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Hunger de Petra Zlonoga

Petra Zlonoga n’est plus une débutante. « Hunger » est son cinquième film en huit ans et, bien qu’elle soit graphiste, elle prend le contre-pied d’une grande partie de ses semblables lorsqu’ils en viennent au cinéma en évitant soigneusement d’animer directement sur ordinateur. Son dernier film, présenté au dernier Festival d’Angers, est en effet d’abord fait main, peint et dessiné selon des techniques traditionnelles avant d’être numérisé. Cela revêt une importance certaine car « Hunger » est d’abord un film intime et sur l’intimité. Il aurait été difficile et dommage d’utiliser des méthodes artificielles quand le toucher, le tracé et le mouvement sont aussi prégnants.

L’idée est simple et belle, parfaitement résumée par le pitch : « Tout ce qui est en vie a faim ; la graine a faim de lumière ; l’oiseau a faim de hauteurs, l’homme a faim du toucher de l’autre. Le germe du désir pousse dans tout ce qui nous nourrit. » C’est donc un film sur la faim, non sur l’éternel appétit pour la nourriture et notre survie mais sur cette faim qui fait germer en chacun de nous un désir, une envie. « Hunger », c’est encore un paysage abstrait, aussi bien visuel que sonore, qui tend petit à petit vers la figuration, comme naissance de quelque chose. Si le film parvient à rendre cette atmosphère palpable, c’est aussi grâce à l’apport d’Andrea Martignoni. Le sound-designer et musicien italien, connu pour ses performances en direct avec Pierre Hébert et pour sa collaboration aux univers urbains de Blu, propose une bande sonore minimaliste et antinaturaliste qui résonne comme un éternel écho.

Pendant que sur un fond quasi uni, des formes simples se plient, se métamorphosent et se révèlent au monde, un cœur bat et des bruits indistincts participent à la création d’un lieu connu mais différent de ce que nos sens ont l’habitude de nous faire percevoir. De l’espace noirâtre et souterrain de la graine et des racines, émerge la blancheur et la délicatesse de branches qui composent l’intérieur d’un corps humain. Et pendant que deux mains, l’une noire, peinte et sans contour, l’autre blanche, figure à peine esquissée, se rencontrent à la faveur d’un œuf, un oiseau prend forme à l’intérieur de ce dernier. Puis, il s’envole d’un second corps et se nourrit des fruits du premier.

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« Hunger » c’est le rapprochement et l’union de deux mondes graphiques complémentaires. Celui, plein, de la peinture, et l’autre, vide, du trait crayonné. Malgré leur fixité apparente, dans ces deux corps sommeillent un désir que les mouvements des animaux et des plantes grandissantes font émerger. L’un ne peut aller sans l’autre et c’est dans un dernier vol qu’ils s’unissent alors que les pulsations du cœur redoublent et que les ailes battent plus fort que jamais.

Nicolas Thys

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H comme Hunger

Fiche technique

Synopsis : Tout ce qui est en vie a faim ; la graine a faim de lumière ; l’oiseau a faim de hauteurs, l’homme a faim du toucher de l’autre. Le germe du désir pousse dans tout ce qui nous nourrit.

Genre : Animation

Durée : 6′09

Année : 2014

Pays : Croatie

Réalisation : Petra Zlonoga

Scénario : Petra Zlonoga

Design : Petra Zlonoga

Animation : Petra Zlonoga et Jelena Oroz

Compositing : Stjepan Milas

Son : Andrea Martignoni

Montage : Iva Kraljević

Production : Bonobostudio

Article associé : la critique du film

Festival d’Aubagne, le palmarès 2015

La 16e édition du Festival International du Film d’Aubagne s’est achevée ce weekend après 6 jours de projections, trois ciné concerts, des master class, des rencontres entre réalisateurs, scénaristes, producteurs et compositeurs de musique de film.

Voici les 7 courts qui y ont été primés sur les 72 œuvres en compétition par le jury attitré : Nicolas Cazalé (comédien), Christian Volckman (réalisateur), S.C.R.I.B.E (auteur réalisateur) et Franck Lebon (compositeur).

Palmarès

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* Meilleur film de fiction : « Discipline » de Christophe M. Saber (Suisse)
* Meilleur film d’animation : « Beach Flags »  de Sarah Saïdan(France)
* Meilleur documentaire : « Brame » de Sophie-Charlotte Gautier, Anne Loubet (France)
* Prix Spécial du jury : « Journée d’appel » de Basile Doganis (France)
* Mention spéciale pour la meilleure interprétation féminine à Katharina Behrens dans « Wo Wir Sind » de Ilker Catak (Allemagne)
* Mention spéciale pour la meilleure interprétation masculine : John Arnold dans « Service compris »de Stéphan Castang (France)

Autres prix

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* Prix Beaumarchais-SACD :« Au sol » de Alexis Michalik (France)
* Prix du Public  : «De Smet » de Thomas Baerten, Wim Geudens (Belgique/Pays Bas)
* Prix des délégués culturels : « Luciano » court métrage de Dani de la Orden – Cyprien Clément-Delmas (Espagne)
*18è Bourses du Sirar (Site Régional d’Aide à la Réalisation) : scénarios lauréats
– 1er Prix : Bourse pour la réalisation d’un 1er court métrage : « Jours intranquilles » par Latifa Saïd
– 2ème Prix : Aide technique :« Et quand vient le soir » par Lou Séité
– 3ème Prix : invitation au Marathon d’écriture du Festival des scénaristes de Valence : « La chasse au dahu » par Anaïs Leclerc

Rino Stefano Tagliafierro : « L’histoire prime sur la technique car elle est pourvoyeuse d’émotions »

« Beauty » est un film déconcertant à bien des égards. Ni réellement en prise de vue réelle ni vraiment animé de manière habituelle, ce kaléidoscope enchaînant des reproductions de tableaux classiques pendant près de 10 minutes a fait son chemin remarqué en festival, toujours dans les marges, autant à Annecy qu’à Clermont-Ferrand. Nous avons rencontré l’auteur de « Beauty », un jeune graphiste italien, Rino Stefano Tagliafierro, qui nous en dit un peu plus sur l’origine de son film et sa méthode de travail.

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Tu as fait une école de design et beaucoup d’installations impliquant l’art vidéo. Tu as aussi réalisé des vidéoclips. En ayant autant de cordes à ton arc, comment choisis-tu tes projets ?

