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Canker de Lin Tu

Sélectionné à la Semaine de la Critique, Canker de la réalisatrice chinoise Lin Tu, est un court métrage espiègle et marquant de la sélection cannoise de cette année.  D’une durée de 13 minutes, aussi dense que vaporeux, ce drame passe en revue des fragments aléatoires qui composent le quotidien de 33, jeune influenceuse chinoise en quête de célébrité. Héroïne typique de son temps, cette habitante de métropole cherche à se cacher derrière sa fausse représentation sur le Net. Cependant les clichés Instagram, les robes glamour, les soirées sans fin ni même les prises de repas gargantuesques filmés avec son smartphone, ne s’avèrent suffisants pour compenser sa solitude et son anxiété, tandis que cette envie de plaire aux followers n’est pas sans conséquences sur elle…

Avec Canker, Lin Tu vas bien au-delà du simple dévoilement de la face sombre de la génération Z, en utilisant comme méthode principale un jeu habile de contrastes déconcertants. Lorsque dans le prologue, l’héroïne énumère, en voix-off et sur un ton très factuel, les malheurs qui ont coûté la vie à tous ses proches, l’évocation de chaque ancêtre décédé est ponctuée par un emoji rieur correspondant, pendant qu’en arrière-plan les photos et vidéos de 33, euphorique durant ses activités quotidiennes, défilent en un montage frénétique.

Ainsi à la matière du film initial, viennent se superposer avant de disparaître tout aussi brusquement, comme si ce n’était que des interférences, des images aux propriétés plastiques. L’effet est significatif, car il participe à la dénonciation des apparences du quotidien : la forme ludique est là pour mieux faire résonner le fond cruel.

Alors qu’elle achève son monologue et qu’on réalise que la jeune femme est sans aucune famille, on la voit pendant une fraction de seconde trinquer avec ses copines, et on pourrait croire un instant qu’on a affaire à une femme forte qui garde sa joie de vivre en dépit des malheurs. Or ce n’est pas le cas, le long plan fixe qui s’ensuit nous montre l’influenceuse, maquillée dès l’aube, attendant devant son téléphone que des abonnés rejoignent son live, en vain.

La princesse est bel et bien seule dans sa tour, et nul ne vient rompre sa solitude, pas même le photographe et amant d’un jour qui trouve encore moyen de la rabaisser en lui disant que son style de vie n’est pas convenable pour une jeune fille.

Rien alors n’agit mieux pour autant sur le spectateur qu’un symbole parfaitement choisi : sur la lèvre de la protagoniste pousse un aphte douloureux. Sa mère l’avait pourtant mise en garde, disant que si elle continuait de se goinfrer de nourritures grasses, elle attraperait un ulcère, Canker.

Les plans tournés sur le vif qui suivent montrent 33 qui continue de s’enfoncer dans sa routine, s’étourdissant avec encore plus d’alcools et de fêtes, tandis que son abcès grossit un peu plus à chaque fois qu’elle l’inspecte. Une oscillation paradoxale entre les paillettes et le repoussant se crée, illustrant son état d’esprit trouble.

Dans cette métropole colorée et au rythme incessant, qui ne pardonne ni hésitations ni échecs, et où on ne peut plus simplement rêvasser à la manière des personnages d’un film de Wong Kar-Wai, la jeune fille est exposée dans sa touchante vulnérabilité. « Seule la douleur est vraie » admettra-t-elle finalement.

Lin Tu dresse le portrait d’une génération et d’une Chine, où la douloureuse vérité (y compris des émotions) se cache sous les faux-semblants de la société de consommation moderne, comme la plaie infectée se tapit au revers de la bouche de l’héroïne, à quelques cm des lèvres sensuelles sous le gloss luisant.  Prisonnière sous ses artifices corrosifs, la jeunesse souffre, en silence.

Polina Khachaturova

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C comme Canker

Fiche technique

Alors que la vie de strass et de paillettes de l’influenceuse 33 s’emballe, l’ulcère à l’intérieur de sa lèvre inférieure ne cesse de croître…

Genre : Fiction

Durée : 13′

Pays : Chine

Année :2022

Réalisation : Lin Tu

Scénario :Lin Tu

Image :Haonan Wang

Décors : Lin Tu

Son : Sam Fan

Musique : Wei Zuo, Di Liu

Montage :Lin Tu

Interprétation : Aifang She, Dong Meijia, Dong Yang, Yihan Liu

Production : Xixi Zhu, Lin Tu (Cat People Productions)

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Ice Merchants de João Gonzalez

Diffusé aujourd’hui dans le premier programme de courts-métrages de la Semaine de la Critique, Ice Merchants, troisième film d’animation de João Gonzalez nous a particulièrement émus. Déjà remarqué grâce à ses deux précédents films Nestor et The Voyager (qui ont à eux deux reçu une vingtaine de prix à l’international et ont été nommés dans un peu plus de 130 festivals), ce jeune réalisateur portugais de 26 ans confirme avec ce film de 14 minutes qu’il est l’une des étoiles montantes de l’animation.

Bouleversant. Le premier mot qui nous vient pour décrire Ice Merchant. Le dessin, la couleur, la musique, le rythme, tout est réuni pour provoquer des émotions profondes chez le spectateur. Nous suivons un père et un fils installés sur un flanc de montagne assez brut. Tous deux sautent tous les jours en parachute pour aller vendre des glaçons au village de la vallée. João Gonzalez nous fait entrer dans une routine familiale, dans laquelle tout un chacun pourrait se reconnaître : l’enfant fait de la balançoire, le père travaille… Mais pourtant il y a cette maison minuscule, isolée et accrochée succinctement à la roche. La localisation est surréaliste. Une sensation de vertige s’installe immédiatement par les jeux de perspectives et les angles choisis. Ce quotidien banal finit par laisser place à un équilibre qui s’avère précaire et s’effile tout au long du film. Un sentiment de solitude et de tristesse naît progressivement, bien que la relation entre les deux protagonistes soit attachante, soudée et tendre. Il y a cette peur du saut et de la chute, de l’accident… mais n’est-il finalement déjà pas survenu ?

En terme d’esthétique, le dessin épuré peut faire penser aux estampes japonaises ukiyo, avec une palette reposant sur 4 couleurs (bleu, rouge orangé, jaune et noir) et des traits assez fins structurant l’espace. Des paysages utopiques, rêvés et qui – au 16è siècle – évoquent davantage le caractère évanescent de la vie, un monde flottant, triste et inconstant. Cette symbolique, on la retrouve également dans l’œuvre visuelle de João Gonzalez. Les couleurs, les formes, les lignes deviennent des indices qui forment l’histoire. Les symboles du temps qui passe, du souvenir, de la trace.

Dans Ice Merchants, la mélancolie est appuyée par la création musicale, aussi signée Gonzalez, qui accompagne les séquences à la perfection. Ce couplage illustration et musique est une des signatures de ce réalisateur qui a également une formation et une maîtrise du piano classique. Il nous emmène alors dans une fable triste qui finira par donner raison à l’amour filiale et à la vie, tout en questionnant l’imprévu, la force des choses et les états de changement dans un cadre familiale établi.

