Tous les articles par Katia Bayer

Short Screens #48 : Millenium

Simple constat ou dénonciation virulente, le cinéma du réel n’a de cesse de poser un regard sur le monde en (r)évolution. Soucieux de montrer des œuvres engagées et porteuses de messages forts s’inscrivant dans la lignée des huit objectifs du Millénaire, Short Screens s’associe au Millenium International Documentary Film Festival pour sa séance de mars et vous réserve une carte blanche exceptionnelle de neuf films entièrement consacrée au court métrage documentaire.

Un projet à l’initiative de l’asbl Artatouille et Format Court.com. Rendez-vous le jeudi 26 mars à 19h30, au cinéma Aventure, Galerie du Centre, Rue des Fripiers 57, 1000 Bruxelles – PAF 6€

Visitez la page Facebook de l’événement ici.

PROGRAMMATION

10 minutes de Jorge Leon. Belgique/ 2008/ 17′
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À travers la lecture d’une feuille d’audition judiciaire, «10 min.» relate le parcours d’une jeune fille projetée malgré elle dans un réseau de prostitution.

Article associé : la critique du film

Chai de Gitanjali Rao.Inde/ 2013/ 11′
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Série de portraits des faiseurs de Chai.

Article associé : l’interview de Gitanjali Rao

The Last Ice Merchant de Sandy Patch. USA/ 2013/ 14′
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Lorsque Baltazar Ushca quittera ce monde, la tradition ancestrale de récolte de glace sur la plus haute montagne en Équateur mourra avec lui. Chaque geste de cet artisan est tendrement dépeint, comme lorsqu’il enveloppe fermement ses blocs de glace dans le foin et les charge sur son âne pour la livraison à ses clients fidèles, de plus en plus rares.

Marie’s Dictionary d’Emmanuel Vaughan-Lee. Royaume-Uni/ 2014/ 9’30
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Marie Wilcox est la dernière personne à parler le Wukchumi. Ce film retrace l’histoire du dictionnaire qu’elle a crée pour que sa langue reste en vie.

Les Barbares de Jean-Gabriel Périot. France/ 2010/ 5′
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Nous, plèbe, nous, barbares.

Articles associés : la critique du film, l’interview de Jean-Gabriel Périot

Tornistan d’Ayce Kartal. Turquie/ 2014/ 4′
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Juin 2013. Un mouvement protestataire occupe le parc Gezi à Istanbul. La tension monte entre les manifestants et la police qui se montre de plus en plus violente. Pendant ce temps, la télévision turque diffuse des documentaires sur les pingouins. Marche arrière est un film autocensuré dénonçant cette censure.

Don’t Let It All Unravel de Sarah Cox. Royaume-Uni/ 2007/ 2′
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Ne laissons pas notre monde ne tenir qu’à un fil. Raccommodons-le !

Articles associés : la critique du film, l’interview de Sarah Cox

Making It In America du collectif I am Los Angeles. USA/ 2015/ 9′
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Le film raconte l’histoire d’Alma Velasco, une immigrée du Salvador qui est arrivée à Los Angeles adolescente pour construire une vie meilleure pour elle et sa famille.

Avant la Nuit de Chiara Caterina. Italie, Belgique/ 2013/ 3′
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Brève réflexion sur l’état de l’emprisonnement dans le décor urbain et sur le lien entre le regard, le point de vue et la dimension du temps au crépuscule, en cet instant du jour si bref et pourtant si intense au cours duquel tout semble possible.

Beauty de Rino Stefano Tagliafierro

Invitation au voyage, exploration des émotions, travail sur la perception, « Beauty » est un film de ressenti, un court animé extrêmement original et troublant sur l’art et la vie.

Découvert à Annecy, sélectionné dans bon nombre de festivals, projeté à notre séance Format Court au mois de septembre, ce film époustouflant de beauté et de grâce est le fruit de cinq mois de travail solitaire de l’artiste italien Rino Stefano Tagliafierro.

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Pour rendre compte des émotions humaines, le réalisateur a identifié et classé un certain nombre de peintures baroques vues et aimées dans les musées et les livres, tombées dans le domaine public. Parmi celles-ci, des toiles de Caravage, Rembrandt, Rubens, David, Doré ou Vermeer, mais aussi un bon nombre d’œuvres du peintre William Adolphe Bouguereau dont la représentation de la douceur, l’enfance et la pureté apportent énormément au film.

Près de 120 tableaux de maîtres tour à tour magnifiques et effrayants se succèdent dans ce film de 10 minutes, rythmé par la musique envoûtante de Enrico Ascoli. Ces peintures ont deux particularités. Par leur nombre et leur qualité, elles offrent au spectateur la possibilité de (re)découvrir une série d’œuvres romantiques et classiques de l’histoire de l’art. Le film ne se voit pas pour autant comme un livre d’art puisque le réalisateur offre un éclairage différent, inédit et surtout animé aux œuvres proposées.

Par un jeu subtil de calques, Rino Stefano Tagliafierro crée de légers mouvements à l’intérieur de ces peintures. À la manière d’un souffle, chaque tableau s’anime doucement, discrètement : comme par magie, l’eau se met à couler, le vent fait bouger les feuilles, une larme coule, un oeil cligne, un oiseau bat des ailes, une porte s’ouvre, un baiser se donne, une mère se rapproche instinctivement de son enfant, …

La perspective change, les peintures s’animent, quittent leur immobilisme, les êtres peints se mettent à prendre vie, à nous regarder ou à entrer en interaction avec leurs pairs de toile. Des images de paysages se succèdent à des tableaux de pureté virginale, de douceur, de félicité, puis à des représentations de l’amour et de la sexualité, mais aussi de la souffrance et de l’angoisse. En effet, la blancheur, l’innocence des visages et des corps fait bientôt place à des scènes de nudité et de désir avant de se substituer à des images de désolation, de destruction, de détresse, de folie et de mort. Au niveau des couleurs, le changement s’opère aussi : les teintes claires, la pureté des visages et des corps fait place à des palettes plus vives en lien avec la représentation de la sexualité avant d’accueillir des teintes plus sombres dans lesquelles apparaissent la nuit, le sang, des têtes coupées, des éclairs, des monstres et des scènes de dissection.

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Avec « Beauty », Rino Stefano Tagliafierro nous embarque dans un curieux voyage, nous initie au cycle de la vie, aux grandes émotions qui la jalonne, et nous offre un vibrant hommage à l’art. Loin de se substituer aux œuvres et de se montrer irrévérencieux envers les peintres et leurs peintures, il revisite l’histoire de l’art et nous permet de regarder autrement la peinture, avec toujours cette idée de souffle, de mouvement minimal entre fixité et animation. Par moments, le réalisateur rompt même la continuité des images en osant des zooms, des ralentis ou des ruptures.

Déjà évoquée, la musique, mais aussi le design sonore de Enrico Ascoli, ayant beaucoup travaillé avec Donato Sansone (« Portrait », « Topo glassato al cioccolato », « Videogioco »), participent grandement à la réception du film par la qualité de son morceau principal proposé tout le long, mais aussi par des détails plus discrets insérés dans la B.O. (mouvements de l’eau, rires, expressions du désir, illustration instrumentale).

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Intense, audacieux, beau et dur à la fois, le film nous transporte dans un au-delà pictural, dans une vision de la vie parfois désillusionnée, et joue avec notre perception du réel d’une manière remarquable. Il semble que les peintures ont un secret à nous révéler et qu’elles ne sont plus tout à fait les mêmes après vision. Rino Stefano Tagliafierro nous offre un très beau cadeau, une expérience unique, sensorielle, et transforme notre regard en animant l’inanimé. Son film très abouti est fort probablement le plus beau film d’animation vu ces dernières années. On en arrive presque à espérer qu’il se saisisse d’autres peintures pour poursuivre son exploration de l’art, son travail autour du mouvement et du souffle.

Katia Bayer

Consulter la fiche technique du film

Article associé : l’interview de Rino Stefano Tagliafierro

Millenium 2015

Le Millenium International Documentary Film Festival se déroulera du 20 au 28 mars. Pour sa septième édition, le festival de cinéma documentaire a mis les petits plats dans les grands en vous proposant pas moins de 80 films, avec en ligne de mire l’humain sous tous ses aspects.

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Au programme, le meilleur du cinéma documentaire réuni en une sélection pointue et plurielle reflétant la diversité de la création contemporaine. Aux côtés des trois compétitions (« internationale », « travailleur du monde » et « vision jeune »), le cinéma belge demeure au centre de la programmation avec de nombreuses Premières. Comme chaque année une place particulière est accordée à la création web. Le Congrès futuriste est la nouveauté majeure de cette année, ce cycle de rencontres est un vaste laboratoire qui replace le spectateur au cœur des interrogations sur le futur et rappelle que les clefs de l’avenir sont entre nos mains.

