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Week-end à la campagne de Matthieu Salmon

« Week-end à la campagne » propose plusieurs correspondances avec « Le Lac, la plage », le premier court de Matthieu Salmon réalisé deux ans plus tôt. En tout premier lieu parce que  l’on  y  retrouve  l’acteur Pierre Moure (le personnage de Mark) et  aussi  parce  qu’une  certaine  atmosphère et certains thèmes sont communs aux deux films. Matthieu Salmon semble néanmoins s’amuser à brouiller un peu les rôles. Dans Le Lac, la plage », l’acteur Pierre Moure interprétait un personnage asexué et immature; sa phobie des chiens faisait de lui le témoin impuissant d’un homicide involontaire. Ici, dans « Week-end à la campagne », son personnage a « viré » : plutôt dominateur, en terrain conquis (ils vont chez son père), à l’aise avec les chiens, il est celui qui, régulièrement, va titiller le personnage de Pierre (l’acteur Théo Frilet).

Visionnez un extrait du film


Deux copains, Pierre et Mark ? Deux copains peu bavards, alors. Comme dans « Le Lac, la plage », les protagonistes  n’ont  rien  à  voir avec des personnages rohmériens à la volubilité imputrescible. De plus, le  premier  plan  fixe  l’importance du hors-champ ; ce qui est invisible est plus important que ce  que  l’on  voit.  Sur cet invisible, pend le désir de Mark pour Pierre et la peur de celui-ci pour les chiens et, vraisemblablement, pour ses propres désirs. Mais l’attirance  de  Mark pour Pierre est assez peu flagrante au premier coup  d’œil. Elle  s’exprime par petites touches,  d’abord  de  manière  civilisée,  humanisée,   puis  animale lorsqu’elle échoue. Tandis que dans « Le Lac, la plage », l’approche  de  l’être  désiré   s’était rapidement faite – après alcoolisation – de façon agitée, débridée et définitive (la quête de l’être désiré se termine par son asphyxie involontaire par noyade).

Dans « Week-end à la campagne » aussi, on ne prévoit rien du début de la relation de Mark et Pierre comme du motif réel ou officiel pour ce week-end à la campagne. Alors, on imagine que Mark a invité Pierre et que celui-ci a accepté. Dans le premier court métrage, un lac et une plage offrent un cadre paisible et intimiste, réduction  d’un  paradis sur terre. Dans celui-ci, une maison de campagne avec piscine remplit cet office. Cependant, pour avoir droit à ce paradis, il faut faire avec ses peurs (les  chiens) et  ses  désirs. Si l’homosexualité de Mark s’affirme, Pierre semble lesté par le doute et une certaine candeur. Dans « Le Lac, la plage », la personne désirée offrait une certaine assurance qui maintenait à distance son agresseur tout en l’aimantant. Ici, les contours et les motivations de la personnalité de Pierre restent assez flous. En résulte la frustration de Mark (tout ce trajet jusqu’à la maison de campagne pour finalement, devoir faire abstinence) suivie d’un rapport de forces, puis d’une vengeance assortie de l’intention d’humilier l’être désiré qui s’est dérobé (Pierre va jusqu’à refuser de se faire prêter une serviette de bain).

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Plutôt que d’opposer frontalement les deux personnages de Mark et Pierre comme l’un dont l’identité sexuelle serait pleinement assumée et l’autre niée, on peut aussi les voir comme porteurs de deux univers différents : l’un (Mark), plutôt terre-à-terre, veut « consommer » celui qu’il désire. L’autre (Pierre), inspiré par un imaginaire que l’on peut « juger » puéril ou lâche – mais aussi asexué – ressemble un peu à un extra-terrestre ou à un être assez asocial qui découvrirait certains codes plus qu’évidents pour d’autres. Pierre aurait ainsi vraisemblablement déconcerté et frustré de la même façon une jeune femme l’entreprenant ouvertement : aussi surprenant que cela puisse paraître, il est visiblement inapte, étranger, ou en tout cas immature, à toute forme de relation impliquant ici un engagement sexuel. Cet « handicap » d’abord social qui isole et rend impossible la communication et la compréhension entre les êtres laquait par ailleurs déjà le récit de « Le Lac, la plage ».

Mais Mark n’a que faire de ces théorisations socio-psychologisantes et, à la fin de « Week-end à la campagne », son verdict est sans appel : « Pédé ! » assène-t-il à Pierre à travers la vitre du train qui s’ébranle. Celle-ci est alors tel un reflet ou un miroir et Mark semble aussi se dire cela à lui-même ; autant qu’une insulte ou une menace, ce mot est peut-être aussi son aveu d’impuissance : il a échoué à séduire Pierre donc à l’atteindre. Dès que le train se sera éloigné, Mark se retrouvera seul. Avec son père, ses chiens et la piscine. Pas de quoi sauter de joie. Comment séduire ? Comment entrer en relation avec quelqu’un qui n’est pas pour soi ? S’il se trouve parmi les lecteurs de Format Court des personnes qui ont les réponses à ces questions, prière de les adresser à la rédaction qui les transmettra à Mark.

Franck Unimon

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W comme Week end à la campagne

Fiche technique

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Synopsis : Pierre et Mark, deux copains d’environ une vingtaine d’années, prennent le train pour passer un week-end dans la maison de campagne du père de ce dernier.

Genre : Fiction

Durée : 17′

Pays : France

Année : 2007

Réalisation : Matthieu Salmon

Scénario : Matthieu Salmon

Image : Hervé Labourdette

Monteur : Denis Lacono

Montage son : Julien Ravel

Interprétation : Pierre Mourre, Théo Frilet, Jean-Claude Dumas

Production : Theorem

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L comme Le Lac, la plage

Fiche technique

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Synopsis : Quatre amis et leur chien passent l’après-midi au bord d’un lac. Bronzette. Barbecue. Baignade. C’est une journée inoubliable.

Genre : Fiction

Durée : 17′

Pays : France

Année : 2006

Réalisation : Matthieu Salmon

Scénario : Matthieu Salmon

Image : Philip Lozano

Montage : Denis Lacono

Production : Theorem

Article associé : la critique du film

Le Lac, la plage de Matthieu Salmon

Au bord d’un lac désert, sur la plage, Antoine entraîne son chien Rezo, un rottweiler, à mordre dans un bout de bois. Son ami Christophe, effrayé, garde ses distances. La sœur d’Antoine attend la venue d’une amie. Elle tarde et Antoine s’impatiente; il a hâte de préparer le barbecue prévu. L’amie survient, caresse Rezo, et exprime son attachement pour les chiens. Les deux hommes sont surpris : la jeune femme est un dispositif de désir à haute fréquence. Et même la sœur d’Antoine lui adresse un peu plus que de l’amitié…

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Si le hors champ apparaît plusieurs fois souverain dans ce premier court de Matthieu Salmon, le boniment semble aussi relever du hors sujet. « Le Lac, la plage » dure 17 minutes et pourtant, malgré quatre protagonistes pourvus d’un organe de la parole intact, il serait facile de recenser le nombre de phrases prononcées; ainsi, les premiers sons organiques du film proviennent des grognements de Rezo, qu’Antoine entraîne, tandis qu’un plan panoramique nous « sert » le décor du lac, du ciel et de la plage. Rezo est-il donc celui qui a le plus à dire à propos du désir, sujet principal – et obsédant – du film ? Non, mais il va être le révélateur ou le témoin de l’infirmité ou de la brutale vulnérabilité de chacun face au désir.

Le lieu de l’histoire est un endroit hospitalier voire paradisiaque au bord d’un lac, près d’une forêt où les protagonistes bénéficient d’un espace et d’une tranquillité que bien des vacanciers pourraient leur envier. Plutôt que de contribuer à l’épanouissement des relations, il va plutôt les faire dégénérer. Ironie ou regard désabusé du réalisateur sur les rapports humains ?

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L’humour est cependant présent; au début du film, on s’amusera sans doute à voir la fuite de Christophe alors que décelant sa peur qu’il nie, Rezo le poursuit. Christophe trouvera son apaisement en se réfugiant dans la voiture sous l’escorte de Rezo qui, désormais mu en chien de garde, le dissuadera plus tard d’en sortir. Et personne ne viendra lui prêter secours ou lui porter ne serait-ce qu’une merguez. Dans « Le Lac, la plage », il est fortement recommandé de renoncer à l’aide de son prochain en cas de coup dur. Supposés partager un moment de convivialité, Antoine, sa sœur, l’amie de celle-ci et Christophe s’entreposent chacun dans une espèce d’indifférence ou de détachement les uns par rapport aux autres (y compris entre Antoine et sa sœur). Aucune harmonie ou dynamique de groupe n’est perceptible lors de ce barbecue. Reste le désir, une épreuve manifestement surhumaine pour nos « héros ». Nous assistons dès lors, sur la plage, au débarquement puis à la débâcle des stratégies adoptées pour l’aborder. Parmi elles, on y trouve le mensonge, la stupidité et la lâcheté. Ainsi Antoine qui, après s’être déclaré insensible aux charmes de l’amie de sa soeur, force son rôle de mâle dominant, croyant ainsi se rendre irrésistible, et parvient à se rendre, malgré lui, plus proche d’un violeur, d’un assassin ou d’un chien fou lorsqu’excité et prétendant s’amuser, il finit par noyer la jeune femme. Ou encore Christophe, demeuré passif en témoin impuissant du drame depuis la voiture dont il lui est impossible de sortir puisque Rezo, à proximité du véhicule, se met à aboyer. L’imaginaire et la rêverie solitaire (celle de la sœur d’Antoine qui semble convoler avec ses pensées dans les bois tandis que son frère commet l’irréparable) font aussi partie des stratégies de l’échec.