Produit par Wild Stream (France), Cola Quente (Portugal) et The Royal College of Art (UK), ce film est une jolie leçon de poésie qui se passe du langage parlé pour exprimer des angoisses et des besoins primaires universels.

Anne-Sophie Bertrand

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Article associé : l’interview du réalisateur

I comme The Ice Merchants

Fiche technique

Tous les jours, un homme et son fils sautent en parachute de leur maison froide, à flan d’une vertigineuse falaise, pour aller au village au sol, loin, où ils vendent la glace qu’ils produisent chaque jour.

Genre :Fiction

Durée : 14′

Pays : Portugal, Royaume-Uni, France

Année :2022

Réalisation : João Gonzalez

Scénario : João Gonzalez

Image : João Gonzalez Ed Trousseau, Ricardo Real, Joana Rodrigues

Son : Ed Trousseau, Ricardo Real, Joana Rodrigues

Musique : João Gonzalez, Nuno Lobo

Montage : João Gonzalez

Production : Bruno Caetano, Michaël Proença

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Will you look at me de Shuli Huang

Sélectionné à la Semaine de la Critique, le court-métrage Will you look at me de Shuli Huang retient particulièrement l’attention pour la poésie qu’il dégage.

Le jeune réalisateur chinois de 25 ans avait déjà réalisé un film de cinq minutes en 2020, exposed sur l’histoire d’un petit garçon qui prenait des photos en ville. Il a été notamment directeur de la photographie sur un long-métrage Farewell, my home town réalisé par Wang er Zhuo qui a remporté un prix au festival de Busan en 2021. Shuli Huang continue sur sa lancée avec cette première à Cannes, avec un court-métrage introspectif de 20 minutes à l’image sublime.

Tout comme son premier court-métrage, Shuli Huang reprend l’idée de la photo spontanée et urbaine. Muni d’une caméra super 8 fraîchement acquise, il filme ses proches et ce qui l’entoure, en commentant le tout d’une voix-off calme et paisible. Il capture particulièrement le discours abrupt et fermé de sa mère, qui aborde le sujet de son homosexualité.

Shuli Huang nous livre des moments intimes de son quotidien, il réalise des portraits authentiques et plein de charme de ses amis et de sa famille à travers l’image de sa caméra fissurée. Le début du court-métrage d’abord très mélancolique, dont la continuité est assurée par la douce mélodie d’un instrument qui s’apparente à un carillon ou xylophone, contraste ensuite avec la violence de la dispute avec sa mère. Celle-ci ne supporte pas l’homosexualité de son fils, se lamentant sur l’éducation ratée de celui-ci.

Le court-métrage questionne la société chinoise très attachée aux valeurs traditionnelles. Souvent, les familles ont tendance à rester volontairement dans le déni quand un enfant est homosexuel, préférant préserver leur réputation plutôt que l’épanouissement de ce dernier. En Chine, l’importance de la descendance est essentielle. Le réalisateur révèle le problème de cette conception traditionnelle. Il souligne l’absurdité de ce phénomène avec le jeu du contraste entre images et sons : la mère arrose ses fleurs et sourit à son fils en train de la filmer, puis affirme ensuite qu’elle a donné naissance au « mauvais » enfant. Elle le compare notamment à une « monstruosité » puis découpe et cuisine un crabe vivant dans le plan suivant.

Dans ce film, l’idée de transmission entre les membres de la famille semble être évoqué à travers la présence de l’eau. Le réalisateur et narrateur, Shuli Huang insiste sur la passion de son père pour la nage. Suite à une dispute avec sa mère, celui-ci place au montage le son de l’eau qui bout, avec l’idée d’une intensité très forte au sein de leur relation mère-fils. Lors de la fin du film, Shuli Huang plonge dans l’eau rappelant son lien avec ses parents.

Le court-métrage de Shuli Huang sonne comme un long poème entrecoupé de magnifiques portraits, contrasté par la réalité d’une société stricte. Le réalisateur nous permet d’entrer en immersion dans sa vie, d’observer les choses à travers ses yeux d’artiste et de pénétrer dans l’intimité de ses souvenirs.

Laure Dion

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W comme Will you look at me

Fiche technique

Synopsis : Un jeune cinéaste chinois entame un voyage introspectif en revenant dans sa ville natale. A cette occasion, une conversation longtemps différée avec sa mère les plonge tous deux dans une quête d’acceptation et d’amour.

Genre : Fiction

Durée : 20′

Pays : Chine

Année : 2022

Réalisation : Shuli Huang

Scénario : Shuli Huang

Image : Shuli Huang

Son : Nicolas Verhaeghe/ Jingxi Guo

Montage : Shuli Huang/ Yang Yang

Production : Shuli Huang/ Exposed Picture

Article associé : la critique du film

Magdala de Damien Manivel

Sélectionné en première mondiale à l’ACID à Cannes, Magdala, cinquième long-métrage de Damien Manivel, étonne par le traitement du personnage de Marie-Madeleine. Pendant près d’1h20, on se concentre sur la la fin de sa vie passée dans une forêt. On suit les derniers jours, les derniers moments, les derniers instants de celle qui fut la compagne de Jésus.

Tourné en pellicule 16 mm, la caméra de Damien Manivel et de son chef opérateur Mathieu Gaudet filme les mouvements de Marie-Madeleine, incarnée par Elsa Wolliaston, fidèle actrice du réalisateur. Sur un rythme plutôt lent, c’est la vie d’une femme âgée mais sans vraiment d’âge que l’on voit à l’image. Nous sommes ici dans une contemplation où le temps passe à un autre rythme. On la voit marcher, dormir, manger des mûres, tousser, goûter la pluie, crier son amour, faire des dessins sur le sol. C’est peut-être d’ailleurs l’un des plus beaux moments du film, tellement le visage que l’on voit apparaître devant nous prend forme et vie. La caméra se concentre sur son visage mais aussi sur d’autres parties de son corps : ses mains, ses pieds, son dos. Le cinéaste s’est interrogé : «  comment mangeait-t-elle ? Comment dormait-t-elle ? Comment observait-elle le monde ? ».

Une attention très nette est aussi apportée au son : on entend sa respiration, ses cris, le son de la pluie, ses bruits de pas dans cette foret, le vent dans les arbres qui rappelle les séquences du parc dans le Blow Up de Antonioni. Puis la voix arrive, parfois des cris, parfois des petits murmures en araméens.

On retrouve ici un dispositif que Damien Manivel a utilisé dans ses films précédents : tournage en petite équipe et en plusieurs parties. A la base, l’écriture du scénario était une forme poétique de quelques pages. Dés que le tournage a commencé, le réalisateur a affiné, simplifié et de cette manière compris aussi son propre désir. Le tournage a eu lieu en trois phases durant lesquelles il a déjà pu commencé à monter. Dans sa façon de travailler, il s’est laissé la possibilité de retourner des scènes, de ne pas forcément tout savoir à l’avance. Son plaisir de réalisateur réside par exemple dans le fait d’arriver sur le lieu de tournage, de découvrir un arbre avec une forme particulière, de le montrer à l’équipe et d’écrire une scène sur le moment.