Le site du festival : www.festivalmillenium.org

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Fiche technique

Synopsis : Regard sur les grandes émotions qui jalonnent la vie – l’amour et la sexualité – à travers le prisme de la souffrance et de l’angoisse. Hommage à l’art et à la vie – et à leur beauté désarmante.

Genre : Animation, expérimental

Durée : 09’49

Année : 2014

Pays : Italie

Réalisation : Rino Stefano Tagliafierro

Scénario : Rino Stefano Tagliafierro, Laila Sonsino, Carlotta Balestrieri

Musique : Enrico Ascoli

Montage : Rino Stefano Tagliafierro

Animation : Rino Stefano Tagliafierro

Production : Rino Stefano Tagliafierro

Articles associés : la critique du film, l’interview de Rino Stefano Tagliafierro

Appel à films. Média Solution lance le Coup de pouce DCP !

Afin de donner plus de visibilité aux jeunes talents du court métrage francophone, le laboratoire numérique Média Solution, le partenaire de nos Prix Format Court, lance le Coup de pouce DCP !

Le principe de ce concours est simple : permettre à un réalisateur ou une réalisatrice de voir son court-métrage diffusé en salle de cinéma et en festival en lui offrant le DCP de son film (encodage au format Cinéma Numérique).

coup de pouce DCP

L’équipe de Média Solution fera une première sélection parmi les films soumis à l’adresse suivante : dcp@mediasolution.fr.

Ensuite, le jury, constitué de professionnels de l’audiovisuel dont Format Court, visionnera les films au cours d’une projection organisée par Média Solution. Après délibérations, le jury déterminera  quel court-métrage remportera l’encodage DCP.

Pour participer : http://mediasolution.fr/blog/

– Lancement du concours : 10 mars 2015
– Fin de l’appel à films : jeudi 30 avril 2015
– Délibération du jury : jeudi 28 mai 2015

Conditions de participation

– Le réalisateur (trice) déclare être âgé d’au moins 18 ans ;
– Un réalisateur (trice) ne peut envoyer plus d’un court-métrage par session (il devra attendre la suivante);
– Le court-métrage doit avoir été d’achevé postérieurement à janvier 2014 ;
– Il n’est pas nécessaire d’être produit par un producteur ;
– Les films doivent avoir une durée maximale de 20 mn (générique compris) ;
– Les films doivent être en langue française ;
– Les films doivent être envoyés par un lien de téléchargement (FTP, WETRANSFER ou autre) au format MP4 (1080p ou 720p) ;
– Les réalisateurs doivent pouvoir fournir leur master au format ProRes HQ dans le cas où leur film serait récompensé par le jury.

Bonne chance à tous et toutes !

Le site de Média Solution : http://mediasolution.fr/

Massimiliano Narduli. Brest, la programmation, le soutien aux auteurs émergents

Massimiliano Nardulli, Italien enthousiaste, est le programmateur du Festival Européen du Film Court de Brest depuis 2011. Exigent mais aussi un peu barré, Massi, comme tout le monde l’appelle, découvre des talents dans les coins les plus perdus d’Europe et il réussit ainsi à proposer chaque année, une sélection de films inattendus, en pensant sans cesse à son cher public. Alors qu’il courait entre deux évènements lors de la dernière édition du festival, nous avons eu l’occasion de le rencontrer afin qu’il nous raconte son métier et ses envies. Demain soir, jeudi 12 mars, il présentera le festival à l’occasion de la soirée Format Court « Best of Brest » au Studio des Ursulines (Paris, 5ème).

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© Manuel Brulé

Depuis combien de temps es-tu programmateur au Festival Européen du Film Court de Brest ?

Je travaille au festival depuis 2007, mais je suis seul à la programmation depuis juillet 2011. Avant, je faisais partie d’une équipe de programmation formée par un directeur artistique, un adjoint, d’autres personnes du festival et moi-même. Après 2010, il y a eu une restructuration et j’ai pris la responsabilité de la programmation.

Décides-tu seul de la programmation finale ou bien es-tu entouré d’une équipe qui a son mot à dire ?

Ça dépend des sélections en fait. Pour les films français, un comité de visionnage fait un premier tri et voit environ 700 ou 800 films par an. Il fait remonter les films potentiellement intéressants. Pour l’Europe, ça fonctionne de manière un peu différente car le travail est plus compliqué. Je me charge de voir presque tous les films et après, je demande un deuxième avis à des membres de l’équipe. Et si je ne réussis pas à tout voir, je demande à quelqu’un de m’aider à faire un premier tri.

Te rends-tu dans les autres festivals pour aller chercher des films européens ou bien Brest est-il suffisamment connu pour que les Européens y envoient leurs films directement ?

Il s’agit un peu des deux. On lance un appel pour tous les films, français et européens. On en reçoit à peu près 1500 de cette manière : à peu près 700 films français et 800 européens. À partir de là, j’en visionne presque le double parce que j’en vois presque autant dans les autres festivals ou bien lors d’échanges avec les autres programmateurs. Mais je ne démarche que les films qui m’intéressent.

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Peux-tu me parler des critères de sélection ? La majorité des pays européens doit-elle être représentée ?

En tant que festival européen, on a l’obligation, mais aussi l’envie, de connaître l’état de la production audiovisuelle de courts-métrages dans chaque pays d’Europe. Ceci étant, chaque pays n’est pas forcément représenté tous les ans, mais on essaye d’avoir un maximum de pays liés à l’Europe au festival. Si bien que nous devons connaître ce qui se fait dans chaque pays pour ensuite pouvoir faire notre sélection. Après, les autres critères sont différents, tels que la variation des thèmes par exemple, en prenant en compte les différents codes cinématographiques. Il y a en effet une manière différente de voir les films selon qu’on se trouve en France ou ailleurs en Europe, et il ne faut pas oublier qu’à Brest, il y a un public français. Ce n’est donc pas évident de créer un programme qui va plaire à tout le monde et notre but est que le public puisse trouver son plaisir au festival sachant qu’il est attentif à ce qu’on lui propose. On est loin de Paris et par conséquent, des professionnels de l’audiovisuel. Bien sûr, certains s’y déplacent, mais ce n’est pas pour autant un bon endroit pour en faire un festival uniquement professionnel.

Existe-t-il d’autres critères ?

Oui. Les films français doivent être des premiers films ou des films d’écoles. Pour les films européens, c’est plus ouvert, mais j’aime particulièrement donner l’opportunité à des réalisateurs émergents de se faire connaître à Brest. Et puis, il y a tout simplement des films que j’ai très envie de montrer au public de Brest, alors je me bats pour les avoir. Autrement, on a décidé de limiter la durée des films à 30 minutes depuis 2011. On a pris cette décision en pensant au public qui vient au festival pour découvrir plusieurs univers différents dans le cadre d’une seule et même séance. En mettant des films plus longs, on n’obtient pas la même dynamique de programmation et il ne s’agit pas non plus du même type d’attention. Ceci étant, ça ne veut pas dire que je n’apprécie pas les moyens-métrages, au contraire, je trouve que c’est un très beau format.

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Comment expliques-tu que la compétition française soit beaucoup plus restreinte que l’européenne au niveau de la quantité de films ?

En étant limité aux premiers films et films d’écoles, il faut bien avouer que nous avons moins de matière et en même temps, on essaie de se faire une idée de ce qui se fait en France. À vrai dire, la compétition française a été lancée en 2012. Auparavant, nous n’avions pas de compétition française, mais des films français étalés dans la compétition européenne. D’ailleurs, il y en avait beaucoup plus dans la compétition européenne qu’il n’y en a aujourd’hui.

À ce propos, comment prends-tu la décision qu’un film français apparaisse en compétition française ou européenne ?

En fait, je n’étais pas d’accord avec le système qu’on avait auparavant car la grande majorité des films en compétition européenne étaient français. Je trouvais ça ridicule aussi parce que ça desservait les films français. À vrai dire, ce n’est pas le nombre qui fait la qualité des films. Sur une compétition européenne de 40 films, il y en avait environ 17 français, le problème étant qu’ils n’étaient évidemment pas du même niveau que tous les meilleurs films européens. Personnellement, je crois beaucoup au fait d’exporter les festivals et lorsqu’il s’agissait d’exporter la sélection de Brest ailleurs, il y avait finalement presque uniquement des films français qui n’étaient pas du même niveau que les films européens. J’ai donc décidé de changer ça. La première année, ça a été très difficile car j’ai reçu beaucoup de retours négatifs de la part des producteurs, des distributeurs et des institutionnels, mais pour moi, c’était vraiment nécessaire pour renforcer notre image de – véritable – festival européen. Pour être honnête, je ne vois pas beaucoup de festivals européens et je voulais que Brest garde la première place au sein des festivals qui s’occupent de l’Europe.

Tu suis également le travail de réalisateurs découverts à Brest. Je pense particulièrement à Miklos Keleti qui était là il y a quelques années avec son film de fin d’études, « Dos au mur » et qui est revenu cette année en compétition avec « Figures ».

