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Le jury complet de la Cinéfondation et des Courts Métrages

Pour info/rappel, le réalisateur, scénariste et producteur Cristian Mungiu présidera le Jury de la Cinéfondation et des Courts Métrages de la 70e édition du Festival de Cannes (17-28 mai). Voici désormais la composition du jury dans son entièreté :  aux côtés de Cristian Mungiu, figureront l’actrice Clotilde Hesme, les réalisateurs Barry Jenkins, récemment oscarisé pour « Moonlight », les réalisateurs, scénaristes et producteurs Eric Khoo et Athina-Rachél Tsangari.

Ils remettront la Palme d’or du court-métrage et trois prix parmi les 16 films d’écoles de cinéma présentés dans la sélection de la Cinéfondation.

© A. Thuillier / AFP

 

Madara Dišlere : « Après la chute de l’Union soviétique, il n’y avait pas d’écoles de cinéma. Ceux qui voulaient étudier le cinéma devaient aller à Moscou »

Après le festival du court métrage européen de Brest où le jury Format Court a remis un prix à Madara Dišlere en novembre dernier pour son film « The Gardener », nous avons rencontré cette réalisatrice lettone nourrie au cinéma dès son plus jeune âge. Alors que Madara est actuellement en préparation de son premier long-métrage, « Paradise 89 », cet interview propose un retour sur cette nouvelle expérience et sur les perspectives de diffusion et de carrière cinématographique en Lettonie.

Quel est ton parcours, es-tu allée dans une école d’art ou de cinéma ?

Je suis allée en école de cinéma très tard car lorsque j’ai terminé le lycée , il n’y avait pas de choix en Lettonie. J’ai commencé par étudier différentes choses comme les relations interculturelles entre la Lettonie et l’Allemagne, je suis ensuite allée en Allemagne pendant un an. Puis un an après, en 2008, un programme d’études pour la réalisation a finalement ouvert. J’ai passé le concours pour l’intégrer et j’ai été prise.

Tu veux dire qu’il n’y avait pas d’école de cinéma en Lettonie avant 2008 ?

Non, après la chute de l’Union soviétique, il n’y avait pas d’écoles de cinéma. Ceux qui voulaient étudier le cinéma devaient aller à Moscou, à l’Institut cinématographique de Vgik. Ma famille n’avait pas l’argent nécessaire pour me permettre d’aller là-bas, je n’ai donc pas eu cette chance. Mais en réalité, j’ai travaillé pendant longtemps pour l’industrie cinématographique avant d’étudier le cinéma, pendant presque dix ans. J’ai débuté en tant qu’assistante de production, puis régisseuse d’extérieurs, puis première assistante de réalisation. Encore aujourd’hui, je travaille comme première assistante pour d’autres réalisateurs. En réalité, ce qui m’a dirigée vers le cinéma, c’est qu’à l’âge de cinq ans, j’ai joué un des rôles principaux dans un film pour enfants réalisé par Varis Brasla. Puis, à sept ans, j’ai de nouveau joué dans un film de ce réalisateur. Ensuite, ma mère a commencé à travailler dans la production cinématographique. Elle a été directrice de production dans les studios de Riga pendant de nombreuses années. Ce sont de très grands studios comme on pouvait en trouver un peu partout à l’époque dans les pays de l’Union soviétique. Ceux de Riga étaient importants.

Finalement, tu as toujours voulu travailler dans le cinéma ?

Oui car je n’ai connu que ça dans mon enfance, des tournages, des décors, des équipes de tournages, des réalisateurs, je pense que c’est ce qui m’a amenée ici aujourd’hui.

C’est drôle d’imaginer que vous n’aviez pas d’école de cinéma mais que vous aviez des grands studios…

Oui, à l’époque tout le monde au sein des pays de l’Union soviétique partait étudier à Moscou puis revenait ensuite travailler dans son pays et y faisait des films.

Une fois à l’école de cinéma, quelle spécialité as-tu choisi ?

Après toutes ces années, c’était la première fois qu’il y avait un programme dédié pour les réalisateurs donc j’ai suivi le programme de réalisation. En fait il y avait seulement des cameramans et des réalisateurs, et pas d’autres possibilités, mais je voulais étudier la réalisation. Aujourd’hui, ils ont aussi quelques scénaristes mais très peu. En réalité, nous n’étions que six pour la réalisation pendant quatre ans. Ça se passe ainsi pour les scénaristes et les monteurs aujourd’hui.

Qu’as-tu appris là-bas ? Était-ce une bonne expérience ?

J’ai apprécié le fait de pouvoir tout essayer, d’avoir la possibilité d’expérimenter presque toutes les choses dont j’avais pu rêver. C’est une très bonne chose pour une école, j’ai eu de bons enseignants, je pense que le professeur principal était très bien. Mais le reste est propre à chacun. Si on veut apprendre plein de choses c’est possible, et l’inverse également. Nous avions beaucoup de pratique et je pense que c’est une bonne chose. Nous avons réalisé deux courts-métrages par an, de toute sorte : des documentaires, des films muets, des films de reconstitutions.

Quel intérêt portes-tu au court-métrage, est-ce une forme que tu aimes particulièrement ou plutôt une étape vers le long-métrage ?

Je pense que certaines histoires ne peuvent être racontées qu’à travers le court tandis que d’autres ne peuvent être racontées qu’à travers le long. J’aime les deux formats mais quelque part, parce que cela fait des mois que je travaille sur un long-métrage pour la première fois (« Paradise 89 »), je me rends compte que j’aime ce long format. Peut-être que si on reste trop longtemps dans le format court , c’est plus difficile par la suite de penser les choses en plus grand. J’aime les deux mais je crois qu’il est temps pour moi de passer à des histoires plus longues, plus développées.

En Lettonie, quelles sont les possibilités de diffusion pour ceux qui ont étudié le cinéma et réalisent des courts ?

Je pense que c’est un vrai problème car les courts métrages sont diffusés en avant-première dans des salles de cinéma puis disparaissent pendant au moins deux ans. Quand ils sont de retour de leur tournée en festivals, qui sont leurs principaux lieux de diffusion, ils sont éventuellement visibles sur Internet ou sont diffusés à la télévision lettone une seule fois. La télévision montre assez peu de courts métrages. Beaucoup de producteurs disent qu’ils pourraient montrer un court métrage letton en avant-programme lors des avants-premières de longs métrages lettons, mais bien souvent ce sont les réalisateurs qui ne sont pas d’accord car cela détourne l’attention de leur film. Je ne sais pas pourquoi ils pensent comme ça, mais diffuser un court métrage avant chaque long me semble être la meilleure option. La situation est très mauvaise aujourd’hui.

Aujourd’hui les publicités remplacent les avant-programmes…

Oui et bien que je ne sois pas une nostalgique de l’Union soviétique, lorsque j’étais enfant et que nous allions au cinéma, il y avait, avant chaque film, un programme de vingt minutes sur des sujets divers qui s’appelait « Journal », j’aimais beaucoup ça. Quant aux festivals de courts-métrages, il en existe deux en Lettonie, mais ils durent une semaine et si on ne peut pas y aller à ce moment-là, on manque la seule opportunité de voir des courts.

Tes trois premiers courts métrages, « G-Spot », « A Poem » et « Broken Pines », ont pour point commun d’avoir pour personnage central une femme. Ton premier film professionnel, « The Gardener », tourne cette fois autour d’un personnage masculin, pourquoi ce changement à ce moment-là ?

