Tous les articles par Katia Bayer

Nocturne de Lars von Trier

Fiction, 8′31’’, 1980, Den Danske Filmskole, Danemark

Réalisé alors que Lars von Trier était en troisième année à l’école nationale de cinéma du Danemark, Nocturne reflète déjà les obsessions narratives et stylistiques du cinéaste. Primé au premier festival de court métrage de Munich, cet opus de Trier explore au-delà de toute description réaliste les arcanes de la psyché humaine en proie à l’angoisse nocturne où l’obscurité empêche de voir le monde avec précision et netteté.

À mi-chemin entre le rêve et le cauchemar, le film jouit d’une bande son composée essentiellement de bruits qui rappelle la faune tropicale contrastant ainsi avec la froideur clinique des images en noir et blanc au milieu desquelles une ampoule rouge attire l’attention. Les références cinématographiques sont nombreuses, allant du cinéma avant-gardiste à Buñuel en passant par Hitchcock.

Au contraire de certains de ses films qu’il réalisera par la suite, Nocturne offre un final des plus lyriques, teinté d’espérance. À découvrir absolument!

Marie Bergeret

Appel à projets : Frontières

Le GREC et le Musée de l’Histoire de l’Immigration lancent un troisième appel à projets « Frontières » pour une résidence avec réalisation d’un premier ou deuxième court métrage (hors films d’école ou films auto-produits).

D’une durée de 6 mois, la résidence permet à un réalisateur de préparer et de réaliser un court métrage autour des sujets des frontières, de l’exil, de la migration et de mener des activités au sein du Musée.

Les candidats ont jusqu’au 16 octobre pour envoyer leurs projets.

Télécharger le dossier d’inscription

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Pour en savoir plus :

Claude Cloutier : « Je crois en l’automobile mais j’ai peu confiance en l’humanité »

Avant de s’intéresser au cinéma d’animation, le Canadien Claude Cloutier a d’abord affuté ses crayons avec la bande dessinée, développant un style graphique à la fois précis et libre, défendant une vision du monde engagée mais jamais partisane sur de grands sujets de société.

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© DR

En 1988, il se lance dans la réalisation avec « Le Colporteur », une étude de mœurs burlesque sélectionnée à Cannes, puis il résume l’histoire humaine à sa manière en 2000 avec « Du big bang à mardi matin ». Il montre qu’il tient sur la durée avec la série « Une minute de science, SVP » récompensée la même année au Carrousel du film de Rimouski, au Canada. Après « Isabelle au Bois dormant » (2007), court-métrage remarqué revisitant le conte de Perrault et le très âpre « La tranchée » en 2010 au sujet des poilus de la guerre de 1914-1918, il revient cette année avec « Autos Portraits » pour chanter et faire chanter son amour autant que son inquiétude pour “la chose automobile“. En juin dernier, au festival d’Annecy, il nous expliquait ce qui avait motivé ses choix dialectiques et artistiques.

Racontez-nous vos débuts.

Je voulais faire de l’animation, mais pour y parvenir, il fallait aller directement frapper à la porte de l’ONF (L’Office National du Film canadien, équivalent de notre CNC). Etant très jeune, à peine 20 ans, je me suis dit que je ferais de la bande-dessinée pour commencer. J’ai travaillé pendant une dizaine d’années à Montréal pour un magazine mensuel « d’humour et de bande dessinée » qui s’appelle « CROC », puis j’ai fait de l’illustration, du graphisme, et de la bande dessinée. A produire 2 à 4 pages par mois, j’ai accumulé une certaine quantité de dessins, ce qui m’a permis d’élaborer deux albums.

À partir de là, j’ai basculé dans le cinéma d’animation. C’est finalement l’ONF qui m’a invité à faire un film. J’ai sauté sur l’occasion car c’est ce que je voulais faire en fait !

Comment êtes-vous passé de la BD à l’animation et quels rapports entretiennent-ils selon vous ?

J’ai appris l’animation en tant que tel sur place en fait. J’explique souvent que la bande dessinée et le cinéma d’animation se ressemblent beaucoup. Pour moi, le langage cinématographique gère la BD. Ce sont les mêmes outils qui font ce langage. On retrouve autant en BD qu’en cinéma les notions du temps qui s’écoule et l’importance du cadrage, les différences entre le verbal et le non verbal. Ce qui sépare fondamentalement ces deux formes d’expression, c’est le dessin en mouvement. C’est une chose qui se pratique et qu’on apprend en la faisant.

En cinéma d’animation, les positions-clés (cf. les images servant d’étapes à un mouvement dessiné) sont complexes à élaborer. C’est ce qui demande le plus de travail, et c’est quelque chose que l’on fait aussi en BD. Les mouvements, c’est à dire les dessins entre deux positions-clés sont pour moi très faciles à faire.

C’est un intérêt accru pour le corps et l’humain qui vous a amené à l’animation ?

En règle générale, si je regarde ma filmographie, je suis assez dans l’humain. Je suis énormément intéressé par le portrait, par l’animal aussi, donc le vivant.

Ça a été le problème de mon dernier film en fait. J’ai beaucoup souffert à dessiner les voitures pour « Autos Portraits ». C’est justement un objet dur, complexe, en trois dimensions, qui est très difficile à dessiner. L’avant de la voiture a les caractéristiques d’un visage humain. Les traits sont importants et si on change le moindre aspect de la morphologie automobile, le modèle est différent. Les modèles automobiles, leurs portraits, ne tiennent parfois en réalité qu’à un petit détail, à une seule ligne.

Dans votre film, il y a des voitures masculines et des voitures féminines. Comment avez-vous attribué des genres aux voitures ?

J’ai envisagé le film comme des séances de casting. C’était un peu à l’instinct. Je feuilletais des catalogues automobiles et me demandais : « Est-ce que c’est un garçon ou une fille ? ». Je cherchais aussi des « automobiles petites filles » avec des voix très aigues. J’ai donc trouvé pour cet usage les toutes petites Fiat 500 et Austin Mini avec leurs petites bouches. À l’arrivée, j’espère que ça marche !

