Gagarine de Fanny Liatard et Jerémy Trouilh

À l’approche de Cannes, Format Court vous propose de faire un petit bond en arrière avec Gagarine co-réalisé par Fanny Liatard et Jerémy Trouilh. Ce premier film avait bénéficié du label #Cannes 2020 alors qu’il était en compétition officielle à Cannes il y a 2 ans. Antérieurement, les deux scénaristes et réalisateurs français avaient fait une percée en court avec plusieurs films dont Chien Bleu et Gagarine. 3 exemplaires du DVD de leur premier long, édité par Blaq Out, vous sont proposés via notre nouveau jeu concours.

Gagarine côté long

À travers leurs cadrages insolites et un montage poétique, les réalisateurs de Gagarine font preuve d’une certaine sensibilité qui favorise l’expression des sentiments des personnages. En effet, Youri, tiraillé entre le monde onirique de l’enfance et les responsabilités des adultes, représente à lui seul l’innocence, la naïveté mais aussi la maturité. Passionnée par le domaine spatial, il fonde son propre univers dans lequel il peut s’évader, la tête dans les étoiles et loin de la vie de son quartier.

L’astronomie constitue le fil rouge de l’intrigue du film. L’atmosphère générale ramène sans cesse le spectateur dans un environnement céleste et scientifique, les cadrages aériens et les décadrages donnent l’impression d’une caméra en apesanteur tandis que les personnages oscillent entre fantasme et réalité. Un précieux hommage est ici rendu à Youri Gagarine, pilote et cosmonaute soviétique, et premier homme à avoir effectué un vol dans l’espace, en 1961, ayant également inauguré le HLM de briques rouges, en 1963, dans la cité Gagarine, située à Ivry-sur-Seine.

Une place presque documentaire est accordée à la rue et aux jeunes vivant au cœur de ladite cité. Le lien entre le titre du long-métrage, l’imagination débordante du personnage principal, ainsi que le sujet abordé tout au long de la fiction est alors flagrant et lourd de sens pour le spectateur. De plus, la volonté d’inclure des images d’archives, ajoute une dimension historique à ce scénario judicieusement établi. La performance juste et touchante de Lyna Khoudri, actrice franco-algérienne, ayant déjà fait ses preuves dans de multiples réalisations, telles que Papicha, de Mounia Meddour, en 2019 et qui ne cesse de gravir des échelons (elle sera à Cannes cette année pour Nos frangins de Rachid Bouchareb), est une fois de plus au service d’une intrigue sensible et sociale.

À son échelle, Youri (Alséni Bathily, révélation) entre en résistance contre la destruction de son foyer, le monde où il s’autorise à rêver et à s’illusionner de devenir astronaute, jusqu’à en risquer sa vie. Le film bascule entre réalisme et magie, réunis par la tendresse de l’adolescent, qui fait décoller le spectateur dans le cosmos avec lui. La brutalité du départ forcé des familles, dû aux travaux de rénovation, contraste ainsi avec le lyrisme fantaisiste du jeune garçon. Les dernières minutes bouleversantes et magnifiques plongent la cité en perdition dans le monde imaginaire et le havre de paix de Youri.

Fanny Liatard et Jérémy Trouilh font de ce long-métrage un récit à plusieurs voix, doté de partis pris forts et poignants, encourageant ses spectateurs à ne jamais cesser de rêver.

Gagarine côté court

En bonus du film se trouvant sur ce DVD, un autre Gagarine, cette fois en version courte. À l’origine du long-métrage de 2020, cette première esquisse, réalisée 5 ans auparavant, offre un avant-gout de l’univers magique de Youri. Déterminé et ambitieux, il puise dans son imagination la force de se rebeller contre les ennemis qui veulent détruire son havre de paix.

À la frontière du documentaire, ce court-métrage dépeint la vie de quartiers avec réalisme et sensibilité, mettant en lumière la violence du départ de ses familles modestes, à la recherche d’un nouveau foyer. En ferme opposition avec les quelques séquences dignes d’un film de science-fiction, le spectateur voyage, à travers les yeux de Youri, dans les étoiles grâce à une bande sonore émouvante et des ambiances lumineuses sensationnelles.
Intéressés depuis leurs premiers courts-métrages par les quartiers populaires et leurs habitants, les réalisateurs Fanny Liatard et Jérémy Trouilh réussissent à apporter poésie, émotion et magnificence à l’univers de la cité en détresse. Le HLM détient un rôle important aux côtés du personnage de Youri, tous deux se retrouvent en constante interaction, comme le dialogue insatiable entre le réel et l’imaginaire.

Les souvenirs d’enfances et les rêves fantasmés sont ici mis en lumière à travers la menace de la destruction. Porteur d’espoir et embrassé par des images d’archives symboliques, ce court métrage use d’un regard bienveillant sur la jeunesse en déconstruisant les stéréotypes de la vie en cité et de son image négative.

Mathilde Semont

Gagarine de Fanny Liatard et Jerémy Trouilh. Film et bonus : court, making of, podcast. Edition Blaq Out

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