Tous les articles par Katia Bayer

L’autre Palme d’or

Plus de mystère. La Palme d’or des courts métrages du Festival de Cannes a été attribuée hier soir à « Timecode », du réalisateur espagnol Juanjo Gimenez.  Le film a été choisi par Naomi Kawaze et son jury parmi les 10 films sélectionnés cette année au festival. Une Mention spéciale du Jury a également été décernée au film brésilien « A moça que dançou com o diabo » (La jeune fille qui dansait avec le diable) de João Paulo Miranda Maria.

Palme d’or : Timecode de Juanjo Gimenez, Espagne

Synopsis : Luna et Diego sont gardiens de sécurité dans un parking. Diego fait le service de nuit, et Luna de jour.

Mention spéciale du Jury : A moça que dançou com o diabo (La jeune fille qui dansait avec le diable) de João Paulo Miranda Maria, Brésil

Synopsis : Une jeune fille d’une famille très religieuse cherche son propre paradis.

2 courts primés à la Quinzaine des Réalisateurs

Même si la Quinzaine des Réalisateurs est une section non compétitive, certains de ses partenaires attribuent des prix lors de la cérémonie de clôture, ayant eu lieu hier soir à Cannes. Sur les différents prix remis, l’un est consacré au court métrage via la marque de café illy.

Palmarès

Prix illy du court métrage : Chasse royale de Lise Akoka & Romane Gueret (France)

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Synopsis : Angélique, 13 ans, aînée d’une famille nombreuse, vit dans la banlieue de Valenciennes. Ce jour là, dans son collège, on lui propose de passer un casting.

Mention : Zvir (The Beast) de Miroslav Sikavica (Hongrie)

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Synopsis : Un ouvrier de l’arrière-pays croate se dirige vers la côte pour démolir des habitations dans une station balnéaire. En chemin, il réalise que pour mener à bien sa contestable mission et conserver son autorité paternelle, il va devoir se débarrasser d’un « témoin » indésirable.

Cinéfondation 2016, le palmarès

La 19ème édition de la Cinéfondation a dévoilé les quatre courts métrages que son jury a décidé de récompensé cette année. Pour rappel, le jury était présidé par Naomi Kawaze et était composé de Marie-Josée Croze, Jean-Marie Larrieu, Radu Muntean et Santiago Loza. La cérémonie de remise des prix s’est déroulée à la salle Buñuel et a été suivie par la diffusion des films primés dont voici le classement.

Premier Prix : « Anna » réalisé par Or Sinai (The Sam Spiegel Film & TV School, Israël)

Synopsis : Par une chaude journée d’été, pour la première fois depuis des années Anna se retrouve inopinément seule, sans son fils. La voilà donc partie pour une errance dans les rues de sa petite ville dans le désert, à la recherche d’un homme qui lui donnerait une caresse, même pour un bref instant.

Deuxième Prix : « In the hills » réalisé par Hamid Ahmadi (The London Film School, Royaume-Uni)

In The Hills

Synopsis : Shahram est un jeune immigré qui vit dans l’idyllique campagne anglaise des Cotswolds. Afin de réussir son intégration dans cette nouvelle société, il choisit une approche plutôt radicale.

Troisième Prix ex aequo :

– « A nyalintas nesze » réalisé par Nadja Andrasev (Moholy-Nagy University of Art and Design, Hongrie)

Synopsis : Une femme est observée chaque jour par le chat de sa voisine, au moment où elle s’occupe de ses plantes exotiques. Leur rituel pervers prend fin quand le chat disparaît. Au printemps suivant un étrange inconnu lui rend visite.

– « La culpa, probablemente » réalisé par Michael Labarca (Universidad de Los Andes, Venezuela)

La culpa probablemente

Synopsis : Il fait nuit et il y a une panne électrique dans la ville. Une mère célibataire reçoit la visite de Cándido, son dernier partenaire et son plus récent échec dans la recherche d’une figure paternelle pour sa jeune fille. Il revient parce qu’il veut les protéger dans l’obscurité, probablement…

Semaine de la Critique 2016, palmarès des courts sélectionnés

La 55ème édition de la Semaine de la Critique s’est clôturée hier soir. Voici les deux courts-métrages récompensés lors de cette édition 2016.

PRIX DÉCOUVERTE LEICA CINE DU COURT MÉTRAGE : « Prenjak » de Wregas Bhanuteja (Indonésie)

Synopsis : Diah emmène Jarwo dans un entrepôt pendant la pause de midi. Elle dit avoir besoin d’argent rapidement. Elle propose à Jarwo d’acheter une allumette pour 10 mille roupies. Avec cette allumette, il pourra regarder le sexe de Diah.

PRIX CANAL+ DU COURT MÉTRAGE : « L’enfance d’un chef » de Antoine de Bary (France)

Synopsis : Vincent a 20 ans, c’est un jeune comédien à succès à qui on vient d’offrir le premier rôle dans le film de l’année : le biopic sur la jeunesse de Charles de Gaulle. Au même moment, ses parents partent vivre à Orléans et le poussent à emménager seul. Le film suit ses premiers pas dans l’indépendance.

I comme Il Silenzio

Fiche technique

Synopsis : Fatma et sa mère sont réfugiés kurdes en Italie. Lors d’une consultation médicale, Fatma doit traduire ce que le médecin dit à sa mère, mais la jeune fille garde le silence.

