Tous les articles par Katia Bayer

H comme Hjonabandssela

Fiche technique

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Synopsis : Deux amis de toujours vont voir leur petite vie tranquille perturbée lorsqu’une superbe femme pulpeuse de leur âge les rejoint dans le jacuzzi.

Genre : Fiction

Durée : 15′

Pays : Islande

Année : 2014

Réalisation : Jörundur Ragnarsson

Scénario : Jörundur Ragnarsson

Image : Gunnar Auðunn Jóhannsson

Montage : Jörundur Ragnarsson

Son : Sindri Þór Kárason

Interprétation : Sigurður Skúlason, Theódór Júlíusson

Production : Dorundur, SagaFilm

Article associé : la critique du film

Rappel. Nouvelle Soirée Format Court ce jeudi soir aux Ursulines !

La 3ème Soirée Format Court de l’année a lieu ce jeudi 13 novembre, dès 20h30, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). À l’occasion de cette nouvelle séance, nous vous invitons à découvrir 4 courts métrages insolites et touchants, français comme étrangers, repérés et primés en festival. Au programme : un cerveau suédois rêvant d’évasion, une interrogation roumaine sur la responsabilité individuelle, un film sur l’amour et le lien intergénérationnel et un conte sur la liberté, Truffaut et le cinéma. Mais aussi 2 Prix Format Court, 2 équipes de films, de très bons bonbons et une exposition de croquis préparatoires à l’un des films programmés, « La Nuit américaine d’Angélique » ! What else ?!

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Retrouvez la programmation en ligne (+ synopsis, critiques, trailers, …)
► Horaire : Jeudi 13 novembre 2014, à 20h30. Accueil : 20h
► Durée de la séance : 84’
► Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
► Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), BUS 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
Entrée : 6,50 €
Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com

A Living Soul d’Henry Moore Selder

Un film-cerveau

Le court métrage fantastique a son festival, Court Métrange (Rennes), et cette année, ses invités suédois semblaient partants pour traiter, chacun à leur manière, une question philosophique très actuelle sur les limites de l’être humain au moment même où la science rejoint la fiction.

Lars Lundström, Président du jury y avait répondu en réalisant la série « Real Humans », diffusée sur Arte et décrivant un monde où des « presque humains », des robots, cherchaient une place dans la société. Henry Moore Selder, réalisateur du film « A living soul », lauréat du Prix Format Court, y apporte une autre réponse.

Il y décrit les pensées et la vie d’un être humain lambda, ici appelé Ypsilon, réduit à son seul cerveau, enfermé dans un bocal au sein d’un laboratoire aux allures de mouroir aseptisé et brillant. Il tombe sous le charme d’une technicienne de laboratoire, Emma (Excellente Louise Peterhoff, vue justement dans « Real Humans ») et réussit à entrer en contact avec elle. Comment, dès lors, vivre un amour sans corps et au travers d’un contact ténu ?

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Ypsilon est véritablement « Une âme dans un bocal », selon le titre du roman de Per Christian Jersilde (encore un suédois) ayant servi de base au film. Partant du monologue intérieur du livre, Henry Moore Selder construit un huis clos en un seul point de vue subjectif. Ypsilon étant à la merci physique des éléments de son entourage, il ne véhicule, en bon cerveau, que de la pensée. Aussi, à intervalles réguliers, des éléments insolites surgissent, venant perturber le cours de la narration, comme autant de rêves éveillés pour Ypsilon et le spectateur. Ils en deviennent parfois proprement imprévisible et même loufoque quand ils ne sont pas tout simplement drôles. Difficile de ne pas être surpris par exemple quand le film nous montre un œil scrutateur vissé dans les fesses d’un chien ou une main coupée cavaleuse digne de « La Famille Adams ».

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Entre minimalisme formel et réseau de références sophistiquées un brin cryptiques, « A living soul » pose Ypsilon comme une sorte de spectateur minimal. Il ne voit pas en trois dimensions, il ne lui reste qu’un oeil, et il ne peut entendre qu’au travers de son bocal rempli d’eau. Ce bocal, c’est un peu sa salle de cinéma à lui, d’où il observe le monde.

Alors que l’on pense à « Johnny s’en va t’en guerre » (un film de 1971 réalisé par Dalton Trumbo, scénariste controversé, entre autres de Stanley Kubrick) et à son homme-tronc, survivant de la première guerre mondiale, voyageant dans ses souvenirs, le film cite explicitement des éléments issus des standards de la science-fiction. On y croise le stylo en apesanteur de « 2001, L’Odyssée de l’espace », les lunettes d’ « Invasion Los Angeles » de John Carpenter en passant par des plans entiers sortis de « Robocop » jusqu’à la musique classique agrémentée de synthétiseur modulaire, comme celle de Wendy Carlos dans « Orange Mécanique ».

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Tout en avançant la belle idée que l’amour et le rêve sont les seuls traits purement humains « A living soul » s’offre le luxe de nous parler du rapport aux machines, de télépathie et surtout de handicap. Avec une grande intelligence autant sonore que visuelle, il reprend les questions philosophiques posées par le livre dont il est issu. Il ne vous suffit plus qu’à le découvrir…

Georges Coste

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Articles associés : le reportage « Dans la tête d’Henry Moore Selder »l’interview d’Henry Moore Selder

A comme A living soul

Fiche technique

Synopsis : Un cerveau humain maintenu en vie artificiellement se réveille dans un laboratoire. Après un simple retour à la conscience, Ypsilon se met à forger une personnalité…

Genre : Fiction

Durée : 30′

Pays : Suède

Année : 2014

Réalisation : Henry Moore Selder

Scénario : Peter Modestij, basé sur “Mon âme dans un bocal”

Image : Gustav Danielsson

Son : Thomas Huhn

Musique : Daniel Fagerström

Montage : Joakim Pietras, Henry Moore Selder

Décors : Robert Bohman

Interprétation : Tova Magnusson-Norling, Louise Peterhoff, Claes Ljungmark, Stina Ekblad, Christoffer Svensson, Michelle Meadows, Lisette Pagler, Kristian Petri, Ivica Zubak

Production : B-Reel Feature Film

Articles associés : la critique du filml’interview d’Henry Moore Selder

Oh Willy… de Emma de Swaef et Marc Roels

On nous l’annonce sur la pochette du DVD, « Oh Willy… », réalisé par Emma de Swaef et Marc Roels a reçu quelques 75 récompenses et il s’agit du film flamand le plus primé de tous les temps. À Format Court, nous avions repéré le film lors de sa première sélection française au festival de Clermont-Ferrand en 2012. Programmé récemment lors de notre carte blanche au festival Court Métrange (où il a remporté le Métrange du public), « Oh Willy… » est désormais disponible en DVD en Belgique et aux Pays-Bas, et on ne se lasse pas de le revoir, avec quelques bonus en prime. L’occasion de revenir sur le parcours de ce film d’exception.

« Oh Willy… » aborde l’histoire d’un homme qui, accablé par le chagrin suite à la disparition de sa mère, prend la fuite et se réfugie dans la nature qui deviendra une mère de substitution. Fait de personnages et de décors exclusivement en laine, ce film sans dialogue laisse s’exprimer la matière chaude et réconfortante qui évoque la douceur du cocon maternel, et vient contre-balancer la dureté du propos. Filmés image par image, les personnages en laine d’Emma de Swaef et la lumière de Marc Roels s’assemblent pour un résultat qui témoigne de l’habileté et du souci du détail de ces deux jeunes réalisateurs.