En général, j’ai en tête un projet et un message. Après, ça ne compte pas pour moi de savoir comment je l’exprime. Du coup, je n’attache pas d’importance au fait que ce soit de l’animation classique, hybride ou de la prise de vue réelle. À certains moments de ma vie, j’ai envie d’expérimenter certaines techniques, mais ce n’est pas le plus important. Je veux transmettre des émotions, je choisis donc une technique en conséquence. L’histoire prime car elle est pourvoyeuse d’émotions.

Dans tes clips, tu animes des formes avec de la musique. Comment fais-tu le lien entre elles ?

C’est ma passion de lier les deux. Dans chacune de mes vidéos, je fais très attention au sound design. Je travaille souvent avec mon ami compositeur Enrico Ascoli qui me comprend très bien. Il sait ce que j’ai en tête et m’aide à l’appréhender. Il y a une forme de symbiose entre nous.

Pour mon film musical « My Super8 », retenu à Annecy en 2013, j’ai d’abord monté les images sans musique. Enrico a créé la musique à partir de la vidéo brute et de mon idée. J’ai ensuite rajusté les images avec la musique.

Quand je travaille, j’écoute de la musique comme beaucoup de gens. C’est la même chose quand je tourne, je demande à l’assistant de mettre de la musique sur le plateau. Ça crée une même ambiance pour toute l’équipe et c’est important surtout quand on travaille sur un film où la musique compte.

Est-ce le cas de « Beauty » ? Que souhaitais-tu montrer avec ce film ?

« Beauty » a été plus conçu comme un « trip émotionnel ». Je souhaitais que le spectateur se laisse transporter et ne pense pas pendant le film. Le but était de créer une histoire à l’intérieur du spectateur, une histoire qui aille au-delà de son regard et implique tout son corps en faisant des montées et des descentes d’émotions. J’aimerais que le public se perde dans mes films, un peu comme s’il était en transe. Dans « Beauty », la musique et l’enchainement des peintures donnent le rythme et orientent l’histoire.

Je pense avoir créé une vidéo qui parle à tout le monde car j’essaye de montrer les émotions majeures que chacun peut ressentir au cours de sa vie. Il y est question de la crainte de la naissance, de la mort ou de l’amour. Au travers de ces peintures, je cherche un langage universel.

Pourquoi as-tu choisi ces peintures-là, exclusivement classiques et figuratives, et comment les as-tu travaillées ?

Quand je me trouve à Rome, je ne manque jamais d’aller voir mes peintures préférées de Caravage. J’aime aussi le classicisme français et William Bouguereau. Pour ce film, j’ai commencé par choisir les peintres que j’aimais. J’ai ensuite choisi des peintures d’artistes similaires dans la technique ou les symboles. J’ai volontairement exclu les artistes après le XIXè siècle et les impressionnistes.

Pour « Beauty », il y a 118 peintures, mais j’en ai choisi beaucoup d’autres. En réalité, j’en ai animé énormément et un bon nombre d’entre elles ne se trouvent pas dans le montage final. Je les ai effacées et mises dans un film alternatif dont je ferai peut-être un bonus un jour.

J’ai également souhaité conserver la touche originale des peintures que j’ai animées en ajoutant seulement un petit mouvement, sans les dénaturer. Cela m’a pris beaucoup plus de temps que ce que j’avais imaginé et je me suis retrouvé à travailler sur ce projet pendant les week-ends et les vacances.

As-tu passé beaucoup de temps dans les musées ?

Je n’ai pas vu la plupart des peintures qui sont montrées dans mon film. Certaines sont dans des collections privées. J’ai pris beaucoup de notes et ai surtout passé du temps à choisir certaines peintures plutôt que d’autres. J’ai aussi passé beaucoup de temps sur Internet pour compléter mon film.

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Sur un écran d’ordinateur ou un téléviseur, ton film semble utiliser l’écran pour en faire un tableau alors qu’en salle, les personnages des tableaux apparaissent souvent plus grands que les spectateurs. Était-ce délibéré, sachant que ton travail profite beaucoup de la diffusion sur le Net ?

Peut-être qu’un grand écran, au cinéma, finit par être trop grand, même si cela va dans le sens que je cherche et qu’il accroit l’émotion. Les personnages sont vraiment grands, c’est vrai, c’est étrange, mais je ne pense pas qu’il y ait un meilleur média que la salle pour mes vidéos.

La peinture originale reste le meilleur média mais l’important, à nouveau, c’est l’histoire. Je ne pense pas que l’image parfaite soit un but en soi, même si j’attache toujours de l’importance au grain et à la patte personnelle. De plus, je me considère plus comme un artiste utilisant le graphisme que comme un animateur à proprement parler.

Propos recueillis par Georges Coste

Article associé : la critique du film

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Concours de scénario 5×2

La Cinémathèque de Grenoble et le Grec organisent depuis 1998 un concours de scénario de court-métrage dans le cadre du Festival du film court en plein air de Grenoble. Depuis 2014, ce concours propose la réalisation de 5 x 2 minutes par un même auteur dans un même lieu.

Le lauréat du concours réalise son projet grâce à une bourse du Conseil Général de l’Isère et un préachat de France 2. Le Grec en est le producteur. Les trois premiers lauréats bénéficient d’un stage de réécriture à Grenoble, dirigé par Christophe Loizillon, parrain du concours pour la deuxième année consécutive.

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Le film du lauréat sera diffusé lors du Festival du Film Court en plein air de Grenoble, et dans Histoires courtes sur France 2. Il sera également mis en ligne sur les sites internet de France 2, de la Cinémathèque de Grenoble et du Grec.

Date limite de candidature : 24 avril 2015.

Télécharger le dossier d’inscription

Infos : http://www.grec-info.com/concours.php

L’Amie d’Amélie de Clémence Diard

Sélectionné dans la compétition internationale des courts-métrages de la nouvelle édition du Cinéma du Réel, le documentaire « L’Amie d’Amélie » de Clémence Diard nous plonge dans l’intimité d’une relation entre deux sœurs. L’une est la réalisatrice elle-même et l’autre l’Amélie du titre, jeune femme atteinte d’autisme et dont la prise en charge par sa sœur le temps d’une semaine constitue le prétexte d’un tournage élaboré dans son plus simple appareil : une caméra numérique, la filmeuse d’un coté et la filmée de l’autre. La jeune cinéaste, ancienne étudiante de la Fémis issue du département montage, livre un film de fin d’études étonnant dont l’épure et l’apparente simplicité du dispositif parviennent à reposer et éclairer les enjeux du cinéma documentaire.

