Tous les articles par Katia Bayer

Festival d’Annecy, Off Limits

Cette année, le festival d’Annecy a réaffirmé sa relation privilégiée avec l’expérimentation et a proposé pour la deuxième année consécutive un corpus de 12 films labélisé « Off Limits », avec cette fois-ci un prix à la clef. Cette sélection a joué les sentinelles et est allé chercher aux frontières de l’animation et de l’expérimentation des films qui ne caressaient pas le spectateur dans le sens du poil.

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La séance débute par un film chinois en 3D « Magician Party and Dead Crow » (Moshushi dang yu si wuya) qui nous donne à voir quelques représentants d’un ancien monde peuplé de divinités étranges et inquiétantes. Le réalisateur Sun Xun court-circuite dès les premiers instants le cours du récit en s’invitant avec ses animateurs devant la caméra, nous montrant ainsi l’envers du décor et la mise en place de l’animation. Les rôles sont inversés : les dieux se retrouvent articulés devant nos yeux par de simples mortels. Malgré cette rupture brutale dans le dispositif, l’aura qui entoure ces êtres de légende continue à exercer une certaine fascination.

Le film suivant, « Virtuos Virtuell » est tout aussi fascinant. Réalisé à partir de tâches d’encres animées et accompagné par une musique d’orchestre, ce court-métrage allemand opère un savant mélange entre formes abstraites et figuratives associées avec justesse à une musique qui donne à la fois le rythme et la direction. Interactions, confrontations et poursuites : l’encre court sur la page blanche et semble agir comme une sorte de catalyseur d’émotions naviguant entre joie, colère et curiosité. Un véritable poème animé.

On sort de la quiétude de ce petit monde pour entrer dans la violence et le bruit de « Picture Particules ». Ici aussi, on s’adresse directement à nos sens mais cette fois-ci pour mieux les mettre à l’épreuve. Après « Hex Suffice Cache Ten » il y a deux ans, l’Allemand Thorsten Fleisch continue à explorer les zones tumultueuses de notre perception et passe un cran au dessus dans la radicalité, en nous offrant une sorte de magma d’images colorées et fulminantes accompagné de sons plutôt agressifs. Si l’on est attentif, on peut reconnaître quelques formes familières entre deux photogrammes. Selon le réalisateur, l’incursion de ces quelques images à des moments bien précis vise à capturer l’instant où l’oeil aperçoit dans son champ de vision ces particules en mouvement.

S’ensuit une petite promenade en plein air sur les marches de la butte Montmartre où l’on peut voir François Vogel déclamer avec un sympathique accent français un poème de Henri Michaux « Marchant Grenu » (ou plutôt Walking Grenu) dans la langue de Yeats. Le réalisateur de « Cuisine », « Stretching » et de « Terrains Glissant » poursuit ses expérimentations à base d’effets kaléidoscopiques et d’objectifs « fish eye », magnifiant le monde qui l’entoure de ses circonvolutions filmiques.

Réalisé par un ancien élève de l’école du Fresnoy (promotion Chris Marker), le film « Gli immacolati » de Ronny Trocker nous plonge dans un tout autre univers. Déjà présenté en sélection nationale au festival de Clermont Ferrand cette année, ce film explore à sa manière un lieu désaffecté et occupé par plusieurs familles rom. Le réalisateur prend le parti de déconstruire les a priori qui peuvent exister vis-à-vis de ce lieu et de ses occupants. La voix-off poursuit le même but : mettre à plat le processus qui a conduit un groupe de personnes d’un quartier à s’en prendre aux habitants de ce lieu. Avec des cadres épurés et une animation en 3D pleine de sobriété et d’inventivité, le réalisateur plante un décor et créé une ambiance qui lui permet de parler de façon inattendue d’un sujet qui demeure d’actualité depuis plus d’un siècle : le sort réservé par les Européens aux peuples itinérants.

On change complétement d’horizon avec « Theresia » qui nous propose une ballade improvisée conduite par Thomas Steiner. Le réalisateur autrichien n’en est pas à son coup d’essai : il réalise depuis 1986 des films expérimentaux où il travaille à la fois la peinture et la pellicule. Ici, il combine instinctivement ces différentes techniques les faisant évoluer dans l’espace, débordant du cadre et prenant de vitesse nos rétines. Le minimalisme des formes et la répétition des sons nous amène spontanément devant les portes de l’abstraction. Libre à nous de les entrebâiller.

Les portes refermées, l’esprit encore vagabond, les abstractions colorées se changent alors en « Corps Etrangers », titre du nouveau film de Nicolas Brault après notamment « Le Cirque » et « Hungu ». Il a reçu pour ce nouveau film le prix prix « Off-Limits ». Réalisé à partir de radios ou d’IRM de parties du corps humain, le réalisateur transforme ces « corps transparents » que l’on peut voir dans l’imagerie médicale moderne pour les amener assez naturellement à se mouvoir dans un espace obscur et indéterminé, à tel point que l’on en vient presque à oublier la provenance de ces images et découvrir chez certaines d’entre elles des parentés avec des méduses ou d’autres animaux marins qui hantent le fond des mers. Ce film a reçu le prix du film « Off-Limits ».

La séance se poursuit avec le nouveau film de Theodore Ushev, « 3e page après le soleil » dont la carrière a débuté dans le cadre d’une installation à la Cinémathèque québécoise et se poursuit maintenant en festival. Après « Gloria Victoria », « Drux Flux » ou encore « Les Journaux de Lipsett », Theodore Ushev prend une nouvelle direction et livre ici un film âpre et brut fait de matières et de couleurs où le support utilisé – le papier – est le thème central du film. Entre dématérialisation, rareté et recyclage, l’utilisation de ce matériau a beaucoup évolué ces dernières décennies. Partant du postulat que le livre est une espèce en voie de disparition et que son usage va bientôt tomber en désuétude, Theodore Ushev s’est demandé ce que nous allions faire des livres et il en a fait un film. S’inspirant du palimpseste (autrement dit de parchemins déjà annotés dont on a gratté les inscriptions pour y écrire à nouveau), il transforme un programme de festival en œuvre d’art.

Le film suivant, « Box » réalisé par l’Américain Tarik Abel-Gawad, aurait pu lui aussi être montré lors d’une exposition d’art. Il s’agit d’une performance en cinq étapes filmée en vrai-faux plan-séquence où a été intégrée avec ingéniosité une multitude de formes en 3D créées par ordinateur. L’alliance de ces techniques permet de produire en temps réel de véritables illusions d’optique qui trompent à chaque seconde l’œil qui les regarde. Oubliant vite le procédé, on est comme hypnotisé par ces structures qui se font et se défont sous nos yeux. Comme l’indique la célèbre citation de Arthur C Clarke qui clôt le film, « toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie ».

Les figures de « Portrait », dernier film en date de l’Italien Donato Sansone (aka Milkyeyes), n’ont rien de magique. Pourtant, elles recèlent en elles une inquiétante étrangeté qui les rend curieusement attirantes. Issues vraisemblablement d’une rencontre improbable entre les toiles de Francis Bacon et les Crados de Art Spiegelman et Mark Newgarden, ces gueules grimaçantes envahissent l’écran exhibant leurs visages grotesques et faussement statiques. S’ajoute à cela une ambiance sonore qui distille sans fioritures une certaine angoisse tandis que ces têtes flottent dans l’image comme dans une vision cauchemardesque. Après « Topo Glassato Al Cioccolato », Donato Sansone confirme son talent pour créer des atmosphères marquées par la peur et la monstruosité, et nous donne à voir ici une galerie de personnages tous les plus inquiétants les uns que les autres.

A l’origine, le film « E in Motion 2 » de Sumito Sakakibara était présenté dans un musée sur un écran à 360° sans qu’il n’y ait ni début ni fin. Dans la version présentée cette année au festival d’Annecy, la boucle a été remplacée par un mouvement latéral qui suit les pérégrinations des personnages. Le réalisateur japonais mélange mémoires personnelles et réinterprétations de tableaux de maîtres, mettant en avant le caractère cyclique de ces scénettes. Dès les premiers instants, cette splendide fresque impose son rythme au spectateur, le ramenant au présent et l’invitant à visiter un univers foisonnant, un peu comme si les tableaux de Pieter Brueghel et de Jérôme Bosch avaient été détournés par Banksy. Une véritable œuvre-monde.