Parce que l’on aime bien en savoir plus et que les personnages et décors d’Emma de Swaef nous intriguent, nous poursuivons notre visionnage avec le making-of dans lequel les deux réalisateurs de « Oh Willy… » nous livrent avec passion et nostalgie les origines du projet, leur méthode de travail et l’envol de leur progéniture.

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Car le personnage de Willy est en effet leur bébé. Un bébé qui a bien grandi depuis sa première ébauche, lorsqu’Emma De Swaef a mis en scène pour la première fois ce personnage de quarantenaire solitaire, rond et dégarni, pour son film de fin d’étude « Zachte Planten » (Plante douce) en 2008, au sein de l’École Supérieure des Arts Saint-Luc à Bruxelles.

Le film, qui figure également sur le DVD, introduit le personnage de Willy en chair et en os, assis devant son bureau dans une austère pièce de travail. Rêveur, l’homme se retrouve soudain dans une forêt faite de laine, un monde doux que le spectateur comme le personnage souhaite parcourir des mains, en effleurant et en caressant ce décor chaleureux peuplé de moutons qui vous recouvrent de leur laine pour vous protéger du froid.

Ici, le monde de laine est avant tout le monde des rêves, celui dans lequel Willy trouve refuge et échappe au quotidien. Déjà, le savant mélange de douceur et de cruauté, et la quête de l’homme qui se rapproche de la nature, apparaissent comme les éléments clés du travail d’Emma de Swaef.

La musique qui accompagne l’escapade de Willy évoque les airs doux d’une boîte à musique, et ravive les souvenirs d’enfance. On entre avec Willy dans l’univers des poupées, du rêve et de l’imagination débridée de l’enfant curieux et avide de découvertes. Dans ce voyage, alors que Willy explore une forêt où le jeu et l’insouciance semblent régner, l’adulte apparait comme une menace, sous forme de géant dont on ne voit que les jambes et l’énorme bouche dévorant tout sur son passage.

Dans « Zachte Planten », l’histoire nous ramène au point de départ, à l’endroit d’où naît le rêve de Willy, vers une réalité aux contours beaucoup plus durs. Plus tard, dans « Oh Willy… », le destin de ce petit homme de laine sera tout autre.

De « Zachte Planten » à « Oh Willy… », le personnage a évolué, il est plus abouti, plus expressif, et son histoire gagne en profondeur. Dans le making-of, la réalisatrice nous parle de la conception de ce personnage mystérieux et attachant, du premier jet jusqu’à la maturation. D’un film à l’autre, l’univers de la réalisatrice, complété par le savoir-faire de Marc Roels, se précise et s’épanouit.

Ce qui fait la particularité du travail d’Emma de Swaef et de Marc Roels, c’est la volonté de donner encore plus de vie à la matière, de créer un univers aux contours doux et chauds, fait d’assemblages de textures que l’on peut voir et sentir.

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L’équipe du film évoque la création, la manipulation des personnages et les choix de mise en scène, autant d’éléments qui nous rappellent que l’animation est un travail de patience et de dextérité, où les créateurs fabriquent de leurs mains, tels des artisans.

Après avoir parcouru le monde entier, « Oh Willy… » revient sur nos écrans pour nous livrer quelques secrets, mais continue à nous émerveiller.

Agathe Demanneville

« Oh Willy… » de Marc Roels et Emma de Swaef, 2013, Dalton Distribution : « Oh Willy… », « Zachte Planten », making-of, bande-annonce, galerie photos.

Articles associés : la critique du film, l’interview d’Emma de Swaef

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Format Court, partenaire du Festival Cinébanlieue : 25 places à gagner !

La 9ème édition du Festival Cinébanlieue a lieu ces jours-ci, du 12 au 21 novembre. Ce festival dynamique et pointu, très suivi en banlieue, nous intéresse depuis quelques années pour sa programmation qualitative et diversifiée. Cette année, nous vous proposons de gagner des places pour 2 séances de courts métrages programmées. Intéressé(e)s ? Contactez-nous de ce pas !

Vendredi 14 novembre à 18H00 à L’écran de Saint-Denis (14 Passage Aqueduc, 93200 Saint-Denis, Métro : Basilique de Saint-Denis, ligne 13) : Compétition Talents en court 1, en présence des réalisateurs. 15 places à gagner !

A la Source de Steve Achiepo. Fiction, 25′, 2014, France, Barney Production

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Syn. : Drey a dix-neuf ans et poursuit ses études à Paris. Après six mois d’absence, elle retrouve sa cité de campagne, ses copines, sa famille et son copain. Mais ce qui devait être un séjour de confort se transforme peu à peu en une confrontation.

Aïssa de Clément Tréhin-Lalanne. Fiction, 8′, 2014, France, Takami Productions

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Syn. : Aïssa est congolaise. Elle est en situation irrégulière sur le territoire français. Elle dit avoir moins de dix-huit ans, mais les autorités la croient majeure. Afin de déterminer si elle est expulsable, un médecin va examiner son anatomie

Article associé : la critique du film

Guy Moquet de Demis Herenger. Fiction, 32′, 2014, France, Baldanders Films

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Articles associés : la critique du film, l’interview de Demis Herenger

Syn. : Guy Moquet ou Guimo ou Guim’s a promis à Ticky de l’embrasser au crépuscule en plein milieu du quartier devant tout le monde. Peut-être pas si fou… mais peut-être pas si simple.

Après les cours de Guillaume Renusson. Fiction, 17, 2014, France, Madeleine Films

Syn. : Élève en internat, Gérald est un adolescent réservé et asthmatique. Un soir, il prend la décision de suivre la bande de Théo, celui qui partage sa chambre, pour essayer le jeu auquel ils s’adonnent en secret la nuit.

Pandore d’Halida Boughriet. Fiction, 9′, 2014, France

Syn. : Le film se concentre sur un groupe social, enfants en marge de la société française, et porte un regard sombre et inquiétant sur la réalité des rapports humains…

Les empreintes douloureuses de Bernard Auguste Kouemo. Fiction, 15′, 2014, France, autoproduction
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Syn. : Nathalie, 30 ans, jeune femme d’origine camerounaise, se met en tête de se faire refaire le nez…

Samedi 15 novembre, 18h, à L’écran de Saint-Denis (14 Passage Aqueduc, 93200 Saint-Denis, Métro : Basilique de Saint-Denis, ligne 13) : Autour du comédien Steve Tientcheu : 10 places à gagner !

La Mort de Danton d’Alice Diop. Documentaire, 64′, 2011, France. Mille et une Films. En présence de l’équipe

Syn. : Steve a 25 ans. Il y a quelques mois, avec ses potes, il « tenait les barres » de sa cage d’escalier. Il décide
subitement de changer de vie et entame une formation d’acteur au cours Simon…

Molii de Hakim Zouhani, Yassine Qnia, Carine May, Mourad Boudaoud. Fiction, 13’, 2013, Les Films du Worso. En présence de l’équipe

Syn. : Steve, ce soir-là, remplace son père, gardien de la piscine municipale. Il entend des bruits inhabituels.

