Tous les articles par Katia Bayer

Côté Court 2014, morceaux choisis

Au festival Côté Court de Pantin, le programme 5 de la compétition fiction regroupait quatre courts métrages réunis a priori pour leur propension à inscrire leurs récits dans le cadre champêtre de la province française. Des volutes brumeuses enveloppant les pics des montagnes filmées en plans larges (récurrents dans les films de la sélection) aux enceintes des petits villages chargés de folklore et de légendes, la province filmée par les cinéastes de ce programme se faisait le berceau des rêves, des révoltes ou des miracles.

Devenu quasiment un sous-genre dans la production de courts métrages français, le film-province ou film-de-campagne invite ses personnages à partir en quête d’exils, d’aventures, à emprunter des chemins escarpés pour revenir aux sources. Si les films composant cette sélection ne dérogent sensiblement pas à cette règle du genre, ils invitent néanmoins à prolonger cette réflexion et à l’étendre au processus même de fabrication : comment les auteurs de ces courts métrages appréhendent leurs récits, les possibilités de la fiction et ses glissements de terrains, aussi bien narratifs que formels ?

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Le premier film du programme, « Au vent » réalisé par Vincent Tricon, ancien étudiant en montage à la Fémis, constitue une belle entrée en matière. Le jeune cinéaste a exhumé de sa banque d’images les rushs d’un précédent projet mené au sein de l’école et a entrepris de les monter, composant ainsi un étrange court métrage dont le résultat relève d’avantage de l’essai que de la fiction pure.

Le film s’ouvre sur des plans aériens rasant des décors de plaines tandis que s’inscrivent à l’écran quelques sous-titres posant sommairement le cadre de l’action : un jeune homme se remémore un hiver passé à la campagne en compagnie de sa sœur et de leur meilleur ami, l’intimité qu’ils partagèrent et l’instant de bascule qui troubla cette douce harmonie. La narration éclatée procède par une irruption de flashs impressionnistes pour constituer un semblant de cadre, quelques repaires donnés par l’agencement de courtes scènes de vie (jeux dans la nature, confidences échangées à une terrasse de café) en un fil narratif très ténu.

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Ces partis pris formels – que l’on imagine aussi bien imposés par la matière dont disposait le cinéaste que par ses intuitions au moment du montage – déplacent l’intérêt du film en réduisant les enjeux du récit de fiction au strict minimum, les figures se mouvant sur l’écran ayant à peine le temps de devenir des personnages. Le film tire sa force et sa singularité de sa capacité à accueillir des images de natures diverses, à faire surgir dans son montage des instantanés a priori déconnectés du récit. Ainsi, lorsque s’insère dans la narration un plan large filmant un troupeau de moutons tournant leur regard vers l’objectif de la caméra, l’on est saisi par la beauté du plan et convaincu qu’il a parfaitement sa place. Les images glanées par Vincent Tricon portent en elles le souvenir d’un tournage peut-être plus émouvant que la fiction recomposée.

Le prologue de « Madeleine et les deux apaches », projeté en quatrième position du programme, semble répondre au film de Vincent Tricon. Un montage de rushes filmés en vidéo restitue la journée d’une famille en vacance, moment saisi par la Madeleine du titre, étrange grand-mère bienveillante dont la seule présence passe par la voix douce et reconnaissable entre toutes de la comédienne Marie Rivière. La caméra s’attarde longuement sur Myrtille, la petite-fille de Madeleine dont elle enregistre les jeux d’enfants qui sont autant de signes annonçant le récit de fiction à venir (le costume d’indien qu’elle enfile, le titre de variété qu’elle chante à capella). Vers la fin du prologue, Myrtille demande à sa grand-mère : « Pourquoi tu ne regardes jamais les images que tu filmes ? Comme cela, tu saurais si ce que tu as filmé est beau !». Cette réflexion contient en germe la principale question que pose le cinéma de Christelle Lheureux : à quel moment décide-t-on de croire à ce que l’on voit, de faire aveuglément confiance à notre seul regard, que l’on soit créateur ou spectateur ?

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Passé ce très beau prologue, certainement la partie la plus émouvante du film, Lheureux développe une fiction et filme Myrtille devenue adulte, incarnée par Clémentine Beaugrand. Celle-ci confie, au réveil, un rêve qu’elle vient de faire à son amoureux (Thomas Blanchard). Le récit du film prend alors la forme d’une promenade dans l’univers onirique de Myrtille où elle guide son amoureux et le spectateur à travers différents décors, remontant le fil de sa mémoire et composant progressivement un portrait de l’énigmatique Madeleine. Ce dispositif permet à la cinéaste de procéder elle aussi par digressions pour construire son récit, reproduisant ainsi la forme décousue que prennent les rêves.

Si dans « La Maladie blanche », le précédent opus de Lheureux (lauréate du Prix Format Court au Festival de Vendôme en 2012), nous suivions un sanglier jusque dans une grotte où la découverte de peintures rupestres raisonnait avec la réflexion que menait le film autour des origines du langage, c’est en poursuivant dans « Madeleine » une balle de ping-pong dans un tunnel que l’on remonte aux origines du cinéma, assis dans une salle face à un film muet de Louise Brooks. Christelle Lheureux parvient à nous surprendre en usant délibérément de l’artifice, comme un magicien qui n’hésiterait pas à expliquer les secrets de ses tours de passe-passe en même temps qu’il les exécute. Le pacte de la fiction ainsi renouvelé remet le spectateur fasse à sa propre croyance et l’invite à élargir le cadre de ses perceptions.

Aux antipodes, le film « Poisson » de Aurélien Vernhes-Lermusiaux échoue à remporter notre adhésion. Le film fait le récit du périple entrepris sur les routes de campagne par une mère et ses deux jeunes enfants à la suite de la mort de leur père, ponctué par quelques rencontres insolites et les manifestations d’étranges phénomènes. L’ennui, c’est que chaque péripétie, chaque glissement de terrain dans ce « Poisson » se heurte à un encombrant souci de « bien faire » de la part du réalisateur, soucieux de trouver le juste dosage entre chaque élément qui compose son film jusqu’à figer l’ensemble dans une espèce de carte postale décorative et désincarnée. Ainsi, le casting (trop) bien élaboré réunissant les talentueux Adélaïde Leroux, Samir Guesmi et Nathalie Boutefeu ne parvient pas à transcender un scénario surécrit dans lequel chaque dialogue, chaque intention est surlignée et coûte cher à l’interprétation des comédiens. Lorsque la mère explique la mort à son fils d’une voix blanche en disant que « papa était tout cassé à l’intérieur et que les médecins n’ont pas pu le réparer », on souffre grandement pour Leroux.

À ce souci d’explicitation outrancier, s’ajoute une manie pour l’échantillonnage de scènes « tendances », symptomatiques du court métrage français : la drague inoffensive en mode provoc’ entre adultes qui se comprennent, une séquence documentaire où des « vrais gens » découpent la « vraie viande » d’un « vrai cochon »,…

Le film avance tranquillement sur ses rails, tant et si bien que lorsque la chute survient, son caractère fantastique amuse plus qu’il ne surprend. Vernhes-Lermusiaux a tellement bien préparé le terrain que son miracle final n’émeut pas et laisse flotter une odeur de pétard mouillé.

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Terminons avec un film de mauvais élève réjouissant, foutraque qui nous donne des nouvelles de l’une des plus stimulantes jeunes pousses du cinéma français : Frédéric Bayer-Azem, auteur des courts métrages « Les Ficelles » et « Pan » venu présenter « Géronimo », son petit dernier pour la première fois en compétition à Pantin. Comme dans ses précédentes réalisations, Bayer-Azem ouvre son film par un coup de dé fictionnel, un postulat improbable auquel il faut adhérer. Ici, un groupe de parisiens branchés débarquent dans un petit village de province pour y mettre le souk, faire du bruit et surtout investir la fête foraine, perturbant ainsi les bandes d’enfants venus s’amuser tranquillement.

Passé les premières scènes semblant établir une dichotomie un peu rapide entre les adultes et les enfants, les parisiens et les provinciaux (lorsque la bande attaque une parade costumée défilant à travers le village à grand renfort de gestes et de paroles obscènes), le rythme s’emballe, le montage éclate la narration et le film mute vers une forme plus surprenante et abstraite. Dès lors que les parisiens investissent l’attraction phare de la fête foraine, à savoir le stand d’autos-tamponneuses, le film se met à fonctionner comme une centrifugeuse, brassant violemment toutes les images dans un tourbillon furieux et insaisissable.

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À l’instar des véhicules colorés pilotés par les protagonistes, les plans s’entrechoquent, surgissent de nulle part et font dévier en permanence nos attentes de spectateurs. Chaque saillie comique se teinte d’un sentiment d’inquiétude, d’une violence latente s’apprêtant à éclater au milieu de ces jeux d’enfants. L’intervention d’un tiers personnage, le jeune et fringuant Géronimo, indien mutique passé maître dans la conduite d’auto-tamponneuse, sera l’incident déclencheur qui sonnera la fin des hostilités. Au milieu de cette nouvelle communauté constituée d’enfants et d’adultes originaires de multiples ethnies (blancs, noirs, arabes, juifs…), se rejouent les enjeux libéraux du monde occidental, où ceux qui ont l’argent (les jetons) mènent la danse et imposent leur régime.

