Tous les articles par Katia Bayer

S comme Solipsist

Fiche technique

Synopsis : Ils pensaient être les seuls êtres réels dans ce monde étrange…

Genre : Expérimental

Durée : 10′

Pays : Etats-Unis

Année : 2012

Réalisation : Andrew Huang

Scénario : Andrew Huang

Directeur de la photographie : Laura Merians

Animation : Sebastiano D’aprile

Effets spéciaux : Cameron Clark / Alexander Martinez / Nate Jess / Zachary Nussbaum / Carlos Lopez Estrada

Son : Andrew Huang

Décors : Hugh Zeigler

Costumes : Lindsey Mortensen

Musique : Andrew Huang

Interprétation : Marissa Merrill / Mary Elise Hayden / Dustin Edward

Production : Moo Studios et Future You

Article associé : la critique du film

Rodri de Franco Lolli

L’art et la maîtrise du portrait

Avec « Rodri », Franco Lolli renoue des liens avec son film de fin d’études de la Fémis, « Como todo el mundo » : même équipe de tournage, même regard sociologique porté sur la société colombienne, même recours aux comédiens non professionnels. Le premier film avait déjà bien circulé en festival (à Clermont-Ferrand, entre autres, où il avait remporté le Grand Prix en 2008). « Rodri » lui emboîte le pas (Quinzaine des Réalisateurs, Festival Côté Court de Pantin, Premiers Plans d’Angers et maintenant, Clermont-Ferrand).

Format Court avait interviewé le jeune réalisateur alors qu’il sortait tout juste de La Fémis : son discours était déjà bien construit et il manifestait des envies ainsi qu’un style bien personnel. Aujourd’hui, à 29 ans, le jeune homme poursuit sur sa lancée et surtout, il prouve avec « Rodri », qu’il est resté fidèle à ses idéaux de cinéma d’il y a quatre ans en maintenant son intérêt pour l’intime, les gens, les rapports de classe.

Comme son titre l’indique, le film « Rodri » raconte l’histoire de Rodrigo Gómez, alias Rodri, quadragénaire vivant à Bogotá, entretenu par sa sœur aînée, Leticia. On suit pendant quelques jours cet homme au physique fragile, à l’allure un peu attardée, profondément paumé et détruit par sa relation avec son ex-femme.
Le film débute par une scène filmée dans un cabinet médical où l’insistance de la sœur de Rodri confirme la présence acerbe de celle-ci dans la vie de son frère. Femme au caractère autoritaire, elle décide de tout ce que doit faire, dire ou manger son frère sans que celui-ci n’ose réagir.

Y succèdent différentes scènes de la vie de Rodri, presque toujours accompagné de sa sœur : les achats pour une nouvelle paire de lunettes, la prise du petit-déjeuner à l’appartement, le premier jour d’un nouvel emploi et la fête d’anniversaire en famille dans une propriété à la campagne. Tout du long, Rodri ne cesse d’être considéré comme un enfant par Leticia, voire par tous les membres de sa famille. Et à chaque fois qu’il se permet de refuser une situation ou bien d’imposer un de ses choix, il récolte la colère et les critiques de sa sœur. Si bien que la conjoncture n’évolue pas vraiment : il n’a pas envie de faire d’efforts pour convenir à sa sœur puisqu’il ne souhaite qu’une chose, qu’on le laisse tranquille ; et elle, persuadée qu’elle doit rester vivre à ses côtés afin qu’il s’en sorte, persiste à jouer un rôle démesurément maternel.

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En Colombie tout particulièrement, la famille est sacrée, malgré les tensions qu’elle peut engendrer. Franco Lolli a tendance à souligner dans ce film comme dans le précédent, que l’on peut voir dans le devoir familial, une grande générosité aussi bien qu’un enfermement. On est par conséquent touché par ce personnage si malheureux intérieurement qu’il n’arrive pas à s’imposer dans cette famille tellement envahissante.

Le travail de Franco Lolli ne se résume pas seulement à raconter des histoires familiales ou sociales, mais plus volontiers à livrer des moments de vie, à filmer des individus sous forme d’une parenthèse de leur quotidien. C’est-à-dire qu’il les (sur)prend à un moment A et les laisse à un moment B pour tourner entre ces deux points. Ces héros-là (ou plutôt, ces anti-héros) ont eu une vie avant le film et celle-ci se poursuivra sa fin. On remarquera à ce propos que le réalisateur a pris l’habitude de signaler la période et le(s) lieu(x) de tournage à la fin des génériques de ses films, ce qui leur donne un aspect proche du documentaire et un regard assurément sociologique. Par exemple, « Rodri » a été tourné entre le 27 septembre et le 9 octobre 2011, entre Bogotá et Arbelaez en Colombie.

Concernant l’approche sociologique, Lolli maîtrise à merveille l’art du portrait. Que l’on soit sensible ou pas aux personnalités choisies par le réalisateur, on est conquis par ce qu’il filme, par la justesse du jeu des comédiens, par la crédibilité de la mise en scène, par l’intimité créée par ses choix de caméra, par la véracité des dialogues.

Le réalisateur dirige des comédiens qui ne sont pas professionnels avec une recherche de vraisemblance et de réalité, un peu comme l’auraient fait les frères Dardenne dans leur style. En l’occurrence, pour « Rodri », il s’agit de la propre famille du réalisateur. Autre remarque qui donne au film un aspect réel et authentique est le choix de ne pas accentuer l’émotion par la musique. Elle est effectivement absente du film sauf au moment du générique final où le Vallenato prend place pour rappeler les appartenances latino-américaines du réalisateur.

