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Not Swiss Made d’Apiyo Amolo

Les questions d’immigration et d’intégration sont rarement aussi efficacement abordées que par le ‘subalterne’ lui-même. C’est exactement ce genre de document de première main que nous livre Apiyo Amolo dans son film « Not Swiss Made », sélectionné en compétition internationale à Filmer à tout prix cette année.

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Chanteuse, actrice et réalisatrice ne sont que quelques titres que possède cette artiste à plusieurs facettes, Suissesse d’origine kényane. En choisissant une forme épurée, ostensiblement en contraste avec son exubérance, Apiyo Amolo réussit un film à la lisière des genres documentaire et expérimental. Se basant sur sa propre vie d’immigrée – plus de treize ans de vie exemplaire en Suisse, une intégration impeccable, une menace d’expulsion suite à son divorce… – elle dresse un autoportrait singulier en deux minutes.

L’auteure s’exprime à l’aide de ce langage universel qu’est la musique, même si une compréhension des textes chantés se révèle utile pour saisir pleinement la signification et l’humour du film, qui se compose de deux airs folk très connus et culturellement typiques. Le premier, Jambo Bwana, est un chant tribal kényan (faussement attribué par leurs fans à Boney M.), accueillant le visiteur avec chaleur et amitié dans le pays de Hakuna Matata. L’autre, symbole même de l’Helvétique, est un yodel populaire sur l’identité suisse nommé Mein Vater ist ein Appenzeller (mon père vient d’Appenzell). Apiyo parvient ainsi à cristalliser sa double identité, ce parcours courageux et unique, à la fois exigé et critiqué.

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À l’image, un gros plan constant traduit bien la complexité et l’insaisissabilité du sujet, jonglant entre coquetterie et austérité, mais ne virant jamais vers le ridicule ou le pathétique. Ce pari minimaliste osé est relevé grâce à la présence majestueuse de la cinéaste et par l’aisance avec laquelle elle passe de rires empruntés aux pleurs affectés. Le travail du montage est des plus basiques (plan séquence principalement fixe, avec quelques jump cuts maladroits et de légers effets de zoom) surlignant la simplicité et l’éloquence de la démarche.

Racontée avec étonnamment peu de moyens, l’histoire personnelle de ce ‘mouton noir’ donne lieu à un message social et politique d’une grande portée. Un véritable coup de poing !

Adi Chesson

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Article associé : l’interview d’Apiyo Amolo

Plutão de Jorge Jácome

Après avoir réalisé deux courts métrages d’études, « Dropping the night » et « Quand vient l’hiver », remarqués notamment dans les plus prestigieux festivals portugais, Jorge Jácome réalise un film assez fascinant, à la frontière de l’expérimental. Son étrange « Plutão » était présenté en compétition lors du dernier festival du film court de Brest.

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Le présent : le scientifique et David

Ouverture pop sur une image noire avec en son centre un gros point lumineux bleu. Jorge Jácome prend le parti d’immerger immédiatement son spectateur dans une sorte d’hypnose lancinante. Les vibrations lumineuses de ce point isolé surprennent le regard et interrogent sur la nature de l’objet devant lequel nous sommes. La clé de ce mystère est assez rapidement donnée : cette masse ronde n’est autre que la représentation imagée de la planète Pluton.

À partir de là, très rapidement, le réalisateur expose frontalement les bases du récit, sans doute pour ne pas s’embarrasser d’amas de figures de style dans un film déjà très complexe et foisonnant de propositions tant visuelles qu’attrayantes au récit.

Dans les premières minutes, on comprend que l’on a affaire à deux protagonistes, l’un étant incarné par une voix off masculine, l’autre étant un jeune homme, David, filmé face caméra dans une posture fixe. Le dispositif du film ainsi exposé, le réalisateur déroule son récit sous une forme d’entretien, presque formel, entre les deux hommes : la voix interroge et s’interroge, là où David répond et se replonge dans une histoire d’amour passée.

Le passé : Pluton et Joana

Le principe étant ainsi posé, le réalisateur tricote une histoire qui entremêle deux désespoirs. Celui du narrateur-voix off, un scientifique qui a travaillé tout sa vie pour mieux connaître Pluton mais dont tous les espoirs ont été déchus un jour d’août 2006 où la planète a perdu son existence en étant déclassée par la communauté scientifique; et celui de David qui a aimé et partagé un long temps de sa vie avec Joana, son ancienne petite amie.

Jorge Jácome traite en parallèle ces deux vies dont les chemins coïncident en un sentiment commun : une profonde déception. Il s’agit là d’une crise de confiance en soi, du constat du caractère faillible de la mémoire et des souvenirs. Ici, cette crise est incarnée dans le ressenti exprimé par David et la voix off. Une planète, qui n’en est plus une, se confond avec le souvenir d’une amante perdue, et ces deux entités deviennent petit à petit des inconnues qui perdent leurs substances.

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Face à un sujet aussi cinématographique que la mémoire, déjà si brillamment traité par des maîtres du cinéma, Jorge Jácome prend en quelque sorte un contre-pied en choisissant de se focaliser non sur le souvenir mais bien sur la volonté d’oubli. Les personnages acceptent que les choses ne soient plus. Oublier est ici une solution pour quitter un état de déception et de tristesse.

À l’image, quand le personnage de David évoque les souvenirs qu’il a de sa relation avec Joana, le réalisateur opère des choix de mise en scène assez prégnants qui appuient sur l’expression des souvenirs de David. Avant qu’il ne rencontre Joana, il est plongé dans l’obscurité, enfermé dans le cadre et filmé à travers des vitres, comme emprisonné dans un aquarium. À l’inverse, les apparitions de Joana apportent la lumière et sont une ouverture sur le monde. Jorge Jácome oppose aux images solaires et vives du récit de l’amour, des impressions visuelles de pénombre, d’isolement, de trouble quant il s’agit de la fin de leur histoire. Les lignes sont plus fuyantes, les couleurs ternies.

