaître les motivations du contrôle. Des deux côtés, on joue sur les mots comme pour ne pas révéler ouvertement l’antagonisme des positions. Et si Rikun Zhu parvient à arracher à l’un des policiers le motif de leur action, « maintenir la sécurité publique et supprimer le hasard potentiel », c’est la police qui entend avoir le dernier mot en harcelant le réalisateur d’un questionnement répétitif autour d’un aveu oral de sa nationalité. L’échange entre les deux hommes semble alors parvenir aux limites de l’absurde, mais face à la résistance de Rikun Zhu à répondre ce qu’on attend de lui, la pression s’accroît ostensiblement. On comprend que derrière cette insistance paradoxalement ridicule autour d’une question unique à la simplicité consternante, se cache une autre question dont la portée politique est essentielle, celle de la soumission au pouvoir.

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Le film de Rikun Zhu s’achève par des insertions de texte en chinois et en anglais où sont décrites les exactions de la police de Xinju à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme ces dernières années. On comprend dès lors d’autant mieux en quoi le principe d’une caméra cachée lors d’un contrôle d’identité peut potentiellement servir de garantie à un réalisateur indépendant qui défend la liberté d’expression en Chine. En programmant « Cha Fang », le Cinéma du Réel s’engage dans une démarche forte de soutien politique à la production indépendante chinoise en montrant un film dont on peine à croire qu’il puisse être diffusé dans son pays.

Xavier Gourdet

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Cinéma du Réel 2013

Du 21 au 31 mars 2013, le Cinéma du Réel explore la diversité de la création documentaire sur les écrans du Centre Georges Pompidou à Paris. Au programme, une sélection de films documentaires internationaux qui parcourt sans concession les problématiques sociales du monde contemporain dans un cinéma dont la richesse et la multiplicité sont toujours renouvelées. Au cœur de cette programmation conséquente, Format Court se penche sur la sélection internationale de courts métrages, ainsi que sur les films des séances « Pays rêvés, pays réels ».

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Découvrez dans ce focus :

Cinéma du Réel. Pays rêvés, pays réels

Cinéma du Réel, le palmarès côté court

La critique de « Défense d’aimer » de May El-Hossamy (France, Egypte, 2013)

La critique de « Quand passe le train » de Jérémie Reichenbach (France, 2013)

La critique de « Cha Fang » de Zhu Rikun (Chine, 2013)

Cinéma du Réel, la sélection des courts

C comme Cha Fang (The Questioning)

Fiche technique

Synopsis : Le 24 juillet 2012, je me suis rendu dans une ville en soutien à trois candidats indépendants locaux et activistes des droits de l’homme. Pendant ce temps, nous nous sommes rendu compte que nous étions suivis. Le soir à minuit, des policiers sont venus dans notre chambre et pour procéder à une inspection.

Genre : Documentaire

Durée : 20’

Année : 2013

Nationalité : Chine

Auteur-Réalisateur : Zhu Rikun

Image : Zhu Rikun

Son : Thom O’Connor

Montage : Yu Xiaochuan

Production : Fanhall Films

Article associé : la critique du film

Benjamin Renner : « Je n’aime pas trop les projets extrêmement ambitieux, je préfère rester dans quelque chose de très modeste graphiquement »

En quatre ans et des poussières, nous avons suivi le travail de Benjamin Renner. Au tout début, il y a eu « La Queue de la souris », son film malin et touchant de fin d’études de La Poudrière, récompensé du Cartoon d’Or en 2008. Quelques années plus tard, on l’a retrouvé autour de son projet de long-métrage, « Ernest et Célestine », présenté pendant le festival d’Annecy. Par la suite, son film, co-réalisé avec Vincent Patar et Stéphane Aubier, les créateurs de « Panique au village » et des drolatiques Pic Pic et André, est sorti en salle (il y est toujours, allez ou retournez le voir !). En début d’année 2013, à notre séance anniversaire, nous avons projeté « La Queue de la souris », en présence de Benjamin Renner et de son compositeur de l’époque, Christophe Héral. Depuis, celui qui se représente sous les traits d’un cochon (voir ci-dessous) a été juré au festival Anima, il y a un mois à Bruxelles et a reçu le César du meilleur film d’animation pour « Ernest et Célestine ». Rencontre autour de l’épure, de l’animation, de la narration et de la bande dessinée.

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Format Court : Avant de faire de l’animation, tu t’es longtemps intéressé à la bande dessinée. Comment es-tu passé de l’une à l’autre ?

