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Aleksandra Terpińska : « Je voulais aller contre l’idée que la guerre est une réalité lointaine »

Si la jeune cinéaste polonaise Aleksandra Terpińska ne mâche pas ses mots, il semblerait qu’elle croque la réalité à pleines dents. À la manière de ses personnages qui, dans une métropole en guerre, se demandent comment vivre. Ou mourir. Il y a quelque chose de fulgurant dans Les plus beaux feux d’artifice (Najpiękniejsze fajerwerki ever), le court métrage qu’elle présente ces jours-ci en compétition à la 56e Semaine de la Critique à Cannes. Rares sont les films cannois à traiter de façon aussi tragique et souterraine la situation politique présente, où la guerre advient comme une réalité possible, sans crier gare. Alors faut-il qualifier ce film, aussi poétique qu’intransigeant, de “fiction politique” ? Ou bien de mythe prémonitoire ? Ou encore de légende revitalisée, puisée dans la culture et le cinéma polonais ? Autre interrogation : comment le cinéma peut-il rendre compte, de façon détournée, des démons du présent européen ? Pour avoir des éclaircissements sur ces points, nous avons interviewé la réalisatrice au cours d’une rencontre pour le moins électrique.

© Mateusz Nasternak

Au cours des ces dernières années, vous avez réalisé deux courts métrages de fiction remarqués et récompensés dans de nombreux festivals internationaux : Święto Zmarłych (La Fête des morts, 2011) et Ameryka (L’Amérique, 2015). Le point commun (trop) flagrant entre les deux, c’est sans doute la présence de jeunes figures féminines en proie à des questionnements liées à l’adolescence. Pourquoi portez-vous autant d’intérêt pour les personnages féminins ?

Aleksandra Terpińska : Pour moi, cela ne fait aucune différence. Je fais des films sur les êtres humains. Ce qui m’intéresse, ce sont des enjeux psychologiques majeurs. Je choisis des sujets plutôt que des personnages. Et il est évident que, puisque je suis une femme, je me sens plus proche de la féminité. Je pense que les personnages féminins sont particulièrement intéressants. Quelque part, je me dis que cela ne devrait pas être une question.

Ma question concernait davantage le rapport entre la féminité et la jeunesse. Pourquoi centrer vos films sur l’adolescence et la jeunesse ? Est-ce que parce que c’est un moment transitoire, où les normes ne sont pas encore tout à fait acquises, où les doutes les plus profonds se confondent avec les plus grands espoirs ?

A. T. : Oui, ils ressemblent tous à des films de passage, d’apprentissage, qui annonce l’âge adulte. Je n’ai jamais eu l’intention de parler frontalement des adolescents. Probablement, je fais des films sur des sujets qui me sont proches. Je me fonde sur une sorte de flair. Je sais plus de choses sur les gens jeunes, de mon âge, que sur les hommes de soixante ans. Cela explique peut-être mon intérêt pour les personnages de jeune âge.

Diriez-vous que vos films sont autobiographiques ?

A. T. : La plupart ne sont pas autobiographiques, non. Néanmoins, le sujet de La Fête des morts raconte une histoire que j’ai vécue. Mais en ce qui concerne les autres films, ils font partie de moi d’une façon ou d’une autre. J’ai puisé les situations dans mon expérience. L’expérience d’être une jeune fille, par exemple. Au fond, je ne suis présente que dans les détails, mais pas dans la thématique générale. Je n’ai jamais été violée ou brutalisée; mais j’ai pensé qu’il était intéressant de parler d’une telle situation dans L’Amérique. Dans le cas des Plus beaux feux d’artifice, j’ai seulement été attiré par le sujet. Pour moi, c’était important d’en parler maintenant. Ce sont des choses auxquelles je pense. Faire des films pour moi signifie forcer les gens à faire face à certains enjeux, prendre conscience qu’il se passe des choses comme ça. Il est possible de faire ça en utilisant des émotions et des personnages qui sont autant de prismes à partir desquels on peut s’ouvrir au problème. Si vous suivez le personnage, si vous vous attachez à lui, votre cœur est plus ouvert à ce qui lui arrive. Dans le cas de L’Amérique, certes l’une des filles est victime d’agression sexuelle, mais on ressent ce qui se passe parce qu’on a vu ce personnage en train de rire dans les séquences précédentes. C’est une façon d’aller plus loin dans la possibilité de montrer le problème. Cela ne veut pas dire que je veux être pédagogique ou scolaire. Si je veux dire quelque chose au spectateur, je le fais comme je le sens. On ne devrait pas faire des films subitement, ou seulement pour soi-même, uniquement parce qu’on a une histoire. La narration doit importer aux spectateurs, toucher leur sensibilité, ouvrir leurs yeux. Puisque tu engages tant de gens, d’énergie, de temps et d’argent, aies au moins quelque chose à dire !

Si vos films ne sont que partiellement autobiographiques, où puisez-vous votre inspiration ?

A. T. : C’est un processus très difficile. L’écriture est pour moi l’étape la plus complexe. Je déteste écrire. Je ne suis pas très rapide. Pendant le processus, on développe les personnages et leur psychologie, les rebondissements de l’action, les images qu’il faut employer pour raconter l’histoire. Même si on a déjà un cadre dans la tête, la question qui demeure est la suivante : comment rendre compte d’un sentiment, d’un scène, d’une relation ? De ce fait, l’écriture est également une étape très créative. Je la considère comme une part de la préparation du film. Si le script ne me paraît pas achevé, je ne vais pas tourner. J’accorde une grande importance au scénario, je n’ai jamais cru à la possibilité de tout réinventer sur le plateau. Je suis extrêmement précise. Si cette préparation est bonne, on peut ainsi laisser les acteurs improviser quelque chose. Pour résumer, je tire mon inspiration des choses qui me touchent. Et je pense que si cela me bouleverse, cela pourrait toucher aussi les spectateurs.

En général, on a le squelette du scénario et puis l’inspiration vient de toutes parts. Si quelqu’un de mon entourage prononce une plaisanterie, et qu’elle fonctionne dans le scénario, je l’ajoute. Pendant tout le processus, mes yeux et mes oreilles s’ouvrent et se remplissent des situations vécues.

Dans le cas des Plus beaux feux d’artifice, le processus a été étrangement court. La première version du scénario faisait huit pages. J’ai décidé de déposer le script pour un concours de scénario où il fallait s’inspirer du film Le Hasard (Przypadek, 1981) de Krzysztof Kieślowski. Par conséquent, j’ai développé le scénario très rapidement; en quatre jours, il est passé de huit à trente pages. Pendant l’année qui précéda cette écriture, j’ai vécu avec le sujet en moi. Parfois, on écrit très vite. Chaque séquence doit avoir un sens, un rôle. D’ailleurs, dans le cadre de la production de ce film, je n’ai coupé aucune scène au montage. Tout ce qu’on a tourné est dans le film. Cela ne m’était jamais arrivé auparavant. Il ne faut pas oublier non plus que si l’écriture demande du temps, ce n’est que le premier pas.

Pendant le tournage, je peux être inspirée par le lieu où l’on tourne. Et je peux changer l’action en fonction de ce lieu. Par exemple, dans la séquence où l’héroïne parle au téléphone avec son dealer à l’hôpital, on voit que derrière la porte située derrière elle, un médecin applique une réanimation cardiaque à un homme blessé. Cette idée m’est venue en visitant le lieu, en voyant l’emplacement de la porte.

Après avoir dépeint une situation rurale dans L’Amérique, vous revenez dans l’espace urbain avec Les plus beaux feux d’artifice. Le film s’inscrit manifestement dans la ville de Varsovie. Avez-vous mené une enquête ethnographique en milieu varsovien pour préparer le film ?

A. T. : (Rires.) Pour être honnête, votre question me déçoit, parce que mon hypothèse était que le film se déroule dans une métropole quelconque et indéfinie. Je ne situe pas l’action à Varsovie en particulier. Je voulais qu’elle soit universelle.

Mais est-ce vraiment contradictoire ?

A. T. : J’espère que non. Pour moi, le film se passe dans un ville européenne. Au fond, je voulais aller contre l’idée que la guerre est une réalité lointaine. Nous avons l’idée que la guerre, elle se passe en Afrique, en Syrie ou en Irak. Mais pas ici.

Hormis peut-être la guerre des Balkans qui a laissé une trace durable… Vous voulez dire que la guerre était devenue un concept ?

A. T. : Quelque chose comme ça, en effet. Les choses ont changé lorsque la guerre a commencé en Ukraine, elle était très proche de nous. L’Ukraine est un pays limitrophe à la Pologne. Et l’impression était irréelle, comme si nous n’étions pas préparé à cela. Lentement, la guerre est devenue de plus en plus réelle. Et cela a commencé à m’angoisser. Désormais, la situation politique a changé, et les choses ne sont pas si différentes que les années précédant la seconde guerre mondiale. Les partis d’extrême droite arrivent au pouvoir dans de nombreux pays européens, les formes fascistes ont refait surface. De nombreux réfugiés traversent l’Europe. La peur des réfugiés s’est accrue. On recherche un ennemi.

Contre ce processus, les gens descendent dans la rues, ils protestent. Peut-être qu’il s’agit d’un sentiment très local, très polonais. Mais lorsque je parlais de cela dans les festivals internationaux, avec des gens de différents pays, le mot « guerre » est devenu éloquent. Aujourd’hui, la guerre revient souvent dans les conversations. Pour moi, c’est comme si une ligne rouge avait été franchie. C’était mon point de départ pour écrire Les plus beaux feux d’artifice.

Si on est conscient de la possibilité que cette situation peut arriver, on peut se défendre d’une façon plus apaisée. Être conscient du présent conduit à prendre ses responsabilités, et d’aller voter aux élections importantes. Et d’éviter de se cacher derrière la posture paresseuse du hipster européen, qui s’en fiche. Nous devons être concentrés et conscients de ce qui se passe en ce moment. Nous avons trop l’habitude de laisser les choses se faire. Nous croyons que la situation de confort et de richesse est un état naturel. Il est très facile de la détruire. La seconde guerre mondiale nous l’a bien montré.

Avez-vous ressenti une urgence à faire ce film ?