Le tournage de  Magdala a eu lieu en Bretagne dans les Monts d’Arrée. Un endroit le plus vallonné de cette région où le réalisateur, né à Brest, passait avec son père en voiture. La nature y est ici très forte. Une forêt très dense, des rochers. Cette nature occupe une grande place dans le film. C’est même, avec Marie-Madeleine, le deuxième personnage principal tellement elle est présente. L’intention était d’insérer le corps de l’actrice dans cette nature. Mais aussi de filmer les insectes, les poissons, les oiseaux. Cette nature, l’équipe technique l’a souvent guettée en attenant le vent, la pluie, l’orage, le crépuscule. Le réalisateur avait besoin d’elle pour porter la présence de son actrice.

C’est d’ailleurs aussi un film sur elle, sur cette actrice, Elsa Wolliaston. Présente dans quasiment tous les plans, c’est elle qui incarne le personnage de Marie-Madeleine. Un corps puissant et présent à l’image.  Avant « Magdala », le réalisateur et elle avaient tourné La dame aux chiens et  Les enfants d’Isadora. C’est leur troisième collaboration en treize ans. Tous deux viennent du monde de la danse, Damien Manivel raconte que sur le tournage, leur communication est quasiment non verbale. Ils se comprennent sans beaucoup se parler.

Dans le court-métrage  La Dame au chien produit par le GREC en 2010, elle incarnait déjà un personnage qui parle peu, qui se déplace lentement, qui a chaud, qui est fatigué, face à un Rémi Taffanel adolescent qui lui ramène son chien qu’il a retrouvé. Là encore, il y avait ses souffles, ses respirations, ses questions posées aux jeune garçon avec la voix d’une femme mure, ses silences parfois évidents et parfois lourds d’équivoque ou de pesanteur.

Pour le cinéaste, faire un film, c’est au minimum avoir deux projets : un en surface avec une intention personnelle et un autre, plus secret. Dans Magdala, il a voulu faire un film sur Marie-Madeleine mais aussi sur l’actrice Elsa Wollaston. Et son projet secret était de lui offrir une mort cinématographique.

Filmer des instants, des moments de vie d’un personnage, le réalisateur a continué à le faire dans Un dimanche matin son quatrième et à ce jour dernier court-métrage avant de passer au long. Avec ce film également produit par le GREC, Damien Manivel filmait la promenade dominicale et matinale d’un maître et de son chien. Par ce film sans dialogue, on sentait par la mise en image d’un récit relativement simple, le temps s’écouler d’une façon bien particulière.

Grâce à  Magdala, Damien Manivel montre une autre façon de faire du cinéma en 2022. Loin de certaines productions stéréotypés, la volonté est ici de faire du cinéma différemment. Sa méthode de travail et l’utilisation de procédés techniques artisanaux permettent de faire appel à une forme d’authenticité dans le but de redécouvrir qu’une image est quelque chose de précieux et d’important. Que l’on soit sensible ou non à la vie de la sainte, dans ce film, Damien Manivel nous emmène dans un geste de cinéma. Geste qui lui est propre et singulier. Ce nouveau long métrage lui permet de continuer son dialogue avec le septième art, commencé par ses premiers courts-métrages Viril en 2007 et  Sois sage, Ô ma douleur en 2008.

Damien Carlet

S comme Scale

Fiche technique

Synopsis : Sur l’autoroute où il conduit, Will perd le sens de l’échelle. Tandis que s’accroît son addiction à la morphine, il se débat pour démêler la succession d’évènements qui l’a amené à cette situation avant d’être à jamais perdu.

Genre : Animation

Durée : 15′

Pays : Royaume-Uni, France, République Tchèque, Belgique

Année : 2022

Réalisation : Joseph Pierce

Scénario : Joseph Pierce, Nicolas Pleskof

Image : Vanessa White

Décors : Milly White

Son : Dominique Fitzgerald

Montage : Robbie Morrison

Interprétation : Sam Spruell, Zahra Ahmadi, Evelyn Neghabian Pierce, Minou Neghabian Pierce, Aaron Neill, Eddie Chamberlin, Gemma Lokat-Smith

Production : Melocoton Films, Bridgeway films, Ozù Productions, Endorfilm

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Scale de Joseph Pierce

Si les programmateurs de la Semaine de la Critique sélectionnent des courts en compétition, ils retiennent aussi des films en séance spéciale depuis quelques années. À l’origine de ces films-là, des cinéastes repérés passés au long et revenant au court ou ayant réalisé plusieurs  courts, l’objectif des programmateurs de la Semaine étant – rappelons-le – de valoriser les premiers et deuxièmes films. Cette année, par exemple, trois cinéastes sont sélectionnés dans cette catégorie dite spéciale : Yann Gonzalez, Emmanuel Gras côté français et Joseph Pierce, côté britannique.

Joseph Pierce n’est pas (encore) passé au long-métrage. Il a par contre réalisé plusieurs courts d’animation depuis son film d’école remarqué à la NFTS (National Film and Television School) : Stand Up. Il a réalisé depuis plusieurs autres courts : A Family Portrait The Pub et The Baby Shower (une fiction bien moins intéressante). À Format Court, nous avons accompagné le travail de cet animateur britannique : un focus lui a été consacré il y a 10 ans et tous ses courts d’animation ont été relatés sur le site. Plusieurs choses nous intéress(ai)ent dans son travail : son goût pour le documentaire animé, la voix-off, les travers de chacun, les corps et visages triturés, déformés et l’originalité de son trait. Ses trois films d’animation sont également en ligne, ce qui facilite leur (re)découverte malgré le temps écoulé depuis le dernier film, The Pub (2012).

En découvrant la sélection 2022 de la Semaine, on a été ravi d’apprendre le retour de Joseph Pierce avec son nouveau projet : Scale. D’emblée, le film percute : « Certains perdent le sens de la perspective. Moi, j’ai perdu le sens des perceptions ». Will, un père de famille, se remémore sa vie d’avant, celle où il était en couple, élevait ses deux filles dans un patelin anglais. Dans son jardin, un village recomposé avec des maisons miniatures amusait les filles. En grandissant, celles-ci s’y sont désintéressées. Elles ont également détourné le regard de leur père qui s’est mis à changer. En travaillant sur sa thèse consacrée aux autoroutes, Will a en effet commencé à prendre de la morphine, à l’extraire des médicaments, à ne plus faire la différence entre le jour, la nuit, les rêves, les cauchemars, ses proches et ses fantômes. En proie à des hallucinations propres à son addiction, il a tout perdu, sa femme, ses mômes, ses repères. Depuis, sa vie est devenue une succession de moments hébétés devant l’ordinateur et de prises de drogues en tout genre.

Ce qu’on aimait dans les films précédents se retrouve dans celui-ci : les déformations (nez, oeil, bouche, cou, bras, …), la fusion entre l’homme et l’animal, le travail autour de la voix. Scale fonctionne aussi pour l’inversion du rapport parent-enfant, l’immersion ultra réaliste de l’addiction et du manque lié à la drogue, la dimension fantastique très travaillée, le jeu entre les échelles et l’extrême solitude du personnage principal, Will, dont l’histoire ne peut laisser indifférent.