Franco Lolli nous offre, à travers « Rodri », une carte postale vivante, un regard unique et intime sur un contexte familial assez général où chacun pourrait finalement y trouver des similitudes avec sa propre famille. Notons que le réalisateur travaille aujourd’hui activement au développement de son long-métrage, « Gente de bien », avec la même « patte » sociologique et les mêmes thématiques qui lui sont chères.

Camille Monin

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R comme Rodri

Fiche technique

Synopsis : Rodrigo va bientôt avoir 47 ans. Il ne travaille plus depuis 8 ans.

Genre : Fiction

Durée : 23’

Pays : France, Colombie

Année : 2012

Réalisation : Franco Lolli

Scénario : Franco Lolli

Image : Sébastien Hestin

Montage : Nicolas Desmaison

Son : Samuel Aïchoun, Matthieu Perrot

Interprétation: Leticia Gomez , Fabiola Gomez , Rodrigo Gomez , Jorge Guijo , Eulalia Gomez

Production : Les Films du Worso

Article associé : la critique du film

P comme Prematur

Fiche technique

Synopsis : Prematur narre l’histoire d’un Norvégien, Martin, et de sa petite amie espagnole, Lucia, qui est enceinte. On suit le couple pendant leurs quinze premières minutes ensemble sur le sol norvégien, et notamment la rencontre de Lucia avec cette nouvelle culture, et surtout sa belle-famille.

Genre : Fiction

Durée : 17’

Pays : Norvège

Année : 2012

Réalisation : Gunhild Enger

Scénario : Gunhild Enger

Image : Marte Vold

Son : Rune Baggerud

Interprétation : Aina Huguet Estrada, Christine Stoesen, Eilif Hartwigsen, Martin Bohmer

Production : Motlys A/S

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Prematur de Gunhild Enger

Dans Prematur, le court-métrage lauréat du Prix Format Court au Festival de Brest, présenté ces jours-ci  au Festival de Clermont-Ferrand, la réalisatrice norvégienne Gunhild Enger a su mêler de manière très maîtrisée, la sobriété à la violence, raison pour laquelle son film a retenu notre attention.

Martin, norvégien et Lucía, sa petite amie espagnole, attendent un enfant. Les parents de Martin viennent les chercher à l’aéroport et leurs retrouvailles se déroulent dans un seul cadre fixe, celui de l’intérieur d’une voiture. On aperçoit le décor humide des paysages norvégiens qui défile par les vitres au fur et à mesure que les langues se dénouent, particulièrement celle d’Anne-Lise, la mère de Martin.

Tous font preuve d’une politesse et d’une amabilité exemplaires qui deviennent, au fil du film, de plus en plus hypocrites, jusqu’à la brisure totale. On sent pourtant les efforts des parents de Martin pour converser avec leur belle-fille et tenter de la mettre à l’aise. Les sujets de discussion sont de l’ordre du cliché, passant des conditions de voyage du jeune couple aux diversités touristiques de l’Espagne et de la Norvège. Malgré une communication peu évidente, en partie due à la langue, la mère tâche de combler les vides. Le silence devient alors un personnage à part entière, celui qui créé le malaise dans cet espace confiné.

Lorsque les sujets abordés se font de plus en plus intrusifs, la tension monte entre le jeune couple et les parents. Et l’espace clos de la voiture créé une réelle sensation d’enfermement, d’étouffement, qui n’est pas à même de changer d’autant plus qu’aucune musique ne vient libérer le spectateur.

La mère aborde un sujet sensible et terriblement malveillant qui aurait pu largement offenser la jeune femme enceinte : celui de la perte d’un enfant durant la grossesse, en faisant allusion à une tante qui a vécu cet incident, tout en lui conseillant de se préparer à cette situation. Bien que particulièrement heurtée, la jeune fille n’ose rien dire ; c’est son petit ami qui craquera finalement devant le manque absolu de finesse de la part de sa mère. Son père, lui, garde le silence, en soutenant à la fois son épouse et en craignant également de prendre position. C’est à ce moment que nous prenons en compte le double sens du titre donné par Gunhild Enger : « prématuré » pour l’enfant né et mort avant l’heure, et la « discussion prématurée » pour le sujet évoqué trop tôt et hors contexte.

Suite aux mots brutaux de sa mère, le cordon est par conséquent coupé et la rupture est si brutale que Martin sort de la voiture. Métaphoriquement, il s’extrait de cette cage pour respirer, quitter le ventre de sa mère et refuser désormais tout échange avec elle.

Avec son film, Gunhild Enger réussit à nous prendre en otage, 15 minutes durant, pour parler de la violence et de l’écart générationnel. Elle parvient également à filmer avec subtilité ce qu’on appelle un moment de vie : un épisode choisi et déterminant dans la vie familiale. Nous nous retrouvons en effet témoins d’une scène « banale » où les protagonistes passent progressivement de la discussion à la dispute, toujours avec un seul et même point de vue qui se veut volontairement assez neutre.

On notera à ce propos le jeu des comédiens, d’une rare justesse et d’une incroyable crédibilité : de la joie des retrouvailles à un sentiment d’amabilité forcée jusqu’à la rupture totale, tout se joue avec une extrême finesse et une incroyable retenue. On pense alors à « Festen »de Thomas Vinterberg ou encore à certains films de Michael Haneke où la froideur des affole nos nerfs de spectateurs.