Plusieurs fois dans le récit, le réalisateur passe, sans réelle transition, entre ces moments de souvenirs d’amour de David aux souvenirs du scientifique sur Pluton. On passe alors en vue subjective sur un bureau qui porte les traces du travail de toute une vie sur Pluton.

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Le futur : Tabula rasa

Le film se termine ainsi sur l’abandon des marques du passé. Les gestes sont les mêmes pour le scientifique que pour l’amoureux : là où l’un constate la disparition d’une planète sur les manuels et les cartes du ciel, l’autre se sépare des photos du sujet de son amour. Les deux ont été ébranlés dans leurs certitudes, et confrontés au changement.

La voix off résumera ce passage d’un état à un autre : « Les affiches des salles de classe et des boutiques des musées ont été remplacées, de nouveaux objets comme Pluton continueront à apparaître. Nous allons nous habituer à cette idée, comme s’estompe peu à peu de la mémoire celle d’un ancien amour. Le temps passe et nous espérons aller vers de nouveaux horizons ».

« Plutão » laisse une impression de vides à combler, celle d’un film à maturer pour bien comprendre le propos dense et un peu confus qui nous est exposé. Pour autant, il se produit au visionnage une impression forte, une sensation de toucher à quelque chose d’assez universel. Un moment de cinéma à part, peut-être un peu fragile dans la réalisation, mais qui laisse apercevoir le talent de ce jeune réalisateur attiré par les étoiles.

Fanny Barrot

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P comme Plutão

Fiche technique

Synopsis : Pluton n’est plus considérée comme une planète. Les posters dans les salles de classe et les boutiques des musées ont été remplacés et de nouveaux objets semblables à Pluton continueront à apparaître. Avec le temps, nous nous habituerons à cette idée tout comme nous oublions nos anciens amants et rêvons de nouveaux horizons.

Genre : Fiction

Durée : 29’17’’

Pays : Portugal

Année : 2013

Réalisation : Jorge Jácome

Scénario : Jorge Jácome, Marta Simões

Image : Marta Simoes

Son : Luis Giestas, Michel Cipriano

Interprétation : David Cabecinha, Ines Vaz, Joana de Verona, Luis Henriques, Nuno Galopim, Vera Barreto

Production : Nuvem-Mar

Article associé : la critique du film

Moritz Und Der Waldschrat de Bryn Chainey

Surprenant film du jeune réalisateur berlinois Bryn Chainey, « Moritz Und Der Wadlschrat » (Moritz et le farfadet), qui a récemment obtenu une mention spéciale du jury jeune au Festival Européen du Film Court de Brest, nous plonge dans le sombre univers d’une famille recluse sur elle-même, rongée de l’intérieur par la maladie du plus jeune des deux fils.

Interprété avec justesse, Moritz est un frère aîné qui porte à bout de bras une famille dont les parents ne parviennent pas à cacher leur inquiétude. Chaque matin, il donne un peu de son sang à son frère Adam. La forêt semble être la seule échappatoire pour cet enfant qui n’en est plus vraiment un. La maladie et le sentiment d’injustice qui l’accompagne ont emporté avec eux l’innocence du jeune Moritz.

Dans la forêt, Moritz est interpellé par un farfadet coincé dans un tronc d’arbre. En échange de son aide, l’enfant à le droit à un souhait. C’est avec horreur et indignation que l’on découvre le souhait du garçon, espérant aussitôt qu’il ne se réalisera pas : que son frère disparaisse à jamais.

Dans cette fable du quotidien, le fantastique surgit soudainement sous la forme d’une créature issue du folklore français. Tout comme le lutin ou l’elfe, le farfadet, tout du moins dans la psychanalyse, est associé à l’enfance, à « l’enfant intérieur » qui sommeille en chaque être, une part de l’être qui relève de l’instinct, et révèle parfois les aspects les plus sombres de l’être, une part de la psyché qui ne se connaît pas elle-même.

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Cette facette sombre de l’enfant, qui surgit soudainement tout comme surgit le fantastique dans le récit, fait renouer Moritz avec son enfance, et la cruauté qui bien souvent la caractérise. Trop de responsabilités et d’attentes pesaient sur lui, et alors qu’il libère le farfadet de son piège, c’est lui-même qu’il tente de sauver. L’enfant suscite peine et dégoût, tout comme la maladie qui ronge sa famille à petit feu. Alors, la nature reprend ses droits, et devient intimement liée à l’enfance, à la fois belle et cruelle.

Ce lien qui unit l’enfant et la nature est illustré dès les premières scènes du film de Bryn Chainey. « Moritz Und Der Waldschrat » s’ouvre sur des plans de forêt, où les arbres imposants et majestueux sont traversés par la lumière, qui se faufile et circule à travers les branches. Dans la séquence suivante, c’est le sang qui circule entre les deux frères, tel la sève qui aliment les arbres. Plus tard, alors que Moritz fend ces branches d’arbres de sa hache, il rompt le lien qui le lie à son frère, et par là même, les liens qui le raccrochent à la vie.

Bryn Chainey, un talent à suivre de près, n’en est pas à son premier essai. Déjà, ses précédents courts métrages évoquaient la famille et les liens qui unissent les parents aux enfants. Dans « Jonah and the Vicarious Nature of Homesickness » (2010), un homme se laissait dériver sur un vaisseau spatial de fortune et ne parvenait à communiquer avec sa famille que par messages sur répondeurs interposés. Dans « Film for the Boxed » (2007), un enfant pas comme les autres, doté d’un écran de télévision à la place de la tête, s’inventait des images de son père, dont sa mère trop protectrice refusait de lui parler.