Genre : Fiction

Durée :  15′

Année : 2016

Pays : Italie, France

Réalisation : Ali Asgari, Farnoosh Samadi Frooshani

Scénario : Ali Asgari, Farnoosh Samadi Frooshani

Image : Alberto Marchiori

Son : Daniele De Angelis

Montage : Mauro Rossi

Musique : Matti Paalen

Interprétation : Fatma Alakuş, Cahide Özel, Valentina Carnelutti

Production : Kino Produzioni, Filmo

Articles associés : la critique du film, l’interview d’Ali Asgari et Farnoosh Samadi Frooshani

Il silenzio d’Ali Asgari et Farnoosh Samadi Frooshani

Le Colombien Simón Mesa Soto, évoqué il y a quelques jours sur notre site, n’est pas le seul court-métragiste à revenir en compétiton officielle à Cannes cette année. L’auteur de « Leidi » (Palme d’Or il y a 2 ans) et de « Madre » (en lice cette année) se retrouve en effet dans la même catégorie qu’Ali Asgari, un auteur iranien que nous avions repéré il y a trois ans à Cannes avec le très beau « Bishtar Az Do Saat » (More than two hours). Depuis cette première sélection en 2013, Ali Asgari a réalisé un autre court-métrage remarqué, « The Baby » avant d’opter pour la co-réalisation avec sa compagne Farnoosh Samadi Frooshani avec qui il a signé « La Douleur » avant de tourner « Il Silenzio », retenu à l’officielle cette année.

Ali Asgari est un sans conteste un auteur à suivre. Mêlant simplicité, émotions, famille d’acteurs et véritable sens de la mise en scène, il arrive, de film en film, à toucher son spectateur. En solo, il a tourné deux films co-écrits avec Farnoosh Samadi Frooshani qui ont retenu l’attention des festivals. Dans « Bishtar Az Do Saat », ayant fait ses débuts à Cannes, deux jeunes gens tentaient, envers et contre tout, de lutter contre l’administration hospitalière (et en filigrane contre la société iranienne) après une première nuit passés ensemble.

Dans « The Baby », découvert à Venise, deux jeunes femmes cherchaient vainement une baby-sitter pour s’occuper d’un nourrisson devant resté caché aux yeux de tous. Dans « La Douleur » dans lequel Asgari s’est initié à la co-réalisation, un jeune homme atteint d’une rage de dents essaye tant bien que mal d’être reçu par un dentiste qui refuse obstinément de le prendre en consultation. Dans « Il silenzio », une mère et sa fille, réfugiées kurdes, se rendent à une consultation médicale. L’enfant se retrouve dans la délicate position de devoir traduire les mots du médecin à sa mère malade, mais reste murée dans le silence.

silence

D’un court à l’autre, des constances apparaissent : l’envie de filmer l’hôpital, de tourner de temps à autre avec les mêmes comédiens, de s’intéresser à l’intime, au secret, au tabou (la perte de la virginité, une naissance hors mariage, la séropositivité, la maladie), de travailler dans un cadre et une durée déterminée (15 minutes), d’aborder la question de la responsabilité de l’individu face au système, de parier sur une mise en scène simple et pudique.

« Il silenzio », montré ces jours-ci à Cannes, touche juste, directement, comme les films précédents. Sans fioritures, le film va à l’essentiel. Le personnage de la jeune Fatma est désarmant, cherchant sans cesse à reculer le moment fatidique où elle devra surmonter sa peur et révéler à sa mère la précieuse information qu’elle détient. Ce moment de silence qui s’éternise, les yeux grands ouverts de sa comédienne (touchante Fatma Alakuş), son plan et sa musique de fin, fort en émotions, laissent présager au film une Palme bien méritée, tant le reste de la sélection officielle se révèle bien décevant (hormis « La Laine sur le dos » de Lotfi Achour) et le désir de cinéma puissant chez ce duo de cinéastes n’ayant pas fini de d’explorer la question de l’intime et de la simplicité.

Katia Bayer

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Article associé : l’interview d’Ali Asgari et Farnoosh Samadi Frooshani

Festival Tous Courts, appel à films et à scnénarios

Le Festival International de Courts Métrages d’Aix-en-Provence (Festival Tous Courts) a lancé son appel à films (courts). Deux compétitions (internationale et expérimentale) se tiendront durant sa 34ème édition entre le 28 novembre et le 3 décembre prochain. Les films doivent avoir été achevés après le 1er janvier 2015 et leur durée ne doit pas excéder 30 minutes. Hormis cela, tous les genres et toutes les formes sont permis.

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Le Festival Tous Courts est également l’occasion pour les jeunes scénaristes de mettre en avant leur travail. L’Atelier Jeunes Auteurs accueillera en résidence 11 scénaristes durant le Festival. Ceux-ci seront coachés par une équipe de script-doctors afin d’améliorer leur projet de film et augmenter ses chances de trouver un producteur. Il doit s’agir d’un premier ou deuxième projet de court métrage.

Inscription aux compétitions (avant le 15 juillet) : http://festivaltouscourts.com/inscription2016/

Inscription à l’Atelier Jeunes Auteurs (avant le 29 juillet) : http://festivaltouscourts.com/atelierauteurs/

Madre de Simón Mesa Soto

Deux ans après avoir reçu la Palme d’or du court-métrage pour « Leidi », Simón Mesa Soto concourt de nouveau dans la même sélection au festival de Cannes 2016, avec son court-métrage « Madre ».

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Réalisateur colombien ayant étudié le cinéma à Londres, il retourne filmer dans son pays natal. Il s’intéresse avant tout aux jeunes adolescentes de Medellin, mégalopole colombienne, deuxième ville la plus peuplée du pays. Il réalise des portraits de femmes-enfants dont les conditions de vie les ont emmenées à grandir plus vite et à adopter des comportements de femmes avant l’âge. A l’instar de « Leidi » qui suivait une très jeune mère à la recherche du père de son enfant, « Madre » dévoile un court instant de la vie d’Andrea, adolescente de 16 ans. Le film se déroule sur une journée, celle où la vie d’Andrea bascule en entrant dans le monde glaçant de la pornographie.

