Tous les articles par Katia Bayer

R comme Red Hulk

Fiche technique

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Synopsis : Giorgos vit seul à Athènes. Il est censé être aux études, mais a besoin de travailler pour subvenir à ses besoins. Il manque de confiance en lui, d’identité et d’acceptation. Il comble le vide en étant le « Red Hulk », comme il est connu dans son équipe de football… Mais il tombebientôt dans la violence axiale, ce qui lui but de nouveaux ennuis.

Genre : Fiction

Durée : 28’

Pays : Grèce

Année : 2013

Réalisation : Asimina Proedrou

Interprètes : Frixos Proedrou, Nestoras Fanaras, Christos Kontogeorgis

Photographie : Christina Moumouri

Son : Vasiliki Poulou, Saifentin Salim, Kostas Varybopiotis

Montage : Saifentin Salim

Production : Asimina Proedrou

Article associé : la critique du film

M comme Man kann nicht alles auf einmal tun, aber man kann alles auf einmal lassen (On ne peut pas tout faire en même temps mais on peut tout laisser tomber d’un coup)

Fiche technique

Synopsis : Tout commença sur un canapé. Il la regarda enlever ses vêtements et ils firent l’amour pour la première fois.

Genre : Fiction

Durée : 15′

Pays : Suisse

Année : 2013

Réalisation : Marie-Elsa Sgualdo

Scénario : Marie-Elsa Sgualdo

Image : Marie-Elsa Sgualdo, Archives de la radio télévision suisse

Son: Yannick Gerber

Montage : Marie-Elsa Sgualdo

Musique : Yannick Gerber

Interprétation : Julia Perazzini

Production : Salaud Morisset Production

Articles associés : la critique du film, l’interview de Marie-Elsa Sgualdo

P comme La Part de l’ombre

Fiche technique

Synopsis : Le 7 février 1944, jour du vernissage d’une importante exposition de ses œuvres, le photographe hongrois Oskar Benedek, disparait.Plus de soixante ans plus tard, une enquête révèle son étrange destin.

Genre : Fiction, documentaire

Durée : 28′

Pays : Belgique

Année : 2013

Réalisation : Olivier Smolders

Scénario : Olivier Smolders et Thierry Horguelin

Image : Jean-François Spricigo

Son: Marc Bastien

Montage : Olivier Smolders

Musique : Ismaël Joffroy Chandoutis et Marc Bastien

Interprétation : Benoît Peeters, Marie Lecomte, Tatiana Nette, Bouli Lanners, Marcel Moreau, Pierre Lekeux, Joseph Fallnhauser, Anaël Snoeck,…

Production : Les films du Scarabée

Articles associés : la critique du film, l’interview d’Olivier Smolders

Ces images qui nous parlent

Parmi les nombreux films sélectionnés au dernier Brussels Short Film Festival, « Man kann nicht alles auf einmal tun, aber man kann alles auf einmal lassen » (On ne peut pas tout faire en même temps mais on peut tout laisser tomber d’un coup) de Marie-Elsa Sgualdo et « La Part de l’ombre » d’Olivier Smolders s’attachent à recréer un récit à partir d’images qu’ils n’ont pas tournées.

L’image séduit autant qu’elle effraye. Sublimée, elle est partout, démultipliée, projetée sur tous les murs des villes, elle nous envahit et vient nourrir notre inconscient imaginaire.

Cette fascination pour l’image, Marie-Elsa Sgualdo et Olivier Smolders l’ont bien comprise au point d’en faire la matière brute de leur dernier court métrage respectif. Quand l’une puise dans les archives de la RTS (Radio Télévision Suisse) pour raconter un pan de son histoire familiale, l’autre s’approprie les photographies de Jean-François Spricigo et les porte à l’écran dans un film sombre et poétique. Derrière chacune de ces œuvres se cache la volonté de mettre en lumière la fragilité de la vérité face à la reconstitution du souvenir. À mi-chemin entre la tromperie et la révélation, les films sont tous deux une expérience cinématographique envoûtante.

Dans « Man kann nicht alles auf einmal tun, aber man kann alles auf einmal lassen », présenté en compétition internationale, Marie-Elsa Sgualdo avoue avoir voulu « donner vie à des rumeurs sans s’obliger à toujours dire la vérité ». Parce que la vérité est chose inaccessible pour celui qui veut la retrouver, il est encore plus vrai de la recréer à sa façon, se dit-elle.

Aussi, dans un found-footage édifiant, découpe-t-elle son récit en six étapes cruciales de la vie de sa grand-mère (le canapé/la machine à laver/le twist/deux temps, trois mouvements/la punition/l’entretien) illustrant l’histoire d’une femme qui, à une époque où cela ne se faisait pas, décide de tout quitter pour vivre sa vie. On retrouve l’intérêt de la réalisatrice de « On The Beach » pour la féminité, et le thème de la séparation vu par le prisme de l’enfance et de l’adolescence.

Man kann nicht alles auf einmal tun, aber man kann alles auf einmal lassen, de Marie-Elsa Sgualdo

Les images anonymes et ancrées dans une certaine époque n’empêchent pas le spectateur d’intégrer l’histoire et de la comprendre avec ses propres références. Le décalage volontaire entre le récit raconté et les images montrées, loin de révéler une certaine absurdité, renforcent au contraire l’universalité de ces dernières. Parler de soi avec les images d’autrui. Toute l’ambiguïté du statut de ces archives est mise à jour lorsque la réalisatrice montre un extrait où l’on aperçoit Brigitte Bardot, icône d’une époque et d’un style, mettant à mal la véracité des faits ou plutôt affirmant la volonté de fausser les pistes.

Le commentaire et la musique apportent le rythme au récit et le ton enjoué de la narratrice, interprétée par Julia Perazzini, permet de créer un lien complice avec le spectateur devenu confident même quand il s’agit de dévoiler des secrets honteux. Bien différent des films précédents, « Man kann nicht alles auf einmal tun, aber man kann alles auf einmal lassen » apparaît comme un exercice de style à la fois personnel et universel, une traversée dans le temps et l’espace qui représenterait la face cachée de sa réalité.

Avec « La Part de l’ombre », Olivier Smolders offre, quant à lui, un film qui se situe entre un cinéma classique et un cinéma d’avant-garde. En se réappropriant les photos de Jean-François Spricigo, le cinéaste belge recrée un récit fascinant nourri de fantasmes liés à l’horreur de l’histoire.