A. T. : Oui. Mais votre question porte sur l’urgence que j’ai ressentie ou bien sur l’urgence sociale ?

De votre démarche émane le sentiment qu’il était vital de faire ce film.

A. T. : Oui, c’est vrai, à la nuance près que j’ai écrit les premières pages du scénario il y a deux ans. Mais à ce moment-là, j’ai pensé qu’il serait trop difficile de monter financièrement le film. Au début, je pensais que je ne le ferai jamais. Je pensais ne jamais pouvoir faire un film court avec les nécessités techniques et humaines que l’histoire impliquait : la présence des tanks, le nombre de figurants, etc. Lorsque j’ai gagné le concours de scénario pendant l’« année Kieślowski », il ne me restait que quatre mois pour tout faire. J’ai réécrit un peu le scénario et fait simultanément les repérages et le casting. Le tournage et le montage se sont aussi succédés rapidement. Ce fut très intense. C’était maintenant ou jamais. Et comme ce film parle du présent, cela paraissait cohérent. Je me demande, en revanche, si le film sera toujours actuel dans deux ans.

Ce sentiment actuel concernant la proximité de la guerre est-il particulièrement prégnant en Pologne ?

A. T. : Mon rêve est que le film ne soit pas spécifiquement polonais. Je ne l’ai pas fait comme ça. La langue est toujours un obstacle, puisque dans tous les cas, des accents nationaux émergent d’elle. J’aurais pu le faire en anglais. Mais dans ce cas, quel accent anglais aurait-il été le plus indiqué ? Il a été fait comme un film international, en termes de réflexion, de thématique. D’une certaine façon, c’est une fiction politique. Donc il devrait être perçu comme un conte, comme un mythe.

Les mythes ne sont pas internationaux…

A. T. : Oui, mais les mythes sont similaires les uns aux autres. Ils interrogent la nature humaine. Ils développent des motifs très semblables. Il me semble qu’ils s’intéressent à des choses fondamentales : aimer quelqu’un, être aimé, se sentir en sécurité, etc. Ce sont les besoins élémentaires. J’ai étudié la psychologie pendant cinq ans. Bien sûr, il y a des différences, mais les bases sont les mêmes.

Les plus beaux feux d’artifice racontent la trajectoire de trois personnages dans un ville à feu et à sang. Dans un tel contexte, votre choix est de mêler la réalité d’une mort imminente et la recherche absolue du plaisir. Pourquoi avoir conjuguer ces deux sentiments relativement opposés ?

A. T. : Ils ne sont pas si éloignés l’un de l’autre, vous savez. Dans cette situation-limite, le seul choix qu’il leur reste se résume à choisir comment mourir. Avant cela, on peut vouloir retirer du plaisir de cette situation. C’est la vie des personnages, c’est la vie que nous avons. Ils n’échangeraient pour rien au monde cette vie de loisirs et de plaisir. Ils ne veulent pas faire la guerre, ils veulent s’amuser. Ma question serait : peut-on juger si c’est un bon choix ou non ? Je voulais parler de l’intimité, de la proximité entre les êtres. Il s’agit d’aimer et d’être aimé. À la fin, même si deux personnages sont infidèles l’un à l’autre, il est crucial qu’ils soient ensemble au moment de mourir.

Avez-vous imaginé que le film puisse se terminer autrement ?

A. T. : Non, la scène finale est sans doute la première à me venir à l’esprit. Je n’ai jamais imaginé d’autres fins.

L’univers de la guerre, et les enjeux liés au milieu militaire, ne sont pas étrangers à l’histoire du cinéma polonais. On pense, par exemple, au premier long-métrage de Jerzy Skolimowski, Signes particuliers : néant (Rysopis, 1964). Une des séquences du film, durant laquelle le protagoniste est appelé par une commission martiale à faire son service militaire, est reprise dans votre film. Aviez-vous en tête le film de Skolimowski lorsque vous avez écrit le film ?

A. T. : Non. Mais j’ai l’impression que cette séquence est présente dans la plupart des films de guerre. Dans Hair de Miloš Forman (1979), par exemple, il y a une séquence similaire. Il en est d’ailleurs de même des scènes de soirée. Dans tout film, il y a une séquence de fête ou de dîner. Je sais que ce sont des séquences stéréotypiques mais la vie est faite aussi de ces moments-là.

Ça va peut-être vous surprendre mais j’ai également pensé à Cendres et diamant (Popiół i diament, 1958) d’Andrzej Wajda. L’action se passe en 1945. Dans ce film, le héros tue un homme politique communiste alors qu’un feu d’artifice emplit le ciel étoilé. Pendant que la Pologne fête la Libération, ce meurtre montre qu’un combat reste vivant entre les différentes forces de résistance. Or, on retrouve dans votre film la combinatoire entre une joie libératrice et un destin mortel.

A. T. : La dernière séquence du film se réfère de façon lointaine à un autre film d’Andrzej Wajda, Chronique des événements amoureux (Kronika wypadków miłosnych, 1986). J’avais vu le film dans mon enfance. M’était restée en tête la séquence pendant laquelle deux jeunes amoureux se suicident en mangeant des fraises sauvages. Au même moment dans le ciel, des avions filent. C’est un geste que je trouve très romantique. Choisir de mourir avec ses propres règles plutôt que choisir de vivre sans avoir la liberté; c’était l’idée de base pour Les plus beaux feux d’artifice. À un moment, on est obligés de prendre certaines décisions. Peut-être que choisir de mourir est une bonne solution. Ou peut-être pas.

C’est un concept tragique, pour le moins très présent dans le cinéma polonais.

A. T. : La Pologne est une nation tragique. Notre histoire est pleine de traumatismes et de drames. Ce sentiment de traumatisme est en nous. Nous sommes nés avec. On ne peut rien faire contre ça. On peut seulement faire des films pour le représenter.

Vous avez dit que vous aimeriez que le film permette aux spectateurs d’être plus conscients de la situation actuelle. Attendez-vous que les spectateurs agissent différemment après avoir vu le film ?

A. T. : C’est une question difficile. Puis-je répondre seulement par « oui » ou par « non » ?

Bien sûr.

A. T. : (Rires.) C’est la décision du spectateur. Je recommande aux spectateurs de se comporter différemment que les personnages. Mais je comprendrais également que quelqu’un réagisse comme eux. Tout est une question de compréhension, et pas une question de volonté. Je n’attends rien des spectateurs en particulier. Le fait de comprendre est une chose fondamentale. Si tu comprends les autres, leurs comportements, tu possèdes tout.

Avez-vous dû faire des compromis pendant la production de ce film ? Avez-vous un quelconque regret ?

A. T. : Je ne regrette rien. Chaque séquence demandait une grande capacité d’adaptation. Nous avons tourné avec cinq caméras différentes. Des séquences sont tournées comme un documentaire, certaines tournées très professionnellement. Nous n’avions que 35 000 euros pour faire le film. Et 50% du budget a été dépensé pour la séquence de manifestation de rue, pendant laquelle nous avons dû couper la circulation d’un boulevard. L’organisation avec les figurants était lourde. Les compromis que j’ai dû faire était donc d’ordre technique. Mais on ne les voit pas dans le résultat final. Il était impossible de tourner professionnellement de bout en bout. En revanche, je n’ai jamais renoncé à quoi que ce soit. Nous avons simplement essayé de trouver des solutions.

Le film ressemble-t-il à l’image que vous en aviez en écrivant le scénario ?

A. T. : Oui. Il ressemble parfaitement à la façon dont je l’ai pensé et écrit. Je suis heureuse d’être parvenue à ce résultat.

Propos recueillis par Mathieu Lericq

Short Screens #72: « Au travail! »

Tantôt source de plaisir, tantôt aliénant, le travail se trouve au cœur de notre société « métro-boulot-dodo ». Pour faire écho au 1er mai, Short Screens consacre sa prochaine séance au thème du travail et vous propose une sélection de courts métrages qui révèlent autant d’interprétations qu’ils posent question(s).

Rendez-vous le jeudi 25 mai à 19h30, au cinéma Aventure, Galerie du Centre, Rue des Fripiers 57, 1000 Bruxelles – PAF 6€

Visitez la page Facebook de l’événement ici!

Programmation

Europe Endless de Ana Cembrero Coca et Jorge Piquer, fiction chorégraphiée, Belgique/Espagne, 2014, 26’ (La Ignorancia)

Un jour au sein du Parlement européen et ses environs. Le travail et le mode de vie eurocrate sert d’inspiration à ce film qui se déroule au cœur du quartier européen à Bruxelles. Les personnages dansent, courent et glissent au travers d’espaces vides baignés dans une atmosphère intemporelle, décontextualisée , dans une architecture « non-lieu ».

Alter égaux. Et si on parlait travail… de Sandrine Dryvers, documentaire, Belgique, 1999, 12’75’’(Latitudes Productions)

Travailler. Quel est encore le sens de ce mot ?
Loin de l’expertise, « Alter Egaux » donne la parole à celles et ceux qui ont décidé de s’exprimer. Face caméra, sans intermédiaire, des visages, des corps, des voix et des silences nous interpellent, nous interrogent.

La Sortie de l’usine Lumière à Lyon de Louis Lumière, documentaire muet, France, 1895-1896, 2’

Le personnel de l’usine Lumière sort de son lieu de travail, d’abord les ouvrières, puis les cadres.

Cashback de Sean Ellis, fiction, Royaume-Uni, 2004, 18’ (Uglyduckling Films)

Pour gagner sa vie, un étudiant en art travaille dans un supermarché, mais il s’ennuie terriblement : il cherche un moyen d’égayer son existence.

La Dame-lavabo de Alain Cavalier, documentaire, France, 1988, 13’ (La Sept)

Une journée de travail avec Amélia, dame des lavabos dans les sous-sols de Royal Printemps, grand café en face du magasin du Printemps, boulevard Haussmann.

Bureau de Fernand-Philippe Morin-Vargas, fiction, Canada, 2016, 11’25’’ (Jeanne-Marie Poulain)

Trois employés d’un bureau travaillent à l’ordinateur lorsqu’une présence dérangeante les détourne de leur tâche.