La jeune fille est emprisonnée dans des cadres très serrés qui n’hésitent pas à lui couper un morceau du front, la laissant sans air et sans espace face à une décision irrévocable prise sans autre motivation que celle de l’argent. Pour autant, la caméra, si elle n’est pas fixe, est stable et fluide, ne créant ainsi pas de mouvement anxiogène. En effet, Andrea ne manifeste aucune angoisse, elle ne parait pas regretter son choix et appréhender l’acte qu’elle devra commettre avec calme et sérénité. Elle semble agir après mûre réflexion, pouvant alors répondre de manière assurée aux questions que lui pose son futur agent lors du casting passé, quitte à mentir avec aplomb sur son âge par exemple.

Cependant, l’hostilité du monde dans lequel elle s’intègre est suggérée avec quelques plans plus larges dévoilant l’arrière-plan ou quelques interactions sonores avec l’hors-champs. Ils laissent apercevoir les regards méprisants que les autres filles lui portent ou entendre la voix du directeur de casting posant les strictes conditions de son futur travail si elle l’accepte. Andrea, très justement interprétée par Yurani Anduquia Cortés, est pudique. En public, elle ne laisse transparaitre aucune émotion, ni dans sa voix, ni sur son visage. Seule une larme discrète coule le long de sa joue à la fin de cette journée éprouvante quand elle se retrouve enfin seule, libérant ainsi la lourde pression difficile à retenir par une femme qui n’est en fait encore qu’une enfant.

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Le film prend part dans un projet commun international « Break the Silence », regroupant trois autres réalisateurs primés à Cannes, Frida Kempff, Anahita Ghazvinizadeh et Sonejuhi Sinha, sur le thème de l’exploitation sexuelle infantile. En réponse à la commande, Simón Mesa Soto signe un film tout en retenue et suggestion, offrant aux jeunes femmes de son pays toute la considération qu’elles méritent.

Zoé Libault

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M comme Madre

Fiche technique

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Synopsis : Andrea, 16 ans, descend de son quartier sur les collines de Medellin pour assister à un casting porno en centre ville.

Genre : Fiction

Durée : 14′

Pays : Suède, Colombie

Année : 2016

Réalisation : Simón Mesa Soto

Scénario : Simón Mesa Soto

Image : Juan Sarmiento

Montage : Gustavo Vasco

Son : Andres Montaña Duret, Isabel Torres, Jose Valenzuela

Interprétation : Yurani Anduquia Cortés, María Camila Maldonado, Paulo De Jesús Barros Sousa

Production : Momento Film

Article associé : la critique du film

Import d’Ena Sendijarevic

Les refuges du cinéma

Comment la réalisatrice d’origine bosniaque Ena Sendijarevic a-t-elle perdu l’accent sur la dernière lettre de son nom ? C’est à cette question que semble faire écho son troisième film intitulé « Import » (après « Travellers into the Night » en 2103 et « Fernweh » en 2014). Sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs, le court-métrage se glisse dans un sillon contemporain alliant le style expérimental à la fable politique, lequel s’est ouvert admirablement ces dernières années notamment par Valéry Rosier avec ses pesants « Dimanches » (2011) et par Vladilen Vierny avec son fuyant « Exil » (2013). C’est donc d’abord dans la déliaison que le film travaille, dans les axes protéiformes que prend l’histoire d’une famille de réfugiés bosniaques arrivée au Pays-Bas au début des années 1990, rêvant d’inclusion quand la réalité offrait souvent des visages de haine et de rejet. Mais la réalisatrice troque toute tragédie du regard contre une mélancolie ironique de la vision. Et fond le pathétique dans la chaleur d’une image autobiographique qui, contre les tentatives d’exclusion, intègre et interroge.

Tentative de synchronicité sociale

Le réalisme propre à « Import » déplace la forme classique du film de montage. Il est d’abord porté par des situations, dont la disparité est la proie à une conjugaison méticuleuse. Dans un salon aménagé de manière rudimentaire, un homme joue une valse sur un orgue électronique. Dans la salle de classe d’une école primaire, on voit des élèves qui font un exercice de mathématiques. Dans le couloir d’un hôpital, on voit un homme expliquer à de jeunes femmes comment utiliser correctement les produits ménagers. Puis, s’enchaînent de cette manière des situations similaires, intrigantes autant dans leur perspective burlesque que dans leur multiplicité tronquée. En fait, à l’image, il y a moins d’actions que de transports (au sens sentimental du terme) : familiarité, haine, solidarité, peur, étonnement, etc. À travers eux, la ligne narrative, doucement, se dessine. On comprend que ces situations nous ramènent à l’exposition (pas si) énigmatique (que cela) d’une famille dont la particularité est de ne pas être (encore) chez elle. Le rhizome cachait un arbre généalogique et la dernière image du film nous en donne la preuve : la désunion du film se transforme finalement, sur le canapé du salon, en réunion de tous les protagonistes d’une seule et même famille. « Import » développe donc un réalisme par attraction.

À la recherche des visages

Si la méthode est peu banale, elle n’en est pas moins maîtrisée et émouvante. En effet, le film capte ce qui fait, à partir de chaque visage et surtout dans l’articulation des faces grimaçantes, liens et ruptures. Exemple de lien : un voisin vient offrir un vélo au père de la famille. Exemple de rupture : les deux sœurs sont insultées par leurs camarades de classe, sous des accusations à connotation xénophobe du genre : « Rentre dans ton pays ». La rectitude des cadres et la limpidité du sens appellent directement à des questionnements d’ordre politique : d’où provient le réflexe d’exclusion? Que signifie quotidiennement, dans une situation de migration contrainte, l’idée de liberté et d’exil? Le film soulève dans ses coupes franches l’idée qu’il y aurait des écarts et que face à eux, deux réactions sont possibles : le rejet en bloc, le partage avec l’autre. Mais il dit également que, loin des postures de “bonne conscience”, la question est davantage celle d’une position qui prend en compte la différence, sa propre différence.