Scale est un film plus ambitieux que les courts d’animation précédents. Financièrement déjà : il compte sur l’appui de plusieurs pays, la France, la Belgique, le Royaume-Uni et la République tchèque. Ensuite, le film est l’adaptation d’une nouvelle homonyme de l’auteur William Woodard Self publiée en 94. De plus, Pierce ose vraiment la couleur, ce qui n’avait jamais vraiment été le cas avant, ses films restant cantonnés dans des tons sombres (surtout Stand Up et The Pub, entièrement en noir et blanc). Là où on sent aussi le progrès, c’est dans le travail autour du son, de la musique et des mises en perspective. Le réalisateur a un long en projet. Une bonne étape car loin de se défaire de ses acquis développés depuis son film d’école, le réalisateur a mûri et assume sa prise de risques avec ce film d’animation, le nouveau depuis 10 ans. Cela méritait bien une catégorie spéciale à Cannes !

Katia Bayer

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Retrouvez ici l’interview du réalisateur 

Tout le monde aime Jeanne de Céline Devaux

Après plusieurs courts remarqués (Vie et mort de l’illustre Grigori Efimovitch Raspoutine, Le Repas dominical et Gros Chagrin), Céline Devaux franchit une nouvelle étape avec Tout le monde aime Jeanne, présenté hier en séance spéciale à la Semaine de la Critique. Son premier film, mêlant fiction et animation, est interprété par les comédiens Blanche Gardin, Laurent Lafitte, Maxence Tual, Nuno Lopes et Marthe Keller. Côté animation, il s’appuie sur des voix intérieures et des dessins de la réalisatrice.

Lors de la projection à la Semaine, la productrice du film Sylvie Pialat (Les Films du Worso) évoquait avec humour le meilleur lifting : « celui de produire des premiers longs-métrages ». La réalisatrice et la productrice se sont rencontrées par hasard : la première n’osant écrire à la deuxième (son mail restait dans ses brouillons), la deuxième n’osant contacter la première (ayant fait ses courts avec une autre boîte, Sacrebleu). Le hasard les a réunies : Sylvie Pialat a été la marraine de Céline Devaux à un événement sur le court. Comme quoi, le court peut être un bon tremplin.

Blanche Gardin joue Jeanne, une femme qui se retrouve endettée du jour au lendemain car l’une de ses inventions écolo se révèle être un échec cuisant, rendu viral par les médias. « Femme de l’année », elle devient plutôt « Paumée du siècle ». Pour récupérer de l’argent, elle se voit contrainte de retourner à Lisbonne pour vider et vendre l’appartement de sa mère, décédée un an plus tôt. Jeanne a un frère kiné (Maxence Tual), des lunettes noires pour dissimuler sa honte, un ancien amant (Nuno Lopes) et un relou cleptomane qui s’intéresse à elle (Laurent Lafitte). Jeanne a aussi des pensées intérieures qui se concrétisent sous la forme de dessins (réalisés par Céline Devaux) et de voix cocasses.

Sur place, à Lisbonne, Jeanne a du mal à ranger ses affaires dans les cartons, les souvenirs de sa mère et sa culpabilité n’étant jamais bien loin. En fait, Jeanne a du mal tout court, qu’elle soit seule ou en contact avec les autres car ses petites voix ne la quitte jamais vraiment.

Dans le film de Céline Devaux, on aime plusieurs séquences comme celle où l’une des voix décrète que le jus de tomate ne se prend que dans les trajets en avion (c’est vrai) ou quand on fait le vide en jetant les assiettes maternelles par terre. On aime aussi le jeu de Lafitte mais aussi et surtout ces moments animés qui nous avaient tellement plu dans Le Repas dominical.

L’humour se veut au rendez-vous de ce premier film par le choix des comédiens (Blanche Gardin, Laurent Lafitte), le décalage entre les situations et la perception de Jeanne, bien, bien paumée (et ça se comprend : après avoir perdu sa mère, elle se retrouve sans boulot et revenus). Les moments d’angoisse de l’héroïne qui a du Bridget Jones dans les veines fonctionnent plutôt bien aussi avec les visuels propres à Devaux qui a écrit, réalisé et dessiné le film.

Après avoir dirigé Vincent Macaigne dans Le Repas dominical et Swann Arlaud et Victoire Du Bois dans Gros Chagrin, la réalisatrice diplômée des Arts Décos s’est fixé plusieurs défis pour ce nouveau film : un personnage intérieur féminin, une bande de comédiens, 3 langues (le français, l’anglais et le portugais), une direction de jeunes enfants et même d’un chien. Par moments, on ne peut s’empêcher de rester sur notre faim : la douce folie du court n’est pas celui du long et si le travail graphique entourant l’animation (dessins, voix) est bien rythmé, c’est bien au niveau du scénario et du jeu de Blanche Gardin qu’on est plus dubitatif. Il n’empêche : Tout le monde aime Jeanne reste un premier film – fragile donc – et Céline Devaux continue à nous intéresser par son humour, son trait bien à elle et sa fidélité à l’égard notamment du compositeur Flavien Berger, rencontré quand elle était encore étudiante, et qui signe à nouveau la BO de son film.

Katia Bayer

Rodeo de Lola Quivoron

La dalle à Cannes

À Cannes, on apprend à monter les marches en Y. Sélectionné dans la compétition Un Certain Regard, le premier long-métrage de Lola Quivoron fait du bruit. Son film Rodeo pétarade, détonne, vrombit, il sent le pétrole, l’acier et le bitume et on en resort avec une envie folle de chevaucher une moto pour “fly”. Julie, esprit solitaire et féroce, n’a qu’une seule passion : la moto. Elle attire l’attention des B-more, un groupe de motards très masculin et illicite, qui l’intègre non sans difficultés. Le patron, un taulard qui mène sa petite équipe et sa femme d’une main de fer depuis le placard, veut bien travailler avec elle tant qu’elle respecte les conditions. Mais Julie, surnommée l’Inconnue, est indomptable…

Ce premier long-métrage de Lola Quivoron est très prometteur. La réalisatrice tisse un récit où les pistes s’entremêlent ingénieusement. Julie court derrière sa liberté – factice illusion ? dans un monde qui enferme et maltraite les femmes. De belles scènes de douceur surgissent ça et là et rassurent un spectateur sans cesse bousculé par le quotidien intrépide de Julie.

En gourmette, bidon d’essence et rap hardcore dans une image en pellicule, le film magnifie ses personnages et ses décors. La réalisatrice partage sa passion pour le cross-bitume qu’elle connaît et sur lequel elle a déjà réalisé de nombreux courts-métrages comme son film de fin d’étude à la Fémis, Au loin, Baltimore où un jeune banlieusard galère quand son quad le lâche. Son premier long-métrage rugit avec la même énergie. Sous le pont d’Aquitaine, dans la banlieue bordelaise, les moteurs rugissent et nous donnent la dalle d’en voir plus. La dalle, c’est la fureur de vivre, de s’émanciper, de toujours viser plus haut, plus fort, plus vite. La dalle c’est une course enflammée qui ne se termine jamais vers la liberté, sans cesse pourchassée.