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La séquence d’ouverture du film nous emmène dans un premier temps en terrain connu : un montage d’images d’archives extraites de bandes VHS sur lesquels sont enregistrés les jeux d’enfants de la réalisatrice et de sa fratrie nous est présenté, et succinctement commenté par une voix-off nous plaçant d’emblée dans la confidence. La voix est celle de Clémence, et les quelques mots qu’elle pose sur ces images livrent l’essentiel des informations dont nous aurons besoin pour appréhender le récit à venir, ou tout du moins son point de départ : celui de sa relation avec sa sœur Amélie, diagnostiquée autiste à la naissance et dont la cinéaste confesse de «ne pas avoir pardonné le handicap durant son enfance». L’on pourrait craindre à cet instant que le film réduise son champ à celui d’une frontière délimitée par le handicap, et que l’ambition qui en découle nous amène sur le terrain rebattu d’un léger bousculement de notre zone de confort vis-à-vis de ce sujet et de sa représentation.

La réalisatrice résout assez vite cette question dès lors que nous entrons dans l’espace-temps de cette semaine où elle garda sa sœur, profitant de cette intimité retrouvée pour la filmée au présent de leur relation et de leurs possibles échanges. En occultant nullement dans les premières séquences la gaucherie d’Amélie, ses écarts de conduites et ses moments de ressassement, la réalisatrice trouve l’angle juste et pose un regard bienveillant sur son sujet en cela qu’elle nous le donne dans son acception la plus prosaïque. La représentation du handicap n’est dès lors plus envisagée comme une fin en soi, mais comme l’espace d’un échange particulier que la proximité permise par le tournage documentaire peut nourrir en l’investissant de nouvelles questions, de nouveaux enjeux.

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Rapidement, un troisième acteur intervient au milieu de cet échange privilégié entre la réalisatrice et sa sœur : l’énigmatique Christine, esthéticienne et vraisemblablement amie d’Amélie qu’elle ne cesse d’évoquer au cour de ses discussions avec Clémence et qu’elle souhaite convier à un goûter. Un fil narratif se dessine alors progressivement et transforme la rencontre éternellement repoussée avec l’esthéticienne en véritable feuilleton, dont l’intérêt principal tient dans le déplacement des enjeux du récit qu’il opère en fabriquant un hors-champ inattendu. L’intelligence de la cinéaste se traduit alors par la prise en compte de cette nouvelle altérité, jusqu’à en faire le pivot à partir duquel les rapports entre les différents acteurs du film se transforment et redéfinissent, parfois avec une ironie surprenante, les statuts de chacun.

Car au cours de ce feuilleton, un épisode déterminant survient. Amélie saisit à un moment la puissance de l’outil-caméra et énonce l’envie de réaliser son propre projet pour se rapprocher de son amie absente, matérialisant de ce fait une donnée essentielle de la démarche documentaire : la présence de la caméra comme objet dont le filmeur et le filmé peuvent s’emparer au même moment, chacun construisant son film en parallèle du film de l’autre. Les sœurs finissent par se rencontrer au plus bel endroit, celui du cinéma qui leur offre par le truchement d’une caméra et du hors-champ qu’elle fabrique un espace à investir ensemble.l-amie-d-amelie1

La réussite du film de Clémence Diard tient dans le fait qu’il ne verse jamais dans le pathos ni dans la démagogie, et replace le geste documentaire au cœur de son projet. En s’emparant d’une matière personnelle qu’elle interroge à chaque instant, la cinéaste entreprend de répondre à son sujet dans le temps de la fabrication plutôt que d’imposer a priori un sens ou un discours quelconque. Si le cadre vacille, l’œil, lui, regarde assurément dans la bonne direction.

Marc-Antoine Vaugeois

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Pour information, le film est projeté ce samedi 21 mars à 18H30 au Luminor, le lundi 23 mars à 13H30 au Cinéma 1 et le jeudi 26 mars à 19H30 au Centre Wallonie Bruxelles.

A comme L’Amie d’Amélie

Fiche technique

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Synopsis : «Notre mère est partie depuis dimanche et je vais rester pendant une semaine auprès de ma sœur Amélie. Je pensais qu’on allait être seules pour une fois, mais je me trompais. Entre elle et moi, il y a Christine ».

Genre : Documentaire

Durée : 42′

Année : 2014

Pays : France

Réalisation : Clémence Diard

Image : Clémence Diard

Montage : Clémence Diard

Son : Clémence Diard

Production : La Fémis

Article associé : la critique du film

Rubicon de Gil Alkabetz

Animation, 6’50″, 1997, Allemagne, Studio Film Bilder

Synopsis : Un loup, un mouton et un chou doivent traverser une rivière. Comment peut-on les faire traverser, chacun à son tour, sans que le mouton puisse manger le chou et sans que le loup puisse manger le mouton ?

Sélectionné en compétition à Cannes en 1997, prix du film le plus drôle à Annecy la même année, « Rubicon » de l’animateur israélien Gil Alkabetz est un court-métrage absolument remarquable par la qualité de son animation, son humour burlesque et son rythme pêchu.

Quoi de plus simple pour un moustachu que de transporter un mouton, un loup et un chou sans commettre d’impairs ? À cette devinette élémentaire, Gil Alkabetz (le réalisateur des très beaux « Der Da Vinci Timecode » et « Morir de Amor ») propose une solution rationnelle de moins de 7 minutes, montre en main. Seulement, ce problème de logique a quelques difficultés à se résoudre dans les faits. « Rubicon »  multiplie en effet les possibilités et les tentatives pour arriver à une solution acceptable : le chou se met à voler, le mouton rame, le loup n’est plus tout à fait lui-même, … . Avec une simplicité, un sens du détail et un surréaliste désarmants, chaque plan du film dévoile une nouvelle astuce pour le plus grand plaisir du spectateur.

Drôle et subtil à la fois (y compris au niveau du son), le film a la durée qu’il lui faut (ni trop long ni trop court) et est loin de faire ses presque 20 ans. Avec le temps, il gagne en saveur, se démarque totalement de certaines productions trop fades se réfugiant derrière la technique, et occupe bel et bien son statut de film culte et incontournable de l’animation.

Katia Bayer

Articles associés : l’interview de Gil Alkabetz, la critique de « Der Da Vinci Timecode »

Nouveau Prix Format Court au Festival Go Short (Pays-Bas) !