La dimension politique du film de Bayer-Azem devient progressivement acide et tranchante à mesure que les tensions apparaissent entre la bande de parisiens et le jeune apache venu perturber leur manège. Son exclusion est inévitable, et le couperet tombe violemment lorsque le groupe isole l’Indien avant de le dégommer au volant de leurs autos-tamponneuses. Difficile de ne pas deviner, à la vision de cette rixe fantasmée, la douleur et la colère légitime d’un cinéaste qui parvient à sublimer son regard par les moyens du cinéma.

Au détour de l’un des dialogues savoureux du film, un des parisiens échange quelques réflexions avec un enfant noir alors qu’il désigne une des filles de la bande : «Un soleil, Caroline ! Elle libère les gens !». Et l’enfant de rétorquer : «Moi, je me libère tout seul.» Frédéric Bayer-Azem s’est libéré depuis longtemps et poursuit sa route chaotique vers un horizon cinématographique inconnu. Nous le suivrons pas à pas.

Marc-Antoine Vaugeois

Carte blanche Format Court au Festival Partie(s) de Campagne

Du 11 au 14 juillet prochain se déroulera la 7ème édition du festival Partie(s) de Campagne, à Ouroux en Morvan. L’association Sceni Qua Non soutient ce parti pris engagé de développer le cinéma en milieu rural. Avec une convivialité et une proximité revendiquées, le festival accueille les spectateurs dans divers lieux de ce village bourguignon et propose cette année 6 programmes en compétition francophone, 2 en compétition jeune public, 2 en compétition documentaire, des cartes blanches, une sélection de films internationaux, des ciné-concerts, des films d’animations, des rétrospectives, et des rencontres avec les nombreux réalisateurs présents.

Format Court sera plus que présent pour cette édition puisqu’il fera partie du Jury pro et bénéficiera d’une carte blanche conçue par Marie Bergeret, Juliette Borel et Adi Chesson. Pour l’occasion, sept films, coups de cœur d’hier et d’aujourd’hui, découvertes d’ici et d’ailleurs seront présentés dans une diversité de tons et de genres le samedi 12 et le lundi 14 juillet dans la salle Frères Lumière, en présence de Juliette Borel.

Programmation

A Family Portrait de Joseph Pierce (animation, 5′, 2009, Royaume-Uni)

Un portrait de famille tourne mal à mesure que jalousie et soupçons se font jour, sous le regard implacable du photographe. Le malaise règne à la fin de la séance, laissant présager une journée mémorable.

Articles associés : la critique du film, l’interview de Joseph Pierce

The Corridor de Sarah Vanagt (documentaire, 7’, 2010, Belgique)

Durant 5 jours, Sarah Vanagt et Anne-Marie Lean-Vercoe ont suivi un âne pendant ses visites hebdomadaires dans une résidence pour personnes âgées dans le Sud de l’Angleterre.

Article associé : la critique du film

Les Possibilités du dialogue de Jan Svankmajer (animation, 12’, 1982, République Tchèque)

« Deux personnages inspirés des peintures d’Arcimbolo, deux visages d’argile et des bustes d’amoureux forment un triptique impitoyable sur l’incompréhension. »

Article associé : Jan Švankmajer en DVD  

Not Swiss Made de Apiyo Amolo (documentaire, 2′, Suisse, 2012)

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Apiyo Amolo, d’origine kenyane, vit à Zürich depuis plusieurs années. Ce personnage fantasque et fascinant n’hésite pas à aborder de manière frontale et hirsute les sujets qui la touchent. C’est ce qu’elle fait dans ce film de deux minutes qui traite de la position particulière de la double culture.

Articles associés : la critique du film, l’interview d’Apiyo Amolo

Robyn O (14) de Cecilia Verheyden (fiction, 25′, Belgique, 2012)

Robyn est une ado qui fait tout son possible pour accompagner ses grands frères à des soirées, mais ils ne veulent pas d’elle…

Figs In Motion de Trevor Anderson (expérimental, 8’, Canada, 2010)

Deux hommes se transforment en ballerines à tête de cheval et tutu, pour un ballet aussi bestial qu’impromptu.

Prora de Stéphane Riethauser (fiction, 23’, Suisse, 2012)

Prora, au bord de la Mer Baltique. Un centre de vacances érigé par les Nazis aux dimensions infinies. Dans ce colosse de béton, Jan et Matthieu, un Allemand et un Français, 17 ans, s’embarquent dans une aventure qui va confronter leurs identités et mettre en péril leur amitié. Fable sur l’adolescence et la découverte de soi, Prora est une tendre histoire d’amour et d’amitié.

Article associé : la critique du film

Festival du Film Court en Plein Air de Grenoble, le palmarès

À Grenoble, les différents Jurys (international, presse, jeune, Format Court) ont rendu leurs verdicts ce samedi 5 juillet 2014, à l’occasion de la remise de prix de la 37ème édition du Festival du Film Court en Plein Air. Voici leurs choix respectifs.

Palmarès

Jury international (Hichem Ben Ammar, Nicole Gillet, Youna de Perretti, Giuseppe Gavazza)

Grand Prix ex-aequo : La lampe au beurre de yak de Hu Wei

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Le Skate Moderne d’Antoine Besse

Prix du meilleur scénario,  Prix Unifrance, Prix du public : Du grain à moudre de Sonia Lauré

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Mention : Man on the chair de Dahee Jeong

Prix Spécial : Serori de Pedro Collantes

Prix d’aide à la création : Ceux qui restent debout de Jan Sitta

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Jury Presse (Caroline Vernisse, Maïlys Medjadj, Gilles Colpart, Sylvain Angiboust, Jean-Pierre Andrevon)

Prix de la Presse : La lampe au beurre de yak de Hu Wei

Mention : Shadow de Lorenzo Recio

Jury Jeune

Prix ex-aequo : Shadow de Lorenzo Recio et Rendez-vous avec Ninette de Souad Amidou

Mention : Land de Masanobu Hiraoka

Coupe Juliet Berto : La Bête de Vladimir Mavounia-Kouka

Prix du festival Connexion-Région Rhône Alpes : Shadow de Lorenzo Recio

Jury Format Court (Katia Bayer, Camille Monin, Mathieu Lericq) 

Prix Format Court : Le Skate Moderne de Antoine Besse

Mention : T.I.A. (This is AfricA) de Matthieu Maunier-Rossi

Prix du concours de scénario 

Stage d’écriture : Éclats de Patrick de Meersman et Luna Park de Pablo Leiva

Bourse d’aide à la création : Incomplet de Michaël Schapira Villain

Le Skate moderne d’Antoine Besse, Prix Format Court au Festival de Grenoble

Le 37ème Festival du Film Court en plein air de Grenoble s’est achevé ce weekend. Format Court y a récompensé pour la première fois un film en compétitionLe Jury Format Court (Katia Bayer, Camille Monin, Mathieu Lericq) a décerné son prix (dossier spécial & projection dans le cadre des soirées Format Court) au film « Le Skate moderne » réalisé par Antoine Besse et a attribué une Mention spéciale à  « (T.I.A) THIS is Africa » de Matthieu Maunier-Rossi.

Prix Format Court : Le Skate moderne d’Antoine Besse (France, documentaire, fiction, 6’43 », KloudBox Production)

Synopsis : Loin des lignes classiques au « fisheye », des spots de béton lissés et parfaits, « le skate moderne » nous présente un groupe de skaters qui n’hésitent pas à mettre leurs boards dans la boue et rouler sur un environnement insolite et atypique, celui de nos campagnes. Entre fiction et documentaire, la vidéo suit de manière contemplative une bande de skaters/fermiers dans les coins les plus reculés de la Dordogne.

Mention spéciale : (T.I.A) THIS is Africa de Matthieu Maunier-Rossi (France, République du Congo, fiction, vidéo d’art, 7’15 », auto-production)

Synopsis : Les rues populaires et les marchés de Brazzaville… Aïpeur Foundou y danse, au milieu de tous. « Quand on danse, on ne peut pas tricher ». C’est une forme de liberté.

Wei Keong Tan : « L’illustration est pour moi la meilleure manière de communiquer mes idées »

Avec son univers à la fois intime mais accessible et ses techniques diverses et très maîtrisées, Wei Keong Tan était le seul Singapourien à avoir vu son film, « Pifuskin », sélectionné à Annecy cette année. Récemment diplômé, repéré au SIGGRAPH et déjà auteur de trois courts-métrages d’animation mais aussi d’installations d’art contemporain et d’effets spéciaux, il nous parle de son parcours, parti d’un pays atypique et méconnu.

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Comment as-tu eu l’idée de travailler dans l’animation ?

J’aime dessiner, je viens en réalité du milieu de l’illustration. À l’époque, j’envoyais des dessins à un journal de Singapour. Pendant mon service militaire, la première licence en cinéma d’animation du pays s’est mise en place à l’université de Singapour. Je me suis dis que c’était le moment idéal pour aller étudier là-bas après mon service.

J’y suis entré sans avoir réellement en tête l’idée de faire de l’animation ; c’est seulement en deuxième année que j’ai réalisé que je voulais raconter des histoires avec des images en mouvement. C’est ainsi que je m’y suis mis.