La « communication » et la « médiation » entre les êtres humains, des valeurs ou disciplines régulièrement vantées ? Elles disparaissent ici, comme noyées. D’où vient que l’on accepte, alors, de regarder « Le Lac, la plage » jusqu’à son terme ? Peut-être parce que, de par son réalisme et son absence de grandiloquence, il peut nous rappeler la « vérité » de certains faits divers.

Franck Unimon

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Articles associés : la critique de « Week-end à la campagne », la critique de « La Dérive », l’interview de Matthieu Salmon

Focus Matthieu Salmon

Un court métrage de Matthieu Salmon, c’est semble-t-il un film où l’importance du cadre, souvent fixe, est primordiale et remplace bien des lignes de dialogues. Son cinéma, composé de « Le lac, la plage » (2006), « Week-end à la campagne » (2007) et « La Dérive » (2011), n’a ni peur des silences ni des hors champs ni d’une certaine  « lenteur ». Ses protagonistes, adultes, sont peu bavards ou perdent régulièrement la capacité de parler. Ils perdent aussi régulièrement pied, que ce soit dans la nature, dans l’eau ou en pleine ville, voire disparaissent (les femmes surtout) et le plus souvent sans faire de bruit. Il n’y a rien d’hystérique dans son cinéma, plutôt une espèce d’attente, de résignation, un espoir qu’une personne extérieure va intervenir dans ses histoires et faire office de sauveur. Sauf que cette personne n’existe pas et que ses protagonistes sont souvent spectateurs ou victimes de ce qui leur arrive.

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"La Dérive"

L’imaginaire qui ressort de ses films est patient, assez doux, isolant, peu tourné vers le comique de situation (hormis dans « Le lac, la plage »), davantage traversé par le drame et le tragique. Ce qui se dégage aussi, c’est le désir contrarié, l’ambivalence et les peurs qui affleurent à un moment ou à un autre. Ce qui attribue à son cinéma une bonne verve de réalisme qui, sans trop en dire, finit par nous parler.

Franck Unimon

Retrouvez dans ce Focus :

L’interview de Matthieu Salmon

La critique de « La Dérive »

La critique de « Week-end à la campagne »

La critique de « Le Lac, la plage »

Gabriel Gauchet : « Même dans les limites, j’arrive à trouver toutes les libertés que je veux »

Dans quelques jours, Gabriel Gauchet présentera « Z1 », en compétition internationale au Festival de Locarno. L’an passé, il y a remporté le Pardino d’or pour « The Mass of Men », que nous vous avons présenté il y a quelques jours sur Format Court. En voyant ce film d’école au dernier Festival de Grenoble où il a obtenu le Grand prix, le Prix du jury presse et une Mention spéciale du jury jeune, nous avons été surpris par l’originalité de son sujet, sa tension palpable et la qualité d’interprétation de ses deux comédiens principaux. Il y a quelques années, nous avions brièvement rencontré Gabriel Gauchet pour un autre film d’école, « Efecto Domino ». À Grenoble, nous l’avons retrouvé, cette fois plus longuement, pour échanger autour de son parcours, de ses intérêts, et de ses envies de cinéma.

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Il y a pas mal de films d’école dans ton parcours. Comment se fait-il que tu aies accumulé les formations ?

C’est une nécessité. Pour faire des films, j’ai dû trouver un moyen pour obtenir des financements. Je me suis renseigné sur les bourses. Comme j’étais trop jeune pour commencer une école de cinéma, j’ai appris les langues africaines et je me suis spécialisé dans le Sénégal. J’ai reçu une bourse pour y aller et grâce à l’argent, j’ai commencé à faire des films là-bas. Ces films, je les ai envoyés en même temps que mon dossier de candidature à l’école de Cologne, la KHM (Kunsthochschule für Medien Köln). J’ai été pris et j’ai pu accéder à tout le matériel et à l’aide que je voulais pour faire de nouveaux films. C’est comme ça que tout a commencé. Après, j’ai reçu d’autres bourses dont une qui m’a permis d’étudier à Cuba. J’ai ainsi pu faire « Efecto Domino » à la Havane.

Quand je suis rentré en Europe, je sentais que ce n’était pas encore le moment de vraiment me lancer dans la profession parce que je me doutais que ça allait durer plusieurs années pour développer un premier film. « Efecto Domino » marchait très bien en festival mais personne n’avait vraiment l’air intéressé de prendre un café avec moi. J’ai donc demandé une autre bourse pour continuer mes études et faire d’autres films. C’est dans le court, un format loin d’être commercial, qu’on peut vraiment expérimenter, trouver la liberté.

Tu penses que tu ne retrouveras pas cette liberté après l’école ?

J’observe beaucoup et je demande à mes amis réalisateurs comment ça se passe pour eux. Ils ont tous des problèmes avec les maisons de production. Dès que tu as le soutien de l’État, on te demande de changer des choses à ton scénario. Les sociétés de production pensent beaucoup à la télévision et ont un standard en tête pour les films. Pour les courts, je pense qu’il ne faudrait pas avoir de standard, mais qu’il faudrait pouvoir raconter qu’on veut, développer les choses dont on a envie. Après tout, on prend moins de risques que sur un long.

Penses-tu que tu feras d’autres courts, après l’école ?

Les courts, ça ne finira jamais. Je vois que mes professeurs font autant de courts que de longs. Ils me disent que si j’ai une idée pour un court, il faut que j’en fasse un. Le film que je viens de finir est un mélange d »horreur et de drame. Ça a été une grande expérience, mais en dehors de l’école, personne ne m’aurait donné la possibilité de le faire, aucune production ne se serait montrée intéressée. On m’aurait dit que c’était un bon pitch, une bonne idée, mais que ça aurait été difficile à produire. La vérité, c’est qu’ils n’aiment pas expérimenter. Tout le monde parle de nouveauté, mais à la fin, personne n’ose, tout le monde a peur. En même temps, je comprends : il y a beaucoup d’argent en jeu et une réputation à tenir.

À Cologne, tu as fait un film plutôt expérimental (« Die Kneipe »), à la Havane, tu as travaillé autour de la violence, le hors champ, la tension, et à la NFTS, tu as pu tenter d’autres choses. Qu’est-ce que les trois formations t’ont apporté ? Sont-elles complémentaires ?

L’école à Cologne est une école d’art, elle n’est pas organisée comme une école de cinéma. À l’époque, on pouvait faire des films comme on voulait. Je pouvais disparaître, faire mon film quelque part, revenir et le montrer aux professeurs. C’est le contraire de la NFTS par exemple où en dix mois, tu tournes trois films et tu développes plusieurs projets et univers différents, ce qui est très difficile à faire. À Cologne, j’ai appris à faire des films comme j’en avais envie. J’ai eu le temps de trouver mon style de me poser des questions au sujet des acteurs. Quand je suis allé à Cuba, j’ai eu de super professeurs. On travaillait tout le temps avec les acteurs, ce qu’on ne faisait pas à Cologne. Tout à coup, j’étais dans la pratique, je n’avais plus peur des comédiens. J’étais amené à jouer des petites scènes, je devenais moi-même acteur, j’expérimentais. J’avais accès aux cinq des plus grands acteurs cubains, c’était un luxe de pouvoir travailler avec des personnes qui savaient ce qu’elles faisaient. Ils comprenaient le scénario, il ne fallait pas tout leur expliquer, on pouvait travailler dans les détails, et au final, la qualité était beaucoup plus élevée. Soudain, j’ai vraiment compris ce que c’était que d’être réalisateur et ce que j’attendais d’un acteur. Ce repère est devenu un standard.

Avant, j’aurais pris le premier acteur venu qui aurait eu envie de jouer dans mon film au lieu de trouver la bonne personne. Pour faire  « The Mass of Men », en Angleterre, on n’a pas trouvé les bons acteurs tout de suite, on a repris nos recherches, on a regardé 4.000 showreels pour trouver les deux acteurs principaux. On en a invité 30 et on a fait un casting avec les gens qu’on avait vraiment envie de voir. Et ça a payé !

« Efecto Domino » et  « The Mass of Men » touchent à la fois aux questions de société, à la tension et à la violence physique et verbale. Qu’est-ce qui t’intéresse dans cette combinaison ?