Agathe Arnaud

Alma Viva de Cristèle Alves Meira

Un film de famille fait en famille

Cristèle Alves Meira revient de son petit village portugais avec un film de famille bouleversant. Son premier long-métrage Alma Viva, sélectionné en compétition à la Semaine de la Critique au festival de Cannes, raconte l’histoire d’une famille d’un village du Nord-Est du Portugal traversée par le deuil. La grand-mère, sorcière du village, meurt dans son sommeil aux côtés de sa petite-fille qui vit sa peine avec intensité et solitude, puis le fantôme rôde dans le village et cristallise autour de lui la douleur et la colère de la famille. La petite-fille, qui apprenait avec sa grand-mère à communiquer avec les morts, possède les mêmes dons et devra à son tour porter la charge des passeuses dans l’au-delà. S’abat alors sur elle tous les ressentiments du village sur sa grand-mère, personnage singulier, femme forte et indépendante, effrayante et aimée. Alma Viva traite du sort réservé aux femmes seules dans un Portugal que la réalisatrice décrit sans concession.

Ce premier long est le portrait d’un pays encore très habité par la superstition et très abîmé par la crise, mais Cristèle Alves Meira s’éloigne du réalisme naturaliste et de son habituel misérabilisme. Son film se défait des catégories de genre – il n’est pas fantastique ni social, ou il est des deux. Grâce au regard sincère que pose la réalisatrice sur ce village, il aboutit à un récit nuancé et une image magnifiée et naturelle.

Cristèle Alves Meira filmait déjà ce lieu familier pour la réalisatrice franco-portugaise dans Invisivel Heroi, un court-métrage qui avait été sélectionné à la Semaine de la Critique en 2019. On retrouve dans son long-métrage la qualité qui fait de cette réalisatrice une autrice au travail intéressant : Cristèle Alves Meira pose un regard tendre et familier sur ce qu’elle filme, sa famille, son pays, sa fille. Elle parvient à créer avec son sujet une étonnante intimité qu’elle transmet chaleureusement à son public. La réalisatrice choisit de jouer avec des professionnels et des non-professionnels et la direction d’acteur est très impressionnante. Parce qu’elle a décidé de faire ce film en communauté, avec sa famille et une équipe technique qu’elle connaissait déjà bien, Alma Viva est un film de famille surtout fait en famille.

Sa mise en scène, sobre, précise et surtout sensible, plonge le spectateur dans le deuil avec la jeune fille. L’image parvient à l’intimité de ses personnages et des lieux sans en forcer le passage par une brillante maîtrise des paysages et des portraits. C’est surtout le portrait de Lua Michel qui émeut : jeune actrice au grand talent et surtout fille de Cristèle Alves Meira, elle crée un personnage vibrant qui touche son public par sa sincérité. Dans Tchau Tchau, son précédent court-métrage, la réalisatrice filmait déjà sa fille dans un film qui lui-aussi racontait le deuil d’une famille mais en temps de Covid (dans un entretien avec Format Court, elle raconte d’ailleurs son passage du court au long).

Alma Viva réchauffe le cœur et fait froid dans le dos. C’est un film avec des fantômes, des rituels de sorcière, des scènes de possession. C’est aussi un film de famille, glaçant dans ce qu’il dépeint des relations humaines parce que le deuil est pénible. Il révèle le pire en l’humain, la douleur, la colère. Mais, par la force d’amour de la petite-fille, la famille résiste contre vents et marées et dans la pénibilité trouve son harmonie. Au travers de son deuil, on assiste aux déchirements d’une fratrie qui subit la haine d’un village ravagé par la crise. D’un point de vue subjectif très discret, le film se construit dans ce regard d’enfant. Deux yeux féroces comme candides observent le monde des adultes par le judas de la porte avant de se porter vers ciel qui soutient son regard dans un dernier plan majestueux.

Agathe Arnaud

Article associé : l‘interview de la réalisatrice

Nouvel After Short spécial Cannes (court), le 8 juin !

Tout au long du festival de Cannes, nos rédacteurs vous ont proposé actus, films en ligne, critiques de courts…et de premiers longs (une première !) mais aussi interviews de pros présents au festival. Ces sujets sont à retrouver dans notre dossier spécial. Des articles seront publiés après le festival également.

Bonne info : 2 After Short consacrés à Cannes auront lieu au mois de juin, en partenariat avec l’ESRA (amphithéâtre Jean Renoir, 37 quai de Grenelle 75015 Paris). Pour rappel, les After Short sont des soirées de Q&A au cours desquelles les professionnels abordent leurs parcours et leurs films respectifs. Les courts-métrages ne sont pas diffusés à cette occasion.

Gratuits pour les étudiants et les anciens de l’ESRA, les After Short demeurent accessibles et payants (5€) aux autres personnes intéressées, dans la limite des places disponibles, sur réservation.

Le premier After Short s’intéressera à la présence du court sur la Croisette, il aura lieu le mercredi 8 juin à 19h. Le deuxième se focalisera sur les premiers longs et est prévu le mercredi 22 juin à 19h aussi. Les 2 événements auront lieu à l’ESRA. Prenez d’ores et déjà note de ces 2 dates 🙂

Voici déjà le détail de la première soirée au cours de laquelle 3 sélectionneurs et 10 équipes sont attendues.

Voici la liste – susceptible de modifications – de nos invités présents lors de cette soirée. Des infos (bios, photos) sur les participants sont à retrouver chaque jour sur Facebook  et Instagram.

Sélectionneurs

– Camille Hébert-Bénazet, responsable de Cannes Court Métrage, membre du comité de sélection, compétition officielle

– Gregory Coutaut, sélectionneur courts-métrages, Quinzaine des Réalisateurs

Compétition officielle

– Story Chen, réalisatrice de The Water Murmurs, Palme d’Or du court-métrage 2022

– Charles Gillibert, producteur (CG Cinéma) de A Short Story de Bi Gan

– Sébastien Hussenot, producteur (Luna Productions) de Tsutsue de Amartei Armar

Cinef

– Agathe Chevrier, productrice (La CinéFabrique) de Les humains sont cons quand ils s’empilent de Laurène Fernandez (3ème Prix ex-aequo)

– Lilian Fanara et José Revault, réalisateur et producteur de Tout ceci vous reviendra (La Fémis)

Quinzaine des Réalisateurs

– Ethan Selcer, producteur (Quartett Production) de Des jeunes filles enterrent leur vie de Maïté Sonnet

– Cindy Aubrière, assistante de production (5 à 7 Films) de Maria Schneider, 1983 de Elisabeth Subrin

Semaine de la Critique

– François-Olivier Lespagnol,producteur (Luna Productions) de Swan dans le centre d’Iris Chassaigne

– Marthe Lamy, productrice (Apache Films) de Raie Manta de Anton Bialas

– Clara Marquardt, chargée de développement (Les Valseurs) pour Les créatures qui fondent au soleil de Diego Céspedes

– Michaël Proença, producteur (Wild Stream) de Ice Merchants de João Gonzalez, Prix Découverte Leitz Ciné du court-métrage

Une femme du monde de Cécile Ducrocq

Le premier long-métrage de Cécile Ducrocq Une femme du monde, sorti au cinéma le 8 décembre dernier, est disponible en DVD chez M6 Vidéo. Bouleversant et touchant, le film nous plonge dans le quotidien d’une travailleuse du sexe. Porté par la formidable performance de Laure Calamy qui lui a valu d’ailleurs une nomination aux César 2022 pour la meilleure actrice, le film nous fait vivre 95 minutes intenses de révolte, de dégoût, de tristesse, et de joie. La réalisatrice et scénariste a pour collaborateur le chef opérateur Noé Bach (membre du jury de la troisième édition de notre festival), avec qui elle crée cette image juste et ancrée dans le monde de Marie, la protagoniste. Format Court vous permet de remporter 3 DVD du film avec le dernier court-métrage de la réalisatrice dans les bonus.