Cette séance s’achève sur le nouveau clip d’Ugly Max Beer, « Invasion » réalisé par les français Hugo Ramirez et Olivier Patté (qui sont aussi les co-fondateurs de Moustache Studio, producteur du film). « Invasion » offre en quatre minutes un condensé de scènes archétypales du cinéma d’horreur. L’intérêt principal du film réside dans l’équilibre habile qui a pu être trouvé entre le sujet, la musique et la technique utilisée, un mélange de rotoscopie et d’aquarelles magnifiées par une musique dense et percutante.

Avec sa sélection « Off Limits » pour spectateur averti, le festival d’Annecy se dote d’un véritable laboratoire de curiosité où les films dialoguent en liberté. On souhaite de tout cœur une longue vie à ce programme.

Julien Beaunay

Luminaris de Juan Pablo Zaramella

Animation, 6’14, Argentine, JPZtudio

Synopsis : Dans un monde entièrement rythmé par la lumière, un homme ordinaire nourrit un projet qui pourrait bien tout changer.

« Luminaris », court-métrage du talentueux réalisateur argentin Juan Pablo Zaramella, transporte Buenos Aires dans un monde fantastique rythmé par la lumière. Monté en stopmotion, le film combine plusieurs styles, allant de l’art déco au surréalisme en passant par le burlesque et le néoréalisme. Ce métissage d’influences est directement en lien avec l’histoire de Buenos Aires ; la ville et sa population partageant plusieurs cultures. Aussi, le film est impressionnant tant par ses jeux d’ombres et de lumières que par sa gestion de la temporalité.

Zoé Libault

Retour en images sur la séance de juin, spéciale Cannes

Jeudi 12 juin 2014, notre dernier rendez-vous de l’année avait lieu au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) pour une séance spéciale Cannes, en présence du producteur et sélectionneur Olivier Chantriaux et l’équipe de « Aïssa » de Clément Tréhin-Lalanne, lauréat d’une Mention spéciale au dernier festival. Retrouvez toutes les photos de la soirée, signées Laura Bénéteau.

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Avec le producteur et sélectionneur Olivier Chantriaux

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Avec l’équipe de « Aïssa » : Clément Tréhin-Lalanne (réalisateur),  Pauline Seigland (productrice), Romain Le Bonniec (chef opérateur), Manda Touré (comédienne)

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Festival du Film Merveilleux et Imaginaire, le palmarès 2014

Ce weekend, s’est achevé le 5è Festival du Film Merveilleux et Imaginaire. Le jury composé de Lotfaï (Chez Lotfaï ), Cécilia Pietrzko (Grown kid), Laurence Lascary (productrice DACP), Onna Clairin (scénariste et comédienne), Marie Baron (Peermusic France), Katia Bayer (Rédactrice en chef Format Court)  et Julien Seri ( producteur réalisateur Daigoro films ) a récompensé les films suivants.

Palmarès

Prix du Meilleur Film : Strange Fruit de Noy Hili et Aresay Shimi (Israël)

Prix du Meilleur film d’animation : Dji death fails de Dmitri Voloshin (Moldavie)

Prix du Meilleur scénario : La maison de poussière de Jean-Claude Rozec (France)

Coup de coeur musical : Tears of steel de Ian Hubert (Pays-Bas)

Prix spécial (coup de coeur du Jury) : Lila de Carlos Lascano (Espagne, Argentine)

Prix Quiet Earth : Beyond the sphere de Meghdad Asadi Lari (Etats-Unis)

Mention spéciale pour La petite casserole d’Anatole de Eric Montchaud (France)

Festival du nouveau cinéma, appel à films

Le 43è Festival du nouveau cinéma aura lieu du 8 au 19 octobre 2014 à Montréal.  À la recherche de films, d’œuvres interactives et de performances pour sa prochaine édition, il vient de prolonger son appel à films. Envoyez-leur vos œuvres avant le 1er juillet pour peut-être faire partie de la programmation de cette année !

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POUR SOUMETTRE UN FILM (LONGS ET COURT MÉTRAGES)

Deux façons de soumettre un court ou un long métrage : via Zone Festival ou via Withoutabox

Pour plus d’information, vous pouvez écrire à soumissions@nouveaucinema.ca

POUR SOUMETTRE UNE ŒUVRE INTERACTIVE

Dans le cadre de la section FNC Lab et de son volet compétitif dédié aux œuvres interactives, le Festival est à la recherche d’œuvres qui expérimentent avec les nouveaux formats audiovisuels et les outils technologiques les plus innovants pour raconter une histoire, exprimer un concept et contribuer, plus activement que jamais, au cinéma de demain.

Les projets Web, transmédia et multiplateformes les plus originaux et audacieux seront retenus afin d’être présentés au public et seront éligibles au Prix Innovation (1000 $) remis chaque année.

Pour soumettre une œuvre interactive, veuillez envoyer la documentation suivante à innovation@nouveaucinema.ca :

– le titre de l’œuvre
– le nom de l’auteur (optionnel : brève biographie)
– l’année de production
– une brève description de l’œuvre
– un hyperlien, une vidéo ou un support visuel

POUR SOUMETTRE UNE PERFORMANCE

Le Festival du nouveau cinéma propose, dans la section FNC Lab, une série de performances au croisement des disciplines et des différentes formes d’expression ; moments de cohabitation privilégiés entre des artistes et des publics aux horizons les plus variés. Centrées sur le caractère « live » d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques, les performances forment un ensemble hétérogène de pratiques centrées sur la présence, le performatif et l’expérience perceptuelle des sons et des images.

Pour soumettre une performance, veuillez écrire à fnclab@nouveaucinema.ca

Le site du festival : Festival du Nouveau Cinéma

Son de Daniel Mulloy

Fiction, 16’33 », Royaume-Uni, 2007

Daniel Mulloy, prodige anglais du court métrage , a signé six très beaux films dans les années 2000 mais « Son » reste à ce jour le plus fulgurant de tous. Labyrinthique, fiévreux et magique, « Son » entraine le spectateur dans un dédale de couloirs souterrains est n’est jamais là où on l’attend, quelque part entre « Shinning  » de Kubrick et « Code Inconnu » de Haneke. La mise en scène de Mulloy, nerveuse est racée est fascinante – d’un bout à l’autre du couloir.

Amaury Augé

Festival Côté Court 2014, le palmarès

Le festival Côté Court s’est terminé ce weekend. En voici le palmarès en attendant la parution de notre focus.

COMPÉTITION FICTION

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GRAND PRIX FICTION, PRIX DE LA PRESSE : Bruocsella de Ian Menoyot

PRIX SPÉCIAL DU JURY : Peine perdue de Arthur Harari

MENTION SPÉCIALE DU JURY, MENTION SPÉCIALE DU JURY DU PUBLIC : TWE de Itvan Kebadian

PRIX D’INTÉRPRETATION FÉMININE : Flora Thomas pour Bruocsella de Ian Menoyot

PRIX D’INTÉRPRETATION MASCULINE : Lucas Harari pour Peine perdue de Arthur Harari

PRIX DE LA JEUNESSE : Rêves de lions de Ange-Régis Hounkpatin

PRIX DU PUBLIC : Animal Serenade de Beryl Peinard

MENTION SPÉCIALE DU JURY DE LA PRESSE : Geronimo de Frédéric Bayer Azem

PRIX DU GNCR : Ce qui me fait prendre le train de Pierre Mazingarbe

PRIX DU MEILLEUR PROJET DE FILM : Simon Legré pour son projet L’Ardoise magique

COMPÉTITION EXPÉRIMENTAL – ESSAI – ART VIDÉO

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GRAND PRIX EXPÉRIMENTAL-ESSAI-ART VIDÉO : Palais de Arash Nassiri

MENTION SPÉCIALE DU JURY : Le Parc de Tom de Pekin

PRIX DU PAVILLON : Eté 91 de Nadim Tabet et Karine Wehbé

PRIX SACEM DE LA MEILLEURE MUSIQUE ORIGINALE : Charbel Haber pour la musique de Eté 91 de Nadim Tabet et Karine Wehbé

PRIX ARTE CREATIVE : La Voie lactée de Marie Vermillard

Concours : gagnez des places pour la reprise du Festival d’Annecy au Forum des images

Quelques jours après le Festival international du film d’animation d’Annecy, le Forum des images accueille trois séances de courts métrages mercredi 25 et jeudi 26 juin. Format Court vous offre 15 places pour en découvrir le palmarès ainsi que la sélection de l’Agence du court métrage.