Peut-être est-ce pour cette volonté d’aborder la complexité des relations qui unissent l’enfant et l’adulte que « Moritz Und Der Waldschrat » a plu au jury jeune du festival de Brest. On y perçoit le tiraillement entre les responsabilités qui incombent à l’adulte, et le désir de rester un enfant, illustré par des personnages qui demeurent impuissants face à une nature à la fois somptueuse, insondable et menaçante.

Agathe Demanneville

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M comme Moritz Und Der Waldschrat

Fiche technique

Synopsis : Moritz est un garçon perdu entre les mondes de la vie et la mort. Son combat contre la maladie de son petit frère l’amène à s’éloigner de plus en plus de sa famille. Alors qu’il se promène seul en forêt, il rencontre une créature ancestrale qui lui propose un marché macabre.

Genre : Fiction

Durée : 20’

Pays : Allemagne

Année : 2013

Réalisation : Bryn Chainey

Scénario : Bryn Chainey

Image : Marc Achenbach

Montage : Courtney O’Brien-Brown

Son : Johannes Peters

Interprétation : Kai Oliver Böhne, Anna Thalbach, Tim Sander, Ben Litwinschuh, Jens Winter

Production : Anna Wendt Filmproduktion

Article associé : la critique du film

Brest 2013

Du 12 au 17 novembre dernier, le 28ème Festival européen du film de court de Brest a une fois encore fait la part belle aux films courts venus de tous les horizons européens. On savait déjà que les programmateurs de ce festival haut en couleurs n’hésitaient pas à regarder du côté du genre, des genres, mais cette cuvée 2013 fut particulièrement inspirante en matière de bizarre et de magique.

Du côté des compétitions, en parallèle à la traditionnelle compétition européenne (42 films issus de 24 pays), la sélection française proposait un aperçu encore plus fourni qu’auparavant (3 programmes cette année contre 2 en 2012) de productions de jeunes réalisateurs.

Quant à la toute nouvelle section OVNI, qui remplace désormais le programme Cocotte minute, elle semblait s’intéresser de près à des films… inclassables tant dans leurs formes que dans leurs fonds.

Dense et culottée, la programmation 2013 du festival breton nous a fait voyager et découvrir  quelques coups de coeur tous neufs que nous vous faisons découvrir aujourd’hui à travers ce focus spécial. Et pour information, Format Court organisera, comme l’an passé, une séance spéciale autour du festival de Brest, le jeudi 13 mars 2014 au Studio des Ursulines, à Paris.

Fanny Barrot

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Retrouvez dans ce focus :

–  Festival de Brest, les plus, les moins

L’interview de Sacha Feiner et Chloé Morier, auteurs de « Un Monde meilleur » (Belgique)

La critique de « Plutão » de Jorge Jácome (Portugal)

La critique de « Moritz Und Der Waldschrat » de Bryn Chainey (Allemagne)

« Misterio » de Chema García Ibarra, Prix Format Court au Festival de Brest !

Festival de Brest, le palmarès 2013

Carte blanche Format Court au Festival de Brest !

Nouveau Prix Format Court au Festival européen du film court de Brest !

Agnès Varda/Jacques Demy : leurs courts en accès gratuit !

À l’occasion du Jour le plus court, le 21 décembre 2013, Agnès Varda offre l’accès gratuit pour voir ou revoir ses courts métrages ainsi que ceux réalisés par Jacques Demy. Retrouvez tous ces films sur les chaînes « Agnès Varda » et « Jacques Demy » tout au long des 24 heures de cette (courte) journée sur la plateforme myskreen.

Films d’Agnès Varda

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Elsa la rose, Salut les cubains, Le Lion volatil, Les demoiselles ont eu 25 ans, T’as de beaux escaliers, tu sais, Les dites cariatides, Une Minute pour une image Ulysse, Plaisir d’amour en Iran, Réponse de femmes, Ydessa, les ours et etc…, Black Panthers, Uncle Yanco, Salut les cubains, Les Fiancés du pont MC Donald, Ô saisons, ô chateaux, L’Opéra mouffe, Du côté de la côte.

Films de Jacques Demy

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Ars, Le Bel indifférent, Le Sabotier du Val de Loir, La Luxure

Nouveaux films en ligne : la Palme d’or du court métrage et les 4 films primés à la Cinéfondation 2013

Ce samedi 21 décembre, le Festival de Cannes participe au Jour le plus Court. Pendant 24h, visionnez en exclusivité, sur le site du festival, la Palme d’or du court métrage et les films d’écoles primés à la Cinéfondation en 2013.

Safe réalisé par Moon Byoung-gon (Corée du Sud), Palme d’Or

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N’est-ce pas TROP prudent?

Needle réalisé par Anahita Ghazvinizadeh (Etats-Unis). Premier Prix de la Cinéfondation

La jeune Lilly va se faire percer les oreilles. Une dispute entre ses parents envenime la situation qui prend une tout autre tournure…

En attendant le dégel réalisé par Sarah Hirtt (Belgique). Deuxième Prix de la Cinéfondation

Une fratrie désunie se retrouve lors d’un déménagement. L’ambiance est électrique. Valéry, Victor et Vincianne prennent la route sans se douter que des embûches vont parsemer leur voyage… Le film interroge l’évolution d’une mésentente fraternelle au cœur d’une situation critique et décalée.