La frontière entre le vrai et le faux est un fil ténu volontairement variable car Smolders est avant tout un conteur d’images qui s’intéresse davantage au processus qu’au produit final, un philosophe stimulé par la réflexion plus que par son résultat, un cinéaste fasciné par le pouvoir que les images exercent sur l’inconscient individuel et collectif.

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S’il décide de retracer le destin d’Oskar Benedek, un photographe hongrois disparu en février 1944, à Budapest, le jour du vernissage d’une importante exposition de ses œuvres c’est pour mieux nous parler de la faillibilité de la mémoire, du souvenir impossible à retrouver, thème récurrent dans ses œuvres. Comme le héros de « La Jetée » de Chris Marker, Smolders serait à la recherche d’une image qui l’aurait marqué dans son enfance. Car si l’image révèle, si elle est témoin de l’histoire qui permet d’embaumer le temps qui passe, pour Benedek, le héros de Smolders, elle tue. Derrière ce mystère s’ajoute un récit haletant parfaitement mené, une sorte de documentaire d’investigation plongeant le spectateur dans une spirale dont il ne sortira pas indemne.

À nouveau, la voix du narrateur et la musique donnent le rythme à ce film dense aussi bien dans sa forme que dans son contenu. La question de savoir si ce que l’on nous raconte est vrai ou faux reste secondaire tant la réflexion sur la manipulation et sur l’art prend le dessus. Dans un monde où l’image est partout où la violence dont elle peut faire preuve est banalisée, il est intéressant de découvrir un film qui touche juste, qui pose question sur la représentabilité de l’horreur, sur sa mise en scène et sur la fascination qu’elle fait naître en chacun de nous.

Marie Bergeret 

Consultez les fiches techniques de « Man kann nicht alles auf einmal tun, aber man kann alles auf einmal lassen » et de « La Part de l’ombre »

Concours : 20 places à gagner pour la reprise de Cinéfondation à la Cinémathèque française

La Cinéfondation, créée en 1998 par le festival de Cannes, soutient les nouvelles générations de cinéastes. Dans le cadre de ses séances « Cinéma de poche », la Cinémathèque française, reprend cette année pour la première fois l’intégralité des courts et moyens sélectionnés par la Cinéfondation au Festival de Cannes.

Les 4 programmes compétitifs de la Cinéfondation 2014 projetés à Cannes feront l’objet de 4 séances les jeudi 29 et vendredi 30 mai à 18h30 et 20h30.

En partenariat avec la Cinémathèque française, Format Court vous offre 5 places par séance. Vous souhaitez découvrir l’un ou l’autre de ces programmes ? Contactez-nous rapidement ! 

REPRISE DE LA COMPÉTITION 2014

PROGRAMME 1 (92′) : Jeudi 29 Mai 2014 – 18h30 – SALLE JEAN EPSTEIN

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SKUNK d’Annie SILVERSTEIN (16′) – Etats-Unis

PROVINCIA de György Mór KÁRPÁTI (21′) – Hongrie

LIEVITO MADRE (Sourdough) de Fulvio RISULEO (17′) – Italie

SOOM (Breath) de KWON Hyun-ju (38′) – Corée Du Sud

PROGRAMME 2 (84′) : Jeudi 29 Mai 2014 – 20h30 – SALLE JEAN EPSTEIN

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LES OISEAUX-TONNERRE (Thunderbirds) de Léa MYSIUS (24′) – France

OH LUCY! d’Atsuko HIRAYANAGI (22′) – Singapour

THE BIGGER PICTURE de Daisy JACOBS (7′) – Royaume-Uni

LETO BEZ MESECA (Moonless Summer) de Stefan IVANČIĆ (31′) – Serbie

PROGRAMME 3 (88′): Vendredi 30 Mai 2014 – 18h30 – SALLE JEAN EPSTEIN

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THE AFTERMATH OF THE INAUGURATION OF THE PUBLIC TOILET AT KILOMETER 375 de Omar EL ZOHAIRY (18′) – Egypte

OUR BLOOD de Max CHAN (26′) – Etats-Unis

UNE VIE RADIEUSE (A Radiant Life) de Meryll HARDT (17′) – France

NIAGARA de Chie HAYAKAWA (27′) – Japon

PROGRAMME 4 (77′) : Vendredi 30 Mai 2014 – 20h30 – SALLE JEAN EPSTEIN

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STONE CARS de Reinaldo Marcus GREEN (14′) – Etats-Unis

THE VISIT de Inbar HORESH (27′) – Israël

HOME SWEET HOME de Pierre CLENET, Alejandro DIAZ, Romain MAZEVET, Stéphane PACCOLAT (10′) – France

LAST TRIP HOME de HAN Fengyu (26′) – Singapour

Brussels Short Film Festival 2014

Du 24 avril au 3 mai, le Brussels Short Film Festival célébrait sa 17ème édition avec pas moins de 300 courts métrages belges et étrangers montrés dans 3 compétitions compétitives (belges, internationales et Next Generation) et dans de nombreux programmes parallèles comblant ainsi les amateurs du format court.

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Retrouvez dans ce focus :

Le reportage « La bête humaine »
Le reportage « Ces images qui nous parlent »
Le palmarès 2014
La sélection internationale

Meryll Hardt : « Étudier au Fresnoy a été l’occasion d’explorer des écritures parallèles à celles de la fiction traditionnelle, de tenter d’innover, de faire un nouveau cinéma »

Meryll Hardt est née en 1984 dans l’Est de la France et finit bientôt ses études au Fresnoy. Contrairement à beaucoup d’auteurs de sa génération, elle veut prendre le temps d’explorer et de se poser pour mieux créer. C’est ce qu’on ressent lorsqu’on découvre son court-métrage « Une vie radieuse », sélectionné à la Cinéfondation : un voyage et une réflexion à travers plusieurs disciplines artistiques, au fil de plusieurs époques. Rencontre avec la réalisatrice sur la terrasse du Palais du Festival, un jour de grand vent.

Meryll Hardt

© CM

D’où est venue l’idée d’ « Une vie radieuse » ?