Goed nieuws ! La 7ème édition du jeune et dynamique festival international de courts métrages Go Short aura lieu du 8 au 12 avril prochain, à Nijmegen, aux Pays-Bas. Format Court y attribuera pour la première fois un prix au sein de la compétition hollandaise. C’est la deuxième fois que notre magazine remet un prix à l’étranger, après le Festival du Nouveau Cinéma à Montréal. Pour l’occasion, le jury Format Court (Katia Bayer, Marie Bergeret, Adi Chesson, Agathe Demmanneville, Zoé Libault) évaluera les 18 films sélectionnés en compétition.

Le court-métrage primé bénéficiera d’un focus spécial en ligne, sera programmé lors d’une prochaine séance Format Court organisée au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) et bénéficiera d’un DCP doté par le laboratoire numérique Média Solution.

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Films en compétition

– A Hole In My Heart de Mees Peijnenburg

– A Single Life de Job, Joris & Marieke

– All Those Sunflowers de Bram Schouw

– Among Us de Guido Hendrikx

– Blindly de Joanne Van Der Weg

– De Smet de Thomas Baerten, Wim Geudens

– Descent de Johan Rijpma

– Don’s Dream de A. Mulder

– Drone Drive by de Jack Faber

– If Mama Ain’t Happy, Nobody’s Happy de Mea De Jong

– Meantime de Christian Van Duuren

– New de Eefje Blankevoort

– Nothing Left Unsaid de Anne-Marieke Graafmans

– Onno The Oblivious de Viktor van Der Valk

– P de Aaron Rookus

– Splintertime de Rosto

– Supporting Film de Douwe Dijkstra

– The Hornhunter de Noël Loozen

Short Screens #48 : Millenium

Simple constat ou dénonciation virulente, le cinéma du réel n’a de cesse de poser un regard sur le monde en (r)évolution. Soucieux de montrer des œuvres engagées et porteuses de messages forts s’inscrivant dans la lignée des huit objectifs du Millénaire, Short Screens s’associe au Millenium International Documentary Film Festival pour sa séance de mars et vous réserve une carte blanche exceptionnelle de neuf films entièrement consacrée au court métrage documentaire.

Un projet à l’initiative de l’asbl Artatouille et Format Court.com. Rendez-vous le jeudi 26 mars à 19h30, au cinéma Aventure, Galerie du Centre, Rue des Fripiers 57, 1000 Bruxelles – PAF 6€

Visitez la page Facebook de l’événement ici.

PROGRAMMATION

10 minutes de Jorge Leon. Belgique/ 2008/ 17′
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À travers la lecture d’une feuille d’audition judiciaire, «10 min.» relate le parcours d’une jeune fille projetée malgré elle dans un réseau de prostitution.

Article associé : la critique du film

Chai de Gitanjali Rao.Inde/ 2013/ 11′
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Série de portraits des faiseurs de Chai.

Article associé : l’interview de Gitanjali Rao

The Last Ice Merchant de Sandy Patch. USA/ 2013/ 14′
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Lorsque Baltazar Ushca quittera ce monde, la tradition ancestrale de récolte de glace sur la plus haute montagne en Équateur mourra avec lui. Chaque geste de cet artisan est tendrement dépeint, comme lorsqu’il enveloppe fermement ses blocs de glace dans le foin et les charge sur son âne pour la livraison à ses clients fidèles, de plus en plus rares.

Marie’s Dictionary d’Emmanuel Vaughan-Lee. Royaume-Uni/ 2014/ 9’30
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Marie Wilcox est la dernière personne à parler le Wukchumi. Ce film retrace l’histoire du dictionnaire qu’elle a crée pour que sa langue reste en vie.

Les Barbares de Jean-Gabriel Périot. France/ 2010/ 5′
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Nous, plèbe, nous, barbares.

Articles associés : la critique du film, l’interview de Jean-Gabriel Périot

Tornistan d’Ayce Kartal. Turquie/ 2014/ 4′
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Juin 2013. Un mouvement protestataire occupe le parc Gezi à Istanbul. La tension monte entre les manifestants et la police qui se montre de plus en plus violente. Pendant ce temps, la télévision turque diffuse des documentaires sur les pingouins. Marche arrière est un film autocensuré dénonçant cette censure.

Don’t Let It All Unravel de Sarah Cox. Royaume-Uni/ 2007/ 2′
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Ne laissons pas notre monde ne tenir qu’à un fil. Raccommodons-le !

Articles associés : la critique du film, l’interview de Sarah Cox

Making It In America du collectif I am Los Angeles. USA/ 2015/ 9′
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Le film raconte l’histoire d’Alma Velasco, une immigrée du Salvador qui est arrivée à Los Angeles adolescente pour construire une vie meilleure pour elle et sa famille.

Avant la Nuit de Chiara Caterina. Italie, Belgique/ 2013/ 3′
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Brève réflexion sur l’état de l’emprisonnement dans le décor urbain et sur le lien entre le regard, le point de vue et la dimension du temps au crépuscule, en cet instant du jour si bref et pourtant si intense au cours duquel tout semble possible.

Beauty de Rino Stefano Tagliafierro

Invitation au voyage, exploration des émotions, travail sur la perception, « Beauty » est un film de ressenti, un court animé extrêmement original et troublant sur l’art et la vie.

Découvert à Annecy, sélectionné dans bon nombre de festivals, projeté à notre séance Format Court au mois de septembre, ce film époustouflant de beauté et de grâce est le fruit de cinq mois de travail solitaire de l’artiste italien Rino Stefano Tagliafierro.

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Pour rendre compte des émotions humaines, le réalisateur a identifié et classé un certain nombre de peintures baroques vues et aimées dans les musées et les livres, tombées dans le domaine public. Parmi celles-ci, des toiles de Caravage, Rembrandt, Rubens, David, Doré ou Vermeer, mais aussi un bon nombre d’œuvres du peintre William Adolphe Bouguereau dont la représentation de la douceur, l’enfance et la pureté apportent énormément au film.

Près de 120 tableaux de maîtres tour à tour magnifiques et effrayants se succèdent dans ce film de 10 minutes, rythmé par la musique envoûtante de Enrico Ascoli. Ces peintures ont deux particularités. Par leur nombre et leur qualité, elles offrent au spectateur la possibilité de (re)découvrir une série d’œuvres romantiques et classiques de l’histoire de l’art. Le film ne se voit pas pour autant comme un livre d’art puisque le réalisateur offre un éclairage différent, inédit et surtout animé aux œuvres proposées.