Camille Monin

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A Story for the Modlins de Sergio Oksman

Se voir offrir une histoire passionnante et étrange, clés en main, pourrait représenter le rêve de beaucoup de cinéastes. C’est ce qui est arrivé à Sergio Oksman, réalisateur de « Notes on the Other », précédemment montré au Festival de Clermont-Ferrand, qui a trouvé dans une rue de Madrid un carton contenant les archives personnelles d’une famille américaine, les Modlins et qui a décidé de reconstituer leur histoire rocambolesque, « à sa façon » comme il le précise fort justement. Objet réellement fascinant, « A Story for the Modlins », présenté dans la section Labo de Clermont-Ferrand, est le récit d’une ambition déchue et questionne la réalité et le fantasme. La vie et le cinéma.

Les lettres roses du générique de début sont un leurre. A la manière des lettres géantes et blanches d’Hollywood, elles appellent au rêve. Celui d’Elmer Moldin, acteur inconnu qui avec un rôle de figurant dans le chef d’œuvre de Polanski, « Rosemary’s baby » (auquel le court métrage emprunte son générique déroutant), atteint le climax de sa carrière et par la même occasion celui de son rêve américain.

C’est son histoire et celle de sa famille que Sergio Oksman tente de raconter à partir de photos, de lettres et de vidéos retrouvées sur un trottoir madrilène quarante plus tard au pied de l’immeuble autrefois habité par les Modlins.

Le dispositif utilisé est d’une simplicité déconcertante mais frappe par son efficacité et son côté hypnotique. Oksman pose les unes après les autres, dans un ordre chronologique, les photos de la famille Moldin sur un cadre noir et nous conte en voix off le récit de leur(s) vie(s). Quasiment à la façon d’un flipbook au ralenti, les images défilent et forment une suite passionnante d’événements à priori anodins mais qui prennent ici une dimension toute autre.

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Chaque membre de la famille devient ainsi un personnage. Le père, aspirant acteur rongé par l’échec est comme effacé, dominé par le caractère suffocant de cette mère, peintre et sculptrice qui fait poser son fils adoré en espérant qu’il puisse un jour réussir là où son père a échoué. C’est l’installation de la famille à Madrid qui semble précipiter ce trio vers la chute. Les volets de l’appartement restent fermés toute la journée et c’est dans ce huis clos que se joue la partie la plus intéressante du film.

Margaret Moldin, la mère, enchaîne les tableaux bibliques grand format qu’elle ne montre pas et qu’elle ne vendra jamais. Nelson, le fils, pose pour sa mère. Ephèbe aux cheveux bouclés et blonds, il ressemble à ces statues antiques qu’elle affectionne tant. Lorsqu’il décide de fuir le domicile familial vers l’Amérique du sud il grossit et devient quasiment quelqu’un d’autre, comme ci jusqu’ici il avait été préservé, modelé par le désir de ses parents.

Le cinéaste trouve également une cassette vidéo dans le carton qui contenait les archives de la famille, celle ci montre le couple dans son appartement décrivant à deux amies les tableaux religieux accrochés aux murs. Cette arrivée soudaine de l’image en mouvement montrant les Moldin âgés et quelque peu illuminés intervient comme un choc. On découvre leurs voix et leur vie dans cet endroit énigmatique et ce qui était jusqu’ici un enchaînement de photos devient instantanément réel, palpable.

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Cette « réalité » reste malgré tout constamment questionnée. L’auteur insiste dès son introduction sur le fait qu’il va nous raconter l’histoire des Modlins « comme il le souhaite » (« who would piece it together just as he pleased »). On peut en effet se demander si les faits relatés sont le fruit de son imagination ou s’ils relèvent de vérifications. On pencherait volontiers pour la première option tant cette « histoire pour les Modlins » est bien celle qu’Oskman semble leur offrir, leur créer, la rendant certainement plus romanesque qu’elle ne le fut. Jusqu’où alors la fiction empiète sur la réalité ? Nul indice n’est donné et le film tire sa force de cette incertitude et de ce balancement constant.

On pense bien évidemment au travail de Jonathan Caouette (« Tarnation », « Walk Away Renée ») qui ,en documentant sa vie sur vidéo, livrait un patchwork passionnant mais aussi plus récemment aux recherches de Sébastien Lifshtiz qui collectionnant les photos anciennes vendues en lot sur les brocantes, illustrant les vies d’inconnus, en avait fait le matériau de départ pour son film « Les Invisibles ».

« A Story for the Modlins »  est un peu comme cette boîte posée sur le trottoir de la capitale espagnole : un objet inattendu, incongru que l’on s’approprie avec un plaisir rare.

Amaury Augé

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S comme A Story for the Modlins

Fiche technique

Synopsis : Après avoir participé au film Rosemary´s Baby, Elmer Modlin a fui avec sa famille dans un pays lointain et s´est enfermée dans un appartement sombre pendant trente ans.

Genre : Documentaire

Durée : 26′

Pays : Espagne

Année : 2012

Réalisation : Sergio Oksman

Scénario : Carlos Muguiro, Emilio Tomé, Sergio Oksman

Image : Migue Amoedo

Montage : Fernando Franco, Sergio Oksman

Son : Carlos Bonmati

Musique : Carlos Bonmati

Production : Dock Films

Article associé : la critique du film

M comme Men of the Earth

Fiche technique

Synopsis : La circulation est arrêtée près de travaux sur la route. Mais que font les employés municipaux ? Une rencontre privilégiée avec un rituel ouvrier, sombre et secret.