Se reconnaître

L’impression finale rendue par « Import » est celle d’une tentative de reconnaissance de la réalisatrice à l’égard de sa propre histoire, elle-même bosniaque arrivée en Hollande à l’âge de sept ans. Or, rien de plus tiraillé qu’un tel processus, mais rien également du plus humain. L’image devient ainsi le refuge où la réalité de la guerre des Balkans (1991-1995) surgit d’un coup sur l’écran de télévision (le père étant en quête de brancher son antenne), et où le présent de l’image s’avère être l’expérience passée de la réalisatrice. Le film ne sépare pas mais semble embrasser, à l’image d’une mémoire individuelle que le cinéma propose, des sentiments désormais objectivés. Mais, comme une contre-mise en abîme, la reconnaissance du passé ne compare pas la guerre de là-bas avec la paix d’ici, mais ne confond pas non plus les combats absurdes d’anciens frères yougoslaves avec la difficile intégration sociale; l’image ne fait qu’exposer ce qui, dans cette situation extrême de vie, se lie malgré tout. Le film fait ressortir l’humanité de ces tentatives et de ces tourments.

Finalement, si la mère dans le film fait repartir le cœur d’un patient à l’hôpital, c’est au prix d’une obstination nécessaire. La question pointée par le film est donc moins celle d’un quelconque devoir moral que la construction d’une reconnaissance de soi et d’autre, autrement dit d’une démarche éthique. Et c’est justement dans l’espoir d’une contamination d’une telle démarche qu’un jour, la réalisatrice pourrait réclamer la récupération de l’accent sur la dernière lettre de son nom.

Mathieu Lericq

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Pour information, « Import » sera projeté ce jeudi 10 novembre 2016 au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) lors de la séance Format Court, spéciale Pays-Bas, en présence de la réalisatrice

I comme Import

Fiche technique

Synopsis : En 1994, une jeune famille de réfugiés bosniaques se retrouve dans un petit village des Pays-Bas après l’obtention de leur permis de séjour. Les situations absurdes surviennent alors qu’ils essaient de faire de ce nouveau monde leur maison.

Genre : Fiction

Durée : 17’

Pays : Pays-Bas

Année : 2016

Réalisation : Ena Sendijarević

Scénario : Ena Sendijarević

Image : Emo Weemhoff

Son : Vincent Sinceretti, Taco Drijfhout

Montage : Lot Rossmark

Musique : Ella van der Woude, Juho Nurmela

Interprétation : Alena Dzebo, Aya Crnić, Esma Hrusto, Mario Knezović

Production : Pupkin

Article associé : la critique du film

Luciano Barisone : « La forme courte s’approche plus de la poésie, de l’aphorisme, de la pensée fragmentaire »

Le festival Vision du réel met en avant le cinéma documentaire à Nyon, en Suisse, depuis 1969. Luciano Barisone, son directeur depuis 2010 s’efforce de maintenir le festival dans sa continuité, suivant un axe qui lui est cher. Pour Format Court, il est revenu sur son lien au documentaire et sa passion pour LE cinéma.

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Pouvez-vous me parler de Visions du réel, de sa spécificité et de son lien au documentaire ?

Le documentaire n’est pas en soi une spécificité. Je n’aime pas les distinctions. Le documentaire n’existe pas. Il n’existe que LE cinéma. Et si on veut parler du cinéma du réel, c’est une forme de cinéma.

La spécificité de Vision du réel – si cela en est une – mais que l’on affirme même dans notre règlement – se traduit en deux composantes : d’un côté le « réel », c’est-à-dire le monde physique mais aussi la perception que les êtres humains en ont. De l’autre côté, les « visions ». La vision est plus qu’un regard, c’est avoir un projet pour le monde. C’est capter, imaginer dans le présent, les traces d’une évolution dans le futur.

Mon précurseur (Jean Perret) tenait déjà cette ligne, mais c’est une idée que j’avais déjà en tête dans les festivals pour lesquels je travaillais. Le concept de « réel » est obscur et abstrait. Il faudrait comprendre comment le définir. La réalité, c’est ce qui nous entoure, ce que l’on peut capter avec nos sens. Au discours du réel est connecté l’idée de l’objectivité et l’idée de vérité. Je pense que ce sont deux choses qui n’existent pas. Ma vérité ne peut pas être la vôtre. Un film objectif se conçoit selon mon objectivité, il est donc forcément subjectif. Tout ce qui passe à travers les sens de l’homme ne peut être que subjectif. Tout ce concept d’objectivité et vérité, nous aimons donc le remettre en doute.

Dans la composition du festival, le mot vision est connecté avec l’acte de voir mais également au-delà ; on parle de quelque chose que l’on voit mais qui est construit pour autre chose.

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Une idée du monde peut-être, encore une fois, subjective. Il ne peut y avoir que des visions du réel. Tout cela correspond à la ligne du festival. La pluralité des regards et des visions est fondamentale. Nous ne voulons pas nous définir dans une espèce de piège que l’on aurait construit nous-mêmes, où l’on dirait que nous nous intéressons qu’à une seule chose. La variété est ce qui compose la beauté du monde dans son sens positif et dans son sens négatif.

Lors des sélections, nous sommes sept à choisir les films, en plus une dizaine de consultants. Nous comptons donc sur une pluralité de regards et de conseils. Nous élaborons une trentaine de missions à l’étranger pour voir et découvrir toujours plus de variétés. La seule chose sur laquelle nous sommes d’accord, c’est que le film doit être du cinéma.