C’est plus une réaction qu’autre chose. Je lis beaucoup de journaux, j’entends beaucoup d’histoires. Je suis fasciné par la violence parce que j’en ai peur et il m’arrive d’être choqué par les réactions des gens. Parfois, ça me pousse à penser, à faire des recherches. Ça devient un thème, une histoire, puis un film. Ca part souvent d’un choc. Pourquoi les gens se font-ils du mal ? Qu’est-ce qui les pousse à devenir des monstres ? Qu’est-ce que la société fait avec eux ? C’était le cas, par exemple, pour « Efecto Domino ». Je suis parti des limites du machisme et j’ai découvert plein de choses sur la société en écrivant l’histoire et en travaillant avec les acteurs. Pour  « The Mass of Men », c’était la même chose. J’avais des idées et des images de violence et de vengeance en tête que je voulais transposer dans un film. Avec ma compagne, on était fasciné par les évènements à Londres, l’année dernière, et on sentait que notre film avait un rapport avec cela. On commençait à regarder des vidéos sur YouTube et à juger des jeunes qui cassaient la gueule à d’autres jeunes. On sentait qu’ils n’avaient plus rien à perdre. Tout d’un coup, David Cameron a fait un discours qui nous a choqué. Il a réagi à la violence en traitant ces jeunes comme des bêtes, en séparant la société en deux : l’élite qui juge, qui condamne et en face, ceux qui ne peuvent même plus se défendre. Quand on a entendu ce discours, ma copine, Rungano Nyoni, également réalisatrice, m’a proposé de reprendre les mots de David Cameron et de les faire prononcer par une assistante sociale. On a vu que cette transposition marchait et que ça apportait quelque chose de fort au scénario.

Comment avec des idées pareilles, on détermine ce qu’on montre et ce qu’on ne montre pas ? Comment garder le message intact et ne pas se focaliser sur la violence ?

On me demande pourquoi certaines scènes de mes films sont tellement violentes. Volontairement, elles ne sont pas parfaites et je ne montre jamais en détail ce qui se passe. Ce n’est pas comme les films d’horreur qui s’approchent de la pornographie à force de montrer des armes s’introduire dans la peau. Je ne montre pas ce genre de choses, je filme juste un peu avant et après. Je filme surtout des gens témoins de la violence. Ce qui est violent, ce sont les motifs de la violence, pas l’acte physique. Dans  « The Mass of Men », l’acte violent, c’est ce qui se passe entre l’homme et la femme, la façon dont l’assistante sociale traite le demandeur d’emploi.

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Est-ce que tu t’es basé sur des situations réelles pour ces deux films ?

Les personnages de mes films sont toujours liés à des gens que je connais, que j’ai rencontrés dans mes recherches. Je crois que tous les films ont une base réaliste. Les films que je fais sont presque des documentaires. Avec « Efecto Domino », j’écoutais les hommes draguer les filles. Je me suis mis à côté d’eux en toute discrétion et j’ai écrit les phrases qu’ils ont prononcés. Quand j’ai fait le casting, j’ai recherché des gens qui avaient la même énergie, je leur ai expliqué ce que j’avais vu, ce qui me semblait important à savoir et ils se sont montrés très naturels. Souvent, je vois des clichés dans les films, mais je ne sens pas la vie dedans. Il faut savoir de quoi on parle quand on fait du cinéma.

Est-ce que tu as rencontré des limites à l’école ?

Je me bats toujours pour faire ce que je veux. Je pousse, j’essaye d’avoir plus. Les limites, c’est l’argent et les jours de tournage. Mais même dans les limites, j’arrive à trouver toutes les libertés que je veux. Personne ne peut rien dire. Par exemple, mes professeurs n’ont pas aimé  « The Mass of Men » mais je l’ai quand même fait.

Pourquoi ?

On m’a dit que ça allait justifier la violence. J’ai dit que ça l’expliquait, que ça ne la justifiait pas. L’école ne peut pas mettre son veto, c’est ça qui est beau à la NFTS. À la fin, quand j’ai présenté le film, presque tous les professeurs étaient touchés alors qu’ils n’y avaient pas cru au début et que tout le monde me dissuadait de le faire.

Peux-tu me parler de ton dernier film, « Z1 » ?

C’est mon film de fin d’études à la NFTS. Il s’agit d’une histoire classique qui mélange la violence familiale avec des éléments d’horreur et de fantastique. On m’a dit à l’école que je ne pouvais pas mélanger les genres, alors je me suis à nouveau entêté ! Il faut être têtu parce que dès que tu as des idées anormales, un peu différentes, les gens ont du mal à s’imaginer, à se projeter.

Tu vises une nouvelle école après la NFTS ?

Non, là, c’est fini ! Maintenant, on me donne l’impression que ça va marcher. J’ai rencontré un producteur français, Julien Berlan, qui a travaillé sur « Rubber » et qui s’intéresse à moi. J’ai l’impression que ça va être un bon partenaire. Il va être très têtu, moi aussi ! On est optimiste, on espère que ça va marcher, qu’on va pouvoir faire un film ensemble. J’ai des idées que j’aimerais bien réaliser un jour. J’ai envie de faire des films intéressants qui poussent à la réflexion, comme mes précédents courts. Les réactions en salle ont toujours été assez fortes, et je veux retrouver la même chose dans mes prochains films.

Propos recueillis par Katia Bayer

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Augusto Zanovello : « La force du volume réside dans le fait qu’on y trouve de la matière, de la texture, une vraie lumière et une certaine profondeur »

« Lettres de femmes » de Augusto Zanovello est un film d’animation en volume se déroulant pendant la première guerre mondiale et qui se distingue par son sujet (des lettres de femmes soulagent les plaies des hommes blessés au front) et sa technique mélangeant le carton et le papier. Primé en mai (Coup de Cœur Unifrance à Cannes), en juin (Prix du public à Annecy) et en juillet (Prix spécial du Grand jury, Prix du jury jeune et mention spéciale du jury presse à Grenoble), le film est en lice pour le Cartoon d’Or 2013, avec cinq autres titres. Avant sa projection à notre première séance Format Court de l’année, nous vous proposons d’en savoir plus sur ce film et son réalisateur, Augusto Zanovello.

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On te découvre avec ce film, « Lettres de femmes ». Pourrais-tu me parler de ton parcours ?

J’ai étudié aux Beaux-Arts au Brésil pendant deux ans, j’y faisais déjà un peu d’animation. En arrivant en France, j’ai suivi des cours d’animation à la Ville de Paris et puis, j’ai fait une formation d’image à l’école Louis Lumière, parce que le cinéma en prises de vues réelles m’attirait. La réalisation m’intéressait depuis longtemps mais grâce à l’école, j’ai pu découvrir la photo et la lumière et devenir un vrai technicien.

Pendant mes études, je continuais à dessiner. J’ai commencé à gagner ma vie en faisant du story-board et à collaborer à  des séries d’animation. Après Louis Lumière, j’ai travaillé un petit peu comme opérateur tout en poursuivant dans l’animation. J’avais des projets de fiction, seulement le court métrage, c’est un peu compliqué. J’avais déposé plusieurs dossiers au CNC et je n’ai pas eu de financement.

En quoi était-ce compliqué ?

Les projets ne se sont pas faits, probablement parce que j’étais moins persévérant à l’époque. J’étais un peu bloqué par l’ampleur du travail que nécessitait un court et par la difficulté de fédérer une équipe travaillant gratuitement autour d’un projet. Au bout d’un moment, je n’y croyais plus trop. Les films restent inachevés, je les garde toujours en tête. J’ai toujours les rushes, je sais qu’avec un monteur et un nouveau souffle, je pourrais en faire quelque chose d’autre, mais il faut que je les reconsidère comme des nouveaux films.

Comment dans ce contexte as-tu réussi à réaliser et à produire ton premier court, « Le gardien de la cave » (1995) ?

À l’époque, j’étais assistant opérateur. Je connaissais les loueurs de camera et d’éclairage qui m’ont permis d’avoir du matériel quasi gratuitement et de constituer une équipe. J’ai eu l’opportunité de tourner et de monter dans les locaux u laboratoire GTC à Joinville. C’était super, on tournait chez eux la journée, on leur déposait les rushes le soir et le lendemain, on voyait le travail de la veille avant de ré-attaquer le tournage. Une fois le projet bien avancé, je suis allé voir Les Productions Bagheera qui ont pris le film et qui m’ont aidé pour la post-production. J’ai consacré beaucoup d’énergie à ce projet.


Ça ne t’a pas manqué de ne pas faire d’autres films pendant ces 20 dernières années ?

Non, pas spécialement. Je travaille dans l’animation depuis très longtemps. J’ai commencé en 86, sur la série télévisée Rahan. Ce qui m’intéresse, c’est la mise en scène, l’écriture. Avant de réaliser moi-même des séries animées pour la télévision, j’ai pu aborder à plusieurs reprises le sujet en faisant des story-boards pour d’autres réalisateurs. Le board est un document de travail essentiel, surtout dans le dessin animé. Il permet de visualiser le film bien en amont et dans son intégralité et de vérifier si l’histoire fonctionne correctement.