În Acvariu (In the Fishbowl) réalisé par Tudor Cristian Jurgiu (Roumanie). Troisième Prix ex-aequo de la Cinéfondation

George et Christina font de leur mieux pour rompre mais ils semblent avoir un peu de mal à y parvenir.

Pandy réalisé par Matúš Vizár (République Tchèque/Slovaquie). Troisième Prix ex-aequo de la Cinéfondation

Ils sont le produit de millions de générations précédentes et doivent pourtant se débrouiller tout seuls dans la forêt. Un jour un primate bien trop actif, l’être humain, les trouve et ils deviennent vite une source de jeu pour l’homme.

Apiyo Amolo : « Un dicton de chez moi dit que si tu veux que quelqu’un t’écoute et te donne toute l’attention, tu dois parler la même langue que lui »

Apiyo Amolo, la réalisatrice de « Not Swiss Made », est un phénomène en soi. Boulimique de projets artistiques en tous genres, actrice, top model, chanteuse, animatrice d’une émission radio et réalisatrice, cette touche-à-tout hyperactive s’est posée un moment à la cantine du festival Filmer à tout prix pour nous parler de son parcours.

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Originaire du Kenya, tu vis et travailles à Zurich, en Suisse. Tu animes une émission de radio, tu chantes et tu réalises des films. On peut dire que tu es une artiste complète ?

Comme tu l’as dit, je viens du Kenya, d’une famille de chanteurs. J’ai appris à chanter très tôt. J’ai vécu en Suisse avec mon ex-mari qui était y était originaire. J’ai commencé à chercher du travail. Au Kenya, j’avais étudié la médecine et l’économie mais ce n’est pas facile de trouver du travail en Suisse quand on n’a pas étudié dans le pays. J’ai dû passer une homologation, pendant ce temps-là, je travaillais dans un casino en tant que croupier. Je me suis rendu compte que j’adorais l’échange avec les gens. Puis, après avoir travaillé quatre ans dans une clinique où cela ne s’est pas très bien passé, j’en ai eu marre et j’ai décidé de retourner vers mes anciennes amours : la musique. J’ai appris le yodel, le chant traditionnel suisse allemand.

Pourquoi avoir opté pour ce genre de musique ? Etait-ce une manière de t’intégrer davantage dans la société et la culture suisses ?

Oui, tout à fait. Un dicton de chez moi dit : « Si tu veux que quelqu’un t’écoute et te donne toute l’attention, tu dois parler la même langue que lui ». J’ai pensé que si je montrais de l’intérêt pour la langue allemande et les coutumes, les Suisses me donneraient une chance. L’ironie du sort, c’est que j’aime vraiment ce type de chant. Certains disent même qu’il proviendrait d’Afrique, ce qui ne m’étonnerait qu’à moitié. Les Maasaï du Kenya ont un chant similaire.

Tu es présente au festival Filmer à tout prix, parce que ton film « Not Swiss Made » y a été sélectionné. Ton film est assez dense. En trois minutes, il parle de sujets aussi brûlants que l’identité, le racisme, l’immigration,… Comment t’est venue l’idée de le réaliser ?

Je vis en Suisse depuis 13 ans maintenant. Je me suis mariée avec un Suisse et comme je te l’ai dit, j’ai ressenti le besoin de m’intégrer complètement dans la société suisse en apprenant la langue et le yodel. La seule chose que je ne pouvais pas faire était de me peindre en blanc. Après neuf ans de mariage, mon ex-mari m’a demandé le divorce parce que j’étais devenue trop suisse, parce que je n’étais plus assez exotique pour lui. Trois ans après, les autorités suisses m’ont demandé de rendre mon passeport suisse. J’allais devenir apatride en somme. En apprenant cela, j’ai eu une telle colère, une telle rage en moi qu’il m’a fallu l’exprimer d’une manière ou d’une autre. À l’époque, je travaillais à la radio et je suis tombée sur une affiche publicitaire pour un festival de films qui proposait de faire des films de trois minutes traitant de la vie interculturelle en Suisse. J’ai foncé sur l’opportunité et j’ai décidé de réaliser « Not Swiss Made » pour qu’il y ait au moins une personne qui connaisse mon histoire. Et cette personne serait le sélectionneur de ce festival.

Comment s’est passée la réalisation? Tu as tout fait toute seule ?

Je venais de terminer l’école de journalisme à Luzer (Die Schweizer journalistschule), je me suis renseignée mais cela coûtait trop cher de louer un cameraman, du coup j’ai décidé de tout faire moi-même. J’ai loué une caméra. Je me suis alors posée la question de savoir comment j’allais pouvoir transmettre mon message en 3 minutes. J’ai tout de suite pensé à la musique. La musique est un langage universel, il fallait que tout le monde puisse comprendre sans passer par trop de dialogues. Il fallait que ce soit visuel aussi. J’ai donc mêlé deux chansons traditionnelles qui touchaient à mes deux identités, la kenyane et la suisse. La première est ce que l’on chante aux étrangers, au Kenya, pour leur souhaiter la bienvenue. La seconde est la première chanson que j’ai apprise en allemand, elle parle de quelqu’un dont la mère est suisse, et dont le père, suisse aussi, possède la force d’un vrai homme suisse. Une chanson typique connue par tous les Suisses allemands. L’idée était de chanter cela en yodelant. Je suis allé jusqu’à peindre le drapeau suisse sur ma figure pour montrer ma volonté de m’intégrer, en vain.

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Il y a cette affiche politique du parti UDC (Union démocratique du centre) à la fin. Pourquoi l’avoir mise ?

Certains ne comprennent pas pourquoi j’ai décidé de la mettre. Et pourtant, c’était clair, pour moi, c’est le parti le plus raciste de Suisse, il est très populaire et possède toujours des affiches qui créent la polémique tant elles sont discriminatoires. Je me suis littéralement sentie comme le mouton noir que les moutons blancs rejettent.