Lorsque je regarde les autres, j’obtiens des informations, mais je ne peux pas connaître l’humanité de chacun, et c’est cela qui est intéressant. Nous sommes un mystère, comme chaque film doit en avoir un. Il y a quelque chose qui nous échappe et c’est cela qui est important, d’où l’importance du hors-champ qui est toujours plus intéressant que le champ. Chaque film doit avoir un moment d’illumination, se doit d’être une porte d’entrée vers l’invisible. Si les films sont bons, ce sont des actes de générosité, ils doivent avoir un moment de grâce.

Courts et moyens métrages sont sélectionnés au festival. Qu’est-ce qui vous interpelle dans cette forme ?

La forme courte s’approche plus de la poésie, de l’aphorisme de la pensée fragmentaire. Je pense à des films qui, souvent, captent en l’espace de 10 ou 15 minutes, un moment donné, une situation. Ce qui est intéressant, ce n’est pas vraiment l’histoire, mais plutôt ce moment qu’un film arrive à capter, le ton et la respiration de cette histoire, ce qu’on peut appeler l’atmosphère d’un lieu ou d’une situation également. Cela est parfois plus intéressant que le récit.

Cette année, au festival, nous avons par exemple sélectionné un court métrage espagnol qui s’appelle « Notes from sometime, later maybe » de Roger Gómez et Dani Resines. Dans ce film, il n’y a pas d’histoire, les cinéastes tombent sur des archives de films d’un cinéma dans une ville aux États-Unis, tournées pendant la grande dépression des années 30. Dans ce film, les cinéastes captent un instant et le spectateur regarde un moment de douceur.

Dans une récente interview, vous avez dit prendre à cœur la découverte de jeunes réalisateurs. Le festival comporte une section « Premiers pas » mettant en avant de jeunes cinéastes encore à l’école. Allez-vous continuer à développer cet intérêt dans le futur ?

Nous avons déjà développé ce qu’on appelle le DocMarket qui est un espace permettant aux réalisateurs, techniciens, distributeurs producteurs, … de se rencontrer.

Nous essayons d’agir dans ce sens pour que les films puissent également attirer l’attention des professionnels du cinéma. Chez nous, les films peuvent être présentés à différentes personnes, même en n’étant pas terminés pour qu’ils puissent trouver plus facilement des soutiens.

Littéralement ce DocMarket existe pour pouvoir échanger, partager et recueillir des conseils ou soutiens via des rencontres, des apprentissages et des promotions de projets de films à différents moments de leur développement. Nous avons crée un programme riche en tables rondes, workshops, masterclass et autres conférences dans cette optique-là. Nous mettons également en place pour tous les professionnels une librairie média où ils peuvent regarder les films plusieurs mois après la fin du festival. Il est important de suivre et de voir la construction d’un film et nous aimons contribuer à son existence. C’est le projet même de ce festival.

Aujourd’hui, les documentaires accèdent difficilement à la télévision et les cinémas ne les programment pas ou peu. C’est pourquoi la diffusion dans un cadre évènementiel est très importante. Je suis de plus en plus convaincu que la vraie vie d’un film se fait à travers les festivals.

Le marché du cinéma reste dans une logique de société du spectacle, un film est souvent associé à une marchandise. Contrairement aux gros navets à l’américaine qui génèrent des budgets énormes, qui n’ont pas de profondeur et qui sont du chewing-gum pour l’esprit, les documentaires de création et le cinéma d’auteur ne bénéficient pas ou peu d’espace dans la distribution. Il faut donc continuer à communiquer et échanger pour rallonger la vie de ces films.

Visions du réel s’intéresse de près au cinéma suisse. Quels auteurs nationaux de courts ou moyens métrages vous ont particulièrement plu cette année ?

La production est en effet très bonne et je dois admettre que tous les films présentés au festivals sont des coups de cœur. Pour n’en citer que quelques uns, je retiendrais trois films, trois moyens-métrages. Les deux premiers sont deux co-productions, le troisième est un film suisse : « Half-life in Fukushima » de Mark Olexa et Francesca, « Appunti del passagio » de Raphael Cuomo et Maria Iorio et « Chiens des Champs » de Rachel Vulliens. Ces trois films ont en eux une poésie de l’instant, une beauté propre qui fait qu’ils ont toute leur place à Visions du Réel.

Propos recueillis par Clément Beraud

Scrapbook de Mike Hoolboom

« Je ne pouvais dire si les émotions étaient un endroit dans mon corps ou un endroit dans la ville »

Réalisé sur une période de 50 ans, « Scrapbook », découvert au festival IndieLisboa dans la section « Silvestre », est un documentaire sur les résidents d’un asile pour autistes dans l’Ohio des années 60. Narré et commenté par l’une des patientes Donna Washington, le film rend compte des conditions de traitement et d’internement dans les années 60 aux États-Unis et permet à son sujet de revisiter son passé, tout en (re)construisant son identité par le biais du regard différé.

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Réalisateur sensible à la question de la différence et de l’aliénation sociale, Mike Hoolboom se profile aujourd’hui comme un des documentaristes les plus novateurs issus du Canada, pays qui a également produit d’autres talents du genre comme Guy Maddin ou la jeune génération représentée par Félix Dufour-Laperrière ou Theodore Ushev. Sa carrière longue de trois décennies a fait de Hoolboom une figure emblématique du cinéma indépendant, sa réputation renforcée par de nombreux prix et reconnaissances partout dans le monde.

Sur la base d’images tournées par le vidéaste Jeffrey Paull dans le Broadview Developmental Center dans l’Ohio en 1966, Hoolboom revisite les coulisses de l’asile pour enfants autistes. L’exercice de Paull visait à donner aux patients la possibilité de participer activement à la prise de vues et au développement d’images filmées et ainsi de se (re)voir avec une certaine distance. Cette démarche retrouve toute sa pertinence un demi-siècle plus tard lorsque l’une d’entre eux, Donna Washington, accepte de visionner et de commenter les images de sa jeunesse à l’internat.