Dans la tête d’Henry Moore Selder

Prix Format Court à Court Métrange 2014, « A Living Soul » nous fait partager les réflexions d’un cerveau humain maintenu en vie artificiellement. La vision de ce film curieux donne envie d’en savoir plus son réalisateur. À défaut d’avoir pu fendre le crâne d’Henry Moore Selder pour y observer le fonctionnement de son cerveau, nous avons regardé ses précédents travaux – court-métrages, clips et pubs – afin d’en tirer quelques enseignements.

Stanna klocka stanna

Henry Moore Selder (né en 1973 à Stockholm) partage ses activités entre la musique et le cinéma, souvent les deux en même temps. Musicien, il a collaboré à plusieurs albums au début des années 2000, en particulier au sein du duo d’électro PuppetMasters. Réalisateur, il a signé entre le milieu des années 90 et aujourd’hui plus d’une trentaine de clips, essentiellement pour la scène rock suédoise ainsi que quelques artistes anglo-saxons. La forme courte du clip lui permet de s’essayer à différents genres et techniques : l’animation en 2D (le clip « Shut Your Mouth », une parodie de talk show pour Garbage en 2001) et l’image de synthèse (« With Every Heartbeat » pour la chanteuse suédoise Robyn en 2006), la prise de vue en relief (« Stanna klocka stanna », pour l’improbable groupe Bob Hund et son chanteur masqué en 2011), la comédie musicale (« Ain’t Getting Nowhere » du groupe Monster est en 1999 un ballet façon « West Side Story » punk) et l’insolite (dans le clip de « River Running Wild » en 2012, le groupe Woodland fait du canoë et pagaie avec ses instruments de musique). On retrouve cette joyeuse bizarrerie dans les pubs de Moore Selder : une chèvre qui chante pour promouvoir son fromage, une parodie de King Kong pour Hyundai, des scènes de bar surréalistes pour la bière Tiger…

Les quatre premiers courts-métrages de Moore Selder apparaissent comme des hybrides entre le cinéma et le clip. « Dans Let There Be Drums  » (1999) il filme un musicien effectuer un solo de batterie dans un sous-sol : un film sans histoire ni personnage, entre la vidéo expérimentale et la bande démo musicale. À la même époque, le réalisateur entame une collaboration de trois films avec la chanteuse Sara Lundén (pour laquelle il signera également plusieurs clips). Dans « Harlem » (1999), « Deadly Boring » (2001) et « She Is Dead », la talentueuse musicienne occupe les fonctions de scénariste, compositrice et d’interprète principale (dans son propre rôle pour les deux premiers films).

La « trilogie Lundén » permet d’observer l’émergence du style du cinéaste, qui abandonne progressivement la réalité pour créer un univers personnel. Chaque film est plus long que le précédent avec une dimension fictionnelle plus affirmée et une création visuelle plus marquée. « Harlem » montre Sara Lundén marcher en chantant dans les rues du quartier populaire de New York. La caméra portée et le grain de la pellicule évoquent la patine documentaire du cinéma des années 70 ; une impression de prise sur le vif renforcée par le début d’agression dont est victime le caméraman, au milieu de la chanson, lorsqu’un passant lui reproche de l’avoir filmé. Filmé dans le même 16 mm vintage, « Deadly Boring » reconstitue une des performances musicales excentriques de Lundén et sa troupe, dans un bar au milieu de nulle part. Avant et après le spectacle, la jeune femme continue de trainer son spleen en chantant, héroïne de Jacques Demy perdue chez Jim Jarmusch.

À l’opposé de cette approche presque documentaire, « She Is Dead » assume son artificialité par le choix d’un Scope noir et blanc. L’histoire est celle d’un amour fou que n’auraient pas renié les surréalistes : la passion d’un médecin pour une diva récemment décédée dont il doit effectuer l’autopsie (en musique, avec des cadavres qui chantent !). Avec ce film, Moore Selder accomplit son passage à la fiction et aborde pour la première fois, avant « A Living Soul » , le monde médical et ses corps (ou morceaux de corps) à la fois morts et vivants.

En 2004, « A Thorough Examination » développe cet intérêt pour la science avec la confrontation tendue, en huis clos et sans musique, entre un soldat et un savant fou. Un suspense minimaliste mais efficace dans lequel il serait tentant de voir un prélude aux mystérieuses expériences d’« A Living Soul » : le cerveau qui parle du dernier film en date de Moore Selder serait-il celui celui du soldat mort pour la science d’« A Thorough Examination » ?

Entre ces deux films s’intercale Köra runt (2007), consacré aux pérégrinations d’un voleur de voitures qui vient de sortir de prison. Le choix d’un sujet réaliste et l’assagissement du réalisateur ne sont qu’apparents et, rapidement, le voyage prend une dimension onirique, émaillé de rencontres insolites. On n’en attendait pas moins de la part d’Henry Moore Selder.

Sylvain Angiboust

Pour information,  « A Living Soul » sera projeté à l’occasion de la Soirée Format Court le jeudi 13 novembre 2014 au Studio des Ursulines (Paris, 5ème)

Articles associé : la critique de « A Living Soul », l’interview d’Henry Moore Selder

 

A comme Art

Fiche technique

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Synopsis : Deux cinéastes ont trouvé la parfaite jeune fille de 14 ans pour jouer dans leur nouveau film. Maintenant, ils doivent convaincre la mère de laisser sa fille jouer le rôle d’une enfant victime de violence sexuelle.

Réalisation : Adrian Sitaru

Genre : Fiction

Durée : 19’

Pays : Roumanie

Année : 2014

Image : Adrian Silistanu

Son : Andrei Pacuraru

Montage : Andrei Gorgan

Interprétation : Emanuel Parvu, Andrei Rus, Ioana Abur, Iulia Crisan

Production : 4 Proof Film

Articles associés : la critique du film, l’interview d’Adrian Sitaru, le reportage « Adrian Sitaru ou la philosophie des regards »

Art d’Adrian Sitaru

Le film roumain « Art » a reçu le prix Format Court au FIFF 2014 à Namur. Dans ses courts et longs-métrages (« PicNic », « Best Intentions »), Adrian Sitaru manie l’art des tensions en soupape, des nœuds d’oppression. Il ne déroge pas à la règle avec ce huis clos au malaise latent.

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La situation initiale est simple : lors d’un casting, une jeune fille mineure doit incarner le rôle d’une préadolescente embarquée dans un réseau de prostitution. Il en découle tout un questionnement sur la notion de responsabilité, à la fois artistique et parentale. Comment dénoncer la violence sans que le processus de monstration reproduise lui-même une forme d’abus ? Quelles sont les limites de l’art et où situer le point de bascule vers l’utilisation, le détournement ? Un parent pensant, tranchant pour son enfant n’est-il pas aussi piégé par la problématique de l’abus ? Finalement peut-on réchapper à l’ingérence parentale quand l’éducation n’est en soi qu’une succession de décisions prises pour autrui ? Où s’arrête le désir de convaincre et où commence le mécanisme de la manipulation verbale ? Toutes ses interrogations se rassemblent en une seule : la fin, aussi noble soit-elle, justifie-t-elle les moyens ?

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Sur une ouverture nette et frontale, le spectateur se retrouve jeté dans la scène d’exposition. Le casting est en cours, il n’a qu’à le saisir au vol. Après l’essai de jeu, les deux cinéastes séduits par la prestation de la candidate cherchent à convaincre la mère de laisser sa fille jouer dans le film, malgré une scène au caractère érotique évident bien que non dénudée et seulement suggérée. Le huis clos est déjà installé, il tisse son filet.