Par un jeu subtil de calques, Rino Stefano Tagliafierro crée de légers mouvements à l’intérieur de ces peintures. À la manière d’un souffle, chaque tableau s’anime doucement, discrètement : comme par magie, l’eau se met à couler, le vent fait bouger les feuilles, une larme coule, un oeil cligne, un oiseau bat des ailes, une porte s’ouvre, un baiser se donne, une mère se rapproche instinctivement de son enfant, …

La perspective change, les peintures s’animent, quittent leur immobilisme, les êtres peints se mettent à prendre vie, à nous regarder ou à entrer en interaction avec leurs pairs de toile. Des images de paysages se succèdent à des tableaux de pureté virginale, de douceur, de félicité, puis à des représentations de l’amour et de la sexualité, mais aussi de la souffrance et de l’angoisse. En effet, la blancheur, l’innocence des visages et des corps fait bientôt place à des scènes de nudité et de désir avant de se substituer à des images de désolation, de destruction, de détresse, de folie et de mort. Au niveau des couleurs, le changement s’opère aussi : les teintes claires, la pureté des visages et des corps fait place à des palettes plus vives en lien avec la représentation de la sexualité avant d’accueillir des teintes plus sombres dans lesquelles apparaissent la nuit, le sang, des têtes coupées, des éclairs, des monstres et des scènes de dissection.

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Avec « Beauty », Rino Stefano Tagliafierro nous embarque dans un curieux voyage, nous initie au cycle de la vie, aux grandes émotions qui la jalonne, et nous offre un vibrant hommage à l’art. Loin de se substituer aux œuvres et de se montrer irrévérencieux envers les peintres et leurs peintures, il revisite l’histoire de l’art et nous permet de regarder autrement la peinture, avec toujours cette idée de souffle, de mouvement minimal entre fixité et animation. Par moments, le réalisateur rompt même la continuité des images en osant des zooms, des ralentis ou des ruptures.

Déjà évoquée, la musique, mais aussi le design sonore de Enrico Ascoli, ayant beaucoup travaillé avec Donato Sansone (« Portrait », « Topo glassato al cioccolato », « Videogioco »), participent grandement à la réception du film par la qualité de son morceau principal proposé tout le long, mais aussi par des détails plus discrets insérés dans la B.O. (mouvements de l’eau, rires, expressions du désir, illustration instrumentale).

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Intense, audacieux, beau et dur à la fois, le film nous transporte dans un au-delà pictural, dans une vision de la vie parfois désillusionnée, et joue avec notre perception du réel d’une manière remarquable. Il semble que les peintures ont un secret à nous révéler et qu’elles ne sont plus tout à fait les mêmes après vision. Rino Stefano Tagliafierro nous offre un très beau cadeau, une expérience unique, sensorielle, et transforme notre regard en animant l’inanimé. Son film très abouti est fort probablement le plus beau film d’animation vu ces dernières années. On en arrive presque à espérer qu’il se saisisse d’autres peintures pour poursuivre son exploration de l’art, son travail autour du mouvement et du souffle.

Katia Bayer

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Article associé : l’interview de Rino Stefano Tagliafierro

Millenium 2015

Le Millenium International Documentary Film Festival se déroulera du 20 au 28 mars. Pour sa septième édition, le festival de cinéma documentaire a mis les petits plats dans les grands en vous proposant pas moins de 80 films, avec en ligne de mire l’humain sous tous ses aspects.

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Au programme, le meilleur du cinéma documentaire réuni en une sélection pointue et plurielle reflétant la diversité de la création contemporaine. Aux côtés des trois compétitions (« internationale », « travailleur du monde » et « vision jeune »), le cinéma belge demeure au centre de la programmation avec de nombreuses Premières. Comme chaque année une place particulière est accordée à la création web. Le Congrès futuriste est la nouveauté majeure de cette année, ce cycle de rencontres est un vaste laboratoire qui replace le spectateur au cœur des interrogations sur le futur et rappelle que les clefs de l’avenir sont entre nos mains.

Le site du festival : www.festivalmillenium.org

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Fiche technique

Synopsis : Regard sur les grandes émotions qui jalonnent la vie – l’amour et la sexualité – à travers le prisme de la souffrance et de l’angoisse. Hommage à l’art et à la vie – et à leur beauté désarmante.

Genre : Animation, expérimental

Durée : 09’49

Année : 2014

Pays : Italie

Réalisation : Rino Stefano Tagliafierro

Scénario : Rino Stefano Tagliafierro, Laila Sonsino, Carlotta Balestrieri

Musique : Enrico Ascoli

Montage : Rino Stefano Tagliafierro

Animation : Rino Stefano Tagliafierro

Production : Rino Stefano Tagliafierro

Articles associés : la critique du film, l’interview de Rino Stefano Tagliafierro

Appel à films. Média Solution lance le Coup de pouce DCP !

Afin de donner plus de visibilité aux jeunes talents du court métrage francophone, le laboratoire numérique Média Solution, le partenaire de nos Prix Format Court, lance le Coup de pouce DCP !

Le principe de ce concours est simple : permettre à un réalisateur ou une réalisatrice de voir son court-métrage diffusé en salle de cinéma et en festival en lui offrant le DCP de son film (encodage au format Cinéma Numérique).

coup de pouce DCP

L’équipe de Média Solution fera une première sélection parmi les films soumis à l’adresse suivante : dcp@mediasolution.fr.

Ensuite, le jury, constitué de professionnels de l’audiovisuel dont Format Court, visionnera les films au cours d’une projection organisée par Média Solution. Après délibérations, le jury déterminera  quel court-métrage remportera l’encodage DCP.

Pour participer : http://mediasolution.fr/blog/

– Lancement du concours : 10 mars 2015
– Fin de l’appel à films : jeudi 30 avril 2015
– Délibération du jury : jeudi 28 mai 2015

Conditions de participation

– Le réalisateur (trice) déclare être âgé d’au moins 18 ans ;
– Un réalisateur (trice) ne peut envoyer plus d’un court-métrage par session (il devra attendre la suivante);
– Le court-métrage doit avoir été d’achevé postérieurement à janvier 2014 ;
– Il n’est pas nécessaire d’être produit par un producteur ;
– Les films doivent avoir une durée maximale de 20 mn (générique compris) ;
– Les films doivent être en langue française ;
– Les films doivent être envoyés par un lien de téléchargement (FTP, WETRANSFER ou autre) au format MP4 (1080p ou 720p) ;
– Les réalisateurs doivent pouvoir fournir leur master au format ProRes HQ dans le cas où leur film serait récompensé par le jury.

Bonne chance à tous et toutes !