Oui, c’est un plaisir lorsque tu découvres quelqu’un. Je crois que dans le cas de Miklos, nous avons été les premiers ou en tout cas parmi les premiers à passer son film « Dos au mur ». Et lorsqu’il est arrivé à se confirmer avec un deuxième film, ça a été une réelle satisfaction de l’appuyer et de continuer à le programmer. C’est la même chose avec Morgan Simon. On avait projeté son premier film, « Belle salope », lorsqu’il était encore à La Fémis, puis on a passé son film « American Football » dans un programme spécial et quant à « Essaie de mourir jeune », en compétition européenne, il représente la suite logique d’un parcours que je considère comme un sans faute et j’ai donc plaisir à le mettre en valeur. Le public, lui aussi, est également content de voir la continuité du travail de certains réalisateurs.

Y a-t-il un pays, selon toi, qui « fabrique des talents » plus qu’un autre ?

En réalité, il y a des vagues. Pour moi, il y a des pays qui abritent chez eux énormément de talents mais qui arrivent difficilement à les exporter. Je crois que la vague de création et l’envie de faire des choses provient plus volontiers de l’Europe de l’Est et des Balkans. Ils ont beaucoup moins de moyens et des conditions de travail très difficiles, par conséquent, il y a parfois des talents qui se gâchent du fait qu’ils n’ont ni le temps ni l’argent pour s’occuper de cinéma. Mais généralement, ce sont aussi ces conditions-là qui les poussent à être d’autant plus créatifs. En France, on obtient assez facilement des aides et des subventions à hauteur d’au moins 40.000€ par film. Avec cette somme, certaines personnes des pays de l’Est feraient plusieurs films. Parfois, l’argent peut tuer le talent. Par exemple, en Roumanie où je vis une partie de l’année, les gens tournent encore en 35mm et ils réfléchissent à une écriture qui va directement à l’essentiel. Tandis qu’en France avec le numérique, il n’y a plus cette réflexion. Les films se font souvent plus au montage qu’en amont.

Il y a une dernière catégorie en compétition qui s’appelle désormais OVNI, mais qu’on connaissait sous le nom de Cocotte minute auparavant. Pourquoi ce changement de nom ?

Les objectifs de la programmation ont changé et les films que l’on retrouve dans cette catégorie ne sont plus les mêmes. À l’origine, dans la catégorie Cocotte minute, on trouvait des films très courts, quasiment sans dialogues et qui étaient plus volontiers des petites blagues cinématographiques. C’était un programme qui plaisait beaucoup au public et qui avait été créé il y a 10 ans. Il reflétait un style de cinéma qu’on fait beaucoup moins aujourd’hui. Depuis 2010, on a eu beaucoup de difficultés à boucler ce programme avec des films dont on était vraiment satisfaits. Je me posais déjà des questions depuis un petit moment sur ce programme-là et en même temps vu que Brest est un festival très axé sur la fiction, j’avais aussi envie d’ouvrir un nouveau volet pour un type de cinéma qui n’est pas expérimental à proprement dit mais qui propose tout même des formes mélangeant le langage et les codes cinématographiques et qui osent quelque chose.

Comment le public accueille ce nouveau programme ?

Je crois que le public est encore en train de faire le deuil de la Cocotte minute. En 2013, c’était la transition et ce n’était pas facile. J’avais tout de même pris le soin de garder certains films avec le format très « cocotte », mais en 2014, j’ai décidé de lancer quelque chose de différent. Je pense qu’il faudra au moins deux ou trois ans pour habituer le public à avoir un regard sur un film un peu moins narratif car il n’a pas l’habitude de voir ça à Brest. Mais j’ai eu quelques retours de cinéphiles me disant que c’était vraiment quelque chose qui manquait au festival d’avoir quelque chose de plus résolu, donc je pense que ça va marcher.

Comment construisez-vous les projections parallèles hors compétition et tous les programmes spéciaux ?

Ça dépend de l’année, de l’inspiration et de nombreuses autres choses en fait. Pour la partie Brest Off, je ne pars pas avec une idée précise. Ça dépend beaucoup de la matière qu’on reçoit. Si j’ai un film coup de cœur, j’essaie tout de même de créer un programme autour. C’était un peu le cas de la programmation « Friday in Love » par exemple. En revanche, pour le programme science-fiction, j’avais envie d’en faire un cette année avant de recevoir les films. Ça faisait déjà quelque temps que je voyais des films de ce genre en festivals et qui n’avaient surtout pas beaucoup circulé. Après, j’ignorais si j’aurais suffisamment de matière parmi les films que nous allions recevoir. C’était un vrai pari en réalité. Aussi, l’objectif de Brest Off est de présenter des films qui ont un peu moins circulé en festivals. Par conséquent, on retrouve des films d’horreur, des courts fantastiques, des polars décalés, etc. Il y a beaucoup de choses différentes mais on essaie de faire un petit clin d’œil au cinéma de genre.

En deux mots, quel a été ton parcours avant d’arriver au festival ?

J’ai un parcours un peu bizarre en fait ! Durant mes études, je ne savais pas trop si je voulais me diriger vers le cinéma ou vers le théâtre. J’aimais beaucoup les deux. Finalement, c’est un peu le hasard qui m’a fait choisir le cinéma plutôt que le théâtre. Durant mes études, j’ai gagné ma vie en travaillant dans une boutique de location de VHS. C’est un peu ce qui m’a donné le goût du cinéma et de la programmation. Par conséquent, j’organisais beaucoup de projections à la faculté, c’était une sorte de ciné-club pour les étudiants. Après, on se retrouvait autour d’un verre pour discuter des films. Au début de l’année, on était trois amis, puis on est arrivé à 50 ou 60 personnes. C’est un peu ma première expérience de programmation et c’est là que j’’ai commencé à prendre un réel plaisir à programmer. Après, je l’ai fait de manière un peu plus systématique et professionnelle en organisant des rencontres cinématographiques, toujours au sein de la faculté. Je suis ensuite parti à l’étranger. J’ai voyagé en Espagne, en République Tchèque, en Écosse où j’ai organisé quelques rencontres autour du cinéma avec les cinéastes locaux ou avec l’Institut Italien, la Maison de l’Europe locale. Ce n’est qu’après que j’ai commencé à collaborer avec des festivals mais ponctuellement. Je suis arrivé à Brest en 2007 car je savais qu’il y avait sur place un festival et je suis venu offrir mes services comme bénévole. À ce moment-là, ils n’avaient pas vraiment besoin de quelqu’un en programmation, mais ils m’ont tout même gardé car ils trouvaient que j’avais un regard européen très différent par rapport à l’équipe sur place. J’avais en effet voyagé aux quatre coins de l’Europe et je parlais plusieurs langues. J’ai donc rejoint le comité de visionnage en tant que bénévole. L’année suivante, on a fait un programme spécial sur l’Italie et je m’en suis chargé. Et là, a réellement commencé l’histoire de mon implication avec le festival de Brest !

Propos recueillis par Camille Monin

Rappel. Soirée Format Court « Best of Brest », ce jeudi soir !

Pour la troisième année consécutive, Format Court accueille le Festival Européen du Film Court de Brest pour un Best of Brest. Cette séance spéciale aura lieu ce jeudi 12/03 au Studio des Ursulines (Paris 5ème) en présence de Massimiliano Nardulli, programmateur du festival, l’équipe de « Sans les gants » de Martin Razy et d’Erik Schmitt, réalisateur de « Nashorn im Galopp » (Allemagne), lauréat du Prix Format Court 2014.

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En pratique

– Jeudi 12 mars 2015, à 20h30. Accueil : 20h
– Durée de la séance : 84’
– Infos (programmation, synopsis, critiques, …) : ici !
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
Entrée : 6,50 €
Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com

Projection de films d’étudiants de La Fémis et de Louis-Lumière, mercredi 18 mars

La Fondation Culture & Diversité, La Fémis, L’Ecole nationale supérieure Louis-Lumière L’ARP (société des Auteurs Réalisateurs Producteurs) & le Cinéma des Cinéastes vous invitent à la projection de courts-métrages des étudiants des programmes Egalité des Chances à La Fémis et à l’ENS Louis-Lumière, mercredi 18 mars 2015, à 9h30, au Cinéma des Cinéastes, salle 2.

L’ARP (société des Auteurs Réalisateurs Producteurs) et le Cinéma des Cinéastes s’associent à la Fondation Culture & Diversité, à La Fémis et à l’Ecole nationale supérieure Louis-Lumière, pour permettre aux élèves des programmes Egalité des Chances de projeter des courts-métrages de leur production personnelle.

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Les programmes Egalité des Chances, développés par la Fondation Culture & Diversité, La Fémis et l’ENS Louis-Lumière permettent, respectivement depuis sept ans et deux ans, à des jeunes issus de milieux modestes de développer des compétences techniques et théoriques en vue de la préparation du concours de ces écoles.