Ces trois premiers films sont tous des films d’études réalisés lors de mon cursus à l’Académie. Lorsque j’ai commencé mes études, la première chose que le professeur nous a dit, c’était : « S’il vous plaît, faites des films sur des sujets que vous connaissez, qui vous intéressent, et ne faites jamais, à votre âge, des films qui parlent de personnes âgées et d’enfants ». Je me suis donc dit qu’il fallait que j’essaye de faire des films sur des choses que je connais ou que je veux approfondir, c’est pour ça que mes films parlent de femmes, même s’il y a quelques hommes dans mes films. « The Gardener » est différent parce que j’ai terminé l’école et que désormais je fais tout l’opposé ; j’ai réalisé un film sur un vieil homme et le long métrage que je prépare actuellement parle d’enfants.

Tu te sens désormais prête à aborder des sujets pour lesquels tu n’étais pas prête avant ?

Je ne sais pas, j’ai juste l’impression de devoir essayer…

Dans « G-Spot », le choix de la caméra subjectives et de la voix off sont plutôt radicaux pour un premier film, pourquoi ce parti pris ?

Ce film est un exercice pour l’Académie et la voix off faisait partie des consignes. En réalité, je déteste les voix off au cinéma, j’ai la sensation que quelqu’un me dit ce que je dois voir. Je me suis demandé comment rendre cette voix off plus réaliste et comment en faire autre chose. J’ai pensé que cela pourrait être les pensées de l’héroïne et que la caméra serait subjective.

Ton film suivant, « A Poem », raconte l’histoire d’Austra Skujiņa une poétesse des années 1930, pourquoi ce personnage ?

C’est une personnalité tragiquement célèbre de notre histoire. Ce film est aussi le résultat d’un exercice pour l’école, mais cette fois il s’agissait de reconstruire une histoire. J’ai pensé à cette poétesse, et je voulais raconter l’histoire de son dernier poème, qui apparaît à la fin du film. Je voulais essayer de comprendre ce qui a pu l’amener à écrire ce poème, et comment cela à pu conduire à sa mort, qui reste un mystère encore aujourd’hui. On ne sait pas si elle s’est suicidée ou si quelqu’un l’a assassinée, et ce film est ma version de ce qui s’est produit juste avant sa mort.

Dans ces deux films on ressent une sorte d’oppression, qu’elle vienne des protagonistes masculins ou du milieu urbain. Par la suite, tu filmes la campagne plus comme un refuge, est-ce le reflet de ton ressenti sur ces différents environnements ?

La ville est, pour sûr, plus oppressante, il y a toujours quelqu’un qui vous observe, et toujours des obstacles, tandis qu’à la campagne, il y a une certaine liberté du corps et des mouvements qui sont aussi des sources d’inspiration.

Lorsque tu as réalisé « The Gardener », quelle différence cela a fait de produire un film en dehors de l’école ?

Dans une école de cinéma ou ailleurs, on fait les choses de la même manière, seulement on demande à toute l’équipe de venir nous aider et travailler gratuitement. Aujourd’hui, le processus est le même seulement lorsque j’ai terminé l’école, je me suis dit que toutes les personnes qui m’avaient aidée pendant toutes ces années méritaient d’avoir la possibilité d’être rémunérées. Il y a eu un concours pour un premier court métrage après le diplôme. J’ai écrit le scénario et obtenu les financements nécessaires pour le réaliser et j’ai demandé à toutes les personnes qui avaient travaillé pour moi gratuitement de venir travailler sur ce film tout en étant rémunérées, j’étais très heureuse de pouvoir le faire.

Tu travailles donc toujours avec les même personnes qu’à l’école ?

Oui. La Lettonie est un petit pays alors on se connait tous très bien. Comme j’ai été assistante de réalisation, et que je le suis toujours, toutes ces personnes avec lesquelles j’ai travaillé me connaissaient déjà avant que j’intègre l’école, ce n’était pas un problème pour moi de demander leur aide.

Travailles-tu avec un directeur de la photographie en particulier ?

Pour « The Gardener », j’ai commencé à travailler avec le directeur de la photographie qui a travaillé également sur « A Poem » et qui était également dans mon école mais après le premier jour de tournage, j’ai réalisé que cette fois-ci, ça ne collerait pas. Nous devions tourner « The Gardener » au printemps, en été et à l’automne, sur une longue période mais avec peu de jours de tournage, je me suis dit qu’il fallait que je fasse confiance à mon ressenti et qu’il fallait que je change. Ça a été difficile mais nécessaire. J’ai demandé à un autre directeur de la photographie de notre école, Gatis Grinbergs, de rejoindre l’équipe. En réalité, c’était la première fois que nous travaillions ensemble mais déjà à l’école, il était très doué pour filmer les paysages et je me suis dit qu’il serait le choix parfait.

Comment as-tu choisi l’acteur principal qui interprète le jardinier ?

Il n’est pas acteur mais artiste graphique, il enseigne aussi à l’Académie des arts de Lettonie. Je l’ai trouvé par hasard. J’ai cherché beaucoup d’hommes de cet âge sans en trouver qui correspondaient à mes attentes et un jour, dans mon village, j’ai aperçu cet homme à vélo avec son chien à côté et j’ai dit à mon ami : “Voilà, mon jardinier!”. On lui a demandé de venir faire un essai. On avait obtenu des financements d’une fondation nationale pour l’année en cours et nous étions au mois de juillet, c’était presque la fin de l’été et puisque le film se déroulait au printemps, en été et en automne, je voulais commencer à tourner cette année-là, mais il n’était pas disponible. Il restaure également des livres anciens et il préparait une exposition, il était très occupé. Il nous a dit que si on trouvait quelqu’un de disponible cette année là il ne fallait pas hésiter et que ça ne le dérangerait pas. Mais je n’ai trouvé personne d’autre. J’ai attendu l’année suivante et je lui ai proposé de nouveau, c’est comme ça qu’on a commencé le tournage ensemble.

Ce film parle des rapports que les jeunes générations entretiennent avec la terre, tu as la sensation que quelque chose a changé ?

Oui, c’est lié à ce que j’observe autour de moi, notamment dans mon pays où les personnes qui vivent à la campagne disparaissent et personne ne vient prendre leur place. Il y a par exemple une certaine tendance en Lettonie parmi les jeunes qui vivent à Riga, à s’offrir une résidence secondaire à la campagne. Ils s’achètent de vieilles maisons où ils ne vivent que l’été. Les personnes âgées qui y vivaient partent parce qu’elles ne pouvaient pas rester mais se retrouvent parfois, comme le vieil homme dans le film, à continuer à travailler dans les jardins de ces maisons parce qu’ils veulent garder ce lien qui les unit à leur terre. J’ai vu plusieurs fois ce genre de situation et j’ai eu envie d’en faire une histoire. Le film évoque aussi la question des migrations, de toutes ces personnes qui voyagent à travers le monde, de la main d’œuvre pas cher que l’on peut trouver aujourd’hui. Les choses changent, évoluent, et se globalisent et tout ça modifie notre rapport à la terre et à notre histoire. Ce constat m’a amené à écrire ce scénario mais c’est aussi une réalité que je comprends, tout ce qui est vieux se transforme en neuf et c’est ainsi que le monde fonctionne.

Le couple que l’on voit dans le film ne semble pas travailler la terre lui-même en effet, ils ont l’air d’avoir de l’argent, et la manière dont tu les filme, derrière une fenêtre, instaure une certaine distance, accentuée par l’absence de dialogues, ils représentent ces jeunes propriétaires ?

Oui, j’ai fait ces choix parce qu’ils sont là sans être là. Ils veulent une belle voiture, des beaux légumes et un beau paysage autour d’eux, pour le plaisir de se dire que tout ça leur appartient, mais pas pour être réellement là. C’est pour ça que je les ai filmés de cette manière, à distance par rapport à tous ces éléments. Tout ça n’est qu’un décor dans lequel ils existent, une scénographie de leur vie.