Es-tu consciente que derrière l’envie d’exprimer ta colère d’un évènement de ta vie personnelle, tu renvoies un message politique ?

Je n’en n’étais pas consciente au début, je voulais simplement exprimer ma rage mais je m’en suis rendu compte par la suite quand le film a été rejeté par la plupart des festivals suisses pour son message politique et que j’ai vu les réactions des gens qui ont vu le film. Beaucoup m’ont écrit me disant qu’ils vivaient la même chose. Je me suis tout à coup senti moins seule dans la bataille.

Le cinéma documentaire comme revendication politique, tu y crois ?

Oui, si j’aime le documentaire, c’est avant tout parce qu’il parle de la réalité qui nous entoure. Vivant en Suisse, je sais que je peux percevoir différemment certains évènements à cause de mes origines africaines. C’est un plus pour moi. En ce sens, je suis plus proche du documentaire, effectivement. Mais j’ai des projets de fiction aussi.

Dis-nous en plus.

J’ai terminé un livre autobiographique et certains veulent l’adapter au cinéma. Ce serait en quelque sorte la version longue de « Not Swiss Made » et ce serait une fiction. Je travaille aussi sur un projet de grande envergure à la radio. L’idée est de créer une émission interculturelle qui s’appellerait « Couleurs d’Afrique » et qui mêlerait des artistes africains et suisses.

Propos recueillis et traduits par Marie Bergeret

Article associé : la critique du film

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Short Screens #33 : le court métrage sur grand écran

Short Screens a le plaisir de vous annoncer sa dernière séance pour l’année 2013 ! Venez découvrir une programmation éclectique, avec des films d’hier et d’aujourd’hui, fruits de la créativité d’auteurs belges et étrangers. Rendez-vous ce 26 décembre à 19h30, au Cinéma Aventure, au 57 Galerie du Centre à 1000 Bruxelles. PAF 6€.

Un projet à l’initiative de l’asbl Artatouille et FormatCourt.com.

Contra el mar de Richard Parkin
Mexique / 2011 / Fiction / 19′

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Contre la volonté de sa femme, Hector passe son temps à plonger dans la mer pour pêcher de quoi nourrir sa famille et pour garder son bateau. Mais après un accident en mer, Hector est obligé de se confronter aux dangers de sa profession qui posent la question de sa responsabilité envers sa famille.

Lève la tête d’Isabelle Mayor
Suisse / 2013 / Fiction / 12′

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Une comédie romantique qui fait la critique de la génération Facebook, par elle-même.

Quelques miettes pour les oiseaux de Nassim Amaouche
France / 2005 / Documentaire / 28’30 »

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En Jordanie, le dernier village avant la frontière irakienne, un petit bar, des entraîneuses, des hommes qui vendent des jerrycans de carburant au bord de la route. Lorsque la police arrive, hommes et femmes se dispersent comme une volée d’oiseaux traqués.

Pan de Frédéric Bayer Azem
France / 2013 / Fiction / 9’33 »

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3 femmes et une poubelle. Pan..

King Crab Attack de Grégoire Sivan
France / 2008 / Fiction / 7′

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Trouville-sur-mer, petite station balnéaire sans histoire. Basile, garde-côte, est le témoin d’événements étranges. Et si tout cela n’était que l’avant-goût d’une tragédie à l’ampleur catastrophique ?

Escenas Previas d’Aleksandra Manciuszek

Tous les deux ans, le festival de Bruxelles Filmer à Tout prix propose une programmation riche et hétéroclite de documentaires de création. Entre approches multiples des problématiques du réel et souci esthétique de l’expression cinématographique, Format Court s’est penché avec un œil curieux sur la compétition des programmes courts pour y dénicher quelques perles. Parmi les premiers films internationaux, nous avons remarqué « Escenas Previas », le film de la réalisatrice polonaise Aleksandra Manciuszek, qui nous plonge dans le huis clos intime d’une masure cubaine pour une émouvante triangulaire transgénérationnelle entre un père, sa fille et son petit-fils.

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Dès les premières images, le décor se pose. Un couloir coloré qui traverse la maison, puis une salle de bain décrépie où l’on retrouve trois générations de personnages dans une scène quotidienne de vie familiale. Le jeune enfant pleure des douleurs qui lui tordent les intestins, la mère tente de le réconforter, et le grand-père à moitié nu s’occupe du linge. Entre eux, s’échangent des propos habituels et anodins d’où transpire une certaine inquiétude quant à la santé et aux conditions de vie alimentaire de l’enfant. Les tableaux se succèdent alors dans une série de plans fixes magnifiquement photographiés, où l’on découvre les relations entre ces trois protagonistes. Le vieil homme, atteint d’une maladie respiratoire qui semble devoir l’emporter très prochainement, passe ses journées entre sa fille et son petit-fils avec lesquels il partage sa vie.