Et pourquoi avoir choisi des couleurs vives ?

J’avais un gros questionnement par rapport à ça. Je préfère le noir et blanc pour plusieurs raisons : je suis dessinateur, j’aime donc le trait et puis, je suis un peu daltonien… J’ai essayé de vendre l’idée du noir et blanc à ma productrice à l’ONF, Julie Roy qui, elle, voulait que le film soit en couleurs. Et elle avait raison car ces couleurs vives évocatrices des autos de cette époque-là correspondent à une idée, celles de l’optimisme de la société américaine des années 1950. Les couleurs ont donc un rôle éditorial.

Ça a été difficile pour moi de choisir les couleurs. Au début, je voulais prendre des couleurs officielles que je trouvais sur les photos. Mais en dessin, je me suis rendu compte qu’il fallait tricher un peu. Il fallait chercher l’idée des couleurs de cette époque-là plutôt que les vraies couleurs.

Dans le film, j’ai fait ressortir les couleurs avec un projecteur suiveur, comme au théâtre. Je me suis également inspiré des éclairages crus des ballets aquatiques des comédies musicales hollywoodiennes de Busby Berkeley.

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Justement, pourquoi avoir fait chanter les voitures ?

Je voulais justement m’opposer au long-métrage « Cars » dès le début, dès la conception du film car je voulais faire passer un message inverse par rapport au film de Pixar. Mon message est un peu l’antithèse du message de « Cars ». Là où « Cars » était dans l’apologie de l’automobile toute puissante, mon message est plutôt : « Soyons un peu critique envers la bagnole. »

L’idée m’est venue de ma production parallèle à l’animation. J’ai toujours eu une fascination pour l’aspect anthropomorphique de l’automobile, faite par des hommes à leur image. Il y a véritablement des visages automobiles, avec une bouche, un nez… Il y a des « gueules d’autos » avec des tempéraments clairement définis. C’est la première chose qui m’intéressait. Et puis, j’avais le goût comme animateur de faire un film chanté, avec un lipsync (cf. synchronisation du mouvement des lèvres avec une chanson). C’était une conjonction intéressante de faire chanter des voitures, mais il manquait la chanson. Je l’ai cherché pendant deux ans.

Qu’est-ce qui vous a attiré dans la chanson « Que sera sera ? » reprise dans votre film ?

J’ai d’abord pensé à des extraits d’opéra, mais je voulais quelque chose de différent, une référence universelle pour chercher à illustrer ce rapport à l’avenir automobile que je cherchais à introduire. Et les paroles de la chanson « Que sera sera » me l’offraient. Il y est question d’insouciance à une époque optimiste à outrance et révolue. Derrière l’exacerbation de l’American Way Of Life, on trouvait une gloire de l’automobile rutilante et colorée dans cette chanson du remake américain de « L’homme qui en savait trop » d’Alfred Hitchcock.

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Vous êtes donc passé dans votre film d’un optimisme premier pour l’automobile à un réel pessimisme ?

Même si on a des signaux d’alerte énormes, il y a peu de choses faites pour préserver l’air de la planète. On est dans cette problématique. On consomme, on a des bagnoles, on extrait du pétrole et on pollue. Au Canada en tout cas, les gens sont assez décomplexés avec la consommation automobile et la pollution ne les dérange pas. Je pense qu’il faut illustrer les conséquences de cette attitude dans le monde industrialisé actuel. Mon idée, c’était de faire un lien entre les belles voitures des années 1950, l’insouciance de cette époque et la réalité d’aujourd’hui, nettement plus morbide.

Je voulais mettre l’accent sur l’attitude des humains, de la société, par rapport à cette problématique de surconsommation. Cette chanson dit mot pour mot : « Whatever will be, will be », on se moque carrément du futur. Mais le paradoxe, c’est que le futur, ce sont nos enfants.

Considérez-vous votre film comme politique ?

Oui, un peu, social et politique avec un message que je souhaite porter. Je voulais que le message soit progressif dans le film. L’expression artistique et le message politique vont ensemble dans ce cas-là. On a l’impression que ces conséquences tragiques font partie du spectacle. C’est difficile à expliquer mais il y a une part d’improvisation dans la création de ce film-là.

Comment introduisez-vous de l’improvisation dans un film aussi préparé ?

Dès le début, dès le canevas du film en fait, j’aime bien, en travaillant, me ménager des espaces de création. Je fais tous les dessins, ce qui me prend deux ans et demi. J’ai le temps d’avoir de nouvelles idées et j’aime bien me garder l’espace pour les incorporer au film.
Je travaille donc souvent avec un canevas rigoureux et suis sûr de la présence dans le film de beaucoup de scènes à mon sens fondamentales. Des fois, je fais des ponts, j’improvise certaines étapes.

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« Autos Portraits » est-il un adieu à l’automobile ?

J’aime l’automobile et j’aimerais qu’elle survive. C’est un symbole toujours positif, celui d’une forme de liberté. Je suis sûr qu’on pourrait imaginer des autos beaucoup moins polluantes et qui pourraient toujours avoir leurs places dans la société actuelle. Je crois en l’automobile mais j’ai peu confiance en l’humanité.

Vous disiez que l’ennui avec ce film, c’était l’absence d’incarnation des personnages. Allez-vous rebondir sur un autre projet plus « organique » ?

Mon prochain film « Mauvaise herbe » sera exclusivement avec des plantes. Ne me parlez pas ni d’un film avec des avions, ni avec des bateaux ! J’ai un besoin vital de dessiner à nouveau des personnages organiques.

Propos recueillis par Georges Coste

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Article associé : la critique du film

Coup de pouce DCP, le 2ème lauréat

Afin de donner plus de visibilité aux jeunes talents du court métrage francophone, le laboratoire numérique Média Solution, le partenaire de nos Prix Format Court, a lancé en mars dernier le Coup de pouce DCP. Le principe de ce concours est simple : permettre à un réalisateur ou une réalisatrice de voir son court-métrage diffusé en salle de cinéma et en festival en lui offrant le DCP de son film (encodage au format Cinéma Numérique).