Quand as-tu commencé à travailler sur ton long-métrage ?

On a commencé à tourner en juillet dernier à partir d’un scénario sur lequel j’ai travaillé pendant un peu plus d’un an. C’est partie d’une idée dont je voulais faire un court métrage. J’en ai parlé à ma productrice qui m’a répondu que je ne pouvais pas mettre tout ça dans un court, qu’il était temps de travailler sur un long métrage.

Tu disais précédemment qu’il y a des histoires qu’on ne peut raconter qu’à travers le long et d’autres qu’à travers le court, qu’est-ce qui était différent avec celle-ci ?

Pour raconter cette histoire il faut plus de temps afin d’être au plus près des personnages, à cette époque, à ce moment de leur vie, pour tout comprendre et vivre cette histoire.

Peux-tu nous parler de cette histoire ?

L’histoire est inspirée de mes souvenirs d’enfance et se déroule en 1989. Paula et Laura sont deux sœurs de sept et neuf ans qui vont passer l’été chez leurs cousines à la campagne. Les parents de celles-ci sont divorcés et leur mère n’est jamais à la maison parce qu’elle travaille pour le Front Populaire de Lettonie au moment où le pays est en route vers l’indépendance. Les filles se retrouvent livrées à elles-mêmes et profitent de leur liberté. Après une conversation téléphonique avec sa mère, Paula pense que ses parents aussi vont divorcer. Elle commence à envisager la vie de manière un peu différente, à travers les yeux de ses cousines plus âgées, la façon dont elles vivent, les problèmes auxquels elles sont confrontées, et finit par se dire que le divorce de ses parents est une bonne chose et que la vie est formidable. C’est à ce moment là que la situation politique prend un autre tournant et que les choses commencent à devenir plus compliquées. Elle comprend alors qu’elle veut voir sa famille réunie et pense que si la Lettonie gagne son indépendance la mère des cousines reviendra à la maison et qu’elle même pourra retourner chez elle et réunir sa famille. À ce moment, le 23 aout 1989, il y a ce qu’on appelle le Baltic Way, lorsque les lettons, lituaniens et estoniens se sont retrouvés pour former une chaine humaine sur l’autoroute pour protester contre le pacte Molotov-Ribbentrop qui a intégré la Lettonie, la Lituanie et l’Estonie à l’Union soviétique. Suite à cela, on pouvait voir à la télévision que la situation politique était très compliquée et la réponse de l’Union soviétique très agressive. Le film repose sur le rêve de voir la Lettonie libre et la famille réunie.

Le contexte politique est-il très important dans ton film ?

Oui, car mon pays, comme tous les pays qui ne sont pas indépendants, ne connaissent pas le chemin, ne savent pas comment atteindre cette liberté. Ils sont en quelque sorte comme des enfants, ils jouent, ils tâtonnent, ils chantent, font des chaînes en se donnant la main et espèrent que quelque chose va se produire. Et je crois que c’est assez proche de l’enfance, lorsque les enfants jouent et apprennent la vie, ce qui est bon, ce qui ne l’est pas, et dans mon film, il y a ce questionnement sur ce qu’est la liberté et sur ce qu’on en fait une fois qu’on l’a obtenue. Ce qu’on en a fait, on le voit aujourd’hui, de notre point de vue d’adultes qui ont grandi dans un pays indépendant. En réalité, ce film n’est pas pour les adultes mais pour le jeune public, parce que les enfants ne connaissent pas cette histoire et que c’est aussi une période de la vie où ils ont ces mêmes sensations : ils veulent être grands, ils détestent leurs parents, ils détestent tout, mais ils ne savent pas ce que c’est de ne plus avoir ses parents ou de ne pas avoir de libertés.

Travailles-tu avec les même personnes ?

Le directeur de la photographie n’est pas le même car pour mon premier long métrage, je voulais travailler avec quelqu’un d’un peu plus expérimenté qui peut m’aider lorsque je ne sais pas quoi faire. C’est un directeur letton très doué, Gints Bērziņš. J’avais travaillé avec lui auparavant, en tant qu’assistante de réalisation, on se comprenait bien et j’ai toujours aimé la façon dont il filme. Le décorateur est toujours le même, c’est mon petit ami, on se connaît donc très bien. J’aime sa façon de travailler mais c’est assez nouveau pour nous de travailler sur un long projet. Les producteurs, la plupart des acteurs adultes, ainsi que le reste de l’équipe, sont les mêmes que dans mes courts métrages. Par contre, tourner avec des enfants, c’est nouveau pour moi.

Combien y a-t-il d’enfants dans ton film et comment les as-tu trouvés ?

Il y a quatre filles âgées de sept à douze ans. On a fait passer des auditions. Ça a été très dur en réalité. Je crois qu’on a vu environ six cent filles de tout âge, et j’ai fini par trouver les bonnes. Je cherchais des fillettes aussi proches que possible des personnages que j’avais imaginés, parce que je pense que c’est ainsi qu’on peut travailler avec des enfants.

Ce travail était-il difficile ? Comment s’est déroulé le tournage ?

Ce n’est pas facile, et le plus difficile c’est quand vous les filmez toutes les quatre en même temps, car elles sont différentes. Par exemple, j’ai remarqué que l’une d’entre elles réussissait toujours à faire ce qu’on lui demandait du premier coup, tandis qu’une autre avait besoin de plus de temps. Du coup, lorsqu’on arrive, admettons, à la cinquième prise, la seconde commence à être très bonne, tandis que la première, qui l’était au début, commence à fatiguer. C’est ça le plus difficile, réussir à leur faire faire les choses en même temps, dans une même scène. Séparément, tout va bien mais lorsqu’elles étaient toutes les quatre ensemble c’était beaucoup plus stressant, elles étaient aussi dans le jeu, tout le temps dans le jeu.

Le tournage est-il terminé ?

Le tournage est terminé. On a tourné jusqu’à septembre 2016, puis l’école a repris. Le montage est terminé et nous commençons le travail sur le son. Je pense que le film sera terminé l’été prochain mais nous allons devoir attendre pour l’avant-première qui correspondra au 100ème anniversaire de la Lettonie, en février 2018. Si nous avons de la chance et que des festivals veulent le programmer, alors nous pourrons le montrer plus tôt.

Propos recueillis par Agathe Demanneville

Articles associés : la critique du film, le reportage sur les courts-métrages de Madara Dišlere

L’After Short, c’est demain !

Ne manquez pas notre nouvel After Short spécial Cannes, organisé ce jeudi 11 mai 2017 à partir de 19h30 au Point Éphémère (Paris, 10ème), en partenariat avec le SPI – Syndicat des Producteurs Indépendants. L’occasion de passer une soirée sympa, de rencontrer/revoir des membres de la profession, de boire un verre de punch et de se lancer des défis au ping-pong !