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Son discours par moments décousu porte sur les sentiments, l’identité et la fragilité des patients face au regard franc de la caméra. Par le biais de la voix d’une actrice (qu’elle a jugée « plus vraie » pour le film), Donna évoque avec autant d’immédiateté les difficultés éprouvées par elle et ses confrères à ressentir, gérer et exprimer les émotions. En parlant parfois d’elle-même à la troisième personne, elle atteste de l’identification complexe et ambiguë entre les patients qui se fondent dans les visages les uns des autres pour ne pas se sentir seuls. C’est que le travail singulier de Jeffrey Paull est parvenu à briser la carapace autour de soi pour recomposer une identité à partir d’images filmées. Le film de Hoolboom, quant à lui, boucle la boucle un demi siècle plus tard en permettant un recul par rapport aux moments vécus.

Cette dilation du temps, que Donna évoque à plusieurs reprises en parcourant l’album filmé de sa jeunesse (son « scrapbook »), retrouve son écho dans une bande-son chargée composée par Stephan Mathieu. Celle-ci opère constamment un contrepoint angoissant entre son et image, avec ses bruitages opaques et mystérieux, et ses tons obstinés dissonants qui soulignent parfaitement le côté inquiétant de tels centres avant la généralisation des soins de santé communautaires.

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De ce point de vue, « Scrapbook » appelle forcément à la fois une comparaison et une nuance à faire par rapport à « Titicut Follies » de Frederick Wiseman, réalisé à peine un an plus tard. La cinéréalité crue de ce documentaire hautement controversé sur les détenus aliénés criminels de l’hôpital psychiatrique de Bridgewater se situe beaucoup plus dans une démarche de dénonciation engagée de la maltraitance répandue dans ce genre d’institutions. Or, Hoolboom et Paull sont justement très éloignés de tout jugement ouvert. Leur objectif est de donner une voix et un regard proactifs à leur sujet, et c’est précisément ce qu’ils arrivent à faire en tandem à travers cinq décennies.

Adi Chesson

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S comme Scrapbook

Fiche technique

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Synopsis : Broadview developmental Center, Ohio, un hôpital psychiatrique filmé en 1967 par Jeffrey Paull. Cinquante ans plus tard, Donna Washington, autiste et pensionnaire de cet hôpital à l’époque, raconte sa propre histoire à partir de photos et de bouts de films qui la mettent en scène.

Genre : Documentaire

Durée : 19′

Pays : Canada

Année : 2015

Réalisation : Mike Hoolboom

Scénario : Mike Hoolboom

Image : Jeffrey Paull

Musique : Stephan Mathieu

Son : Mike Hoolboom

Montage : Mike Hoolboom

Interprétation : Donna Washington, Martha Cronyn

Production : Mike Hoolboom

Article associé : la critique du film

#Cannes 2016

Comme chaque année, Format Court vous parle de Cannes. Depuis le 11 mai, le festival le plus médiatique du monde déroule son traditionnel tapis et accueille des films, des stars, des anonymes, des pros, des curieux, mais aussi des films, bons et mauvais, courts et longs. Format Court suit le mouvement, met ses tongs et son parapluie dans sa valise et vous propose d’en savoir plus dans les prochains jours sur les courts sélectionnés.

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Nos interviews

Romane Gueret & Lise Akoka. Du ciné, de l’envie, du réel (Quinzaine des Réalisateurs)
Alberto Vazquez, réalisateur de Decorado (Quinzaine des Réalisateurs)
Naomi Kawase, Présidente du Jury de la Cinéfondation et des courts métrages en sélection officielle
L’interview d’Ali Asgari et Farnoosh Samadi Frooshani (compétition officielle)

Nos critiques

Arnie de Rina B. Tsou (Philippines, Taïwan, Semaine de la Critique)
Chasse royale de Lise Akoka et Romane Gueret (France, Quinzaine des Réalisateurs)
Decorado d’Alberto Vazquez (France, Espagne, Quinzaine des Réalisateurs)
Il silenzio d’Ali Asgari et Farnoosh Samadi Frooshani (France, Italie, Compétition officielle)
Madre de Simón Mesa Soto (Suède, Colombie, Compétition officielle)
Import d’Ena Sendijarevic (Pays, Bas, Quinzaine des Réalisateurs)

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Le Mali (en Afrique) de Claude Schmitz

Nouveau Prix Format Court remis au Festival de Brive 2016, « Le Mali (en Afrique) », présenté ce jeudi soir aux Ursulines en présence de l’équipe, est une comédie sombre de Claude Schmitz aussi agréable au premier coup d’œil que riche de bonnes idées et merveilleusement dosée au second visionnage, au troisième etc. Ce n’est pas un hasard donc si le film évoque habilement de multiples références qui viennent échafauder une histoire qui n’en finit pas de s’approfondir.

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Le réalisateur et son compère de stylo Arthur Egloff ont en effet tissé une toile narrative qui relate plus d’une étude d’exploration de l’espace-temps, d’une pause temporelle précisément, qu’elle ne suit une progression traditionnelle. Ainsi dans l’héritage d’En Attendant Godot de Samuel Beckett, les héros du film agissent moins qu’ils n’attendent immobiles ou presque. D’ailleurs, l’exposition débute après le drame, le film commence après l’événement.

Trois gaillards, Darius, Stanislas et Gabriel entourent le propriétaire des lieux, le Père, au bas d’un escalier où git un cadavre frais. La victime est l’« Américain », on ne sait rien de lui ni de sa mort, mais le Père a téléphoné à la police et les garçons qui ont leur voiture en panne pas loin sont autorisés à rester le temps des réparations. Mais parmi eux, Stanislas commence à en pincer pour Camille, fille du Père et accessoirement ex-petite-amie de l’« Américain » de passage, et Gabriel lui est (en)charmé par les histoires du Père qu’il suit comme son ombre.