Après avoir choisi de récompenser « Mourir, oui mais au son des violons tsiganes » d’Isabelle Montoya en mai, comme premier Coup de pouce, un jury de professionnels (Jean-Christophe Soulageon, Caroline Hartman, Peggy Desplats, Guillaume Rio, Isabelle Montoya, Géraldine Frery, Francoise Lefeuvre, Katia Bayer) s’est réuni hier soir pour visionner et départager les six derniers films en lice de cette deuxième édition.

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Parmi les 70 films reçus, le jury a décidé de récompenser « La nuit, tous les chats sont roses » de Guillaume Renusson. Le réalisateur remporte ainsi un encodage DCP de son film, offert par Média Solution.

Pour en savoir plus : http://mediasolution.fr/blog/

À coup de couteau denté de Clément Decaudin

Documentaire, 12′, 2012, La Fémis, France

Synopsis : Pneu compose. Pneu joue.

Film de fin d’étude de Clément Decaudin, étudiant au département son à la Fémis, « À coup de couteau denté » filme le processus de création du groupe Pneu.

Dans ce documentaire musical, sélectionné à la 63ème Berlinale, en 2013, le duo se donne à voir et à entendre. Ces artisans d’un son brutal, tanné et pointu ont accepté que la caméra les filme lors d’une résidence de création puis pendant deux concerts. C’est en prenant le parti d’un dispositif filmique sobre, une succession de plans fixes sur les musiciens, que le réalisateur plonge le spectateur dans une immersion totale. Un court moment de tension et d’énergie où la transe n’est pas loin.

Fanny Barrot

Festival international du court de Lille, le palmarès 2015

Le Festival international du court-métrage de Lille s’est achevé ce weekend. Voici les différents films primés par le jury (composé uniquement de spectateurs) et le choix de Bref Magazine y attribuant le Prix de la presse. Ce vendredi 25 septembre, l’intégralité des films primés sera diffusée à 20h30 dans la chouette salle de L’hybride. Réservez-y d’ores et déjà votre coin de canapé !

Palmarès

Grand Prix, Prix Presse – Bref : Le Repas dominical de Céline Devaux (France)

1er Prix International : Atis de Daniel Mulloy / Allemagne, Kosovo / 2015

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2nd Prix International : Listen de Rungano Nyoni, Hamy Ramezan / Danemark, Finlande / 2014

1er Prix National : Perrault, La Fontaine, Mon Cul ! de Ludovic Boukherma, Zoran Boukherma, Hugo P. Thomas / France / 2014

2nd Prix National : Dans les eaux profondes de  Sarah Van Den Boom / France, Canada / 2015

Prix Jury Jeune : Hole de Martin Edralin / Canada / 2014

Mention du Jury Jeune : Splintertime de Rosto / France, Pays-Bas, Belgique / 2014

W comme With A Little Patience

Fiche technique

Synopsis : Une employée de bureau déambule sur son lieu de travail. Progressivement la vraie nature de sa profession se révèle.

Genre : Fiction

Durée : 13’30

Pays : Hongrie

Année : 2007

Réalisation : László Nemes

Scénario : László Nemes

Image: Mátyás Erdély

Son : Tamás Zányi

Interprétation : Virág Marjai

Production : Inforg Stúdió

Article associé : la critique du film

With A Little Patience de László Nemes

Aux premiers abords, rien de très spectaculaire dans ce film, une certaine monotonie s’en dégage même. On y voit une jeune femme qui déambule dans un bureau administratif. Elle remplit des feuilles, répertorie des cartes. Des petits gestes anodins qui font le quotidien d’une employée de bureau. Et pourtant, au détour de ces regards furtifs, notre imagination se met en marche. Et c’est en cela que consiste le tour de force de László Nemes : il fait jouer notre imaginaire comme un espace en plus de l’écran pour y déployer la véritable histoire de son film.

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Réalisé en 2007 par ce jeune réalisateur hongrois, alors tout juste âgé de 30 ans, « With A Little Patience » interroge avec habileté la notion de représentation. Cela tient tout d’abord à une mise en scène minutieusement orchestrée qui sert de manière maligne les intentions du réalisateur. Unité de temps et d’espace, l’action se vit en temps réel sous la forme d’un plan séquence. Filmé avec une focale longue, le décor environnant est perdu dans un flou mystérieux. L’unique point net de l’image reste cette jeune femme silencieuse, repère central de l’écran. Tout au long de ce court métrage, László Nemes cache intentionnellement ce qui pourrait nous informer sur la nature et le contexte du film, obligeant le spectateur à scruter l’image et à tendre l’oreille plus qu’à l’habitude. Chaque détail anodin devient une information capitale, poussant notre imagination à tergiverser et à supposer un contexte.

Ce n’est qu’à la toute fin du film que le titre du court métrage prend tout son sens. Avec un peu de patience, ce mystérieux flou se délie dans un plan final où la focale longue laisse place à une image nette et frontale. Le contexte se révèle alors violemment à nous : la jeune femme travaille dans un camp d’extermination nazi et son bureau longe l’entrée des chambres à gaz. La limite de ce qui est montrable joue sur la limite géographique du lieu : on reste en périphérie du camp. Comme pour montrer son incapacité à aller plus loin dans la représentation, le réalisateur s’arrête à la fenêtre du bureau laissant le spectateur libre d’imaginer le reste.

Ce plan final élargit la durée du court métrage, poussant l’histoire au-delà de sa frontière filmique. Comme un déclencheur, il amène notre curiosité de spectateur à remonter le temps du film dans le but de comprendre. Qui est cette jeune femme ? Quel est ce bijou qui lui est discrètement donné au début de la séquence ? La mise en lumière d’un petit geste caché habilement sous une masse de gestes banals s’apparente à un jeu de piste. On tente de recouper les actions entre elles pour déceler ce qui nous est indirectement montré. Avec un tel procédé narratif et visuel, László Nemes fait appel à notre imaginaire lié à la mémoire collective que nous avons de la Shoah. On pense immédiatement aux objets volés aux déportés juifs lors de leurs arrivées aux camps. Cet appel à la mémoire immédiate – celle de la séquence du cout-métrage – liée à une mémoire plus grande, qui est celle de l’Histoire, met l’accent sur la difficulté que cela peut être de retracer les évènements du passé afin de rétablir la vérité. Perdu dans le temps, ce vol d’objets a pourtant participé à faire l’Histoire de la Shoah.