En 2011, lorsque j’étais à l’École de Recherche Graphique (ERG) de Bruxelles, j’ai réalisé mon mémoire de fin d’études sous forme d’un essai documentaire sur l’artiste Bas Jan Ader. Pour se faire, j’ai été amenée à lire Les Écrits français de Piet Mondrian. Je cherchais à mettre en image un chapitre abordant l’Habitat, la rue, la Cité, et plus particulièrement la notion de Nouvel Eden défini par Mondrian comme un éden moderne. Je suis alors tombée sur une photo de la Cité Radieuse de Marseille, un peu cachée par le feuillage d’un arbre.
La Cité Radieuse m’a intéressée parce qu’elle incarnait un acte architectural visant à inclure des masses dans un certain idéal moderniste. Contrairement à la maison Schröder de Gerrit Rietveld (ndlr: architecte néerlandais qui a conçu une maison sans murs), la Cité Radieuse est un habitat collectif. Les premiers habitants étaient définis comme des cobayes. J’ai lu le témoignage de la doyenne en ligne sur le site Internet et je me suis dit qu’il fallait faire une fiction à partir de matériaux documentaires.

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Peux-tu nous parler de la construction du film ? Tu y mélanges différentes disciplines artistiques : film d’architecture, film de danse, film documentaire, fiction, film expérimental, …

Je n’avais pas en tête un film d’architecture ni de danse en écrivant mon projet, mais je pensais plus volontiers à Jacques Tati, à Buster Keaton et à la comédie musicale en général. Au niveau de la construction du film, j’ai écrit le scénario suite à une grosse recherche documentaire sur Le Corbusier, sur sa vie, son œuvre, ses collaborateurs. C’était nécessaire avec un tel sujet. Une photo de Charlotte Perriand de la chaise LC4 (ndlr : chaise lounge designée par Le Corbusier) m’a également inspiré la scène finale. Puis, j’ai visité fréquemment la Fondation Le Corbusier à Paris, je suis allée voir son appartement rue Nungesser et Coli (Paris) et la Cité Radieuse de Briey-en-Forêt. C’est seulement à la fin de mes recherches que je suis allée à Marseille. J’ai passé deux jours sur place en exploration. J’ai dormi à l’hôtel, dans une petite chambre en couloir avec toilettes sur le palier, la cellule typique du Corbusier, un genre de cellule de moine à 70 euros la nuit !

En tant que touriste, j’ai filmé, photographié le lieu et moi-même dans cet espace, en imprimant mon corps dans celui-ci, testant des scènes au travers d’improvisations. J’ai rencontré des habitants, visité des appartements. À l’issue de ce voyage, j’ai monté une vidéo d’une trentaine de minutes, un genre de « reportage repérage » qui projetait mes intentions pour créer ensuite la fiction.

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Si on observe ton travail, on remarque que tu utilises assez souvent les images d’archives. Quelle est ta perception de l’art contemporain? Le vois-tu comme une revisitation du passé ?

Étudier au Fresnoy a été l’occasion d’explorer des écritures parallèles à celles de la fiction traditionnelle, de tenter d’innover, de faire un nouveau cinéma. En réalité, je ne conçois pas le retour dans le passé comme une fin en soit mais plutôt comme un moyen de construire l’avenir. C’est un peu comme une machine à voyager dans le temps que l’on emprunterait afin de tenter de changer le cours des événements. Mon utilisation d’images d’archives vient d’un désir de mettre en avant des objets existants dont on n’a pas suffisamment parlé et que l’on regarde toujours de la même manière.

Pourquoi avoir décidé d’occuper la majorité des postes sur ce film ? Pour mieux maîtriser le résultat final, pour compléter une démarche artistique ou pour des raisons de temps et de finances ?

Si j’avais plus délégué, il n’aurait plus été question d’un tournage à Marseille, mais à Briey-en-Forêt ou dans une autre Cité Radieuse plus proche, plus facile d’accès. Mais c’était nécessaire que ce soit là-bas puisque c’était la première cité de ce genre à avoir été construite : le « paquebot flottant sur l’après-guerre ». Par conséquent, j’ai fait ce que je savais faire et ce que je ne maitrisais vraiment pas, je l’ai délégué tout naturellement.

Nous avons tourné en effectif documentaire quelque chose qui était du domaine de la fiction, avec une variété de lieux, de formes de mises en scène et de techniques. L’incrustation dans des photographies est venue suite à une impossibilité pour nous, de tourner dans les parties communes.

Pour la musique, j’avais demandé à un ami compositeur Felix Kubin et à son frère Max Knoth, de m’aider mais faute de temps et d’argent, cela n’a malheureusement pas été possible. Par conséquent, j’ai réalisé la bande son, je me suis débrouillée pour faire ce que j’avais en tête avec mes propres bases.

J’ai l’habitude de travailler seule mais j’aurais tout de même aimé déléguer un peu plus, ne serait-ce qu’avoir un assistant-réalisateur sur qui me reposer de temps en temps. Dans l’équipe, on a tous été polyvalents et au final, et il y a eu beaucoup d’improvisations.

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En voyant « Seule », l’un de tes premiers travaux, puis « Une vie radieuse », tu proposes un message assez fort sur la condition de la femme et la société individualiste. Considères-tu que tu fais des films artistiques avec un message engagé ?

« Seule » et « Une vie radieuse » abordent en effet tous les deux le sujet de la solitude féminine. Dans le premier qui est un petit essai vidéo, c’est vraiment le sujet du film. J’ai tourné dans une grande maison complètement vidée et désertée sans raison. Dans le deuxième, au contraire, on sait pourquoi la maison est telle quelle et la solitude s’installe comme la conséquence d’un programme qui ne fonctionne pas. On ignore comment cette femme s’appelle d’ailleurs, contrairement à son mari. Elle est seule parce que coupée de son mari et d’elle-même. Il faut savoir que, dans son projet architectural, Le Corbusier disait qu’il voulait faire en sorte que la mère puisse se délester de ses enfants et le mari de sa femme. C’est malheureux mais il ne parle pas de l’envie de la femme de se délester de son mari.

On sous-entend toujours qu’une femme seule, ce n’est pas normal. Si elle n’est pas avec son mari, c’est qu’elle est avec ses enfants ou bien qu’elle tricote, qu’elle s’occupe ou qu’elle voit des amies, des voisines, qu’elle va au marché. Mais quand elle erre sur le toit-terrasse, sans but, seule, ça paraît alors bizarre. Pourtant pour beaucoup de ces femmes, c’était le seul endroit où échouer puisqu’on ne pouvait pas aller au-delà. Ce que j’ai mis dans ce film s’inspire d’histoires vraies, du vécu des doyennes de la Cité Radieuse dont certaines ont fondé la vie associative de l’édifice. Le rapport de la femme à l’espace fait partie de mes questionnements.