Genre : Fiction

Durée: 9’50 »

Pays: Australie

Année: 2012

Réalisation : Andrew Kavanagh

Scénario : Andrew Kavanagh

Image : Kai Smythe , Kai Smythe

Son: Benjamin Holmes

Musique : Benjamin Holmes , Andrew Kavanagh

Montage : Andrew Kavanagh

Interprète : Paul Bennett

Décors : Dominic Kavanagh

Production : Ramona Telecican

Article associé : la critique du film

Men of the Earth d’Andrew Kavanagh

Le contremaître est mort, vive le contremaître !

Sélectionné en compétition Labo à Clermont-Ferrand cette année, « Men of the Earth » n’est que le deuxième opus du jeune Australien Andrew Kavanagh, mais affirme déjà son style caractéristique et inimitable. Tout aussi singulier que « At the Formal », découvert l’an dernier, la ciné-expérience aborde, cette fois-ci, les rituels mystérieux auxquels se prêtent des ouvriers de la voirie.

Un travelling lisse suit les travaux dans les coulisses d’une route momentanément fermée à la circulation. Sous un soleil brûlant, des ouvriers municipaux coordonnent méticuleusement leurs activités. Cette scène des plus quelconques – en contraste frappant avec le tableau esthétisé de « At the Formal » – réussit néanmoins à capter l’attention, tant la chorégraphie représentée dément l’impression de banalité. En effet, l’anguille émerge de sa roche dès lors qu’un des ouvriers est mis à nu, rituellement lavé et rhabillé par ses confrères. Il se révèle alors que la caméra oblective mais intrusive a pour vocation de filmer un enterrement formel et la transmission du casque du contremaître défunt à son successeur.

Le temps est comme suspendu d’un bout à l’autre du film, précisément entre le moment où une voiture de jeunes, filmée en plan subjectif, attend la réouverture de la route après la cérémonie d’inhumation. À l’intérieur de cet encadrement temporel, Kavanagh, usant de moyens narratifs étonnamment économes et surtout très réalistes (rappelons-nous a contrario le sacrifice surréaliste à la fin de son premier film), parvient à créer un univers de magie cinématographique, où le spectateur est transporté autant dans les sensations que dans l’émotion. La superbe partition musicale sous forme d’un chant funèbre arrangé pour voix d’hommes a capella mérite une mention particulière dans ce contexte.

Encore une fois, Kavanagh piège même le plus sceptique d’entre nous par sa créativité envoûtante qui consiste à creuser une situation anecdotique pour y découvrir toute une dimension insoupçonnée et remettre en question notre manière de voir le quotidien.

Adi Chesson

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Swięto Zmarłych (La fête des morts) d’Aleksandra Terpińska

Les voitures dans la ville et les trains à vive allure glissent dans le paysage en traçant des lignes horizontales. Les larmes et la pluie ont, quant à elles, un autre point commun; celui de tomber à la verticale. Les premiers plans de «La fête des morts » d’Aleksandra Terpińska semblent nous rappeler ces évidences cachées; à l’image, les clignotements urbains se mêlent aux coulées de pluie.

La logique de la sensation à laquelle invitent ces images d’introduction semble d’emblée assumer que la grisaille atteint parfois les choses de la vie : les troubles intérieurs, lorsqu’il est question de généalogie, doivent trouver des réponses dans l’extériorité. Car la sensation n’est pas le synonyme d’un retrait en soi-même. Au contraire, le regard porté sur sa propre histoire, plutôt que de laisser place au récit — c’est-à-dire à une interprétation rapide, empirique, bancale —, ouvre vers une échappée belle, à la recherche d’une vérité stricte, qu’il appartient ensuite au sujet de s’approprier.

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Plus généralement, «La fête des morts » trace en filigrane une quête identitaire, ou plutôt un déclic existentiel, auquel Léna, la protagoniste, devra se frotter. Le film donne à voir le trajet à la fois géographique et mental accompli par cette dernière, qui célèbre à sa manière ses dix-huit ans le jour traditionnel d’Halloween. Elle veut comprendre une double absence qui la torture : comment vivre après la disparition de sa mère ? Pourquoi son père les a-t-il abandonnés, son frère et elle, lorsqu’ils étaient enfants ? Le film, seul opus polonais en compétition au Festival de Clermont-Ferrand, entend donner l’occasion à l’adolescente de percer les mystères familiaux.

Drôle de jour pour une rencontre

Étrange fête des morts à laquelle le film invite le spectateur. Nous sommes le 31 octobre, dans une Varsovie grise et songeuse. Léna dort encore quand son frère vient la réveiller, affublé d’un déguisement de mort-vivant. À côté du rituel et des symboles liés à la célébration d’Halloween et de la Toussaint, événement particulièrement suivi par la population polonaise, avoir dix-huit ans fait de ce jour un moment particulièrement chargé symboliquement pour la protagoniste. Cependant, ce n’est pas avec un sentiment d’euphorie qu’elle aborde la journée. Léna semble contrariée, son esprit est occupé par un autre problème. La photographie qu’elle observe longuement en sortant du lit — représentant une femme et une petite fille courant sur une plage — donne un indice de ses pensées : Léna doit régler un problème familial. À l’image de l’ensemble du film, l’histoire avance selon une économie plus visuelle que verbale, fondée sur une combinaison de détails visibles marquants, laissant au spectateur le soin de les recouper pour comprendre les épisodes de sa quête.

