Ce n’est pas un film de cow-boys de Benjamin Parent

Premier film au rythme extrêmement maitrisé et aux dialogues ciselés, Ce n’est pas un film de cow-boys offre une relecture de Brokeback Mountain dans les toilettes d’un collège, après sa diffusion la veille à la télé. Porté par la grande justesse de ses comédiens, le film touche juste et se joue admirablement des clichés. Il a reçu le Prix du Jury Jeunes et le Prix Beaumarchais-Sacd au dernier Festival Paris Courts Devant.

Le comité de sélection des courts métrages de la Semaine de la Critique a souvent le nez fin pour ce qui est de dénicher les films voués à un destin international. Après Logorama (Oscar 2010 et César du meilleur court 2011) et C’est gratuit pour les filles (César 2010), l’histoire semble bien partie pour se répéter avec Ce n’est pas un film de cow-boys de Benjamin Parent.

Le film de cow-boys auquel le titre fait référence n’est nul autre que Brokeback Mountain d’Ang Lee (2005), l’histoire d’un amour interdit entre deux hommes dans l’Amérique rurale des années 60. Diffusé à la télévision la vieille, il est dès le lendemain l’objet de discussions dans les toilettes d’un collège, entre Vincent et Moussa (côté garçons) et Jessica et Nadia (côté filles). Moussa, deux têtes de moins que Vincent et physique sage de premier de la classe, n’a pas le droit de regarder la télé le soir. Vincent profite de se retrouver seul avec lui pour lui raconter le film. Ces deux-là ne semblent pas se côtoyer souvent, marginaux chacun à leur façon, mais la conversation sur le film permet à Vincent de laisser parler sa sensibilité, en apparence plutôt brutale. Ce « western pédé » de types qui font « l’amour dans le cul » comme il le décrit l’a visiblement marqué; même si son vocabulaire tend à prendre le maximum de distance. Le sujet est forcément sensible pour ce caïd du collège qui avoue avec réticence avoir « pleuré sa race » à la fin du film même s’il est « pas dep ». Moussa le conforte quant à sa réaction, la jugeant normale et on le sent rassuré par la validation de son confident de passage.

Du côté des filles on parle du même film mais d’une toute autre façon. Il faut dire que le père de Nadia vit avec un homme et Jessica, sa meilleure amie, en profite pour lui poser, de façon souvent maladroite, des questions sur lui. Les filles, avec beaucoup moins de précautions sur les mots employés que les garçons, s’amusent à questionner les clichés gays et Nadia démystifie la vision fantasmagorique de sa copine sur l’homosexualité. « Mon père il est comme ton père, il a pas de piercings, pas de tatouages, le soir il est couché à 22h ». Au cours de la conversation, Jessica finit par blesser Nadia en affirmant que sa naissance était au final « une erreur », ne réalisant sa gaffe qu’après coup.

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La réussite du film réside notamment dans la justesse de ses dialogues (sur un sujet, il faut bien le dire, plutôt casse-gueule) et son casting sans fautes. Benjamin Parent a longuement cherché ses acteurs et a beaucoup travaillé avec eux avant le film. Ce travail en amont se ressent largement tant les expressions tombent juste et collent parfaitement à leur interprètes. L’auteur avoue même avoir rajouté des répliques suggérées par son comédien, Finnegan Oldfield (Vincent). En cherchant à privilégier cette justesse des dialogues plutôt qu’un discours bien pensant, Parent déjoue admirablement les pièges que contient son sujet et en profite même au passage pour évoquer en filigrane la puissance de transmission du cinéma. Avec cette pointe de nostalgie pour ses jeunes années où sa mère lui racontait la fin des films dont il ne pouvait voir que le début avant de devoir aller se coucher.

Amaury Augé

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