La projection, organisée le 18 mars au Cinéma des Cinéastes, permettra de découvrir 6 films réalisés dans le cadre de ces deux écoles et offrira aux étudiants l’occasion de se confronter à l’avis des professionnels et du public.

Réservations : sberkane@fmlcd.org

Le site de La Fondation Culture & Diversité : www.fondationcultureetdiversite.org/fondation

Réponse de femmes d’Agnès Varda

L’année 1975 fut décrétée par l’ONU “Année Internationale de la Femme“. Durant cette année, il y a quarante ans, des actions intensives furent lancées de part et d’autre pour promouvoir les droits des femmes dans le monde. Dans ce contexte, Antenne 2 demanda à sept réalisatrices de répondre à la question « Qu’est-ce qu’une femme ? » en sept minutes.

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Agnès Varda fit partie de ces sept cinéastes et elle décida de répondre à cet appel par le ciné-tract « Réponse de femmes ». Dans ce documentaire volontairement très mis en scène, plusieurs femmes, jeunes, plus âgées, mères, fillettes, nues ou habillées, parlent, sans chichis, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles veulent, de ce qui est intolérable pour elle dans la société de l’époque, en partie à cause du discours des hommes. Elles rient, dansent et représentent finalement bien plus la liberté que l’égalité.

Si le film en lui-même ainsi que la manière de s’exprimer de ces femmes peuvent paraître légèrement désuets, une grande partie de leur propos est (malheureusement) encore d’actualité quarante ans après. À regarder avec intérêt en n’oubliant pas le combat des femmes pour leurs droits au lendemain du 8 mars, Journée qui leur est dédiée.

Camille Monin

Format Court, partenaire du concours Arte de films de fiction destiné aux étudiants des écoles francophones

Bonne info ! Arte et son magazine Court-Circuit organisent un nouveau concours de courts-métrages de fiction (images réelles) en ligne destiné aux étudiants des écoles ou universités de cinéma et/ou d’audiovisuels francophones. Deux courts-métrages seront primés par un jury professionnel, deux autres films seront récompensés par les internautes. Vite ! L’appel à films se termine ce lundi 9 mars !

Format Court, partenaire de ce concours, fait partie du Jury professionnel et projettera les deux films primés par celui-ci  à sa prochaine séance Format Court, spéciale Arte, le jeudi 9 avril, dès 20h30, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème), consacrée aux films d’écoles et aux premiers films. Cette soirée sera organisée en présence de Hélène Vayssières, responsable des courts métrages et du magazine Court-circuit et des équipes de films.

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> Règlement du concours

> Formulaire d’inscription

Pour visionner les films, voter et déposer vos commentaires, cliquez ici !

Randall Lloyd Okita, Prix Format Court au Festival du nouveau cinéma 2014

Notre dernière projection Format Court consacrée au Festival du nouveau cinéma (FNC) de Montréal, organisée le 12 février dernier, nous aura permis de projeter enfin notre film lauréat, « The Weatherman and the Shadowboxer » accompagné de 4 autres films étonnants et ambitieux repérés à la édition du FNC, en octobre. Le film de Randall Lloyd Okita, pressenti pour Berlin (non retenu au final), avait été projeté à Paris, au Studio des Ursulines, en première européenne.

Retour en arrière. En octobre dernier, Format Court attribuait pour la première fois un prix dans le cadre d’un festival étranger. Parmi les 33 films québécois sélectionnés, le jury Format Court (Fanny Barrot, Katia Bayer, Agathe Demmanneville, Mathieu Lericq, Nadia Le bihen-Demmou) décidait de primer « The Weatherman and the Shadowboxer » de Randall Lloyd Okita, un “film poétique et émouvant sur la mémoire et la construction identitaire, au langage visuel soigné et original, servi par une narration maîtrisée”.

Dans le cadre du prix, le réalisateur bénéficie d’un DCP lié à un prochain film doté par le laboratoire numérique Média Solution et du présent focus revenant sur son travail et notamment sur son dernier film, primé par notre équipe.

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Randall Lloyd Okita et le cinéma de l’abîme

L’interview de Randall Lloyd Okita

La critique de « The Weatherman and the Shadowboxer » de Randall Lloyd Okita

« The Weatherman and the Shadowboxer » de Randall Lloyd Okita, Prix Format Court au FNC 2014

Randall Lloyd Okita et le cinéma de l’abîme

Artiste pluridisciplinaire avec un style tout à fait singulier, le cinéaste canadien Randall Lloyd Okita explore les questions existentielles et sociétales à travers une vision très personnelle des choses. Lauréat du prix Format Court au dernier Festival Nouveau Cinéma à Montréal, son dernier film « The Weatherman and the Shadowboxer », montré à notre séance de février, se situe, à l’instar de ses films précédents, aux lisières des cinémas narratif et artistique. Un bref aperçu des œuvres clefs de la filmographie de l’auteur révèle un regard sensible, audacieux et intimiste.

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Machine with Wishbone (2008)

Le premier film qui fait remarquer ses talents est une animation déjà virtuose réalisée à partir de l’œuvre sculpturale d’Arthur Ganson. Les machines dites kinétiques de l’artiste américain ainsi que la machine-lit, une jolie invention de Randall Lloyd Okita lui-même, servent de protagonistes de ce court métrage déjanté, entre célébration d’art et éloge de science. C’est qu’en quelque sorte, Randall Lloyd Okita et Ganson sont tous deux des homines universales, artistes et savants accomplis de la Renaissance postmoderne.

Le film repose sur une recherche formelle et esthétique approfondie. Le semblant de narration consiste en l’animation d’un os dit « de bonheur » auquel se réfère le titre. Le réalisateur instaure ainsi une pseudo-piste narrative et crée une tension dramatique. La partition stéréotypée et bien appuyée renforce le décalage entre les pôles opposés d’une forme cinématographique et un fond de non-sens. Il apparaît dès lors dans l’œuvre une dimension surréaliste, « magrittesque », du genre : « Ceci n’est pas le récit d’un os de bonheur ! »

Fish in Barrel (2009)

Film psychologique explorant les questions existentielles avec une esthétique à la fois troublante et fascinante, « Fish in Barrel » se présente tel un thriller psychologique habillé en art vidéo. Le protagoniste anonyme, plongé dans un huis clos de solitude et de désarroi, élabore un mécanisme sophistiqué afin de se libérer de son ennui profond, toujours à l’aide de la sculpture kinétique vue dans « Machine With Wishbone ». Cependant, ce second film flirte plus ouvertement avec le narratif, tout en jouissant d’une poésie et d’un esthétisme accrus, sous forme d’une danse macabre chorégraphiée soigneusement et avec aplomb.

Le travail du son, d’une exécution formidable en soi, est primordial. Entre silences et bruitages, ce sont les bas-fonds mêmes de la psyché humaine qui surgissent ; ces glauques et sombres interstices où l’on se lasse de son éternelle lutte, celle entre la fuite et la confrontation à la vie, entre énergie vitale et énergie destructrice. La question fondamentale de l’existentialisme moderniste du 20ème siècle trouve ici une forme nouvelle, mise à jour.

Visuellement épuré, le film joue avec des effets spéciaux intéressants, notamment le slow motion et le bullet time mêlant photographie et montage, pour figer le temps et plonger le spectateur dans une expérience psychologique intense et étouffante.

Things I Can’t Tell You (2012)

Expérience cinématographique ambitieuse déjà par sa durée de 25 minutes, « Things I Can’t Tell You » est, comme son nom le suggère, dépourvu de toute narration manifeste. Cette œuvre qui défie toute catégorisation facile se situe à mi-chemin entre le cinéma et le vidéart, entre constat et énigme. Visuellement, le film est composé d’un diptyque de deux corps en feu (celui du réalisateur lui-même) qui s’approchent l’un de l’autre pour tenter en vain de se rejoindre. Il s’agit d’un imperceptible video loop (ou boucle) filmé ultra rapidement avec un taux de 1000 images par seconde et ensuite ralenti considérablement, le tout engendrant un curieux effet de distanciation et d’hyperréalisme. La symétrie inexorable de l’image combinée avec une lenteur exacerbée crée un effet onirique voire hypnotique.

Éloigné des codes cinématographiques conventionnels, le film explore par le biais de son formalisme les binômes complexes de l’instantané et la temporalité étirée ; de la distance et la proximité, et évoque inévitablement une portée allégorique autour de la notion de l’identité et l’altérité. D’une grande maturité, « Things I Can’t Tell You » prépare en quelque sorte l’objet hybride qui est « The Weatherman and the Shadowboxer », et témoigne d’une maîtrise parfaite du médium cinématographique, que Randall Lloyd Okita sait extraire de sa définition classique et réinventer en l’assimilant à d’autres formes artistiques.

Adi Chesson

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Nouveau Prix Format Court au Festival de Brive !