Pas de véritable progression narrative ici, mais une impression de piétinement, d’engluement dans le temps. Les plans fixes figent le déroulement. À l’intérieur de ces cadres immobiles se dessinent nettement les pans et les arrêtes murales. Les deux pièces de l’appartement sont constamment délimitées à l’image par les cloisons, aucune échappée n’est envisageable. L’espace est encombré par un mélange d’objets du quotidien et de matériel de tournage. Très vite, le manque d’air se fait sentir. Et la parole des adultes, omniprésente, envahit tout, ne laisse aucun répit. Sitaru cadre un personnage et ne le lâche plus, il tire le plan dans la durée, sans alternance de champs/contre-champs. Les répliques des autres protagonistes se font donc hors champs. Malgré l’échange verbal, la caméra révèle l’impossibilité d’une discussion, d’un partage d’idées. Il s’agit bien d’assaillir l’autre avec son discours, de prendre le dessus par la parole.

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Et au milieu de tout ça, la principale intéressée a disparu. Littéralement absente de l’image, effacée. Dissimulée par sa mère dans le seul axe où elle aurait pu être visible, le spectateur découvre brusquement sa présence, lorsqu’on lui demande enfin son avis. L’apparition subite, par son effet de surprise, fait sourire. D’un sourire jaune. Et cette prise de parole n’est que balbutiement puisque très vite on la lui coupera. Lorsque la jeune fille doit mimer une fellation pour donner un aperçu de la future scène choc du film, elle mime l’excitation de son chiot en se dandinant dans tous les sens, sur les indications et encouragements de sa mère… et sous le regard interloqué des deux hommes. Jamais, il n’est réellement expliqué à la jeune fille les enjeux de la scène, ce qu’elle représente concrètement. Le rire reste coincé dans la gorge, un comique du malaise que Sitaru sait très bien cultiver.

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À la fin du casting, échange entre l’assistant et le réalisateur : le premier reproche au second ses procédés de persuasion. L’autre rétorque qu’il en va de là responsabilité de la mère, lui-même n’aurait jamais amené sa fille à un tel casting. Volte-face des personnages masculins qui révèlent leurs paradoxes. Leur discussion est interrompue par une découverte improbable. Les deux hommes se retrouvent nez à nez avec un nuage flottant et statique au centre de la pièce. Celui-ci rappelle le plan apparu juste après le titre au début du film. Le lettrage de ce dernier ayant disparu sous forme de fumée, une rémanence blanche enveloppe la jeune fille dans un plan calme, silencieux (le seul du film) où l’adolescente, en retrait du monde, sourit. Ce nuage final leur clouera le bec. Réponse de l’indicible face à l’oppression des discours, la domination de l’argumentaire… Jusqu’alors la sensation d’étouffement du réel était très forte avec une saisie du temps sans concession, sans ellipse, un aspect cru de la lumière et une densité palpable des dialogues. À présent, elle s’évapore dans l’étrange, l’incompréhensible. Un retour à la poésie qui vient remettre les choses à leur place, balayer le malaise. On ne sait pas ce que va décider la mère, les deux cinéastes sont coincés dans leurs contradictions. Le nuage ne conclut rien, il transporte le film et le regard ailleurs.

Juliette Borel

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Article associé : l’interview d’Adrian Sitaru, le reportage « Adrian Sitaru ou la philosophie des regards »

Concours : Gagnez 30 places pour le Festival Kinopolska !

Kinopolska, le festival du film polonais en France organisé par l’Institut Polonais de Paris, aura lieu du 11 au 16 novembre au Balzac et le 21 novembre au Grand Action, à Paris. 3 séances de courts métrages sont programmées à l’occasion de cette 7ème édition. Format Court vous offre 10 places par programme. Intéressé(e)s ? Contactez-nous !

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Vendredi 14 novembre à 14h et samedi 15 novembre à 14h au cinéma Le Balzac : programme de courts métrages polonais (durée : 1h37). 20 invitations à gagner (10 par séance) !

Fragments d’Aga Woszczyńska

Syn. : Anna et son conjoint ont des emplois bien rémunérés, une vie sexuelle intense et pratiquent le jogging matinal. Petit à petit, Anna sent s’effondrer le monde auquel elle s’accroche. Elle pourrit de l’intérieur.

Une chambre bleue de Tomasz Siwiński

Syn. : Un homme se réveille dans une chambre bleue. Il est coincé à l’intérieur et ne peut s’en échapper. Une fenêtre est son unique lien avec l’extérieur. La réalité qu’il perçoit lui apparaît d’une bien mystérieuse manière.

Arena de Piotr Bernaś

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Syn. : Quelles sont les raisons pouvant conduire un homme à l’auto-destruction? Quelles motivations peuvent pousser une personne à mettre sa vie en choisissant une vie de lutte et d’automutilation ? Arena est un projet audacieux de mise en scène du gladiateur contemporain dans son arène moderne.

La pierre de Jakub Michnikowski

Syn. : Un garçon et une jeune fille enceinte traversent la montagne brumeuse. En silence, ils essaient de prendre leurs responsabilités, tout en réussissant à garder le coeur léger. Après un long périple, le couple trouve un moment de répit dans une maison de bois vide.

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Lumière d’août de Matej Bobrik

Syn. : Un garçon veut devenir un homme, dans le village d’ Olchówka, où tout le monde connaît tout le monde, et où le rythme de vie est plutôt tranquile. Kuba et Jurek boivent et s’amusent jusqu’au petit matin. Quand Kuba se réveille, son ami n’est plus là. Pour le trouver, il doit parler avec la belle jeune fille qui les a rejoint la veille.

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Vendredi 21 novembre à 20h : Vents d’Est 07, Carte blanche à Cinessonne au Cinéma Le Grand Action. Programme de courts métrages français et polonais (durée : 1h35). 10 invitations à gagner !

Sinner de Kalina Alabrudzińska (Pologne)

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Syn. : Pouvez-vous enseigner comment séduire des femmes ? Oui vous pouvez définitivement. Sinner vous montrera le chemin pour devenir un homme meilleur.

Habitat de Arjun Talwar (Pologne)

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Syn. : Une histoire sur la vie de plusieurs générations de bergers de chèvre, nomades, vivant au bord du désert en Afrique du Nord. Nous observons leur vie difficile et lutte quotidienne avec leurs animaux, le climat et leur recherche d’eau.

Volcan de Michal Wawrzecki (Pologne)

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Syn. : Un couple s’enferme  dans leur belle maison après avoir laissé tomber l’idée de partir en vacances. Ils décident de se couper du monde et de passer leur vacances ensemble afin de raviver leurs passions.

L’éblouie de Morgane Derriennic (France, La fémis)

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Syn. : Je cherche une femme, la cinquantaine, elle est routier. Elle est Serbe. Elle a un semi-remorque rouge. Vous l’auriez pas vue ?

Ce qui nous échappe de Pauline Laplace (France, La fémis)

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Syn. : Un jeune éducateur en psychiatrie, Julien, accompagne cinq patients en sortie. Seul, débordé, il va trouver peu à peu sa place dans le groupe, s’éloigner de l’hyper-contrôle et comprendre un peu mieux sa position de travailleur social.

Téléchargez le programme complet du festival

« Ce n’est pas un film de cow-boys » de Benjamin Parent, en ligne !