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Peux-tu nous donner ton point de vue sur l’œuvre du Corbusier ?

Je pense que Le Corbusier avait un rapport à l’ordre ambigu. Il pouvait être assez contradictoire entre son œuvre artistique et ses plans d’architecture. Il dessinait par exemple souvent des courbes tandis que ses édifices faisaient l’éloge de la ligne droite. Idem pour ses photographies et films personnels, et ce qu’il fait réaliser pour mettre en image son architecture. Il y a un écart entre Le Corbusier tentant de créer librement, et Le Corbusier décidant, planifiant, construisant un idéal qu’il s’est imposé et va proposer à autrui de manière radicale.

À ce propos, peux-tu nous parler de l’importance de l’architecture dans ton travail ? Est-ce un moyen de construire tes films, un rapport entre le corps, l’espace et l’art ?

À la différence du cinéma, l’architecture implique un passage à l’acte durable dans l’espace public. Le Corbusier avait besoin de faire exister son architecture en images. Ces images sont révélatrices de l’importance d’un idéal architectural. Elles questionnent la place de celui qui regarde. On se demande où va aller le corps, qui va être le modèle et si ce sera habitable au-delà du temps de pose de la photographie. Le corps décide, il quitte ou demeure dans l’architecture, il peut la détruire ou mieux, la réaménager.

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De manière générale, quelle est ta démarche artistique ? Vers quoi souhaites-tu aller ensuite ?

Mon but a toujours été de faire du cinéma ou quelque chose qui aille au-delà du cinéma. Godard est passé au Fresnoy, il nous a dit : « Le cinéma, maintenant, c’est fini, il faut passer à autre chose ». Il n’a pas tout à fait tort, mais je reste persuadé que le cinéma n’est pas mort. Je suis certes passée par une école d’art, l’École de Recherche Graphique de Bruxelles, mais c’était pour enrichir mon cinéma et ne pas faire un cinéma trop classique, en tout cas, un cinéma qui n’abandonne pas la recherche plastique et narrative au profit du sujet. Aujourd’hui, mon but est d’écrire et de réaliser un long-métrage. Cette année, je n’ai pas fait de deuxième court au Fresnoy. Après ce film-ci, j’ai eu besoin de prendre le temps de regarder l’œuvre avant d’enchaîner la suivante. Il faut laisser le temps à celle-ci d’exister pour qu’une prochaine arrive en bonne santé. On vit à une époque où le temps de sortie en salle des films diminue alors il faut brûler la chandelle doucement.

Quelle sensation te procure ta sélection à Cannes, à la Cinéfondation ?

C’est un honneur ! Je ne m’y attendais pas du tout. C’est une grande sensation d’aboutissement qui donne envie de revenir.

Propos recueillis par Camille Monin

Article associé : la présence des écoles françaises à la Cinéfondation 2014

Consulter la fiche technique du film

Pour information, « Une vie radieuse » sera projeté à la Cinémathèque française, dans le cycle « Cinéma de poche », le vendredi 30 Mai 2014, à 18h30, à l’occasion de la reprise de la sélection de la Cinéfondation 2014

Reprise des courts-métrages en compétition à Cannes, ce soir au Cinéma du Panthéon

Le Festival de Cannes et Le Cinéma du Panthéon vous convient ce soir à la reprise des courts métrages en compétition cette année au festival. La soirée sera marquée par la présence des réalisateurs et des membres du jury (selon leurs disponibilités). La projection sera suivie d’un cocktail.

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Infos

Mardi 27 Mai à 20h30 au Cinéma du Panthéon, 13 rue Victor Cousin, 75005 Paris.

Tél : 01 40 46 01 21
www.cinemadupantheon.fr

Ouverture de la billetterie à 19h30
Tarif unique : 6.50€ / Cartes illimitées UGC et Le Pass non acceptées

Gitanjali Rao : « L’Inde fait partie de mon histoire et m’inspire. Si j’essaye de m’y échapper, j’y reviens toujours »

Découvert sur un DVD, « Printed Rainbow » nous a charmés il y a quelques années pour sa poésie, sa palette graphique et ses petites boîtes d’allumettes, synonymes d’invitations à l’évasion. Vu en salle il y a quelques jours, « True Love Story » nous a touchés également pour son mélange d’émotions, de sons et de couleurs. Huit ans séparent ces deux films tous les deux sélectionnés à la Semaine de la Critique et réalisés par l’illustratrice et animatrice indienne Gitanjali Rao, auteur d’autres courts (« Blue », « Orange ») que nous vous invitons à découvrir. Cette semaine, nous avons rencontré Gitanjali Rao à Cannes. L’occasion d’en savoir plus sur son travail, son média, ses difficultés et son identité.

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Peinture animée

L’animation est un média qui m’a toujours intéressée. Cela fait vingt ans que je mélange la peinture et l’animation. Comme je prends beaucoup de temps pour m’améliorer, je continuer à faire des courts métrages. Je cherche à ce que mon style soit proche de la réalité. Dans mes films, on ne vole pas mais on voyage entre le réel et la fantaisie. L’animation favorise réellement l’évasion à différents niveaux.

Poésie visuelle

J’utilise très peu de parole dans mes films. Pour moi, l’expression passe par la peinture, par la poésie visuelle. Même à l’écrit, il m’est difficile de présenter un scénario. Une seule image peut raconter une histoire. Pourtant, avec le temps, j’apprends à raconter les choses, à être un peu moins dans le visuel. Les gens n’ont pas besoin de tout voir, je laisse leur imagination marcher.

L’importance du détail

Les gens qui connaissent l’Inde et Bombay comprennent dans mes films des choses différentes que ceux qui ne connaissent pas mon pays. C’est pour ça que mes films sont si détaillés. C’est comme pour une peinture, chacun y voit ce qu’il veut.

Forme & fond

Mes peintures et mes illustrations répondent aux questions que je me pose. Seulement, les histoires que j’ai envie de raconter ne sont pas originales. Seules la forme et la manière de raconter sont intéressantes. Grâce à l’animation, un média “frais”, je sens que je peux emmener les spectateurs dans des émotions différentes telles que le bonheur, la tristesse ou la colère.