Intéressé(e)s ? Contactez-nous !

Mercredi 25 juin, 18h30 : Courts métrages primés (1è partie). Durée de la séance : 1h15. 5 places à gagner !

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Hasta Santiago de Mauro Carraro (France-Suisse 2013, couleur 12min45, vostf). Prix Sacem de la musique originale et Prix « Jean-Luc Xiberras » de la première œuvre

En sortant de l’école « Tant de forêts » de Burcu Sankur, Geoffrey Godet (France 2014, couleur 3min). Cristal pour une production TV

La testa tra le nuvole (La Tête dans les nuages) de Roberto Catani
(Italie 2013, couleur 7min50, sans dialogues). Mention du jury pour un court métrage

Tumble Leaf « Kite » de Drew Hodges (Etats-Unis 2014, couleur 12min50, vostf). Prix du jury pour une série TV

Peau « Instant T » de Perrine Faillet (France 2013, couleur 3min42). Prix du jury film de commande

An Adventurous Afternoon de Ines Christine Geisser et Kirsten Carina Geisser (Allemagne 2013, couleur 6min, version anglaise). Prix du jury films de fin d’études

La petite casserole d’Anatole de Éric Montchaud (France 2014, couleur 5min47). Prix du public court métrage

Interview de Mikkel Okholm (Danemark 2014, couleur 5min17, version anglaise). Prix du jury junior pour un film de fin d’études

Nul poisson où aller de Nicola Lemay, Janice Nadeau (Canada 2014, couleur 12min30, version française). Prix Fipresci

Wonder de Mirae Mizue (Japon-France 2014, couleur 8min08, sans dialogues). Prix “CANAL+ aide à la création » pour un court métrage

Mercredi 25 juin, 21h : Carte blanche à l’Agence du court métrage. Durée de la séance : 1h30. 5 places à gagner !

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Gli immacolati de Ronny Trocker (France 2013, 13’28, Ordinateur 3D)

1000 Plateaus (2004-2014) de Steven Woloshen (Canada 2014, 3’21, Dessin sur pellicule)

Ascension de T. Bourdis, M. De Coudenhove, C. Domergue, C. Laubry, F. Vecchione (France, 2013, 6’50,’ Ordinateur 3D Supinfocom)

É In motion n°2 de Sumito Sakakibara (Japon 2013, 12’, Dessin sur papier / Ordinateur 2D)

La Maison de Poussière de Jean-Claude Rozec (France 2013, 11’35, Éléments découpés, Ordinateur 2D)

Ex animo de Wojciech Wojtkowski (Pologne 2013, 6’52, Dessin sur papier / Ordinateur 2D)

Beauty de Rino Stefano Tegliafierro (Italie 2014, 9’49, Éléments découpés)

Padre de Santiago ‘Bou’ Grasso (France / Argentine 2013, 11’45, Marionnettes)

By the Stream de Otto Tang (États-Unis 2013, 2’41, Ordinateur 2D)

La Faillite de Jean-Nicolas Arnoux (France 2014, 2’27, Ordinateur 2D)

Timber de Nils Hedinger (Suisse 2014, 5’25’, Éléments découpés)

Man on the Chair de Dahee Jeong (Corée du sud 2014, couleur 6min55 vostf), Cristal du court métrage

Jeudi 26 juin, 18h30 : Courts métrages primés (2è partie). Durée de la séance : 1h10. 5 places à gagner !

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Patch de Gerd Gockell (Allemagne-Suisse 2014, couleur 3min20, sans dialogues). Prix du jury court métrage

Le Parfum de la carotte de Rémi Durin, Arnaud Demuynck (France-Belgique-Suisse 2014, couleur 27min). Prix du jury pour un spécial TV

Nepia « Tissue Animals » de Fuyu Arai (Japon 2013, couleur 1min40, sans dialogues). Cristal pour un film de commande

Through the Hawthorn de Anna Benner, Pia Borg, Gemma Burditt
(Grande-Bretagne 2013, couleur 8min48, version anglaise). Prix Festivals Connexion – Région Rhône-Alpes en partenariat avec Lumières Numériques

Histoires de bus de Tali (Canada 2014, couleur 10min40, version française). Prix du jury junior et Mention du jury pour un court métrage

Corps étrangers de Nicolas Brault (Canada 2013, couleur 4min13, sans dialogues). Prix du film « Off-Limits »

The Age of curious de Luca Toth (Grande-Bretagne 2013, couleur 7min40, version anglaise). Mention du jury films de fin d’études

The Bigger Picture de Daisy Jacobs (Grande-Bretagne 2014, couleur 7min, version anglaise). Cristal du film de fin d’études

Man on the Chair de Dahee Jeong (Corée du sud 2014, couleur 6min55 vostf). Cristal du court métrage

Carte blanche Format Court au Festival de Grenoble

Cette année, notre équipe attribuera pour la première fois un Prix Format Court lors du prochain Festival du Film Court en plein air de Grenoble (1-6 juillet 2014). Notre site bénéficiera par ailleurs d’une carte blanche présentée mercredi 2 juillet, en séance de minuit, à la Cinémathèque de Grenoble. La séance sera présentée par Camille Monin et Katia Bayer.

Programmation

Die Schaukel des sargmachers d’Elmar Imanov. Fiction, Allemagne, 30′, 2012, Internationale Filmschule Köln. Grand Prix du film court de la Ville de Brest 2013

Synopsis : Yagub vit avec Musa, son fils handicape mental, avec qui il perd vite patience, jusqu’au jour où le docteur lui annonce une nouvelle dévastatrice qui entraine un changement soudain.

Article associé : le reportage consacré au Festival de Brest

Conversation Piece de Joe Tunmer. Expérimental, Fiction, 7′, 2009, Royaume-Uni. New Treatment

Synopsis : Un dimanche matin, Jean remarque que son vase préféré a été ébréché. Elle accuse Maurice, son mari, qui nie en bloc. Mais Jean veut absolument savoir ce qu’il s’est passé. Dans cette extraordinaire comédie musicale, chaque syllabe prononcée correspond à une note précise de « Conversation piece », un morceau improvisé en 1966 par le cornettiste de jazz rex Stewart.

Article associé : le reportage Programme Films de musique

Bisclavret de Emilie Mercier. Animation, 14′, 2011, France. Folimage Valence Production. Grand Prix Média, Prix Émile Reynaud au Festival de Bruz 2011

Synopsis : Une dame, épouse d’un Baron, s’aperçoit que son mari s’absente souvent et le questionne : il lui avoue qu’il se dénude et devient Bisclavret. Transformé en loup, il saccage, pille et tue. Effrayée et prise de dégoût, la dame révèle ce secret à un chevalier qui lui fait la cour depuis longtemps…

Articles associés : la critique du filml’interview d’Emilie Mercier

Anima de Simon Gillard  Documentaire, 18′, 2013, Belgique, INSAS. Prix Format Court au Festival Filmer à tout prix 2013

Synopsis : Parmi les hommes et leurs gestes, bruts et graves, une âme se libère. Elle s’extrait de notre monde dans un curieux voyage, une traversée par les airs de cet étrange village de l’ouest Africain. Ses images puissantes et évocatrices se mêlent aux sonorités entêtantes, pour nous donner à voir, sans limites, ce rêve éveillé.