Keith Reynolds Can’t Make It Tonight de Felix Massie, animation, Royaume-Uni, 2009, 6’ (Skillset Screen Academy Wales)

Voici Keith Reynolds. Aujourd’hui, c’est le jour de la promotion. Pour avoir travaillé dans l’entreprise pendant huit ans, il est le plus ancien analyste commercial junior de l’immeuble. Il a attendu cette journée pendant très longtemps.

Articles associés : la critique du film, l’interview de Felix Massie

Nada de Gabriel Martins

Avec son court métrage Nada, le brésilien Gabriel Martins nous offre une sorte de teen movie post-moderne où l’adolescence n’est plus un genre de paradis perdu mais un temps où l’individu en crise avec le monde découvre les règles du jeu social qui définit le monde des adultes, un monde appréhendé avec méfiance. Loin d’être un débutant, Gabriel Martins a une douzaine de courts-métrages à son actif, et a travaillé comme chef opérateur sur deux films de André Novais Oliveira, précédemment sélectionnés à la Quinzaine des Réalisateurs. Également en compétition à la Quinzaine, cru 2017, Nada est une petite pause introspective sur les choix de vie. Choisir un métier, étudier, travailler, fonder une famille : le film évoque les attentes d’une société qui exerce une pression invisible sur les individus.

Alors que certains synopsis glanés ça et là sur la toile nous annoncent un film sur les débuts difficiles et la persévérance de la rappeuse MC Clara, le film de Gabriel Martins parle en réalité d’autre chose. Bia, l’héroïne, est en effet interprétée par la chanteuse de hip-hop Clara Lima, et la musique tient ici une place de choix, mais l’histoire qui nous est racontée s’intéresse de près à une étape précise et décisive de la vie de cette jeune femme. Le film de Gabriel Martins a cette force d’évoquer avec toute la hargne et la ferveur adolescente ce moment clé du passage à l’âge adulte. Nada s’apparente à un teen movie, à un récit adolescent empreint de l’intransigeance d’une jeunesse qui aspire à autre chose que ses parents. Il nous en présente aussi les codes les plus attendus : l’initiation du héros au monde des adultes, le lycée avec ses salles de classes et ses long couloirs, la chambre qui est le lieu de l’intimité, de l’expression de soi et un refuge.

Bia est un personnage au visage fermé et aux paroles tranchées : à cette période de l’année où tout adolescent se doit de faire un choix pour son avenir, choisir une formation, une université, Bia, selon les dires des adultes qui l’entourent, ne sait pas encore ce qu’elle veut. La réalité est plus complexe que cela et suscite l’incompréhension la plus totale.

Ce court métrage dresse le portrait d’une adolescente qui illustre d’une certaine manière cette expression cliché de la « génération perdue » qui n’espère plus, ne rêve plus, ne se fait pas d’illusions. Bia refuse de faire des choix, de se plier aux attentes de ses professeurs et de ses parents. Peut-être est-ce aussi par pure provocation, par esprit de contradiction. C’est en tout cas cette idée de contrastes, d’oppositions et de contre-sens qui semble guider le film dans son développement, dans la composition des plans et la mise en scène.

Nada débute par un long travelling allant de droite à gauche, à contre-courant, dans un mouvement ralenti, presque nonchalant, tandis que la caméra filme la rue et ses passants qui tous semblent stagner ou avancer dans le sens inverse. Dans Nada, le cadre qui délimite l’espace filmique est aussi un cadre qui définit et impose une limite spatiale et sociale au sein du récit : celui de la salle de classe, et celui de la famille. Sortir ou non de ce cadre devient alors un enjeu majeur et une revendication pour Bia.

Dans la salle de classe, la caméra scrute les étudiants un à un, tous vêtus d’uniformes. Bia, elle, porte un bonnet violet avec un œil au milieu. Détail presque humoristique, Bia a, grâce a ce bonnet, littéralement un troisième œil, élément qui suggère la clairvoyance. Une conseillère d’orientation entre dans la classe. Ses vêtements et son maquillage aux couleurs criardes, ses cheveux blonds platine et son micro collé aux lèvres lui prêtant une voix robotique font de ce personnage un cliché de superficialité. Aux babillages insipides et superficiels de la conseillère d’orientation, s’oppose le rap incisif de Bia qui vient du cœur et des tripes. Pourtant, ce n’est pas à cette dernière qu’on tend un micro.

Le court-métrage de Gabriel Martins repose sur une figure adolescente qui tente tant que possible de repousser l’entrée dans l’âge adulte et nous porte, avec son héroïne, à contre-courant. Le rap de Bia évoque la corruption de l’homme par l’argent, son discours, le droit de ne pas savoir et les inscriptions sur le mur de sa chambre, l’importance de prendre le temps. Le monde de Bia, celui du rap, est aussi celui d’un art contestataire où les mots sont autant de touches de poésie brute et de sincérité dans un monde qui oublie parfois qu’il faut savoir prendre le temps de se connaître et de se questionner sur ses choix.

Agathe Demanneville

Consulter la fiche technique du film

N comme Nada

Fiche technique

Synopsis : Bia vient d’avoir dix-huit ans. La fin de l’année arrive et avec elle le temps du choix de son orientation professionnelle. L’école tout comme les parents de Bia la pressent pour qu’elle décide de son orientation. Bia, elle, ne veut rien faire.

Genre : Fiction

Durée : 26’

Pays : Brésil

Année : 2017

Réalisation : Gabriel Martins

Scénario : Gabriel Martins

Image : Diogo Lisboa, Rick Mello

Montage : Thiago Ricarte

Son : Francisco Craesmeyer, Maurilio Martins, Marcos Lopes, Tiago Bello

Musique : Marlon Trindade

Interprétation : Bárbara Sweet, Carlos Francisco, Clara Lima, Karine Telles, Pabline Santana, Rejane Faria

Production : Filmes de Plástico

Article associé : la critique du film

Cannes 2017, du court au long (et vice-versa)

Cette année, à Cannes, de jeunes réalisateurs de courts passent – avec succès – au long et d’autres, déjà bien installés, reviennent à la forme courte. D’autres qui tracent leur sillon dans leur long méritent qu’on revienne brièvement sur leurs très beaux courts. Identification de quelques parcours qui nous intéressent particulièrement.

À l’officielle, on ne fera que citer la britannique Lynne Ramsay qui entre We need to talk about Kevin et son nouveau film sélectionné en compétition, You were never really here, a eu le temps de faire un très beau court que nous avions chroniqué sur Format Court : Swimmer, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs en 2013. Mentionnons aussi le suédois Ruben Östlund qui après plusieurs longs revient à Cannes avec son nouveau long-métrage, The Square. On l’oublie peut-être mais Ruben Östlund avait réalisé à ses débuts le magistral Incident by a bank, Ours d’Or à Berlin en 2010, et véritable choc esthétique où son sens inné du montage et de la narration se révélait déjà.

Dans la section Un certain regard présidée par Uma Thurman, deux premiers longs-métrages retiennent particulièrement notre attention. Tout d’abord, En attendant les hirondelles, le premier film de Karim Moussaoui, réalisateur algérien que nous avions primé en 2013 pour son superbe moyen-métrage, Les Jours d’avant (également sélectionné à Locarno et en lice pour les Cesar). En attendant les hirondelles établit un lien avec le film précédent : Karim Moussaoui poursuit son exploration de la société algérienne et ses dilemmes (raison/sentiments) à travers plusieurs histoires croisées. À Format Court, on croit beaucoup dans ce nouveau projet, étape cruciale pour son auteur étant venu sur le tard au cinéma.

Toujours à Un certain regard, l’italienne Annarita Zambrano propose ces jours-ci de découvrir Après la guerre , son premier long-métrage s’intéressant au passé de l’Italie et à un ancien militant de gauche, soupçonné d’avoir commandité l’attentat d’un juge bolognais.

Si Karim Moussaoui est sélectionné à Cannes pour la première fois, Annarita Zambrano est pour le coup une habituée : elle a réalisé en 2010 le très beau Tre Ore (sélectionné à la Quinzaine) mais aussi Ophelia en 2013 (retenu en compétition officielle) dont nous avions précédemment parlé.

À la Quinzaine, Rungano Nyoni, réalisatrice d’origine zambienne, propose son premier long-métrage tourné avec des non-professionnels, I am not a witch. Le film réalisé à Lusaka (capitale de la Zambie) et dans ses environs, s’intéresse à une petite fille semant la zizanie dans un camp pour sorcières. Par le passé, Rungano Nyoni avait co-réalisé le très beau Listen avec Hamy Ramezan dans le cadre de la Nordic Factory, également projeté à la Quinzaine 2014. On se souvient aussi de la jeune réalisatrice pour son lien à l’enfance et à son pays d’origine, avec son joli court Mwansa the Great (2011) et sa contribution au scénario de l’intense  The Mass of Men (2012) réalisé par Gabriel Gauchet et primé à Locarno en 2012.

Aux côtés de Rungano Nyoni, Jonas Carpignano, italien d’origine, débarque à la Quinzaine après un passage à la Semaine de la Critique avec un film du même nom ! Il faut distinguer A ciambra, court-métrage racontant une nuit dans la vie de Pio, un jeune Rom qui vit en Calabre, distingué à la Semaine de la Critique 2014 du Prix Découverte Sony, et A ciambra, le long-métrage homonyme présenté cette semaine à la Quinzaine, reprenant le sujet du court-métrage en le développant sur une durée plus longue que ses 16 minutes initiales.

Effectuons une parenthèse du côté de la sélection des courts à la Quinzaine pour dire un mot sur Tijuana Tales réalisé par Jean-Charles Hue. Après de très nombreux courts (dont des films expérimentaux), un moyen et trois longs, le cinéaste français revient à ses débuts avec une proposition expérimentale, mêlant images super 8 et numériques. Nous aurons l’occasion de revenir plus longuement sur ce film.

À la Semaine de la Critique, on repère Ava, le premier film de Léa Mysius. Après Les Oiseaux-tonnerre , son film de fin d’études de la Fémis sélectionné à la Cinéfondation 2014 et un très beau premier film professionnel, L’île jaune, produit par Fanny Yvonnet (Trois Brigands Productions), Léa Myisus retrouve sa productrice pour son long, l’histoire d’une adolescence perdant très rapidement la vue et dont la mère (Laure Calamy) décide de faire comme si de rien n’était pour lui faire passer le plus bel été de leur
 vie. L’adolescence, la nature, les grands espaces, le sens du cadre et du montage, déjà présents dans ses courts, devraient sans nul doute se faire remarquer dans ce premier long très prometteur.