Marie est une prostituée indépendante qui vit à Strasbourg. Son fils de dix-sept ans, Adrien, qui rêve de devenir chef cuisinier, est exclu de son établissement. Marie travaille alors avec acharnement et va jusqu’à renoncer à son autonomie dans le but de lui payer une prestigieuse école de cuisine privée.

Cécile Ducrocq porte sur la prostitution un regard différent de celui qu’on trouve habituellement au cinéma. Elle se détache de l’image stéréotypée de la femme malheureuse qui exerce ce métier contre son gré. Laure Calamy incarne une travailleuse du sexe épanouie qui assume sa profession et manifeste pour ses droits. Marie et ses collègues luttent contre la dépénalisation des clients, une loi qui touche finalement davantage les travailleuses du sexe obligées d’exercer dans de terribles conditions. Il s’agit d’une thématique très rarement abordée au cinéma. Cécile Ducrocq impose ici un regard féminin novateur et audacieux. Elle montre notamment la solidarité qui règne entre les prostituées indépendantes, qui s’entraident au besoin.

Marie rencontre en premier lieu des difficultés ordinaires. C’est une héroïne à laquelle on peut s’identifier : anxieuse à propos de la situation de son fils et en relation conflictuelle avec sa mère. Elle traverse des épreuves de la vie courante: la difficulté d’écrire une lettre de motivation, le rendez-vous à la banque, les entretiens chez la conseillère d’orientation, … Son métier génère des complications particulières dans ses rapports familiaux. Si son fils tolère plus ou moins ce choix, la mère de Marie reste dans l’incompréhension.

Puis presque à la manière d’un documentaire, la réalisatrice nous montre le quotidien du métier de prostituée, l’interpellation des hommes dans la rue, leurs réactions, l’attente près de la route que certaines voitures s’arrêtent. Dans une scène particulièrement juste et comique, Marie déclare à un banquier qu’elle est prostituée, et celui-ci dissimule difficilement sa surprise et son malaise.

Bien qu’on ne puisse s’empêcher d’admirer cette femme combattive et déterminée en imperméable doré, elle n’est pas dépourvue de défauts, et Cécile Ducrocq dresse le portrait complexe d’un personnage profond et réaliste dans son scénario.

Certains plans sont filmés en caméra épaule permettant une immersion dans le quotidien de la protagoniste. Le jeu des acteurs par sa qualité vient renforcer cet effet de réalisme. Ce n’est pas seulement le jeu de Laure Calamy qui impressionne et nous transmet tant de sensations, mais aussi celui d’Adrien, le fils de Marie, incarné par Nissim Renard. Le jeune acteur parvient à nous émouvoir à travers une large palette d’interprétations, passant de l’apathie à la colère intense, ainsi que par la joie.

La récente sortie DVD du film Une femme du monde permet de visionner dans ses bonus un précédent court-métrage de la réalisatrice Cécile Ducrocq La Contre-allée, sorti en 2014. Le court-métrage avait été sélectionné à la Semaine de la Critique la même année, et avait remporté le César du meilleur court-métrage en 2016. Cécile Ducrocq dressait déjà le portrait social d’une prostituée interprétée par Laure Calamy.

Ce court-métrage constitue la source et le point de départ du long-métrage. Dans le court-métrage, la protagoniste n’a certes pas d’enfant, et Cécile Ducrocq se concentre sur les problématiques du travail de Suzanne en tant que prostituée, et non sur son rôle de mère de famille. Dans La Contre-allée, la protagoniste Suzanne perd des clients, car des prostituées noires travaillant pour un proxénète lui font de la concurrence. Suzanne demande à un groupe d’amis de l’aider à intimider ces prostituées qui empiètent sur sa zone de travail, mais ces hommes en profitent pour dévoiler leur profond racisme et exercer des actes violents.

Dans le court-métrage comme dans le long-métrage, la réalisatrice a la volonté d’aborder le sujet de la prostitution à travers un regard sans a priori, et de montrer qu’il s’agit d’un métier dans lequel on peut connaître des moments difficiles, mais aussi des moments de reconnaissance et de joie.
Il extrêmement peu commun d’adopter dans un film le point de vue d’une prostituée et il est rare de montrer cette dernière revendiquant une utilité envers sa clientèle. Cécile Ducrocq créer le timing parfait en montrant d’abord une scène de violence sexuelle très crue, puis l’intervention bienveillante d’un client très doux venu remercier Suzanne, et lui offrir des fleurs, pour ses enseignements.

La réalisatrice fait le choix de caster des acteurs non-professionnels, excepté Laure Calamy. Cela renforce cet effet de réalisme et cet aspect presque de documentaire à travers l’immersion dans le quotidien de Suzanne.

Cécile Ducrocq est une réalisatrice audacieuse qui propose un regard féminin plus que nécessaire sur le sujet de la prostitution, dont les règles sont généralement décidées par des hommes. Laure Calamy incarne dans les deux films, le rôle très fort et émouvant d’une prostituée épanouie, en lutte pour sa liberté et celle de ses proches.

Laure Dion

Une femme du monde. Edition : M6 Vidéo. Bonus : court-métrage : La contre-allée (29′).

Gagarine de Fanny Liatard et Jerémy Trouilh

À l’approche de Cannes, Format Court vous propose de faire un petit bond en arrière avec Gagarine co-réalisé par Fanny Liatard et Jerémy Trouilh. Ce premier film avait bénéficié du label #Cannes 2020 alors qu’il était en compétition officielle à Cannes il y a 2 ans. Antérieurement, les deux scénaristes et réalisateurs français avaient fait une percée en court avec plusieurs films dont Chien Bleu et Gagarine. 3 exemplaires du DVD de leur premier long, édité par Blaq Out, vous sont proposés via notre nouveau jeu concours.

Gagarine côté long

À travers leurs cadrages insolites et un montage poétique, les réalisateurs de Gagarine font preuve d’une certaine sensibilité qui favorise l’expression des sentiments des personnages. En effet, Youri, tiraillé entre le monde onirique de l’enfance et les responsabilités des adultes, représente à lui seul l’innocence, la naïveté mais aussi la maturité. Passionnée par le domaine spatial, il fonde son propre univers dans lequel il peut s’évader, la tête dans les étoiles et loin de la vie de son quartier.

L’astronomie constitue le fil rouge de l’intrigue du film. L’atmosphère générale ramène sans cesse le spectateur dans un environnement céleste et scientifique, les cadrages aériens et les décadrages donnent l’impression d’une caméra en apesanteur tandis que les personnages oscillent entre fantasme et réalité. Un précieux hommage est ici rendu à Youri Gagarine, pilote et cosmonaute soviétique, et premier homme à avoir effectué un vol dans l’espace, en 1961, ayant également inauguré le HLM de briques rouges, en 1963, dans la cité Gagarine, située à Ivry-sur-Seine.