Le ludique, smart et efficace « Ce n’est pas un film de cow-boys » de Benjamin Parent, ayant fait ses débuts à la Semaine de la Critique en 2012, est ces jours-ci rattrapé par l’actu. En effet, la Manif pour tous souhaite le censurer au moment où il est censé être diffusé à des lycéens du le Pays de la Loire après sa sélection au Festival du film d’éducation. Pour juger de l’«extrême danger » représenté par le film, les producteurs de Synecdoche le proposent en accès libre jusqu’à la fin de la semaine ! Enjoy !

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Synopsis : Le Secret de Brokeback Mountain est passé hier soir à la télé. Vincent l’a vu et ça l’a bouleversé. Il profite de la récréation et de l’intimité des toilettes du collège pour raconter, de manière touchante et naïve, le film à Moussa. De l’autre côté du mur, dans les toilettes des filles, Jessica, elle aussi très affectée, en profite pour poser pas mal de questions sur le papa homosexuel de Nadia, avec beaucoup de maladresse.

Retrouvez nos sujets associés en ligne :

– La critique du film

L’interview de Benjamin Parent

Twaaga de Cédric Ido

Lauréat du Bayard d’Or du meilleur court métrage à la dernière édition du Festival du Film francophone (FIFF) à Namur, « Twaaga » est un bel essai signé par Cédric Ido sur l’histoire du Burkina Faso naissant sous le régime anti-impérialiste de Thomas Sankara, perçue à travers les yeux innocents de son jeune protagoniste, Manu.

Burkino Faso, 1987. Le pays, comme bon nombre de ses voisins, cherche à se libérer du joug de son passé colonialiste. La formule choisie par son leader autoproclamé, Thomas Sankara : le marxisme radical. Dans un quartier modeste de la capitale, le jeune Manu suit avec ardeur les activités couvertes de son grand frère révolutionnaire et ne cesse de pointer son nez là où il n’est pas le bienvenu, au désespoir de sa mère angoissée. Pour mieux infiltrer ces mondes interdits, Manu laisse libre cours à son imagination féconde et se crée une échappatoire psychologique dans laquelle il incarne un personnage de super-héros tout puissant et omniprésent. Pour illustrer cet univers utopique, Cédric Ido effectue un travail d’animation remarquable qui complémente le lyrisme de ses images filmées. Le résultat est un film dont la dimension esthétique est pleinement en adéquation avec la justesse du contenu.

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Dans « Twaaga », les aventures de Manu l’emmènent dans des péripéties tantôt cocasses tantôt hasardeuses pour finir avec sa présence inopinée lors d’une confrontation entre la bande de son frère et un couple de commerçants libanais. Le nœud narratif complexe retrouve une résolution bien menée et prenante. Au-delà de l’éventuelle impression d’une chute exagérément dramatisée, avec le sacrifice ultime de la figure du rêveur trop éloigné de la réalité, il faut néanmoins reconnaître la finesse avec laquelle le réalisateur rend compte de la complexité du contexte social décrit. Une Afrique dans toute sa complexité, tiraillée entre traditions, superstitions et modernité ; un continent titanesque déchiqueté par les différentes parties venues piller ses richesses, des migrations économiques de petite échelle (comme l’Inde et le Moyen-Orient) qui font un écho aux exploitations écrasantes des superpuissances. À ce titre, le mélange de méfiance, dédain et désespoir ressenti par le commerçant libanais et sa femme envers leurs hôtes africains soulignent parfaitement cette subtilité dans la démarche du jeune cinéaste qui refuse de tomber dans des clichés dualistes.

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À travers le regard innocent d’un enfant, Cédric Ido parvient à toucher à toute la complexité socioculturelle qu’il montre avec aplomb. La limpidité de son scénario a beau frôler le prévisible pour les plus sceptiques d’entre nous, il n’en demeure pas moins efficace. Ajoutons à cela l’indéniable fraîcheur qui émane du jeu d’acteurs et qui nous emporte dans un voyage dans l’espace et le temps riche en émotions.

Adi Chesson

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Fiche technique

Synopsis : Burkina Faso, 1985. Manu, un garçon de 8 ans, colle sans arrêt aux basques de son grand frère Albert. Quand Albert se fait marabouter pour devenir invincible, Manu réalise qu’il existe des pouvoirs réels.

Genre : Fiction

Durée : 30′

Pays : France, Burkina Faso

Année : 2013

Scénario : Cédric Ido

Image : Valentin Vignet

Son : Lassina Siribie

Montage : Samuel Danési

Décor : Papa Mahamoudou Kouyaté

Musique : Nicolas Tescari, David Chalmin

Costumes : Martine Somé

Production : Bizibi Productions

Article associé : la critique du film

Tant qu’il nous reste des fusils à pompe de Jonathan Vinel & Caroline Poggi, en ligne !

Autant en profiter. « Tant qu’il nous reste des fusils à pompes » de Jonathan Vinel & Caroline Poggi, Ours d’Or à la dernière Berlinale et film en lice pour le César du Meilleur Court Métrage est en ligne sur le site d’ARTE+7 jusqu’au 8 novembre. Si vous ne l’avez pas vu, c’est le moment de vous rattraper !

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Synopsis : Il fait chaud. Les rues sont étrangement désertes. Les palmiers agonisent et les fusils à pompe pleurent. Joshua veut mourir mais ne veut pas laisser son frère Maël seul. C’est alors qu’il rencontre le gang des Icebergs.

Retrouvez nos sujets associés en ligne :

L’interview de Jonathan Vinel et Caroline Poggi

Le reportage sur le Festival de Brive 2014

Nouveau Prix Format Court au Festival du Film Court de Villeurbanne !

Le 35ème Festival du Film Court de Villeurbanne aura lieu du 14 au 23 novembre prochain. Format Court y attribuera pour la première fois un prix au sein de la compétition européenne. Le Jury Format Court (Katia Bayer, Azziza Kaddour, Mathieu Lericq, Françoise Mazza) récompensera l’un des 37 films en compétition.

À l’issue du festival, un dossier spécial sera consacré au film primé. Celui-ci sera diffusé lors d’une prochaine séance Format Court au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). Le réalisateur bénéficiera également d’un DCP (relatif au film primé ou au prochain dans un délai de deux ans) crée et doté par le laboratoire numérique Média Solution.