Benjamin Renner : En sortant du lycée, j’étais parti pour faire de la bande dessinée. J’étais en prépa aux Beaux-Arts d’Angoulême, les professeurs m’ont expliqué qu’il fallait que je m’ouvre à d’autres choses. À un moment, j’ai commencé à m’intéresser à la notion de narration et je me suis mis à faire de l’animation. En réalité, les BD que je faisais ressemblaient à de l’animation, c’étaient des pauses clés les unes derrière les autres, avec très peu d’ellipses.

Après les Beaux-Arts, Sébastien Laudenbach, que j’avais eu comme professeur en prépa, m’a conseillé de tenter La Poudrière, en me disant que ça pouvait me plaire. J’y suis allé sans vraiment y croire en me disant que j’étais juste quelqu’un qui faisait de la BD. Une fois pris, j’ai commence à m’intéresser aux modes d’expression. J’ai rencontré Alain Gagnol qui m’a appris à penser au public et qui m’a parlé d’adaptations. On peut adapter les contes les plus connus, mais ce qui est intéressant c’est la forme qu’on leur donne, du coup, je me suis plongé dans les livres.

Qu’est-ce qui t’intéresse dans la bande dessinée ?

B.R. : J’adore raconter des histoires, la méthode de narration est quelque chose qui me passionne. En bande dessinée, la liberté est plus grande qu’en animation et la contrainte n’est pas la même. Trouver de nouvelles manières de raconter des histoires et transmettre des émotions au spectateur, ça m’intéresse. Au début, je faisais de la BD avec des cases et très vite, je les ai laissées tomber. Je faisais un grand décor dans lequel le personnage se déplaçait, libre de toute contrainte. On le suivait et de fil e aiguille, ça racontait une histoire.

Si « La Queue de la souris » a été beaucoup vu, on connait moins ton film de première année « Le corbeau voulant imiter l’aigle », un exercice de La Poudrière, dans lequel tu t’affranchis du cadre, comme en bande dessinée, et dans lequel l’espace est très grand. Est-ce que tu as voulu là aussi être dans l’épure ?

B.R. : En fait, depuis le début, je ne suis pas un bon dessinateur, il faut toujours que je trouve des astuces. C’est quelque chose que j’ai appris aux Beaux-Arts, le jour où j’ai réalisé que je pouvais tout raconter avec n’importe quoi. Quand j’étais en prépa, j’entendais que c’était plus approprié de raconter une histoire avec un médium plutôt qu’un autre, et ça me semblait être n’importe quoi. Avec un trait, tu peux raconter une histoire épique ou un truc super émouvant. Tout est possible.

Tu peux jouer avec l’imaginaire du spectateur en même temps…

B.R. : C’est ça. Comme je suis quelqu’un d’assez paresseux, j’ai toujours essayé de faire dans le minimalisme. Je n’aime pas trop les projets extrêmement ambitieux, je préfère rester dans quelque chose de très modeste graphiquement. Moins il y en a, plus c’est intéressant, plus ça évoque de choses au spectateur. Dans « La Vie des bêtes » d’Ulrich Totier, un film de La Poudrière sur lequel j’ai travaillé, plusieurs scènes sont très belles, mais on ne voit rien à l’image. Pareil dans « Stalker » de Tarkovski : il n’y a absolument rien mais tu ressens énormément de choses. Ce côté mystique, cette puissance de l’émotion m’intéresse très fort.

« Le corbeau voulant imiter l’aigle » et « La Queue de la souris » ont tous les deux un graphisme très épuré, très travaillé autour de l’angle, de la courbe, de la silhouette, de la dimension, de la représentation. Comment en es-tu venu à ce style-là ?

B.R. : Le style m’est venu assez naturellement, je m’intéresse à la silhouette depuis longtemps. Aux Beaux-Arts, déjà, j’avais fait une BD avec cette esthétique très anguleuse, avec des jeux d’optique très présents. Cette forme de liberté offre des sensations de narration très fortes. Par exemple, un point dessiné sur une page blanche peut apparaître comme un oeil comme un personnage complètement perdu dans une immensité. Dans cette logique, j’ai fait « Le corbeau ». Pour « La Queue », j’étais plus dans la narration, moins dans le jeu visuel. Je voulais raconter une histoire avec des dialogues et moins être dans la démonstration que dans le premier.

Les films d’école peuvent comporter des contraintes en termes de de sujet et de durée, cela fait partie de l’exercice. Quelle ont été celles du « Corbeau voulant imiter l’aigle » ?