Cette soirée de networking, en entrée libre (mais sur réservation : aftershortformatcourt@gmail.com / aftershort@lespi.org), aura lieu en présence d’équipes sélectionnées à Cannes côté courts et longs-métrages, mais aussi de certains sélectionneurs et des équipes de Format Court et du SPI :

En compétition officielle : Qiu Yang (réalisateur, « Xiao cheng er yue », compétition), Olivier Chantriaux (sélectionneur, compétition), Tommaso Usberti (réalisateur, « Deux égarés sont morts », Cinéfondation) et Dimitra Karya (directrice de la sélection de la Cinéfondation)

À la Semaine de la Critique
– Longs-métrages : Léa Mysius, Paul Guillaume, Fanny Yvonnet (réalisatrice, chef opérateur-producteur, productrice de « Ava »), Emmanuel Gras (réalisateur de « Malaka »)
– Courts-métrages : Mathieu Bompoint (producteur de « Le Visage »), l’équipe de « Les enfants partent à l’aube », Léo Soesanto (coordinateur du comité court métrage)

À la Quinzaine des Réalisateurs (courts-métrages) : Benoît Grimalt et Damien Froidevaux (réalisateur et producteur de « Retour à Genoa city »), Helen Olive et Martin Bertier (producteurs de « La Bouche »), Lucie La Chimia (réalisatrice, « White Noise »), Shirin Abu Shaqra (réalisatrice, « Hotel Al Naim »), Dominique Welinski (productrice, « Lebanon Factory »), …

À l’ACID
– Longs-métrages : Ilan Klipper (réalisateur, « Le ciel étoilé au-dessus de ma tête »), Vincent Wang, Fatma Tarhouni, Isabelle Mayor (producteurs & monteuse de « Last Laugh »), Idir Serghine (programmateur)
Programme de courts serbes : Vladimir Perisic (réalisateur)

En pratique

Jeudi 11 mai 2017, de 19h30 à 23h
Le Point éphémère : 200 quai de Valmy – Paris 10ème
Métro Jaurès (lignes 5, 2 et 7 bis), Louis Blanc (ligne 7), Bus 26, 46, 48 : Goncourt, Couronnes, Parmentier)
Événement Facebook

Listen d’Hamy Ramezan et Rungano Nyoni

Fiction, 13′, 2014, Danemark, Finlande, Dodream & Pebble Nordic Factory

Synopsis : Copenhague. Un poste de police. Une femme vêtue d’une burqa accompagnée de son fils, vient déposer plainte. La situation va dégénérer quand elle s’aperçoit que la traductrice ne semble pas remplir sa mission.

Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, à Cannes, en 2014, dans le programme Nordic Factory, élu meilleur court-métrage au festival du film de Tribeca l’année d’après, « Listen » est une co-réalisation d’Hamy Ramezan et Rungano Nyoni, cette dernière présentant son premier long-métrage de fiction cette année à la même Quinzaine, « I am not a witch ».

Au Danemark, dans une cellule sombre, deux policiers écoutent le témoignage d’une femme voilée venue leur demander de l’aide. Elle s’est enfuie de son foyer, espérant trouver refuge ailleurs. Ne parlant pas danois, ses mots sont traduits par la femme se trouvant à ses côtés.

Tour à tour, chaque personnage est confronté à son témoignage bouleversant. Le montage est étrangement lent par rapport à l’urgence de la situation, et de ce contraste, naît une tension sourde, menaçante. Un simple coup de téléphone parvient, dans ce huis-clos oppressant, à faire basculer l’échange dans l’irrémédiable. A partir de là, chaque plan devient comme un coup de couteau.

Entrecoupée d’écrans noirs, comme pour rendre sensible le gouffre qui sépare chaque point de vue sur la situation, la discussion vire bien vite vers l’incommunicabilité. De cette absence de communication, provient la solitude extrême d’une femme condamnée à demeurer dans la peur. « Listen », un saisissant portrait sans visage mais infiniment humain.

Thibaud Fabre

Madara Dišlere, Prix Format Court à Brest 2016

Madara Dišlere, cinéaste lettone, a été primée lors du dernier festival de Brest en novembre 2016 pour son film « Dārznieks ». Le jury de Format Court y avait repéré la finesse d’une cinéaste touchée par le passage du temps, donnant à voir la relation intime qu’entretient un vieux jardinier avec la nature. Dans ses précédents courts-métrages, Madara Dišlere dressait déjà le portrait de personnages agissant sous l’influence de leur environnement, souvent hostile.

Issue d’une famille de cinéastes, elle a étudié à l’Académie de la Culture de Lettonie où elle a réalisé ses deux premiers courts métrages « G-Spot » et « A poem », des exercices de styles répondant à des consignes particulières, tout en sachant les détourner pour se les approprier. Dans ces courts-métrages se dégagent une signature propre à une cinéaste de l’intime qui promet de se développer encore dans son premier long-métrage, prévu pour 2018.

Pour obtenir plus de détails sur le cinéma et la personne de Madara Dišlere, plongez-vous dans ce focus que nous lui destinons.

Zoé Libault

L’interview de Madara Dišlere

La critique de « Darznieks »

Le reportage sur les courts-métrages de Madara Dišlere

Quelques bons films à voir sur Court-Circuit

Pour accompagner ce début de semaine, on vous propose, avant notre choix hebdomadaire, de retrouver en ligne 3 films formidables, visibles sur le site de Court-Circuit, le rendez-vous du court sur Arte : Peep Show de Rino Stefano Tagliafierro (dont le très beau Beauty est en accès libre sur le net et notre site), Totems de Paul Jadoul et Mon homme (poulpe) de Stéphanie Cadoret.

Peep Show de Rino Stefano Tagliafierro (Italie, 2016)

Un voyage privé dans le monde de l’érotisme. Espionnant par le trou de la serrure, le spectateur est témoin d’un spectacle dans lequel l’art est l’objet du désir.

Totems de Paul Jadoul (France, Belgique, 2015)

Sortie de Psiconautas et de Decorado d’Alberto Vazquez

L’an passé, nous avions rencontré Alberto Vazquez, un passionnant réalisateur espagnol, également auteur de BD et dessinateur de presse, sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs 2016 avec Decorado, l’un de nos gros coups de coeur cannois, diffusé lors de notre séance Format Court en juin dernier. Alberto Vazquez n’était pas un inconnu puisque ses précédents courts Birdboy et Sangre de Unicornio, tous deux disponibles sur Vimeo, avaient déjà fait l’objet d’articles sur Format Court. Peu de temps après Cannes, Alberto Vazquez présentait à Annecy Decorado mais aussi Psiconautas, son premier long-métrage co-réalisé avec Pedro Rivero, adapté d’une de ses propres BD, à la croisée de Lewis Carroll et de Guillermo del Toro.

Touche-à-tout, curieux, inventif et très libre, Alberto Vazquez s’intéresse à l’étrange, à la frontière trouble entre rêve et réalité, aux hommes et aux animaux, au monde intérieur, à la folie, aux contes et icônes, et à la poésie teintée de sombre. Autodidacte, il prend des risques scénaristiques, musicaux, animés, et joue avec les codes en (se) cherchant de film en film. En France, la maison de production Autour de Minuit, spécialisée dans le cinéma d’animation délirant et fantastique, le suit et le produit, depuis Decorado.

Après un accueil enthousiaste à Annecy, les deux films ont tous les deux été primés en février dernier aux Goya, en Espagne. Bonne nouvelle : ils prennent enfin le chemin des grands écrans français grâce au distributeur Eurozoom.

Psiconautas (75 minutes, interdit aux moins de 12 ans) sort ce mercredi 24 mai 2017, Decorado (11 minutes) l’accompagne joyeusement en avant-programme dans certaines salles. Une excellente occasion de (re)découvrir l’un des réalisateurs espagnols les plus doués de sa génération alliant avec talent animation, fantaisie et fantastique.

Le retour du court à l’ACID

Le court revient pointer le bout de son nez au sein de la programmation ACID Cannes (Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion) qui fête ses 25 ans cette année.

La plus jeune des sections parallèles de Cannes ouvre une nouvelle fenêtre de programmation et consacre la première édition de son ACID TRIP à la Serbie et à l’association de cinéastes serbes « Bande à Part » . L’ACID présentera notamment 5 courts métrages serbes à l’Alexandre III le 19 mai à 16h en présence des cinéastes.

Voici les films programmés.