Depuis l’identité donnée vers le choix personnel

Il s’agit d’un trajet libre à la recherche d’une vérité nécessaire. Léna, pour la première fois, met tout en œuvre pour retrouver son père, un certain Michał Stanek. Après quelques fausses pistes, elle l’aperçoit dans les faubourgs de la capitale. Ils se retrouvent tous deux dans une voiture. Les paroles fusent et la franchise permet de toucher rapidement au cœur des choses. Léna lui annonce qu’elle est sa fille, et veut connaître les raisons qui ont poussé son père à l’abandonner. La vérité est aussi simple que tranchante : « Je ne vous ai pas abandonnés. Ta mère a rencontré un autre homme ». Léna continue donc son parcours urbain. Au cimetière, elle allume une bougie, comme pour enchaîner son malaise individuel avec l’événement métaphysique (et presque patriotique) — que représente la Toussaint au pays de Jean-Paul II. De ses retrouvailles avec son père, Léna ne peut se détacher. Elle doit désormais faire face à ce qui s’oppose à l’identité, c’est-à-dire ne plus obéir à ce qui est donné : il y a une alternative. Choix de se retrancher dans le leurre de l’absence, ou bien choix d’aborder doucement la complexité des sentiments. Plus qu’une quête proprement identitaire, le film s’avère finalement davantage un trajet initiatique vers la conscience de soi.

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Ritualisation contemporaine

Conte désenchanté sur les mystères qui préfigurent la naissance des êtres, ce court-métrage ne laisse pas le spectateur indifférent. Il s’agit d’un portrait sans concession abordant les rapports que l’on peut entretenir avec ses parents, ceux qui ont disparu et ceux qui restent. La mise en scène montre la protagoniste avec une distante compassion et dissèque les différentes ritualisations qui pavent notre rapport au passé dans le temps présent. Il y a les rites collectifs et il y a les rites inventés à une échelle plus restreinte. À la fin du film, à la manière d’un cérémonial séculaire et déconcertant, le petit frère de Léna reconstitue dans la chambre de sa sœur une plage — touchante représentation du lieu où Léna courait enfant aux côtés de sa mère, comme pour faire rejaillir dans le présent le spectre maternel mais aussi un semblant d’harmonie familiale. Par conséquent, le passé et le futur ne sont pas l’objet d’une nostalgie illusoire. Le passé surgit comme une source en recomposition, comme du sable lancé à travers le ciel, entre le réel et l’imaginaire, lui permettant d’appréhender l’histoire qui l’a précédée et, avec un surcroît de conscience, de réapprendre à vivre avec les composantes de la vérité. Cette appropriation aura sans doute pour conséquence de la laisser à nouveau courir les cheveux aux vents.

Mathieu Lericq

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S comme Swięto Zmarłych (La fête des morts)

Fiche technique

Synopsis : Léna se réveille : elle a dix-huit ans aujourd’hui. C’est aussi le jour de la Toussaint. Les esprits hantent ce jour et donne envie à la protagoniste d’en savoir plus sur le passé trouble de ses parents. Au cours de ce conte initiatique, elle trouve la vérité.

Genre : Fiction

Durée : 18’

Pays : Pologne

Année : 2012

Réalisation : Aleksandra Terpińska

Scénario: Aleksandra Terpińska

Interprétation : Jaśmina Polak, Ewa Dałkowska, Mariusz Bonaszewski, Anatol Fuksiewicz

Images : Bartosz Bieniek

Son : Jan Moszumański

Montage : Daniel Gąsiorowski

Production : Faculty of Radio and Television and the University of Silesia

Article associé : la critique du film

2ème ciné-soupe. Rétrospective sur le travail de Bertrand Mandico en sa présence, le mercredi 6 février à Clermont-Ferrand

Après Jean-Gabriel Périot ce lundi soir, c’est au tour de Bertrand Mandico de venir présenter ses films dans le cadre chaleureux et sympathique du café associatif l’Atelier Jaune, autour d’un deuxième ciné-soupe. Le temps d’une soirée, l’auteur, à qui nous avons dédié un focus, et dont le dernier film passe au festival de Clermont-Ferrand (Living Still Life (« La Résurrection des natures mortes »), accompagnera la rétrospective d’une grande partie de ses films pour nous faire (re)découvrir son univers poétique et fantasmagorique tout emprunt de surréalisme.

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Format Court vous invite à cet événement cinématographique et gastronomique, le mercredi 6 février à partir de 20h30 dans les locaux de l’Atelier Jaune, 14 rue de la treille, à Clermont-Ferrand. Durée du programme : 2 x 1h.

Entrée libre : Adhésion requise à l’Atelier Jaune 2€ + prix libre pour le ciné-soupe

Patricia de Sabine Massenet

En 2008, l’artiste vidéaste Sabine Massenet cachait au hasard des livres de dix-sept bibliothèques de Seine-Saint-Denis une petite carte qui disait « Si vous trouvez cette carte veuillez écrire à l’adresse suivante ». Pendant deux ans, elle a ainsi correspondu avec des lecteurs et des lectrices ayant découvert cette missive étrange. Dix-neuf ont accepté d’être filmés et d’évoquer leur rapport aux livres et à la lecture. Patricia, qui donne son nom à ce court métrage étonnant présenté en sélection à Clermont-Ferrand, a été la première.