Le mois prochain, Format Court attribuera pour la deuxième année consécutive un prix à l’un des 22 films sélectionnés aux Rencontres européennes du moyen-métrage de Brive. Le Jury Format Court (composé de Georges Coste, Aziza Kaddour, Nadia Le bihen-Demmou, Marc-Antoine Vaugeois) élira le meilleur film de la compétition.

Le moyen-métrage primé bénéficiera d’un focus spécial en ligne, sera programmé lors d’une séance Format Court organisée au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) et bénéficiera d’un DCP doté par le laboratoire numérique Média Solution.

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Compétition Européenne 2015

BOA NOITE CINDERELA de Carlos Conceiçao, Portugal

COMME UNE GRANDE de Héloïse Pelloquet, France

DER DAMM (LE BARRAGE) de Nikolaus Müller, Autriche

HORS CADRE, UNE TRILOGIE de Coco Tassel, France

IEC LONG de Joao Pedro Rodrigues et Joao Rui Guerra Da Mata, Portugal

LA TERRE PENCHE de Christelle Lheureux, France

LES ENFANTS de Jean-Sébastien Chauvin, France, Suisse

LES FLEUVES M’ONT LAISSÉE DESCENDRE OÙ JE VOULAIS de Laurie Lassalle, France

L’ÎLE À MIDI de Philippe Prouff, France

LUPINO de François Farellacci, France, Italie

MAMMA ÄR GUD de Maria Bäck, Danemark, Suède

M(MADEIRA) de Jacques Perconte, France

MON HÉROS de Sylvain Desclous, France

MOTU MAEVA de Maureen Fazendeiro, France

MUTSO, L’ARRIÈRE-PAYS de Corinne Sullivan, France, Géorgie

NOCTURNES de Matthieu Bareyre, France

NOTRE DAME DES HORMONES de Bertrand Mandico, France

PETIT HOMME de Jean-Guillaume Sonnier, Suisse

PETIT LAPIN de Hubert Viel 2015, France

SOUVENIRS DE LA GÉHENNE de Thomas Jenkoe, France

TON COEUR AU HASARD de Aude Léa Rapin, France

VOUS QUI GARDEZ UN COEUR QUI BAT de Antoine Chaudagne et Sylvain Verdet, France

Giacomo Abbruzzese : « Transfigurer la réalité m’intéresse plus que la capturer »

Ancien du Fresnoy, Giacomo Abbruzzese a voyagé dans un sens comme dans l’autre avant de poser ses valises à Paris, il y a quelques années. Auteur de plusieurs courts, il a réalisé « Stella Maris », un film qui nous a beaucoup intéressés à Brest et à Villeurbanne (où il a eu une Mention spéciale du Jury Format Court). Au début de l’année, nous l’avons rencontré pour un long entretien aux abords du Canal St-Martin. Au cours de cette discussion, le réalisateur italien est revenu sur son parcours, ses envies de cinéma politique, son goût pour les personnages étrangers et les récits épiques, son travail avec les acteurs ainsi que son intérêt pour la prise de risques et l’inattendu.

Format Court : Tu es italien, tu vis en France depuis cinq ans. Ces dernières années, à fois que tu as tourné un film, tu l’as fait dans un pays différent, mais avec une production française. « Archipel » a été tourné en Israël et Palestine, « Stella Maris » et « Fireworks » se sont faits en Italie, « This is a Way » a été réalisé aux Pays-Bas. Qu’est-ce qui te donne envie d’aller tourner dans des pays différents ? Penses-tu qu’un jour, tu tourneras en France ?

Giacomo Abbruzzese : J’ai besoin d’un peu plus de temps pour tourner les films que je voudrais faire en France. J’ai un rapport très fort à ce pays. J’aime beaucoup le cinéma français des années 60- 70 ; la nouvelle vague m’a formé autant que le cinéma italien. J’aime beaucoup la littérature française de la première moitié du XX siècle, notamment Céline, Camus. Je ne pourrais pas faire un film en France avec une certaine légèreté.

Pourquoi ?

G.A : Les réalisateurs français sont tellement nombreux. Je veux raconter et filmer quelque chose qui a du sens, faire un film parce que je dois le faire et pas le déléguer à quelqu’un qui est né ici.

En même temps tu fais des films en Italie alors que tu as d’importantes références italiennes…

G.A : Oui, mais c’est mon pays. Je cherche à trouver ma voie, ma place, à prendre possession d’une autre langue, d’une autre culture, à les traduire en langage cinématographique. Un des longs métrages que je prépare se passe en France, mais c’est un film sur des jeunes étrangers, sur la Légion étrangère. Ça a un rapport avec ma personne. Je suis étranger en France. Quand j’écris, il m’est plus facile d’imaginer des dialogues pour des étrangers que pour un français. Imaginer le point de vue d’un étranger en France est plus facile pour moi que celui d’un Français en France.

Ce que tu me dis me fait penser à ton film « Archipel » où tu t’intéresses au point de vue d’un palestinien en Israël, filmé comme un étranger.

G.A : Souvent dans mes courts, les protagonistes sont des étrangers. Dans mes longs-métrages, ce sera aussi le cas. Le point de vue d’un outsider me fascine beaucoup plus que celui d’une personne de l’intérieur. De nombreux films et livres m’ont toujours hanté sur cette question-là.

Comme lesquels ?

G.A : Par exemple, « Teorema » de Pasolini ou « L’Étranger » de Camus. La question de l’étranger dans le sens le plus large m’intéresse. J’ai aussi toujours été fasciné par la littérature mineure, écrite par des étrangers dans des langues majeurs, comme ce fut le cas de Kafka par exemple.

Quand tu évoques l’étranger, cela me fait penser à « Fireworks » dans lequel chaque personne parle sa propre langue (le grec, le français, l’arabe, l’italien…). Pourquoi as-tu souhaité travailler avec des comédiens de langues et cultures différentes ?

G.A : D’un coté, j’aime beaucoup travailler avec des acteurs qui viennent d’un peu partout. De l’autre, je change souvent de langue dans une même journée par nécessité. L’histoire de « Fireworks » touchait un sujet très controversé qui se passait dans ma ville d’origine. Que faire de la plus grande industrie sidérurgique d’Europe qui empoisonne toute une communauté mais qui lui fournit en même du travail ?

À l’époque, personne n’avait abordé ce sujet, après le film, ça a explosé. Il est devenu un film-manifeste pour le mouvement écologiste de ma ville. Des gens utilisaient des images du film comme profil Facebook, lorsque le film était projeté, même à minuit, la salle était toujours pleine, c’était vraiment très, très fort pour un court métrage. Ils le considéraient comme un acte politique, car j’y filmais un groupe d’éco-terroristes, solidaires des ouvriers, à la manière des Brigades internationales pendant la guerre civile espagnole.

Dans tes films, on ressent fort l’idée de la révolte. Pourquoi y a-t-il toujours un lien à l’explosion, à l’attentat, au feu d’artifice ?

G.A : Avant de faire des films politiques, j’essaie de les faire politiquement. Souvent, mes films sont tournés dans des lieux dont l’accès est interdit, avec une sorte de démarche antagoniste. Rien que ce fait-là peut provoquer une autre forme de jeu chez les acteurs car on est en train de faire un happening. Sur le tournage de « Fireworks », des voitures de police nous plaquaient contre le sol à la fin d’une scène, sur « Archipel », nous avons échappé plusieurs fois à l’armée israélienne. Il y a toujours un hors-champ dans mes films et c’est aussi à travers lui que je crée et obtiens une autre façon de jouer. Je m’installe dans quelque chose qui est à la fois de l’ordre du théâtre et de la performance.

L’engagement et la conviction sont nécessaires dans tes propositions de réalisateur ?

G.A : Je viens d’une famille très modeste, ce qui n’est pas non plus commun chez les réalisateurs ou les artistes. Je vois souvent des films sur les pauvres ou sur les ouvriers avec un regard misérabiliste et folklorique. Moi, j’essaie de les filmer autrement. Mes personnages ont envie de tout, ils ont faim, ils ne sont pas résignés. C’est pour ça que j’essaie de faire des récits épiques. Je n’aime pas les films bienveillants qui nous confortent dans nos idées. J’essaie de créer un trouble dans nos certitudes, de faire des films qui divisent, de pousser l’engagement dans des territoires où il ne peut plus y avoir de consensus, où les contradictions se révèlent. Mais ce ne sont pas des films réalistes, plutôt des films qui travaillent sur l’imaginaire.

Tes films sont à chaque fois des fictions. Tu aurais pu t’essayer au cinéma direct, engagé. Pourquoi n’as-tu pas fait de documentaires ?

G.A : J’ai fait un documentaire cette année, « This is The Way ». Je travaille aussi sur un autre documentaire sur le street art. En même temps, transfigurer la réalité m’intéresse plus que la capturer. Je pars de la réalité, mais ensuite je vais vers autre chose. Ce qui m’angoisse parfois dans le documentaire, c’est ce discours de vérité alors qu’avec l’image, tu peux travailler avec le faux. C’est plus puissant. Je n’ai pas de message univoque ni de leçons à donner.