Inspiration

Mes films sont fortement liés à mon pays. Je viens de là, j’y vis. L’Inde fait partie de mon histoire et m’inspire. Si j’essaye de m’y échapper, j’y reviens toujours.

Bollywood

Quand je présentais « Printed Rainbow » à l’étranger, on me demandait souvent pourquoi Bollywood était si différent de la réalité. Je répondais qu’en Inde, on ressentait le besoin de s’éloigner du quotidien et que le cinéma offrait précisément cela : une évasion, une possibilité d’oublier les problèmes rencontrés dans un pays pauvre. Le cinéma indien propose justement cela, des rêves. Pour nous, le cinéma n’a pas la même image qu’en France, à nos yeux, c’est de la fantaisie et les stars de Bollywood sont apparentées à des dieux.

Couleurs

On me dit souvent que mes films sont très colorés mais on oublie qu’il s’agit d’animation. On peut tout se permettre. L’Inde est très colorée et j’ai envie de refléter cela dans mes films.Si faisais de la fiction, mes images seraient plus ternes.

Petits budgets

Je ne reçois pas d’aides du gouvernement pour faire mes films. Il n’y a pas de profit pour les courts métrages. On doit chercher nous-mêmes des aides privées mais c’est très difficile pour des courts d’animation qui par nature coûtent très chers.

Je continue à faire des courts car j’aime ça mais c’est difficile, et ça l’est encore plus pour le long-métrage. J’auto-finance mes projets, j’ai des aides extérieures (l’Aide aux cinémas du monde, Les Films d’Ici), mais je n’ai pas de co-producteurs indiens. En Inde, très peu de producteurs font confiance aux projets indépendants, ils financent plutôt des gros films commerciaux dont la portée artistique est malheureusement bien faible.

TrueLoveStory Trailer from Gitanjali Rao on Vimeo.

True Love Story

Chaque jour, j’ai plein d’idées, mais je les garde dans un coin de ma tête.  J’ai mis deux ans pour raconter « True Love Story », une histoire de 19 minutes. « True Love Story » est un fragment, une partie d’un projet de long qu’on espère faire financer. Si on ne trouve pas d’argent, il existera en tant que tel, en tant que court métrage. On espère beaucoup que la sélection à Cannes donnera un coup de pouce au projet et intéressera de potentiels financiers à nous rejoindre sur le long.

Propos recueillis par Katia Bayer

Article associé : la critique du film

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Rémi St-Michel, Eric K. Boulianne. L’amitié, la déconne & l’auto-production

Rémi St-Michel est réalisateur. Eric K. Boulianne est scénariste, comédien à ses heures. Ils ont travaillé ensemble sur « Petit Frère », une pastille comique québecoise auto-produite, sélectionnée cette année à la Semaine de la Critique. Le film nous a plu pour sa liberté de ton, son énergie et ses bonnes idées visuelles et sonores. Rendez-vous pris avec ses auteurs.

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Eric, tu as écrit le scénario de « Petit Frère » et joué dans le film réalisé par Rémi. Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler ensemble ?

Rémi : On est copains dans la vie, on a joué au théâtre et on a fait des courts métrages ensemble. J’aime bien travailler avec Eric car on sait ce qui plait à l’autre.

Eric : La camaraderie, la déconne, la réplique nous lient. On aime bien traiter des choses lourdes et dramatiques avec humour. Les personnages qu’on fabrique sont d’ailleurs “cabochons”, cabotins.

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D’habitude, je ne joue pas. Je suis plus scénariste qu’acteur. J’avais envie de me faire un cadeau et de jouer avec Étienne (Galloy). Celui-ci a joué dans une web-série que j’ai écrite, « Le chum de ma mère est un extra-terrestre ». J’aime son naturel, il est bon sur un plateau, il s’amuse, il délire. Je lui ai fait lire l’histoire, j’ai contacté Rémi et on a tourné le film ensemble.

On sent en effet une grande complicité entre les personnages.

R. : Je suis peu intervenu, il n’y avait pas besoin de les prendre dans un coin pour leur parler. Ils savaient ce qu’ils avaient à faire. L’alchimie entre eux se voyait directement à l’image. Je n’avais pas besoin de couper.

E. : Quand j’ai vu le film, j’ai été heureux et fier du travail de Rémi. « Petit Frère », c’est un film qui nous ressemble, dans lequel on s’est laissé aller.

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Le film adopte plusieurs partis pris comme le noir et blanc et la musique jazz. Qu’est-ce qui vous a donné envie de l’habiller ainsi ?

R. : Pour le noir et blanc, on avait envie de faire un clin d’oeil à Jarmusch et à Smith. De plus, l’absence de couleurs permettait de créer une distance avec les personnages. Il ne fallait pas juste se focaliser sur leurs conneries mais s’intéresser à la beauté de leur relation. Le noir et blanc offrait un plus, quelque chose de plus direct.

E. : Pour la musique, j’imaginais une note plus hip-hop mais Rémi a opté pour du jazz, ce qui a apporté quelque chose d’encore plus subtil au film.

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Quels films avez-vous envie de faire en général ?

E. : Ce qui nous intéresse, c’est de faire des films drôles, touchants, humains.

R. : Il y a une tendance à la lourdeur au Québec. On ne comprend pas, les gens ne sont pourtant pas lourds dans la vie ! On ne trouve pas de comédies fines, subtiles. Maintenant, nous, on a bien envie de faire un thriller comique.

E. : Le cinéma de genre n’existe pas beaucoup dans notre pays. On espère que grâce à Cannes, les producteurs québecois nous feront confiance pour aller dans cette direction.

R. : Je n’ai pas envie de faire des films que je n’ai pas envie de faire. « Petit Frère » nous ressemble. On n’a rien demandé à personne, c’était une grosse fierté de se faire plaisir et d’y arriver.

E. : « Petit Frère » est un film honnête, on s’est écouté. J’espère qu’à l’avenir, on pourra faire des films de façon plus encadrée. On aimerait travailler avec des producteurs car assumer soi-même la production et la distribution de ses propres films réclame beaucoup d’énergie. Malgré tout, j’aime mieux le faire que ne pas faire de films du tout.

R. : Si on avait déposé le projet dans une commission, on aurait attendu un an avec un risque de le voir refusé. C’est pour ça qu’on l’a auto-produit et qu’on l’a tourné en quatre jours, comme on le voulait.