Dos patrias de Kosta Ristic
Transition de Milica Tomovic
Sortie de secours de Vladimir Tagic
A Handful of stones de Stefan Ivancic
If I had it my way I would never leave de Marko Grba Singh

Boles de Špela Čadež

Animation, 13′, Slovénie, Allemagne, 2013, numérique, No History, Hupe Film

Synopsis : Filip, qui vit dans un quartier pauvre, rêve de devenir un écrivain célèbre et de mener une existence luxueuse dans un quartier huppé. Un jour quelqu’un frappe à la porte…

Après un diplôme de design graphique et des études en audio-visuel à Cologne, Špela Čadež, travaille depuis 2008 comme productrice et réalisatrice indépendante d’animation. Son dernier film, « L’oiseau de nuit », est en sélection officielle au prochain festival d’animation d’Annecy.

Tout en animation de marionnettes, son précédent film, « Boles », eu à sa sortie, en 2013, un succès international, multipliant les nominations et les prix. C’est que le film explore avec une douce acuité les rapports parfois bruts de l’artiste rêveur avec le monde qui l’entoure.

Pour traiter ce thème, Špela Čadež met en place une situation d’une limpidité qui frôle la parabole : deux voisins, un homme, Filip, et une femme, Tereza, aux caractères radicalement opposés; une rencontre. La robe bleue de Tereza opère dès son apparition comme un décalage dans la grisaille ambiante, que Filip, mélancolique et contemplatif, ne peut s’empêcher de remarquer. Voilà ce qui rapproche les deux êtres : un débordement chromatique, un bouleversement des habitudes.

Filip, cependant, s’empresse de retourner à sa machine à écrire. Dans quelques excursions surréalistes, Špela Čadež exprime l’angoisse de l’écrivain englué dans son monde d’obsessions et de solitudes, à force d’éviter les rencontres, la vie. Ou bien est-ce la vie qui se refuse toujours à l’artiste ?

Thibaud Fabre

Eugène Boitsov, Prix Format Court au Festival d’Angers 2017

Ancien diplômé de La Poudrière, Eugène Boitsov présentera son film de fin d’études « La Table » au prochain Festival d’Annecy, au mois de juin, parmi les autres films d’écoles en compétition officielle. Nous avons découvert le travail de ce jeune animateur-réalisateur ukrainien à l’occasion de la dernière édition du Festival d’Angers, parmi les films concourant dans la section Plans Animés où nous remettions un nouveau Prix Format Court. « La Table », savoureux court-métrage d’animation au rythme enlevé et au savant dosage d’humour et d’intelligence, a d’ailleurs remporté rapidement tous les suffrages de notre jury en remportant notre Prix.

Après la projection de son film en février, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème), en sa présence, et avant la projection du film à Annecy, voici le dossier que nous consacrons à Eugène Boitsov dont nous vous invitons également à parcourir la sympathique page Vimeo, où les exercices se mélangent aux hommages aux pionniers du cinéma et à aux compositeurs de musique classique.

Katia Bayer

Retrouvez dans ce focus :

La critique de « La Table »

L’interview d’Eugène Boitsov

Retour sur Clermont-Ferrand 2017

La 39ème édition du Festival de Clermont-Ferrand s’est déroulée du 3 au 11 février 2017. Cette année, la compétition a proposé une multitude de courts-métrages en compétition, en parallèle à des focus consacrés au cinéma colombien et à l’humour noir, ainsi qu’une carte blanche à la société de production Je suis bien content.

La section internationale proposait cette année une sélection de courts-métrages, dont certains se distinguaient par leurs sujets originaux et la force de leurs discours, comme par exemple Gasper de Bryony Dunne, In White de Dania Bleir ou encore Kommitten de Gunhild Enger (ancienne lauréate du Prix Format Court avec son film Prematur, primé au Festival de Brest) et Jenni Toivoniemi.

Gasper de Bryony Dunne (Irlande), réalisé en 2016, est un film qui met en avant une réflexion écologique. Au fin fond de l’Irlande, au détour d’un petit chemin, vit un jeune Slovène qui passe ses journées à gravir la bruyère et à pêcher la truite. Le réalisateur n’utilise que des plans fixes, suivant son personnage dans les paysages irlandais. Le spectateur se laisse guider par cette fresque écologique très apaisante où Gasper revient à l’état naturel, vivant sans électricité et se lavant dans les ruisseaux. Silencieux, il se laisse porter par ce que lui offre la nature, écoutant ce qui l’entoure.

In White de Dania Bdeir (Liban), réalisé en 2016, met en avant l’histoire de Lara, Libanaise qui vit à New-York et qui retourne chez elle pour l’enterrement de son père. Elle va devoir présenter son fiancé juif à sa famille et affronter les traditions religieuses qu’elle avait tenté de fuir. Lara n’est pas à l’aise dans ce cercle familial où sa mère l’oblige à porter du noir et avoir un brushing impeccable, préférant rendre hommage à son père, en étant épanouie et en s’habillant de blanc. Ce court-métrage met en lumière la confrontation entre la modernité et les traditions plus ancestrales. La force du film tient beaucoup à l’interprétation de Lara, incarnée par Maria Achkar, qui livre une performance impressionnante. Le spectateur arrive à sentir son combat intérieur, entre modernité et tradition, elle doit faire un choix.

Du côté de la sélection nationale, Rhapsody in Blueberry de Gaëlle Denis se distinguait des autres courts-métrages par son visuel original, son humour et sa courte durée (4 minutes). Le film met en avant Rhapsody, une jeune femme téméraire qui cherche un sens à sa vie. Son pouvoir d’imagination plonge le spectateur dans un univers poétique et coloré, notamment grâce aux décors. L’interprétation d’India Hair, campant avec fraîcheur et humour le personnage de Rhapsody, participe à ce monde féérique et à la singularité du film.

Autre réalisatrice à nous intéresser, Emma Benestan à l’origine de  Goût Bacon qui a obtenu la Mention spéciale du Jury Presse national et qui raconte l’histoire de Bilal et Adil, deux amis, qui se mettent en quête de filles pour sauver leur réputation suite à la découverte d’une photo ambigüe sur Snapchat, que le spectateur ne verra jamais tout au long du film. Ce court métrage traite de sujets profonds avec une certaine légèreté : la religion et, surtout, les rapports amoureux et leurs tabous en banlieue. La réalisatrice inverse les rôles classiques avec des petits mecs tendres et des jeunes filles beaucoup moins sensibles à l’amour. Le spectateur est pris de compassion pour ces deux jeunes qui ne savent pas comment s’y prendre avec les filles. Ce court-métrage, né d’un atelier d’improvisation mis en place avec l’association 1000 Visages, puise son originalité dans la réalité des relations entre ses personnages, tout en voulant parler des difficultés entre filles et garçons, et du tabou de l’homosexualité.

Un précédent article avait mis en avant notre coup de coeur de la sélection Labo, Hopptornet de Maximilien Van Aertryck et Axel Danielson (Suède), qui a remporté le Prix spécial du Jury et le Prix du public. Les deux réalisateurs proposaient un court-métrage documentaire sur le choix de sauter ou non d’un plongeoir de 10 mètres. Cette idée originale est traitée avec beaucoup d’humour, le spectateur voit l’hésitation des personnes sur le point de sauter ou non. Les réactions sont diverses, une enfant d’une dizaine d’année prend par exemple moins de temps de réflexion qu’un homme plus mûr qui décide finalement de redescendre sur la terre ferme, plus sûre. Les deux réalisateurs ont choisi un panel de personnalités (des hommes, des femmes, des personnes âgées, des jeunes, ceux qui sautent en duo ou seuls), permettant au spectateur de s’identifier à eux et de se demander ce qu’il aurait fait à leur place.