Article associé : l’interview de Simon Gillard et Juliette Van Dormaella critique du film

Footing de Damien Gault. Fiction, 17′, 2012, France. La Vie est Belle Films Associés. En sélection au Festival de Vendôme 2012

Synopsis : Un matin d’hiver. Marco part avec son père pour un footing de huit kilomètres. La conversation est difficile. En chemin, on comprend qu’un fossé s’est creusé entre Marco, parisien venu passer quelques jours à la campagne, et Jean-Claude, gendarme à la retraite peu ouvert au dia- logue. Pourtant l’amour est bien présent, mais les barrières et la pudeur l’empêchent de s’exprimer.

Article associé : la critique du film

M’échapper de son regard de Chen Chen. Animation, 3’40′, 2010, France, La Poudrière.  Prix de la Meilleure Musique Originale (SACEM) au Festival de Clermont-Ferrand 2011

Synopsis : Un jour, Monsieur Wang remarque qu’il y a un coq sur un marché qui le regarde.

Shanti Masud : « Je fais des films pour analyser mes rêves, les retranscrire et pour en sortir au bout du compte »

Lors de la dernière édition du festival de Vendôme, Format Court avait décerné son prix annuel à « Pour la France » de Shanti Masud. Son dernier opus « Métamorphoses » nous a également tapé dans l’œil lorsque nous l’avons découvert aux Rencontres du moyen-métrage de Brive cette année. Voici notre entretien avec Shanti Masud, jeune réalisatrice ultra-prolifique qui revient pour nous sur son parcours, sur sa cinéphilie transversale et sur ses méthodes de travail.

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Comment es tu arrivée au cinéma ?

Quand j’étais petite, je me souviens que mon père n’aimait pas l’idée que la culture française rentre chez nous. Tout ce qui était variété , cinéma français lui faisait horreur. On regardait les pièces de Shakespeare retransmises sur France 3 et les péplums. Mon père avait une passion pour le cinéma hollywoodien et pour la musique classique. J’ai donc développé d’abord un rapport très fort aux classiques, et certaines œuvres m’ont profondément marquée. La vision d’un film comme « Le Magicien d’Oz » de Victor Flemming fut un vrai choc, avec cette manière de créer tout un univers en studio, l’utilisation de la couleur, les chansons, et surtout le récit initiatique de Dorothy qui nous emmène dans cette aventure incroyable ! J’ai revu le film récemment, et je me suis rendu compte qu’il n’avait pas pris une ride.

Un autre film initiatique qui m’avait bouleversée quand j’étais enfant, c’est « L’Oiseau Bleu », un film avec Shirley Temple qui raconte l’histoire d’un frère et d’une sœur qui voyagent dans le monde des rêves. En le revoyant aujourd’hui j’ai compris quelque chose : ce qui me touche, ce qui me bouleverse au cinéma, c’est lorsque s’y déploie le récit d’aventures intenses qui peuvent s’apparenter aux périples d’un cauchemar ou d’un rêve agité. À la fin du « Magicien d’Oz », Dorothy s’éveille et répète plusieurs fois : « There’s no place like home ». Je fais aussi des rêves très agités dans lesquels je vis des aventures complètement folles. Je pense que je fais des films pour analyser mes rêves, les retranscrire et pour en sortir au bout du compte.

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Tu n’as pas fait d’école de cinéma, mais tu es passée par Paris 8. En quoi consistait son enseignement ?

J’y ai fait une formation documentaire sous la direction de Claire Simon. J’y ai également fait la rencontre d’un ami et collaborateur précieux, Arthur Harari. Claire nous a un peu déniaisés en nous disant que si nous voulions filmer le réel ,il fallait d’abord se tourner vers nos proches, familles et amis pour trouver une matière documentaire forte. Elle nous a mis des caméras dans les mains et nous as poussés à aller vers ce qu’elle appelle le « personnage réel », à s’interroger sur le geste de filmer quelqu’un sans trahir son regard ni son sujet. Cette notion m’a beaucoup marquée et a conditionné ma manière de fabriquer mes premiers films.

J’ai cru comprendre que tu t’étais affranchie de ton attachement à tes premiers amours du cinéma français, en particulier celui de Pialat, découvert à ton adolescence.

Quand j’étais au lycée, je me souviens avoir dit à mon meilleur ami de l’époque qui était très cinéphile : « J’aimerais voir un film qui ressemble à la vraie vie ». Il m’a montré les films de Maurice Pialat, ce qui m’a ravie car j’ai découvert par ce biais-là un cinéma que je ne connaissais pas du tout. Pialat réussit à rendre compte d’une vérité d’une manière sublime, c’est un peintre du réel.

Tu as commencé à travailler avec les caméras Super 8 lors de ton apprentissage à Paris 8, une composante essentielle dans ton travail de cinéaste depuis tes débuts et jusqu’à aujourd’hui.

J’en suis venue à travailler avec des caméras Super 8 par le biais d’Arthur et de mon copain de l’époque qui en utilisaient beaucoup. J’étais émerveillée, j’apprenais à me servir d’un objet qui fabriquait des images magnifiques qui retranscrivaient déjà quelque chose de l’ordre du passé, de la nostalgie. J’avais la sensation de faire de la magie avec cette caméra, et je ne m’en suis jamais détachée par la suite. Je viens d’ailleurs d’achever le montage de « While the unicorn is watching me », un court-métrage dans lequel joue Nicolas Maury (un des acteurs de « Métamorphoses »), un film érotique tourné intégralement en Super 8.

Mon premier court-métrage était réalisé sur le même support. Il date de 2004 et s’appelait « L’Appel ». J’y faisais le portrait documentaire d’un jeune soldat que j’avais rencontré sur les routes d’Ardèche alors que je rentrais du festival de Lussas. J’ai réalisé ensuite un court-métrage expérimental intitulé « The place we want to go » dans le cadre de la fac, que j’ai aussi tournéseule avec ma caméra Super 8.

D’une approche documentaire vériste, tu es passée par les formes expérimentales avec le diptyque composé de « Don’t touch me please » et « But we have the music » pour arriver à des formes plus fictionnelles dans « Pour la France » et dans « Métamorphoses », ton dernier moyen-métrage. Il y a néanmoins un fil conducteur qui traverse ta filmographie, c’est ce travail autour du portrait qui s’accompagne progressivement d’une recherche d’alchimie avec la musique puis le verbe.

L’approche documentaire que j’ai entreprise via l’enseignement de Claire Simon m’a poussée à considérer avec respect et pudeur les individus que je filmais. Filmer le visage de quelqu’un qui se confie, qui se révèle ne va pas de soi. On nous a appris à écouter et à regarder les autres dans ces ateliers documentaires. J’ai réalisé beaucoup de portraits sur ce mode là, et j’ai longtemps pensé que la réalité suffisait et que tout ce qu’elle donnait était bon à prendre. C’était faux, évidemment, mais le fait d’être passée par cet apprentissage m’a donné des clefs pour appréhender le réel et surtout pour regarder les gens, leur visage.

Avec le diptyque « But we have the music » et « Don’t touch me please », le projet consistait à réaliser quelque chose de simple, d’économique tout en cherchant une certaine joliesse. Je voulais travailler une narration à partir d’un fil conducteur très ténu, en mettant en place un dispositif qui construirait un rapport entre la photographie et le cinéma. J’écoutais également beaucoup de musique, et j’ai mis en place ce principe : une cartouche de pellicule Super 8 permet de filmer en continu pendant trois minutes, ce qui est aussi la durée standard d’une chanson pop. J’ai donc réalisé une suite de portraits d’individus qui composaient mon entourage de l’époque en filmant leurs visages, avec pour bande sonore des chansons pop. J’avais trouvé une forme qui me permettait d’être complètement en adéquation avec l’endroit créatif où je me trouvais à ce moment-là, tout en fabriquant un objet qui pouvait plaire à d’autres spectateurs.

Avec « Pour la France » et « Métamorphoses », tu te diriges plus franchement vers la fiction en passant par les personnages, le texte et le jeu d’acteur. Tu intègres également des éléments ouvertement fantastiques à ces récits. Tu les matérialises en passant par des effets spéciaux artisanaux que l’on retrouve dans chacune de tes productions récentes.