Le site de Média Solution : http://mediasolution.fr/

Massimiliano Narduli. Brest, la programmation, le soutien aux auteurs émergents

Massimiliano Nardulli, Italien enthousiaste, est le programmateur du Festival Européen du Film Court de Brest depuis 2011. Exigent mais aussi un peu barré, Massi, comme tout le monde l’appelle, découvre des talents dans les coins les plus perdus d’Europe et il réussit ainsi à proposer chaque année, une sélection de films inattendus, en pensant sans cesse à son cher public. Alors qu’il courait entre deux évènements lors de la dernière édition du festival, nous avons eu l’occasion de le rencontrer afin qu’il nous raconte son métier et ses envies. Demain soir, jeudi 12 mars, il présentera le festival à l’occasion de la soirée Format Court « Best of Brest » au Studio des Ursulines (Paris, 5ème).

Massi

© Manuel Brulé

Depuis combien de temps es-tu programmateur au Festival Européen du Film Court de Brest ?

Je travaille au festival depuis 2007, mais je suis seul à la programmation depuis juillet 2011. Avant, je faisais partie d’une équipe de programmation formée par un directeur artistique, un adjoint, d’autres personnes du festival et moi-même. Après 2010, il y a eu une restructuration et j’ai pris la responsabilité de la programmation.

Décides-tu seul de la programmation finale ou bien es-tu entouré d’une équipe qui a son mot à dire ?

Ça dépend des sélections en fait. Pour les films français, un comité de visionnage fait un premier tri et voit environ 700 ou 800 films par an. Il fait remonter les films potentiellement intéressants. Pour l’Europe, ça fonctionne de manière un peu différente car le travail est plus compliqué. Je me charge de voir presque tous les films et après, je demande un deuxième avis à des membres de l’équipe. Et si je ne réussis pas à tout voir, je demande à quelqu’un de m’aider à faire un premier tri.

Te rends-tu dans les autres festivals pour aller chercher des films européens ou bien Brest est-il suffisamment connu pour que les Européens y envoient leurs films directement ?

Il s’agit un peu des deux. On lance un appel pour tous les films, français et européens. On en reçoit à peu près 1500 de cette manière : à peu près 700 films français et 800 européens. À partir de là, j’en visionne presque le double parce que j’en vois presque autant dans les autres festivals ou bien lors d’échanges avec les autres programmateurs. Mais je ne démarche que les films qui m’intéressent.

brest

Peux-tu me parler des critères de sélection ? La majorité des pays européens doit-elle être représentée ?

En tant que festival européen, on a l’obligation, mais aussi l’envie, de connaître l’état de la production audiovisuelle de courts-métrages dans chaque pays d’Europe. Ceci étant, chaque pays n’est pas forcément représenté tous les ans, mais on essaye d’avoir un maximum de pays liés à l’Europe au festival. Si bien que nous devons connaître ce qui se fait dans chaque pays pour ensuite pouvoir faire notre sélection. Après, les autres critères sont différents, tels que la variation des thèmes par exemple, en prenant en compte les différents codes cinématographiques. Il y a en effet une manière différente de voir les films selon qu’on se trouve en France ou ailleurs en Europe, et il ne faut pas oublier qu’à Brest, il y a un public français. Ce n’est donc pas évident de créer un programme qui va plaire à tout le monde et notre but est que le public puisse trouver son plaisir au festival sachant qu’il est attentif à ce qu’on lui propose. On est loin de Paris et par conséquent, des professionnels de l’audiovisuel. Bien sûr, certains s’y déplacent, mais ce n’est pas pour autant un bon endroit pour en faire un festival uniquement professionnel.

Existe-t-il d’autres critères ?

Oui. Les films français doivent être des premiers films ou des films d’écoles. Pour les films européens, c’est plus ouvert, mais j’aime particulièrement donner l’opportunité à des réalisateurs émergents de se faire connaître à Brest. Et puis, il y a tout simplement des films que j’ai très envie de montrer au public de Brest, alors je me bats pour les avoir. Autrement, on a décidé de limiter la durée des films à 30 minutes depuis 2011. On a pris cette décision en pensant au public qui vient au festival pour découvrir plusieurs univers différents dans le cadre d’une seule et même séance. En mettant des films plus longs, on n’obtient pas la même dynamique de programmation et il ne s’agit pas non plus du même type d’attention. Ceci étant, ça ne veut pas dire que je n’apprécie pas les moyens-métrages, au contraire, je trouve que c’est un très beau format.

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Comment expliques-tu que la compétition française soit beaucoup plus restreinte que l’européenne au niveau de la quantité de films ?

En étant limité aux premiers films et films d’écoles, il faut bien avouer que nous avons moins de matière et en même temps, on essaie de se faire une idée de ce qui se fait en France. À vrai dire, la compétition française a été lancée en 2012. Auparavant, nous n’avions pas de compétition française, mais des films français étalés dans la compétition européenne. D’ailleurs, il y en avait beaucoup plus dans la compétition européenne qu’il n’y en a aujourd’hui.

À ce propos, comment prends-tu la décision qu’un film français apparaisse en compétition française ou européenne ?

En fait, je n’étais pas d’accord avec le système qu’on avait auparavant car la grande majorité des films en compétition européenne étaient français. Je trouvais ça ridicule aussi parce que ça desservait les films français. À vrai dire, ce n’est pas le nombre qui fait la qualité des films. Sur une compétition européenne de 40 films, il y en avait environ 17 français, le problème étant qu’ils n’étaient évidemment pas du même niveau que tous les meilleurs films européens. Personnellement, je crois beaucoup au fait d’exporter les festivals et lorsqu’il s’agissait d’exporter la sélection de Brest ailleurs, il y avait finalement presque uniquement des films français qui n’étaient pas du même niveau que les films européens. J’ai donc décidé de changer ça. La première année, ça a été très difficile car j’ai reçu beaucoup de retours négatifs de la part des producteurs, des distributeurs et des institutionnels, mais pour moi, c’était vraiment nécessaire pour renforcer notre image de – véritable – festival européen. Pour être honnête, je ne vois pas beaucoup de festivals européens et je voulais que Brest garde la première place au sein des festivals qui s’occupent de l’Europe.

Tu suis également le travail de réalisateurs découverts à Brest. Je pense particulièrement à Miklos Keleti qui était là il y a quelques années avec son film de fin d’études, « Dos au mur » et qui est revenu cette année en compétition avec « Figures ».