Le festival proposait également une carte blanche au Festival des nuits sonores, « Décibels ! ». Ce programme présentait une sélection de divers clips musicaux, par exemple, l’humoriste Nobody speak de Run the Jewels ft DJ Shadow, réalisé par Sam Piling, qui met en scène le Président des États-Unis et le Premier Ministre anglais au siège de l’ONU, qui se querellent en rappant et se battent de manière inattendue à mains nues.

Par ailleurs, A Take Away Show de Colin Solal Cardo qui filme Alicia Keys de passage à Paris et chantant au Comptoir Général, est un clip assez surprenant. La proximité entre la chanteuse et le public, ainsi que les plans très serrés, plonge le spectateur dans l’intimité du moment. La justesse et la sensibilité des chants s’ajoutent à cette atmosphère familiale, où le spectateur se laisse guider par la musique. Comme Nobody speak, A take Away Show ne laisse pas le spectateur indifférent par son originalité, son engagement ou encore sa proposition visuelle et sonore.

Lila Toupart

Nouvel After Short, spécial Cannes, jeudi 11 mai 2017 au Point Éphémère !

Les After Short, de la revue en ligne Format Court sont des soirées régulières de networking réunissant la communauté active et dynamique du court métrage.

À l’occasion du prochain Festival de Cannes, Format Court vous invite le jeudi 11 mai 2017 à partir de 19h30 au Point Éphémère (Paris, 10ème) pour un nouvel After Short, organisé en partenariat avec le SPI – Syndicat des Producteurs Indépendants.

Cette soirée, en entrée libre, se déroulera en présence d’équipes sélectionnées côté courts et premiers longs-métrages, toutes sections confondues, mais aussi de certains sélectionneurs et des équipes de Format Court et du SPI : Qiu Yang (réalisateur de « Xiao cheng er yue », compétition officielle), Léa Mysius, Paul Guillaume, Fanny Yvonnet (réalisatrice, chef opérateur-producteur, productrice de « Ava », Semaine de la Critique), Ilan Klipper (réalisateur, « Le ciel étoilé au-dessus de ma tête », ACID), Emmanuel Gras (réalisateur, « Malaka », Semaine de la Critique), Vincent Wang, Fatma Tarhouni, Isabelle Mayor (producteurs & monteuse de « Last Laugh », ACID), Dimitra Karya (sélectionneuse, Cinéfondation),  Léo Soesanto (sélectionneur, Semaine de la Critique), Benoît Grimalt et Damien Froidevaux (réalisateur et producteur de « Retour à Genoa city« , Quinzaine des Réalisateurs), Mathieu Bompoint (producteur de « Le Visage », Semaine de la Critique), Lucie La Chimia (réalisatrice, « White Noise », Quinzaine des Réalisateurs), Shirin Abu Shaqra (réalisatrice, « Hotel Al Naim », Quinzaine des Réalisateurs), Tommaso Usberti (réalisateur, « Deux égarés sont morts », Cinéfondation), Helen Olive et Martin Bertier (producteurs de « La Bouche », Quinzaine des Réalisateurs), Idir Serghine (programmateur, ACID), Dominique Welinski (productrice, « Lebanon Factory, Quinzaine des Réalisateurs), …

Punch offert, possibilité de manger & parties de ping-pong au programme !

Pour information, le Syndicat des Producteurs Indépendants regroupe 420 producteurs de cinéma et d’audiovisuel et s’attache à défendre la liberté de création, la diversité des œuvres produites et l’indépendance des entreprises de production du secteur. En réunissant plus d’une centaine de sociétés de production de courts métrages, le SPI est ainsi le seul syndicat représentatif de ce secteur.

En pratique

Jeudi 11 mai 2017, de 19h30 à 23h
Le Point éphémère : 200 quai de Valmy – Paris 10ème
Métro Jaurès (lignes 5, 2 et 7 bis), Louis Blanc (ligne 7), Bus 26, 46, 48 : Goncourt, Couronnes, Parmentier)
Événement Facebook

Réservation souhaitée : aftershortformatcourt@gmail.com / aftershort@lespi.org

Les Vendéennes de Frédéric Bayer-Azem et Johan Michel

Fiction, 19′, France, 2015, Autoproduction

Synopsis : Des Vendéennes. Des voix au ciel, des nuages dans la bouche.

Le cinéaste Frédéric Bayer-Azem, dont la trajectoire au sein de la production française de courts-métrages demeure l’une des plus singulières et des plus remarquables, s’est associé à un autre réalisateur, Johan Michel, pour réaliser ce qui reste à ce jour son ultime opus court, « Les Vendéennes ». Parti sur les routes des Pays de la Loire avec une équipe de tournage réduite à l’essentiel et surtout sans aucun scénario, le duo de réalisateurs s’est laissé porter par la vacance et par la fantaisie de leurs interprètes pour composer un film semblable à aucun autre.

Chaque nouveau plan devient le lieu d’une relance de la fiction, de l’ouverture d’un espace unique et éphémère où tout peut se jouer, où chaque acteur du film (spectateur compris) est invité à déployer son imaginaire, à mettre à l’épreuve sa croyance dans ses propres forces et dans les possibilités du cinéma. Un film qui ne prend le spectateur par la main que pour mieux le faire valser, pour mieux l’entraîner dans une danse à inventer à deux.

Marc-Antoine Vaugeois

Short Screens #71: À films ouverts – 2ème Clap

Après avoir accueilli en mars le festival “A films ouverts” et découvert les 19 courts métrages en compétition, Short Screens vous offre pour avril, sa sélection bariolée des teintes de l’interculturalité unies contre le racisme. De nombreux films accompagneront les quatre lauréats des prix coups de cœur et de l’engagement de l’édition 2017 pour une programmation diversifiée.

Rendez-vous le jeudi 27 avril à 19h30, au cinéma Aventure, Galerie du Centre, Rue des Fripiers 57, 1000 Bruxelles – PAF 6€

Visitez la page Facebook de l’événement ici!

Programmation:

Patriot de Eva Riley, fiction, Royaume-Uni, 2015, 15’ (National Film and Televison School)

Dans un contexte de tensions raciales dans la communauté anglaise rurale, la vie de la petite Hannah va basculer à jamais quand elle fait la rencontre d’un garçon issu du « mauvais côté ».

Traction de Rory Uphold, fiction, Canada, 2015, 5’ (Rory Uphold / Lije Sarki)

Une comédie gênante sur les premiers rendez-vous et les blagues racistes.

Tusk de Rory Waudby-Tolley, animation, Royaume-Uni, 2014, 5’12”(Royal College of Art)

Tusk est l’histoire d’une femelle mammouth décongelée qui se réveille dans un monde où elle n’arrive pas à trouver sa place.

Dastaar de Javian Ashton Le, fiction, Etats-Unis, 2016, 9’30’’ (Mimi Jeffries / Joseph Mazzella)

Dastaar, référence au nom du turban porté par les sikhs, suit un jeune couple interracial qui se rend à New York au lendemain de l’attaque du 11 septembre, et qui est soudainement confronté à un climat de peur et de suspicions.

Scharzfahrer (Le voyageur noir) de Pepe Danquart, fiction, Allemagne, 1992, 12’15’’ (Trans-Film Vertrieb GmbH)

Dans le tram, un jeune homme noir prend place juste à côté d’une femme blanche âgée. Sur le chemin, la vieille femme pousse une longue série de propos racistes. Les autres passagers, pourtant visiblement mal à l’aise, n’interviennent pas…

Article associé : la critique du film

La théorie des ensembles de Juliette Hamon Damourette, Marc Hericher, Jao-Eka M’Changama, animation, France, 2007, 4’ (ENSAD 2007)

Deux mains se partagent un tableau noir et tentent d’y représenter ce que pourrait être une société. Pas si évident quand le racisme, le communautarisme et l’exclusion s’en mêlent.