À la Semaine toujours, on s’intéresse également à Oh Lucy ! d’Atsuko Hirayanagi, une réalisatrice japonaise. Atsuko n’est pas une inconnue à Cannes puisque son film de fin d’école produit par la NYU Tisch School of The Arts, intitulé également Oh Lucy ! avait obtenu le deuxième prix à la Cinéfondation en 2014. Les deux films, le court comme le long, racontent la même histoire de base : celle de Setsuko, une femme d’une cinquantaine d’années qui ne trouve de sens à sa vie que le jour où elle commence à prendre des cours d’anglais auprès d’un beau professeur et à mettre une perruque peroxydée, la transformant en son propre double, Lucy. Là encore, le format long devrait permettre à sa réalisatrice de développer son histoire initiale, rythmée par un sens de l’écriture et de humour sans pareil.

En séance spéciale, difficile de ne pas passer à côté de Yann Gonzalez qui, après son long-métrage Les Rencontres d’après minuit (Semaine de la Critique, 2013) propose cette année Les Iles, un court entre désir, érotisme, voyeurisme et monstruosité. Un geste cinématographique qui plaira ou non dans les prochains jours au festival (le film est présenté ce dimanche 21 mai en compagnie des nouveaux courts de Oscar Conceiçao et de Jonathan Vinel et Caroline Poggi).

Enfin, passons à l’ACID où deux filles et deux garçons nous intéressent particulièrement. Lila Pinell et Chloé Mahieu, habituées à travailler en tandem, présentent leur premier long-métrage Kiss and cry, un film sur le patinage artistique de haut niveau et l’adolescence mise à rude épreuve. Un sujet finalement proche de  Boucle Piqué, leur moyen-métrage documentaire suivant de jeunes championnes de patinage artistique partagées entre discipline, rivalité et confusions des sentiments. Ilan Klipper, lui, offre Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête, son deuxième long-métrage, un film sur la vie d’un ancien auteur à succès, dont l’entourage s’inquiète toujours autant pour lui 20 ans après sa réussite fulgurante. Un sujet également bien proche de celui de son court Juke-Box dans lequel un chanteur (interprété par Christophe) dont l’heure de gloire est passée depuis bien longtemps vit seul, reclus dans son appartement.

On finit avec Vincent Macaigne qui revient sur la Croisette avec son premier long en séance spéciale, Pour le réconfort, un film sur le retour aux racines, l’amitié, l’âge et le désir. On se souvient encore de Ce qu’il restera de nous, son premier court où la fraternité, la déchirure et l’hystérie faisaient bon-mauvais ménage.  Entre les deux films, on a plutôt vu et revu Macaigne le comédien, pitre, angoissé de la vie, trentenaire amoureux dans des courts comme dans des longs, réalisés par les autres. Curiosité donc de le découvrir bientôt dans sa nouvelle réalisation…

Si d’un côté, certains cinéastes sélectionnés cette année à Cannes ont souhaité passé au long, développer leurs idées de courts, franchir une étape importante, grandir en accédant à de nouvelles sections du festival, d’autres préfèrent revenir au court, aux origines, retrouver leur liberté et leur besoin d’expérimentation en osant des films hors normes. À travers les quelques exemples de films précités, on sent toutefois le maintien d’un très beau lien entre formes courtes et longues à Cannes. Tant mieux.

Katia Bayer

# Cannes 2017

Comme chaque année, Format Court vous parle de Cannes. Depuis ce mercredi 17 mai 2017, le festival le plus médiatique du monde déroule son traditionnel tapis et accueille des films, des stars, des anonymes, des pros, des curieux, mais aussi des films, bons et moins bons, courts comme longs. Format Court suit le mouvement et vous propose d’en savoir plus au quotidien sur les courts sélectionnés.

Côté critiques

A Gentle night de Qiu Yang (Chine, Palme d’or)

Le film de la semaine : My Josephine de Barry Jenkins (États-Unis)

Crème de menthe de Jean-Marc E. Roy et Philippe David Gagné (Canada, Quinzaine des Réalisateurs)

Les Enfants partent à l’aube de Manon Coubia (France, Semaine de la Critique)

Nada de Gabriel Martins (Brésil, Quinzaine des Réalisateurs)

Le film de la semaine : Les mots de la carpe de Lucrèce Andrae (France)

Côté reportages

Queer Cannes

Cannes 2017, du court au long (et vice-versa)

Côté interviews

Qui Yang, réalisateur de A Gentle Night (Chine, Palme d’Or)

Aleksandra Terpińska, réalisatrice de Les plus beaux feux d’artifice (Najpiękniejsze fajerwerki ever) (Pologne, Semaine de la Critique)

Retrouvez nos actus liées au festival

L’autre Palme d’or

Quinzaine des Réalisateurs, Prix Illy du court métrage 2017

Semaine de la Critique, le palmarès côté courts

Cannes 2017, les courts-métrages en compétition officielle

Cinéfondation 2017, la sélection

Quinzaine des Réalisateurs 2017, les courts en sélection

Semaine de la Critique, les courts en sélection

Le retour du court à l’ACID

Le jury complet de la Cinéfondation et des Courts Métrages

Cristian Mungiu, Président du Jury de la Cinéfondation et des Courts Métrages

Les mots de la carpe de Lucrèce Andrae

Animation, 4′, 2012, France, La Poudrière

Synopsis : Dans un bar, un speed-dating. Naissance d’un amour improbable et miraculeux dans des circonstances peu propices…

Film d’école de Lucrèce Andrae, ancienne étudiante en animation à la Poudrière, Les mots de la carpe illustre une séance de speed dating, lors de laquelle douze paires de célibataires se confrontent, changeant de partenaire à chaque coup de gong.

Les nombreux personnages se démarquent autant par leur aspect physique singulier que par leurs voix et accent particuliers. Le dialogue commence par des mots simples mais se dégrade en une cacophonie de sons inintelligibles, symbolisant la défaillance de cette nouvelle formule ‘express’, bien implantée dans nos sociétés de consommation. À chaque instant, le désespoir monte chez les candidats en quête de l’Amour alors que les inégalités et incompatibilités entre eux se font de plus en plus ressentir. À la fin de cette “rencontre-minute”, la plupart des couples finissent par en venir aux mains, alors que les seuls ‘gagnants’ de ce jeu sont le protagoniste timide traumatisé par l’expérience et son interlocutrice enveloppée dans une écharpe géante. C’est finalement le silence de la carpe qui l’emporte sur le bavardage futile des pies.

Riche en couleurs, formes et sons, ce petit court de 4 minutes est une véritable expérience audiovisuelle qui a permis à la réalisatrice de se frayer la voie vers son premier film professionnel Pépé le morse. Bien plus loquace et au scénario plus complexe, ce portrait d’une famille en deuil a été sélectionnée cette année en sélection officielle à Cannes ainsi qu’au festival d’Annecy.

Adi Chesson

After Short, spécial Cannes, les photos !

À l’occasion de l’ouverture du 70ème Festival de Cannes ce mercredi 17 mai 2017, voici les photos prises par Stenny Sigere lors de notre deuxième After Short de l’année consacré au Festival, organisé jeudi 11 mai  au Point Ephèmère (Paris, 10ème) en partenariat avec le SPI – Syndicat des Producteurs Indépendants.

De nombreuses équipes sélectionnées à Cannes, toutes sections confondues, côté courts et longs-métrages, mais aussi certains sélectionneurs et les équipes de Format Court et du SPI étaient présentes ce soir-là : Qiu Yang (réalisateur, « Xiao cheng er yue »), Olivier Chantriaux (sélectionneur), Dimitra Karya (directrice de la sélection de la Cinéfondation), Fanny Yvonnet  productrice de « Ava »), Emmanuel Gras (réalisateur,  Malaka »), Fabrice Préel-Cléach (producteur, « Les enfants partent à l’aube »), Salvatore Lista et Mathieu Bompoint (réalisateur et producteur, « Le Visage »), Léo Soesanto (coordinateur du comité court métrage à la Semaine de la Critique), Helen Olive (productrice, « La Bouche »), Lucie La Chimia (réalisatrice, « White Noise »), Shirin Abu Shaqra (réalisatrice, « Hotel Al Naim »), Dominique Welinski (productrice, « Lebanon Factory »), Ilan Klipper (réalisateur, « Le ciel étoilé au-dessus de ma tête »), Vincent Wang, Fatma Tarhouni, Isabelle Mayor (producteurs & monteuse, « Last Laugh »), Vladimir Perisic (réalisateur).

Le jury complet de la Cinéfondation et des Courts Métrages

Pour info/rappel, le réalisateur, scénariste et producteur Cristian Mungiu présidera le Jury de la Cinéfondation et des Courts Métrages de la 70e édition du Festival de Cannes (17-28 mai). Voici désormais la composition du jury dans son entièreté :  aux côtés de Cristian Mungiu, figureront l’actrice Clotilde Hesme, les réalisateurs Barry Jenkins, récemment oscarisé pour « Moonlight », les réalisateurs, scénaristes et producteurs Eric Khoo et Athina-Rachél Tsangari.

Ils remettront la Palme d’or du court-métrage et trois prix parmi les 16 films d’écoles de cinéma présentés dans la sélection de la Cinéfondation.

© A. Thuillier / AFP

 

Madara Dišlere : « Après la chute de l’Union soviétique, il n’y avait pas d’écoles de cinéma. Ceux qui voulaient étudier le cinéma devaient aller à Moscou »

Après le festival du court métrage européen de Brest où le jury Format Court a remis un prix à Madara Dišlere en novembre dernier pour son film « The Gardener », nous avons rencontré cette réalisatrice lettone nourrie au cinéma dès son plus jeune âge. Alors que Madara est actuellement en préparation de son premier long-métrage, « Paradise 89 », cet interview propose un retour sur cette nouvelle expérience et sur les perspectives de diffusion et de carrière cinématographique en Lettonie.