« Pour la France » est le premier film dont j’ai accouché comme d’un enfant, car sa gestation fut très longue. Il s’agit du premier film que j’ai écrit, et j’ai mis beaucoup de temps à trouver un producteur et des financements. J’ai même eu plusieurs fois l’envie de jeter le scénario à la poubelle, de le désavouer complètement. Mais j’ai réussi à faire le film, et je suis très contente du résultat. Je voulais arriver à filmer des visages, des personnages mélancoliques et à intégrer certains éléments qui relèveraient presque de la magie, ainsi que des éléments comiques pour désamorcer la lourdeur d’un récit assez ampoulé.

Avec « Métamorphoses », je voulais revenir frontalement à ce travail autour du portrait en allant vers de nouvelles formes. Pour ce faire, il fallait passer à des couleurs flamboyantes, travailler avec des fabricants d’effets spéciaux, des costumières, tout un aspect technique de la réalisation d’un film que je ne connaissais pas encore. J’ai réussi à m’affranchir de l’idée qu’un film est juste le pur produit d’«un auteur avec sa caméra», et qu’il est important de considérer tous les acteurs de la fabrication d’un film, des techniciens aux producteurs jusqu’aux financiers.

Dans « Métamorphoses », comme dans tes autres films, tu assumes des envies et des partis pris assez gonflés. Tu filmes tes personnages déclamant des monologues face caméra qui sont autant de cris du cœur liés à une rupture ou à une rencontre amoureuse, avec pour contre-champs le vide infini de l’espace comme seul réceptacle capable d’accueillir leurs paroles. Il s’en dégage une forme de pureté, une lecture au premier degré des affects de ces personnages.

Je déteste le second degré au cinéma, j’espère que personne ne peut ressentir cela à la vision de mes films. J’écris et réalise mes films au premier degré, c’est-à-dire pour moi, je pense à mon plaisir et à mes envies avant toute chose. J’ai écrit huit textes très chargés en peu de temps, de façon très intense avec un besoin de transformer des sensations en cris stridents qui résonnent dans l’espace. Pour que ce film fonctionne, il fallait que tous les aspects de sa conception aillent dans la même direction : il fallait des acteurs talentueux qui aillent à fond dans leur jeu, que les maquillages soient ahurissants, que les effets spéciaux soient aussi délirants que les textes que j’avais écrit. J’ai énormément travaillé, et je suis contente du film et contente de mes textes. On peut trouver le résultat ampoulé, dire que cela frôle le grotesque mais j’en suis parfaitement consciente et l’assume car c’est ce que j’aime.

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Aujourd’hui, vers quoi tendent tes envies de réalisatrice ? Quels sont tes projets ?

Je prépare un court-métrage avec Lucas Harari et un autre acteur que j’adore, qui s’intitule « Jeunesse ». Je veux explorer d’autres horizons, aller du coté de l’océan tout en conservant cette volonté d’expérimentation, en tournant ce film en studio notamment. J’ai un projet beaucoup plus lointain qui s’appelle « Young », un projet de comédie et un film tragique sur l’enfance qui travaillerait les notions de rêve et de cauchemar… dans un récit d’aventure.

Propos recueillis par Marc-Antoine Vaugeois

Article associé : la critique de « Pour la France »

Il fait beau dans la plus belle ville du monde de Valérie Donzelli

Fiction, 12′12″, France, 2007, Les Productions Balthazar

Synopsis : Adèle, une jeune trentenaire, décide de rentrer en contact avec Vidal, un musicien qu’elle admire. À sa grande surprise, celui-ci lui répond. Quelques messages sont échangés et une date de rendez-vous est fixée. Avec beaucoup d’enthousiasme, Adèle va à la rencontre de Vidal. Mais il y a une chose qu’elle n’a pas précisée : elle est enceinte.

« Il fait beau dans la plus belle ville du monde », le deuxième court-métrage de Valérie Donzelli, est une romance estivale qui rappelle les films de la Nouvelle Vague. L’actrice/ réalisatrice joue avec les codes du cinéma de cette époque et s’en moque crûment aussi bien sur la forme (sons trop bruts et désynchronisés avec l’image faite avec une Super 8 donnant au film un aspect désuet) que sur le fond (comédie sentimentale à l’eau de rose entre deux protagonistes un peu gauches et incompatibles vivant une rencontre loufoque). Donzelli utilise son décor comme un personnage supplémentaire du film et fait déjà preuve de cette patte « comique/ auteurisante » qu’on retrouvera plus tard dans ses longs-métrages.

Camille Monin

Alain Resnais par l’entrée des artistes

Mardi 10 juin 2014, l’association Documentaire sur grand écran consacrait une soirée spéciale à Alain Resnais lors de son rendez-vous mensuel Doc&Doc au Forum des images. « Alain Resnais par l’entrée des artistes – carte blanche à Hervé Gauville » proposait pour l’occasion de découvrir les premiers films – tous des documentaires sur l’art – du réalisateur disparu il y a peu. Après avoir mis en ligne un concours spécial Resnais, Format Court vous propose d’en savoir plus sur les deux programmes proposés ce soir-là, images et films à l’appui.

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Retrouvez dans ce dossier :

– Alain Resnais et le documentaire d’art (1è partie)

Alain Resnais, l’art plastique et la peinture (2ème partie)

Alain Resnais et le documentaire d’art

L’association Documentaire sur grand écran a consacré le 10 juin dernier au Forum des Images une carte blanche à Hervé Gauville intitulée “Alain Resnais par l’entrée des artistes”. Les films choisis ont offert aux spectateurs la possibilité d’appréhender sous un angle parfois méconnu l’oeuvre d’Alain Resnais, alors jeune cineaste L’ensemble des films montrés – en 35 mm, chose de plus en plus rare – a été réalisé à la fin des années 40 et au début des années 50, élement reconnaissable aux voix et aux musiques quelque peu datées.

Après une première partie de programme ayant mis l’accent sur les artistes au travail (Alain Resnais, l’art plastique et la peinture), la deuxième partie proposait de s’imprégner des oeuvres et par là même de rechercher dans ces travaux l’empreinte de leurs créateurs. En replaçant ces films dans une perspective historique, on peut voir ces deux séances comme un voyage vers les sources de ce qu’il est convenu d’appeler le “documentaire d’art”.

En (re)voyant les courts-métrages “Van Gogh”, “Gauguin” et “Guernica”, on est témoin de choix de mises en scène qui vont profondément marquer la représentation de la peinture au cinéma et à la télévision. L’objectif de la caméra se situe au plus près de la peinture de Van Gogh, Gauguin et Picasso, le grand écran permet de donner des proportions inédites aux détails d’une toile, révélant ainsi chaque coup de pinceau du peintre ; les mouvements de caméra donnent une impression de mouvement aux toiles.

Malgré l’absence de couleurs, le regard sur ces tableaux se retrouve densifié et harmonisé : déconstruisant les perspectives, inventant de nouveaux liens entre les compositions, Alain Resnais et ses co-réalisateurs amènent le spectateur à appréhender avec un autre regard le tableau qui lui est montré. Le soin tout particulier donné au montage permet de donner un sens alors inédit et une cohérence singulière entre les oeuvres.

Toutefois, on peut s’interroger sur l’utilisation du noir & blanc quand on connaît l’utilisation qu’en font Van Gogh, Gauguin et Picasso. Le réalisateur apporte des précisions dans l’un de ses entretiens : « Ce noir et blanc m’intéressait parce qu’il m’offrait le moyen d’unifier le film indépendamment de son contenu. Comme les tableaux n’étaient pas choisis en fonction de leur chronologie, cela me permettait une libre exploration spatiale, un voyage dans le tableau, sans souci d’une hétérogénéité que m’aurait imposée la couleur. J’avais toujours voulu tenter cette sorte de déplacement à l’intérieur d’un matériau plastique qui me laisserait toute liberté de montage… » (Alain Resnais à propos de son film “Van Gogh” – extrait de l’ émission de France Culture, « La Nouvelle Fabrique de l’histoire » du mardi 18 juillet 2006)

Alain Resnais se sert des tableaux pour nous raconter une histoire. Dans “Guernica”, le réalisateur montre des dessins préparatoires ainsi que des détails du tableau de Picasso. Avec les mots inspirés par Paul Eluard, la voix off nous plonge dans l’horreur qui a eu lieu dans la capitale historique du Pays Basque espagnol lors de son bombardement en 1937. Ici, le texte va de concert avec l’émotion qui avait pu saisir Picasso en apprenant ce qu’il avait pu se passer, mais aussi les intentions que le peintre avait pu avoir en peignant la toile.