Rinkebysvenska (Ghettoswedish) de Bahar Pars, fiction, Suède, 2015, 10’30” (Blondell Production)

Aisatou, comédienne de couleur est engagée pour enregistrer une voix off pour la meilleure agence de publicité de Stockholm, Måns et Petter. La session commence bien, mais bientôt, il est clair que Måns et Petter veulent que l’annonce soit très typée « Ghetto ».

Et, les 4 films primés au FESTIVAL A FILMS OUVERTS 2017 :

ALLO LA TERRE de Nicolas Deru, fiction, Belgique, 3’11’’ (Centre Culturel Arabe en Pays de Liège) Prix du Jury

LE RACISME TUE de Pape Abdourahmane Dieng, fiction, 1’ (La Voix des Sans-Papiers de Liège) Prix du Public

NOIR D’ENCRE de Delphine Watteau et Laurent Van Ruysevelt, fiction/animation, 5’30’’ (Dead End Pictures) Prix du Public

TAMAM de Catherine Levêque, documentaire, 9’08’’ (Centre de Jeunesse de l’Ouest La Baraka asbl) Prix du Publ

Annecy 2017, les courts en compétition

Du 12 au 17 juin 2017, le Festival d’Annecy revient, et c’est chouette. 87 courts métrages – pas moins – figurent en compétition officielle, dont 11 dans la catégorie « Off-Limits », 21 dans la section « Perspectives » et 10 dans la section « Jeune public ». Les voici, toutes catégories confondues. Relevons quelques noms au hasard qu’on aime bien et dont nous avons déjà parlé sur Format Court : Paul Wenninger, Špela Čadež, Uri et Michal Kranot, Rémi Durin, Tomasz Siwinski, Daisy Jacobs, Lia Bertels, Ülo Pikkov et Nicolas Ménard. À noter : la présence de Lucrèce Andreae, également en sélection en compétition officielle au prochain Festival de Cannes.

Films en compétition

1960 :: Movie :: Still de Stuart POUND (Royaume-Uni)
A Photo of Me de Dennis TUPICOFF (Australie)
Adam de Veselin EFREMOV (Danemark)
After All de Michael CUSACK (Australie)
Ainigma de Antonios NTOUSIAS, Aris FATOUROS (Grèce)
Airport de Michaela MÜLLER (Croatie, Suisse)
Amalimbo de Juan Pablo LIBOSSART (Suède, Estonie)
Amor, nuestra prision de Carolina CORRAL PAREDES (Mexique)
Black Barbie de Comfort ARTHUR (Ghana)
Casino de Steven WOLOSHEN (Canada)
Casse-Croûte de Burcu SANKUR, Geoffrey GODET (France)
Cinéma Emek, Cinéma Labour, Cinéma Travail de Özlem SULAK (France, Turquie)
Clair obscur de Alain BIDARD (France)
Contact de Alessandro NOVELLI (Espagne)
Corp. de Pablo POLLEDRI (Argentine)
Dead Reckoning de Paul WENNINGER, Susan YOUNG (Autriche)
Der kleine Vogel und die Raupe de Lena VON DÖHREN (Suisse)
Dix puissance moins quarante-trois seconde de FRANCIS (France)
Double King de Felix COLGRAVE (Australie)
Dva tramvaya de Svetlana ANDRIANOVA (Russie)
Ethnophobia de Joan ZHONGA (Albanie, Grèce)
Frontera de Fabián GUAMANÍ ALDAZ (Équateur)
Fuddy Duddy de Siegfried A. FRUHAUF(Autriche)
Geno de Dato KIKNAVELIDZE (Allemagne, Géorgie)
Half a Life de Tamara SHOGAOLU (Égypte, États-Unis, Indonésie, Pays-Bas)
Hand Colored no.2 de Lei LEI, Thomas SAUVIN (Chine)
Hedgehog’s Home de Eva CVIJANOVIC (Canada, Croatie)
Hucho Hucho de Juan CARVE (Uruguay)
I Want Pluto to Be a Planet Again de Vladimir MAVOUNIA-KOUKA, Marie AMACHOUKELI (France)
In a Nutshell de Fabio FRIEDLI (Suisse)
Inhibitum de L’ATELIER COLLECTIF (Belgique)
It Is My Fault de Liu SHA (Chine)
J’aime les filles de Diane OBOMSAWIN (Canada)
Johnno’s Dead de Chris SHEPHERD (France, Royaume-Uni)
Jungle Taxi de Hakhyun KIM (Corée du Sud, Japon)
KL de William HENNE, Yann BONNIN (Belgique)
Kosmos de Daria KOPIEC (Pologne)
Kötü Kiz de Ayce KARTAL (France, Turquie)
Kozly de Yekaterina FILIPPOVA (Russie)
Kutxa beltza de Izibene OÑEDERRA, Isabel HERGUERA (Espagne)
L’Ogre de Laurène BRAIBANT (France)
La Bêtise de Thomas CORRIVEAU (Canada)
La Licorne de Rémi DURIN (Belgique, France)
Le Petit Bonhomme de poche de Ana CHUBINIDZE (France, Géorgie, Suisse)
Le Sentier de Hadrien dit Bhopal BERTUIT (France)
Lupus de Carlos Alberto GOMEZ SALAMANCA (Colombie, France)
Maacher Jhol de Abhishek VERMA (Inde)
Mammas hår de Maja ARNEKLEIV (Norvège)
Manivald de Chintis LUNDGREN (Canada, Croatie, Estonie)
MeTube 2: August Sings Carmina Burana de Daniel MOSHEL (Autriche)
Min Börda de Niki LINDROTH VON BAHR (Suède)
Mr. Night Has a Day Off de Ignas MEILUNAS (Lituanie)
My Mamma Is Bossies de Naomi VAN NIEKERK (Afrique du Sud)
Nachtstück de Anne BREYMANN (Allemagne)
Negative Space de Max PORTER, Ru KUWAHATA (France)
Nocna ptica de ŠPELA ČADEŽ (Slovénie, Croatie)
Nos faltan de Emilio RAMOS, Lucía GAJÁ (Mexique)
Nothing Happens de Uri KRANOT, Michal KRANOT (Danemark, France)
O poeta das coisas horríveis de Guy CHARNAUX (Brésil)
Orogenesis de Boris LABBÉ (France)
Ossa de Dario IMBROGNO (Italie)
Overlook de PINK TWINS (Finlande)
Panda de Shen JIE (Chine)
Pépé le morse de Lucrèce ANDREAE (France)
Plody mrakù de Katerina KARHÁNKOVÁ (République tchèque)
Radio Dolores de Katariina LILLQVIST (Finlande)
Roger Ballen’s Theatre of Apparitions de Emma CALDER, Ged HANEY (Afrique du Sud, Royaume-Uni)
SAMT (Silence) de Chadi AOUN (Liban)
Slovo de Leon VIDMAR (Slovénie)
Splendida Moarte Accident de Sergiu NEGULICI (Roumanie)
Sprawa Moczarskiego de Tomasz SIWINSKI (Pologne)
Sredi chernyh voln de Anna BUDANOVA (Russie)
Strange Fish de Steven SUBOTNICK (États-Unis)
TESLA : LUMIÈRE MONDIALE de Matthew RANKIN (Canada)
The Full Story de Daisy JACOBS, Chris WILDER (Royaume-Uni)
The Gap de Patrick VANDEBROECK (Belgique, Pays-Bas)
The Ultimate Guide to Inspiration de Daniela URIBE, Francisco MARQUEZ (Espagne, Venezuela)
Tiny Big de Lia BERTELS (Belgique)
Tühi ruum de Ülo PIKKOV (Estonie)
Ucieczka de Jaroslaw KONOPKA (Pologne)
Valley of White Birds de Cloud YANG (Chine)
Venus de Sávio LEITE (Brésil)
Wednesday with Goddard de Nicolas MÉNARD (Royaume-Uni)
When Time Moves Faster de Anna VASOF (Autriche, Canada)
Yal Va Koopal de Shiva SADEGH ASADI (Iran)
Yaman de Amer ALBARZAWI (Syrie)
Zug nach Peace de Jakob WEYDE, Jost ALTHOFF (Allemagne)

Semaine de la Critique, les courts en sélection

Après la sélection de la Quinzaine hier, voici celle de la Semaine de la Critique dévoilée aujourd’hui. 10 films ont été retenus par le comité de sélection. Les voici.

