La Pièce rapportée d’Antonin Peretjatko

Impétueusement drôle et férocement politique, La Pièce rapportée, le dernier long-métrage d’Antonin Peretjatko, sorti en salles en décembre dernier, est disponible en Blu-ray et DVD depuis le 5 avril chez Diaphana. Deux courts métrages du réalisateur, Panique au Sénat et Mandico et le TOpsychoPor, sont disponibles en supplément de ce DVD dont nous vous offrons 3 exemplaires.

La Pièce rapportée est le troisième long-métrage d’Antonin Peretjatko après La Fille du 14 juillet (2013) et La Loi de la jungle (2016). Il dispose avec ce film d’acteurs et d’actrices qui rejoignent son univers pour la première fois : Anaïs Demoustier, Josiane Balasko, Philippe Katerine, William Lebghil, Sergi Lopez, etc. La Pièce rapportée met en scène l’arrivée, dans une famille de la grande bourgeoisie parisenne, d’un élément perturbateur – car en provenance d’une autre classe sociale – incarné par Anaïs Demoustier. Peretjatko personnifie la confrontation des classes sociales : l’altruisme et la fraîcheur du personnage d’Anaïs Demoustier contrastent avec la morosité jouée par Philippe Katerine et avec l’égoïste mesquinerie qu’incarne Josiane Balasko. La caricature se développe jusqu’aux décors et aux costumes : loin d’appartenir à l’arrière-plan du film, ils en sont des outils comiques, comme l’escalier mécanique de la Reine Mère – nommé Pinochet – perpétuellement en panne. Avec La Pièce rapportée, Peretjatjo réalise une satire de la bourgeoisie en décalage avec son époque et avec les revendications des autres classes sociales. Il s’amuse particulièrement du langage des classes aisées : on entend des références à la suppression de l’ISF et à la théorie du ruissellement. On y retrouve de loin les gilets jaunes auxquels Peretjatko a consacré son film Les Rendez-vous du samedi (2021).

La Pièce rapportée est la rencontre entre l’univers fantaisiste de Peretjatko et la nouvelle de Noëlle Renaude dont le film est adapté. Le réalisateur y retrouve un esprit proche du théâtre de boulevard et certains éléments d’écriture qu’il apprécie, en particulier les quiproquos. Si Peretjatko réaffirme la volonté de dynamisme propre à son cinéma – les répliques sont courtes, les plans sont brefs et le réalisateur tourne de nouveau en accéléré, à 22 images par seconde – il semble, avecLa Pièce rapportée, plus posé. Sa patte est aussi plus discrète. Elle s’affirme par petites touches, entre deux lignes de dialogues ou entre deux raccords de plans. S’affranchissant de la déstructuration du récit et de la forme qui marquent ses premiers films, Peretjatko s’affirme davantage – à des fins satiriques – du côté de la sobriété formelle et de la clarté du récit comique.

Ceux qui apprécient l’effervescence du cinéma de Peretjatko le retrouveront dans Panique au Sénat, premier court métrage disponible sur le DVD. Réalisé en 2017, il est chronologiquement plus proche de La Loi de la jungle que de La Pièce rapportée : il n’est pas donc étonnant d’y retrouver le fourmillement de détails comiques et la libération de la forme. Par son récit clos, ses rebondissements et la mobilité constante des personnages, il rappelle certains des premiers courts-métrages de Peretjatko comme French Kiss (2004) ou Paris Monopole (2010). Peretjatko semble s’être amusé avec les dimensions car Panique au Sénat est disponible en 3D sur la version Blu-ray. On retrouve au casting de ce court-métrage Romain Bouteille, Fred Tousch – qui joue dans La Loi de la jungle – et Philippe Rebbot. Dans Panique au Sénat, Peretjatko imagine les conséquences de l’élection d’un candidat écologiste à la Présidence de la République. Avec son sens de l’absurde, il développe des situations folles : la première décision est d’interdire l’entretien du Sénat. Il s’amuse ainsi des préjugés qui nourrissent les caricatures des programmes écologistes. Le politique dans le cinéma de Peretjatko ne nourrit pas une solution, il déconstruit les visions étriquées. L’intention du réalisateur n’est pas de construire une utopie, ni de produire une vision révolutionnaire de la société française. À travers les situations délirantes qu’il imagine, il interroge l’esprit de sérieux qui domine dans le monde politique.

Avec le second court-métrage du DVD, Mandico et le TOpsychoPor, Peretjatko nous invite à un voyage au cœur de l’esprit du cinéaste Bertrand Mandico. Il s’appuie pour cela sur le Topsychopor, un jeu en forme de test psychologique conçu par le dessinateur Roland Topor. Ce jeu consiste à placer des personnages pré-découpés sur des planches de décor et à les faire se mouvoir suivant un récit entièrement produit par l’imagination du joueur. Le film se présente également comme une incursion dans l’intimité de Bertrand Mandico et commence par une visite de son appartement. Bien qu’il commence comme un faux reportage explicatif sur le jeu dont l’expérience de Mandico serait l’application des règles du jeu, le film de Peretjatko déjoue rapidement les attentes. Mandico et le TOpsychoPor est ainsi la rencontre de trois univers : celui de Roland Topor, celui de Bertrand Mandico et celui d’Antonin Peretjatko.

Paul Lhiabastres

La Pièce rapportée d’Antonin Peretjatko. Film et bonus courts. Edition Diaphana

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