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« With A Little Patience » a reçu le prix du meilleur court métrage au festival de l’Hunguerian Film Week, pour « le traitement inhabituel de ce sujet délicat ». En novembre, sortira « Le fils de Saul », le premier long-métrage de de László Nemes. Il reprend le même procédé filmique que ce court, dans un contexte quasiment identique. Le film a remporté cette année le Grand prix au festival de Cannes. Il a cette fois-ci beaucoup divisé, provoquant nombreux débats sur la question de la représentation de la Shoah. Mais à tous, il a laissé ce même sentiment terrible de malaise et d’horreur. Dans « Le fils de Saul », le réalisateur a, cette fois-ci, choisi le point de vue d’un Sonderkommando, ces déportés juifs choisis par les SS pour accompagner les convois des déportés jusqu’aux chambres à gaz et par la suite extraire leurs cadavres et les brûler. Maintenant l’horreur est là, rendue floue à l’image certes, mais sous la forme de silhouettes ensanglantées, torturées. Dans les extraits disponibles avant la sortie du film, le son prend une place très importante, il devient l’élément le plus perceptible de la souffrance humaine. Très évocateur, il pousse le spectateur à supposer le pire. On en vient à regretter le personnage de la jeune employée des camps qui nous empêchait la projection totale dans l’horreur tant son regard semblait se restreindre à son petit monde bureaucratique.

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Enfin, on peut s’interroger sur la part de manipulation que présage ce long métrage. Le réalisateur semble dorénavant savoir utiliser l’imaginaire du spectateur avec brio. Il nous balade vers ces recoins les plus obscurs, sans cette fois-ci poser de limites.

Sarah Escamilla

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3ème Prix Format Court au Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF) !

Pour la troisième année consécutive, Format Court attribuera un prix au Festival International du Film Francophone de Namur (2-9 octobre 2015) parmi les 12 films de la compétition internationale. Le Jury Format Court (composé de Marie Bergeret, Juliette Borel, Adi Chesson) consacrera un dossier spécial au film primé. Celui-ci sera également projeté lors d’une séance Format Court au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) et bénéficiera d’un DCP doté par le laboratoire numérique Média Solution. Le Prix Format Court sera dévoilé à l’issue de la cérémonie de clôture du festival.

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Films en compétition internationale

Errance de Peter Dourountzis (France)
Ramona d’Andreï Cretulescu (Roumanie)
La Rivière sous la langue de Carmen Jacquier (Suisse)
Père de Lotfi Achour (Tunisie/France)
Le Repas dominical de Céline Devaux (France)
Ton cœur au hasard d’Aude-Léa Rapin (France)
Waves 98 d’Ely Dagher (Liban)
XYZ, The City Hunter de M. Tikal (Belgique)
Renaître de Jean-François Ravagnan (Belgique)
Vacances d’été d’Andreï Tanase (Roumanie)
Roberta de Caroline Monnet (Québec)
Cambodia 2099 de Davy Chou (Cambodge)

Short Screens #52 : Animal Farm

Pour démarrer la saison nouvelle, Short Screens promet de réveiller la bête qui sommeille en vous en vous proposant une séance consacrée à la relation étroite qui lie l’homme et l’animal. Une ménagerie de six courts métrages qui posent un regard diversifié sur la prétendue suprématie de l’un sur l’autre. Foi d’animal !

Le jeudi 24 septembre à 19h30, au cinéma Aventure, Galerie du Centre, Rue des Fripiers 57, 1000 Bruxelles – PAF 6€.

Visitez la page Facebook de l’événement ici.

Programmation

L’HOMME AU CHIEN de Kamal Lazraq, France, Maroc / 2014 / Fiction / 27’34’’

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Youssef mène une vie recluse et marginale. Son seul ami est son chien Chagadai. Un soir à la plage, le chien disparaît. Pour le retrouver, Youssef est contraint de s’embarquer dans une quête dangereuse à travers les bas-fonds de Casablanca.

Article associé : la critique du film

ANIMAL, ON EST MAL de Sophie Bruneau, Belgique / 2015 / Documentaire / 12’33’’

Produits miracles Il est léger, facile d’installation. Il reste en position sous tous les climats et en toute saison. Il est tout en acier et finement trempé. Il est plus efficace qu’aucun autre fil. Il est reconnu de par le monde. Il s’adapte à toutes sortes d’usages et donne toujours entière satisfaction.

BRUTUS de Svetlana Filippova, Russie / 2014 / Animation / 12’36’’

Brutus_still_4-940x529 Brutus a toujours évité de regarder les humains trop longtemps, afin de ne pas voir le changement et de garder ce qu’il a reçu. Personne ne sait mieux que les chiens avec quelle rapidité les sentiments des gens peuvent changer.

SEE TIGER TOGETHER de Xiaorao Zhou, Chine / 2013 / Fiction / 30’

vlcsnap-2015-09-16-19h27m49s841 Tanya, une danseuse russe de Pole Dance, récemment arrivée en Chine, fait la rencontre de Youzi, un garçon chinois qui n’est pas du coin non plus. Même s’ils ne parlent pas la même langue, ils trouvent chacun soutien auprès de l’autre.

ANIMAL de Will Jacobs, Etats-Unis / 2014 / Expérimental / 6’37’’

animal-will-jacobsUn homme traverse la campagne et découvre l’étrange similarité qui existe entre lui et les animaux.

THE BOX XXX de Carlo Paolillo, Italie / 2013 / Animation / 3’02’’

the-box-xxx Tous deux accros à la télévision, The Box et Dox passent leur vie à la regarder ce qui n’est pas sans conséquences sur leur comportement.