Habituellement, mes histoires commencent par une seule image. Par exemple, mon premier film, « White », raconte l’histoire d’un homme qui a une boîte à la place de la tête. Le film a commencé avec cette idée et j’ai construit mon histoire autour.

Au début du développement de l’histoire, il m’arrive de m’arrêter pour réfléchir à nouveau à la nature du personnage principal et à son évolution. Du coup, parfois, je me surprends moi-même avec la tournure que prend l’histoire.

Tu commences donc avec une image, puis la technique et l’histoire suivent ?

Oui, mais quand j’ai l’image en tête, j’ai déjà un peu une idée de l’histoire et du sujet Par exemple, « White » parle d’identité alors que mon deuxième film, « Hush Baby » parle de la lutte pour s’adapter dans la société et dans son environnement immédiat. Pour « Pifuskin », il s’agit plus d’une lutte intérieure avec le corps, la sexualité et d’une tentative d’être à l’aise avec soi-même avant d’aller à la rencontre des autres.

Quand je tiens une idée d’histoire, je pense aux raisons qui me font choisir un certain aspect visuel. Je me demande aussi quel est mon attachement à l’histoire que je raconte. Je travaille donc à l’envers et me découvre de plus en plus au fil de mon travail. C’est seulement après que je me rends compte que cela a une signification cachée pour moi. C’est tantôt à cause de ma mère ou de ma famille. Mais cela ne prend du sens qu’une fois que le film est en cours de réalisation ou terminé.

Est-ce que tu fais toujours de l’illustration ?

En quelque sorte. Quand j’écris mes idées, je les dessine. J’ai récemment fait l’affiche du film « Ilo Ilo » d’Antony Chen. L’illustration est pour moi la meilleure manière de communiquer mes idées. C’est le langage avec lequel je suis le plus à l’aise. Mon frère et moi avons grandi en lisant des BD. Je suis parti de là, des BD japonaises et taïwanaises et de mon goût pour le dessin.

Tu évoques des influences japonaises et taïwanaises. Comment définirais-tu un style graphique typiquement singapourien ?

Je ne pense pas qu’il y en ait un. S’il y a une caractéristique qui regroupe la plupart des réalisateurs singapouriens, en prise de vues réelles ou en animation, je pense que ça pourrait être la probité. Des cinéastes comme Anthony Chen, Eric Khoo ou Kelvin Tong sont très honnêtes, ne font pas d’esbroufes, ni d’agressions gratuites. Leurs films débordent sur des questions plutôt politiques et ça pourrait être une seconde caractéristique du cinéma singapourien.

Tes films utilisent des techniques vraiment différentes. En cherches-tu une en particulier dans laquelle te spécialiser ou penses-tu continuer à expérimenter ?

Avec « Pifuskin », j’ai fait du stop-motion avec un arrière-plan en noir et blanc contrastant avec la couleur de la peau que l’on trouve partout dans le film, autant sur les personnages que dans les décors. Je pense que j’ai trouvé là un style qui m’intéresse. J’aimerais explorer des thèmes qui seront en rapport avec ce style. Je compte donc continuer un moment dans cette direction, au moins pour le prochain film.

Avant l’interview, tu m’as parlé de ton affection pour le travail de Koji Yamamura. Il y a des similitudes esthétiques entre son travail et le tien comme le fond blanc et la stop motion.

C’est un peu mon idole. C’est quelqu’un de formidable, il dessine tout sur une seule feuille unique. Je l’ai rencontré à Singapour il y a 4 ou 5 ans. C’est une belle personnalité, il a une vraie vision de ce qu’il veut faire.

Pour revenir à ton dernier film, que cherchais-tu à obtenir avec cet univers sonore, composé de grattements de peau et de sons saturés ?

Le sound design est fait par un collègue singapourien, Darren Ng. Il est très réputé à Singapour. C’est mon premier travail avec lui. Il décrit souvent son travail en expliquant qu’il veut créer un univers très réaliste. C’est ce style qu’on trouve au début de « Pifuskin », puis il y a un passage plus musical qu’on a appelé ensemble « la séquence du rêve ». Quand la musique s’arrête, nous avons marqué le retour à la réalité en reprenant le bruitage des grattements.

L’idée était de commencer avec un son et un corps familier pour que tout le monde puisse se sentir concerné. Quand la musique commence, il y a une séquence qui correspond à une naissance et qui est conçue pour emporter le spectateur et l’amener vers un rêve. C’est avec Darren que j’ai le plus parlé de cet enchaînement : « réalité – rêve – réalité » qui est en fait la structure du film.

Le but du film serait donc de faire partager au public un de tes rêves ?

Oui, il n’y a pas vraiment de morale ou de message que j’aimerais que les spectateurs emportent avec eux. C’est le contact lui-même que je valorise. Du moment que les gens quittent le film avec une certaine chaleur et un sentiment de familiarité, ça me suffit déjà amplement car pour moi, l’essentiel, c’est le spectateur.

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Quand on voit ta bande démo sur ton site, on y trouve plus d’images de synthèse.

Oui, ça, c’est plus lié au travail, mais je n’ai pas actualisé mon site depuis longtemps. C’est le travail que j’ai fait en revenant du Japon, après « Hush Baby ». C’est un graphisme très hollywoodien et justement, ça m’a donné envie de faire mon film indépendant.

Penses-tu que les techniques d’animation par ordinateur dont tu te sers dans ton travail t’ont aidé pour tes œuvres plus personnelles ?

Pas vraiment. Le travail en image de synthèses que je fais est vraiment hollywoodien, comme la série « Transformers Prime ». C’est très différent car pour ce genre de travail, un superviseur te dit quoi faire et tu exécutes la commande. Pour mes films indépendants, je réalise et effectue le travail moi-même, avec mes idées. C’est donc autant différent au niveau des idées qu’au niveau des outils en eux-mêmes.

Je trouve évidemment l’animation indépendante bien plus stimulante. J’ai plus confiance pour montrer mon travail quand il reflète vraiment mes idées personnelles. Il y a aussi l’idée séduisante de faire partie de la petite communauté d’animateurs que nous formons, moi et quelques autres, à Singapour. Ca sonne un peu comme un rêve communautaire mais c’est faisable car Singapour est un tout petit pays.

Tes courts-métrages peuvent être ressentis comme des brefs chocs pour les spectateurs. Te sentirais-tu prêt pour un long-métrage où une esthétique du choc est plus difficile à tenir ?

Je pense que j’ai besoin de poursuivre mes expériences en courts-métrages pour encore quelques années. Pour moi, l’histoire est très importante, mais pour l’heure, je n’ai pas de scénario construit, mais, bien sûr, je reste assez impatient de faire un long-métrage. Peut-être d’ici deux ou trois ans, je serai à même de commencer la réalisation d’un long.

À part Koji Yamamura, y a–t-il d’autres artistes qui t’inspireraient pour les longs métrages ?

J’aime le film japonais « Mind Game » de Masaaki Yuasa. C’est un des premiers films d’animation japonais que j’ai vus avant de faire mon premier film.

À Annecy, j’ai vu « Le Garçon et le monde » d’Alé Abreau, Cristal du long métrage à Annecy. C’est un film qui est un vrai jalon pour le long-métrage d’animation contemporain. Un petit garçon nous y montre le monde et l’industrialisation du Brésil. C’est une histoire très adulte mais également très enfantine en même temps, composée uniquement de dessins d’enfants. C’est un film très inspirant au niveau musical, mais également au niveau des couleurs et du graphisme.

Propos recueillis par Georges Coste

Consultez la fiche technique du film

Article : la critique du film

Festival d’Annecy, Off Limits

Cette année, le festival d’Annecy a réaffirmé sa relation privilégiée avec l’expérimentation et a proposé pour la deuxième année consécutive un corpus de 12 films labélisé « Off Limits », avec cette fois-ci un prix à la clef. Cette sélection a joué les sentinelles et est allé chercher aux frontières de l’animation et de l’expérimentation des films qui ne caressaient pas le spectateur dans le sens du poil.

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La séance débute par un film chinois en 3D « Magician Party and Dead Crow » (Moshushi dang yu si wuya) qui nous donne à voir quelques représentants d’un ancien monde peuplé de divinités étranges et inquiétantes. Le réalisateur Sun Xun court-circuite dès les premiers instants le cours du récit en s’invitant avec ses animateurs devant la caméra, nous montrant ainsi l’envers du décor et la mise en place de l’animation. Les rôles sont inversés : les dieux se retrouvent articulés devant nos yeux par de simples mortels. Malgré cette rupture brutale dans le dispositif, l’aura qui entoure ces êtres de légende continue à exercer une certaine fascination.

Le film suivant, « Virtuos Virtuell » est tout aussi fascinant. Réalisé à partir de tâches d’encres animées et accompagné par une musique d’orchestre, ce court-métrage allemand opère un savant mélange entre formes abstraites et figuratives associées avec justesse à une musique qui donne à la fois le rythme et la direction. Interactions, confrontations et poursuites : l’encre court sur la page blanche et semble agir comme une sorte de catalyseur d’émotions naviguant entre joie, colère et curiosité. Un véritable poème animé.