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Cliquer sur l’image pour visionner un extrait du film

« Patricia » n’est qu’un des dix-huit portraits en trois chapitres (3x 6 portraits) réunis dans l’installation « Image trouvée », présentée pour la première fois à l’espace Khiasma en février 2011. Pointe de l’iceberg donc mais choix judicieux de la part de la vidéaste tant l’histoire de cette femme addict à la lecture qui, enfant, volait des livres de poche tous les jours au Monoprix, est passionnante.

« Patricia », c’est d’abord une voix qu’on entend sur des images en diptyque d’un parc de Bobigny. Une belle voix, grave, posée qu’on imagine celle d’une fumeuse. Elle n’apparaît qu’au milieu du film, c’est une femme aux cheveux clairs avec un visage dur aux traits fins. La voix qu’on associe à Patricia n’est en fait pas la sienne. On l’apprend au générique de fin, une autre femme a lu ses mots. Parti pris étonnant et déroutant mais qui semble renvoyer au principe même de la lecture – sujet du film- celui du lecteur qui lit les mots d’un autre, l’écrivain. Patricia, qui parle des écrivains, devient donc ici en quelque sorte elle aussi quelqu’un que l’on lit, dont on porte la voix.

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Sabine MASSENET : Patricia (extrait) sur Vimeo

Issue d’une famille nombreuse, Patricia trouve refuge pendant son enfance dans les livres qu’elle dévore seule, cachée sous l’étagère à côté de l’aspirateur et des pots de peinture. Elle qui définit son adolescence comme celle d’une « racaille » enchaîne les confidences et les anecdotes sur les livres qu’elle a lus ou qu’elle ne voulait pas lire. À commencer par ceux des écrivains « aux noms ridicules » comme Marguerite Duras ou Marcel Aymé (« je me disais ça doit être un con »). Le moment le plus fort du film est sans doute le récit de la découverte de « Crimes et Châtiments », cadeau de sa mère qui pensait lui offrir un polar. Cette mère qu’elle n’a « jamais vu lire » ne savait pas alors qu’elle était celle qui permettrait à sa fille de connaître sa plus grande expérience de lecture. Un livre si important pour elle qu’elle souhaiterait plus tard être incinérée avec. La force de Patricia est d’évoquer la lecture dans ce qu’elle a de plus ludique ou banal (le choix des livres en fonction de leur couverture) jusqu’à ce qu’elle touche de plus intime en nous. Le balancement entre les deux se fait sans heurt et sans jugement.

Récit d’une existence portée par les livres, « Patricia » est un portrait d’une rare intelligence esquissant les contours d’une vie qu’on imagine difficile sans jamais s’y appesantir.

Amaury Augé

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« Patricia » est projeté au Festival de Clermont-Ferrand dans le programme national F7

P comme Patricia

Fiche technique

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Synopsis : Début 2010, Sabine Massenet glissait plusieurs centaines de cartes anonymes dans les livres de 17 bibliothèques de Seine-Saint-Denis, invitant ceux qui les trouvaient à lui écrire par email. Patricia est la première des 19 correspondants qui ont accepté d’être filmé.

Genre : Documentaire

Durée : 10′

Pays : France

Année : 2012

Réalisation Sabine Massenet

Scénario, image , montage : Sabine Massenet

Son : Frédéric Minière

Interprétation : Patricia Billoir

Avec la voix de Clotilde Ramondou

Production : Khiasma

Article associé : la critique du film

Miniyamba (Walking Blues) de Luc Perez

« L’exode ne reconnaît pas la valeur humaine. Le destin est plus ancien que son détenteur »

Comment rendre hommage à celles et ceux qui ont essayé ou qui tenteront un jour de quitter leur pays pour entrer clandestinement dans une contrée riche afin d’y établir un destin plus indulgent ? Tel semble le souhait des concepteurs de « Miniyamba » qui nous emmène d’Aguelhoc, au nord du Mali, jusqu’en Espagne. C’est un sujet très difficile. Il n’y a qu’à se rappeler le long métrage « Biutiful » d’Iñarritú pour savoir qu’une fois en Europe, les clandestins sont souvent sur la liste d’attente du cimetière ou des emplois les plus précaires.

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Les frontières entre les pays pauvres et les pays riches étant de plus en plus violentes, il fallait au moins recourir à la musique et à l’animation pour nous les faire passer dans le merveilleux et vivre ou découvrir les différentes étapes de la transhumance d’Abdu et Bakari. Nous sommes dès lors parcourus par le récit : dans « Miniyamba », la musique, les dessins, les couleurs et les voix détèlent l’émotion.

En dédiant ce film à la mémoire de Robert Johnson et Ali Farka Touré, le bluesman noir américain et le bluesman malien, aujourd’hui décédés, tous deux des références pour tout adepte du blues comme pour bon nombre de musiciens, Luc Perez a choisi des hommes libres ainsi que des hommes reliés entre eux par delà la mer et la mort. En nous redonnant leurs dates d’existence (1911-1938 pour Johnson et 1939-2006 pour Farka Touré) au début de « Miniyamba », en faisant apparaître par allusions d’autres grands noms de la musique noire tels Marvin Gaye ou Bob Marley ( le sous-titre « Walking Blues » doit bien avoir une petite parenté avec le titre Talkin’ Blues de Bob Marley….), Perez semble nous indiquer qu’il croit à la réincarnation et à la mémoire. Et on a envie d’y croire. Après tout, nous ignorons parfois les raisons pour lesquelles certaines musiques et certaines histoires nous parlent plus qu’à d’autres.