Étrange festival, le palmarès 2015

Dimanche 13 septembre 2015, l’Étrange festival a révélé son 21ème palmarès au Forum des images. Voici les deux lauréats de la compétition internationale des courts métrages. Hip hip !

Grand Prix Canal +  : The Grey Matter de Luke & Peter Mc Coubrey– États-Unis – 2015 – 18’ – Fiction

Prix du public : Splintertime de Rosto – France/Belgique/Pays-Bas – 11’05 – Animation/Expérimental

Palmarès Off-Courts 2015

Le festival Off-Courts a annoncé son palmarès hier soir. Le voici en images.

Prix du public de la Ville de Trouville-sur-Mer, Mention spéciale du jury : Petit fil(s) de Romuald Beugnon

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Prix du public du Casino Barrière : Les cennes chanceuses d’Émilie Rosas

Prix du public EurOffrancophonie : Père – بو لولاد de Lotfi Achour

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Prix du Jury Région Basse-Normandie : Bal de famille de Stella di Tocco

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Prix du Jury Le Central : BLEU TONNERRE de Jean-Marc E. Roy et Philippe David Gagné

Prix du Jury SPIRA : Mynarski chute mortelle de Matthew Rankin

Prix Office franco-québécois pour la jeunesse (OFQJ) en France : La couille d’Emmanuel Poulain-Arnaud

Prix uniFrance Films : L’étourdissement Gérard Pautonnier

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Prix de la critique : Dans les eaux profondes de Sarah Van Den Boom

Sandra Fassio : « La question de la contrainte est au cœur de mon travail, de l’écriture à la réalisation »

Réalisatrice française d’origine grecque, Sandra Fassio est à l’origine de « Kanun », un polar mettant en scène Kevin Azaïs confronté à la loi du kanun, un code de l’honneur en vigueur dans la communauté albanaise. Le film a obtenu notre Prix Format Court au festival Le Court en dit long, en juin dernier à Paris. Ce jeudi soir, la réalisatrice présentera son film, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). Pour Format Court, elle revient sur ses études à l’IAD, ses débuts tardifs dans la profession, son lien au montage, son intérêt pour les non-dits et les sujets difficiles.

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Quels ont été tes débuts avant d’arriver à la réalisation ?

J’ai suivi une formation en montage et script à l’IAD à Louvain-la-Neuve, en Belgique. J’ai toujours été attirée par la réalisation mais pour y arriver, je pensais qu’il valait mieux passer par la technique. Finalement, être monteuse s’est révélé terrible pour moi, j’étais une réalisatrice frustrée. J’ai donc pendant un temps travaillé à la télévision, pour des raisons alimentaires. Cela m’a permis d’écrire en parallèle. Le fait d’être script à la télévision m’a donné le temps d’apprendre l’écriture en autodidacte. J’ai mis un certain temps à réaliser mon premier film, je l’ai fait toute seule.

Te sentais-tu plus dans ton rôle en tant que réalisatrice ou monteuse ?

Je voulais tellement réaliser qu’il y avait, dans mon rôle de monteuse, une place que je n’arrivais pas à garder. Je m’accaparais beaucoup les projets des autres. Je me suis rendue compte à contrecoup que cela venait d’une envie trop importante de réaliser moi-même et que je le faisais un peu subir aux projets des autres.

Je me suis alors dit qu’il fallait que j’arrête le montage et que je fasse mes films. Quand j’ai obtenu l’argent nécessaire pour mon premier film, c’était comme si on m’avait offert un pack intégral ! Toutes les disciplines auxquelles j’avais touché avant s’y trouvaient et je me suis rendue compte qu’il n’y avait qu’avec la réalisation que je pourrais toucher à tout. En tant que technicienne, tu dois être un peu plus à distance du projet et au service du réalisateur. Cette envie de pouvoir maitriser et gérer un projet du début à la fin était trop présente chez moi. Finalement ça se passe mieux depuis que je suis devenue réalisatrice !

Je suis vraiment contente de ne pas avoir fait de courts à 20 ans, d’avoir attendu et d’en faire maintenant, avec un enfant, une famille, qui me permet de prendre mes distances. Je suis très admirative des gens qui, à 20 ans réussissent à se confronter à cet univers, à cette compétition, mais je sais que cette distance à mon travail, je la trouve du fait que je fais d’autres choses en parallèle et que je ne suis pas dépendante financièrement du cinéma.

Comment as-tu vécu la préparation et le tournage de ton premier film, « I Rafi » ?

J’étais enceinte. Je me suis dis : « J’ai l’opportunité de faire ce film. Si j’ai le minimum de reconnaissance dont j’ai besoin pour continuer tant mieux, si ça ne marche pas, tant pis ». Je pense que je me disais que toute ma vie ne reposait pas là-dessus. Cela m’a permis de relativiser beaucoup de choses. Étonnamment je trouve que c’est plutôt avec mon deuxième film, « Kanun », que ça s’est compliqué. Le fait d’avoir reçu des aides du CNC m’a mis une pression supplémentaire. J’ai ressenti également beaucoup plus de pression de la part des producteurs qui ont besoin de projets qui marchent pour pouvoir survivre. Ces questions-là ne se posaient pas pour « I Rafi ».

Pour tes projets, tu tournes en langue étrangère, tu traites de sujets lourds et de contextes singuliers (la dictature des colonels en Grèce, le code albanais du Kanun). Tu ne vas vraiment pas vers la facilité…

À vingt ans, j’avais commencé à réfléchir à des thématiques plus intimes que celles-ci, mais avec l’âge je me suis rendue compte que ce n’était pas là que se dirigeait mon intérêt.

C’est très étonnant mais pour l’instant, j’ai beaucoup de mal à écrire des dialogues en français, même si il y en a un peu dans « Kanun ». Écrire des dialogues en langue étrangère, c’est un peu un moyen de contourner une difficulté. Avec « I Rafi », j’avais en référence des films de Melville, j’avais écrit des dialogues que j’imaginais interprétés de façon assez monocorde. Je suis grecque et je parle grec mais je n’avais pas du tout envisagé l’effet que cela donnerait à la traduction. Le grec est une langue très chantante, le résultat était donc assez éloigné de ce que j’avais envisagé au départ, j’étais complètement déboussolée !