Une place presque documentaire est accordée à la rue et aux jeunes vivant au cœur de ladite cité. Le lien entre le titre du long-métrage, l’imagination débordante du personnage principal, ainsi que le sujet abordé tout au long de la fiction est alors flagrant et lourd de sens pour le spectateur. De plus, la volonté d’inclure des images d’archives, ajoute une dimension historique à ce scénario judicieusement établi. La performance juste et touchante de Lyna Khoudri, actrice franco-algérienne, ayant déjà fait ses preuves dans de multiples réalisations, telles que Papicha, de Mounia Meddour, en 2019 et qui ne cesse de gravir des échelons (elle sera à Cannes cette année pour Nos frangins de Rachid Bouchareb), est une fois de plus au service d’une intrigue sensible et sociale.

À son échelle, Youri (Alséni Bathily, révélation) entre en résistance contre la destruction de son foyer, le monde où il s’autorise à rêver et à s’illusionner de devenir astronaute, jusqu’à en risquer sa vie. Le film bascule entre réalisme et magie, réunis par la tendresse de l’adolescent, qui fait décoller le spectateur dans le cosmos avec lui. La brutalité du départ forcé des familles, dû aux travaux de rénovation, contraste ainsi avec le lyrisme fantaisiste du jeune garçon. Les dernières minutes bouleversantes et magnifiques plongent la cité en perdition dans le monde imaginaire et le havre de paix de Youri.

Fanny Liatard et Jérémy Trouilh font de ce long-métrage un récit à plusieurs voix, doté de partis pris forts et poignants, encourageant ses spectateurs à ne jamais cesser de rêver.

Gagarine côté court

En bonus du film se trouvant sur ce DVD, un autre Gagarine, cette fois en version courte. À l’origine du long-métrage de 2020, cette première esquisse, réalisée 5 ans auparavant, offre un avant-gout de l’univers magique de Youri. Déterminé et ambitieux, il puise dans son imagination la force de se rebeller contre les ennemis qui veulent détruire son havre de paix.

À la frontière du documentaire, ce court-métrage dépeint la vie de quartiers avec réalisme et sensibilité, mettant en lumière la violence du départ de ses familles modestes, à la recherche d’un nouveau foyer. En ferme opposition avec les quelques séquences dignes d’un film de science-fiction, le spectateur voyage, à travers les yeux de Youri, dans les étoiles grâce à une bande sonore émouvante et des ambiances lumineuses sensationnelles.
Intéressés depuis leurs premiers courts-métrages par les quartiers populaires et leurs habitants, les réalisateurs Fanny Liatard et Jérémy Trouilh réussissent à apporter poésie, émotion et magnificence à l’univers de la cité en détresse. Le HLM détient un rôle important aux côtés du personnage de Youri, tous deux se retrouvent en constante interaction, comme le dialogue insatiable entre le réel et l’imaginaire.

Les souvenirs d’enfances et les rêves fantasmés sont ici mis en lumière à travers la menace de la destruction. Porteur d’espoir et embrassé par des images d’archives symboliques, ce court métrage use d’un regard bienveillant sur la jeunesse en déconstruisant les stéréotypes de la vie en cité et de son image négative.

Mathilde Semont

Gagarine de Fanny Liatard et Jerémy Trouilh. Film et bonus : court, making of, podcast. Edition Blaq Out

Queer Palm 2022, les courts en lice

La Queer Palm est le prix LGBT+ du Festival de Cannes. Créé par le journaliste Franck Finance-Madureira (Têtu, FrenchMania), ce prix récompense deux films proches des thématiques queer, LGBTQI+ et féministes à Cannes : un long et un court, toutes sections confondues.

Cette année, le Jury est présidé par Catherine Corsini, lauréate de la Queer Palm 2021 pour son génial film La fracture. Les autres  membres du jury sont l’acteur Djanis Bouzyani (Tu mérites un amour, L’Assaut), la journaliste Marilou Duponchel (Les Inrocks, TroisCouleurs), le documentariste suisse Stéphane Riethauser (Madame) et le producteur australien Paul Struthers. Ce Jury attribuera la Queer Palm du court et du long à l’issue du festival.

17 longs-métrages et 12 courts-métrages, en lien avec les thématiques de la Queer Palm, sont en lice cette année à Cannes. Voici les titres des courts concernés (ceux qui nous intéressent plus particulièrement pour le coup).

Sélection officielle

Le feu au lac de Pierre Menahem (France)
Gakjil de Sujin Moon (Corée du Sud)

La Cinef (ex-Cinéfondation)

Feng Zheng  (The Silent Whistle) de LI Yingtong (États-Unis)
The Pass de Pepi Ginsberg (États-Unis)
Mumlife de Ruby Challenger (Australie)

Quinzaine des Réalisateurs

Aribada de Simon(e) Jaikiriuma Paetau et Natalia Escobar (Allemagne, Colombie)
Des jeunes filles enterrent leur vie de Maïté Sonnet (France)

Semaine de la Critique

Les Créatures qui fondent au Soleil de Diego Céspedes (Chili, France)
Regarde-moi de Shuli Huang (Chine)
Sur le Trône de Xerxès d’Evi Kalogiropoulou (Grèce)
Swan dans le centre d’Iris Chassaigne (France)
Hideous de Yann Gonzalez (Royaume-Uni)

La Pièce rapportée d’Antonin Peretjatko

Impétueusement drôle et férocement politique, La Pièce rapportée, le dernier long-métrage d’Antonin Peretjatko, sorti en salles en décembre dernier, est disponible en Blu-ray et DVD depuis le 5 avril chez Diaphana. Deux courts métrages du réalisateur, Panique au Sénat et Mandico et le TOpsychoPor, sont disponibles en supplément de ce DVD dont nous vous offrons 3 exemplaires.

La Pièce rapportée est le troisième long-métrage d’Antonin Peretjatko après La Fille du 14 juillet (2013) et La Loi de la jungle (2016). Il dispose avec ce film d’acteurs et d’actrices qui rejoignent son univers pour la première fois : Anaïs Demoustier, Josiane Balasko, Philippe Katerine, William Lebghil, Sergi Lopez, etc. La Pièce rapportée met en scène l’arrivée, dans une famille de la grande bourgeoisie parisenne, d’un élément perturbateur – car en provenance d’une autre classe sociale – incarné par Anaïs Demoustier. Peretjatko personnifie la confrontation des classes sociales : l’altruisme et la fraîcheur du personnage d’Anaïs Demoustier contrastent avec la morosité jouée par Philippe Katerine et avec l’égoïste mesquinerie qu’incarne Josiane Balasko. La caricature se développe jusqu’aux décors et aux costumes : loin d’appartenir à l’arrière-plan du film, ils en sont des outils comiques, comme l’escalier mécanique de la Reine Mère – nommé Pinochet – perpétuellement en panne. Avec La Pièce rapportée, Peretjatjo réalise une satire de la bourgeoisie en décalage avec son époque et avec les revendications des autres classes sociales. Il s’amuse particulièrement du langage des classes aisées : on entend des références à la suppression de l’ISF et à la théorie du ruissellement. On y retrouve de loin les gilets jaunes auxquels Peretjatko a consacré son film Les Rendez-vous du samedi (2021).