Quel est ton parcours, es-tu allée dans une école d’art ou de cinéma ?

Je suis allée en école de cinéma très tard car lorsque j’ai terminé le lycée , il n’y avait pas de choix en Lettonie. J’ai commencé par étudier différentes choses comme les relations interculturelles entre la Lettonie et l’Allemagne, je suis ensuite allée en Allemagne pendant un an. Puis un an après, en 2008, un programme d’études pour la réalisation a finalement ouvert. J’ai passé le concours pour l’intégrer et j’ai été prise.

Tu veux dire qu’il n’y avait pas d’école de cinéma en Lettonie avant 2008 ?

Non, après la chute de l’Union soviétique, il n’y avait pas d’écoles de cinéma. Ceux qui voulaient étudier le cinéma devaient aller à Moscou, à l’Institut cinématographique de Vgik. Ma famille n’avait pas l’argent nécessaire pour me permettre d’aller là-bas, je n’ai donc pas eu cette chance. Mais en réalité, j’ai travaillé pendant longtemps pour l’industrie cinématographique avant d’étudier le cinéma, pendant presque dix ans. J’ai débuté en tant qu’assistante de production, puis régisseuse d’extérieurs, puis première assistante de réalisation. Encore aujourd’hui, je travaille comme première assistante pour d’autres réalisateurs. En réalité, ce qui m’a dirigée vers le cinéma, c’est qu’à l’âge de cinq ans, j’ai joué un des rôles principaux dans un film pour enfants réalisé par Varis Brasla. Puis, à sept ans, j’ai de nouveau joué dans un film de ce réalisateur. Ensuite, ma mère a commencé à travailler dans la production cinématographique. Elle a été directrice de production dans les studios de Riga pendant de nombreuses années. Ce sont de très grands studios comme on pouvait en trouver un peu partout à l’époque dans les pays de l’Union soviétique. Ceux de Riga étaient importants.

Finalement, tu as toujours voulu travailler dans le cinéma ?

Oui car je n’ai connu que ça dans mon enfance, des tournages, des décors, des équipes de tournages, des réalisateurs, je pense que c’est ce qui m’a amenée ici aujourd’hui.

C’est drôle d’imaginer que vous n’aviez pas d’école de cinéma mais que vous aviez des grands studios…

Oui, à l’époque tout le monde au sein des pays de l’Union soviétique partait étudier à Moscou puis revenait ensuite travailler dans son pays et y faisait des films.

Une fois à l’école de cinéma, quelle spécialité as-tu choisi ?

Après toutes ces années, c’était la première fois qu’il y avait un programme dédié pour les réalisateurs donc j’ai suivi le programme de réalisation. En fait il y avait seulement des cameramans et des réalisateurs, et pas d’autres possibilités, mais je voulais étudier la réalisation. Aujourd’hui, ils ont aussi quelques scénaristes mais très peu. En réalité, nous n’étions que six pour la réalisation pendant quatre ans. Ça se passe ainsi pour les scénaristes et les monteurs aujourd’hui.

Qu’as-tu appris là-bas ? Était-ce une bonne expérience ?

J’ai apprécié le fait de pouvoir tout essayer, d’avoir la possibilité d’expérimenter presque toutes les choses dont j’avais pu rêver. C’est une très bonne chose pour une école, j’ai eu de bons enseignants, je pense que le professeur principal était très bien. Mais le reste est propre à chacun. Si on veut apprendre plein de choses c’est possible, et l’inverse également. Nous avions beaucoup de pratique et je pense que c’est une bonne chose. Nous avons réalisé deux courts-métrages par an, de toute sorte : des documentaires, des films muets, des films de reconstitutions.

Quel intérêt portes-tu au court-métrage, est-ce une forme que tu aimes particulièrement ou plutôt une étape vers le long-métrage ?

Je pense que certaines histoires ne peuvent être racontées qu’à travers le court tandis que d’autres ne peuvent être racontées qu’à travers le long. J’aime les deux formats mais quelque part, parce que cela fait des mois que je travaille sur un long-métrage pour la première fois (« Paradise 89 »), je me rends compte que j’aime ce long format. Peut-être que si on reste trop longtemps dans le format court , c’est plus difficile par la suite de penser les choses en plus grand. J’aime les deux mais je crois qu’il est temps pour moi de passer à des histoires plus longues, plus développées.

En Lettonie, quelles sont les possibilités de diffusion pour ceux qui ont étudié le cinéma et réalisent des courts ?

Je pense que c’est un vrai problème car les courts métrages sont diffusés en avant-première dans des salles de cinéma puis disparaissent pendant au moins deux ans. Quand ils sont de retour de leur tournée en festivals, qui sont leurs principaux lieux de diffusion, ils sont éventuellement visibles sur Internet ou sont diffusés à la télévision lettone une seule fois. La télévision montre assez peu de courts métrages. Beaucoup de producteurs disent qu’ils pourraient montrer un court métrage letton en avant-programme lors des avants-premières de longs métrages lettons, mais bien souvent ce sont les réalisateurs qui ne sont pas d’accord car cela détourne l’attention de leur film. Je ne sais pas pourquoi ils pensent comme ça, mais diffuser un court métrage avant chaque long me semble être la meilleure option. La situation est très mauvaise aujourd’hui.

Aujourd’hui les publicités remplacent les avant-programmes…

Oui et bien que je ne sois pas une nostalgique de l’Union soviétique, lorsque j’étais enfant et que nous allions au cinéma, il y avait, avant chaque film, un programme de vingt minutes sur des sujets divers qui s’appelait « Journal », j’aimais beaucoup ça. Quant aux festivals de courts-métrages, il en existe deux en Lettonie, mais ils durent une semaine et si on ne peut pas y aller à ce moment-là, on manque la seule opportunité de voir des courts.

Tes trois premiers courts métrages, « G-Spot », « A Poem » et « Broken Pines », ont pour point commun d’avoir pour personnage central une femme. Ton premier film professionnel, « The Gardener », tourne cette fois autour d’un personnage masculin, pourquoi ce changement à ce moment-là ?

Ces trois premiers films sont tous des films d’études réalisés lors de mon cursus à l’Académie. Lorsque j’ai commencé mes études, la première chose que le professeur nous a dit, c’était : « S’il vous plaît, faites des films sur des sujets que vous connaissez, qui vous intéressent, et ne faites jamais, à votre âge, des films qui parlent de personnes âgées et d’enfants ». Je me suis donc dit qu’il fallait que j’essaye de faire des films sur des choses que je connais ou que je veux approfondir, c’est pour ça que mes films parlent de femmes, même s’il y a quelques hommes dans mes films. « The Gardener » est différent parce que j’ai terminé l’école et que désormais je fais tout l’opposé ; j’ai réalisé un film sur un vieil homme et le long métrage que je prépare actuellement parle d’enfants.

Tu te sens désormais prête à aborder des sujets pour lesquels tu n’étais pas prête avant ?

Je ne sais pas, j’ai juste l’impression de devoir essayer…

Dans « G-Spot », le choix de la caméra subjectives et de la voix off sont plutôt radicaux pour un premier film, pourquoi ce parti pris ?

Ce film est un exercice pour l’Académie et la voix off faisait partie des consignes. En réalité, je déteste les voix off au cinéma, j’ai la sensation que quelqu’un me dit ce que je dois voir. Je me suis demandé comment rendre cette voix off plus réaliste et comment en faire autre chose. J’ai pensé que cela pourrait être les pensées de l’héroïne et que la caméra serait subjective.

Ton film suivant, « A Poem », raconte l’histoire d’Austra Skujiņa une poétesse des années 1930, pourquoi ce personnage ?

C’est une personnalité tragiquement célèbre de notre histoire. Ce film est aussi le résultat d’un exercice pour l’école, mais cette fois il s’agissait de reconstruire une histoire. J’ai pensé à cette poétesse, et je voulais raconter l’histoire de son dernier poème, qui apparaît à la fin du film. Je voulais essayer de comprendre ce qui a pu l’amener à écrire ce poème, et comment cela à pu conduire à sa mort, qui reste un mystère encore aujourd’hui. On ne sait pas si elle s’est suicidée ou si quelqu’un l’a assassinée, et ce film est ma version de ce qui s’est produit juste avant sa mort.

Dans ces deux films on ressent une sorte d’oppression, qu’elle vienne des protagonistes masculins ou du milieu urbain. Par la suite, tu filmes la campagne plus comme un refuge, est-ce le reflet de ton ressenti sur ces différents environnements ?

La ville est, pour sûr, plus oppressante, il y a toujours quelqu’un qui vous observe, et toujours des obstacles, tandis qu’à la campagne, il y a une certaine liberté du corps et des mouvements qui sont aussi des sources d’inspiration.

Lorsque tu as réalisé « The Gardener », quelle différence cela a fait de produire un film en dehors de l’école ?

Dans une école de cinéma ou ailleurs, on fait les choses de la même manière, seulement on demande à toute l’équipe de venir nous aider et travailler gratuitement. Aujourd’hui, le processus est le même seulement lorsque j’ai terminé l’école, je me suis dit que toutes les personnes qui m’avaient aidée pendant toutes ces années méritaient d’avoir la possibilité d’être rémunérées. Il y a eu un concours pour un premier court métrage après le diplôme. J’ai écrit le scénario et obtenu les financements nécessaires pour le réaliser et j’ai demandé à toutes les personnes qui avaient travaillé pour moi gratuitement de venir travailler sur ce film tout en étant rémunérées, j’étais très heureuse de pouvoir le faire.

Tu travailles donc toujours avec les même personnes qu’à l’école ?

Oui. La Lettonie est un petit pays alors on se connait tous très bien. Comme j’ai été assistante de réalisation, et que je le suis toujours, toutes ces personnes avec lesquelles j’ai travaillé me connaissaient déjà avant que j’intègre l’école, ce n’était pas un problème pour moi de demander leur aide.

Travailles-tu avec un directeur de la photographie en particulier ?