B.R. : Le thème était la gourmandise, il devait être traité pendant une minute. Oui, je sais, ça se voit pas très bien, le film parle plus de l’orgueil que d’autre chose ! Après coup, le directeur de la Poudrière m’a dit que c’était hors sujet mais que ça allait !

Et le sujet de « La Queue de la souris », c’était quoi ?

B.R. : Là, comme il s’agit du film de fin d’études, j’étais libre. La seule contrainte était celle de la durée : 3 minutes. À l’école, ils sont stricts avec ça, ils ne veulent pas qu’on dépasse le temps imparti.

Sur le moment, j’ai eu du mal avec ce principe de durée, mais après coup, j’ai trouvé ces contraintes intéressantes. Pour le film de première année, c’est un exercice très difficile car tu n’as qu’une minute pour transmettre une sensation. Quand tu es étudiant, tu as vraiment tendance à partir sur des longueurs, un peu par orgueil, c’est donc plutôt bien de calmer nos ambitions de durée. Un film plus long n’est pas forcément meilleur qu’un plus court. Je me souviens que quand j’étais étudiant aux Beaux-Arts, j’avais fait un petit film, avec des plans super longs d’une absurdité totale. Ça n’avait aucun intérêt, mais moi, je trouvais ça fort artistiquement ! Je voulais prouver au spectateur qu’on pouvait représenter la lenteur à l’écran ! Je n’ai jamais fini ce film, on ne se rend pas forcément compte de ses erreurs sur le moment même…

Ce genre d’expérience peut servir pour la suite, non ?

B.R. : Oui. On apprend à mesurer les choses. En dernière année à La Poudrière, j’avais un autre scénario que je n’ai pas utilisé parce qu’il était trop long, il y avait beaucoup de dialogues et le scenario ne pouvait pas tenir en 3 minutes. C’était une variante de « La Queue de la souris » : « La souris qui tombait dans l’oreille du lion ».

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En venant présenter « La Queue de la souris » à notre séance, en janvier, tu mentionnais le fait que tu voyais beaucoup de défauts dans le film. Quels sont-ils ? Est-ce que tu en vois davantage par rapport à ton expérience sur le long-métrage ?

B.R. : Non, je t’avoue que c’est presque plus le contraire. Je vois moins de défauts dans « La Queue de la souris » ou dans « Le corbeau voulant imiter l’aigle » que dans le long. Avec le recul, sur « La Queue », je vois des défauts mais ce sont presque des qualités, des petites erreurs, que je trouve plutôt touchantes et qui donnent du charme au film.

Pour moi, il y a eu des gros défauts sur le long, notamment parce que la fabrication n’a rien à voir avec celle de mes courts. Je réalise que je maîtrisais beaucoup plus « La Queue de la souris » et « Le corbeau voulant imiter l’aigle » qu’« Ernest et Célestine ».

Sur le deuxième court, je n’étais pas moins libre mais j’étais un peu plus mal à l’aise parce que je faisais du dialogue. Le contact avec les acteurs, c’est quelque chose qui me pose beaucoup de problèmes. J’ai du mal à diriger les acteurs. Sur « Ernest », ça a été un cauchemar, j’y allais vraiment à reculons.

Tu pourrais refaire un court aujourd’hui ?

B.R. : Ah oui, j’aimerais bien. Je n’ai pas encore de projet qui me tient assez à coeur pour me lancer, mais oui, clairement. La BD aussi me tente, car le long, c’est quand même pénible.

Beaucoup de gens qui font du court aspirent pourtant au long….

B.R. : Je sais, mais il y a une absurdité autour de ce film. Pendant très longtemps, je ne voulais pas le réaliser.

Juste rester directeur artistique ?

B.R. : Oui, et encore. Là aussi, c’était trop.

Est-ce que ça a été trop rapide pour toi ?

B.R. : Oui, beaucoup trop, même avec le recul. Après, heureusement, mon producteur (Didier Brunner, Les Armateurs) m’a écouté et a compris qu’il fallait trouver des renforts en termes artistiques et de réalisation. Du coup, globalement, ça s’est bien passé, mais avec le recul, je me dis toujours que je n’étais pas forcément la meilleure personne pour réaliser « Ernest ». Pendant toute la production, je me suis dit ça, que je faisais au mieux, que ça allait, mais qu’avec un réalisateur plus expérimenté, plus à l’aise aussi dans la direction d’équipes, ça aurait été parfait. Je n’ai pas vraiment eu de contrôle artistique sur « Ernest », il y a beaucoup de choses que j’ai lâchées. L’ambition artistique que j’avais à l’origine, sur ce film, n’est pas du tout ce qu’on voit à l’écran.