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Films en compétition

– 8 Ay de Hüseyin Aydin Gürsoy (Turquie, France)
– Ab Ovo d’Anita Kwiatkowska-Naqvi (Pologne)
– A l’Amiable de Rémy Cauyela (France)
– Alte Schule de Ilker Catak (Allemagne)
– Avis aux Intéressés de Cédric Romain (France)
– Café de la Plage de Xavier Champagnac, Gilles Gaston-Dreyfus, Prune Saunier-Dardant (France)
– Chat de Philippe Lasry (France)
– Dans ses baskets de Matthieu Ponchel (France)
– De bonnes sensations de Benoît Rambourg (France)
– Disney Ramallah de Tamara Erde (France)
– Ghost Train de Lee Cronin (Irlande)
– Habana d’Edouard Salier (France)
– Les Heures blanches de Karim Bensalah (France, Canada)
– Io no to conosco de Stefano Accorsi (Italie)
– Morning prayers de Katarina Stankovic & Konstantina Kotzamani (Bosnie-Herzégovine)
– Ne parlez pas d’amour de Hadrien Bichet (France)
– Nectar de Lucile Hadzihalilovic (France)
– Ojcze Masz de Kacper Lisowski (Pologne)
La Part de l’ombre d’Olivier Smolders (Belgique, France)
– La Petite casserole d’Anatole d’Eric Montchaud (France)
– Poisson d’Aurélien Vernhes-Lermusiaux (France)
– Quand les branches se querellent, les racines s’embrassent de Marthe Sebille (France)
– Red Hulk de Asimina Proedrou (Grèce)
– Le Retour de Yohann Kouam (France)
– Rhino Full Throttle de Erik Schmitt (Allemagne)
– The Ringer de Chris Sheperd (France, Royaume-Uni)
– Safari de Gerardo Herrero (Espagne)
– Le Sens du toucher de Jean-Charles Mbotti Malolo (France, Suisse)
– Shadow 
de Lorenzo Recio (France)
– Simiocratie de Nicolas Pleskoff (France)
– Stella Maris de Giacomo Abbruzzese (France, Italie)
– Tant qu’il nous reste des fusils à pompe de Jonathan Vinel & Caroline Poggi (France)
– Tout ce que tu ne peux pas laisser derrière toi de Nicolas Lasnibat (France)
– Le Verrou de Laurent Laffargue (France)
– Vos Violences d’Antoine Raimbault (France)
– Vous êtes très jolie, Mademoiselle de Thierry Terrasson (France)
– Yect de Pavel Vesnakov (Bulgarie, Allemagne)

Soirée Format Court, jeudi 13 novembre à 20h30, Studio des Ursulines (Paris, 5ème)

Jeudi 13 novembre prochain, 4 films seront présentés sur grand écran lors de notre 3ème Soirée Format Court de l’année, au Studio des Ursulines, à Paris. À cette occasion, nous vous invitons à venir découvrir 2 films étrangers primés au mois d’octobre par Format Court au Festival du film francophone de Namur et à Court Métrange  ainsi que deux films français, en présence de leurs équipes.

Programmation

Art de Adrian Sitaru. Fiction, 19’, Roumanie, 2014, 4 Proof Film. Prix Format Court au Festival International du Film Francophone de Namur 2014, sélectionné au Festival de Venise 2014

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Synopsis : Deux cinéastes ont trouvé la parfaite jeune fille de 14 ans pour jouer dans leur nouveau film. Maintenant, ils doivent convaincre la mère de laisser sa fille jouer le rôle d’une enfant victime de violence sexuelle.

Articles associés : la critique du film, l’interview d’Adrian Sitaru

Chaque jour est une petite vie de Albane Fioretti, Lou-Brice Léonard. Fiction, 27’25 », 2014, France, La Ville et les Champs. Prix de la Meilleure fiction aux Rencontres du court de Montpellier 2014. En présence de Albane Fioretti et Thérèse Roussel (réalisatrice, comédienne)

Synopsis : Une cité au bord de la Méditerranée. Dans une modeste caravane posée au milieu des tours, Rachel, quatre-vingts ans, rêve de retourner dans son Algérie natale. Son fils Simon ne veut pas en entendre parler. Une famille vraiment pourrie ! dira Stella, sa petite-fille. Heureusement, il y a la bonne humeur de Yazid alias Gino et de tout le quartier.

A living soul de Henry Moore Selder. Fiction, 30′, Suède, 2014,  B-Reel Feature Films. Prix Format Court au Festival Court Métrange 2014 (Rennes), sélectionné au Festival de Clermont-Ferrand 2014

Synopsis : Un cerveau humain maintenu en vie artificiellement se réveille dans un laboratoire. Après un simple retour à la conscience, Ypsilon se met à forger une personnalité…

Articles associés : la critique du filml’interview d’Henry Moore Selder

La Nuit américaine d’Angélique de Joris Clerté, Pierre-Emmanuel Lyet. Animation, 7’30″, 2013, France, Senso Films, Donc voilà Productions. Grand Prix du Jury Média au Festival d’animation de Bruz 2013. En présence de Joris Clerté et de Virginie Giachino (co-réalisateur, productrice)

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Synopsis : En allant voir « La Nuit américaine » de François Truffaut, Angélique découvre qu’on peut inventer sa vie. Se prendre pour Nathalie Baye, obtenir l’admiration de son père, choisir un métier incompréhensible, autant de perspectives ouvertes par ce film. Il faudra quelques années à la jeune fille pour comprendre que le cinéma ne règle pas tous les problèmes bien qu’il ouvre au grand plaisir d’être enfin libre.

Article associé : la critique du film

En pratique

► Date : Jeudi 13 novembre 2014, à 20h30. Accueil : 20h

► Durée de la séance : 84’

► Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris

► Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), BUS 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)

► Entrée : 6,50 €

► Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com

Le FNC. Programmer à deux, proposer des parcours, accompagner les films, identifier la différence

Dès sa création en 1971, le Festival international du cinéma en 16mm de Montréal (l’actuel Festival du nouveau cinéma-FNC) a programmé du court métrage, à l’époque expérimental. Cette tradition s’est maintenue au fil du temps. Encore aujourd’hui, le festival est intimement lié à la forme courte à en juger par la programmation très fournie de ce côté-là (focus québecois, compétition internationale, films d’étudiants, films expérimentaux, installations, performances, projets interactifs, films pour enfants, …). Pour évoquer la programmation, le dialogue entre les films, les nouvelles formes, le rôle du festival et le cinéma qui décale, nous avons rencontré les deux programmateurs des courts métrages du FNC, Daniel Karolewicz et Philippe Gajan.

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Depuis quand avez-vous repris la programmation des courts au festival et pour quelles raisons vous-êtes vous intéressés à ce format ?

Philippe Gajan : La première raison nous précède. Le Festival du nouveau cinéma s’appelait à l’époque, au moment de sa création en 1971 le Festival international du film en 16 mm et le format privilégié de l’expérimental est bel et bien le court métrage. Dès le départ, il y avait donc déjà beaucoup de courts-métrages. On ne les désignait pas tels quels parce qu’en animation, en expérimental et en vidéo d’art, les oeuvres les plus fortes, les plus magiques ont une durée courte en général.

Le FNC est un festival qui évolue tout le temps, qui intègre les nouvelles formes en permanence : l’expérimental au début, puis la vidéo et les nouveaux médias. Le court-métrage a donc toujours été présent chez nous.

Je suis arrivé tôt, en 1999 comme rédacteur en chef du catalogue. Ce qui m’intéressait, à l’époque, c’était le cinéma sauf que très vite, le court métrage m’a passionné pour toutes ces nouvelles formes, ces expériences, ces films faits en toute liberté et ces univers extrêmement porteurs et riches.

Et pour toi, Daniel ?

Daniel Karolewicz : Moi, j’ai étudié l’histoire et l’anthropologie, je ne suis pas cinéphile de base. Je suis arrivé plus tard, un peu par hasard, en 2007. J’ai travaillé à la billetterie, à la coordination. Au début, des lignes sur un écran, ça ne me parlait pas. Au fil des années, je me suis intéressé à ce qui se passait, aux différents genres de films et Philippe m’a dit que dans le fond, j’étais programmateur.

P.G. : Quand Dan est arrivé, j’étais tout seul aux courts métrages. Il est devenu mon interlocuteur privilégié. Il est évident qu’à chaque fois qu’on parle d’un film, il prend une autre dimension et qu’il a des chances de se retrouver dans la sélection finale.

D.K. : Si on en parle encore une semaine plus tard, c’est qu’il est venu nous chercher.