On aurait tort de chercher dans « Escenas previas » une quelconque analyse de fond sur Cuba. Le cadre cubain est finalement peu développé et sert surtout de contexte social et culturel sans importance réelle face à l’universalité de la thématique développée. Car « Escenas previas » s’attache surtout à mettre en lumière une intimité, un regard sur le sens de la famille et sur les notions de présence et d’accompagnement entre les générations. Au centre du film, brillent les yeux d’un enfant, comme brillent aussi ceux d’un grand-père, alors que la mère, elle, semble tout irradier de son rire et de sa force de vie. Réflexion sur la famille et sur la transmission, le film d’Aleksandra Mancuiszek nous amène à nous interroger sur le temps qui passe et sur la valeur de ce qu’on y laisse. Le temps, voilà la toile de fond. Le présent, le passé, l’avenir, tout se mêle dans « Escenas previas » pour une recherche de sens qui n’est pas sans rappeler les propos du poète Ronsard : « ce n’est pas le temps qui passe, c’est nous ». Que restera-t-il quand le temps aura passé sur cette maison délabrée ? Que restera t-il à cet enfant qui vient d’y naître ? Que rester- t-il de ce vieil homme au crépuscule de sa vie ? Que restera t-il à cette femme qui va perdre son père et élever son enfant seule ? L’émotion se cache dans chaque plan et parle à tous d’une humanité universelle. L’image est somptueuse, et les cadres parfaitement composés jouent de la distance, des lumières et des couleurs pour faire écho à l’atmosphère du film et placer le spectateur face à une intensité émotionnelle de toute beauté.

Xavier Gourdet

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Filmer à tout prix 2013

Il y a un mois, s’est tenu le festival de documentaires bi-annuel Filmer à tout prix, à Bruxelles. Trois cinéastes étaient à l’honneur (Bodgan Dziworski, Ross McElwee, Anand Patwardhan), un cycle autour des Roms, des films d’Aleksandr Sokourov ainsi qu’une compétition de courts et de longs étaient au programme.

Pour la première fois, Format Court a attribué un prix pendant le festival. « Anima » de Simon Gillard (Belgique) a ainsi été projeté jeudi 12 décembre dernier au Studio des Ursulines (Paris, 5ème), en présence du réalisateur, et a bénéficié d’un focus en ligne.

À travers ce nouveau focus, articulé autour du festival Filmer à tout prix, nous revenons sur les autres perles de la compétition nationale et internationale.

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Retrouvez dans ce focus :

La critique de « After » de Łukasz Konopa (Royaume-Uni)

La critique de « Not Swisse Made » d’Apiyo Amolo (Suisse)

L’interview d’Apiyo Amolo, réalisatrice de « Not swiss made » (Suisse)

La critique de « Escenas Previas » d’Aleksandra Manciuszek (Cuba)

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Fiche Technique

Synopsis : Un vieil homme en fin de vie partage sa maison délabrée avec sa fille et son petit-fils dont il faut s’occuper. Ce lieu, rempli de souvenirs et de poésie, est le théâtre de ce qui se joue entre ces trois personnages qui, chacun à sa façon, lutte pour sa survie. La promiscuité de ces trois âges de la vie, superbement photographiée, offre un moment précieux de cinéma où espoir, mélancolie et fatalité forment une torpeur opaque fascinante et un document rare sur le Cuba d’aujourd’hui.

Genre : Documentaire

Durée : 27’20”

Année : 2012

Pays : Cuba

Réalisation : Aleksandra Maciuszek

Image : Javier Labrador

Son : Raymel Casamayor, Salomé Román

Montage : Lorenzo Mora Salazar

Production : EICTV

Article associé : la critique du film

Retour en images sur la séance Format Court de décembre

Il y a quelques jours, jeudi 12 décembre, a eu lieu notre dernière séance de courts métrages de l’année au Studio des Ursulines, à Paris. Trois films y étaient programmés, tous présentés par leurs équipes : Virginie Legeay, co-scénariste et productrice, Arnaud Marten, preneur de son (« Les Jours d’avant », Prix Format Court au Festival du film francophone de Namur), Simon Gillard, réalisateur (« Anima », Prix Format Court au festival Filmer à tout prix) ainsi que Nicolas Mesdom et Sébastien Houbani, réalisateur et comédien (« La tête froide »). Voici les photos de la soirée, capturées par l’objectif de Laura Bénéteau.

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Avec Simon Gillard, réalisateur (« Anima »)

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Avec Arnaud Marten et Virginie Legeay, co-scénariste et productrice (« Les jours d’avant »)

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Avec Nicolas Mesdom et Sébastien Houbani, réalisateur et comédien (« La tête froide »)

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Notre Jour le plus court & nos prochains évènements

Cette année, nous n’organiserons pas de séance autour du Jour le plus court, le 21 décembre prochain. Notre projection vient d’avoir lieu jeudi dernier, le 12 décembre et deux Prix Format Court y occupaient une place de choix. Si vous souhaitez néanmoins voir de bons courts à la fin du mois, nous vous invitons à assister à la séance Short Screens de fin d’année, à Bruxelles, le 26 décembre prochain.

En lieu et place de projection parisienne, nous vous proposons de visionner neuf films en ligne entre le 14 et le 22 décembre 2013 grâce à l’opportunité offerte par l’organisation du Jour le plus Court de diffuser quelques films sur le web. Certains d’entre eux ont déjà été chroniqués dans nos colonnes et/ou diffusés dans le cadre de nos projections. Tous ont circulé en festival et datent pour la plupart. Malgré tout, leurs qualités les rendent intemporels et chose importante, ils peuvent être vus et revus sans grande difficulté. Bien évidemment, un écran d’ordinateur ne remplace pas celui d’une salle de cinéma, mais le principe de la fenêtre de visibilité s’applique aussi. Profitez-en, faites partager ces films à vos proches, initiez-les à la forme courte : ces courts métrages, en accès libre grâce à l’Agence du court métrage, ne seront plus disponibles à partir du dimanche 22 décembre, à 8h du matin.