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C’était quoi, cette ambition ?

B.R. : C’était très proche de « Mes voisins les Yamada ». Je voulais quelque chose d’extrêmement épuré, des décors presque vides, mais comme je n’ai pas réussi à contrôler le truc, j’ai préféré laisser les décorateurs agir. C’est pour ça que ce film, en même temps, je ne le ressens pas complètement.

En même temps, à certaines moments, des silhouettes apparaissent et le minimalisme surgit…

B.R. : Oui, il y a des traces, parce que j’ai travaillé dessus. Par contre, l’objet en lui-même n’est pas ce que j’avais en tête. En même temps, ça aurait peut-être été plus mauvais.

On ne peut pas savoir…

B.R. : Non.

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© Benjamin Renner

Tu as crée un blog autour du film où tu évoques avec humour, à la manière d’une BD, plusieurs étapes clés du projet. Pourquoi Didier Brunner, ton producteur, est-il représenté sous les traits d’un crapaud et pourquoi apparais-tu en cochon ?!

B.R. : Moi, je me suis toujours dessiné en cochon et Didier, je l’ai représenté ainsi parce que c’est comme ça que je l’imaginais, sous les traits d’un petit crapaud super touchant, complètement taré ! J’avais peur qu’il le prenne mal mais c’est ce qu’il m’évoquait de manière tendre. Ça va, il l’a bien pris !

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© Benjamin Renner

Ça t’a fait du bien de raconter tes souvenirs, comme le lâcher très progressif de rideau à la séance de la Quinzaine des Réalisateurs ?!

B.R. : Tout est basé sur des souvenirs complètement amplifies. Le lâcher de rideau à Cannes, c’est ce qui s’est passé à Annecy : on m’a vraiment forcé à monter sur scène alors que j’étais trop stressé ! Tu veux savoir si c’était une thérapie, c’est ça (rires) ?! Non, en fait, j’avais vraiment envie de remercier les personnes qui avaient bossé sur le film. Comme je n’ai pas vraiment eu l’occasion de le faire, j’ai eu envie de parler d’eux, de leur travail, des métiers de l’ombre aussi. À la base, je voulais le faire pendant la production du film mais j’ai manqué de temps.

À Anima, avec les deux autres membres du jury, vous avez primé « Feral » de Daniel Sousa. Quelles qualités accordes-tu au film ?

B.R. : J’ai adoré le propos, la manière dont le réalisateur parle de l’humain par rapport au monde. Cette manière de raconter est très forte et a du sens. Les scènes ne sont pas justes belles, à chaque fois, elles sont super fortes. Techniquement, le film est bluffant. Il est certes un peu trop long, il frôle parfois avec le grandiose, mais il reste magnifique dans ses effets.

C’est quelque chose que tu repères souvent, des belles scènes et des effets superflus ?

B.R. : En général, si tu le vois, c’est que c’est le cas. Michaël Dudok de Wit m’a beaucoup appris. Lui, c’est l’inverse, techniquement en animation, il fait des trucs magnifiques. Dans sa mise en scène, il ne fait rien de spectaculaire, c’est très posé, très réfléchi. Dans « Père et fille », avec presque rien, il crée énormément d’émotions.

Le médium de l’animation tend peut-être à se diriger vers le délire technique. À Annecy, beaucoup de films sont très graphiques, intéressants et abstraits, mais ils ne se soucient pas toujours de la narration. Malheureusement, ces films ne me parlent pas beaucoup.

Tu as fini en 2007. Est-ce que l’épure continue de t’intéresser ?

B.R. : Oui, j’ai envie de continuer à amplifier cette logique. Pour moi, c’est comme revenir à l’écriture, aller à l’essence de ce que j’ai envie de dire, ne rien raconter de plus.

Propos recueillis par Katia Bayer

Consulter le blog de Benjamin Renner (making of d’« Ernest et Célestine ») : http://reineke.canalblog.com/

Article associé : la critique de « La Queue de la souris »

Palmarès du Festival international du film d’Aubagne

Le Festival d’Aubagne, sensible à la relation entre l’image, la musique et le son, vient de se terminer ce samedi soir. Voici le palmarès établi par le jury court, composé de Benjamin Celliez (producteur), Matthieu Di Stéfano (compositeur), Maxime Gavaudan (ingénieur du son, producteur) et Andy Gillet (comédien).