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En ce qui concerne « Kanun », j’avais en tête l’idée de faire un film noir. Mon grand-père vient du nord de la Grèce, à la frontière avec l’Albanie. La communauté albanaise y est très importante. J’ai été faire des repérages là-bas mais finalement ce n’était pas l’atmosphère que je cherchais et que j’avais imaginée. Je souhaitais faire un film qui puisse se passer dans une communauté et qui traite de la transmission de valeurs d’une culture à l’autre. À contrecoup, je me suis rendue compte que c’était déjà présent dans le premier film. Ainsi un évènement, justifié par le code dans « Kanun » ou par l’envie de vengeance dans « I Rafi », contraint des personnages qui sont aux antipodes ou dans le conflit total à se rencontrer et à se regarder. C’est dans cet instant où la rencontre est possible malgré la haine que j’entrevois une possibilité, puisque ce regard sur l’autre nous oblige à nous confronter à l’humain. Dans « I Rafi », cette rencontre avec l’ennemi a une issue positive. Dans Kanun, malheureusement, le dogme est plus le fort.

Que retiens-tu du travail mené au sein de la communauté albanaise ? Comment s’est déroulé le casting des comédiens ?

Quasiment tous les comédiens sont des professionnels. J’ai rencontré beaucoup de gens avec des profils très différents, et j’ai découvert aussi à quel point le code du Kanun a encore de l’importance et de l’influence aujourd’hui, même loin de l’Albanie. Finalement, la plus grande difficulté a été de trouver l’homme de main, interprété par Kevin Azaïs, le seul personnage à ne pas être d’origine albanaise.

Comment as-tu entendu parler du Kanun ?

J’ai relu de nombreux articles sur l’Albanie, je cherchais une thématique pour faire un film noir. Dans un premier temps, j’étais un peu gênée, je n’avais jamais entendu parler des faits du Kanun dans la communauté albanaise ici. C’était délicat, je n’avais pas envie de la stigmatiser, de contextualiser quelque chose qui n’existe pas vraiment dans une réalité sociale. Et puis, en rencontrant des Albanais, je me suis rendue compte que ce que j’avais lu était finalement en-dessous de la réalité.

Ce qui est incroyable, c’est que les Albanais n’ont pas forcement les moyens de parler du Kanun mais qu’il reste des valeurs de ce code dans beaucoup de choses, qu’il a encore des effets des plus dramatiques dans certaines familles.

Dans tes deux films, on sent un conflit entre tradition et modernité, mais aussi beaucoup de pudeur, de retenue présente dans les non-dits. Est-ce que c’est quelque chose qui t’intéresse ?

C’est vraiment la base de mon travail et de mon envie. C’est dans les non-dits que je trouve mon intérêt. Dans « I Rafi », le non-dit sert a raconter le lien : tout ce qu’on ne dit pas et qu’on comprend quand même, c’est cet amour refoulé. Dans « Kanun », c’est l’inverse puisque le non-dit nourrit le drame. C’est le code, le dogme qui empêche la remise en question, le dialogue, la communication et l’amour.

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Pourquoi as-tu choisi de travailler en huis clos ?

C’est venu d’une contrainte financière, c’est quelque chose que je me suis imposé dans un exercice et au final, je crois que la question de la contrainte est au cœur de mon travail, de l’écriture à la réalisation. Il n’y a pas vraiment d’issue dans l’enfermement.

Est-ce que le fait d’intégrer un personnage francophone qui ne parle pas l’albanais dans « Kanun » est en rapport avec ta propre histoire ?

Oui, ce personnage est un peu l’écho de cette génération avec laquelle j’ai grandi, en perte de valeurs, de repères et qui finit par se tourner vers la religion et les sectes pour retrouver une cohésion, un sentiment d’appartenance. C’était important que mon personnage ne soit pas albanais et qu’il ait une forme de fascination pour cette culture à laquelle il n’appartient pas réellement. La première question était de savoir comment la croyance absolue en quelque chose mène à l’impossibilité de se remettre en question. Que se passe-t-il quand on se rend compte que son dogme porte en son sein des contradictions ? Kevin, l’interprète du rôle, était très proche du personnage, il a vécu dans le même type de milieu que moi. Il était donc parfait pour retranscrire les sentiments que je voulais transmettre à travers son personnage.

Propos recueillis par Katia Bayer. Retranscription : Paola Casamarta

Article associé : la critique du film

Rappel. 1ère soirée Format Court de l’année, ce jeudi soir aux Ursulines !

Bonne nouvelle ! Nos soirées de courts-métrages reprennent ce jeudi 10 septembre au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). L’occasion de découvrir cette semaine 5 films sélectionnés et primés en festival (Clermont-Ferrand, Cannes, Annecy, Berlin, Le Court en dit long…) réalisés par 5 femmes aux parcours très différents. Cette séance, organisée avec le soutien de Wallonie-Bruxelles International et du Centre Wallonie-Bruxelles à Paris, sera marquée par la présence de Céline Devaux, Sandra Fassio et Monique Mbeka Phoba, toutes trois réalisatrices.

En guise de bonus, nous vous proposons également de découvrir une exposition de dessins et croquis préparatoires relatifs au film « Guida », sélectionné et primé au dernier festival d’Annecy. Soyez au rendez-vous !

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En pratique

– Jeudi 10 septembre 2015, à 20h30, accueil : 20h. Durée de la séance : 93′
– Programmation : ici !
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
Entrée : 6,50 €
Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com

The Centrifuge Brain Project de Till Nowak

Fiction, 6’30, 2011, Frame Box Digital, Allemagne.

Synopsis: Un ingénieur passionné crée des attractions de foire impossibles et magiques.

Suite à une recherche révélant l’effet positif d’un tourniquet sur l’intelligence des enfants, l’ingénieur Nick Laslowicz se lance dans l’invention de manèges pour adultes. Cette quête permanente pour s’élever dans les airs donnent lieu à des créations dépassant les limites de la gravité .