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Quels « types » de films vous restent en mémoire, vous stimulent et vous donnent envie de les voir sur grand écran ?

D.K. : Très bonne question. J’essaye de faire des films aussi, je suis très intéressé par ce qui se fait. Un film ultra narratif va moins m’intéresser que quelque chose complètement à l’ouest.

P.G. : Pour moi, il y a deux réponses. Il y a le personnel, je cherche des films qui vont changer ma perception du monde. Si je deviens différent après avoir vu un film, forcément, il va s’imprimer plus profondément en moi. Après, il faut aussi pouvoir transmettre un film à un public, se demander comment et pour qui il va exister.

Comment fonctionnez-vous en duo pour la sélection ?

P.G. : La plupart des festivals travaillent en consensus alors que nous, on ne se met jamais d’accord. Si Dan se sent capable d’accompagner un film, on le prend. On est libre, ça élargit la palette des propositions. Clermont-Ferrand est carrément l’anti-thèse du FNC à ce niveau-là, ils sont huit à devoir aimer le film.

C’est quoi, accompagner un film ?

P.G. : C’est être capable d’en parler, de le faire entrer en dialogue avec un public, d’expliquer, si on nous le demande, pourquoi un film en particulier est là, dans tel programme. À une telle question, on ne peut pas répondre :  « Parce qu’on l’aime ». Ça, on s’en fout.

Est-ce que vous avez l’impression que les films pris chez vous assument plus un côté expérimental ?

P.G. : Oui, mais dans un sens large. On a intégré les nouvelles écritures, les connexions avec les autres secteurs des arts, on s’intéresse de plus en plus à la notion de dispositif et plus seulement au grand écran. Dans les gènes du festival, il y a une ouverture qu’on a tout intérêt à garder sinon, on crève. Le cinéma évolue. Le jour où il y aura un écart entre l’évolution du cinéma et celle du festival, c’est que celui-ci aura cessé d’être là et qu’il mourra dans les 4 ans.

Par contre, si on nous demande directement ce qu’est le nouveau cinéma, je ne n’en sais rien, je n’ai pas besoin de le savoir car ce sont les cinéastes qui vont nous l’amener. C’est à nous d’être ouverts à ces nouvelles formes mais pas à nous de déterminer ce qu’est le nouveau cinéma. Évidemment, on fait des choix en espérant qu’ils parleront au plus grand nombre et qu’ils accueilleront la plus grande diversité. Au FNC, il y a de la place pour ce type de films, mais en même temps, on a des films en commun avec les autres festivals.

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Est-ce que ces films que vous sélectionnez arrivent à toucher un public local ?

P.G. :  Il ne faut pas perdre espoir et continuer à taper sur le même clou. Quand a crée le Focus québecois il y a une dizaine d’années, peu de films québécois étaient dans la programmation. Il a été très mal accueilli dans un premier temps. Les cinéastes nous disaient : “Vous nous créez une voie de garage parce qu’on n’est pas assez bons pour être dans vos compétitions”. Sauf que ça a créé un sentiment d’appartenance et qu’une génération de cinéastes se reconnait complètement dans le festival. Ça nous a fait énormément de bien, on est passé de salles de 90 places qu’on ne remplissait pas à des salles combles de 200 places. Pour les réalisateurs québécois, il y a une fierté géniale d’être au FNC. Pour le court international, il y a moins de monde en salle par contre.

D.K. : C’est lié au contexte local car les réalisateurs locaux se déplacent avec leurs amis quand leurs films passent dans le Focus, ce n’est pas le cas pour leurs homologues étrangers. Et quand le film de Pedro Costa a lieu en même temps qu’un programme de courts internationaux, c’est sûr, ça complique les choses.

P.G. : Nous, on souhaite que les gens aient le choix entre de nombreuses propositions. Quand on prépare la grille horaire, on propose 5 à 7 rendez-vous en même temps. Vu l’offre actuelle, il ne faudrait pas que les festivals empêchent l’accessibilité. C’est notre rôle comme programmateurs de proposer des parcours mais pas de les imposer.

Dan, en créant La Distributrice de films, tu as également souhaité accompagner les films québécois, les promouvoir, leur donner de la visibilité, les aider à circuler. Pourquoi ?

D.K. : Oui, j’ai souhaité aider les gens autour de moi pour essayer de pousser leurs films. Avec des proches, on a crée un catalogue de courts-métrages qu’on a éditorialisé. C’était un créneau qui manquait ici. Il n’y a pas de boîte de distribution de courts métrages qui roule sans l’aide du gouvernement. Il y a quatre ans, personne ne connaissait Olivier Godin, il faisait des films chez lui. Là, il explose, il a fait deux longs et une quinzaine de courts dont « Feu de Bengale » [Meilleur court métrage canadien], ça commence à décoller, à voyager. Je pourrais arrêter, passer à quelqu’un d’autre mais ça me fait plaisir de l’aider.

Dans le catalogue du FNC, les longs-métrages sont fort mis en avant par leurs sélections et leurs prix glanés en festivals, mais pour les courts, on ne trouve pas d’informations porteuses. Pourquoi ne valorisez-vous pas plus les films courts ? Cela pourrait les aider aussi.

P.G. : Tu as raison, on devrait le faire. Au moment du bouclage du catalogue, c’est la folie, j’écoute en boucle de la musique celtique (c’est la blague ici!), je traduits, j’écris les textes mais le temps nous manque. C’est vrai, il faudrait que l’information figure, que chaque court métrage soit traité comme un long. C’est ce qu’on veut car pour nous, ce sont des films à part entière.

Cherchez-vous des films différents dans le focus national et la compétition internationale ?

P.G. : Théoriquement, nos critères sont les mêmes mais la compétition regroupe des oeuvres beaucoup plus “différentes” que la compétition nationale qui a un devoir d’accompagnement et d’appartenance beaucoup plus fort. On essaye de repérer ce qui se démarque le plus de ce qui se fait au Québec qui à lui seul ne reflète pas toute la diversité en comparaison avec le reste du monde.

On constate bien une grande différence entre les deux compétitions, on aimerait bien les mélanger pour avoir plus de public mais on ne veut pas prendre en otage un film d’un cinéaste d’ici et le public. Les films ne fonctionnent pas toujours ensemble et c’est important qu’ils dialoguent pour leur bonne réception.

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Qu’est-ce qui vous a marqué, chacun, dans les films que vous avez gardés cette année ?

P.G. : Tous les films sont différents mais pour moi, « Hillbrow » de Nicolas Boone [Meilleur court métrage de la Compétition internationale] a été un film extrêmement marquant. Tout d’un coup, j’ai découvert une nouvelle géographie physique et mentale et j’ai arpenté différemment des concepts comme la violence. Je ne supporterais pas de voir un film sur la violence à Johannesburg, je n’irais pas le voir, mais ce film-ci a vraiment changé ma perception.

Dans le même programme, il y avait le film de Safia Benhaim, « La Fièvre » qui parle différemment des printemps arabes. Ses parents sont marocains, elle est née en France, et j’avais l’impression qu’elle me permettait de réfléchir aux deux bassins de la Méditerranée. Sarah a vécu deux mondes parallèles qui n’ont rien à voir : le monde rêvé par ses parents, exilés politiques et le sien, différent. Ça m’a totalement fasciné et j’étais extrêmement ouvert à ses tourments. Le cinéma, à mes yeux, est un outil et une arme redoutable pour s’écarter des idées préconçues, des schémas déjà prémâchés. Il nous décale et nous permet de voir des choses différentes.