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La fin de l’année approche. Notre couverture autour du festival de Vendôme se poursuit en attendant que celle de Brest et de Filmer à tout prix (Bruxelles) soit publiée. Comme les années précédentes, les membres de la rédaction vous préparent leur Top 5 des meilleurs courts métrages de l’année 2013. De leur côté, les rendez-vous de janvier se précisent. Grâce au succès de notre campagne Ulule (merci encore à tous nos soutiens !), nous prévoyons un tout nouveau et beau site pour le début de l’année prochaine ainsi qu’une belle fête dont nous vous reparlerons très bientôt. Notre projection anniversaire (5 ans) aura lieu, elle, le jeudi 16 janvier prochain, comme d’habitude en présence d’équipes.

Tant qu’à cocher une date, en voici une deuxième pour votre agenda. La carte blanche Format Court offerte par le magazine Bref aura lieu dans un mois pile, le 14 janvier 2014, au MK2 Quai de Seine (la programmation est en ligne). À l’instar de nos projections aux Ursulines et en festival, elle offre un panorama éclectique de la jeune création française et européenne et intègre dans la programmation un ancien Prix Format Court, « Tussilago » de Jonas Odell (remis au festival Anima, à Bruxelles) et l’indémodable « Vivre avec même si c’est dur » de Marion Puech, Pauline Pinson et Magali Le Huche.

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Enfin, au lendemain de la cérémonie de clôture du festival de Vendôme lors de laquelle nous récompensé « Pour la France » de Shanti Masud, nous vous annonçons la création d’un nouveau Prix Format Court remis au prochain Festival Premiers Plans d’Angers (17-26 janvier), dans la catégorie Plans animés.

Voilà pour l’actualité de Format Court. En dernier « recourt », nous vous souhaitons quelque peu en avance 2014 découvertes et émotions, riches en courts métrages bien évidemment.

Katia Bayer
Rédactrice en chef

Pour La France de Shanti Masud, Prix Format Court au Festival de Vendôme 2013

Après avoir récompensé lors des précédentes éditions, « La Maladie blanche » de Christelle Lheureux (2011) et « Le Monde à l’envers » de Sylvain Desclous (2012), Format Court vient de primer un nouveau moyen-métrage, « Pour la France » de Shanti Masud au festival de Vendôme. Parmi les 22 films en compétition cette année, le Jury Format Court (composé de Fanny Barrot, Nadia Le Bihen-Demmou, Carine Lebrun, Mathieu Lericq et Marc-Antoine Vaugeois) a élu ce conte d’une nuit pour son sens du portrait, du mystère, de la fantaisie et du romantisme.

Pour la France de Shanti Masud. Fiction, 30′, 2012, France, La vie est belle films associés

Synopsis : Une nuit à Paris. Le passage de l’allemande Désirée dans la vie de Charles, France et Ivo. Le petit matin les découvrira changés.

Lors de la remise des prix, Shanti Masud a reçu son prix des mains de Katia Bayer, la Rédactrice en chef du site.

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© Julien Senelas

À l’instar des précédents Prix Format Court, le film de Shanti Masud bénéficiera d’un focus en ligne et sera projeté le jeudi 10 avril 2014 dans le cadre des séances Format Court, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème).

Palmarès du Festival de Vendôme 2013

Le festival de Vendôme s’est terminé hier soir. Voici le palmarès complet de la compétition nationale des courts métrages.

Grand Prix : Le Jour a vaincu la nuit de Jean-Gabriel Périot

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Cliquer sur l’image pour visionner le film

Prix spécial du jury : Petite Blonde d’Emilie Aussel

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Mention spéciale du jury : Petit Matin de Christophe Loizillon

Prix Format Court : Pour La France de Shanti Masud. Prix d’interprétation pour les comédiens du film : Friedelise Stutte, Sigrid Bouaziz, David Atrakchi, Bastien Bouillon

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Prix du jury jeune, Prix CinEcole en Vendômois : US de Ulrich Totier

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Prix du jury étudiant : Le Tableau de Laurent Achard

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Un jour, un court

Bonne nouvelle. À partir d’aujourd’hui, Format Court diffusera quotidiennement des films sur son site internet à l’occasion du Jour le plus Court. Ces films, pour certains chroniqués dans nos colonnes et diffusés dans le cadre de nos projections, seront accessibles jusqu’au dimanche 22 décembre à 8h. Profitez-en, les neuf bons films en ligne que nous vous proposons sont pour la plupart difficiles à voir et à trouver sur la Toile.

Jour 1 : 14/12 : Viejo Pascuero (Une petite histoire de Noël) de Jean-Baptiste Hubert, fiction, 3′, France, 1993

Synopsis : Au lendemain des fêtes de Noël, un gamin des bidonvilles de Santiago écrit au Père Noël pour se plaindre des cadeaux qu’il a reçus.

Jour 2 : 15/12 : Miniyamba de Luc Perez, animation, 14′, France, Danemark, 2012

Synopsis : Comme des dizaines de milliers de personnes qui chaque jour dans le monde quittent leur terre natale, Abdu, un jeune malien, a décidé de gagner l’Europe. Un voyage du fleuve Niger aux barbelés de l’enclave de Ceuta, où les rêves se confrontent à la dure réalité des migrants, avec au loin les lumières de l’Occident.

Articles associés : la critique du film, l’interview de Luc Perez

Jour 3 : 16/12 : Je sens le beat qui monte en moi de Yann Le Quellec, fiction, 32’12 », France, 2012

Synopsis : Rosalba, jeune guide touristique, souffre d’une affection inédite : la moindre mélodie provoque chez elle gesticulation et danse. Malgré ses ruses pour cacher son excentricité, ce corps indomptable pourrait bien séduire son collègue Alain.

Jour 4 : 17/12 : Jeunesses françaises de Stéphan Castang, documentaire/fiction, 19′, France, 2011

Synopsis : Des lycéens, cadre serré, répondent aux questions d’un conseiller d’orientation un peu agressif. Tour à tour, les adolescents se révèlent, plus dans la manière que dans l’anecdote, entre le vrai et le faux, entre fiction et documentaire.