Ces inventions folles et utopiques sont rendues crédibles grâce à un procédé filmique permettant le temps du court-métrage de croire à l’impossible. Présenté sous la forme d’un faux documentaire, l’utilisation d’images d’archives et une mise en contexte ultra-réaliste permettent aux effets spéciaux de s’incruster à merveille dans une image disgracieuse au cadrage télévisuel. On découvre alors, au détour d’un mouvement maladroit de caméra, la beauté d’une roue gigantesque proposant des ballades de plus de 14 heures dans les airs.

La recherche scientifique dans tout ce qu’elle a de plus sérieux, est mis à profit pour retrouver le sentiment d’émerveillement propre à l’enfance. Hélas irrémédiablement perdu dans les affres du temps, il ne reste plus pour cet ingénieur nostalgique qu’à retranscrire désespérément cette sensation d’étourdissement euphorisant que l’on a au sommet d’une montagne russe, loin de la lourde gravité terrestre.

Sarah Escamilla

Nouvelle formation : ESRA Bruxelles. Journée Portes Ouvertes le 19 septembre !

Le Groupe ESRA, premier groupe privé de formations aux métiers de l’audiovisuel en France, ouvre ses portes à Bruxelles début octobre 2015. Une Journée Portes Ouvertes est organisée le samedi 19 septembre 2015 de 10h à 18h et au cours de laquelle les futurs étudiants pourront rencontrer les équipes pédagogiques et visiter les locaux et installations.

Ce nouvel établissement, situé au 34 rue du Beau Site, 1000 Bruxelles, à deux pas de l’Avenue Louise, proposera ses formations techniques et artistiques en trois ans aux principaux métiers du cinéma et de la télévision (ESRA) et du Son (ISTS) aux étudiants titulaires de leur CESS ou de son équivalent français, le Bac.

Dans ces deux cursus, les étudiants suivront deux années de tronc commun pour les former à l’ensemble des métiers de l’image (ESRA) ou du son (ISTS) avant de choisir une option en troisième année. Pour l’ESRA les options proposées sont : Réalisation Cinéma, Réalisation Télévision, Image, Montage et Production. Pour l’ISTS : Son Musical, Son Audiovisuel et Son Sonorisation.

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Crée en 1972, l’ESRA propose également en France, une formation aux métiers du film d’animation –Sup’Infograph – ainsi que des formations de deux ans de spécialisation après un BAC+3 en Scénario & Réalisation, en Production/Distribution et en VFX, en partenariat avec d’importantes chaînes de télévision et sociétés de production et de distribution. L’ESRA propose également une 4ème année optionnelle à New York destinée aux élèves diplômés de 3ème année de l’ESRA, l’ISTS et Sup’Infograph, que ce soit à Paris, Nice, Rennes ou Bruxelles, année au cours de laquelle, outre les cours, ils réalisent des court métrages et font un stage en milieu professionnel.

Par ailleurs, l’ESRA est membre du Centre International de Liaison des Écoles de Cinéma, association qui regroupe les plus importantes écoles de cinéma et de télévision dans le monde. Avec près de quatre mille anciens élèves (recensés dans l’annuaire en ligne ESRA PRO) actifs dans les différents secteurs de l’image et du son, qui témoignent du rôle effectif du groupe depuis 1972, le Groupe ESRA conforte ainsi sa place du plus important groupe privé de formation en France pour les métiers de l’image et du son.

Contact ESRA Bruxelles : Ariane Stassar : ariane@esra.edu

A comme Autos portraits

Fiche technique

Synopsis : Une Chevrolet Bel Air 1957 interprète une version ironique de la ballade américaine « Que Sera Sera (Whatever Will Be, Will Be) ».

Genre : Animation

Durée : 4’45

Pays : Canada

Année : 2015

Réalisation : Claude Cloutier

Scénario : Claude Cloutier

Son : Olivier Calvert, Serge Boivin, Lise Wedlock

Musique : Guido Del Fabbro, Jean-Phi Goncalves

Chanteuse principale : Audrey Emery

Montage : Serge Verreault

Production : ONF

Articles associés : la critique du film, l’interview de Claude Cloutier

Autos portraits de Claude Cloutier

Un moteur s’ébroue dans l’obscurité, une voiture démarre. Il s’agit d’un emblème du gigantisme automobile américaine des années 1950 qui apparaît à l’écran, une Chevrolet Bel Air 1957 d’une étrange couleur aubergine.

La chanson « Que sera sera » s’échappe de son autoradio, chantée non pas par Doris Day dans « L’Homme qui en savait trop » (Alfred Hitchcock, 1957) mais…par la voiture elle-même ! Une valse folle se lance, menée par Claude Cloutier.

Ce cinéaste d’animation et bédéiste est connu au Québec depuis bientôt trente ans pour son humour, son ironie, mais aussi sa bienveillance dans la mise en dessins des contradictions humaines. Il s’attache par exemple à montrer les paradoxes du commerce dans « Le Colporteur » (1988) ou les vicissitudes d’un prince qui peine à embrasser sa princesse endormie dans « Isabelle au bois dormant » (2007).

Claude Cloutier aime à décrire une évolution en accéléré. On trouve celle de toute l’espèce animale et humaine en un peu plus de 5 minutes dans « Du Big Bang à mardi matin » (2000) ou celle des soldats de la Grande guerre passant de vie à trépas dans la terre des champs de bataille dans « La Tranchée » (2010).

Pour « Auto-portrait », présenté à Annecy en 2015, il nous offre un peu de son ironie sur un sujet grave, la surconsommation. Le film est surtout une fantaisie évolutive et hallucinée autour de l’automobile conquérante.

Un ballet automobile entêtant et coloré digne des comédies musicales aquatiques des années 1950 de Busby Berkeley se met en place. Chaque voiture danse et chante, la bouche placée au niveau de la calandre, jouant avec finesse sur l’anthropomorphisme inhérent au design automobile.