D.K. : J’aime bien ce qui se fait au Portugal. Sandro Aguilar est un cinéaste qui me surprend tout le temps, on a présenté tous ses courts et on a de très bonnes relations avec l’Agence du court métrage portugaise. Pareil pour Salomé Lamas, avec « Theatrum Orbis Terrarum ». Quand on reçoit des nouveaux films du Portugal, j’ai tout de suite envie de les découvrir ! Ils ont quelque chose de différent.

P.G. : Il salive dès qu’ils arrivent, c’est un réflexe de Pavlov (rires) !

Parmi les programmes parallèles, j’ai isolé les films de McLaren et des séances de courts iraniens. Comment ces propositions très différentes se sont retrouvées chez vous ?

P.G. : On ne cherche jamais les écrans parallèles, ils viennent à nous. C’est lié à des rencontres, des discussions en interne comme pour les films iraniens ou à l’extérieur pour les films de McLaren. On a nos envie, notre curiosité et on donne aux spectateurs l’opportunité de voir des programmes parallèles à nos programmes. Si les films viennent nous chercher, on va les programmer parce qu’on a réellement envie de les voir et de les partager.

Propos recueillis par Katia Bayer

Article associé : Festival du nouveau cinéma 2014, notre compte-rendu

Supervénus de Frédéric Doazan

Animation, 3’, France, 2013, 12fps.net

Synopsis : Un chirurgien plasticien s’en donne à cœur joie pour transformer une femme selon les canons de beauté les plus courants. On ne peut plus l’arrêter !

Dans un ancien livre de sciences, une main munie d’objets effrayants va transformer progressivement l’image d’une femme ordinaire en celle d’une femme correspondant aux canons de beautés actuels. De l’épilation à la chirurgie en passant par les UV, cette femme va lentement devenir Supervénus. Sans paroles, avec seulement quelques bruitages, le film dénonce avec humour et universalité les débordements de la chirurgie esthétique.

Zoé Libault

Hillbrow de Nicolas Boone

À bout de souffle

Tout commence par un souffle prêt à rompre, celui d’un garçon sur le toit d’un gratte-ciel. On ne sait pas vraiment où on est, mais on devine bientôt, c’est bien Johannesburg derrière lui. Ce garçon surgit dans l’étrange lourdeur d’une caméra qui plane. Il respire fort, il est sur le point de sauter, il est à bout de course, son regard ne dérive pas. On entend des voix hors-champ qui attendent de l’attraper, mais qui le supplient de ne pas commettre le pas de trop. Alors, comme un hiatus entre la vie et la mort, c’est l’intensité de son existence qui se joue ou plutôt qui se pose, se dépose, s’expose. Tout commence donc par un vertige, par une fin possible, par cette survie qui précède la chute. Par un cinéma qui ne s’avoue ni vaincu ni vainqueur face à la brutalité des faits, par un cinéma qui ose faire ce qui est sa tâche première : montrer pour mieux déchirer le cycle des violences sociales.

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Ce premier plan, cette configuration qui interroge les pulsations d’un hors-la-loi sud-africain, ouvre le court-métrage de Nicolas Boone, « Hillbrow » (2014). Le film n’a pas volé son Loup argenté du meilleur court-métrage de la compétition internationale au Festival du Nouveau Cinéma à Montréal. Il tire sa puissance d’un dispositif étonnant, fondé sur une série de plans-séquences captant au passage les hommes délaissés du centre-ville. On est au carrefour entre la vie et les images. Car ces hommes sont nés là, ont déjà marché dans ces rues et ces escaliers avant qu’on les filme, et la mise en scène ramasse la banalité de leurs actes criminels et l’intensité de leurs dés-espoirs.

Le film semble donner son sens au mot “acteur”, il offre à ces êtres l’espace d’être des acteurs d’un type nouveau. Les acteurs d’une fiction dont ils sont habituellement les agents dans la réalité. On a donc affaire à du documentaire, capable de transformer la violence en matière cinématographique. Un film intransigeant qui répond à une redoutable misère.

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« Hillbrow » surprend par son approche, le rapport que les personnages tissent avec l’espace et sa temporalité. Le réalisme atteint ses sommets et ses bas-fonds, il passe sans cesse d’un extrême à l’autre. Plus précisément, il se donne des moyens esthétiques d’inscrire les êtres dans un territoire, ce quartier d’Hillbrow où la joie de la danse apparaît comme un maigre contre-point à l’entassement des corps, le délabrement des maisons, l’absence de perspectives. On pense à ces corps défigurés des tableaux de Francis Bacon. Ni optimiste ni pessimiste, le film se termine néanmoins sur une image d’ascension; un vieil homme monte les marches d’un stadium. Jusqu’en haut ? Non, la fatigue a raison du vieillard. À bout de souffle. L’image répond à la situation initiale; ici, la limite n’est pas spatiale, elle est intérieure. Les hommes qu’on montre seront toujours stoppés malgré les tentatives, malgré la volonté, malgré les rêves.

Dans ce film, il n’y a nulle trace de complaisance, de gentillesse, de quelconque prétention, et surtout pas de prétendue nécessité de parler à la place des sujets soumis. Cependant, jaillit une vraie ambition, artistique et politique. Le réalisateur s’y était déjà employé avec succès dans le film « 200% », réalisé dans la banlieue lyonnaise en 2010. Si ce dernier penchait vers la fiction, « Hillbrow » s’attache à élaborer une approche documentaire inattendue. Plus généralement, le film semble proposer une manière tout à fait inédite d’aborder les êtres, leur violence et leur beauté, à travers son regard entêtant et signifiant.

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Mais on serait bien en peine de d’imposer une catégorie à cette œuvre éclatante tant celle-ci déstabilise même l’entreprise critique. Si l’enjeu de la critique est de mettre des mots, elle ne doit pas prétendre remplacer le cinéma. Au contraire, elle ne doit pas perdre de vue l’évidence que le cinéma, dans ses coins reculés, et souvent loin de France et ses visions américanisantes, continue de se réinventer. En secret, ce film nous amène à ne pas confondre entre réalisme et réalité. Par la fermeté de sa mise en scène de la dégradation, il est même un manifeste. Il murmure l’évidence que le cinéma survivra à la critique fataliste de la même manière que les désirs humains continueront à bousculer les structures, capitalistes ou autres.

Mathieu Lericq

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Sujet associé : l’interview de Nicolas Boone réalisée par le Festival du nouveau cinéma

Pour information, le film sera projeté le jeudi 12/2/2015, dès 20h30 au Studio des Ursulines (Paris, 5ème), en présence de Nicolas Boone, dans le cadre de la séance spéciale consacrée au Festival du Nouveau Cinéma (FNC) de Montréal

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Fiche technique

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Synopsis : Hillbrow, l’ancien pôle culturel branché de Johannesbourg, est devenu un quartier (populaire) hyper dense, assez violent. À partir de récits collectés sur place, le film propose une traversée géographique guidée par des personnages fictifs qu’incarnent des habitants du quartier. En dix parcours, Hillbrow dessine un labyrinthe de tensions urbaines.

Genre : Documentaire

Durée : 33’

Pays : France

Année : 2014

Réalisation : Nicolas Boone

Image : Chris Vermaak

Son : Leon Rivas

Montage : Philippe Rouy

Production : Tournage 3000

Article associé : la critique du film