On sort de la quiétude de ce petit monde pour entrer dans la violence et le bruit de « Picture Particules ». Ici aussi, on s’adresse directement à nos sens mais cette fois-ci pour mieux les mettre à l’épreuve. Après « Hex Suffice Cache Ten » il y a deux ans, l’Allemand Thorsten Fleisch continue à explorer les zones tumultueuses de notre perception et passe un cran au dessus dans la radicalité, en nous offrant une sorte de magma d’images colorées et fulminantes accompagné de sons plutôt agressifs. Si l’on est attentif, on peut reconnaître quelques formes familières entre deux photogrammes. Selon le réalisateur, l’incursion de ces quelques images à des moments bien précis vise à capturer l’instant où l’oeil aperçoit dans son champ de vision ces particules en mouvement.

S’ensuit une petite promenade en plein air sur les marches de la butte Montmartre où l’on peut voir François Vogel déclamer avec un sympathique accent français un poème de Henri Michaux « Marchant Grenu » (ou plutôt Walking Grenu) dans la langue de Yeats. Le réalisateur de « Cuisine », « Stretching » et de « Terrains Glissant » poursuit ses expérimentations à base d’effets kaléidoscopiques et d’objectifs « fish eye », magnifiant le monde qui l’entoure de ses circonvolutions filmiques.

Réalisé par un ancien élève de l’école du Fresnoy (promotion Chris Marker), le film « Gli immacolati » de Ronny Trocker nous plonge dans un tout autre univers. Déjà présenté en sélection nationale au festival de Clermont Ferrand cette année, ce film explore à sa manière un lieu désaffecté et occupé par plusieurs familles rom. Le réalisateur prend le parti de déconstruire les a priori qui peuvent exister vis-à-vis de ce lieu et de ses occupants. La voix-off poursuit le même but : mettre à plat le processus qui a conduit un groupe de personnes d’un quartier à s’en prendre aux habitants de ce lieu. Avec des cadres épurés et une animation en 3D pleine de sobriété et d’inventivité, le réalisateur plante un décor et créé une ambiance qui lui permet de parler de façon inattendue d’un sujet qui demeure d’actualité depuis plus d’un siècle : le sort réservé par les Européens aux peuples itinérants.

On change complétement d’horizon avec « Theresia » qui nous propose une ballade improvisée conduite par Thomas Steiner. Le réalisateur autrichien n’en est pas à son coup d’essai : il réalise depuis 1986 des films expérimentaux où il travaille à la fois la peinture et la pellicule. Ici, il combine instinctivement ces différentes techniques les faisant évoluer dans l’espace, débordant du cadre et prenant de vitesse nos rétines. Le minimalisme des formes et la répétition des sons nous amène spontanément devant les portes de l’abstraction. Libre à nous de les entrebâiller.

Les portes refermées, l’esprit encore vagabond, les abstractions colorées se changent alors en « Corps Etrangers », titre du nouveau film de Nicolas Brault après notamment « Le Cirque » et « Hungu ». Il a reçu pour ce nouveau film le prix prix « Off-Limits ». Réalisé à partir de radios ou d’IRM de parties du corps humain, le réalisateur transforme ces « corps transparents » que l’on peut voir dans l’imagerie médicale moderne pour les amener assez naturellement à se mouvoir dans un espace obscur et indéterminé, à tel point que l’on en vient presque à oublier la provenance de ces images et découvrir chez certaines d’entre elles des parentés avec des méduses ou d’autres animaux marins qui hantent le fond des mers. Ce film a reçu le prix du film « Off-Limits ».

La séance se poursuit avec le nouveau film de Theodore Ushev, « 3e page après le soleil » dont la carrière a débuté dans le cadre d’une installation à la Cinémathèque québécoise et se poursuit maintenant en festival. Après « Gloria Victoria », « Drux Flux » ou encore « Les Journaux de Lipsett », Theodore Ushev prend une nouvelle direction et livre ici un film âpre et brut fait de matières et de couleurs où le support utilisé – le papier – est le thème central du film. Entre dématérialisation, rareté et recyclage, l’utilisation de ce matériau a beaucoup évolué ces dernières décennies. Partant du postulat que le livre est une espèce en voie de disparition et que son usage va bientôt tomber en désuétude, Theodore Ushev s’est demandé ce que nous allions faire des livres et il en a fait un film. S’inspirant du palimpseste (autrement dit de parchemins déjà annotés dont on a gratté les inscriptions pour y écrire à nouveau), il transforme un programme de festival en œuvre d’art.

Le film suivant, « Box » réalisé par l’Américain Tarik Abel-Gawad, aurait pu lui aussi être montré lors d’une exposition d’art. Il s’agit d’une performance en cinq étapes filmée en vrai-faux plan-séquence où a été intégrée avec ingéniosité une multitude de formes en 3D créées par ordinateur. L’alliance de ces techniques permet de produire en temps réel de véritables illusions d’optique qui trompent à chaque seconde l’œil qui les regarde. Oubliant vite le procédé, on est comme hypnotisé par ces structures qui se font et se défont sous nos yeux. Comme l’indique la célèbre citation de Arthur C Clarke qui clôt le film, « toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie ».

Les figures de « Portrait », dernier film en date de l’Italien Donato Sansone (aka Milkyeyes), n’ont rien de magique. Pourtant, elles recèlent en elles une inquiétante étrangeté qui les rend curieusement attirantes. Issues vraisemblablement d’une rencontre improbable entre les toiles de Francis Bacon et les Crados de Art Spiegelman et Mark Newgarden, ces gueules grimaçantes envahissent l’écran exhibant leurs visages grotesques et faussement statiques. S’ajoute à cela une ambiance sonore qui distille sans fioritures une certaine angoisse tandis que ces têtes flottent dans l’image comme dans une vision cauchemardesque. Après « Topo Glassato Al Cioccolato », Donato Sansone confirme son talent pour créer des atmosphères marquées par la peur et la monstruosité, et nous donne à voir ici une galerie de personnages tous les plus inquiétants les uns que les autres.

A l’origine, le film « E in Motion 2 » de Sumito Sakakibara était présenté dans un musée sur un écran à 360° sans qu’il n’y ait ni début ni fin. Dans la version présentée cette année au festival d’Annecy, la boucle a été remplacée par un mouvement latéral qui suit les pérégrinations des personnages. Le réalisateur japonais mélange mémoires personnelles et réinterprétations de tableaux de maîtres, mettant en avant le caractère cyclique de ces scénettes. Dès les premiers instants, cette splendide fresque impose son rythme au spectateur, le ramenant au présent et l’invitant à visiter un univers foisonnant, un peu comme si les tableaux de Pieter Brueghel et de Jérôme Bosch avaient été détournés par Banksy. Une véritable œuvre-monde.

Cette séance s’achève sur le nouveau clip d’Ugly Max Beer, « Invasion » réalisé par les français Hugo Ramirez et Olivier Patté (qui sont aussi les co-fondateurs de Moustache Studio, producteur du film). « Invasion » offre en quatre minutes un condensé de scènes archétypales du cinéma d’horreur. L’intérêt principal du film réside dans l’équilibre habile qui a pu être trouvé entre le sujet, la musique et la technique utilisée, un mélange de rotoscopie et d’aquarelles magnifiées par une musique dense et percutante.

Avec sa sélection « Off Limits » pour spectateur averti, le festival d’Annecy se dote d’un véritable laboratoire de curiosité où les films dialoguent en liberté. On souhaite de tout cœur une longue vie à ce programme.

Julien Beaunay

Luminaris de Juan Pablo Zaramella

Animation, 6’14, Argentine, JPZtudio

Synopsis : Dans un monde entièrement rythmé par la lumière, un homme ordinaire nourrit un projet qui pourrait bien tout changer.

« Luminaris », court-métrage du talentueux réalisateur argentin Juan Pablo Zaramella, transporte Buenos Aires dans un monde fantastique rythmé par la lumière. Monté en stopmotion, le film combine plusieurs styles, allant de l’art déco au surréalisme en passant par le burlesque et le néoréalisme. Ce métissage d’influences est directement en lien avec l’histoire de Buenos Aires ; la ville et sa population partageant plusieurs cultures. Aussi, le film est impressionnant tant par ses jeux d’ombres et de lumières que par sa gestion de la temporalité.

Zoé Libault

Retour en images sur la séance de juin, spéciale Cannes

Jeudi 12 juin 2014, notre dernier rendez-vous de l’année avait lieu au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) pour une séance spéciale Cannes, en présence du producteur et sélectionneur Olivier Chantriaux et l’équipe de « Aïssa » de Clément Tréhin-Lalanne, lauréat d’une Mention spéciale au dernier festival. Retrouvez toutes les photos de la soirée, signées Laura Bénéteau.

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Avec le producteur et sélectionneur Olivier Chantriaux

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Avec l’équipe de « Aïssa » : Clément Tréhin-Lalanne (réalisateur),  Pauline Seigland (productrice), Romain Le Bonniec (chef opérateur), Manda Touré (comédienne)

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Festival du Film Merveilleux et Imaginaire, le palmarès 2014

Ce weekend, s’est achevé le 5è Festival du Film Merveilleux et Imaginaire. Le jury composé de Lotfaï (Chez Lotfaï ), Cécilia Pietrzko (Grown kid), Laurence Lascary (productrice DACP), Onna Clairin (scénariste et comédienne), Marie Baron (Peermusic France), Katia Bayer (Rédactrice en chef Format Court)  et Julien Seri ( producteur réalisateur Daigoro films ) a récompensé les films suivants.