Pour « The Gardener », j’ai commencé à travailler avec le directeur de la photographie qui a travaillé également sur « A Poem » et qui était également dans mon école mais après le premier jour de tournage, j’ai réalisé que cette fois-ci, ça ne collerait pas. Nous devions tourner « The Gardener » au printemps, en été et à l’automne, sur une longue période mais avec peu de jours de tournage, je me suis dit qu’il fallait que je fasse confiance à mon ressenti et qu’il fallait que je change. Ça a été difficile mais nécessaire. J’ai demandé à un autre directeur de la photographie de notre école, Gatis Grinbergs, de rejoindre l’équipe. En réalité, c’était la première fois que nous travaillions ensemble mais déjà à l’école, il était très doué pour filmer les paysages et je me suis dit qu’il serait le choix parfait.

Comment as-tu choisi l’acteur principal qui interprète le jardinier ?

Il n’est pas acteur mais artiste graphique, il enseigne aussi à l’Académie des arts de Lettonie. Je l’ai trouvé par hasard. J’ai cherché beaucoup d’hommes de cet âge sans en trouver qui correspondaient à mes attentes et un jour, dans mon village, j’ai aperçu cet homme à vélo avec son chien à côté et j’ai dit à mon ami : “Voilà, mon jardinier!”. On lui a demandé de venir faire un essai. On avait obtenu des financements d’une fondation nationale pour l’année en cours et nous étions au mois de juillet, c’était presque la fin de l’été et puisque le film se déroulait au printemps, en été et en automne, je voulais commencer à tourner cette année-là, mais il n’était pas disponible. Il restaure également des livres anciens et il préparait une exposition, il était très occupé. Il nous a dit que si on trouvait quelqu’un de disponible cette année là il ne fallait pas hésiter et que ça ne le dérangerait pas. Mais je n’ai trouvé personne d’autre. J’ai attendu l’année suivante et je lui ai proposé de nouveau, c’est comme ça qu’on a commencé le tournage ensemble.

Ce film parle des rapports que les jeunes générations entretiennent avec la terre, tu as la sensation que quelque chose a changé ?

Oui, c’est lié à ce que j’observe autour de moi, notamment dans mon pays où les personnes qui vivent à la campagne disparaissent et personne ne vient prendre leur place. Il y a par exemple une certaine tendance en Lettonie parmi les jeunes qui vivent à Riga, à s’offrir une résidence secondaire à la campagne. Ils s’achètent de vieilles maisons où ils ne vivent que l’été. Les personnes âgées qui y vivaient partent parce qu’elles ne pouvaient pas rester mais se retrouvent parfois, comme le vieil homme dans le film, à continuer à travailler dans les jardins de ces maisons parce qu’ils veulent garder ce lien qui les unit à leur terre. J’ai vu plusieurs fois ce genre de situation et j’ai eu envie d’en faire une histoire. Le film évoque aussi la question des migrations, de toutes ces personnes qui voyagent à travers le monde, de la main d’œuvre pas cher que l’on peut trouver aujourd’hui. Les choses changent, évoluent, et se globalisent et tout ça modifie notre rapport à la terre et à notre histoire. Ce constat m’a amené à écrire ce scénario mais c’est aussi une réalité que je comprends, tout ce qui est vieux se transforme en neuf et c’est ainsi que le monde fonctionne.

Le couple que l’on voit dans le film ne semble pas travailler la terre lui-même en effet, ils ont l’air d’avoir de l’argent, et la manière dont tu les filme, derrière une fenêtre, instaure une certaine distance, accentuée par l’absence de dialogues, ils représentent ces jeunes propriétaires ?

Oui, j’ai fait ces choix parce qu’ils sont là sans être là. Ils veulent une belle voiture, des beaux légumes et un beau paysage autour d’eux, pour le plaisir de se dire que tout ça leur appartient, mais pas pour être réellement là. C’est pour ça que je les ai filmés de cette manière, à distance par rapport à tous ces éléments. Tout ça n’est qu’un décor dans lequel ils existent, une scénographie de leur vie.

Quand as-tu commencé à travailler sur ton long-métrage ?

On a commencé à tourner en juillet dernier à partir d’un scénario sur lequel j’ai travaillé pendant un peu plus d’un an. C’est partie d’une idée dont je voulais faire un court métrage. J’en ai parlé à ma productrice qui m’a répondu que je ne pouvais pas mettre tout ça dans un court, qu’il était temps de travailler sur un long métrage.

Tu disais précédemment qu’il y a des histoires qu’on ne peut raconter qu’à travers le long et d’autres qu’à travers le court, qu’est-ce qui était différent avec celle-ci ?

Pour raconter cette histoire il faut plus de temps afin d’être au plus près des personnages, à cette époque, à ce moment de leur vie, pour tout comprendre et vivre cette histoire.

Peux-tu nous parler de cette histoire ?

L’histoire est inspirée de mes souvenirs d’enfance et se déroule en 1989. Paula et Laura sont deux sœurs de sept et neuf ans qui vont passer l’été chez leurs cousines à la campagne. Les parents de celles-ci sont divorcés et leur mère n’est jamais à la maison parce qu’elle travaille pour le Front Populaire de Lettonie au moment où le pays est en route vers l’indépendance. Les filles se retrouvent livrées à elles-mêmes et profitent de leur liberté. Après une conversation téléphonique avec sa mère, Paula pense que ses parents aussi vont divorcer. Elle commence à envisager la vie de manière un peu différente, à travers les yeux de ses cousines plus âgées, la façon dont elles vivent, les problèmes auxquels elles sont confrontées, et finit par se dire que le divorce de ses parents est une bonne chose et que la vie est formidable. C’est à ce moment là que la situation politique prend un autre tournant et que les choses commencent à devenir plus compliquées. Elle comprend alors qu’elle veut voir sa famille réunie et pense que si la Lettonie gagne son indépendance la mère des cousines reviendra à la maison et qu’elle même pourra retourner chez elle et réunir sa famille. À ce moment, le 23 aout 1989, il y a ce qu’on appelle le Baltic Way, lorsque les lettons, lituaniens et estoniens se sont retrouvés pour former une chaine humaine sur l’autoroute pour protester contre le pacte Molotov-Ribbentrop qui a intégré la Lettonie, la Lituanie et l’Estonie à l’Union soviétique. Suite à cela, on pouvait voir à la télévision que la situation politique était très compliquée et la réponse de l’Union soviétique très agressive. Le film repose sur le rêve de voir la Lettonie libre et la famille réunie.

Le contexte politique est-il très important dans ton film ?

Oui, car mon pays, comme tous les pays qui ne sont pas indépendants, ne connaissent pas le chemin, ne savent pas comment atteindre cette liberté. Ils sont en quelque sorte comme des enfants, ils jouent, ils tâtonnent, ils chantent, font des chaînes en se donnant la main et espèrent que quelque chose va se produire. Et je crois que c’est assez proche de l’enfance, lorsque les enfants jouent et apprennent la vie, ce qui est bon, ce qui ne l’est pas, et dans mon film, il y a ce questionnement sur ce qu’est la liberté et sur ce qu’on en fait une fois qu’on l’a obtenue. Ce qu’on en a fait, on le voit aujourd’hui, de notre point de vue d’adultes qui ont grandi dans un pays indépendant. En réalité, ce film n’est pas pour les adultes mais pour le jeune public, parce que les enfants ne connaissent pas cette histoire et que c’est aussi une période de la vie où ils ont ces mêmes sensations : ils veulent être grands, ils détestent leurs parents, ils détestent tout, mais ils ne savent pas ce que c’est de ne plus avoir ses parents ou de ne pas avoir de libertés.

Travailles-tu avec les même personnes ?

Le directeur de la photographie n’est pas le même car pour mon premier long métrage, je voulais travailler avec quelqu’un d’un peu plus expérimenté qui peut m’aider lorsque je ne sais pas quoi faire. C’est un directeur letton très doué, Gints Bērziņš. J’avais travaillé avec lui auparavant, en tant qu’assistante de réalisation, on se comprenait bien et j’ai toujours aimé la façon dont il filme. Le décorateur est toujours le même, c’est mon petit ami, on se connaît donc très bien. J’aime sa façon de travailler mais c’est assez nouveau pour nous de travailler sur un long projet. Les producteurs, la plupart des acteurs adultes, ainsi que le reste de l’équipe, sont les mêmes que dans mes courts métrages. Par contre, tourner avec des enfants, c’est nouveau pour moi.

Combien y a-t-il d’enfants dans ton film et comment les as-tu trouvés ?

Il y a quatre filles âgées de sept à douze ans. On a fait passer des auditions. Ça a été très dur en réalité. Je crois qu’on a vu environ six cent filles de tout âge, et j’ai fini par trouver les bonnes. Je cherchais des fillettes aussi proches que possible des personnages que j’avais imaginés, parce que je pense que c’est ainsi qu’on peut travailler avec des enfants.

Ce travail était-il difficile ? Comment s’est déroulé le tournage ?

Ce n’est pas facile, et le plus difficile c’est quand vous les filmez toutes les quatre en même temps, car elles sont différentes. Par exemple, j’ai remarqué que l’une d’entre elles réussissait toujours à faire ce qu’on lui demandait du premier coup, tandis qu’une autre avait besoin de plus de temps. Du coup, lorsqu’on arrive, admettons, à la cinquième prise, la seconde commence à être très bonne, tandis que la première, qui l’était au début, commence à fatiguer. C’est ça le plus difficile, réussir à leur faire faire les choses en même temps, dans une même scène. Séparément, tout va bien mais lorsqu’elles étaient toutes les quatre ensemble c’était beaucoup plus stressant, elles étaient aussi dans le jeu, tout le temps dans le jeu.

Le tournage est-il terminé ?

Le tournage est terminé. On a tourné jusqu’à septembre 2016, puis l’école a repris. Le montage est terminé et nous commençons le travail sur le son. Je pense que le film sera terminé l’été prochain mais nous allons devoir attendre pour l’avant-première qui correspondra au 100ème anniversaire de la Lettonie, en février 2018. Si nous avons de la chance et que des festivals veulent le programmer, alors nous pourrons le montrer plus tôt.

Propos recueillis par Agathe Demanneville

Articles associés : la critique du film, le reportage sur les courts-métrages de Madara Dišlere

L’After Short, c’est demain !