Même si j’ai toujours écrit mes histoires à côté, j’aime bien travailler en équipe. Je ne me vois pas passer quatre ans sur un film de cinq minutes. Sans y consacrer autant de temps, d’énergie, j’ai dû laisser tomber deux courts parce qu’avec le temps, je n’y croyais plus. Si j’avais dû faire « Lettres de femmes » de cette façon pendant 3-4 ans avec une ou deux personnes, je ne l’aurais pas fait.

Alors, qu’est-ce qui a changé précisément sur ce film ?

C’est très simple. À  partir du moment où on a un financement et qu’on peut payer les gens qui travaillent avec soi, on fait un planning et on travaille de manière professionnelle. Un court de fiction peut prendre une à deux semaines, on peut se débrouiller pour trouver des gens qui veulent bien faire la lumière ou l’électro. En animation, c’est plus difficile, soit on prend des gens qui connaissent bien le boulot, soit on le fait soi-même, mais c’est quand même un travail à long terme et de longue haleine. On ne peut pas juste donner un coup de main pendant quelques jours. Ça ne suffit pas, il faut plus. Sur « Lettres de femmes », on a eu la chance d’avoir un financement et une équipe.

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Comment l’idée du film t’est-elle venue ?

Tout a commencé par la rencontre avec Arnaud Béchet un sculpteur qui travaille pour la pub et qui fait des illustrations en volume. Quelqu’un m’a parlé de lui en me disant qu’il aimerait bien faire de l’animation mais qu’il ne connaissait personne dans le milieu. Il m’a appelé, je suis allé chez lui et j’ai vu un poilu d’un mètre de hauteur, tout en carton, un peu langoureux, penché sur son fusil. La moitié de son corps était recouverte de boue, il était mi-homme, mi-boue. J’ai trouvé ça sublime, j’ai dit à Arnaud qu’il fallait en faire quelque chose. Après, on s’est perdu de vue, je n’avais pas d’idée assez forte en tête. Au bout d’un moment, j’ai pensé à ces lettres de femmes, restées dans l’arrière-pays, adressées aux poilus et faisant office de pansements. Je suis parti de là, de cette idée forte. J’ai commencé à travailler, à composer avec Arnaud un dossier  pour le CNC. On n’a pas eu de réponse négative, mais on m’a demandé de retravailler le scénario. Pour cela, j’ai demandé à un ami de retravailler l’histoire avec moi.

Le poilu qui se trouvait dans l’atelier d’Arnaud était fait de carton. Pour le film, vous avez utilisé du carton et du papier. As-tu pensé à d’autres choses pour finaliser ton animation ?

Pas du tout. Arnaud ne connaissait rien à l’animation, mais moi, je pensais déjà à des marionnettes en volume, couvertes de carton. Le graphisme était trouvé d’emblée. La force du volume réside dans le fait qu’on y trouve de la matière, de la texture, une vraie lumière et une certaine profondeur. Cela rend l’ensemble plus réaliste et si l’animation est bien sentie, le tour est joué. L’émotion arrive comme par magie. Les personnages sont en carton, mais on a vraiment l’impression qu’il y a des humains en dessous de la matière.

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L’idée du film est que les lettres des femmes soignent les blessures. En quoi les mots effacent la douleur, selon toi ?

Ça me paraît évident (rires) ! L’idée de base est que les mots peuvent réconforter quand on est dans une situation difficile. C’est bien ça, le propre de la littérature, non ? Dans le film, celui qui a le don d’utiliser ces lettres pour soigner les gens attend lui aussi sa lettre qui n’arrive pas. Comme les autres, il attend un peu de réconfort.

Est-ce que vous vous êtes basés sur des lettres existantes pour le film ?

Non, on a tout inventé. On a trouvé beaucoup d’écrits de poilus, mais très peu de lettres qu’ils ont reçus au front. Comme il nous fallait aller à l’essentiel en peu de temps, on a écrit des passages qui caractérisaient un grand nombres de femmes différentes : une mère inquiète, une femme rassurante, une sœur travailleuse, une écolière… .

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Bruno Collet a lui aussi fait un film en volume sur la guerre 14-18, « Le Jour de gloire ….». Est-ce que cela t’a influencé ?

Pas tellement, parce que je l’ai vu après avoir tourné le film. Son court métrage est très beau, très réaliste, il joue aussi sur la lumière et le son. On sent que les hommes sortent de terre, à moitié embourbés. Ce que j’ai essayé de montrer avec « Lettres de femmes », c’est la fragilité du papier et des hommes. On est des êtres fragiles, on est vulnérables comme du papier. Parfois, on a besoin de très peu de choses pour trouver du réconfort, pour panser nos blessures….

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Ton film est dédié à Josette Zagar. Qui était-elle ?

C’était ma prof aux Gobelins. J’ai fait un passage éclair par cette école, je suis parti avant la fin de mes études. Dotée d’une humanité hors du commun, Josette était été très douée, elle a longtemps travaillé avec moi comme story-boardeuse. Je suis allé la voir à l’hôpital pendant qu’on tournait le film, je lui ai montré des images. J’aurais bien aimé qu’elle voie le film terminé. Elle représentait beaucoup pour moi.

Propos recueillis par Katia Bayer

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Les plus : retrouvez le scénario et l’univers graphique du film sur la scénariothèque en ligne du CNC, visionnez le making-of du film

Pour information, « Lettres de femmes » sera projeté en présence de Augusto Zanovello, le jeudi 12 septembre 2013, au Studio des Ursulines, dans le cadre de la reprise des séances Format Court

Clément Gonzalez : « Faire des films en 48h est un tremplin parmi d’autres dans le milieu du court métrage »

Récompensé du Prix d’aide à la création et du Prix du public au dernier Festival de Grenoble, Clément Gonzalez, réalisateur de « As it used to be », a pris comme habitude de ne pas attendre des années pour tourner ses films. Ses trois courts, « Casse-gueule », « Du Sable dans les pompes » ou encore « As it used to be », ont chacun été réalisés en 48 heures, entre 2011 et 2013, via le 48 Hour Film Project. Ce concours, mis en place il y a plus de dix ans aux États-Unis, et représenté dans le monde entier, propose à des équipes de films de se voir attribuer un genre, un personnage, un accessoire et une ligne de dialogue, ainsi que 48 heures pour créer un court métrage contenant tous ces éléments. À Grenoble, Clément Gonzalez nous a parlé de son film, de la transmission et de cette autre façon de faire du cinéma. Rencontre.

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Tu es sorti de l’ESEC (École Supérieure d’Études Cinématographiques) il y a trois ans. Qu’y as-tu appris ?

L’école ne nous jetait pas la poudre aux yeux, elle ne se prenait pas pour une école de réalisation mais de futurs techniciens. C’était assez réaliste, en arrivant sur des plateaux, j’ai bien senti que je ne savais rien, que j’avais tout à apprendre. Quand tu n’as rien fait, il faut faire tes preuves.

En finissant l’école, j’avais un scénario de court en poche, « Le grand jour ». Toquer à la porte d’un producteur me paraissait flou et inaccessible. Mes copains faisaient des films en auto-production, je les ai imités. J’ai fait beaucoup d’électro, quand j’ai eu mes heures et mon statut, j’ai essayé de réaliser mes projets personnels, des courts et des clips.


Comment as-tu commencé à t’intéresser au 48 Hour Film Project ?

Un peu par hasard. J’en ai entendu parler, et avec mes potes, on a eu envie de se lancer dans le projet. C’était l’occasion de se retrouver, d’écrire et de tourner tous ensemble. On avait envie de faire quelque chose de bien, sans prétention. On a tourné un petit film, « Casse-gueule », mais en le voyant terminé, on était dégoûté, on le trouvait nul ! Le film a été projeté en séance publique à Paris, au 48 Hour Film Project. On n’y croyait pas, on avait picolé la veille, et je ne me suis pas du tout levé le lendemain. Le premier assistant et un comédien y sont allés et nous ont appelés pour nous dire que la salle était morte de rire et que les gens avaient adoré le film. On est donc allé à la deuxième projection, on est arrivé en finale et on a gagné le concours, ce à quoi on ne s’attendait pas du tout.

Cette année, on a refait deux courts « Du Sable dans les pompes » et « As it used to be » qu’on nous a proposé de tourner en Afrique du Sud, selon le même procédé. Les trois films ont eu des prix, ils ont bien marché en festivals. Faire des films en 48h est un tremplin parmi d’autres dans le milieu du court métrage. Depuis que j’ai commencé à faire des films de cette façon, je ne me suis pas demandé ce que j’allais écrire et quels professionnels j’irais voir. Maintenant, j’en ai plus envie, je sais que je ne ferai pas des films de cette façon toute ma vie. Très vite, on atteint ses limites. Maintenant j’ai envie de me lancer dans la réalisation à plein temps, quitte à galérer un peu par moments, à faire de l’institutionnel, du clip, peu importe.