Palmarès

Prix du Meilleur Film : Strange Fruit de Noy Hili et Aresay Shimi (Israël)

Prix du Meilleur film d’animation : Dji death fails de Dmitri Voloshin (Moldavie)

Prix du Meilleur scénario : La maison de poussière de Jean-Claude Rozec (France)

Coup de coeur musical : Tears of steel de Ian Hubert (Pays-Bas)

Prix spécial (coup de coeur du Jury) : Lila de Carlos Lascano (Espagne, Argentine)

Prix Quiet Earth : Beyond the sphere de Meghdad Asadi Lari (Etats-Unis)

Mention spéciale pour La petite casserole d’Anatole de Eric Montchaud (France)

Festival du nouveau cinéma, appel à films

Le 43è Festival du nouveau cinéma aura lieu du 8 au 19 octobre 2014 à Montréal.  À la recherche de films, d’œuvres interactives et de performances pour sa prochaine édition, il vient de prolonger son appel à films. Envoyez-leur vos œuvres avant le 1er juillet pour peut-être faire partie de la programmation de cette année !

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POUR SOUMETTRE UN FILM (LONGS ET COURT MÉTRAGES)

Deux façons de soumettre un court ou un long métrage : via Zone Festival ou via Withoutabox

Pour plus d’information, vous pouvez écrire à soumissions@nouveaucinema.ca

POUR SOUMETTRE UNE ŒUVRE INTERACTIVE

Dans le cadre de la section FNC Lab et de son volet compétitif dédié aux œuvres interactives, le Festival est à la recherche d’œuvres qui expérimentent avec les nouveaux formats audiovisuels et les outils technologiques les plus innovants pour raconter une histoire, exprimer un concept et contribuer, plus activement que jamais, au cinéma de demain.

Les projets Web, transmédia et multiplateformes les plus originaux et audacieux seront retenus afin d’être présentés au public et seront éligibles au Prix Innovation (1000 $) remis chaque année.

Pour soumettre une œuvre interactive, veuillez envoyer la documentation suivante à innovation@nouveaucinema.ca :

– le titre de l’œuvre
– le nom de l’auteur (optionnel : brève biographie)
– l’année de production
– une brève description de l’œuvre
– un hyperlien, une vidéo ou un support visuel

POUR SOUMETTRE UNE PERFORMANCE

Le Festival du nouveau cinéma propose, dans la section FNC Lab, une série de performances au croisement des disciplines et des différentes formes d’expression ; moments de cohabitation privilégiés entre des artistes et des publics aux horizons les plus variés. Centrées sur le caractère « live » d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques, les performances forment un ensemble hétérogène de pratiques centrées sur la présence, le performatif et l’expérience perceptuelle des sons et des images.

Pour soumettre une performance, veuillez écrire à fnclab@nouveaucinema.ca

Le site du festival : Festival du Nouveau Cinéma

Son de Daniel Mulloy

Fiction, 16’33 », Royaume-Uni, 2007

Daniel Mulloy, prodige anglais du court métrage , a signé six très beaux films dans les années 2000 mais « Son » reste à ce jour le plus fulgurant de tous. Labyrinthique, fiévreux et magique, « Son » entraine le spectateur dans un dédale de couloirs souterrains est n’est jamais là où on l’attend, quelque part entre « Shinning  » de Kubrick et « Code Inconnu » de Haneke. La mise en scène de Mulloy, nerveuse est racée est fascinante – d’un bout à l’autre du couloir.

Amaury Augé

Festival Côté Court 2014, le palmarès

Le festival Côté Court s’est terminé ce weekend. En voici le palmarès en attendant la parution de notre focus.

COMPÉTITION FICTION

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GRAND PRIX FICTION, PRIX DE LA PRESSE : Bruocsella de Ian Menoyot

PRIX SPÉCIAL DU JURY : Peine perdue de Arthur Harari

MENTION SPÉCIALE DU JURY, MENTION SPÉCIALE DU JURY DU PUBLIC : TWE de Itvan Kebadian

PRIX D’INTÉRPRETATION FÉMININE : Flora Thomas pour Bruocsella de Ian Menoyot

PRIX D’INTÉRPRETATION MASCULINE : Lucas Harari pour Peine perdue de Arthur Harari

PRIX DE LA JEUNESSE : Rêves de lions de Ange-Régis Hounkpatin

PRIX DU PUBLIC : Animal Serenade de Beryl Peinard

MENTION SPÉCIALE DU JURY DE LA PRESSE : Geronimo de Frédéric Bayer Azem

PRIX DU GNCR : Ce qui me fait prendre le train de Pierre Mazingarbe

PRIX DU MEILLEUR PROJET DE FILM : Simon Legré pour son projet L’Ardoise magique

COMPÉTITION EXPÉRIMENTAL – ESSAI – ART VIDÉO

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GRAND PRIX EXPÉRIMENTAL-ESSAI-ART VIDÉO : Palais de Arash Nassiri

MENTION SPÉCIALE DU JURY : Le Parc de Tom de Pekin

PRIX DU PAVILLON : Eté 91 de Nadim Tabet et Karine Wehbé

PRIX SACEM DE LA MEILLEURE MUSIQUE ORIGINALE : Charbel Haber pour la musique de Eté 91 de Nadim Tabet et Karine Wehbé

PRIX ARTE CREATIVE : La Voie lactée de Marie Vermillard

Concours : gagnez des places pour la reprise du Festival d’Annecy au Forum des images

Quelques jours après le Festival international du film d’animation d’Annecy, le Forum des images accueille trois séances de courts métrages mercredi 25 et jeudi 26 juin. Format Court vous offre 15 places pour en découvrir le palmarès ainsi que la sélection de l’Agence du court métrage.

Intéressé(e)s ? Contactez-nous !

Mercredi 25 juin, 18h30 : Courts métrages primés (1è partie). Durée de la séance : 1h15. 5 places à gagner !

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Hasta Santiago de Mauro Carraro (France-Suisse 2013, couleur 12min45, vostf). Prix Sacem de la musique originale et Prix « Jean-Luc Xiberras » de la première œuvre

En sortant de l’école « Tant de forêts » de Burcu Sankur, Geoffrey Godet (France 2014, couleur 3min). Cristal pour une production TV

La testa tra le nuvole (La Tête dans les nuages) de Roberto Catani
(Italie 2013, couleur 7min50, sans dialogues). Mention du jury pour un court métrage

Tumble Leaf « Kite » de Drew Hodges (Etats-Unis 2014, couleur 12min50, vostf). Prix du jury pour une série TV

Peau « Instant T » de Perrine Faillet (France 2013, couleur 3min42). Prix du jury film de commande

An Adventurous Afternoon de Ines Christine Geisser et Kirsten Carina Geisser (Allemagne 2013, couleur 6min, version anglaise). Prix du jury films de fin d’études

La petite casserole d’Anatole de Éric Montchaud (France 2014, couleur 5min47). Prix du public court métrage

Interview de Mikkel Okholm (Danemark 2014, couleur 5min17, version anglaise). Prix du jury junior pour un film de fin d’études

Nul poisson où aller de Nicola Lemay, Janice Nadeau (Canada 2014, couleur 12min30, version française). Prix Fipresci

Wonder de Mirae Mizue (Japon-France 2014, couleur 8min08, sans dialogues). Prix “CANAL+ aide à la création » pour un court métrage

Mercredi 25 juin, 21h : Carte blanche à l’Agence du court métrage. Durée de la séance : 1h30. 5 places à gagner !

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Gli immacolati de Ronny Trocker (France 2013, 13’28, Ordinateur 3D)

1000 Plateaus (2004-2014) de Steven Woloshen (Canada 2014, 3’21, Dessin sur pellicule)

Ascension de T. Bourdis, M. De Coudenhove, C. Domergue, C. Laubry, F. Vecchione (France, 2013, 6’50,’ Ordinateur 3D Supinfocom)

É In motion n°2 de Sumito Sakakibara (Japon 2013, 12’, Dessin sur papier / Ordinateur 2D)

La Maison de Poussière de Jean-Claude Rozec (France 2013, 11’35, Éléments découpés, Ordinateur 2D)

Ex animo de Wojciech Wojtkowski (Pologne 2013, 6’52, Dessin sur papier / Ordinateur 2D)

Beauty de Rino Stefano Tegliafierro (Italie 2014, 9’49, Éléments découpés)

Padre de Santiago ‘Bou’ Grasso (France / Argentine 2013, 11’45, Marionnettes)

By the Stream de Otto Tang (États-Unis 2013, 2’41, Ordinateur 2D)

La Faillite de Jean-Nicolas Arnoux (France 2014, 2’27, Ordinateur 2D)

Timber de Nils Hedinger (Suisse 2014, 5’25’, Éléments découpés)

Man on the Chair de Dahee Jeong (Corée du sud 2014, couleur 6min55 vostf), Cristal du court métrage

Jeudi 26 juin, 18h30 : Courts métrages primés (2è partie). Durée de la séance : 1h10. 5 places à gagner !