Ne manquez pas notre nouvel After Short spécial Cannes, organisé ce jeudi 11 mai 2017 à partir de 19h30 au Point Éphémère (Paris, 10ème), en partenariat avec le SPI – Syndicat des Producteurs Indépendants. L’occasion de passer une soirée sympa, de rencontrer/revoir des membres de la profession, de boire un verre de punch et de se lancer des défis au ping-pong !

Cette soirée de networking, en entrée libre (mais sur réservation : aftershortformatcourt@gmail.com / aftershort@lespi.org), aura lieu en présence d’équipes sélectionnées à Cannes côté courts et longs-métrages, mais aussi de certains sélectionneurs et des équipes de Format Court et du SPI :

En compétition officielle : Qiu Yang (réalisateur, « Xiao cheng er yue », compétition), Olivier Chantriaux (sélectionneur, compétition), Tommaso Usberti (réalisateur, « Deux égarés sont morts », Cinéfondation) et Dimitra Karya (directrice de la sélection de la Cinéfondation)

À la Semaine de la Critique
– Longs-métrages : Léa Mysius, Paul Guillaume, Fanny Yvonnet (réalisatrice, chef opérateur-producteur, productrice de « Ava »), Emmanuel Gras (réalisateur de « Malaka »)
– Courts-métrages : Mathieu Bompoint (producteur de « Le Visage »), l’équipe de « Les enfants partent à l’aube », Léo Soesanto (coordinateur du comité court métrage)

À la Quinzaine des Réalisateurs (courts-métrages) : Benoît Grimalt et Damien Froidevaux (réalisateur et producteur de « Retour à Genoa city »), Helen Olive et Martin Bertier (producteurs de « La Bouche »), Lucie La Chimia (réalisatrice, « White Noise »), Shirin Abu Shaqra (réalisatrice, « Hotel Al Naim »), Dominique Welinski (productrice, « Lebanon Factory »), …

À l’ACID
– Longs-métrages : Ilan Klipper (réalisateur, « Le ciel étoilé au-dessus de ma tête »), Vincent Wang, Fatma Tarhouni, Isabelle Mayor (producteurs & monteuse de « Last Laugh »), Idir Serghine (programmateur)
Programme de courts serbes : Vladimir Perisic (réalisateur)

En pratique

Jeudi 11 mai 2017, de 19h30 à 23h
Le Point éphémère : 200 quai de Valmy – Paris 10ème
Métro Jaurès (lignes 5, 2 et 7 bis), Louis Blanc (ligne 7), Bus 26, 46, 48 : Goncourt, Couronnes, Parmentier)
Événement Facebook

Listen d’Hamy Ramezan et Rungano Nyoni

Fiction, 13′, 2014, Danemark, Finlande, Dodream & Pebble Nordic Factory

Synopsis : Copenhague. Un poste de police. Une femme vêtue d’une burqa accompagnée de son fils, vient déposer plainte. La situation va dégénérer quand elle s’aperçoit que la traductrice ne semble pas remplir sa mission.

Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, à Cannes, en 2014, dans le programme Nordic Factory, élu meilleur court-métrage au festival du film de Tribeca l’année d’après, « Listen » est une co-réalisation d’Hamy Ramezan et Rungano Nyoni, cette dernière présentant son premier long-métrage de fiction cette année à la même Quinzaine, « I am not a witch ».

Au Danemark, dans une cellule sombre, deux policiers écoutent le témoignage d’une femme voilée venue leur demander de l’aide. Elle s’est enfuie de son foyer, espérant trouver refuge ailleurs. Ne parlant pas danois, ses mots sont traduits par la femme se trouvant à ses côtés.

Tour à tour, chaque personnage est confronté à son témoignage bouleversant. Le montage est étrangement lent par rapport à l’urgence de la situation, et de ce contraste, naît une tension sourde, menaçante. Un simple coup de téléphone parvient, dans ce huis-clos oppressant, à faire basculer l’échange dans l’irrémédiable. A partir de là, chaque plan devient comme un coup de couteau.

Entrecoupée d’écrans noirs, comme pour rendre sensible le gouffre qui sépare chaque point de vue sur la situation, la discussion vire bien vite vers l’incommunicabilité. De cette absence de communication, provient la solitude extrême d’une femme condamnée à demeurer dans la peur. « Listen », un saisissant portrait sans visage mais infiniment humain.

Thibaud Fabre

Madara Dišlere, Prix Format Court à Brest 2016

Madara Dišlere, cinéaste lettone, a été primée lors du dernier festival de Brest en novembre 2016 pour son film « Dārznieks ». Le jury de Format Court y avait repéré la finesse d’une cinéaste touchée par le passage du temps, donnant à voir la relation intime qu’entretient un vieux jardinier avec la nature. Dans ses précédents courts-métrages, Madara Dišlere dressait déjà le portrait de personnages agissant sous l’influence de leur environnement, souvent hostile.

Issue d’une famille de cinéastes, elle a étudié à l’Académie de la Culture de Lettonie où elle a réalisé ses deux premiers courts métrages « G-Spot » et « A poem », des exercices de styles répondant à des consignes particulières, tout en sachant les détourner pour se les approprier. Dans ces courts-métrages se dégagent une signature propre à une cinéaste de l’intime qui promet de se développer encore dans son premier long-métrage, prévu pour 2018.

Pour obtenir plus de détails sur le cinéma et la personne de Madara Dišlere, plongez-vous dans ce focus que nous lui destinons.

Zoé Libault

L’interview de Madara Dišlere

La critique de « Darznieks »

Le reportage sur les courts-métrages de Madara Dišlere

Quelques bons films à voir sur Court-Circuit

Pour accompagner ce début de semaine, on vous propose, avant notre choix hebdomadaire, de retrouver en ligne 3 films formidables, visibles sur le site de Court-Circuit, le rendez-vous du court sur Arte : Peep Show de Rino Stefano Tagliafierro (dont le très beau Beauty est en accès libre sur le net et notre site), Totems de Paul Jadoul et Mon homme (poulpe) de Stéphanie Cadoret.

Peep Show de Rino Stefano Tagliafierro (Italie, 2016)

Un voyage privé dans le monde de l’érotisme. Espionnant par le trou de la serrure, le spectateur est témoin d’un spectacle dans lequel l’art est l’objet du désir.

Totems de Paul Jadoul (France, Belgique, 2015)

Sortie de Psiconautas et de Decorado d’Alberto Vazquez

L’an passé, nous avions rencontré Alberto Vazquez, un passionnant réalisateur espagnol, également auteur de BD et dessinateur de presse, sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs 2016 avec Decorado, l’un de nos gros coups de coeur cannois, diffusé lors de notre séance Format Court en juin dernier. Alberto Vazquez n’était pas un inconnu puisque ses précédents courts Birdboy et Sangre de Unicornio, tous deux disponibles sur Vimeo, avaient déjà fait l’objet d’articles sur Format Court. Peu de temps après Cannes, Alberto Vazquez présentait à Annecy Decorado mais aussi Psiconautas, son premier long-métrage co-réalisé avec Pedro Rivero, adapté d’une de ses propres BD, à la croisée de Lewis Carroll et de Guillermo del Toro.

Touche-à-tout, curieux, inventif et très libre, Alberto Vazquez s’intéresse à l’étrange, à la frontière trouble entre rêve et réalité, aux hommes et aux animaux, au monde intérieur, à la folie, aux contes et icônes, et à la poésie teintée de sombre. Autodidacte, il prend des risques scénaristiques, musicaux, animés, et joue avec les codes en (se) cherchant de film en film. En France, la maison de production Autour de Minuit, spécialisée dans le cinéma d’animation délirant et fantastique, le suit et le produit, depuis Decorado.

Après un accueil enthousiaste à Annecy, les deux films ont tous les deux été primés en février dernier aux Goya, en Espagne. Bonne nouvelle : ils prennent enfin le chemin des grands écrans français grâce au distributeur Eurozoom.

Psiconautas (75 minutes, interdit aux moins de 12 ans) sort ce mercredi 24 mai 2017, Decorado (11 minutes) l’accompagne joyeusement en avant-programme dans certaines salles. Une excellente occasion de (re)découvrir l’un des réalisateurs espagnols les plus doués de sa génération alliant avec talent animation, fantaisie et fantastique.

Le retour du court à l’ACID

Le court revient pointer le bout de son nez au sein de la programmation ACID Cannes (Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion) qui fête ses 25 ans cette année.

La plus jeune des sections parallèles de Cannes ouvre une nouvelle fenêtre de programmation et consacre la première édition de son ACID TRIP à la Serbie et à l’association de cinéastes serbes « Bande à Part » . L’ACID présentera notamment 5 courts métrages serbes à l’Alexandre III le 19 mai à 16h en présence des cinéastes.

Voici les films programmés.

Dos patrias de Kosta Ristic
Transition de Milica Tomovic
Sortie de secours de Vladimir Tagic
A Handful of stones de Stefan Ivancic
If I had it my way I would never leave de Marko Grba Singh

Boles de Špela Čadež

Animation, 13′, Slovénie, Allemagne, 2013, numérique, No History, Hupe Film

Synopsis : Filip, qui vit dans un quartier pauvre, rêve de devenir un écrivain célèbre et de mener une existence luxueuse dans un quartier huppé. Un jour quelqu’un frappe à la porte…

Après un diplôme de design graphique et des études en audio-visuel à Cologne, Špela Čadež, travaille depuis 2008 comme productrice et réalisatrice indépendante d’animation. Son dernier film, « L’oiseau de nuit », est en sélection officielle au prochain festival d’animation d’Annecy.

Tout en animation de marionnettes, son précédent film, « Boles », eu à sa sortie, en 2013, un succès international, multipliant les nominations et les prix. C’est que le film explore avec une douce acuité les rapports parfois bruts de l’artiste rêveur avec le monde qui l’entoure.

Pour traiter ce thème, Špela Čadež met en place une situation d’une limpidité qui frôle la parabole : deux voisins, un homme, Filip, et une femme, Tereza, aux caractères radicalement opposés; une rencontre. La robe bleue de Tereza opère dès son apparition comme un décalage dans la grisaille ambiante, que Filip, mélancolique et contemplatif, ne peut s’empêcher de remarquer. Voilà ce qui rapproche les deux êtres : un débordement chromatique, un bouleversement des habitudes.