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Vous vous intéressez au court métrage ?

R. : C’est le fun. Ça permet de faire des films plus rapidement et d’en faire plein.

E. :Ça permet de travailler son style, de ne pas se poser trop de questions. Il y a moins de pression, de conséquences avec le court qu’avec le long.

R. : C’est sûr qu’on a envie d’aller vers le long en alliant comédie et drame, notre recette favorite.

E. : De toute façon, si tu veux vivre de ce métier, tu dois faire des longs et gagner en visibilité. Le problème, c’est qu’au Québec, les gens ne voient que les films étrangers. Pour eux, les films québecois, même si ils marchent dans les festivals étrangers, sont plombants.

R. : La culture et les artistes sont mal vus et souffrent d’un problème d’image. Pourtant, on n’a pas le choix, on doit continuer à faire des films et raconter nos histoires.

Propos recueillis par Katia Bayer

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Pour information, « Petit frère » sera projeté le jeudi 8/1/2015 lors de la séance anniversaire de Format Court, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème)

Fabien Gaffez : « À la Semaine de la Critique, nous souhaitons proposer des écritures, des mises en scène, des univers très différents d’un film à l’autre »

Critique à Positif, Fabien Gaffez est le Directeur artistique du Festival international du film d’Amiens. Coordinateur du comité de sélection des courts métrages à la Semaine de la Critique, il a succédé à ce poste occupé pendant des années par Bernard Payen. Bref entretien autour de Cannes, de la place du court, des choix de la Semaine et de l’accompagnement des auteurs.

Ⓒ Carmeline Taiello

Format Court : À la Semaine, vous continuez à sélectionner des courts alors que Cannes est par excellence le lieu du long-métrage. Pourquoi ?

Fabien Gaffez : Cannes n’est en effet pas le meilleur endroit pour le court métrage. Pourtant à nos yeux, il s’agit d’une forme très libre et créative. C’est pour cela que nous prenons chaque année des courts, que nous invitons les réalisateurs et que nous montrons les oeuvres dans des programmes entiers de courts métrages.

Vous avez pris cette année des courts très différents : des histoires fantastiques, des films de genre, des chroniques sociales, des animations, … Y a-t-il quelque chose qui lie ces films ?

F.B. : Nous avons sélectionné des films en accord avec leur projet, des films non racoleurs, sans prétention. Les formes et les mises en scène libres nous intéressent. C’est probablement ce qui lie tous ces films.

Cela nous intéresse de montrer un film de genre comme Safari ou un film d’époque comme Boa Noite Cinderela. Nous souhaitons proposer des écritures, des mises en scène, des univers très différents d’un film à l’autre.

Cela comporte un risque, celui de surprendre le public qui n’a pas toujours l’habitude de passer d’un univers, d’une proposition à l’autre. C’est pour cela que lors de la première projection des courts à Cannes, on fait une coupure entre les films et que les équipes sont présentes. Cela favorise la réception et personnalise leur travail.

Quels films retiens-tu de la sélection de cette année ?

F.B. : J’ai été très touché par Boa Noite Cinderela de Carlos Conceiçao, un film très gonflé en ligne avec la nouvelle génération de cinéastes portugais. On a tenté un pari sur un premier film, celui de Laurie de Lassale, « Les fleuves m’ont laissée descendre où je voulais ». Parfois, on ose parier sur un réalisateur et un univers. On ne peut pas se permettre de le faire sur tous les films que nous prenons mais quand on sent une promesse, on a envie de l’accompagner.

À  propos d’accompagnement, à la Semaine, vous avez mis en place un nouveau programme cette année, « Next Step ». De quoi s’agit-il plus précisément ?

F.B. : Les réalisateurs de courts que nous sélectionnons ont souvent l’envie de passer au long-métrage mais ils ne savent pas toujours comment y arriver et vers qui se tourner. Cela fait longtemps que nous souhaitons les accompagner dans cette étape. C’est la raison pour laquelle nous allons commencer à suivre les réalisateurs sélectionnés cette année dans leurs projets et que nous allons les réinviter à Paris dans le courant de l’année pour qu’ils puissent rencontrer des producteurs et aller de l’avant.

Propos recueillis par Katia Bayer

Cannes 2014, les prix du court à l’officielle

Entouré de ses collègues (Noémie Lvovsky , Daniela Thomas, Mahamat-Saleh Haroun, Joachim Trier), Abbas Kiarostami, Président du Jury 2014 de la Cinéfondation et des Courts métrages, a rendu public hier soir, lors de la cérémonie de clôture du Festival de Cannes, la Palme d’or du court métrage ainsi que deux mentions.  Deux jours plus tôt, le même Jury annonçait les gagnants de la Cinéfondation.

Compétition officielle

Palme d’or : Leidi de Simón Mesa Soto – Colombie, Royaume-Uni

Synopsis : Leidi vit avec sa mère et son bébé. Son fiancé, Alexis, n’est pas réapparu depuis quelques jours. Ce matin là, après avoir lavé son bébé, elle part acheter des plantains. Dehors, on lui dit qu’on a vu Alexis avec une autre fille. Elle ne rentrera pas à la maison tant qu’elle ne l’aura pas retrouvé.

Mention spéciale ex-aequo : 

Ja Vi Elsker
 (Yes We Love) de Hallvar Witzø – Norvège

Synopsis : Quatre générations, chacune en crise, aux quatre coins de la Norvège le jour de la fête nationale.

Aïssa de Clément Tréhin-Lalanne – France

Synopsis : Aïssa est congolaise. Elle est en situation irrégulière sur le territoire français. Elle dit avoir moins de 18 ans mais les autorités la croient majeure. Afin de déterminer si elle est expulsable, un médecin va examiner son anatomie.

Cinéfondation

Premier Prix : Skunk de Annie Silverstein – The University of Texas at Austin, États-Unis

Synopsis : Élevée par une mère célibataire dans une région rurale isolée du Texas, c’est avec les chiens qu’elle a recueillis que Leila, 14 ans, communique le mieux. Quand un dresseur de chiens de combat en herbe lui vole son pit-bull bien-aimé, Leila n’a d’autre choix que de se défendre, au prix de son innocence.