Article associé : la critique du film

Jour 5 : 18/12 : Le Locataire diabolique de Georges Méliès, fiction, 7′, France, 1909

Synopsis : Un locataire doué de pouvoirs magiques sort de son sac de voyage tout son mobilier, et même les membres de sa famille !

Jour 6 : 19/12 : Fais croquer de Yassine Qnia, fiction, 21′, France, 2011

Synopsis : Yassine, jeune cinéphile passionné, veut tourner un film dans son quartier. Il souhaite associer ses amis d’enfance à son projet. Mais l’amitié a parfois ses travers….

Jour 7 : 20/12 : Le Silence sous l’écorce de Joanna Lurie, animation, 11′, France, 2009

Synopsis : Dans une forêt géante couverte d’un grand manteau blanc, de drôles de petites créatures découvrent la neige si blanche, si belle, si fascinante. Elle les emporte dans un tourbillon d’ivresse et de joie à la rencontre d’étranges phénomènes. Un conte nocturne plein de tendresse.

Jour 8 : 21/12 : Mississipi de Arash T. Riahi, expérimental, 6′, Autriche, 2005

Synopsis : « Mississippi » se réfère à certains égards à cette tradition, pour s’en détacher par ailleurs à travers le prisme de l’ironie. Ce qui, au début de Mississippi, fait penser à un dialogue savamment orchestré entre chaos naturel et structure abstraite se révèle à un moment donné être un concert formel absolument autonome. » Robert Buchschwenter

Jour 8 : 21/12 : Kwiz de Renaud Callebaut, fiction, 5’45 », Belgique, 2006

Synopsis : Dans la salle d’attente d’un hôpital deux dames âgées se livrent une bataille sans merci de connaissances musicales à l’aide de leurs sonneries de téléphones portables. Laquelle des deux ressortira grande gagnante de ce « kwiz » improbable ?

Silence Radio de Valéry Rosier

Déjà auteur du remarqué et remarquable « Dimanches »Valéry Rosier séduit à nouveau avec « Silence Radio », moyen métrage inspiré, présenté à Vendôme, qui suit les auditeurs de Radio Puisaleine, station locale de Picardie carburant à la nostalgie. Portraits d’anonymes en proie à la solitude, « Silence radio » questionne aussi brillamment la place de la mise en scène dans le documentaire.

Lucienne Delile, Berthe Sylva, Rina Ketty, les noms de ces chanteuses ne vous disent peut être rien mais elles passent en boucle sur les ondes de Radio Puisaleine, station picarde suivie par des auditeurs fidèles qui apprécient aussi Claude François, Jacques Brel, Daniel Guichard ou Charles Trenet. Chanteurs morts, oubliés ou même parfois ringards.

Valéry Rosier a choisi de filmer ceux qui font cette radio et ceux qui l’écoutent dans un montage qui alterne entre le collectif et l’intime. Dans un format habituellement réservé à la télévision (le 52 minutes), il fait de « Silence radio » un véritable objet de cinéma, oscillant entre le documentaire et la fiction.

D’abord en s’attachant au cadre et à la mise en espace de ses personnages il tend vers un travail photographique qui pourrait rappeler celui de Martin Parr, la moquerie en moins, ensuite, en choisissant de mettre en scène ces moments du quotidien, s’éloignant du principe de cinéma-vérité. L’auteur fait ainsi sans nul doute rejouer à ses personnages certaines scènes ou dialogues mais cette réalité « fictionnalisée » sert le film et sa construction sans jamais détourner le spectateur de son intérêt premier.

Ce qui frappe d’emblée dans le film est la puissance de ces personnages et leur inscription dans l’espace. Rosier transforme la Picardie en paysage cinégénique et y installe ses protagonistes comme de véritables héros de fiction. On ne connaît pas le processus de « casting » et comment le choix s’est opéré mais tous sont fantastiques. Chacun émeut, fait rire et touche.

Si le film de Valéry Rosier fait souvent rire (et fort), jamais il ne se place comme ont pu le faire avant lui certains réalisateurs de l’émission culte Striptease. Sa démarche semble directement plus inclinée vers une certaine mélancolie, sans toutefois toucher à la nostalgie (le fameux « c’était mieux avant »). La façon dont il témoigne de la solitude quotidienne, du manque d’affection et du pouvoir d’évocation d’une chanson ancienne sont autant de preuves de son talent de portraitiste à la manière d’un Sempé qui croquait ses contemporains avec une élégance certaine.

Amaury Augé

Consultez la fiche technique du film

S comme Silence radio

Fiche technique

Synopsis : La Picardie. La Picardie rurale. Des gens qui ne parlent parfois presque plus qu’à eux-mêmes. Des gens oubliés, en marge de la société. Les gens du silence. Certains d’entre eux s’accrochent à la vie, aux autres. Ils écoutent Radio PUISALEINE, une radio régionale. A travers elle, ils se parlent, se tiennent compagnie, échangent, rient, chantent, se replongent dans leur passé. Portrait d’une radio qui fait reculer l’exclusion et la solitude.

Genre : Documentaire

Durée : 52’

Pays : Belgique, France

Année : 2012

Réalisation : Valéry Rosier

Direction de la photographie : Olivier Boonjing, Mathieu Cauville

Son : Arnaud Calvar, Guilhem Donzel

Montage image : Nicolas Rumpl, Didier Vandewattyne

Montage son : Aurélie Valentin, Mathias Leone

Production : Need Productions, Perspective films, Papyrus Films

Article associé : la critique du film