Comment ça se passe concrètement un tournage en 48 heures ?

Tu dois faire un film en un temps restreint (8 minutes), tu tires au sort un genre et tu as des éléments imposés. Le soir, tu découvres ton thème, tu écris toute la nuit, tu te couches à 4h du matin, tu tournes toute la journée dans des lieux que tu dois trouver toi-même, tu montes ton film et tu le rends le lendemain soir. Il y a plein de limites mais l’expérience en vaut vraiment la peine !

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"Du Sable dans les pompes"

« As it used to be » est le premier film que je vois sélectionné dans un circuit classique. Les festivals, comme celui de Grenoble, font en général office de filtres au regard de l’abondance de la production annuelle. Est-ce que les films réalisés dans les conditions du 48h sont bons ?

Rarement. Souvent, les films ne sont pas très bons, parce que le projet est ouvert à tout le monde et que faire un film en 48 heures est un exercice compliqué. Tu tires un genre au sort, on t’impose des choses, et tu n’as que quelques heures pour écrire un bon scénario Très peu de bons films en sortent, c’est un fait. Souvent l’appellation « 48 heures » fait défaut.

Quelles ont été les contraintes de « As it used to be » ?

On a tiré au sort la science-fiction parmi une quinzaine de genres, un personnage que j’ai entre temps coupé au montage, un objet (un panier-repas) et une phrase à prononcer « Is it on ? ». Ces contraintes nous ont mené vers quelque chose à la fois de simple et de futuriste grâce à un mélange de science-fiction et de comédie.

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Ton film parle de transmission du savoir, d’échange, de relation prof-élève. Est-il lié à un souvenir d’école ?

Pas spécialement. En écrivant, nous n’avons pas eu de débats sur la notion d’éducation. Forcément, ce sujet-là est dans l’ère du temps, mais elle a surtout servi le film. Personnellement, je n’ai jamais aimé l’école. Très vite, j’ai su que je voulais faire du cinéma. Les seuls professeurs que je retiens, ce sont ceux qui étaient dans l’échange, ceux qui étaient suffisamment intéressés par leur sujet pour le transmettre, et qui savaient rendre leur matière intéressante. Je posais souvent des questions en cours et les professeurs qui me répondaient sont ceux qui m’ont marqué. À l’ESEC, on a eu la chance d’avoir comme professeur Michel Cion, un une référence dans les ouvrages de cinéma, notamment du son. Pourtant, je n’ai jamais eu pire enseignant que lui. Il est dans sa théorie, il a toujours raison. En mathématiques, les résultats ne sont pas contestables : 2 et 2 font 4. En cinéma, les sensations que procure tel ou tel son ne sont pas forcément les mêmes d’une personne à l’autre. Dans une école de cinéma, ça me paraît aberrant d’imposer un dogme sur des choses pareilles. Si mon film est lié au souvenir d’un professeur, ce n’est pas certainement celui-là !

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Ton film est joliment interprété par un comédien sud-africain, Luthuli Dlamini. As-tu parlé avec lui de lien, de partage du savoir ?

Luthuli a un charme et un phrasé très british. Avant d’arriver en Afrique du Sud, je ne le connaissais pas. La seule image que j’avais de lui, c’était une capture d’écran. Quand je l’ai vu, c’était le bonheur, c’était bien mieux que ce que j’avais pu espérer. La présence, l’élégance, la voix, il a tout pour cartonner ! On n’a pas parlé des heures avec lui. Il est très intelligent. On lui a envoyé le scénario dans la nuit, il est arrivé sur le plateau le lendemain matin en le lisant au dernier moment. Je pense qu’il a tout de suite compris où on voulait en venir car ce qu’il a proposé devant la caméra était génial. C’était mon premier tournage en anglais, le piège était de le regarder jouer sans intervenir, sans dire grand chose. Du coup, on fonctionnait beaucoup par mots-clés. Je suis assez pointilleux au niveau des réactions, des timings. Je l’ai donc pas mal embêté !

Maintenant que tu souhaites faire des films classiques, vers quoi souhaites-tu te diriger ?

Il y a tout un pan de la création d’un film que je connais comme premier assistant mais pas comme réalisateur : le travail avec une vraie production. C’est une expérience qui m’a manqué par le passé et que j’espère connaître prochainement, avec un autre court.

Propos recueillis par Katia Bayer

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Le site du 48 Hour Film Project : http://www.48hourfilm.com/

Pour information, « As it used to be » sera projeté en présence de Clément Gonzalez, le jeudi 12 septembre 2013, au Studio des Ursulines, dans le cadre de la reprise des séances Format Court

Festival MOTION+, appel à films

Le Festival MOTION+, qui se tiendra à Aix-en-Provence du 2 au 7 décembre 2013, recherche une quarantaine d’oeuvres de Motion Graphics Design soit des films courts qui combinent les langages du film et du graphisme en incorporant un certain nombre d’éléments différents comme de l’animation 2D ou 3D, la vidéo, la typographie, l’illustration, la photographie et la musique.

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Conditions de participation

Le stop-motion, le vidéoclip (officiel) et les vidéos combinant ces techniques sont aussi acceptés. Les documentaires, les publicités et les films institutionnels ne sont par contre pas admis.

Le festival est ouvert aux films courts de toute nationalité.

Seuls les films d’une durée inférieure à 12 minutes peuvent participer.

Seuls les courts métrages achevés après le 1er Janvier 2011 pourront s’inscrire.

Un vote du public est organisé par MOTION+ dans le cadre de la sélection.

Clôture des inscriptions : le 15 septembre 2013

Télécharger le règlement

Inscription en ligne

Cartoon d’Or 2013 : annonce des six finalistes

Six films sont en lice pour le Cartoon d’Or 2013, prix du meilleur court métrage d’animation européen. La cérémonie aura lieu le jeudi 19 septembre à Toulouse lors du Cartoon Forum, la plate-forme de coproduction pour les séries d’animation. Les six finalistes sont les suivants :

Betty’s Blues, de Rémi Vandenitte, France / Belgique. Prod. : Les Films du Nord / La Boîte, … Productions

 

Head Over Heels, de Timothy Reckart & Fodhla Cronin O’Reilly, Royaume-Uni. Prod. : NFTS

 

I Am Tom Moody de Ainslie Henderson, Royaume-Uni. Prod. : Edinburgh College of Art

 

Kali le petit vampire, de Regina Pessoa, Portugal / France / Canada / Suisse. Prod. : Ciclope Filmes, ONF, Folimage, GDS

 

Lettres de femmes, de Augusto Zanovello, France. Prod: Pictor Media / Xbo Films

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Ecart de conduite, de Rocio Alvarez, France. Prod: La Poudrière

Le jury du Cartoon d’Or 2013, composé du producteur Didier Brunner (Les Armateurs) et des réalisateurs Anca Damian (Roumanie) et Enrique Gato (Espagne), a sélectionné les finalistes parmi près de 30 courts métrages primés aux festivals d’animation européens partenaires de CARTOON.

Lors de la cérémonie de remise de prix le 19 septembre, les six films seront projetés devant l’ensemble des professionnels présents au Cartoon Forum. Le vainqueur sera dévoilé à l’issue de la cérémonie et remportera une aide financière de 10 000 EUR grâce au soutien du Programme MEDIA de l’Union européenne.

Deux membres de Format Court aux Comités des César 2014

Jurés comme programmateurs dans des festivals de renom, les rédacteurs de Format Court et leur cheftaine prennent toujours autant de plaisir à écrire sur leur format de prédilection, le court métrage.

L’an passé, notre regard critique s’est frayé un chemin jusqu’à l’Académie des Arts et Techniques du Cinéma. En 2012, Katia Bayer est ainsi devenue membre du comité court métrage de l’Académie des César et également première représentante d’un magazine web dédié au court métrage. Professionnels et experts du court métrage, les membres du comité ont la lourde, mais non moins passionnante, tâche de pré-sélectionner les films qui concourent pour le César du meilleur court métrage.

Pour la sélection 2014, notre rédactrice en chef sera accompagnée de Fanny Barrot, qui intègre également le comité court métrage et qui s’apprête à débattre de films avec les 33 autres membres, tous plus aguerris en matière de court métrage français les uns que les autres. Et à l’ordre du jour des breaking news, parce que les bonnes nouvelles arrivent en groupe chez Format Court, il faudra également compter sur la toute nouvelle place de Katia Bayer comme membre du comité court métrage animation de l’Académie. Elle prendra de ce fait part à la pré-sélection des 10 courts métrages concourant au César du Meilleur Film d’Animation 2014, aux côtés des films de long métrage.