Tu as bien des choses à exprimer.

G.A : Oui, mais j’aimerais qu’avec mes films, les spectateurs fassent une promenade libre, un voyage dans une architecture que j’aurai imaginé…

Tu m’as dit que dans ta famille, on ne faisait pas forcément de films…

G.A : Ma mère est secrétaire, mon père est employé à la mairie. Il n’y avait pas d’artistes chez nous. J’ai été le premier de toute ma famille à être allé à la fac. Quand je faisais mes études à Bologne, je suis allé à un festival qui projetait des films d’écoles européens, dont des films du Fresnoy. J’y ai vu un film d’un réalisateur chilien, Enrique Ramirez, qui m’a marqué. Là, j’ai compris qu’il fallait faire une école. Je n’avais pas fait grand-chose à montrer à l’époque, seulement des films faits avec des copains, programmés dans quelques petits festivals. Je n’avais pas de dossier assez solide pour tenter une école comme le Fresnoy. À ce moment-là, j’ai eu la chance de partir en Palestine comme assistant réalisateur. Le projet devait durer dix jours, j’ai fini par y rester un an et demi. Ça a déclenché une expérience incroyable qui m’a beaucoup marqué personnellement mais aussi professionnellement. À la fin, je suis devenu directeur artistique de la télévision publique en Palestine et j’enseignais le scénario à l’école d’art de Bethléem. À la fin, je suis parti et j’ai postulé au Fresnoy avec les projets d’ « Archipel » à tourner entre Israël et la Palestine et de « Fireworks » qui se passait dans ma ville d’origine.

Pourquoi avoir tenté cette école, bien moins classique qu’une autre ?

G.A : Je viens du cinéma expérimental, je me sentais plus dans une démarche Fresnoy que dans une démarche Fémis. Après, je souhaitais être dans une école internationale. Au bout du compte, j’ai fait peut-être le film le plus narratif de l’histoire du Fresnoy, « Fireworks », mon film de fin d’études. Il ne correspondait pas au « moule » plus hermétique de l’école.

Ce n’est pas évident, l’hermétique. Personnellement, je trouve que « Stella Maris » est film le plus accessible que tu aies fait.

G.A : Je voulais essayer de faire un film qui soit vraiment narratif. Mes grands amours au cinéma sont liés aux films de Godard, mais j’apprécie de plus en plus la complexité de raconter un récit, comme le font Scorsese ou James Gray. J’essaye maintenant de travailler beaucoup plus sur le récit en me laissant des libertés d’expérimentation. En tant qu’artiste, je sens le sens le devoir constant de chercher des choses nouvelles dans les images et dans leur façon de raconter des histoires. De l’autre côté, j’ai envie que le public puisse suivre mes histoires. Je veux faire des films que même ma famille peut voir.

Si on évoque « Stella Maris », qu’as-tu eu envie d’y raconter ?

G.A : Dans un certain sens, « Stella Maris » est un film chrétien, même si je ne suis pas croyant. Il aborde le mystère, le pardon, la confession. J’avais envie aussi de parler des traditions immuables qui se répètent depuis des siècles et du monde qui change tout autour. C’est aussi un film tragi-comique, un challenge pour un court métrage de moins de trente minutes de travailler sur les deux bords.

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Le film frappe par sa musique très forte, très peps. Est-ce que pour toi, l’expérimentation passe aussi par la musique ? Est-ce que ça te permet d’exprimer un autre message ?

G.A : Mes films représentent aussi mes goûts. J’ai des goûts très hétérogènes, que ce soit dans le cinéma ou la musique. Ca ne m’intéresse pas de faire des films trop cohérents en terme de style. Ça risque de devenir une griffe d’auteur. Je suis quelqu’un d’assez incohérent, donc j’aime que mes films avancent par ruptures, par juxtapositions et du coup, j’essaie de travailler sur des glissements de ton, de style, plutôt que sur une idée de continuité, d’homogénéité. J’aime surprendre le spectateur. Avec ce projet, je savais dès le debout que je voulais faire un film sur la Madone que ça se terminerait en techno !

C’est une forme de petit coup d’état.

G.A : Oui !

Le trouble, la rupture, ce sont des choses que tu as pu expérimenter au Fresnoy ou pas ?

G.A : Au Fresnoy, l’expérimentation, tu l’as fait souvent par toi-même. Il y a bien des commissions à passer, des moments où tu es sous pression, mais la meilleure chose de l’école, c’est que tu peux faire plus ou moins ce dont tu as envie. Après, ça dépend de ta détermination en tant que réalisateur, mais on ne va jamais te censurer, on va te laisser faire. Chaque école a son identité mais après, on est des artistes, on ne doit pas respecter les dogmes de style internes, c’est la dernière chose qu’on doit faire.

Tu as fait deux courts métrages (« This is the Way », « Stella Maris ») avec La Luna Productions. Qu’est-ce qui t’a donné envie de travailler avec Sébastien Hussenot ?

G.A : Notre première rencontre a était assez improbable, elle a lieu au Festival de Dubaï ! On a commencé à parler de « Stella Maris » mais comme c’était un court métrage très complexe et cher qui demandait beaucoup de travail, j’en ai eu assez à un moment d’attendre les fonds et j’avais envie de tourner. J’ai proposé à Sébastien de me donner un budget de 5000 euros pour faire un film en deux mois, du tournage au mixage. C’est devenu « This is the Way ». Je me suis demandé quel outil mon personnage pouvait utiliser pour se filmer et j’ai choisi un téléphone portable. C’est le film où je m’affiche le moins en auteur, où je m’efface le plus derrière la vie de mon personnage.

Tu as fait une apparition dans « Toujours moins », un film de Luc Moullet. Tu n’as pas envie de passer devant la caméra ?

G.A : Jamais dans mes films. J’ai déjà assez de choses à penser quand je tourne. J’ai joué parfois dans les films d’amis, mais je ne pense pas être un acteur. Après, quand tu aimes le cinéma, tu aimes les tournages, et jouer dans un film, c’est être sur un tournage.

Finalement, en faisant autant de courts métrages, as-tu l’impression d’avoir appris à faire du cinéma ?

G.A : Oui, je pense que l’on apprend à faire des films en en faisant. C’est indispensable. Je ne comprends pas comment font certaines personnes qui attendent des années pour pouvoir financer leur long et qui ne font plus rien entre temps. Moi, j’ai besoin de filmer, de faire constamment des films, dont des courts métrages. On apprend de nos erreurs.f Les vrais lieux d’apprentissage sont l’écriture, le tournage, le montage. Ça, c’est la vraie école de cinéma. La plupart des choses que j’ai apprises a eu lieu pendant la réalisation de mes films. Même s’il n’y a pas de financement, il ne faut pas attendre qu’il arrive. Il faut, surtout au début, tourner avec des amis, faire des choses même si ratées pour pouvoir comprendre où on s’est trompé et où on peut s’améliorer.

Comment procèdes-tu pour l’image et le montage ? Ils participent à l’écriture et à la perception de tes films.

G.A : Les gens qui lisent mes scénarios y voient déjà les images du film. Ils sont très précis, très visuels. Quand je travaille sur un film, je m’occupe du cadre souvent. Je ne suis pas le genre de réalisateur qui laisse le chef op se débrouiller et qui ne travaille qu’avec les comédiens. Un film, c’est avant tout des images. Le directeur photo, c’est quelqu’un avec qui j’aime me confronter, mais je ne veux pas déléguer. Comme pour le montage, je suis tout le temps là. J’ai besoin d’être plongé dans le film pour trouver ce que je cherche. Mais en tant que réalisateur, j’essaie d’éviter de tout vouloir contrôler, j’aime aussi me perdre, trouver l’inattendu. C’est pour ça que je tourne souvent à l’extérieur, parce que la réalité peut toujours me surprendre.

Un jour, mon monteur m’a dit que je tournais exactement ce que j’allais monter. Je ne fais pas de plans de secours. Parfois, bien sûr, c’est très risqué, tu peux avoir un problème au montage, tu as besoin d’un raccord de plus, ça peut aider. Mais je pense qu’au cinéma, il faut prendre des risques et donc faire des choix.

Propos recueillis par Katia Bayer

Article associé : la critique du film

Nashorn im Galopp de Erik Schmitt

En novembre 2014, l’équipe de Format Court remettait pour la troisième année consécutive son prix au Festival du film court de Brest. « Nashorn im galopp » d’Erik Schmitt, un court-métrage d’animation et de fiction allemand, avait séduit notre jury par sa singularité.