Dans les deux courts-métrages suivants, “Van Gogh” et “Gauguin”, l’intention semble différente : les tableaux servent de support pour illustrer la vie de leurs auteurs. Bien que les détails des peintures soient la seule matière du film, c’est pourtant la voix du narrateur qui leur donne un sens, détournant ainsi celui détenu par les toiles. Ainsi, dans “Van Gogh”, on assiste aux étapes restées célèbres de la vie du peintre, la voix-off donne le ton et souligne son destin tragique. Malgré cela, le regard des autoportraits de Van Gogh adressés au spectateur par le biais de la caméra continue de nous questionner.

Questionner le spectateur c’est l’un des objectifs primordial du premier film de ce programme : “Les statues meurent aussi”. Au départ, il s’agit d’un film co-réalisé avec Chris Marker à la demande du collectif Présence africaine en 1951 sur ce qu’il était coutume d’appeler à cette époque “l’art nègre”. Très vite, les deux réalisateurs se sont appropriés le sujet et en sont venus à se poser la question suivante : « Pourquoi l’art nègre se trouve t-il au musée de l’Homme alors que l’art grec ou égyptien se trouve au Louvre ? » Pour y répondre, ils produisent un discours qui déconstruit méthodiquement la hiérarchisation des arts et les mécanismes d’oppression qu’elle induit, tout en dénonçant déjà “la muséification” du monde (“un art qui devient une langue morte”) et la marchandisation de l’art par l’Occident.La démarche de Alain Resnais et Chris Marker dans ce film tend à vouloir redonner à toutes ces oeuvres d’art anonymes africaines la place qui est la leur au sein de l’Histoire de l’Art. De multiples rapprochements avec les arts des différentes civilisations sont habillement entrepris, A noter le magnifique travail du directeur de la photographie Ghislain Cloquet qui éclaire avec justesse les oeuvres, contribuant ainsi à les faire voir sous un nouveau jour.

Le comité de censure de l’époque n’a pas été du même avis. Le film fût été amputé d’un tiers, censuré pendant plus de 10 ans. L’équipe du film et en premier lieu les réalisateurs et le producteur ont eu par la suite beaucoup de mal à retravailler pendant plusieurs années.

Malgré les problèmes rencontrés à la sortie du film et sa réception tardive par le public, « Les statues meurent aussi » reste un film important, nécessaire et véritablement d’avant-garde principalement par la représentation des arts et du monde qu’il donne à voir. Par certains aspects et malgré les années, il demeure encore d’actualité, comme on le voit par exemple dans la marchandisation de l’art (le prix astronomique d’une toile de Van Gogh aujourd’hui) mais aussi les questionnements qui entourent la définition que l’on peut donner à une oeuvre d’art et la place qui leur est assignée dans les musées.

Julien Beaunay

Alain Resnais, l’art plastique et la peinture

Figure incontournable du cinéma français, Alain Resnais signait son dernier film encore en début 2014, quelques semaines à peine avant sa mort. Le 10 juin dernier, a eu lieu au Forum des Images une rétrospective importante des premières œuvres du cinéaste, au travers d’une carte blanche offerte par Documentaire sur grand écran à l’écrivain Hervé Gauville. L’occasion de revisiter les tous débuts d’une grande filmographie unique et engagée, de rares perles tombées dans l’oubli du grand public.

Déclinés sur deux programmes, les films programmés témoignent de l’intérêt particulier chez l’auteur pour les autres disciplines artistiques, intérêt qui traversera d’ailleurs toute son œuvre. En particulier, l’art plastique de l’après-guerre fait l’objet de ses premiers films. Tout comme « Nuit et Brouillard », véritable référence du cinéma de la mémoire, sa première période comprend essentiellement des courts métrages.

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Le premier programme s’ouvre avec le seul titre qui fait exception, une fiction intitulée « La bague » avec l’acteur Marcel Marceau. Un film muet à la manière du film muet, ce très court met en scène une pantomime avec le talentueux et versatile ‘Bip’ interprétant tout seul une histoire d’amour éculée, jouant tour à tour tous les rôles. Dès cette première œuvre, Resnais questionne les codes du septième art et interpelle son spectateur avec des procédés de distanciation affinés. D’une part, le montage opère sa magie a posteriori et fait côtoyer des personnages interprétés par le même comédien de manière convaincante. D’autre part, l’absence quasi totale de décor fait appel à un grand degré de willing suspension of disbelief (suspension consentie de l’incrédulité).

Les six autres titres de cette première sélection traitent de l’art plastique et la peinture. Sortes de « Mystère Picasso », une décennie avant le film culte de Georges-Henri Clouzot, ces courts métrages proposent un portrait ‘de première main’ de personnalités issues de différents mouvements de l’époque, avec un regard documentaire à la manière du Nouveau Cinéma qui allait vite caractériser le travail d’Alain Resnais.

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Il est intéressant de constater dans chacune de ces petites vignettes une parfaite adéquation entre forme et fond, le style adopté par Resnais faisant écho à l’artiste montré. Dans « Félix Labisse », par exemple, la complexité des sujets, brassant la philosophie, la religion, la sexualité…, est rendue par un éclatement narratif, collant des bouts de phrases les uns aux autres à la manière d’un cadavre exquis surréaliste. « Lucien Coutaud » explore de la même façon l’unique mélange de cubisme et d’expressionnisme sur fond de l’Eroticomagie propre à l’artiste éponyme. « Domela » contextualise l’artiste néerlandais Cesaro Domela dans le mouvement De Stijl dont il fut un membre actif, alors que « Hans Hartung » retrace les coups de pinceau de l’artiste franco-allemand que l’on associe à la veine tachiste de l’art abstrait.

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Dans le cas des films sur Henri Goetz et sa femme Christine Boumeester, le réalisateur propose une bande son jusque-là absente, une partition programmatique bien élaborée dans les deux cas. « Christine Boomeester » (sic) présente la peintre devant une œuvre en devenir et donne l’impression de suivre sa création en temps réel, leurrant le spectateur par une série de coupes lisses et de fondus. Avec sa durée ambitieuse de 23 minutes, « Henri Goetz » est peut-être l’œuvre la plus élaborée de la sélection. Traçant le parcours de l’artiste franco-américain de ses débuts surréalistes vers l’abstraction totale, le film s’appuie sur une tension dramatique marquée, évoquant ainsi une urgence et une frénésie liées à l’acte de peindre comme besoin primaire. Des portraits dits conventionnels à l’univers boschien, Resnais parvient à capturer le psychologisme de l’artiste devant sa création. La touche finale – Goetz pose nonchalamment sa signature avant que la toile se mette à brûler devant la caméra. À coup sûr, ces œuvres sont destinées à être filmées et n’ont pas d’autonomie en dehors du film.

Comme pour ne pas éclipser le médium pictural, la contrainte technique du noir et blanc au cinéma semble justifier la démarche de Resnais (comme d’ailleurs celle de Clouzot), et se présente comme source de frustration tout en suggérant avec force le chromatisme des ces toiles multicolores.

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Dans tous ses portraits, le spectateur assiste à un dialogue intime entre l’artiste et son œuvre, et à la création artistique elle-même. L’œuvre naissante prend vie sous l’œil dynamique de la caméra et s’anime, se décompose et se recompose grâce au montage, pour devenir un objet hybride, ni purement tableau ni seulement film. L’un met au monde l’autre, mais n’existe pas sans l’autre. Ces collaborations offrent la parfaite concertation entre cinéma et art, et témoignent de la prouesse que Resnais déploierait plus tard dans ses fictions.

Adi Chesson

Lire aussi : Alain Resnais et le documentaire d’art

Appel à films : Festival Courts des îles

Le Festival international du court-métrage de fiction des îles du Monde, Courts des îles, dédié aux réalisateurs nés sur une île dans le Monde entier, organise à Tahiti sa deuxième édition, du 8 au 16 novembre 2014. L’appel à films est désormais en ligne, pour toute personne intéressée.