Filip, cependant, s’empresse de retourner à sa machine à écrire. Dans quelques excursions surréalistes, Špela Čadež exprime l’angoisse de l’écrivain englué dans son monde d’obsessions et de solitudes, à force d’éviter les rencontres, la vie. Ou bien est-ce la vie qui se refuse toujours à l’artiste ?

Thibaud Fabre

Eugène Boitsov, Prix Format Court au Festival d’Angers 2017

Ancien diplômé de La Poudrière, Eugène Boitsov présentera son film de fin d’études « La Table » au prochain Festival d’Annecy, au mois de juin, parmi les autres films d’écoles en compétition officielle. Nous avons découvert le travail de ce jeune animateur-réalisateur ukrainien à l’occasion de la dernière édition du Festival d’Angers, parmi les films concourant dans la section Plans Animés où nous remettions un nouveau Prix Format Court. « La Table », savoureux court-métrage d’animation au rythme enlevé et au savant dosage d’humour et d’intelligence, a d’ailleurs remporté rapidement tous les suffrages de notre jury en remportant notre Prix.

Après la projection de son film en février, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème), en sa présence, et avant la projection du film à Annecy, voici le dossier que nous consacrons à Eugène Boitsov dont nous vous invitons également à parcourir la sympathique page Vimeo, où les exercices se mélangent aux hommages aux pionniers du cinéma et à aux compositeurs de musique classique.

Katia Bayer

Retrouvez dans ce focus :

La critique de « La Table »

L’interview d’Eugène Boitsov

Retour sur Clermont-Ferrand 2017

La 39ème édition du Festival de Clermont-Ferrand s’est déroulée du 3 au 11 février 2017. Cette année, la compétition a proposé une multitude de courts-métrages en compétition, en parallèle à des focus consacrés au cinéma colombien et à l’humour noir, ainsi qu’une carte blanche à la société de production Je suis bien content.

La section internationale proposait cette année une sélection de courts-métrages, dont certains se distinguaient par leurs sujets originaux et la force de leurs discours, comme par exemple Gasper de Bryony Dunne, In White de Dania Bleir ou encore Kommitten de Gunhild Enger (ancienne lauréate du Prix Format Court avec son film Prematur, primé au Festival de Brest) et Jenni Toivoniemi.

Gasper de Bryony Dunne (Irlande), réalisé en 2016, est un film qui met en avant une réflexion écologique. Au fin fond de l’Irlande, au détour d’un petit chemin, vit un jeune Slovène qui passe ses journées à gravir la bruyère et à pêcher la truite. Le réalisateur n’utilise que des plans fixes, suivant son personnage dans les paysages irlandais. Le spectateur se laisse guider par cette fresque écologique très apaisante où Gasper revient à l’état naturel, vivant sans électricité et se lavant dans les ruisseaux. Silencieux, il se laisse porter par ce que lui offre la nature, écoutant ce qui l’entoure.

In White de Dania Bdeir (Liban), réalisé en 2016, met en avant l’histoire de Lara, Libanaise qui vit à New-York et qui retourne chez elle pour l’enterrement de son père. Elle va devoir présenter son fiancé juif à sa famille et affronter les traditions religieuses qu’elle avait tenté de fuir. Lara n’est pas à l’aise dans ce cercle familial où sa mère l’oblige à porter du noir et avoir un brushing impeccable, préférant rendre hommage à son père, en étant épanouie et en s’habillant de blanc. Ce court-métrage met en lumière la confrontation entre la modernité et les traditions plus ancestrales. La force du film tient beaucoup à l’interprétation de Lara, incarnée par Maria Achkar, qui livre une performance impressionnante. Le spectateur arrive à sentir son combat intérieur, entre modernité et tradition, elle doit faire un choix.

Du côté de la sélection nationale, Rhapsody in Blueberry de Gaëlle Denis se distinguait des autres courts-métrages par son visuel original, son humour et sa courte durée (4 minutes). Le film met en avant Rhapsody, une jeune femme téméraire qui cherche un sens à sa vie. Son pouvoir d’imagination plonge le spectateur dans un univers poétique et coloré, notamment grâce aux décors. L’interprétation d’India Hair, campant avec fraîcheur et humour le personnage de Rhapsody, participe à ce monde féérique et à la singularité du film.

Autre réalisatrice à nous intéresser, Emma Benestan à l’origine de  Goût Bacon qui a obtenu la Mention spéciale du Jury Presse national et qui raconte l’histoire de Bilal et Adil, deux amis, qui se mettent en quête de filles pour sauver leur réputation suite à la découverte d’une photo ambigüe sur Snapchat, que le spectateur ne verra jamais tout au long du film. Ce court métrage traite de sujets profonds avec une certaine légèreté : la religion et, surtout, les rapports amoureux et leurs tabous en banlieue. La réalisatrice inverse les rôles classiques avec des petits mecs tendres et des jeunes filles beaucoup moins sensibles à l’amour. Le spectateur est pris de compassion pour ces deux jeunes qui ne savent pas comment s’y prendre avec les filles. Ce court-métrage, né d’un atelier d’improvisation mis en place avec l’association 1000 Visages, puise son originalité dans la réalité des relations entre ses personnages, tout en voulant parler des difficultés entre filles et garçons, et du tabou de l’homosexualité.

Un précédent article avait mis en avant notre coup de coeur de la sélection Labo, Hopptornet de Maximilien Van Aertryck et Axel Danielson (Suède), qui a remporté le Prix spécial du Jury et le Prix du public. Les deux réalisateurs proposaient un court-métrage documentaire sur le choix de sauter ou non d’un plongeoir de 10 mètres. Cette idée originale est traitée avec beaucoup d’humour, le spectateur voit l’hésitation des personnes sur le point de sauter ou non. Les réactions sont diverses, une enfant d’une dizaine d’année prend par exemple moins de temps de réflexion qu’un homme plus mûr qui décide finalement de redescendre sur la terre ferme, plus sûre. Les deux réalisateurs ont choisi un panel de personnalités (des hommes, des femmes, des personnes âgées, des jeunes, ceux qui sautent en duo ou seuls), permettant au spectateur de s’identifier à eux et de se demander ce qu’il aurait fait à leur place.

Le festival proposait également une carte blanche au Festival des nuits sonores, « Décibels ! ». Ce programme présentait une sélection de divers clips musicaux, par exemple, l’humoriste Nobody speak de Run the Jewels ft DJ Shadow, réalisé par Sam Piling, qui met en scène le Président des États-Unis et le Premier Ministre anglais au siège de l’ONU, qui se querellent en rappant et se battent de manière inattendue à mains nues.

Par ailleurs, A Take Away Show de Colin Solal Cardo qui filme Alicia Keys de passage à Paris et chantant au Comptoir Général, est un clip assez surprenant. La proximité entre la chanteuse et le public, ainsi que les plans très serrés, plonge le spectateur dans l’intimité du moment. La justesse et la sensibilité des chants s’ajoutent à cette atmosphère familiale, où le spectateur se laisse guider par la musique. Comme Nobody speak, A take Away Show ne laisse pas le spectateur indifférent par son originalité, son engagement ou encore sa proposition visuelle et sonore.

Lila Toupart

Nouvel After Short, spécial Cannes, jeudi 11 mai 2017 au Point Éphémère !

Les After Short, de la revue en ligne Format Court sont des soirées régulières de networking réunissant la communauté active et dynamique du court métrage.

À l’occasion du prochain Festival de Cannes, Format Court vous invite le jeudi 11 mai 2017 à partir de 19h30 au Point Éphémère (Paris, 10ème) pour un nouvel After Short, organisé en partenariat avec le SPI – Syndicat des Producteurs Indépendants.

Cette soirée, en entrée libre, se déroulera en présence d’équipes sélectionnées côté courts et premiers longs-métrages, toutes sections confondues, mais aussi de certains sélectionneurs et des équipes de Format Court et du SPI : Qiu Yang (réalisateur de « Xiao cheng er yue », compétition officielle), Léa Mysius, Paul Guillaume, Fanny Yvonnet (réalisatrice, chef opérateur-producteur, productrice de « Ava », Semaine de la Critique), Ilan Klipper (réalisateur, « Le ciel étoilé au-dessus de ma tête », ACID), Emmanuel Gras (réalisateur, « Malaka », Semaine de la Critique), Vincent Wang, Fatma Tarhouni, Isabelle Mayor (producteurs & monteuse de « Last Laugh », ACID), Dimitra Karya (sélectionneuse, Cinéfondation),  Léo Soesanto (sélectionneur, Semaine de la Critique), Benoît Grimalt et Damien Froidevaux (réalisateur et producteur de « Retour à Genoa city« , Quinzaine des Réalisateurs), Mathieu Bompoint (producteur de « Le Visage », Semaine de la Critique), Lucie La Chimia (réalisatrice, « White Noise », Quinzaine des Réalisateurs), Shirin Abu Shaqra (réalisatrice, « Hotel Al Naim », Quinzaine des Réalisateurs), Tommaso Usberti (réalisateur, « Deux égarés sont morts », Cinéfondation), Helen Olive et Martin Bertier (producteurs de « La Bouche », Quinzaine des Réalisateurs), Idir Serghine (programmateur, ACID), Dominique Welinski (productrice, « Lebanon Factory, Quinzaine des Réalisateurs), …

Punch offert, possibilité de manger & parties de ping-pong au programme !

Pour information, le Syndicat des Producteurs Indépendants regroupe 420 producteurs de cinéma et d’audiovisuel et s’attache à défendre la liberté de création, la diversité des œuvres produites et l’indépendance des entreprises de production du secteur. En réunissant plus d’une centaine de sociétés de production de courts métrages, le SPI est ainsi le seul syndicat représentatif de ce secteur.

En pratique

Jeudi 11 mai 2017, de 19h30 à 23h
Le Point éphémère : 200 quai de Valmy – Paris 10ème
Métro Jaurès (lignes 5, 2 et 7 bis), Louis Blanc (ligne 7), Bus 26, 46, 48 : Goncourt, Couronnes, Parmentier)
Événement Facebook

Réservation souhaitée : aftershortformatcourt@gmail.com / aftershort@lespi.org