Petit à petit, tout semble perdu, les flics n’arrivent jamais, les relations entre les personnages sont alambiquées, et le nombre de pensionnaires des lieux décroit dangereusement au fur et à mesure du film. Comme si cela n’était pas suffisant, le Père ne cesse de radoter des histoires sur ces glorieux ancêtres, des guerriers et des nobles, au travers la collection de reliques et de peintures qui font de sa demeure un véritable musée familial. Même si cet aspect nourrit l’humour du film, enraciner tout l’arbre généalogique du père à sa maison lui confère aussi une atmosphère mortifère. « Le Mali (en Afrique) » évolue alors dans une facette fantastique des Dix petits nègres d’Agatha Christie.

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Il y a des meurtres sans enquête, des accidents sans surprise, des empoisonnements sans panique. Puisque le film n’a pas de quête, et que ces personnages attendent, ils attendent tous de pouvoir partir ailleurs de réparer leur carlingue ou d’amouracher un voyageur, la maison du Père s’étire sur tous les angles pour constituer le seul et unique décor du film. Les personnages y sont cloisonnés, jamais on ne les verra au dehors. Au contraire, non contents d’être bloqués dans ce château, ils iront jusqu’à le camoufler sous des branchages pour éviter que d’autres personnes ne les rejoignent, pour des raisons tout aussi loufoques que les autres sous-motivations des héros.

L’ingéniosité du film vient du fait que la mise en scène marie habilement l’étrangeté comique des personnages et l’étrangeté maligne des lieux. Car à voir ces garçons tuer le temps en ressassant un passé familial lointain ou de récentes passions sentimentales, encercler de murs exhibant d’austères portraits et des accessoires inattendus, il semble que la maison soit quelque part hors du monde.

Claude Schmitz nous embarque sur cet ilot d’espace-temps, détaché du reste du monde, il n’a pas d’issue, et il n’y a pas d’accès. D’ailleurs, les gaillards ne sont jamais vus passant d’un lieu à l’autre, on n’observe aucun transport d’une scène à l’autre.

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Il nous est impossible de dessiner la distribution des pièces dans cette maison, ni même d’indiquer la position du lac où se déroulent certaines scènes par rapport à la bâtisse, celle du jardin, ou même celle de la voiture que l’on ne verra pas : peut-être parce qu’elle est justement situé à l’extérieur du domaine, là où ni la caméra ni les personnages ne peuvent se rendre.

On remarque que ce terrain est si retranché du monde normal que les policiers alertés avant le début du film n’arrivent que pour clore la bobine, plusieurs jours après l’appel, et que la première question qu’ils posent aux gaillards survivants de l’hécatombe point est : « Comment êtes-vous arrivés ici ? ».

« Le Mali (en Afrique) » est une comédie adroite qui utilise les personnages comme instruments directs de l’histoire et son espace. Les personnages sont décalés, l’histoire piétine et son décor se dilate. Entre les cadavres, les survivants tuent le temps, et offrent un exercice de mise en scène prodigieux. Une mise en scène et une mise en cadre qui génèrent au-delà du comique un environnement mystérieux de film fantastique.

Et comme toute comptine fantastique, la fin appelle un nouveau commencement, un recommencement du même événement. Ici, le bonus est que le film commence comme il aurait pu finir. A l’inverse du Boulevard du Crépuscule de Billy Wilder, Claude Schmitz ouvre Le Mali (en Afrique) par un cadavre qui ne parle pas et préfère aux flashs des paparazzi la noirceur imperméable d’un tunnel d’évasion pour le terminer. Une évasion vers où ? Il n’y a pas d’issue.

Gary Delépine

Consulter la fiche technique du film

M comme Le Mali (en Afrique)

Fiche Technique

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Synopsis : Alors qu’ils tentent de fuir l’Europe en crise, Darius, Stanislas et Gabriel tombent en rade dans un domaine privé. Le propriétaire propose de les héberger le temps de réparer leur véhicule, sous condition d’effectuer des travaux de rénovation dans le bâtiment et de distraire sa fille dont le fiancé américain est décédé la veille.

Genre : Fiction

Durée : 58’

Pays : France/Belgique

Année : 2015

Avec : Marc Barbé, Lucie Debay, Clément Losson, Patchouli, Olivier Zanoti

Réalisation : Claude Schmitz

Scénario : Arthur Egloff & Claude Schmitz

Directeur de la photographie : Florian Berutti

Son : Félix Blume

Montage : Marie Beaune

Musique : Thomas Turine

Production : Chevaldeuxtrois, Wrong Men, Paradies, Les Halles de Schaerbeek

Article connecté : la critique du film

Padre de Santiago Bou Grasso

Animation, 12′, 2013, France, Argentine, Les films de l’Arlequin

Synopsis : Argentine, 1983. Une femme consacre sa vie entière au soin de la santé de son père, un très haut dignitaire de l’armée. Sa routine quotidienne est réglée par les tintements d’une horloge qui ponctuent continuellement chacune de ses activités, réduisant son existence à cet asservissement.

« Padre » est un court-métrage politique réalisé en stop motion par l’animateur argentin Santiago Bou Grasso qui évoque une partie sombre de son pays, en 1983 juste après la dernière dictature en date. A travers le personnage d’une jeune femme vivant en huis clos dans l’appartement de son père, ancien dictateur argentin, le film dénonce l’absence de positionnement politique de la classe moyenne en Argentine durant cette période sombre de l’histoire du pays. Un film tout en symbolique et en ellipses.