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Patch de Gerd Gockell (Allemagne-Suisse 2014, couleur 3min20, sans dialogues). Prix du jury court métrage

Le Parfum de la carotte de Rémi Durin, Arnaud Demuynck (France-Belgique-Suisse 2014, couleur 27min). Prix du jury pour un spécial TV

Nepia « Tissue Animals » de Fuyu Arai (Japon 2013, couleur 1min40, sans dialogues). Cristal pour un film de commande

Through the Hawthorn de Anna Benner, Pia Borg, Gemma Burditt
(Grande-Bretagne 2013, couleur 8min48, version anglaise). Prix Festivals Connexion – Région Rhône-Alpes en partenariat avec Lumières Numériques

Histoires de bus de Tali (Canada 2014, couleur 10min40, version française). Prix du jury junior et Mention du jury pour un court métrage

Corps étrangers de Nicolas Brault (Canada 2013, couleur 4min13, sans dialogues). Prix du film « Off-Limits »

The Age of curious de Luca Toth (Grande-Bretagne 2013, couleur 7min40, version anglaise). Mention du jury films de fin d’études

The Bigger Picture de Daisy Jacobs (Grande-Bretagne 2014, couleur 7min, version anglaise). Cristal du film de fin d’études

Man on the Chair de Dahee Jeong (Corée du sud 2014, couleur 6min55 vostf). Cristal du court métrage

Carte blanche Format Court au Festival de Grenoble

Cette année, notre équipe attribuera pour la première fois un Prix Format Court lors du prochain Festival du Film Court en plein air de Grenoble (1-6 juillet 2014). Notre site bénéficiera par ailleurs d’une carte blanche présentée mercredi 2 juillet, en séance de minuit, à la Cinémathèque de Grenoble. La séance sera présentée par Camille Monin et Katia Bayer.

Programmation

Die Schaukel des sargmachers d’Elmar Imanov. Fiction, Allemagne, 30′, 2012, Internationale Filmschule Köln. Grand Prix du film court de la Ville de Brest 2013

Synopsis : Yagub vit avec Musa, son fils handicape mental, avec qui il perd vite patience, jusqu’au jour où le docteur lui annonce une nouvelle dévastatrice qui entraine un changement soudain.

Article associé : le reportage consacré au Festival de Brest

Conversation Piece de Joe Tunmer. Expérimental, Fiction, 7′, 2009, Royaume-Uni. New Treatment

Synopsis : Un dimanche matin, Jean remarque que son vase préféré a été ébréché. Elle accuse Maurice, son mari, qui nie en bloc. Mais Jean veut absolument savoir ce qu’il s’est passé. Dans cette extraordinaire comédie musicale, chaque syllabe prononcée correspond à une note précise de « Conversation piece », un morceau improvisé en 1966 par le cornettiste de jazz rex Stewart.

Article associé : le reportage Programme Films de musique

Bisclavret de Emilie Mercier. Animation, 14′, 2011, France. Folimage Valence Production. Grand Prix Média, Prix Émile Reynaud au Festival de Bruz 2011

Synopsis : Une dame, épouse d’un Baron, s’aperçoit que son mari s’absente souvent et le questionne : il lui avoue qu’il se dénude et devient Bisclavret. Transformé en loup, il saccage, pille et tue. Effrayée et prise de dégoût, la dame révèle ce secret à un chevalier qui lui fait la cour depuis longtemps…

Articles associés : la critique du filml’interview d’Emilie Mercier

Anima de Simon Gillard  Documentaire, 18′, 2013, Belgique, INSAS. Prix Format Court au Festival Filmer à tout prix 2013

Synopsis : Parmi les hommes et leurs gestes, bruts et graves, une âme se libère. Elle s’extrait de notre monde dans un curieux voyage, une traversée par les airs de cet étrange village de l’ouest Africain. Ses images puissantes et évocatrices se mêlent aux sonorités entêtantes, pour nous donner à voir, sans limites, ce rêve éveillé.

Article associé : l’interview de Simon Gillard et Juliette Van Dormaella critique du film

Footing de Damien Gault. Fiction, 17′, 2012, France. La Vie est Belle Films Associés. En sélection au Festival de Vendôme 2012

Synopsis : Un matin d’hiver. Marco part avec son père pour un footing de huit kilomètres. La conversation est difficile. En chemin, on comprend qu’un fossé s’est creusé entre Marco, parisien venu passer quelques jours à la campagne, et Jean-Claude, gendarme à la retraite peu ouvert au dia- logue. Pourtant l’amour est bien présent, mais les barrières et la pudeur l’empêchent de s’exprimer.

Article associé : la critique du film

M’échapper de son regard de Chen Chen. Animation, 3’40′, 2010, France, La Poudrière.  Prix de la Meilleure Musique Originale (SACEM) au Festival de Clermont-Ferrand 2011

Synopsis : Un jour, Monsieur Wang remarque qu’il y a un coq sur un marché qui le regarde.

Shanti Masud : « Je fais des films pour analyser mes rêves, les retranscrire et pour en sortir au bout du compte »

Lors de la dernière édition du festival de Vendôme, Format Court avait décerné son prix annuel à « Pour la France » de Shanti Masud. Son dernier opus « Métamorphoses » nous a également tapé dans l’œil lorsque nous l’avons découvert aux Rencontres du moyen-métrage de Brive cette année. Voici notre entretien avec Shanti Masud, jeune réalisatrice ultra-prolifique qui revient pour nous sur son parcours, sur sa cinéphilie transversale et sur ses méthodes de travail.

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Comment es tu arrivée au cinéma ?

Quand j’étais petite, je me souviens que mon père n’aimait pas l’idée que la culture française rentre chez nous. Tout ce qui était variété , cinéma français lui faisait horreur. On regardait les pièces de Shakespeare retransmises sur France 3 et les péplums. Mon père avait une passion pour le cinéma hollywoodien et pour la musique classique. J’ai donc développé d’abord un rapport très fort aux classiques, et certaines œuvres m’ont profondément marquée. La vision d’un film comme « Le Magicien d’Oz » de Victor Flemming fut un vrai choc, avec cette manière de créer tout un univers en studio, l’utilisation de la couleur, les chansons, et surtout le récit initiatique de Dorothy qui nous emmène dans cette aventure incroyable ! J’ai revu le film récemment, et je me suis rendu compte qu’il n’avait pas pris une ride.

Un autre film initiatique qui m’avait bouleversée quand j’étais enfant, c’est « L’Oiseau Bleu », un film avec Shirley Temple qui raconte l’histoire d’un frère et d’une sœur qui voyagent dans le monde des rêves. En le revoyant aujourd’hui j’ai compris quelque chose : ce qui me touche, ce qui me bouleverse au cinéma, c’est lorsque s’y déploie le récit d’aventures intenses qui peuvent s’apparenter aux périples d’un cauchemar ou d’un rêve agité. À la fin du « Magicien d’Oz », Dorothy s’éveille et répète plusieurs fois : « There’s no place like home ». Je fais aussi des rêves très agités dans lesquels je vis des aventures complètement folles. Je pense que je fais des films pour analyser mes rêves, les retranscrire et pour en sortir au bout du compte.

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Tu n’as pas fait d’école de cinéma, mais tu es passée par Paris 8. En quoi consistait son enseignement ?

J’y ai fait une formation documentaire sous la direction de Claire Simon. J’y ai également fait la rencontre d’un ami et collaborateur précieux, Arthur Harari. Claire nous a un peu déniaisés en nous disant que si nous voulions filmer le réel ,il fallait d’abord se tourner vers nos proches, familles et amis pour trouver une matière documentaire forte. Elle nous a mis des caméras dans les mains et nous as poussés à aller vers ce qu’elle appelle le « personnage réel », à s’interroger sur le geste de filmer quelqu’un sans trahir son regard ni son sujet. Cette notion m’a beaucoup marquée et a conditionné ma manière de fabriquer mes premiers films.

J’ai cru comprendre que tu t’étais affranchie de ton attachement à tes premiers amours du cinéma français, en particulier celui de Pialat, découvert à ton adolescence.

Quand j’étais au lycée, je me souviens avoir dit à mon meilleur ami de l’époque qui était très cinéphile : « J’aimerais voir un film qui ressemble à la vraie vie ». Il m’a montré les films de Maurice Pialat, ce qui m’a ravie car j’ai découvert par ce biais-là un cinéma que je ne connaissais pas du tout. Pialat réussit à rendre compte d’une vérité d’une manière sublime, c’est un peintre du réel.

Tu as commencé à travailler avec les caméras Super 8 lors de ton apprentissage à Paris 8, une composante essentielle dans ton travail de cinéaste depuis tes débuts et jusqu’à aujourd’hui.

J’en suis venue à travailler avec des caméras Super 8 par le biais d’Arthur et de mon copain de l’époque qui en utilisaient beaucoup. J’étais émerveillée, j’apprenais à me servir d’un objet qui fabriquait des images magnifiques qui retranscrivaient déjà quelque chose de l’ordre du passé, de la nostalgie. J’avais la sensation de faire de la magie avec cette caméra, et je ne m’en suis jamais détachée par la suite. Je viens d’ailleurs d’achever le montage de « While the unicorn is watching me », un court-métrage dans lequel joue Nicolas Maury (un des acteurs de « Métamorphoses »), un film érotique tourné intégralement en Super 8.

Mon premier court-métrage était réalisé sur le même support. Il date de 2004 et s’appelait « L’Appel ». J’y faisais le portrait documentaire d’un jeune soldat que j’avais rencontré sur les routes d’Ardèche alors que je rentrais du festival de Lussas. J’ai réalisé ensuite un court-métrage expérimental intitulé « The place we want to go » dans le cadre de la fac, que j’ai aussi tournéseule avec ma caméra Super 8.