Ces nominations représentent pour nous une forme de reconnaissance du travail accompli par Format Court depuis sa création, il y a bientôt cinq ans. Nous sommes ravies et fières de pouvoir participer à ces présélections et de rejoindre et d’assoir notre présence dans la grande famille des professionnels du court métrage.

Katia Bayer & Fanny Barrot

Le Festival de Grenoble 2013 en quatre films

Déjà évoqués dans notre précédent reportage sur le festival de Grenoble, « As it used to be » de Clément Gonzalez, « Le Mûrier Noir » (Shavi Tuta) de Gabriel Razmadze, « Lettres de femmes » de Augusto Zanovello et « The Mass of Men » de Gabriel Gauchet ont suscité notre intérêt parmi les 34 titres de la compétition. Nous revenons aujourd’hui sur ces quatre films qui, avec « Avant que de tout perdre » de Xavier Legrand, récompensé du Prix du meilleur scénario à Grenoble, seront projetés dans le cadre de la reprise du palmarès du Festival lors de notre première séance Format Court de l’année, le jeudi 12 septembre, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème).

As it used to be de Clément Gonzalez, Prix d’aide à la création, Prix du public

Malgré son titre anglophone, « As it used to be » est un film français ayant la particularité d’avoir été réalisé dans le cadre du 48 Hour Film Project à Johannesbourg. Le principe est simple : à la manière des films Kino, les films sont écrits, tournés et montés en 2 jours. Loin d’être un court sans substance comme peuvent l’être de nombreux films faits dans l’urgence, celui de Clément Gonzalez touche par sa justesse de ton, son humour et son émotion. L’histoire, car il y en a bien une, est celle d’un professeur d’histoire (interprété magnifiquement par le comédien sud-africain Luthuli Dlamini) donnant son cours devant une classe vide et une simple webcam, à la fin des années 2030. L’instruction, la transmission du savoir du professeur à l’élève, l’échange entre eux ne sont plus que virtuels : tout passe désormais par Internet. Cette mécanique bien huilée et futuriste cadre les professeurs comme les présentateurs de JT actuels : en hommes-troncs potentiellement sans pantalon. Mais que penser d’un micro-évènement, d’un boulon qui coince, censé être banal, mais dont les conséquences peuvent être plus importantes qu’on ne le croit ? Que faire quand une « vraie » élève, plutôt pas mal de surcroît, franchit la porte de la salle de classe pour assister en live à un cours d’histoire, à la manière de ces anciens étudiants qui remplissaient il y a encore trente ans les hémicycles ? Face à « As it used to be », on s’interroge, on s’émeut, on rit, on fait les trois à la fois et on cherche obstinément pendant le générique le nom du seul professeur passionné qu’on a rencontré lors de nos études (réponse : Mme De Pauw, prof d’anglais). Vraie découverte de ce festival, le film parle surtout de l’avancée galopante de la technologie et de ses effets néfastes sur la société et les comportements actuels (absence de communication, de partage réel d’informations, virtualité des liens). Pour peu, on serait presque tenté d’abandonner tout son attirail technologique (smartphone, portable, e-machin, …), de retrouver Mme De Pauw et de lui payer un coup en la remerciant de nous avoir si bien appris les verbes irréguliers.

Le Mûrier Noir (Shavi Tuta) de Gabriel Razmadze, Mention du Festival

Le film, fruit d’une co-production franco-géorgienne, évoque la journée passée entre deux voisins adolescents, que presque tout oppose. Tourné dans la ville minière de Chiatura, le film se dote d’une très belle photo (signée Goga Devdariani) pour aborder le quotidien du silencieux Nick et de l’enjouée Anna, jeunes gens attirés l’un par l’autre mais séparés par leur condition sociale. Lui se destine aux profondeurs, au labeur et à la survie : comme son père, il ira travailler à la mine. Elle, de son côté, compte bien embrasser la lumière, les études et l’ailleurs : elle quitte la ville avec ses parents et deviendra peut-être un jour médecin, parce qu’il s’agit d’un vrai métier selon sa mère. Pendant leur dernière journée ensemble, ils prennent le téléphérique, admirent distraitement les sublimes montagnes locales, se courent après comme des enfants qu’ils sont encore, cueillent et mangent des mûres en se regardant à la dérobée. Ces deux-là savent probablement qu’ils ne pourront pas partager leur vie ensemble, même si Nick tente – un peu tard – de se débarrasser de son habit noir pour rattraper la belle Anna. Malgré plusieurs incohérences scénaristiques, « Le Mûrier Noir » est un film de ressenti qui ne multiplie pas les discours, préférant jongler entre les jeux de regards, les non-dits et les très beaux plans de la campagne géorgienne.

Lettres de femmes de Augusto Zanovello, Prix spécial du Grand jury, Prix du jury jeune & mention spéciale du jury de presse

Seule animation vraiment originale à Grenoble, « Lettres de femmes » propose un bond dans le temps, pendant la guerre 14-18. Sur le front, entre la boue, la crasse, la folie et la mort, l’infirmier Simon passe de gueule cassée en gueule cassée pour soigner les blessures. Ses poilus, il les soigne à coups de lettres de femmes et de leurs mots d’amour et de réconfort. Ce sont eux les seuls remèdes pouvant soigner les trous des soldats blessés pour la patrie. Simon, lui, semble traverser la Grande Guerre sans encombres. Ce qui l’anime, c’est sa correspondance avec Madeleine, sa marraine de guerre, qui lui donne du courage pour affronter l’horreur du quotidien. Ses mots lui soulagent autant le cœur que l’esprit. Un jour, les lettres n’arrivent plus au front.

Bardé de quelques prix sympas (Prix du public à Annecy, Coup de Coeur Unifrance à Cannes), « Lettres de femmes » a de bonnes cartes en main : son sujet à part, son entrée en matière forte et expressive, l’émotion se dégageant des lettres lues en voix-off, la poésie de certaines scènes, ses soldats de papier/de carton et ses mots-remèdes. Malgré quelques séquences plus faibles, le film doit beaucoup à son esthétique et à sa scène finale, poétique et musicale.

The Mass of Men de Gabriel Gauchet, Grand prix, Prix du jury presse &  Mention spéciale du jury jeune

Malgré son Pardino d’or glané au Festival de Locarno 2012 et sa projection en juin à Bruxelles dans le cadre des séances Short Screens, « The Mass of Men »  ne nous était toujours pas tombé entre les mains. Pourtant, son réalisateur, Gabriel Gauchet, n’est pas un total inconnu à nos yeux clairs. Il y a trois ans, au moment du Festival de Clermont-Ferrand, nous avions découvert ce réalisateur et son film de l’époque,« Efecto Domino », abordant un règlement de comptes mené sur un présumé coupable, dans les rues de la Havane. Le film nous avait saisi pour sa violence physique et verbale, ses hors-champs et la justice des hommes rendue, entre action et passivité. Le film était un film d’écoles allemand (produit par la KHM/Kunsthochschule für Medien Köln), celui-ci en est un aussi. Gabriel Gauchet aime effectivement les heures de cours puisque « The Mass of Men » est un film de la NFTS (National Film and Television School), une école importante au Royaume-Uni.

Son film s’ouvre sur une scène de meurtre filmée en vidéo-surveillance et se poursuit avec le rendez-vous de Richard, un chômeur de 55 ans, en retard de quelques minutes avec sa conseillère de Pôle Emploi. S’ensuit un dialogue de sourds et une libération de la parole et des actes totalement imprévue. Entre violence verbale et physique, entre discours réactionnaire et survie, « The Mass of Men »  ne parle pas, comme son titre l’indique, d’un seul homme fragilisé, mais d’une masse anonyme d’êtres rejetés, faibles, opprimés. Le film de Gauchet surprend, choque, laisse pantois. Il pourrait être rangé du côté de ces fameux films qu’on aime bien qualifier de sociaux, mais ce serait réduire sa portée que d’énoncer une telle parole. Par l’hyperréalisme de son récit, il parle autant d’une situation extrême que l’intransigeance et de la déshumanisation de l’aide sociale. Déroutant et percutant, « The Mass of Men » est bel et bien un grand film.

Katia Bayer

Consultez les fiches techniques de « As it used to be », de « Le Mûrier Noir » (Shavi Tuta), de « Lettres de femmes » et de « The Mass of Men »

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L comme Lettres de femmes

Fiche technique

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Synopsis : Sur le front de la Grande Guerre, l’infirmier Simon répare chaque jour les gueules cassées des poilus avec des lettres d’amour, des mots de femmes qui ont le pouvoir de guérir ces soldats de papier.