« Miniyamba » est aussi l’histoire d’une amitié entre un homme d’âge mur, l’itinérant Abdu, le joueur de N’Goni (qui, tel Robert Johnson, selon une certaine légende, pouvait prendre le premier train qui se présentait) et le jeune Bakari qu’il décide de parrainer. Pourquoi ? On n’en sait rien. Mû par une intuition ou simplement par le pouls de la fraternité, Abdu accepte Bakari comme celui qui va le seconder et à qui il va transmettre une bonne partie de tout ce qu’il a «  dans la tête » sur une cassette audio qui contient sa musique. Réalisé à l’époque du MP3 et de la musique dématérialisée, « Miniyamba » se veut donc aussi comme la persistance concrète d’un monde et aussi de la dignité d’hommes et de femmes contraints de s’exiler. Aux incultes que nous sommes, il rappelle que le N’Goni était l’instrument réservé aux princes et aux grands guerriers et que toutes ces femmes et ces hommes participant à l’exode sont les princes et les grands guerriers ignorés d’aujourd’hui.

Franck Unimon

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Article associé : l’interview de Luc Perez

M comme Miniyamba (Walking Blues)

Fiche technique

Synopsis : Au Mali, dans un restaurant, Abdu, le joueur de N’Goni fait la connaissance de Bakari, un jeune serveur. Abdu veut passer la frontière pour partir faire carrière en Europe avec sa musique. Bakari voudrait le suivre mais se sent « coincé ici… ».

Genre : Animation

Durée : 14’47 »

Pays : Danemark, France

Année : 2012

Réalisation : Luc Perez

Scénario : Michel Fessler, Luc Perez

Interprétation : Moussa Diallo, Mountaga Diabaté, Samba Diabaté

Peinture et animation : Luc Perez

Musique : Moussa Diallo

Son : Yann Coppier

Production : Bezzo Productions APS

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Velocity de Karolina Glusiec

Dessin et mémoire

Dessins instinctifs, musique lancinante, voix off hypnotisante : tous les ingrédients sont réunis pour une immersion dans les vestiges de la mémoire. « Velocity », film d’école issu du Royal College of Art, présenté en Labo à Clermont-Ferrand, est un film qui parle avant tout à nos sens. C’est une réflexion sur la mémoire et ses multiples perceptions, sous une forme peu commune : celle de dessins en noir et blanc inspirés par les souvenirs de son auteur.

Le trait de Karolina Glusiec possède quelque chose de primaire et d’instinctif. Elle parvient à retranscrire avec beaucoup d’authenticité un état ou une émotion qui appartient au passé, avec un effet de réel saisissant. Devant nos yeux, les paysages, les impressions, les visages extirpés de sa mémoire reprennent vie. Ses souvenirs d’enfance enfouis réapparaissent furtivement; le temps d’un instant, nous les partageons avec elle.

Comme à bord d’un train, nous apercevons, pendant quelques secondes, de notre fenêtre des formes qui finissent par devenir familières. Le train fait d’ailleurs partie des motifs récurrents du film. Chaque jour, à la même heure, année après année, il emprunte le même trajet. « Je pensais que je connaissais tout cela par cœur : les pavés, les immeubles, les gens (…) », entend-on. Avec le temps, ces lieux lui sont pourtant devenus étrangers. En les dessinant de mémoire, Karolina Glusiec tente de retrouver ce monde qu’elle a connu enfant et qui a cessé d’exister.

L’immersion dans cet univers se fait d’abord par la voix profonde et hypnotique du narrateur (Dougie Hastings). Les mots qu’il prononce donnent de la couleur aux souvenirs de réalisatrice, ils nous guident à travers les méandres de sa mémoire. La musique obsédante et itérative participe aussi de cette ambiance.

velocity

La répétition des formes, des mots et des sons instille un rythme qui – si on veut bien prendre le temps de le découvrir – nous plonge dans une espèce d’état second. Nous nous retrouvons alors dans une sorte de monde parallèle dessiné – un monde qui n’aurait pas effacé sa propre mémoire. « Cet endroit ne ressemble plus à cela maintenant. Cette image n’existe pas. Le dessin est réel mais la mémoire n’est plus que dans ma tête », poursuit le narrateur.

Tel le héros de « La Jetée » de Chris Marker, présenté en ouverture du Festival de Clermont, le narrateur possède une qualité rare, poétique et empreinte d’une certaine nostalgie : celle de pouvoir habiter ses souvenirs. « Je me rappelle regarder passer les trains, je me rappelle à quoi tout cela ressemblait. Mais je ne me rappelle pas quand tout a changé » redit la voix. À travers cette expérience intime et sensorielle, le narrateur prend conscience que le monde ne l’a pas attendu, et par la même expérimente sa propre finitude.

Julien Beaunay

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V comme Velocity

Fiche technique

Synopsis : J’ai toujours pensé que j’avais une mémoire parfaite. Je voulais vous montrer ces dessins.