D’une approche documentaire vériste, tu es passée par les formes expérimentales avec le diptyque composé de « Don’t touch me please » et « But we have the music » pour arriver à des formes plus fictionnelles dans « Pour la France » et dans « Métamorphoses », ton dernier moyen-métrage. Il y a néanmoins un fil conducteur qui traverse ta filmographie, c’est ce travail autour du portrait qui s’accompagne progressivement d’une recherche d’alchimie avec la musique puis le verbe.

L’approche documentaire que j’ai entreprise via l’enseignement de Claire Simon m’a poussée à considérer avec respect et pudeur les individus que je filmais. Filmer le visage de quelqu’un qui se confie, qui se révèle ne va pas de soi. On nous a appris à écouter et à regarder les autres dans ces ateliers documentaires. J’ai réalisé beaucoup de portraits sur ce mode là, et j’ai longtemps pensé que la réalité suffisait et que tout ce qu’elle donnait était bon à prendre. C’était faux, évidemment, mais le fait d’être passée par cet apprentissage m’a donné des clefs pour appréhender le réel et surtout pour regarder les gens, leur visage.

Avec le diptyque « But we have the music » et « Don’t touch me please », le projet consistait à réaliser quelque chose de simple, d’économique tout en cherchant une certaine joliesse. Je voulais travailler une narration à partir d’un fil conducteur très ténu, en mettant en place un dispositif qui construirait un rapport entre la photographie et le cinéma. J’écoutais également beaucoup de musique, et j’ai mis en place ce principe : une cartouche de pellicule Super 8 permet de filmer en continu pendant trois minutes, ce qui est aussi la durée standard d’une chanson pop. J’ai donc réalisé une suite de portraits d’individus qui composaient mon entourage de l’époque en filmant leurs visages, avec pour bande sonore des chansons pop. J’avais trouvé une forme qui me permettait d’être complètement en adéquation avec l’endroit créatif où je me trouvais à ce moment-là, tout en fabriquant un objet qui pouvait plaire à d’autres spectateurs.

Avec « Pour la France » et « Métamorphoses », tu te diriges plus franchement vers la fiction en passant par les personnages, le texte et le jeu d’acteur. Tu intègres également des éléments ouvertement fantastiques à ces récits. Tu les matérialises en passant par des effets spéciaux artisanaux que l’on retrouve dans chacune de tes productions récentes.

« Pour la France » est le premier film dont j’ai accouché comme d’un enfant, car sa gestation fut très longue. Il s’agit du premier film que j’ai écrit, et j’ai mis beaucoup de temps à trouver un producteur et des financements. J’ai même eu plusieurs fois l’envie de jeter le scénario à la poubelle, de le désavouer complètement. Mais j’ai réussi à faire le film, et je suis très contente du résultat. Je voulais arriver à filmer des visages, des personnages mélancoliques et à intégrer certains éléments qui relèveraient presque de la magie, ainsi que des éléments comiques pour désamorcer la lourdeur d’un récit assez ampoulé.

Avec « Métamorphoses », je voulais revenir frontalement à ce travail autour du portrait en allant vers de nouvelles formes. Pour ce faire, il fallait passer à des couleurs flamboyantes, travailler avec des fabricants d’effets spéciaux, des costumières, tout un aspect technique de la réalisation d’un film que je ne connaissais pas encore. J’ai réussi à m’affranchir de l’idée qu’un film est juste le pur produit d’«un auteur avec sa caméra», et qu’il est important de considérer tous les acteurs de la fabrication d’un film, des techniciens aux producteurs jusqu’aux financiers.

Dans « Métamorphoses », comme dans tes autres films, tu assumes des envies et des partis pris assez gonflés. Tu filmes tes personnages déclamant des monologues face caméra qui sont autant de cris du cœur liés à une rupture ou à une rencontre amoureuse, avec pour contre-champs le vide infini de l’espace comme seul réceptacle capable d’accueillir leurs paroles. Il s’en dégage une forme de pureté, une lecture au premier degré des affects de ces personnages.

Je déteste le second degré au cinéma, j’espère que personne ne peut ressentir cela à la vision de mes films. J’écris et réalise mes films au premier degré, c’est-à-dire pour moi, je pense à mon plaisir et à mes envies avant toute chose. J’ai écrit huit textes très chargés en peu de temps, de façon très intense avec un besoin de transformer des sensations en cris stridents qui résonnent dans l’espace. Pour que ce film fonctionne, il fallait que tous les aspects de sa conception aillent dans la même direction : il fallait des acteurs talentueux qui aillent à fond dans leur jeu, que les maquillages soient ahurissants, que les effets spéciaux soient aussi délirants que les textes que j’avais écrit. J’ai énormément travaillé, et je suis contente du film et contente de mes textes. On peut trouver le résultat ampoulé, dire que cela frôle le grotesque mais j’en suis parfaitement consciente et l’assume car c’est ce que j’aime.

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Aujourd’hui, vers quoi tendent tes envies de réalisatrice ? Quels sont tes projets ?

Je prépare un court-métrage avec Lucas Harari et un autre acteur que j’adore, qui s’intitule « Jeunesse ». Je veux explorer d’autres horizons, aller du coté de l’océan tout en conservant cette volonté d’expérimentation, en tournant ce film en studio notamment. J’ai un projet beaucoup plus lointain qui s’appelle « Young », un projet de comédie et un film tragique sur l’enfance qui travaillerait les notions de rêve et de cauchemar… dans un récit d’aventure.

Propos recueillis par Marc-Antoine Vaugeois

Article associé : la critique de « Pour la France »

Il fait beau dans la plus belle ville du monde de Valérie Donzelli

Fiction, 12′12″, France, 2007, Les Productions Balthazar

Synopsis : Adèle, une jeune trentenaire, décide de rentrer en contact avec Vidal, un musicien qu’elle admire. À sa grande surprise, celui-ci lui répond. Quelques messages sont échangés et une date de rendez-vous est fixée. Avec beaucoup d’enthousiasme, Adèle va à la rencontre de Vidal. Mais il y a une chose qu’elle n’a pas précisée : elle est enceinte.

« Il fait beau dans la plus belle ville du monde », le deuxième court-métrage de Valérie Donzelli, est une romance estivale qui rappelle les films de la Nouvelle Vague. L’actrice/ réalisatrice joue avec les codes du cinéma de cette époque et s’en moque crûment aussi bien sur la forme (sons trop bruts et désynchronisés avec l’image faite avec une Super 8 donnant au film un aspect désuet) que sur le fond (comédie sentimentale à l’eau de rose entre deux protagonistes un peu gauches et incompatibles vivant une rencontre loufoque). Donzelli utilise son décor comme un personnage supplémentaire du film et fait déjà preuve de cette patte « comique/ auteurisante » qu’on retrouvera plus tard dans ses longs-métrages.

Camille Monin

Alain Resnais par l’entrée des artistes

Mardi 10 juin 2014, l’association Documentaire sur grand écran consacrait une soirée spéciale à Alain Resnais lors de son rendez-vous mensuel Doc&Doc au Forum des images. « Alain Resnais par l’entrée des artistes – carte blanche à Hervé Gauville » proposait pour l’occasion de découvrir les premiers films – tous des documentaires sur l’art – du réalisateur disparu il y a peu. Après avoir mis en ligne un concours spécial Resnais, Format Court vous propose d’en savoir plus sur les deux programmes proposés ce soir-là, images et films à l’appui.

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Retrouvez dans ce dossier :

– Alain Resnais et le documentaire d’art (1è partie)

Alain Resnais, l’art plastique et la peinture (2ème partie)

Alain Resnais et le documentaire d’art

L’association Documentaire sur grand écran a consacré le 10 juin dernier au Forum des Images une carte blanche à Hervé Gauville intitulée “Alain Resnais par l’entrée des artistes”. Les films choisis ont offert aux spectateurs la possibilité d’appréhender sous un angle parfois méconnu l’oeuvre d’Alain Resnais, alors jeune cineaste L’ensemble des films montrés – en 35 mm, chose de plus en plus rare – a été réalisé à la fin des années 40 et au début des années 50, élement reconnaissable aux voix et aux musiques quelque peu datées.

Après une première partie de programme ayant mis l’accent sur les artistes au travail (Alain Resnais, l’art plastique et la peinture), la deuxième partie proposait de s’imprégner des oeuvres et par là même de rechercher dans ces travaux l’empreinte de leurs créateurs. En replaçant ces films dans une perspective historique, on peut voir ces deux séances comme un voyage vers les sources de ce qu’il est convenu d’appeler le “documentaire d’art”.

En (re)voyant les courts-métrages “Van Gogh”, “Gauguin” et “Guernica”, on est témoin de choix de mises en scène qui vont profondément marquer la représentation de la peinture au cinéma et à la télévision. L’objectif de la caméra se situe au plus près de la peinture de Van Gogh, Gauguin et Picasso, le grand écran permet de donner des proportions inédites aux détails d’une toile, révélant ainsi chaque coup de pinceau du peintre ; les mouvements de caméra donnent une impression de mouvement aux toiles.