Oui, c’est un plaisir lorsque tu découvres quelqu’un. Je crois que dans le cas de Miklos, nous avons été les premiers ou en tout cas parmi les premiers à passer son film « Dos au mur ». Et lorsqu’il est arrivé à se confirmer avec un deuxième film, ça a été une réelle satisfaction de l’appuyer et de continuer à le programmer. C’est la même chose avec Morgan Simon. On avait projeté son premier film, « Belle salope », lorsqu’il était encore à La Fémis, puis on a passé son film « American Football » dans un programme spécial et quant à « Essaie de mourir jeune », en compétition européenne, il représente la suite logique d’un parcours que je considère comme un sans faute et j’ai donc plaisir à le mettre en valeur. Le public, lui aussi, est également content de voir la continuité du travail de certains réalisateurs.

Y a-t-il un pays, selon toi, qui « fabrique des talents » plus qu’un autre ?

En réalité, il y a des vagues. Pour moi, il y a des pays qui abritent chez eux énormément de talents mais qui arrivent difficilement à les exporter. Je crois que la vague de création et l’envie de faire des choses provient plus volontiers de l’Europe de l’Est et des Balkans. Ils ont beaucoup moins de moyens et des conditions de travail très difficiles, par conséquent, il y a parfois des talents qui se gâchent du fait qu’ils n’ont ni le temps ni l’argent pour s’occuper de cinéma. Mais généralement, ce sont aussi ces conditions-là qui les poussent à être d’autant plus créatifs. En France, on obtient assez facilement des aides et des subventions à hauteur d’au moins 40.000€ par film. Avec cette somme, certaines personnes des pays de l’Est feraient plusieurs films. Parfois, l’argent peut tuer le talent. Par exemple, en Roumanie où je vis une partie de l’année, les gens tournent encore en 35mm et ils réfléchissent à une écriture qui va directement à l’essentiel. Tandis qu’en France avec le numérique, il n’y a plus cette réflexion. Les films se font souvent plus au montage qu’en amont.

Il y a une dernière catégorie en compétition qui s’appelle désormais OVNI, mais qu’on connaissait sous le nom de Cocotte minute auparavant. Pourquoi ce changement de nom ?

Les objectifs de la programmation ont changé et les films que l’on retrouve dans cette catégorie ne sont plus les mêmes. À l’origine, dans la catégorie Cocotte minute, on trouvait des films très courts, quasiment sans dialogues et qui étaient plus volontiers des petites blagues cinématographiques. C’était un programme qui plaisait beaucoup au public et qui avait été créé il y a 10 ans. Il reflétait un style de cinéma qu’on fait beaucoup moins aujourd’hui. Depuis 2010, on a eu beaucoup de difficultés à boucler ce programme avec des films dont on était vraiment satisfaits. Je me posais déjà des questions depuis un petit moment sur ce programme-là et en même temps vu que Brest est un festival très axé sur la fiction, j’avais aussi envie d’ouvrir un nouveau volet pour un type de cinéma qui n’est pas expérimental à proprement dit mais qui propose tout même des formes mélangeant le langage et les codes cinématographiques et qui osent quelque chose.

Comment le public accueille ce nouveau programme ?

Je crois que le public est encore en train de faire le deuil de la Cocotte minute. En 2013, c’était la transition et ce n’était pas facile. J’avais tout de même pris le soin de garder certains films avec le format très « cocotte », mais en 2014, j’ai décidé de lancer quelque chose de différent. Je pense qu’il faudra au moins deux ou trois ans pour habituer le public à avoir un regard sur un film un peu moins narratif car il n’a pas l’habitude de voir ça à Brest. Mais j’ai eu quelques retours de cinéphiles me disant que c’était vraiment quelque chose qui manquait au festival d’avoir quelque chose de plus résolu, donc je pense que ça va marcher.

Comment construisez-vous les projections parallèles hors compétition et tous les programmes spéciaux ?

Ça dépend de l’année, de l’inspiration et de nombreuses autres choses en fait. Pour la partie Brest Off, je ne pars pas avec une idée précise. Ça dépend beaucoup de la matière qu’on reçoit. Si j’ai un film coup de cœur, j’essaie tout de même de créer un programme autour. C’était un peu le cas de la programmation « Friday in Love » par exemple. En revanche, pour le programme science-fiction, j’avais envie d’en faire un cette année avant de recevoir les films. Ça faisait déjà quelque temps que je voyais des films de ce genre en festivals et qui n’avaient surtout pas beaucoup circulé. Après, j’ignorais si j’aurais suffisamment de matière parmi les films que nous allions recevoir. C’était un vrai pari en réalité. Aussi, l’objectif de Brest Off est de présenter des films qui ont un peu moins circulé en festivals. Par conséquent, on retrouve des films d’horreur, des courts fantastiques, des polars décalés, etc. Il y a beaucoup de choses différentes mais on essaie de faire un petit clin d’œil au cinéma de genre.

En deux mots, quel a été ton parcours avant d’arriver au festival ?

J’ai un parcours un peu bizarre en fait ! Durant mes études, je ne savais pas trop si je voulais me diriger vers le cinéma ou vers le théâtre. J’aimais beaucoup les deux. Finalement, c’est un peu le hasard qui m’a fait choisir le cinéma plutôt que le théâtre. Durant mes études, j’ai gagné ma vie en travaillant dans une boutique de location de VHS. C’est un peu ce qui m’a donné le goût du cinéma et de la programmation. Par conséquent, j’organisais beaucoup de projections à la faculté, c’était une sorte de ciné-club pour les étudiants. Après, on se retrouvait autour d’un verre pour discuter des films. Au début de l’année, on était trois amis, puis on est arrivé à 50 ou 60 personnes. C’est un peu ma première expérience de programmation et c’est là que j’’ai commencé à prendre un réel plaisir à programmer. Après, je l’ai fait de manière un peu plus systématique et professionnelle en organisant des rencontres cinématographiques, toujours au sein de la faculté. Je suis ensuite parti à l’étranger. J’ai voyagé en Espagne, en République Tchèque, en Écosse où j’ai organisé quelques rencontres autour du cinéma avec les cinéastes locaux ou avec l’Institut Italien, la Maison de l’Europe locale. Ce n’est qu’après que j’ai commencé à collaborer avec des festivals mais ponctuellement. Je suis arrivé à Brest en 2007 car je savais qu’il y avait sur place un festival et je suis venu offrir mes services comme bénévole. À ce moment-là, ils n’avaient pas vraiment besoin de quelqu’un en programmation, mais ils m’ont tout même gardé car ils trouvaient que j’avais un regard européen très différent par rapport à l’équipe sur place. J’avais en effet voyagé aux quatre coins de l’Europe et je parlais plusieurs langues. J’ai donc rejoint le comité de visionnage en tant que bénévole. L’année suivante, on a fait un programme spécial sur l’Italie et je m’en suis chargé. Et là, a réellement commencé l’histoire de mon implication avec le festival de Brest !

