Silence Radio de Valéry Rosier

Déjà auteur du remarqué et remarquable « Dimanches »Valéry Rosier séduit à nouveau avec « Silence Radio », moyen métrage inspiré, présenté à Vendôme, qui suit les auditeurs de Radio Puisaleine, station locale de Picardie carburant à la nostalgie. Portraits d’anonymes en proie à la solitude, « Silence radio » questionne aussi brillamment la place de la mise en scène dans le documentaire.

Lucienne Delile, Berthe Sylva, Rina Ketty, les noms de ces chanteuses ne vous disent peut être rien mais elles passent en boucle sur les ondes de Radio Puisaleine, station picarde suivie par des auditeurs fidèles qui apprécient aussi Claude François, Jacques Brel, Daniel Guichard ou Charles Trenet. Chanteurs morts, oubliés ou même parfois ringards.

Valéry Rosier a choisi de filmer ceux qui font cette radio et ceux qui l’écoutent dans un montage qui alterne entre le collectif et l’intime. Dans un format habituellement réservé à la télévision (le 52 minutes), il fait de « Silence radio » un véritable objet de cinéma, oscillant entre le documentaire et la fiction.

D’abord en s’attachant au cadre et à la mise en espace de ses personnages il tend vers un travail photographique qui pourrait rappeler celui de Martin Parr, la moquerie en moins, ensuite, en choisissant de mettre en scène ces moments du quotidien, s’éloignant du principe de cinéma-vérité. L’auteur fait ainsi sans nul doute rejouer à ses personnages certaines scènes ou dialogues mais cette réalité « fictionnalisée » sert le film et sa construction sans jamais détourner le spectateur de son intérêt premier.

Ce qui frappe d’emblée dans le film est la puissance de ces personnages et leur inscription dans l’espace. Rosier transforme la Picardie en paysage cinégénique et y installe ses protagonistes comme de véritables héros de fiction. On ne connaît pas le processus de « casting » et comment le choix s’est opéré mais tous sont fantastiques. Chacun émeut, fait rire et touche.

Si le film de Valéry Rosier fait souvent rire (et fort), jamais il ne se place comme ont pu le faire avant lui certains réalisateurs de l’émission culte Striptease. Sa démarche semble directement plus inclinée vers une certaine mélancolie, sans toutefois toucher à la nostalgie (le fameux « c’était mieux avant »). La façon dont il témoigne de la solitude quotidienne, du manque d’affection et du pouvoir d’évocation d’une chanson ancienne sont autant de preuves de son talent de portraitiste à la manière d’un Sempé qui croquait ses contemporains avec une élégance certaine.

Amaury Augé

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