Genre : Animation

Durée : 10’11 »

Pays : France

Année : 2013

Réalisation : Augusto Zanovello

Scénario : Augusto Zanovello, Jean-Charles Finck

Storyboard : Luc Blanchard

Décors : Linda Yi, Marc Ménager, Emily Battersby, Régis Friaud

Animation : Elodie Ponçon, Ignacio de Marco, Patricia Sourdes, Augusto Zanovello

Caméra : Cyril Maddalena

Compositing : Romain Blanc-Tailleur, Kohei Mishima, Alexandre Bayle, Gustavo Almenara, David Martin, Daniel Virguez

Musique : Christian Perret

Son : Samuel Beaucamps

Montage : Etienne Jeantet

Voix : Constantin Pappas, Adeline Moreau, Jerome Pauwells, Martial Leminoux, Véronique Uzereau

Production : Pictor Media Animation

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M comme Le Mûrier noir (Shavi Tuta)

Fiche technique

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Synopsis : Dans la ville minière de Chiatura (Géorgie), deux adolescents passent une journée ensemble, loin de leurs quotidiens respectifs.

Réalisation : Gabriel Razmadze

Genre : Fiction

Durée : 21′

Pays : France, Géorgie

Année : 2012

Scénario : Gabriel Razmadze, Tinatin Kajrishvili

Image : Goga Devdariani

Son : Nika Paniashvili

Montage : Levan Kukhashvili

Décor : Kobe Japaridze

Musique : Rim Laurens

Interprétation : Maxime Machaidze, Nata Beradze, Zura Begalishvili

Production : Ad Astra Films

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A comme As it used to be

Fiche technique

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Synopsis : Dans un futur proche, les professeurs ne donnent cours que devant une classe vide et une simple webcam, retransmettant la leçon sur Internet. Un professeur d’histoire va voir son quotidien bousculé quand une élève franchit la porte de sa salle.

Réalisation : Clément Gonzalez

Genre : Fiction

Durée : 8’13 »

Pays : France

Année : 2012

Interprétation : Luthuli Dlamini, Cleo Rinkwest

Scénario : Clément Gonzalez, Martin Malzieu, Marc Stef, Baptiste Gondouin, Roberto Fernandez

Image : Marc Stef

Son : Baptiste Gondouin

Montage : Roberto Fernandez

Musique : Arthur Orcier

Production : Collectif 109

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T comme The Mass of Men

Fiche technique

Synopsis : Richard, un chômeur de 55 ans, arrive trois minutes en retard pour son rendez-vous au centre d’emploi. Sa conseillère, submergée par son travail, n’a pas d’autre choix que de le pénaliser. Pour éviter de sombrer dans la misère, Richard prend des mesures désespérées.

Genre : Fiction

Durée : 17′

Pays : Royaume-Uni

Pays : 2012

Réalisation : Gabriel Gauchet

Scénariste Gabriel Gauchet, Rungano Nyoni

Image : Nick Cooke

Musique : Matt Kelly

Son : Ania Przygoda

Montage : Alice Petit

Interprétation :  Peter Faulkner, Jane Mcdowell

Production : NFTS

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Festival de Grenoble 2013, les plus, les moins

Au terme de six jours de projections, le Festival du court métrage en plein air de Grenoble s’est achevé il y a deux semaines. Plus ancien évènement consacré au court encore existant en France (36 ans au compteur !), le festival, bien moins médiatisé que d’autres, jouit pourtant d’une bonne réputation auprès des professionnels par son ancienneté et son accessibilité. Comme d’autres festivals en région (Brest, Poitiers, Lille, …), celui de Grenoble joue la carte du local, avec comme double particularité d’être organisé par la Cinémathèque locale et de proposer gratuitement des projections de films en compétition en plein air et en salle. Le concept prend puisque 10.000 spectateurs assistent à ce rendez-vous convivial annuel. Pour la première année, Format Court était présent au festival (par la participation de l’auteur de ces lignes au Jury presse) et vous propose d’en savoir plus sur cette 36ème édition.

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Aux origines

Le festival est né sous l’impulsion de Michel Warren, son ancien directeur. Il y a près de 40 ans, un courrier est adressé à la SRF (Société des Réalisateurs de Films), au comité court métrage présidé alors par Costa-Gavras. À cette époque, l’Agence du court métrage tout comme le Festival de Clermont-Ferrand n’existent pas encore. Warren souhaite organiser un weekend en plein air consacré au court métrage et demande à la SRF de lui concocter un programme clé en main. En moins de dix jours, des producteurs et des réalisateurs français sont contactés et les copies sont envoyées aux adresses des membres du comité (notre ami et confrère Gilles Colpart se souvient même que les copies s’accumulaient dans sa chambre de bonne et dans le couloir attenant). Tout ce petit monde embarque alors en camion depuis Paris et arrive six heures plus tard à Grenoble avec 40 films en 16 mm à bord. Seulement, une fois sur place, le véhicule est cambriolé. Le voleur ne devait pas être un cinéphile : les films étaient toujours là après son passage, sans quoi le weekend aurait été quelque peu compliqué à organiser ! L’accès libre s’applique déjà et le public est au rendez-vous. L’envie de réitérer l’expérience avec cette fois, un vrai festival et une vraie sélection l’année suivante se ressent. L’idée se concrétise rapidement et est toujours d’actualité plus de trente ans plus tard.

L’évolution

Longtemps géré par Michel Warren et repris depuis deux ans par Guillaume Poulet, son actuel directeur, le festival s’est ouvert depuis 2012 à l’argentique. La manifestation a ainsi vu son nombre de films inscrits considérablement augmenter, passant de 250 en 2011, à 750 l’an passé et à 980 cette année. Longtemps francophile dans ses sélections, le festival s’est peu à peu ouvert à l’Europe. Désormais, on trouve à Grenoble des films espagnols, russes, géorgiens, anglais et même iraniens. Les places restent chères puisque seuls 34 films majoritairement français (les habitudes ne changent pas si facilement) ont été retenus cette année en compétition officielle. Ces films se répartissent en cinq programmes et chose inhabituelle, une seule séance compétitive est projetée au jour le jour.

Cela laisse du temps pour visiter la ville, aller au musée, faire les soldes, avoir de mauvaises idées (prendre le téléphérique en solo pour rejoindre la montagne alors qu’on a le vertige), assister aux débats publics organisés avec les réalisateurs des films en compétition ou encore voir les programmes parallèles. Cette année, étaient ainsi programmés à Grenoble trois séances de films hors compétition relativement inintéressants (puisés dans les films soumis à la sélection), un panorama plutôt maigre sur le jeune cinéma chinois, un double programme consacré aux 30 ans de l’Agence du court métrage via sept oeuvres restaurées et numérisées dont les inusables « Foutaise » de Jean-Pierre Jeunet, « 200 000 fantômes » de Jean-Gabriel Périot et « Viejo Pascuero » de Jean-Baptiste Hubre, une carte blanche aux Archives Françaises du film illustrant en six films le passage du muet au parlant (marqué par le très visuel « A colour box » de Lye Len), et une nuit blanche consacrée au festival d’Annecy qui s’est terminée aux aurores avec le dernier Cristal du court, « Subconscious password » de Chris Landreth.

Le crû 2013

34 films constituaient donc la compétition grenobloise 2013. Côté jardin, le principe d’une sélection restreinte et d’une seule séance compétitive quotidienne sont extrêmement louables. Les yeux et l’esprit n’ont pas forcément besoin d’un excès de films pour aiguiser leur copain, le jugement. Côté cour, la sélection de Grenoble n’a malheureusement pas affolé les mirettes et le mental. Ce n’est pas une surprise, les films français se révèlent souvent décevants. Citons pour la forme et/ou le fond inintéressant(s) : « Date limite de consommation » de Christelle Lamarre (une fausse vieille abandonnée par son mari retrouve le bonheur grâce à une boutique de plaisir et se transforme en fée fatale. Soupir), « Les Chrysanthèmes sont des fleurs comme les autres » de Yann Delattre (une navrante comédie-trop-marrante-de-la-Fémis sur un faux décès et un vrai décès), « Fuck You » d’Olivier Jean (un consternant retour de situation misogyne entre un potentiel violeur et sa proie, sprinteuse professionnelle), « Une minute lumière » de Roberto d’Alessandro (un mièvre film expérimental montrant un supposé Trocadéro décalé, à la frontière peu crédible de « l’espace, des gens et des histoires »), « 216 mois » de Valentin et Frédéric Potier (une chanteuse ventriloque porte encore dans son ventre son fils de 18 ans. Celui-ci souhaite s’émanciper et sort finalement de sa prison pour devenir papa. Areuh), « Habiba » de Ingrid Lazenberg (trois jeunes gens disent au revoir à leur mère disparue ou comment faire un film de 3′ sur la seule présence – vocale – de Claudia Cardinale), « Amal » de Alain Decheres (un coup de foudre très hasardeux entre une bombe humaine sexy et un démineur, comme par hasard tous les deux maghrébins) ou encore « Faims » de Géraldine Boudot (un film dans lequel on sent que les comédiens ont pris plaisir à tourner dans le Beaujolais, mais où l’émotion reste planquée dans les vignes).