Malgré l’absence de couleurs, le regard sur ces tableaux se retrouve densifié et harmonisé : déconstruisant les perspectives, inventant de nouveaux liens entre les compositions, Alain Resnais et ses co-réalisateurs amènent le spectateur à appréhender avec un autre regard le tableau qui lui est montré. Le soin tout particulier donné au montage permet de donner un sens alors inédit et une cohérence singulière entre les oeuvres.

Toutefois, on peut s’interroger sur l’utilisation du noir & blanc quand on connaît l’utilisation qu’en font Van Gogh, Gauguin et Picasso. Le réalisateur apporte des précisions dans l’un de ses entretiens : « Ce noir et blanc m’intéressait parce qu’il m’offrait le moyen d’unifier le film indépendamment de son contenu. Comme les tableaux n’étaient pas choisis en fonction de leur chronologie, cela me permettait une libre exploration spatiale, un voyage dans le tableau, sans souci d’une hétérogénéité que m’aurait imposée la couleur. J’avais toujours voulu tenter cette sorte de déplacement à l’intérieur d’un matériau plastique qui me laisserait toute liberté de montage… » (Alain Resnais à propos de son film “Van Gogh” – extrait de l’ émission de France Culture, « La Nouvelle Fabrique de l’histoire » du mardi 18 juillet 2006)

Alain Resnais se sert des tableaux pour nous raconter une histoire. Dans “Guernica”, le réalisateur montre des dessins préparatoires ainsi que des détails du tableau de Picasso. Avec les mots inspirés par Paul Eluard, la voix off nous plonge dans l’horreur qui a eu lieu dans la capitale historique du Pays Basque espagnol lors de son bombardement en 1937. Ici, le texte va de concert avec l’émotion qui avait pu saisir Picasso en apprenant ce qu’il avait pu se passer, mais aussi les intentions que le peintre avait pu avoir en peignant la toile.

Dans les deux courts-métrages suivants, “Van Gogh” et “Gauguin”, l’intention semble différente : les tableaux servent de support pour illustrer la vie de leurs auteurs. Bien que les détails des peintures soient la seule matière du film, c’est pourtant la voix du narrateur qui leur donne un sens, détournant ainsi celui détenu par les toiles. Ainsi, dans “Van Gogh”, on assiste aux étapes restées célèbres de la vie du peintre, la voix-off donne le ton et souligne son destin tragique. Malgré cela, le regard des autoportraits de Van Gogh adressés au spectateur par le biais de la caméra continue de nous questionner.

Questionner le spectateur c’est l’un des objectifs primordial du premier film de ce programme : “Les statues meurent aussi”. Au départ, il s’agit d’un film co-réalisé avec Chris Marker à la demande du collectif Présence africaine en 1951 sur ce qu’il était coutume d’appeler à cette époque “l’art nègre”. Très vite, les deux réalisateurs se sont appropriés le sujet et en sont venus à se poser la question suivante : « Pourquoi l’art nègre se trouve t-il au musée de l’Homme alors que l’art grec ou égyptien se trouve au Louvre ? » Pour y répondre, ils produisent un discours qui déconstruit méthodiquement la hiérarchisation des arts et les mécanismes d’oppression qu’elle induit, tout en dénonçant déjà “la muséification” du monde (“un art qui devient une langue morte”) et la marchandisation de l’art par l’Occident.La démarche de Alain Resnais et Chris Marker dans ce film tend à vouloir redonner à toutes ces oeuvres d’art anonymes africaines la place qui est la leur au sein de l’Histoire de l’Art. De multiples rapprochements avec les arts des différentes civilisations sont habillement entrepris, A noter le magnifique travail du directeur de la photographie Ghislain Cloquet qui éclaire avec justesse les oeuvres, contribuant ainsi à les faire voir sous un nouveau jour.

Le comité de censure de l’époque n’a pas été du même avis. Le film fût été amputé d’un tiers, censuré pendant plus de 10 ans. L’équipe du film et en premier lieu les réalisateurs et le producteur ont eu par la suite beaucoup de mal à retravailler pendant plusieurs années.

Malgré les problèmes rencontrés à la sortie du film et sa réception tardive par le public, « Les statues meurent aussi » reste un film important, nécessaire et véritablement d’avant-garde principalement par la représentation des arts et du monde qu’il donne à voir. Par certains aspects et malgré les années, il demeure encore d’actualité, comme on le voit par exemple dans la marchandisation de l’art (le prix astronomique d’une toile de Van Gogh aujourd’hui) mais aussi les questionnements qui entourent la définition que l’on peut donner à une oeuvre d’art et la place qui leur est assignée dans les musées.

Julien Beaunay

Alain Resnais, l’art plastique et la peinture

Figure incontournable du cinéma français, Alain Resnais signait son dernier film encore en début 2014, quelques semaines à peine avant sa mort. Le 10 juin dernier, a eu lieu au Forum des Images une rétrospective importante des premières œuvres du cinéaste, au travers d’une carte blanche offerte par Documentaire sur grand écran à l’écrivain Hervé Gauville. L’occasion de revisiter les tous débuts d’une grande filmographie unique et engagée, de rares perles tombées dans l’oubli du grand public.

Déclinés sur deux programmes, les films programmés témoignent de l’intérêt particulier chez l’auteur pour les autres disciplines artistiques, intérêt qui traversera d’ailleurs toute son œuvre. En particulier, l’art plastique de l’après-guerre fait l’objet de ses premiers films. Tout comme « Nuit et Brouillard », véritable référence du cinéma de la mémoire, sa première période comprend essentiellement des courts métrages.

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Le premier programme s’ouvre avec le seul titre qui fait exception, une fiction intitulée « La bague » avec l’acteur Marcel Marceau. Un film muet à la manière du film muet, ce très court met en scène une pantomime avec le talentueux et versatile ‘Bip’ interprétant tout seul une histoire d’amour éculée, jouant tour à tour tous les rôles. Dès cette première œuvre, Resnais questionne les codes du septième art et interpelle son spectateur avec des procédés de distanciation affinés. D’une part, le montage opère sa magie a posteriori et fait côtoyer des personnages interprétés par le même comédien de manière convaincante. D’autre part, l’absence quasi totale de décor fait appel à un grand degré de willing suspension of disbelief (suspension consentie de l’incrédulité).

Les six autres titres de cette première sélection traitent de l’art plastique et la peinture. Sortes de « Mystère Picasso », une décennie avant le film culte de Georges-Henri Clouzot, ces courts métrages proposent un portrait ‘de première main’ de personnalités issues de différents mouvements de l’époque, avec un regard documentaire à la manière du Nouveau Cinéma qui allait vite caractériser le travail d’Alain Resnais.

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Il est intéressant de constater dans chacune de ces petites vignettes une parfaite adéquation entre forme et fond, le style adopté par Resnais faisant écho à l’artiste montré. Dans « Félix Labisse », par exemple, la complexité des sujets, brassant la philosophie, la religion, la sexualité…, est rendue par un éclatement narratif, collant des bouts de phrases les uns aux autres à la manière d’un cadavre exquis surréaliste. « Lucien Coutaud » explore de la même façon l’unique mélange de cubisme et d’expressionnisme sur fond de l’Eroticomagie propre à l’artiste éponyme. « Domela » contextualise l’artiste néerlandais Cesaro Domela dans le mouvement De Stijl dont il fut un membre actif, alors que « Hans Hartung » retrace les coups de pinceau de l’artiste franco-allemand que l’on associe à la veine tachiste de l’art abstrait.

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Dans le cas des films sur Henri Goetz et sa femme Christine Boumeester, le réalisateur propose une bande son jusque-là absente, une partition programmatique bien élaborée dans les deux cas. « Christine Boomeester » (sic) présente la peintre devant une œuvre en devenir et donne l’impression de suivre sa création en temps réel, leurrant le spectateur par une série de coupes lisses et de fondus. Avec sa durée ambitieuse de 23 minutes, « Henri Goetz » est peut-être l’œuvre la plus élaborée de la sélection. Traçant le parcours de l’artiste franco-américain de ses débuts surréalistes vers l’abstraction totale, le film s’appuie sur une tension dramatique marquée, évoquant ainsi une urgence et une frénésie liées à l’acte de peindre comme besoin primaire. Des portraits dits conventionnels à l’univers boschien, Resnais parvient à capturer le psychologisme de l’artiste devant sa création. La touche finale – Goetz pose nonchalamment sa signature avant que la toile se mette à brûler devant la caméra. À coup sûr, ces œuvres sont destinées à être filmées et n’ont pas d’autonomie en dehors du film.

Comme pour ne pas éclipser le médium pictural, la contrainte technique du noir et blanc au cinéma semble justifier la démarche de Resnais (comme d’ailleurs celle de Clouzot), et se présente comme source de frustration tout en suggérant avec force le chromatisme des ces toiles multicolores.

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Dans tous ses portraits, le spectateur assiste à un dialogue intime entre l’artiste et son œuvre, et à la création artistique elle-même. L’œuvre naissante prend vie sous l’œil dynamique de la caméra et s’anime, se décompose et se recompose grâce au montage, pour devenir un objet hybride, ni purement tableau ni seulement film. L’un met au monde l’autre, mais n’existe pas sans l’autre. Ces collaborations offrent la parfaite concertation entre cinéma et art, et témoignent de la prouesse que Resnais déploierait plus tard dans ses fictions.

Adi Chesson

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