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Palmarès

GRAND PRIX de la MEILLEURE CRÉATION SONORE remis au compositeur Jean-François CAVRO et aux réalisateurs Christophe Gautry et Mathieu Brisebras pour le film d’animation « Vertige » (France/Belgique, 2012)

Prix FICTION : « Korsoteoria » de Antti Heikki Pasonen (Finlande, 2012)

MENTION : « Grace » de Jo Kelly (Etats-Unis/Suisse/Belgique, 2011)

Prix DOCUMENTAIRE : « Kinoki » de Leo Favier Schroeter und Berger (France, 2012)

Prix EXPÉRIMENTAL : « From To » de Miranda Herceg (Croatie, 2012)

MENTION : « Landscape duet » de Pierre Larauza (Belgique/Chine, 2012,)

Prix ANIMATION : « Natasha » de Roman Klochkov (Belgique, 2012)

MENTION : « Fuga » de Juan Antonio Espigares (Espagne, 2012)

MENTION SPÉCIALE POUR LA MUSIQUE : « Tram » de Michaela Pavlátová (France/ République Tchèque, 2012)

Prix BEAUMARCHAIS-SACD : « Tennis Elbow » de Vital Philippot (Pablo Pico, France, 2012)

PRIX DU PUBLIC : « Du poil de la bête » de Sylvain Drécourt (France/Suisse/Espagne, 2012)

Prix COLLÉGIENS : « Rue des Roses » de Patrick Fabre (France, 2012)

Brive, la sélection européenne 2013

23 films, parmi les 525 soumis à la sélection, seront en compétition aux 10èmes Rencontres européennes du moyen métrage de Brive (2-7 avril 2013). Parmi eux, figurent le grand gagnant du dernier Festival de Clermont, « Avant que de tout perdre » de Xavier Legrand et le prix Format Court au dernier Festival de Vendôme, « Le Monde à l’envers » de Sylvain Desclous.

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Films en compétition

ARTEMIS, CŒUR D’ARTICHAUT de Hubert Viel – France / 2012 / Fiction / 60’

AT ONCE de Tatjana Moutchnik – Allemagne / 2013 / Fiction / 44’

AVANT QUE DE TOUT PERDRE de Xavier Legrand – France / 2012 / Fiction / 30’

BUMPY NIGHT de Julie Kreuzer – Allemagne / 2012 / Fiction / 33’

DEJEUNER CHEZ GERTRUDE STEIN de Isabelle Prim – France / 2013 / Fiction expérimentale / 44’

DO YOU BELIEVE IN RAPTURE ? de Emilie Aussel – France / 2012 / Fiction / 43’

ENTRECAMPOS de Joao Rosas – Portugal / 2012 / Fiction / 32’

LES CHEVEUX COURTS, RONDE, PETITE TAILLE de Robin Harsch – Suisse / 2012 / Documentaire fictionné / 30’

JE SENS LE BEAT QUI MONTE EN MOI de Yann Le Quellec – France-Belgique / 2012 / Fiction / 30’

JUMP de Petar Valchanov et Kristina Grozeva – Bulgarie / 2012 / Fiction / 30’

KORSOTEORIA de Antti Heikki Pesonen – Finlande / 2012 / Fiction / 30’

L’AGE ADULTE de Eve Duchemin – France-Belgique / 2012 / Documentaire / 56’

LAZARE de Raphaël Etienne – France / 2013 / Fiction / 30’

LE JARDIN D’ATTILA de Martin Le Chevallier – France / 2012 / Fiction expérimentale / 32’

LE MONDE A L’ENVERS de Sylvain Desclous – France / 2012 / Fiction / 37’

ONE SONG de Catalina Molina – Autriche / 2012 / Fiction / 30’

ORLEANS de Virgil Vernier – France / 2012 / Fiction / 58’

POSFACIO NA CONFECçAOES CANHAO de Antonio Ferreira – Portugal / 2012 / Fiction / 30’

POUR LA FRANCE de Shanti Masud – France / 2013 / Fiction / 30’

RETENIR LES CIELS de Clara et Laura Laperrousaz – France / 2013 / Fiction / 40’

TAMBYLLES de Michal Hogenauer – République Tchèque / 2012 / Fiction / 55’

THOSE FOR WHOM IT’S ALWAYS COMPLICATED de Husson – France / 2013 / Fiction / 55’

TOUCHER L’HORIZON de Emma Benestan – France / 2012 / Fiction / 30’