Films en compétition

Los Desheredados (Les Déshérités), de Laura Ferrés
Ela – Szkice na Pozegnanie (Ela – Sketches on a Departure), d’Oliver Adam Kusio
Les enfants partent à l’aube, de Manon Coubia
Jodilerks Dela Cruz, Employee of the Month, de Carlo Francisco Manatad
Möbius, de Sam Kuhn
Najpiekniejsze fajerwerki ever (The Best Fireworks Ever), d’Aleksandra Terpinska
Real Gods Require Blood, de Moin Hussain
Selva, de Sofía Quirós Ubeda
Tesla : lumière mondiale, de Matthew Rankin
Le Visage, de Salvatore Lista

Quinzaine des Réalisateurs 2017, les courts en sélection

Juste avant la sélection de la Semaine de la Critique révélée demain, voici celle de la Quinzaine des Réalisateurs annoncée ce matin. 10 courts-métrages ont été retenus par la sélection parallèle du Festival de Cannes.

Films sélectionnés

Água mole de Laura Goncalves et Alexandra Ramires
Copa-loca de Christos Massalas
Crème de menthe de Philippe David Gagné & Jean-Marc E. Roy
Farpões, baldios de Marta Mateus
La bouche de Camilo Restrepo
Min börda de Niki Lindroth Von Bahr
Nada de Gabriel Martins
Retour à Genoa city de Benoît Grimalt
Tijuana tales de Jean-Charles Hue
Trešnje de Dubravka Turić

Soirée Format Court, les photos !

Voici quelques images glanées lors de notre dernière Soirée Format Court organisée le jeudi 13 avril 2017, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème), prises par Stenny Sigere.

Pour rappel, nos invités, ce soir-là, étaient Emmanuel Marre, réalisateur du moyen-métrage « Le film de l’été » (Prix Format Court au Festival de Brive 2017 & Grand Prix National au Festival de Clermont-Ferrand 2017) et de Carlo Sironi, réalisateur de « Valparaiso », primé au Festival de Locarno 2016, accompagné par le traducteur Gianluca Matarrese.

Valentina de Maximilian Feldman

« Valentina », film d’école de Maximilian Feldmann s’est vu attribuer le Prix du Public et une Mention Spéciale lors de la 14ème édition du festival de moyen-métrage de Brive par le jury Format Court. Ce film documentaire de 51 minutes nous plonge dans les yeux d’une petite fille de 10 ans, pour le moins fascinante, qui nous confie son histoire entre lucidité et insouciance. La réalité d’une famille roumaine, quelque part en Macédoine, confrontée à une misère matérielle et financière, que le manque de considération dont elle est victime, détruit à petit feu. Dès lors, l’enjeu du film n’est pas tant de faire un cinéma tire-larmes, mais plutôt de montrer sous divers angles ce que de coutume nous préférons voir de loin ou ne pas voir du tout : la misère des autres.

Maxime Feldmann pose sa caméra au cœur d’une communauté souvent dépréciée et méprisée. Il fait le choix de la montrer dans sa simplicité allant jusqu’aux moments les plus difficiles où la misère n’existe pas seulement en filigrane. Le film alterne habilement entre des scènes du quotidien, tel que le ramassage de bois ou encore la course poursuite après une poule pour en faire le repas tant attendu du soir, et des portraits aux allures photographiques de chaque membre de cette famille. Leurs visages meurtris sont ainsi capturés par des plans rapprochés fixes, presqu’hypnotisants, qu’accompagnent les commentaires parfois drôles parfois touchants de Valentina. Face à la caméra, les regards de ces visages statiques transpercent l’écran, venant se heurter contre nos cœurs ébranlés par leur souffrance tant que par leur joie. Il est ainsi, troublant de voir comment à la simplicité de ce dispositif cinématographique se dégage une efficacité surprenante où les visages et les corps sont sublimés par l’image documentaire.

L’efficacité, on la retrouve aussi dans la manière que Feldman a de tisser son récit, comprenons ce terme au sens de discours. En tant que documentariste, sa subjectivité se lit clairement. Son utilisation du noir et blanc intrigue. Comme si cette absence de couleur était là pour signifier au spectateur, une distinction entre ce que l’on voit – pauvreté – et ce qui transparaît, l’humanité. Et c’est à travers les mots d’une enfant que le réalisateur nous permet de pénétrer dans cette famille laissant derrière nous tous jugements hâtifs. Ce sont au contraire les sentiments qui viennent s’immiscer entre le spectateur et Valentina autant qu’entre cette dernière et sa famille. La fillette fait part, d’ailleurs, à plusieurs reprises de l’amour incommensurable qu’elle éprouve envers sa famille, et ce même lorsqu’elle est contrainte de mendier dans la rue avec sa mère.

Jamais chez Valentina, on ne ressent une once de violence ou même de haine. Il y a chez elle une authenticité profonde dans sa manière de percevoir le monde qui touche. Le réalisateur choisit d’aller chercher dans cette authenticité, des moments intimes sans jamais tomber dans le misérabilisme comme ce moment où dans cette pièce qui sert à la fois de cuisine, de salon et de chambre, chacun des membres de cette grande famille se trouve une place dans une savante organisation.

C’est en cela que le génie de Maximilian Feldman mérite d’être souligné. En faisant le choix d’humaniser ces individus, il cherche à leur redonner une dignité qui ne peut que les magnifier. Il pose sa caméra comme le faisait Vigo à Nice, sur une communauté oubliée et qui pourtant semble jouir d’un bonheur simple, offrant ainsi un cinéma social de qualité sans jamais oublier l’esthétique. Diplômé de la Filmakademie Baden-Württemberg, Feldman a déjà tout des grands cinéastes et offre, plus que du cinéma, un cinéma-vérité.

Marie Winnele Veyret

Consulter la fiche technique

Pour information, « Valentina » sera projeté à l’occasion de la reprise du palmarès de Brive le lundi 24 avril à 21h au Cinéma l’Archipel (17 boulevard de Strasbourg, 75010 Paris), précédé de « Madame Saïdi » de Bijan Anquetil et Paul Costes

V comme Valentina

Fiche technique

Synopsis : Un camp de gitans. Valentina, 10 ans, nous invite à rencontrer sa famille. S’ensuit une succession d’anecdotes bizarres et de rêveries, vues à travers le prisme du documentaire.

Genre : Documentaire

Durée : 51’

Pays : Allemagne

Année : 2016

Scénario : Maximilian Feldmann et Luise Schröder

Réalisation : Maximilian Feldmann

Image : Luise Schröder

Montage : Gregor Bartsch

Son: Oscar Stiebitz

Musique : Oliver Ole Fries

Production : Filmakademie Baden-Württemberg

Article associé : la critique du film