Bruno, jeune homme d’une petite trentaine d’années, « vit comme un robot », il « se promène dans la ville avec des idées plein la tête mais qu’il ne partage jamais » avec les autres. Ce sont ses mots. Il croit au Genius Loci, locution latine signifiant l’esprit du lieu. Berlin aurait une âme, matérialisée ici sous forme de serpent, et laisserait des messages à ses habitants prêts à les recevoir. Un jour, alors que Bruno d’humeur un peu maussade se questionne sur les rapports que chacun entretient avec sa ville, celle-ci semble soudainement vouloir le mener quelque part. S’ensuit alors un parcours dans la ville, allant d’indices en indices, jusqu’à la rencontre avec Vicky, jeune femme excentrique qui paraît être sur la même longueur d’onde que lui et avec qui il va enfin pouvoir partager ses pensées. 002 Ce court-métrage empli de poésie urbaine s’inscrit dans une époque où le street art se développe de manière considérable dans le monde. La ville devient un espace d’expression pour de nombreux artistes. Ceux-ci jouent souvent avec les éléments insignifiants qui la composent pour les transformer en œuvre d’art, faisant ainsi ressortir aux yeux de ses habitants, qui d’ordinaire « la piétinent comme une horde de rhinocéros au galop» (« nashorn im galop » en allemand, d’où le titre), la beauté secrète dont elle regorge.

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Ici, la poésie d’Erik Schmitt est rendue par la pixilation, technique qui consiste à animer image par image des acteurs ou des objets. En usant de collages et de superpositions d’images, il joue principalement sur les échelles de tailles et les effets d’optique. En mettant ses doigts juste devant l’objectif, il fait mine par exemple de pouvoir tenir les toits de Berlin en arrière-plan. En superposant deux images à l’échelle de plan différente au montage, il fait alors de Bruno un petit personnage haut comme trois pommes qui chatouille les aisselles de Vicky. Entre la voix-off de Bruno qui fait part de ses pensées, des enchainements de musique classique et de musique punk, des dialogues très ponctuels et des bruitages accentués, la bande-son participe aussi au lyrisme de ce film.

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La filmographie d’Erik Schmitt (« Forever Over », « Telekommando », « Now follows ») déborde de poésie exaltante. Ses films nous emportent dans des univers d’apparence gais et légers mais en fait profondément philosophiques. Dans « Nashorn im galopp », l’humour délicat et les métaphores visuelles invitent le spectateur à s’interroger sur la place qu’il a dans une société de plus en plus individualiste où les relations entre les gens perdent de leurs valeurs. Son œuvre n’est pas sans rappeler les débuts de Michel Gondry qui a souvent eu recours aux mêmes types de procédés filmographiques pour transporter ses spectateurs dans un monde empreint de douceur dans lequel ils peuvent s’oublier le temps d’un film.

Zoé Libault

Consulter la fiche technique du film

Articles associés : Une plongée dans l’imaginaire d’Erik Schmitt, l’interview de Erik Schmitt

N comme Nashorn im Galopp

Fiche technique

Synopsis : Bruno erre dans les rues de Berlin, la tête pleine d’interrogations, à la recherche de ce qui se cache derrière les innombrables façades et édifices. Il cherche à saisir l’âme de la ville, ce petit quelque chose que les autres ne remarqueront peut-être jamais. Au moment où il s’y attendait le moins, il rencontre une alliée.

Genre : Fiction, animation

Durée : 15′

Réalisation : Erik Schmitt

Année : 2013

Pays : Allemagne

Scénario : Erik Schmitt

Image : Johannes Louis

Montage : Erik Schmitt

Musique : Nils Frahm, David Nesselhauf

Son : Elia Brose

Interprétation : Tino Mewes, Folke Renken, Marleen Lohse

Production : Detailfilm

Article associé : la critique du film, l’interview de Erik Schmitt

D comme Disorient

Fiche technique

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Synopsis : Polyphonie de récits de migrants retournés vivre dans leurs pays d’origine après avoir longtemps vécu à l’étranger. Qu’ils soient Vietnamiens, Iraniens, Chinois, Pakistanais, académiciens, travailleurs contractuels, réfugiés politiques, entrepreneurs, étudiants,… ils ont tous été confrontés à une même expérience : celle du retour au pays. Expérience marquante, vécue parfois tel un nouveau exil ou comme un retour chez soi, les protagonistes ont aussi en commun la capacité d’analyser et de raconter avec humour, distance et d’une façon vivante leur parcours de vie marqués de départ(s) et du retour.

Genre : Documentaire

Année : 2010

Durée : 36′

Pays : Belgique

Réalisation : Laurent Van Lancker et Florence Aigner

Production : Atelier Graphoui

Article associé : la critique du film

Coup de projecteur sur le Collectif Comet

Les regroupements de jeunes cinéastes et techniciens en associations font florès dans le milieu du court-métrage. On ne compte plus les collectifs et autres groupes de créateurs en activité, pour des périodes plus ou moins longues, à Paris ou en région. Il est néanmoins nécessaire de tourner son regard vers ces associations de temps en temps car elles constituent un vivier de jeunes talents plus que prometteurs qu’il est important d’identifier et de promouvoir à leurs débuts. Le Collectif Comet, qui s’est rendu à Bruxelles ces derniers jours pour présenter une rétrospective de son travail, est l’une d’entre elles.

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Cette association de jeunes créateurs, réalisateurs pour la plupart, s’est constituée en 2010 sur les bancs de la prépa nantaise Ciné-Sup où les membres fondateurs du collectif se sont rencontrés. Portés par une envie irrépressible de tourner, ces jeunes étudiants se sont emparés du matériel de l’école et sont partis tourner une poignée de courts-métrages à l’arrache en parallèle de leurs études, s’improvisant cadreurs, perchmen ou acteurs selon les besoins. Ce qui aurait pu ne rester qu’un club d’étudiants sévissant le temps d’un cursus a cependant débordé le cadre de l’université nantaise. Une fois leur diplôme en poche, les membres du collectif se sont dispersés pour poursuivre leurs formations respectives dans diverses facultés, sans perdre pour autant le goût de faire l’école buissonnière et de se réunir régulièrement pour tourner des films, animés par cette même envie d’expérimenter mais soucieux «également de franchir les étapes d’une professionnalisation qui assiérait leur exigence grandissante.

À Bruxelles, un autre collectif accueillait ces cinéastes et leurs films : le Collectif en Rumsteek, groupe de jeunes gens qui ont investi récemment un local de banlieue pour en faire un lieu alternatif. C’est dans leur immense salon transformé en salle de cinéma que s’est déroulée la projection, dans une atmosphère festive face à un public venu en nombre et particulièrement communicatif. Trois projections se sont ainsi succédées tout au long de la soirée, avec deux programmes regroupant chacun trois courts-métrages suivis de la projection du premier long-métrage produit par le Collectif Comet, « Trois contes de Borges » de Maxime Martinot, film qui a commencé une belle carrière en festival (en remportant deux prix lors de la dernière édition du prestigieux FID Marseille) et qui fait l’objet d’une projection ce mardi 3 mars au Cinéma L’Archipel dans le cadre des “Rencontres avec le jeune cinéma français”.

Des origines du collectif, un aperçu nous est donné dans le premier programme de courts-métrages de la soirée qui fit le grand écart entre retour au source et dernier crû, réunissant des productions plus anciennes et des films tout juste sortis du moule (dont le très drôle et cruel « J et le poisson » de Cécile Paysant, film d’animation découvert en début d’année au festival Premiers Plans d’Angers). « L’Horizon des événements » de Jeanne Cousseau, tourné en 2012, nous invite de son côté à une déambulation nocturne dans les rues de Nantes où une caméra portée suit, bringuebalante, l’itinéraire incertain d’un énigmatique jeune homme à travers les rues de la ville. De ce premier jet très « roots », l’on devine les conditions de tournage amateur et bon enfant d’alors, porté par un besoin d’expérimenter, de se jeter dans le bain de la fabrication coûte que coûte au prix d’une opacité intrinsèque à toutes ces esquisses que l’on réalise d’abord pour soi. La vision de ces protagonistes tournant leurs regards vers le ciel pour apostropher les étoiles renseigne peut-être sur les origines du nom du collectif en même temps qu’elle contient déjà l’ambition de regarder plus loin, de poursuivre un geste de cinéma initié dans la fragilité et l’incertitude.

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Deux autres réalisatrices membres du collectif, Lana Cheramy et Camille Polet, s’amusent à déshabiller les garçons et à les jeter dans la moiteur de l’été, tirant profit de parenthèses estivales toujours propices aux tournages entre amis. « Presque une île » (Cheramy) et « On n’attend plus les martiens » (Polet) font à chaque fois le récit de retrouvailles, tantôt douloureuses tantôt festives de jeunes hommes le temps d’une brève embellie. D’un coté, Cheramy conte le retour dans son village natal d’un jeune homme parti vivre à Paris et ses retrouvailles avec un ami d’enfance resté sur place, abandonné à sa solitude et à ses tourments. Ce récit d’un amour contrarié émeut par l’économie que la réalisatrice fait des dialogues et des situations, s’attachant à filmer ces corps adolescents rejouant une intimité brisée par l’éloignement. Ellias et Bob, le rat des villes et le rat des champs, ne trouvent plus la force de rire ni les mots pour se parler, et déplacent leur malaise pour occuper le temps. L’importance donnée aux lieux et à l’inscription géographique des corps pose la qualité première de nombreux films produits par le collectif : une attention toute particulière accordée aux décors, une propension à élargir le cadre pour tirer profit de la ciné-génie des territoires investis, démarche essentielle et malheureusement absente d’un large pan de la production de courts-métrages.