Propos recueillis par Camille Monin

Rappel. Soirée Format Court « Best of Brest », ce jeudi soir !

Pour la troisième année consécutive, Format Court accueille le Festival Européen du Film Court de Brest pour un Best of Brest. Cette séance spéciale aura lieu ce jeudi 12/03 au Studio des Ursulines (Paris 5ème) en présence de Massimiliano Nardulli, programmateur du festival, l’équipe de « Sans les gants » de Martin Razy et d’Erik Schmitt, réalisateur de « Nashorn im Galopp » (Allemagne), lauréat du Prix Format Court 2014.

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En pratique

– Jeudi 12 mars 2015, à 20h30. Accueil : 20h
– Durée de la séance : 84’
– Infos (programmation, synopsis, critiques, …) : ici !
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
Entrée : 6,50 €
Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com

Projection de films d’étudiants de La Fémis et de Louis-Lumière, mercredi 18 mars

La Fondation Culture & Diversité, La Fémis, L’Ecole nationale supérieure Louis-Lumière L’ARP (société des Auteurs Réalisateurs Producteurs) & le Cinéma des Cinéastes vous invitent à la projection de courts-métrages des étudiants des programmes Egalité des Chances à La Fémis et à l’ENS Louis-Lumière, mercredi 18 mars 2015, à 9h30, au Cinéma des Cinéastes, salle 2.

L’ARP (société des Auteurs Réalisateurs Producteurs) et le Cinéma des Cinéastes s’associent à la Fondation Culture & Diversité, à La Fémis et à l’Ecole nationale supérieure Louis-Lumière, pour permettre aux élèves des programmes Egalité des Chances de projeter des courts-métrages de leur production personnelle.

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Les programmes Egalité des Chances, développés par la Fondation Culture & Diversité, La Fémis et l’ENS Louis-Lumière permettent, respectivement depuis sept ans et deux ans, à des jeunes issus de milieux modestes de développer des compétences techniques et théoriques en vue de la préparation du concours de ces écoles.

La projection, organisée le 18 mars au Cinéma des Cinéastes, permettra de découvrir 6 films réalisés dans le cadre de ces deux écoles et offrira aux étudiants l’occasion de se confronter à l’avis des professionnels et du public.

Réservations : sberkane@fmlcd.org

Le site de La Fondation Culture & Diversité : www.fondationcultureetdiversite.org/fondation

Réponse de femmes d’Agnès Varda

L’année 1975 fut décrétée par l’ONU “Année Internationale de la Femme“. Durant cette année, il y a quarante ans, des actions intensives furent lancées de part et d’autre pour promouvoir les droits des femmes dans le monde. Dans ce contexte, Antenne 2 demanda à sept réalisatrices de répondre à la question « Qu’est-ce qu’une femme ? » en sept minutes.

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Agnès Varda fit partie de ces sept cinéastes et elle décida de répondre à cet appel par le ciné-tract « Réponse de femmes ». Dans ce documentaire volontairement très mis en scène, plusieurs femmes, jeunes, plus âgées, mères, fillettes, nues ou habillées, parlent, sans chichis, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles veulent, de ce qui est intolérable pour elle dans la société de l’époque, en partie à cause du discours des hommes. Elles rient, dansent et représentent finalement bien plus la liberté que l’égalité.

Si le film en lui-même ainsi que la manière de s’exprimer de ces femmes peuvent paraître légèrement désuets, une grande partie de leur propos est (malheureusement) encore d’actualité quarante ans après. À regarder avec intérêt en n’oubliant pas le combat des femmes pour leurs droits au lendemain du 8 mars, Journée qui leur est dédiée.

Camille Monin

Format Court, partenaire du concours Arte de films de fiction destiné aux étudiants des écoles francophones

Bonne info ! Arte et son magazine Court-Circuit organisent un nouveau concours de courts-métrages de fiction (images réelles) en ligne destiné aux étudiants des écoles ou universités de cinéma et/ou d’audiovisuels francophones. Deux courts-métrages seront primés par un jury professionnel, deux autres films seront récompensés par les internautes. Vite ! L’appel à films se termine ce lundi 9 mars !

Format Court, partenaire de ce concours, fait partie du Jury professionnel et projettera les deux films primés par celui-ci  à sa prochaine séance Format Court, spéciale Arte, le jeudi 9 avril, dès 20h30, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème), consacrée aux films d’écoles et aux premiers films. Cette soirée sera organisée en présence de Hélène Vayssières, responsable des courts métrages et du magazine Court-circuit et des équipes de films.

arte

> Règlement du concours

> Formulaire d’inscription

Pour visionner les films, voter et déposer vos commentaires, cliquez ici !

Randall Lloyd Okita, Prix Format Court au Festival du nouveau cinéma 2014

Notre dernière projection Format Court consacrée au Festival du nouveau cinéma (FNC) de Montréal, organisée le 12 février dernier, nous aura permis de projeter enfin notre film lauréat, « The Weatherman and the Shadowboxer » accompagné de 4 autres films étonnants et ambitieux repérés à la édition du FNC, en octobre. Le film de Randall Lloyd Okita, pressenti pour Berlin (non retenu au final), avait été projeté à Paris, au Studio des Ursulines, en première européenne.

Retour en arrière. En octobre dernier, Format Court attribuait pour la première fois un prix dans le cadre d’un festival étranger. Parmi les 33 films québécois sélectionnés, le jury Format Court (Fanny Barrot, Katia Bayer, Agathe Demmanneville, Mathieu Lericq, Nadia Le bihen-Demmou) décidait de primer « The Weatherman and the Shadowboxer » de Randall Lloyd Okita, un “film poétique et émouvant sur la mémoire et la construction identitaire, au langage visuel soigné et original, servi par une narration maîtrisée”.

Dans le cadre du prix, le réalisateur bénéficie d’un DCP lié à un prochain film doté par le laboratoire numérique Média Solution et du présent focus revenant sur son travail et notamment sur son dernier film, primé par notre équipe.

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Randall Lloyd Okita et le cinéma de l’abîme

L’interview de Randall Lloyd Okita

La critique de « The Weatherman and the Shadowboxer » de Randall Lloyd Okita

« The Weatherman and the Shadowboxer » de Randall Lloyd Okita, Prix Format Court au FNC 2014