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Conditions de participation

Seuls peuvent être inscrits les films répondant aux critères ci-dessous :

– avoir été réalisé par un réalisateur né sur une île
– n’excédant pas 20 minutes, génériques inclus,
– présentant les caractéristiques d’une œuvre de court-métrage de fiction ou d’animation,
– avoir été tourné au minimum en HD (1920 x 1080),
– respectant les lois en vigueur concernant les droits d’auteur et la propriété intellectuelle,
– être en version française ou anglaise, ou en version originale sous-titrée en français ou en anglais.

La participation au Festival international du court-métrage de fiction des îles du Monde est gratuite. Le thème est libre. Ne seront pris en compte que les films répondant aux critères ci-dessus indiqués.

Plus d’infos sur : www.courtsdesiles.com

Short Screens #39 : Music in the Air

Des accompagnements au piano des films muets aux bandes originales mythiques, musique et cinéma ont toujours entretenu un rapport fusionnel. En ce mois de juin qui célèbre la fête de la musique, Short Screens vous propose sa dernière séance de la saison 2013-2014. En attendant la reprise des séances mensuelles en septembre, venez apprécier une programmation composée de sept courts métrages, autant de variations mélodieuses et rythmées sur ce langage universel.

Rendez-vous le jeudi 26 juin à 19h30, Cinéma Aventure, Galerie du Centre 57 (rue des Fripiers), 1000 Région de Bruxelles, PAF 6€

Un projet à l’initiative de l’asbl Artatouille et Format Court

Programmation

MORGENROT/Jeff Desom/ Luxembourg/ 2009/ expérimental/ 3’35
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Un piano en flammes tombe d’un building en 1920 à New York.

Article associé : la critique du film

MIENTRAS NUEVA YORK SUENA /David Moreno/ Espagne/ 2013/ documentaire/ 24′
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Film documentaire qui parcourt la ville de New York à la rencontre de musiciens de rue qui vivent pour et par la musique, parfois comme métier, d’autres comme hobby ou comme thérapie.

THE MELODY OF CHOICE /Vera Mulyani/ Etats-Unis/ 2012/ fiction/ 15’30
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La Mélodie du choix raconte la vie d’un garçon en Louisiane, un petit génie au destin de récupérateur d’ordures.

BETTY’S BLUES /Rémi Vandenitte/ Belgique/ 2013/ animation/ 12′
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Un jeune guitariste tente sa chance dans un vieux bar de blues de Louisiane. Il évoque la légende de Blind Boogie Jones, dans la Nouvelle-Orléans des années 1920. Une histoire d’amour et de vengeance.

Article associé : la critique du film

MELODIE POUR AGNES /Marrie Larrivé et Camille Authouart/ France/ 2013/ fiction-animation/ 10′
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Poème amoureux dans lequel la passion démesurée d’un botaniste pour sa femme chanteuse pousse celui-ci à briser les frontières du réel et de l’imaginaire, du possible et de l’impossible, de la vie et de la mort.

METUBE: AUGUST SINGS CARMEN « HABANERA » /Daniel Moshel/ Autriche/ 2013/ expérimental/ 4′
metube
Hommage à ces milliers d’utilisateurs de YouTube et de blogueurs vidéo à l’ambition débordante, adeptes plus ou moins doués de l’autopromotion sur Internet qui se sont forgés un public au niveau international.

KISMET DINNER /Mark Nunneley/ Royaume-Uni/ 2013/ 9′
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Cupidon raconte l’histoire d’une serveuse timide qui adore chanter, amoureuse du seul client qui semble indifférent à sa belle voix.

Les lauréats du Prix Jean Vigo

Les Prix Jean-Vigo 2014 ont été remis  jeudi 12 juin à 19h30 au Centre Pompidou, à Paris.

Côté court métrage, « Inupiluk » de Sébastien Betbeder (Envie de Tempête Productions), Prix du public à Clermont-Ferrand a été distingué.

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Côté long métrage, « Mange tes morts » de Jean-Charles Hue (Capricci Films), en sélection à la dernière Quinzaine des Réalisateurs, a été primé.

Les deux films seront présentés lors du prochain Festival international du film de Morelia au Mexique (17-26 octobre 2014).

Brussels Film Festival, la sélection courte

La 12ème édition du BRUSSELS FILM FESTIVAL a débuté vendredi dernier à Flagey (Bruxelles) sous un soleil éclatant.

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Composé du chanteur Raphaël, des acteurs Olivier Rabourdin et Fabrizio Rongione et les actrices Hande Kodja et Anita Kravos, le Jury Officiel a entamé son marathon de films européens afin de décerner le Golden Iris et le White Iris le samedi 14 juin lors de la cérémonie de clôture.

Voici les 18 courts métrages sélectionnés cette année :

FAMILLE A VENDRE, Sébastien Petretti

SOPHIE, Cédric Bourgeois

LE LABYRINTHE, Mathieu Labaye

RACONTE-MOI DES SALADES, Olias Barco

DE WEG VAN ALLE VLEES, Deben Van dam

LILITH, Maxim Stollenwerk

CADET, Kevin Meul

LES CORPS ETRANGERS, Laura Wandel

JOSE, David Mutzenmacher, Alexandre Bouchet & Gaetan Liekens

DE HONGER, Benoît De Clerck

ALBERTINE, Alexis van Stratum

LA DEMI-SAISON, Damien Collet

BAD HUNTER, Sahim Omar Kalifa

THE DANCING, Edith Depaule

EMMENEZ-MOI, Anthony Van Biervliet

MILLIONNAIRES, Stéphane Bergmans

VERTIGES, Arnaud Dufeys

BLUE MONDAY, Jelle Gordyn

 

Zapping de Cristian Mungiu

Fiction, 15′, Roumanie, 2000, AGER-FILM

Synopsis : Tout ce qu’il fait en rentrant du boulot, c’est regarder la télé en changeant de chaîne sans arrêt, toute la nuit – et sa femme en est malade. Jusqu’au jour où les chaînes refusent de changer…

Avant de devenir le réalisateur multi-primé de « 4 mois, 3 semaines et 2 jours » (Palme d’Or 2007), Cristian Mungiu avait réalisé plusieurs courts-métrages. Nous vous proposons de découvrir, « Zapping », l’un de ses plus aboutis. En mêlant avec brio l’hyper-réalisme et la farce parodique, il révèle le rôle de la télévision et questionne notre position de spectateur.

Mathieu Lericq

Ron Dyens : « En tant que producteur, j’ai un devoir d’exigence, celui de ne pas ennuyer le spectateur »

Ron Dyens, à la tête de la société de production Sacrebleu, a le don de dénicher des talents dont les films voyagent dans des festivals aux quatre coins du monde. Il est aussi l’un des producteurs les plus engagés concernant la place de l’animation en France : il se bat pour un cinéma d’animation de qualité et reconnu. Cette année, il était à Cannes avec deux films en sélection : Man on the chair de Dahee Jeong à la Quinzaine des Réalisateurs et Une chambre bleue de Tomasz Siwiński à la Semaine de la Critique. Rencontre avec un producteur passionné et au franc-parler assumé.

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Format Court : Comment as-tu rencontré Dahee Jeong et Tomasz Siwiński, en sélection cette année à Cannes ?

Ron Dyens : J’ai rencontré Tomasz Siwiński il y a à peu près 6 ans. Je faisais partie du jury au Festival du Film de Zagreb en Croatie et j’avais beaucoup aimé son film de fin d’études, Little Black Square. J’ai par conséquent discuté avec lui et il m’a présenté plusieurs projets. On en a choisi un, on a retravaillé l’écriture puis on est parti dans la recherche de financements. Évidemment, c’est un sujet un peu particulier, donc il fallu convaincre les télévisions, le CNC, etc. Le film a été terminé tout récemment, on l’a présenté à Cannes et le voilà en sélection.