Malgré cette première partie peu réjouissante, tous les films français ne sont pas à blâmer : sept courts ressortent tout de même du lot. En premier lieu, figurent trois nouveaux films : « As it used to be » de Clément Gonzalez, un film réalisé en 48 heures sur l’emprise de la technologie sur la société et les moeurs d’aujourd’hui, « Le Mûrier Noir » (Shavi Tuta) de Gabriel Razmadze, un film franco-géorgien évoquant une journée passée entre deux voisins adolescents, et « Lettres de femmes » de Augusto Zanovello, une animation étonnante sur la Grande Guerre où le papier et les mots soignent les blessures. Pour information, ces trois films, tous primés à Grenoble, feront, avec « The Mass of Men » de Gabriel Gauchet, Grand Prix et Prix de la Presse au festival, l’objet d’un reportage à part, pour leurs qualités propres.

Ensuite, vient s’ajouter « Avant que de tout perdre » de Xavier Legrand, qui est loin d’être un film inédit mais qui ressort de cette sélection et qui fonctionne encore et toujours en salle depuis sa présentation et son succès au festival de Clermont-Ferrand. On ne reviendra pas en détail sur ce thriller très efficace, mettant en scène l’histoire d’une mère cherchant à fuir avec ses enfants le domicile conjugal et son mari violent, on préférera vous renvoyer vers la critique du film (on aime bien les liens à Format Court !). Puis, viennent « Les Lézards » de Vincent Mariette (également chroniqué sur le site) qui, faute d’être un grand film, est une comédie bien sentie au lieu de tournage original (un sauna), à la bande son sympa et au trio de comédiens au top (Vincent Macaigne, Benoît Forgeard, Estéban).

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Cliquer sur l'image pour visionner le film "Guillaume Le désespéré"

Du côté de l’originalité et la bonne idée made in France, on relève aussi à Grenoble deux autres films : « Guillaume Le désespéré » de Bérenger Thouin, un film d’école expé assez dingue sur la vie d’un homme multitâches pendant la première guerre mondiale porté par des images d’archives et une voix-off décalée ainsi que « La nuit américaine d’Angélique » de Pierre-Emmanuel Lyet et Joris Clerté, une animation en noir et blanc sur le métier de scripte, la relation au père et à François Truffaut, qui doit beaucoup à la joliesse de son texte.

On le disait en préambule : cette sélection festivalière se tourne également vers l’Europe. Cela se passe parfois avec beaucoup d’intérêt comme « The Mass of Men » de Gabriel Gauchet, abordant avec force et émotion la violence verbale et physique vécue dans une agence pour l’emploi. Ou avec bien moins de frénésie comme devant « Welcome Yankee » de Benoît Desjardins (un film canadien bourré d’incohérences dans lequel deux immigrés persécutés, curieusement coincés dans un container, sont sauvés par Dieu, un flic mangeant au volant et un petit garçon esseulé), « Les traits » de Guillaume Courty (un autre film canadien sans containers ni immigrés qui parle vaguement d’attirance et de portraits, mais qui s’oublie sitôt qu’il se regarde), « La Cicatriz » de José Manuel Cacereno (un film espagnol très mince sur la passé néo-nazi d’un beau mec bossant dans une succursale d’IKEA. Euh…) et « Sein Kampf » de Jakob Zapf (un film très choquant et totalement juvénile dans son propos sur la notion de vérité entre un adolescent néo-nazi et un rescapé des camps).

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"Rae"

Heureusement, trois films étrangers, certes un peu maladroits mais comportant tout de même des bons points, s’extraient de la sélection : « RAE » d’Emmanuelle Nicot (Belgique) traite, comme « Avant que de tout perdre », de la violence conjugale et de ses conséquences sur une jeune femme accueillie pour le coup dans un refuge de femmes battues. Malgré quelques tire-larmes, le film fonctionne bien notamment grâce à la relation de son interprète principale, paumée et sur la défensive, avec sa colocataire, forte mais tout aussi fragile, partageant la même triste expérience. « Second Wind » de Sergey Tsyss, venant lui de Russie, montre un monde apocalyptique dans lequel un homme, probable dernier survivant sur Terre, n’a plus que comme unique raison de vivre celle de créer chaque jour une fleur en aluminium. Certes, le film est obscur et peu intéressant pour un film de S-F mais son univers visuel lui confère un petit charme et revient en mémoire, même deux semaines après le festival. Enfin, « Dozdi » de Mohammad Farahani, venu tout droit d’Iran, propose un double regard sur le vol et les apparences. Bien trop court (5′), le film aurait gagné en profondeur avec quelques minutes et plans supplémentaires. D’autant que les courts iraniens, très prisés par Format Court, ne sont pas ceux qu’on voit le plus en festival.

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"Dozdi"

En refaisant le compte et en tournant les pages du catalogue, onze films refont surface, ce qui équivaut à un tiers de la sélection. Cela peut sembler peu pour un festival d’envergure tel que celui de Grenoble et on ne peut qu’espérer que le comité de sélection s’arrêtera sur de meilleurs films l’année prochaine. En même temps, des films comme « The Mass of Men », « As it used to be » et « Lettres de femmes » sont de réelles découvertes à nos yeux et inspirent autant nos textes que nos programmations. C’est la raison pour laquelle nous projetterons ces trois films à la rentrée dans le cadre de la reprise de nos séances Format Court le jeudi 12 septembre, au Studio des Ursulines. Ces films audacieux, le charme de la ville, l’engagement profond pour le court et l’ambiance conviviale du festival en font tout son intérêt.

Katia Bayer

Article associé : le Festival de Grenoble 2013 en quatre films

Festival de Grenoble 2013

Du 2 au 6 juillet, Format Court assistait pour la première fois au Festival du film court en plein air de Grenoble. Films en compétition, en hors compétition, séances spéciales, nuit blanche animée, … : la plus ancienne dédicace au court encore existante en France fait l’objet d’un dossier spécial à l’occasion de sa 36ème édition. Retrouvez dans les prochains jours les reportages et les interviews réalisés à cet effet avant la rentrée de septembre lors de laquelle le palmarès du festival sera projeté à notre première séance Format Court de l’année, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème).

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Festival d’Angers 2014, inscription des films pour la sélection officielle

La 26e édition du Festival Premiers Plans se déroulera du 17 au 26 janvier 2013. Vous pouvez soumettre votre film dans l’une des sections suivantes : premiers et seconds longs métrages, premiers courts métrages, films d’écoles, films d’animation (films produits en Europe en 2012 ou 2013). La fiction, l’animation, le documentaire sont acceptés dans ces différentes sections. Les films expérimentaux forment des panoramas hors compétition.

Pour inscrire un film :
– remplissez le formulaire d’inscription
– et envoyez un DVD à :
Festival Premiers Plans d’Angers – c/o C.S.T.
22-24, avenue de Saint-Ouen – 75018 Paris

Attention : les envois en recommandé ne sont pas acceptés

Date limite des inscriptions : mercredi 16 octobre 2013

Règlement (pdf)Inscription en ligne ou formulaire d’inscription (pdf)

Pour toute question, merci d’envoyer un mail à paris@premiersplans.org

Festival du film de Vendôme 2013, appel à films !

Le Festival du film de Vendôme se déroulera du 6 au 13 décembre 2013 pour sa 22ème édition. Il se consacre à la jeune création cinématographique française et européenne, à travers la diversité de ses formes : courts métrages, documentaires de création, animation, longs métrages en avant-première… Depuis le 17 mai, les inscriptions pour la compétition nationale de courts métrages sont ouvertes sur www.filmfestplatform.com.

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Conditions pour postuler pour la compétition nationale de courts métrages

– Film terminé après le 1er janvier 2012
– Durée de moins de 60 minutes
– Support de projection : 35mm, DCP, Blu-Ray, Fichier numérique HD
– Pays de production : France (pays de production principale et coproduction)
– Genre : fiction, documentaire, animation, expérimental, essai
– Seul les films ayant reçu une aide sélective des collectivités territoriales ci-dessous peuvent participer à la compétition nationale.

Régions : Alsace, Agence culturelle d’Alsace, Aquitaine, Auvergne, Basse-Normandie (Maison de l’image Basse-Normandie), Bourgogne, Bretagne, Centre, Champagne-Ardenne, Corse, Guadeloupe, Guyane, Ile-de-France, Haute-Normandie (Pôle Image Haute-Normandie), Languedoc-Roussillon, Limousin, Lorraine, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais (CRRAV), Pays de la Loire, Picardie, Poitou-Charentes, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Réunion, Rhône-Alpes, Rhône-Alpes.

Départements : Ardèche, Charente, Charente-Maritime, Côtes d’Armor, Dordogne, Finistère, Landes, Loire-Atlantique, Lot, Pyrénées Atlantiques, Sarthe, Seine-Saint-Denis (cinéma93, périphérie), Val-de-Marne, Vienne, Vosges, l’Eure, l’Isère.

Villes et Communautés urbaines : Paris, CU de Strasbourg, Aubagne.

Attention : la date limite d’inscription est fixée au 2 septembre 2013 et les résultats seront connus à partir de la mi-octobre.

Le site du festival : www.vendome-filmfest.com