Film multi-primé mis en ligne depuis peu, « Padre » parle de passivité et de déni d’une partie de la population face aux événements atroces (disparitions, tortures, meurtres…) qui se sont déroulés pendant ces événements troubles de l’Histoire. Dans ce court-métrage, le temps s’est arrêté à l’image de cette femme isolée, enfermée dans un quotidien qu’elle répète jour après jour et dans les gestes identiques plan après plan, à l’image des repas préparés pour son dictateur de père. En filigrane, Santiago Bou nous montre ce qui n’est pas, ce qui n’est plus, mais dont les habitudes qui rythment les journées persistent à faire exister. Le réalisateur à pris un soin particulier à travailler la mise en scène, notamment par les bruitages des objets très présent dans ce film sans paroles. Comme le tic-tac régulier des aiguilles de l’horloge, image du temps qui passe, mais qui dans le cas présent nous renvoie à l’immobilisme de la classe moyenne lors de ces événements. L’unique moment où l’on entend le son d’une voix, c’est à travers le poste de radio, lorsqu’on entend une mère demandant justice et dénonçant les atrocités de la dictature.

Déjà, dans « El Empleo » son court précédent,Prix Fipresci 2009 à Annecy,  Santiago Bou proposait un film muet pour dénoncer la passivité du quotidien, le temps suspendu, la déshumanisation et le rapport au pouvoir mais sous couvert d’humour et de mélancolie. Avec « Padre », il semble avoir franchi une étape, celle de mêler histoire intime et collective, avec un couvert plus sombre, plus mature, plus dénonciateur.

Karine Demmou

Rappel. Nouvelle Soirée Format Court, ce jeudi 12 mai 2016

Ce jeudi 12 mai 2016, Format Court vous invite à sa nouvelle soirée de courts-métrages, l’avant-dernière de l’année, à 20h30 au Studio des Ursulines (Paris 5ème).

Quatre films (français, belge, allemand et canadien) vous seront présentés dont le dernier Prix Format Court remis au Festival de Brive 2016 à « Le Mali (en Afrique) » de Claude Schmitz, en présence du réalisateur du comédien Marc Barbé.

Cette nouvelle séance sera également marquée par la présence de Samuel Petit, sélectionneur à Brive, de Yassine Qnia et de Harrison Mpaya, réalisateur et comédien de « F430 ».

Enfin, pour les amateurs d’animation, une exposition de croquis préparatoires autour du film « Sonámbulo » de Theodore Ushev accompagnera cette toute nouvelle projection.

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En pratique

* Accueil : 20h
* Programmation, extraits, articles : ici !
* Durée : 88′
* Entrée : 6,50 €
* Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com

2ème Prix Format Court au Festival Le Court en dit long

La 24ème édition du festival de courts métrages belges Le Court en dit long se tiendra prochainement, du 30 mai au 4 juin prochain au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris. Pour la deuxième année consécutive et après avoir primé « Kanun » de Sandra Fassio l’an passé, Format Court y attribuera un nouveau prix au sein de la compétition.

Le Jury Format Court (composé de Adi Chesson, Karine Demmou, Gaël Hassani et Aziza Kaddour) élira le meilleur court en compétition parmi les 40 films sélectionnés à l’issue du festival.

Le court-métrage primé bénéficiera d’un focus spécial en ligne, sera programmé lors d’une prochaine séance Format Court organisée au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) et bénéficiera d’un DCP doté par le laboratoire numérique Média Solution.

Films en compétition

– De longues vacances réalisé par Caroline Nugues-Bourchat
– Les Saisons réalisé par Coline Grando
– Le Flan réalisé par Odile d’Oultremont
– Les Amoureuses réalisé par Catherine Cosme
– The Hidden Part réalisé par Monique Marnette & Caroline D’Hondt
– M’aime pas en rêve réalisé par Anthony Nion
– Jean-Michel le Caribou des bois réalisé par Mathieu Auvray
– Nelson réalisé par Thomas Xhignesse & Juliette Klinke
– Entre-Deux réalisé par Maxime Bultot
– Petits pas réalisé par Arthur Lecouturier
– Aquabike réalisé par Jean-Baptiste Saurel
– Zoufs réalisé par Tom Boccara, Noé Reutenauer, Emilien Vekemans
– Dernière porte au Sud réalisé par Sacha Feiner
– Ice Scream réalisé par Vincent Schmitz
– Totems réalisé par Paul Jadoul
– L’Ombre d’un autre réalisé par Léo Médard
– Les Garçons clignotants réalisé par Pascale Brischoux
– Le Bruit du gris réalisé par Vincent Patar & Stéphane Aubier
– Caïds réalisé par François Troukens
– La Graine réalisé par Barney Frydman
– A l’arraché réalisé par Emmanuelle Nicot
– Collabeur réalisé par Fahem Abes
– Vengance réalisé par Isabelle Nouzha
– Vous avez vos papiers ? réalisé par Mathieu Labaye
– Estate réalisé par Ronny Trocker
Renaître réalisé par Jean-François Ravagnan
– No-Go Zone réalisé par l’Atelier Collectif
– Les Hauts-Pays réalisé par Jérémy van der Haegen
– Rapaces réalisé par Aude Verbiguié
– Regain réalisé par Carline Albert
– Vita Brevis réalisé par Thierry Knauff
– Ritournelle réalisé par Camille De Leu
– Réplique réalisé par Antoine Giorgini
– Tout va bien réalisé par Laurent Scheid
– Un grand silence réalisé par Julie Gourdain
– Toutes nuancées réalisé par Chloé Alliez
– Putain réalisé par Cypria Donato
– Pornography réalisé par Eric Ledune
– L’Œil silencieux réalisé par Karim Ouelhaj
– Le Plombier réalisé par Xavier Seron & Méryl Fortunat-Rossi