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Derrière les coups de crayons précis et les chœurs soignés, se dévoile petit à petit une promesse d’une chute d’autant plus inévitable qu’elle se nourrit des excès du début. Au gré de petits inserts incongrus et inspirés comme celui des voitures ivres de pétrole, le film glisse de la fascination au dégout.
On sent l’avènement d’une rupture, ce sera celle de la surconsommation symbolisée par des pompes de gisements à pétrole rythmant également le film.

Le film, comme ses images et sa musique, se bloque alors, dans un moment suspendu où les symboles automobiles s’effondrent littéralement, laissant la place à un vide glaçant. Notre Chevrolet aubergine continue de chanter a capella au milieu d’un champ de ruines automobiles. « Que sera sera » et son insouciance par rapport au futur (« whatever will be, will be » – qu’il advienne ce qui doit arriver) changent de sens. Réactivant un ensemble de signes rassurants au début, la chanson semble évoquer à la fin du film, un rêve fané et abusé. Claude Cloutier utilise la mise en abyme du « Drive-in » où des voitures font face à un écran en plein air pour interpeler un spectateur qui, lui aussi, observe sans agir l’emprise destructrice du pétrole sur la planète.

Fait rarissime pour un film à portée écologique, « Auto-portraits » utilise la force d’évocation graphique de l’automobile pour amplifier son message, terminant de rendre son film contradictoire, inattendu et surprenant.

Georges Coste

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Article associé : l’interview de Claude Cloutier

Hormona de Bertrand Mandico en salle

Alors que son premier long-métrage, « Les garçons sauvages », est actuellement en préparation, Bertrand Mandico voit ses trois derniers courts-métrages projetés ce mois-ci en salle, au Studio Galande (Paris, 5ème), dans le cadre du programme charnel et étrange, « Hormona ».

En 2012, Format Court consacrait un focus à cet auteur très discret ayant développé un univers fantasmagorique et surréaliste à part.

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Programme

«Y a–t-il une vierge encore vivante ?» (9min, 2015). Avec Elina Löwensohn et Eva Maloisel

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Selon une légende, Jeanne d’Arc (Joan the Slut) n’est pas morte au bûcher. On lui brûla les yeux et elle fut déflorée par un étalon Anglais. Elle fut ensuite condamnée à errer sur les champs de bataille, tel un charognard, à l’affut de la vie, à la recherche de vierges encore vivantes.

«Notre dame des Hormones» (30min, 2014). Avec Nathalie Richard, Elina Löwensohn et la voix de Michel Piccoli

Deux actrices passent un week-end dans une maison de campagne afin de répéter une pièce de théâtre. Lors d’une promenade dans les bois, l’une d’elles déterre une chose étrange, une créature sans orifice ni membre. La créature devient un objet de convoitise pour les deux femmes, prêtes à tout pour posséder la chose. Elles sont loin de se douter qu’elles ont déterré « Notre dame des hormones ».

«Prehistoric Cabaret» (10min, 2013). Avec Elina Löwensohn et Katrin Olafsdottir

Dans un cabaret islandais, une maitresse de cérémonie pratique une coloscopie avec une étrange caméra organique. Un voyage au centre de ses organes, à la rencontre de l’être originel, source de désir.

En pratique

Studio Galande : 42 Rue Galande, 75005 Paris (Métro Saint-Michel, Cluny-La Sorbonne et Maubert-Mutualité). Carte UGC acceptée

Kanun de Sandra Fassio

Le tout premier prix Format Court remis lors du festival Le Court en dit long cette année au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris a été attribué à Sandra Fassio pour « Kanun », un drame psychologique fin en forme de film noir.

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Avec son film de début « I Rafi » datant de 2012, qui racontait le moment de découverte d’un passé partagé entre une ancienne révolutionnaire grecque devenue couturière en Belgique et son client et compatriote, Sandra Fassio s’était déjà fait remarquer pour la justesse de son écriture ainsi qu’une réalisation et une direction d’acteurs maîtrisées.

La cinéaste belge réaffirme dans ce nouveau court ses talents d’explorer des eaux profondes tout en privilégiant des moyens minimalistes et les non-dits. Le sujet, tout aussi sombre, concerne une situation d’impasse dans laquelle se retrouve une famille albanaise mafieuse installée en Belgique, tenue de venger la mort de leur fils selon la lex talionis du « kanun » albanais, mais contrainte par ce même code d’honneur de respecter le bourreau tant qu’il reste hébergé sous leur toit.

Au-delà des éléments narratifs parfois troubles liés au scénario noir – on pense notamment à la fin qui se veut plus énigmatique qu’elle ne l’est et au traitement quelque peu faible de la violence sous-jacente au récit –, Fassio livre un portrait psychologique collectif d’une grande subtilité. Ce sont les discours parallèles au récit principal qui sont particulièrement parlants, que ce soit l’opposition entre les traditions et l’intégration débattue par la mère et la fille, ou encore la féminisation d’un milieu machiste par le biais de ces deux personnages.

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Formellement, la proposition est renforcée par une grande maîtrise de la mise en scène et un jeu d’acteurs irréprochable. Du point de vue du montage, le film se déroule à un rythme mesuré, presqu’en temps réel. La réalisatrice plonge ainsi le spectateur dans l’histoire sans devoir recourir à une contextualisation trop détaillée, la notion de la vendetta étant ici épurée à sa dimension universelle de justice privée, une réponse viscérale à l’émotion provoquée par la perte d’un proche.

De ce point de vue, nous sommes très loin des scénarios parfaitement ficelés des films d’action confectionnés par nos voisins au nord du pays, souvent dignes du meilleur de Hollywood. La comparaison avec Dossier K. du réalisateur flamand Jan Verheyen se laisse facilement établir par son traitement à suspense plus explicite d’un sujet comparable. En revanche, le style de Fassio, réflexif, éloquent et unique, est à savourer quel que soit le thème choisi car, on le sait désormais, elle est certaine d’y apporter la touche humaine qui fait toute la différence.

Adi Chesson

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Article associé : l’interview de la réalisatrice