Sangre de Unicornio de Alberto Vázquez

« Cette licorne (…) ; c’est le plus bel animal, le plus fier, le plus terrible et le plus doux qui orne la terre « . Voltaire – La princesse de Babylone (1768)

« Terrible et doux », c’est un peu ce qui pourrait caractériser le quatrième film de Alberto Vázquez, « Sangre de Unicornio », présent à Court Métrange cette année. Un peu à la manière de ses caricatures pour le quotidien espagnol El Pais ou dans ses films précédents, comme « Birdboy », on trouve beaucoup de rouge à l’image.

Il y a aussi un narrateur en espagnol à la voix exagérément grave et de la grosse musique rock Epic Metal du groupe non moins espagnol, Hongo. Le mythe de la licorne y est bel et bien terrible mais s’exprime par le biais de deux nounours, les véritables héros du film. Moffy, et son frère Gregorio ont tout de deux Bisounours, mais aussi une rivalité fraternelle digne de Caïn et Abel dans la Bible. Mais surtout, ils chassent les licornes.

La licorne est un symbole à la fois masculin et féminin, bienveillant et dangereux, proche et inaccessible, présent dans la Bible tout autant que chez les alchimistes, connu de l’Occident à l’Inde. Dans « U », le beau film animé par Serge Elissalde et Grégoire Solotareff de 2006 et dont le U sert à Unicorne, la licorne était un personnage attachant et proche.

Dans « Sangre de Unicornio », elle est insaisissable et devient, de ce fait le but d’une quête menée par les deux héros, en somme, un MacGuffin idéal. Au-delà de la cruauté du conte, on trouve, dans « Sangre de Unicornio », une confrontation du monde enfantin face à des problématiques d’adulte. Il est donc facile d’éprouver tour à tour de l’empathie ou du rejet pour les personnages alors qu’autour d’eux, tout un environnement se déploie, aussi enchanté que cauchemardesque. Alberto Vázquez nous dessine des fleurs en forme de cœur sans nous épargner leur couleur rouge sang. La variété graphique est impressionnante et le film convoque, ici et là, des éléments de « La Planète Sauvage » de René Laloux tout autant que des icônes chrétiennes du XVè siècle.


Outre son graphisme, le film présente une animation subtile. Comme chaque image est dessinée, les nuances sensibles du film se fabriquent en faisant varier la fluidité de l’animation. Quand il faut décrire une action, les images s’enchaînent très vite. Quand il faut évoquer un mythe ou un souvenir, l’animation se fige jusqu’à l’image par image, montrant parfois des illustrations ou des tableaux, comme dans une étonnante séquence centrale du film définissant le mot « douleur ».

Au final, « Sangre de Unicornio » fait penser à un carambolage entre « Bob l’éponge » et un film d’horreur espagnol d’Álex de la Iglesia, mais sa singularité se trouve dans l’ironie cruelle face aux mythes qu’il explore. Derrière un gout du discours martelé, asséné comme autant de coups de poing au visage du spectateur, se montre un réel amour pour le récit graphique. Outre son point de vue singulier donc, « Sangre de Unicornio » nous offre le luxe de placer sa maîtrise des images en avant de la cruauté de son discours. Le mélange est détonnant, le film efficace et marquant. À ne pas manquer.

Georges Coste

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