Ice Merchants de João Gonzalez

Diffusé aujourd’hui dans le premier programme de courts-métrages de la Semaine de la Critique, Ice Merchants, troisième film d’animation de João Gonzalez nous a particulièrement émus. Déjà remarqué grâce à ses deux précédents films Nestor et The Voyager (qui ont à eux deux reçu une vingtaine de prix à l’international et ont été nommés dans un peu plus de 130 festivals), ce jeune réalisateur portugais de 26 ans confirme avec ce film de 14 minutes qu’il est l’une des étoiles montantes de l’animation.

Bouleversant. Le premier mot qui nous vient pour décrire Ice Merchant. Le dessin, la couleur, la musique, le rythme, tout est réuni pour provoquer des émotions profondes chez le spectateur. Nous suivons un père et un fils installés sur un flanc de montagne assez brut. Tous deux sautent tous les jours en parachute pour aller vendre des glaçons au village de la vallée. João Gonzalez nous fait entrer dans une routine familiale, dans laquelle tout un chacun pourrait se reconnaître : l’enfant fait de la balançoire, le père travaille… Mais pourtant il y a cette maison minuscule, isolée et accrochée succinctement à la roche. La localisation est surréaliste. Une sensation de vertige s’installe immédiatement par les jeux de perspectives et les angles choisis. Ce quotidien banal finit par laisser place à un équilibre qui s’avère précaire et s’effile tout au long du film. Un sentiment de solitude et de tristesse naît progressivement, bien que la relation entre les deux protagonistes soit attachante, soudée et tendre. Il y a cette peur du saut et de la chute, de l’accident… mais n’est-il finalement déjà pas survenu ?

En terme d’esthétique, le dessin épuré peut faire penser aux estampes japonaises ukiyo, avec une palette reposant sur 4 couleurs (bleu, rouge orangé, jaune et noir) et des traits assez fins structurant l’espace. Des paysages utopiques, rêvés et qui – au 16è siècle – évoquent davantage le caractère évanescent de la vie, un monde flottant, triste et inconstant. Cette symbolique, on la retrouve également dans l’œuvre visuelle de João Gonzalez. Les couleurs, les formes, les lignes deviennent des indices qui forment l’histoire. Les symboles du temps qui passe, du souvenir, de la trace.

Dans Ice Merchants, la mélancolie est appuyée par la création musicale, aussi signée Gonzalez, qui accompagne les séquences à la perfection. Ce couplage illustration et musique est une des signatures de ce réalisateur qui a également une formation et une maîtrise du piano classique. Il nous emmène alors dans une fable triste qui finira par donner raison à l’amour filiale et à la vie, tout en questionnant l’imprévu, la force des choses et les états de changement dans un cadre familiale établi.

Produit par Wild Stream (France), Cola Quente (Portugal) et The Royal College of Art (UK), ce film est une jolie leçon de poésie qui se passe du langage parlé pour exprimer des angoisses et des besoins primaires universels.

Anne-Sophie Bertrand

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