Quant à Dahee Jeong, il s’agit d’une jeune diplômée de l’école des Arts Décoratifs. J’avais également été membre du jury et j’avais été impressionné par la qualité du travail des étudiants. J’avais repéré deux ou trois jeunes diplômés dont Céline Devaux qui a fait Vie et mort de l’illustre Grigori Efimovitch Raspoutine.

Avec Dahee Jeong, ça a été un peu différent car je lui ai proposé de travailler sur une collection portant sur le thème de la désobéissance. Je pense en effet que c’est important de savoir désobéir. On nous apprend à obéir lorsqu’on est enfant et à un moment, il faut se rebeller. J’ai ressenti ce besoin au moment de l’élection de Nicolas Sarkozy et depuis, j’ai produit une dizaine de courts-métrages sur ce thème et l’envie de désobéir continue !

Tu repères fréquemment des auteurs/réalisateurs en devenir, des nouveaux talents. Comment vois-tu ton rôle de producteur ?

R.D. : C’est compliqué. Disons qu’à la fois, je me considère comme un filtre par rapport à tous les projets, à tous les auteurs qui veulent réaliser un film par rapport aux télévisions et aux festivals qui sont également un filtre. D’une certaine manière, je fais partie de cette sélection. Et puis après, je vois mon rôle comme un intermédiaire entre un auteur qui a besoin de s’exprimer et le public. J’essaie de rendre cette relation intelligible sans dévoyer le travail du réalisateur. Après, j’interviens sur la phase d’écriture mais pas sur la réalisation. J’essaie en tout cas de me mettre à la place du spectateur, d’avoir une réflexion sur le film terminé. À la place du spectateur, j’ai envie de voir quelque chose d’original qui n’a pas été fait avant, quelque chose d’essentiel dans ce qui est dit. Ce sont des critères qui sont très importants pour moi. En tant que producteur, j’ai un devoir d’exigence, celui de ne pas ennuyer le spectateur.

Tu dis que tu n’interviens pas dans la réalisation ?

R.D. : Bien souvent, les réalisateurs d’animation viennent avec une technique mais sans scénario, c’est d’ailleurs le drame de l’animation. Quand j’ai commencé, je venais du live et j’avais une exigence scénaristique que beaucoup de producteurs d’animation n’ont pas. À l’époque, il y a avait de nombreux films hybrides, la 3D et des nouveautés sur l’image sont apparues, ce qui a fait qu’on a un peu oublié le travail sur le scénario.

Au niveau du dessin, je laisse les réalisateurs faire car ils viennent toujours nous voir avec des images, avec un travail antérieur. Ce sont eux qui connaissent et maîtrisent leur technique, qui ont les images en tête, ce n’est pas à moi de leur dire de changer quoi que ce soit. Après, bien évidemment, j’ai besoin de savoir comment ils souhaitent travailler afin de les financer et de trouver l’équipe technique nécessaire. En bref, une fois qu’ils m’ont convaincu avec leur idée et surtout, qu’ils sont convaincus eux-mêmes, je n’ai qu’à les encourager et les accompagner.

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© Tomasz Siwinski

Sacrebleu Productions est née en 1999 et à la base, tu produisais surtout des fictions, tandis qu’aujourd’hui, tu suis surtout des films d’animation. Qu’est-ce qui explique cette spécialisation ?

R.D. : J’ai l’intime conviction que les enjeux ne sont pas les mêmes entre la prise de vue réelle et l’animation en termes de festivals, de télévisions et de passage du court au long. Il y a beaucoup de films en prise de vues réelles qui sont mauvais et qui sont quand même sélectionnés, parce qu’il y a une industrie derrière qui est beaucoup plus importante qu’en animation. Je suis arrivé à un moment où il y avait une fraîcheur, une naïveté, une absence d’enjeux dans l’animation qui ont fait que l’on jugeait un film de ce genre plus facilement s’il était bon ou mauvais. Cela influence le jugement des films de ce genre. On dit d’un film d’animation qu’il est bon ou mauvais. En prise de vues réelles, par contre, il y a des enjeux d’argent qui font qu’un film en live est plus facilement sélectionné indépendamment de sa qualité artistique.

Quel est par conséquent ton point de vue sur l’animation en France aujourd’hui ?

R.D. : Je pense qu’il y a beaucoup d’argent en France pour le cinéma, entre les régions, le CNC et les télévisions, ce qui est bien, mais qu’il y a un réel manque d’exigence. Beaucoup d’auteurs ne se rendent pas comptent de la chance qu’ils ont d’être en France avec, entre autres, le droit d’auteur qui les protègent. Malheureusement, bien souvent, ils se comportent comme des enfants gâtés. A contrario, j’ai des relations avec des réalisateurs étrangers pour qui réaliser est essentiel et qui ont compris que le producteur n’est pas contre eux. Ils savent que le producteur a tout autant intérêt à faire un film réussi, qui marche, pour leur image de réalisateur tout comme pour sa propre image et pour la qualité du film.

Le producteur est en effet là pour optimiser les différentes relations. En animation, un réalisateur est aussi scénariste, chef opérateur puisque c’est lui qui créé et anime les images, et monteur. Ça fait beaucoup pour une seule personne, donc il y a un manque de regard extérieur. D’autant plus que bien souvent, le réalisateur a tendance à travailler de manière autarcique, un peu comme les auteurs de bande-dessinée. Le but du jeu c’est de créer une relation de confiance afin que le réalisateur croie en l’avis du producteur. Bien évidemment, celui-ci n’a pas toujours raison, mais il s’agit d’un réel échange entre les deux afin d’optimiser le film. Je me bats pour faire des films de qualité et pour les diffuser le mieux possible.

 

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Peux-tu nous parler du projet Sexpériences que tu as initié avec tes auteurs/réalisateurs ?

R.D. : En réalité, j’ai travaillé uniquement avec Michaela Pavlátová, la réalisatrice de Tram. À la base, il était prévu qu’il y ait une dizaine de courts-métrages dont les scénarios et les bibles graphiques ont été présentés aux chaînes et institutions. Objectivement, on ne pouvait malheureusement pas faire un long-métrage de films explicites en animation parce que ça coûte très cher et que personne ne va voir des films de cul au cinéma. Même si on peut avoir une super presse, il y a un moment où les enjeux financiers deviennent vraiment importants.

Fort de ce constat, j’ai, dans un premier temps, proposé à la directrice artistique d’extraire un des courts-métrages de cette série et de le produire. On a donc extrait Tram qui a cartonné dans plus de 200 festivals et nous avons créé une belle relation de confiance et d’écoute avec Michaela Pavlátová.

Le souci est que peu de chaînes peuvent se permettre d’investir dans les films explicites, même en animation. Le projet était donc plus ou moins mort-né. On a néanmoins réfléchi à la manière dont on pourrait aborder différemment ce projet et on en est arrivé à la conclusion qu’il fallait en faire un seul et unique long-métrage pour lequel on a déjà de beaux partenaires. Ils souhaiteraient avoir une réalisatrice connue sur le projet. J’en ai déjà contacté certaines et on est en attente de réponses.

Si on revient sur tes deux films en sélection à Cannes, on note qu’ils ont beau être très différents, ils proposent tous les deux une vision très personnelle, très intérieure des choses. L’un traite de la maladie, l’autre des problèmes existentiels, mais tous deux adoptent la forme d’un voyage intime. Est-ce un hasard ?

R.D. : Il n’y a pourtant aucun lien entre eux. On a mis beaucoup de temps à réaliser Une chambre bleue, tandis que Man on the chair faisait partie de cette collection sur la désobéissance, un peu plus rapide à monter. J’ai laissé les deux auteurs complètement libres avec leur projet, je ne leur ai rien demandé particulièrement. Dahee Jeong, par exemple, a un univers très asiatique et elle a fait son film toute seule de son côté. Avec elle, j’ai plus volontiers agi comme un mécène pour qu’elle puisse faire son film, comme une bénédiction de producteur sur un travail de qualité. Je me mets en danger car c’est de l’argent de Sacrebleu, mais c’est très excitant car je dis à quelqu’un que je lui fais confiance, et quand ça se passe bien, je trouve ça très beau, très plaisant.

Propos recueillis par Camille Monin