Deuxième Prix : Oh Lucy ! de Atsuko Hirayanagi – NYU Tisch School of the Arts Asia, Singapour

Synopsis : Setsuko, 55 ans, employée de bureau célibataire à Tokyo, reçoit une perruque blonde et une nouvelle identité – Lucy – de son jeune professeur d’anglais non-conformiste. ‘Lucy’ réveille en Setsuko des désirs inconnus jusqu’alors. Quand son professeur disparaît, Setsuko doit faire face à ce qu’il reste : elle-même.

Troisième Prix de la Cinéfondation ex-aequo :

Lievito Madre de Fulvio Risuleo – Centro Sperimentale di Cinematografia, Italie

Synopsis : Lui, elle et l’autre : le triangle classique. Mais qu’est-ce qui se passe quand l’autre n’est pas un être humain ? Ou plutôt s’il est fait de farine, d’eau et de miel ?

The Bigger Picture (Le tableau d’ensemble) de Daisy Jacobs – National Film and Televison School, Royaume-Uni

Synopsis : Des personnages animés grandeur nature racontent avec un humour noir la triste histoire de l’accompagnement d’un parent âgé. « Tu veux la mettre dans une maison de retraite ? Alors, dis-le-lui ! » siffle un des frères à l’autre. Mais comme Mère n’entend pas partir, leurs vies se désagrègent à mesure qu’elle s’accroche à la sienne.

Cannes, les prix des sections parallèles

Du côté de la Quinzaine des Réalisateurs ou de la Semaine de la Critique, les courts métrages ont aussi droit à leurs  Jurys et à leurs prix.

Quinzaine des Réalisateurs

Depuis trois ans, la marque Illy récompense l’un des courts métrages sélectionné à la Quinzaine. Un prix et deux mentions ont été attribués par le Jury 2014 composé de Maud Ameline (scénariste), Carlo Bach (illycaffè), Jacques Kermabon (Rédacteur en chef de Bref Magazine), Antonin Peretjatko (réalisateur) et Anna Mouglalis (actrice).

Prix illy du court métrage : Sem Coração (Heartless) de Nara Normande et Tião – Brésil

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Synopsis : Léo va passer les vacances chez son cousin dans un village de pêcheurs. Là-bas, il rencontre une fille surnommée ‘Sans Coeur’.

Mention : Trece si prin perete (It can pass through the wall) de Radu Jude – Roumanie

Synopsis : « – J’ai peur, grand-père !… Tu entends ? […]
– C’est les gens de la maison qui pleurent, dit-il. Ils regrettent le mort, c’est pour ça qu’ils pleurent. »
(« Dans la remise » par Anton Tchekhov)

Semaine de la Critique

Un film de la sélection 2014 a été élu par le Jury du Prix Découverte Sony CineAlta du court métrage composé de Rebecca Zlotowski (réalisatrice), Tine Fischer (fondatrice et directrice du Festival international de films CPH:DOX, Danemark), Abi Sakamoto (responsable cinéma de l’Institut Français du Japon), Benny Drechsel (producteur, Allemagne) et Pablo Giorgelli (réalisateur, Argentine).

Prix Découverte Sony CineAlta du court métrage : A Ciambra (Young Lions of Gipsy) de Jonas Carpignano – Italie, France

A Ciambra

Synopsis : A ciambra raconte une nuit dans la vie de Pio, un jeune Rom qui vit en Calabre.

Prix Canal+ du court métrage : Crocodile de Gaëlle Denis (Royaume-Uni)

Synopsis : Un proviseur de lycée en deuil lutte contre un crocodile.

Stone Cars de Reinaldo Marcus Green

« Stone Cars » captive notre attention dès la première image qui nous est donnée, sans introduction aucune. On y est confronté, en plan très serré, à une main masculine se faufilant sous une jupe d’écolière, aussitôt repoussée. Elle n’insiste que peu, ou du moins le fait en douceur. Puis, lentement, la caméra s’écarte et montre un couple d’adolescents qui se câline amoureusement sur une colline surplombant la ville du Cap, en Afrique du Sud. Cette première scène annonce le mélange entre violence et amour qui se poursuivra tout au long du film.

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« Stone Cars » est percutant et assez court. En moins d’un quart d’heure, nous partageons les moments les plus importants de la vie d’April via les quelques jours qui précèdent son dépucelage et ses appréhensions devant le passage de l’acte.

Parallèlement, le film nous montre les conditions de vie d’une jeune adolescente dans un endroit parmi les plus dangereux du monde. Il prend place au sein du bidonville de Khayelitsha, un des plus peuplés d’Afrique du Sud. On y suit le quotidien violent d’April, harcelée par une bande de jeunes qui l’incitera à prendre une décision importante pour elle. En réponse à l’animosité ambiante, April fera preuve de force et de ténacité et s’accrochera à son histoire d’amour.

Reinaldo Marcus Green, réalisateur et producteur, a choisi de travailler avec une lumière pure et sans artifice pour nous plonger le plus naturellement possible dans le décor impressionnant de cette ville, dans la foule de Khayelitsha. Le temps du film, on se sent vivre parmi ces enfants qui jouent aux petites voitures avec des briques, des « stone cars », ou dans ce marché où April vend des gâteaux avec sa mère pendant le week-end.

La caméra portée à l’épaule, souvent très proche des personnages, laisse aux personnages et aux spectateurs peu d’espace pour respirer, et renforce cette violence et le sentiment de mal-être que l’on peut éprouver pour April. C’est dans un premier rôle bouleversant qu’Olwethu April, la jeune comédienne, porte ce film et assoit la justification de sa sélection à la Cinéfondation du Festival de Cannes, cette année.

Zoé Libault

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S Comme Stone Cars

Fiche technique

Synopsis : Une adolescente qui grandit dans le dangereux township de Khayelitsha est confrontée à une décision difficile à la suite d’un événement traumatique.

Genre : Fiction

Durée : 14’

Pays : Afrique Du Sud, Etats-Unis

Année : 2013

Réalisation : Reinaldo Marcus Green

Scénario : Reinaldo Marcus Green

Image : Federico Martin Cesca

Montage : Justin Chan

Musique : Stefan Swanson

Interprétation : Olwethu April, Lungisani Dyalvani

Production : New York University, Tisch School Of Arts

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Petit Frère de Rémi St-Michel

Une note de jazz, des références de producteurs improbables (Romance Polanski, Klaus Kinky), une image en noir et blanc, des corps, des potes, une vanne. D’emblée avec « Petit Frère », présenté à la Semaine de la Critique, le ton est donné.