Genre : Documentaire animé

Pays : Royaume-Uni

Année : 2012

Durée : 6′

Réalisation : Karolina Glusiec

Scénario : Karolina Glusiec

Son : Zuzanna Ziolkowska

Musique : Tadeusz Kulas , Krzysztof Grudzinski

Montage : Karolina Glusiec

Voix : Dougie Hastings

Décors : Karolina Glusiec

Production : Royal College of Art

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Festival Anima 2013 : Prix Format Court du meilleur film d’école en compétition internationale

À l’occasion de la 32ème édition du festival d’animation de Bruxelles (Anima, 8-17 février 2013), Format Court attribuera son deuxième Prix, après « Tussilago », remis à Jonas Odell en 2011. Cette fois-ci, le Jury, composé d’Agathe Demanneville, Nadia Lebihen-Demmou et Géraldine Pioud, se penchera sur la compétition internationale de films d’étudiants, reprise ci-dessous. L’heureux(se) gagnant(e) bénéficiera d’un focus personnalisé sur le site ainsi que d’une projection de son film au détour d’une séance mensuelle Format Court, au Studio des Ursulines.

Films d’écoles en compétition internationale

– A la française, Morrigane Boyer, Julien Hazebroucq, Ren Hsien Hsu, Emmanuelle Leleu, William Lorton (F)
– Au Loin, Anaëlle Moreau, Nicolas Fuminier, Thomas Poulain, Clément Bigot (F)
– Azul, Remy Busson, Françis Canitrot, Aurélien Dyhayon, Sébastien Iglesias, Maxence Martin, Paul Monge (F)
– Bear me, Kasia Wilk (D-PL)
– Carn, Jeffig Le Bars (F)
– Conformis, Martin Grötzschel, Benjamin Manderbach (D)
– Dipendenza, Panna Horváth-Molnár, Virág Zomborácz (H)
– The Gathering Dust, Amy Brutton, Yann Drevon, Audric Escales, William Ohanessian, Raphaël Tillie
– Hark the Angel Sings, Chaotung (Thomas) Huang (USA)
– Head On, Lior Ben Horin (IL)
– I Am Tom Moody, Ainslie Henderson (GB)
– International Father’s Day, Edmunds Jansons (LV)
– Kostya, Anton Dyakov (RUS)
– Nana Bobo, Lucas Wild do Wale, Andrea Cristofaro, Francesco Mereu, Valentina Delmiglio (I)
– Night of the Loving Dead, Anna Humphries (GB)
– O Meu Nome, Ruben Monteiro (NL)
– Pishto goes away, Sonya Kendel (RUS)
– Pripad / Case (The), Martin Zivocky (CZ)
– Rhapsodie pour un pot-au-feu, Charlotte Cambon de Lavalette, Stéphanie Mercier, Soizic Mouton, Marion Roussel (F)
– Snail Trail, Philipp Artus (D)
– Soeur et frère, Marie Vieillevie (F)
– Three Boons of a Politician, Abhilash Jose (IND)
– Trois Petits Chats, Benoît Delaunay, Albane Hertault Lacoste, Maïwenn Le Borgne, Alexia Provoost (F)
– Vie et mort de l’illustre Grigori Efimovitch Raspoutine, Céline Devaux (F)
Wallflower Tango, Wolfram Kampffmeyer (D)

Mademoiselle Kiki et les Montparnos d’Amélie Harrault

Même si ce n’est pas sa spécialité, le Festival de Clermont-Ferrand sélectionne année après année bon nombre de films d’animation, notamment en compétition nationale et en section labo. En épluchant le catalogue, « Cornée », « Tram », « Peau de chien », « Kali le petit vampire », « Fleuve rouge, Song Hong » ou « Edmond était un âne » nous reviennent en mémoire. Des nouveautés aussi surgissent, à l’instar de « Mademoiselle Kiki et les Montparnos », un premier film d’Amélie Harrault, concourant à la fois en compétition nationale et internationale.

Le film, conçu comme un docu-fiction animé, narre en moins d’un quart d’heure la vie de Kiki de Montparnasse, muse et icône de son époque, ayant fréquenté du bien beau monde (Utrillo, Kisling, Soutine, Cocteau, Modigliani, Hemingway, Man Ray, Desnos, …) en son temps, malgré des origines plus que modestes. Elevée chez sa grand-mère, avec d’autres enfants de l’amour non reconnus par leurs pères respectifs, elle s’affranchit de sa condition en commençant à devenir modèle, à poser pour les plus grands peintres avant-gardistes et à devenir peu à peu une dame acceptée et acceptable.

Avec ce premier film, Amélie Harraut, ancienne étudiante l’EMCA d’Angoulême, illustre de manière très originale différentes facettes et périodes de la vie de celle qui fut élue reine de Montparnasse. À chaque étape importante dans le parcours personnel et professionnel de Kiki, correspond une technique d’animation différente. L’enfance fait intervenir le dessin, l’insouciance des années folles propose une peinture aux couleurs vives, la rencontre avec Man Ray s’illustre en photos originales et en collages, les premiers pas américains s’accompagnent en vidéo, … . Face à cette multiplication de techniques et de souvenirs, le spectateur se laisse complètement envahir par la liberté et la joie de vivre de ce personnage haut en couleurs. Jusqu’au moment où sans s’en rendre compte, il le découvre vieux, seul et rondouillard : les années ont passé, la fleur a fané et il ne reste que les souvenirs.

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Film-hommage, « Mademoiselle Kiki et les Montparnos » doit bien évidemment beaucoup à la variété de son animation et à la richesse de ses références, mais l’intonation de la voix de Marie-Christine Orri et la musique originale d’Olivier Daviaud, le compositeur de « Bisclavret », sont deux apports tout aussi cruciaux au projet. Amélie Harraut a réussi à bien s’entourer et cela rejaillit sur son tout premier film professionnel.

Katia Bayer

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Article associé : l’interview d’Amélie Harrault