Le film de Camille Polet représente le pôle joyeux du moyen-métrage de Cheramy où la mélancolie invite à se prémunir de la tristesse en rejouant aux jeux de l’enfance. Si les deux frères du court-métrage de Polet ont cessé d’attendre les martiens, c’est parce qu’ils ont compris qu’ils doivent libérer leur fantaisie une dernière fois avant de débarquer dans le monde des adultes. La narration décousue présente ainsi une succession de saynètes impressionnistes, comme autant de vignettes extraites des souvenirs de l’enfance rejoués pour la dernière fois. Baignades, jeux insouciants et confidences murmurées au pied des tentes de camping composent ces vacances idéales qui s’achèvent par la fabrication d’une carte des étoiles vers laquelle les frères tournent leur regard. Un éloge du bricolage qui rejoint une pratique du cinéma comme artisanat où le manque de moyens pousse à inventer des solutions avec des bouts de ficelles.

Heureusement, les parenthèses estivales et leurs invitations aux jeux ne sont pas uniquement l’apanage des jeunes gens, comme le prouve le court-métrage de Benjamin Hameury « Les voisins », projeté également au cours de cette soirée. Le jeune cinéaste, membre très prolifique du collectif tant par sa capacité à jongler avec différentes casquettes (réalisateur, monteur, acteur) qu’à maintenir une cadence obstinée dans le tournage de ses propres projets, élabore un film surprenant en plaçant au centre d’une intrigue pseudo-policière les habitants d’un quartier résidentiel réservé aux personnes du troisième âge. Cette communauté de retraités, apprenant au début du film qu’un bagnard s’est échappé de la prison située sur une île voisine et craignant l’infiltration de cet intrus dans leur quartier, s’organise alors en milice d’auto-défense.

Une fois ce postulat établi, le cinéaste déplie patiemment son récit avec un goût certain pour les digressions, chacun des personnages creusant son obsession dans son coin et ouvrant une multitude de sous-intrigues n’appelant pas nécessairement à des résolutions. C’est ici que réside la force du film, dans ce relâchement joyeux qui invite le spectateur à se prêter au jeu de ces petits vieux et à s’adonner au plaisir de piétiner sur place, le souci qu’ils affichent d’élaborer des stratégies et de mener l’enquête valant plus pour l’agitation qu’il provoque que pour les éventuelles réponses qu’il apporterait. En laissant dans le hors-champ toutes certitudes quand à la réalité d’une menace extérieure, Hameury ne borne son film à aucun genre et permet aussi bien à la comédie qu’au fantastique de filtrer par les jointures d’un scénario ludique, mis au service avant tout de la bonhomie et de la fantaisie de ces acteurs amateurs.

« Staub », le dernier film du programme réalisé par Léo Richard, synthétise bien le sentiment éprouvé au sortir de cette projection. Ce (très) court-métrage horrifique conte la trajectoire d’un jeune homme dont l’image est capturé par un groupe de vidéastes vampires pour être ensuite ingérée et mise en relation avec des plans extraits de classiques du cinéma (« Nosferatu », « Vampyr », « M le maudit »). Le film parvient à concilier en un temps record deux mouvements, celui d’un hommage aux plus illustres figures de la cinématographie en même temps qu’une récupération ludique de ce matériel pour produire un objet neuf.

La vision de ces jeunes gens (campés par les membres du collectif eux-mêmes) triturant leurs appareils et leurs instruments de musique dans cette petite chambre pour accomplir leur dessein renvoie malicieusement à la position de ces jeunes cinéastes, faisant feu de tout bois et élaborant leurs films en groupe, dans une conception artisanale du cinéma portée avant tout par le plaisir.

Le Collectif Comet n’a pas fini de sévir, et alors que ces jeunes gens s’apprêtent à achever leurs cursus respectifs et à quitter l’école pour se jeter dans la jungle du cinéma professionnel, la transformation de leur collectif en maison de production pourrait valoir comme transition idéale. Affaire à suivre.

Marc-Antoine Vaugeois

Découvrez « Feast », le court métrage de Disney récompensé aux Oscars !

Il y a quelques jours, « Feast », le premier film de Patrick Osborne, produit par Disney, a remporté l’Oscar du Meilleur court-métrage d’animation. Le film accompagne le long-métrage « Big Hero 6 » (lui aussi oscarisé), sorti en salles le mois passé.  Nous vous proposons de le découvrir/retrouver en ligne dès aujourd’hui.

Synopsis : L’histoire de la vie sentimentale d’un homme vue à travers les yeux de son chien, Winston, et révélée au gré des plats qu’ils partagent.

Pour en savoir plus sur le film et l’intérêt porté par Disney pour le court-métrage, consultez notre interview de l’équipe du film (Patrick Osborne, réalisateur, Jeff Turley, directeur artistique et Kristina Reed, productrice)

Prochaine Soirée Format Court, Best of Brest !

Pour la troisième année consécutive, Format Court accueille le Festival Européen du Film Court de Brest pour un Best of Brest ! Cette séance spéciale se tiendra le jeudi 12 mars prochain, dès 20h30, au Studio des Ursulines (Paris 5e) en présence de nos invités : Massimiliano Nardulli, programmateur du festival, l’équipe de « Sans les gants » de Martin Razy mais aussi Erik Schmitt, réalisateur de « Nashorn im Galopp » (Allemagne), lauréat du dernier Prix Format Court, remis en novembre 2014.

Programmation

Ja, Vi Elsker
 (Yes, We Love) d’Hallvar Witzo (Fiction, 14’30, 2014, Norvège, Hummelfilm AS). Mention spéciale du Jury au Festival de Cannes 2014, Prix Shorts TV (Compétition OVNI) au Festival de Brest 2014, Prix du public au Festival d’Angers 2015


Synopsis : Quatre générations, chacune en crise, aux quatre coins de la Norvège le jour de la fête nationale.

Hjonabandssela (Chum) de Jörundur Ragnarsson (Fiction, 15′, 2014, Islande, Dorundur, SagaFilm). Meilleur court métrage Islandais 2015, sélectionné au Festival des Films du Monde 2014 (Montréal)

Synopsis : Deux amis de toujours vont voir leur petite vie tranquille perturbée lorsqu’une superbe femme pulpeuse de leur âge les rejoint dans le jacuzzi.

Article associé : la critique du film

Reizigers in de Nacht (Travellers into the Night)
 d’Ena Sendijarevic (Fiction, 9’46, 2013, Pays-Bas, Netherlands Film Academy). Prix du jury jeune au Festival Les Enfants Terribles 2014 (Belgique) & au Festival Tous Courts 2014 (France)

Synopsis : Une femme travaille dans une station service, toute seule, la nuit. Des gens qu’elle ne connaît pas font étape dans son monde et en ressortent, encore et encore, la laissant seule dans sa petite bulle. Jusqu’à cette soirée, où un drôle d’étranger fait son apparition.

Article associé : la critique du film

Sans les gants de Martin Razy (Fiction, 18’30, France, 2014, Pharos Productions). Prix Beaumarchais au Festival de Brest 2014, en sélection au Festival d’Aubagne 2015. En présence de l’équipe

Synopsis : Dylan est un jeune boxeur prometteur. Il apprend coup sur coup que Samia la fille dont il est amoureux trouve qu’il fait gamin et qu’il ne peut pas participer au championnat dont il rêve car trop jeune. Dylan décide de grandir.

Articles associés : la critique du film, l’interview du réalisateur

I’ve Been A Sweeper de Ciarán Dooley (Fiction, 12’15, Irlande, 2014, DIT School Of Media). Sélectionné au Festival de Belfast 2015 et au Cork Film Festival 2015

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Synopsis : Un balayeur nettoie les planchers des pubs emblématiques de Dublin le dernier jour de sa vie.

Article associé : la critique du film

Nashorn im Galopp d’Erik Schmitt (Fiction, Animation, 14’59, Allemagne, 2013, Detailfilm). Prix Format Court & Mention spéciale du jury jeune au Festival de Brest 2014. En présence du réalisateur

Synopsis : Bruno erre dans les rues de Berlin, la tête pleine d’interrogations, à la recherche de ce qui se cache derrière les innombrables façades et édifices. Il cherche à saisir l’âme de la ville, ce petit quelque chose que les autres ne remarqueront peut-être jamais. Au moment où il s’y attendait le moins, il rencontre une alliée.

Articles associés : la critique du film, l’interview du réalisateur

En pratique

Jeudi 12 mars 2015, à 20h30. Accueil : 20h

– Durée de la séance : 84’

– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris

– Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)

Entrée : 6,50 €

Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com