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Antoine, jeune provocateur, retrouve Julien, son tuteur, son « grand frère », pour passer la journée avec lui. Après s’être insultés mutuellement, ils se baladent en ville et se lancent des défis pour leur dernier moment passé ensemble avant le départ de Julien pour la Russie.

Rares sont les films décalés retenus ces dernière années par la Semaine de la Critique mis à part « Ce n’est pas un film de cow-boys » de Benjamin Parent (France) ou « Blue » de Stephen Kang (Nouvelle-Zélande). « Petit Frère » est l’envolée humoristique et le souffle d’air frais de cette édition.

Le réalisateur de cette chronique québécoise, « Petit Frère », Rémi St-Michel , avait déjà réalisé « Le Chevreuil », un film d’écoles découvert au Festival d’Aubagne l’an passé. Dans ce film, une famille éplorée côtoyait un chevreuil et le drame n’était jamais très loin de l’humour absurde et de la musique fun & rock.

« Petit Frère » suit la même logique, avec une attention toujours aussi marquée pour les anti-héros du quotidien, personnages ordinaires mais résolument touchants. Si l’humour est très présent, l’émotion s’invite également dans ce film qui suit la journée de deux individus avant leur ultime séparation.

Habillé par une bande-son jazzy absolument pétillante, le film fait preuve d’une légèreté et d’un joli grain noir et blanc (en hommage à Jim Jarmusch et à Kevin Smith). Tour à tour chorégraphique, burlesque, touchant, « Petit frère » s’affranchit de son cadre en baladant ses personnages dans la ville de Montréal et en bénéficiant d’une chouette spontanéité, proposée conjointement par deux « frères » à la ville comme à l’écran, Étienne Galloy et Éric K. Boulianne.

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Tourné sans moyens, le film fait preuve d’une fraîcheur intéressante parmi les courts prétentieux qu’on peut trouver en abondance à Cannes ou ailleurs. Bien écrit, joliment interprété, musicalement nourri, « Petit Frère » dispose de moments de joie inédits comme les raps peu inspirés, les chorés citadines ou les défis échangés dans le jardin public. Sans oublier la tendresse, l’amitié et la proximité entre les deux comédiens, captée avec intelligence par Rémi St-Michel.

Katia Bayer

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Article associé : l’interview de Rémi St-Michel et Eric K. Boulianne

P comme Petit Frère

Fiche technique

Synopsis : Antoine, jeune cas à problèmes de 14 ans, passe une journée avec son tuteur, Julien. Pour une dernière fois avant le départ de ce dernier pour la Russie, les deux « frères » déconnent dans les rues de la métropole.

Genre : Fiction

Durée : 14′

Pays : Canada

Année : 2014

Réalisation : Rémi St-Michel

Scénario : Eric K. Boulianne

Image : François Messier-Rheault

Montage : Sophie B. Sylvestre

Son : Jean-Sébastien B. Gagnon

Musique : Peter Venne

Interprétation : Étienne Galloy, Eric K. Boulianne

Production : Romance Polanski & Klaus Kinky

Articles associés : la critique du film, l’interview de Rémi St-Michel et Eric K. Boulianne

T comme True Love Story

Fiche technique

Synopsis : True Love Story est un voyage à travers les ruelles ensorcelantes et sournoises de Bombay. Dans cette ville imprégnée de rêves bollywoodiens, le fantastique s’efface pour laisser place à la réalité viscérale. True Love Story est une ode aux histoires d’amour.

Genre : Animation

Durée : 19′

Pays : Inde

Année : 2014

Réalisation : Gitanjali Rao

Scénatrio : Gitanjali Rao

Image : Gitanjali Rao

Montage : Kurro González

Son : P M Satheesh, Manoj Goswami

Décors : Ruplali Gatti, Gitanjali Rao

Musique : EarthSync

Animation : Sangita Khatu, Vishruta Churi, Rekha Thorat

Production : Gitanjali Rao Productions, Les Films de Ka

Articles associés : la critique du film, l’interview de Gitanjali Rao

True Love Story de Gitanjali Rao

Gitanjali Rao n’est pas une inconnue dans le circuit de l’animation et des festivals. En 2006, la réalisatrice présentait son très beau court métrage, « Printed Rainbow » à la Semaine de la Critique et y recevait trois prix : Prix Découverte Kodak du meilleur court métrage, Prix de la (Toute) Jeune Critique et  Petit Rail d’Or du court métrage. Elle y était à nouveau sélectionnée cette année avec son nouveau film, « True Love Story », un court extrait d’un projet de long-métrage.

« True Love Story » montre un Bombay différent, à la fois séduisant et sournois. Un jeune vendeur de fleurs repère une jeune femme pauvre dans la rue, il l’approche, s’en éloigne. Derrière les apparences, se cache une autre réalité : il vole, elle vend ses charmes. Ils s’aiment mais la vie est difficile dans cette ville d’ombres et de différences sociales, imprégnée de rêves aux couleurs de Bollywood.

Dans ses films, Gitanjali Rao nous parle de son pays, l’Inde. Pour ce faire, elle nous emmène à chaque fois en voyage tant esthétiquement qu’auditivement. Ses films sont en réalité des expériences sensorielles fondées sur les mythes, la société actuelle, les couleurs, le son et la musique.

Pour illustrer ses histoires, Gitanjali Rao se sert de la peinture animée et d’une palette graphique extrêmement riche. Ses films, remplis de détails, sont extrêmement visuels et musicaux. Si elle n’hésite pas à oser des choses à l’image (comme effacer les visages ou illustrer la dure réalité par des nuances de gris), elle réussit, film après film, à maintenir et à amplifier une émotion sans pareil, sans beaucoup de moyens financiers.

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Ode à l’amour, invitation à l’évasion, reflet sociétal, « True Love Story » est un projet à part dans le travail de la réalisatrice. Le film est un fragment d’un potentiel long-métrage à venir, en recherche de financements. Il aurait pu ne pas exister sous sa forme actuelle.

Après l’avoir vu, le comité court de la Semaine de la Critique a souhaité le sélectionner pour son mélange de dureté, de fantaisie et de beauté. On ne peut que s’en réjouir. « True Love Story » est bel et bien l’animation la plus vivante et libre de Cannes cette année.

Katia Bayer

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Article associé : l’interview de Gitanjali Rao