La Pièce rapportée est la rencontre entre l’univers fantaisiste de Peretjatko et la nouvelle de Noëlle Renaude dont le film est adapté. Le réalisateur y retrouve un esprit proche du théâtre de boulevard et certains éléments d’écriture qu’il apprécie, en particulier les quiproquos. Si Peretjatko réaffirme la volonté de dynamisme propre à son cinéma – les répliques sont courtes, les plans sont brefs et le réalisateur tourne de nouveau en accéléré, à 22 images par seconde – il semble, avecLa Pièce rapportée, plus posé. Sa patte est aussi plus discrète. Elle s’affirme par petites touches, entre deux lignes de dialogues ou entre deux raccords de plans. S’affranchissant de la déstructuration du récit et de la forme qui marquent ses premiers films, Peretjatko s’affirme davantage – à des fins satiriques – du côté de la sobriété formelle et de la clarté du récit comique.

Ceux qui apprécient l’effervescence du cinéma de Peretjatko le retrouveront dans Panique au Sénat, premier court métrage disponible sur le DVD. Réalisé en 2017, il est chronologiquement plus proche de La Loi de la jungle que de La Pièce rapportée : il n’est pas donc étonnant d’y retrouver le fourmillement de détails comiques et la libération de la forme. Par son récit clos, ses rebondissements et la mobilité constante des personnages, il rappelle certains des premiers courts-métrages de Peretjatko comme French Kiss (2004) ou Paris Monopole (2010). Peretjatko semble s’être amusé avec les dimensions car Panique au Sénat est disponible en 3D sur la version Blu-ray. On retrouve au casting de ce court-métrage Romain Bouteille, Fred Tousch – qui joue dans La Loi de la jungle – et Philippe Rebbot. Dans Panique au Sénat, Peretjatko imagine les conséquences de l’élection d’un candidat écologiste à la Présidence de la République. Avec son sens de l’absurde, il développe des situations folles : la première décision est d’interdire l’entretien du Sénat. Il s’amuse ainsi des préjugés qui nourrissent les caricatures des programmes écologistes. Le politique dans le cinéma de Peretjatko ne nourrit pas une solution, il déconstruit les visions étriquées. L’intention du réalisateur n’est pas de construire une utopie, ni de produire une vision révolutionnaire de la société française. À travers les situations délirantes qu’il imagine, il interroge l’esprit de sérieux qui domine dans le monde politique.

Avec le second court-métrage du DVD, Mandico et le TOpsychoPor, Peretjatko nous invite à un voyage au cœur de l’esprit du cinéaste Bertrand Mandico. Il s’appuie pour cela sur le Topsychopor, un jeu en forme de test psychologique conçu par le dessinateur Roland Topor. Ce jeu consiste à placer des personnages pré-découpés sur des planches de décor et à les faire se mouvoir suivant un récit entièrement produit par l’imagination du joueur. Le film se présente également comme une incursion dans l’intimité de Bertrand Mandico et commence par une visite de son appartement. Bien qu’il commence comme un faux reportage explicatif sur le jeu dont l’expérience de Mandico serait l’application des règles du jeu, le film de Peretjatko déjoue rapidement les attentes. Mandico et le TOpsychoPor est ainsi la rencontre de trois univers : celui de Roland Topor, celui de Bertrand Mandico et celui d’Antonin Peretjatko.

Paul Lhiabastres

La Pièce rapportée d’Antonin Peretjatko. Film et bonus courts. Edition Diaphana

Le Jury des courts de Cannes

Ils seront 5 à attribuer non seulement la Palme d’or du court parmi les 9 films sélectionnés, mais aussi les 3 prix de la Cinef aux meilleurs films d’écoles représentés parmi les 16 sélectionnés. Les membres du Jury des courts de Cannes sont désormais connus.

Le Jury est présidé cette année par Yousry Nasrallah, réalisateur égyptien (Vols d’etéLa Porte du soleil, Après la Bataille). Quatre personnes l’accompagnent : Monia Chokri, actrice et réalisatrice canadienne (Les Amours imaginaires, Laurence Anyways, La Femme de mon frère, Babysitter), Félix Moati, acteur et réalisateur français (Après Suzanne, Deux fils), Laura Wandel, réalisatrice et scénariste belge (Les Corps étrangers, Un Monde) et Jean-Claude Raspiengeas, journaliste et critique français (Le Masque et La Plume, France Inter).

Les courts de la Quinzaine

La Quinzaine des Réalisateurs a dévoilé il y a quelques jours sa sélection de longs-métrages. 18 cinéastes sur 24 films sélectionnés feront le déplacement à Cannes pour la première fois; 11 réalisatrices font partie de cette sélection. Dans cette liste, on s’intéressera beaucoup cette année aux travaux de Youssef Chebbi, Léa Mysius (jurée à notre 2ème festival), Thomas Salvador, Alice Winocour et Nicolas Pariser, venus du court.

Côté courts, on découvrira 10 films retenus dans la sélection ci-dessous qui vient d’être annoncée. En font partie les cinéastes roumains Radu Jude et allemand Jan Soldat.

Courts métrages sélectionnés

Aribada de Simon(e) Jaikiriuma Paetau & Natalia Escobar, Allemagne, Colombie

As time passes de Jamil McGinnis, États-Unis, Turquie

Beben (Tremor, Tremblement) de Rudolf Fitzgerald-Leonard, Allemagne

Des jeunes filles enterrent leur vie de Maïté Sonnet, France

Happy New Year, Jim (Bonne année, Jim) d’Andrea Gatopoulos, Italie

Jitterbug d’Ayo Akingbade, Royaume-Uni

Maria Schneider, 1983 d’Elisabeth Subrin, France

Potemkinistii (The Potemkinists) de Radu Jude, Roumanie

Staging Death de Jan Soldat, Allemagne, Autriche

The Spiral (La Spirale) de María Silvia Esteve, Argentine

Cannes, la sélection des courts à l’officielle !

Sur 3507 films issus de plus de 140 pays, 9 courts-métrages ont été retenus par le comité de sélection de Cannes et seront présentés cette année en compétition. Ils proviennent des 11 pays suivants : Chine, Corée du Sud, Costa Rica, États-Unis, France, Ghana, Hong Kong, Italie, Lituanie, Mexique et Népal. La Palme d’or du court métrage sera attribuée le samedi 28 mai lors de la cérémonie de clôture du 75e Festival de Cannes.

Les films en compétition

Tsutsue de Amartei Armar (Ghana/France)

Po sui tai yang zhi xin (A Short Story) de Bi Gan (Chine)

Lori de Abinash Bikram Shah (Népal/Hong Kong)

Hai bian sheng qi yi zuo xuan ya de Story Chen (Chine)

Uogos de Vytautas Katkus (Lituanie/Italie)

Same Old de Lloyd Lee Choi (États-Unis)

Le feu au lac de Pierre Menahem (France)

Gakjil de Sujin Moon (Corée du Sud)

Luz nocturna (Lumière de nuit) de Kim Torres (Costa Rica/Mexique)

Actu associée : la liste des films d’écoles retenus à la Cinef