En attendant les Olivettes de Jean-François Ravagnan

Si la musique est nourriture d’amour, jouez toujours

Lauréat du Prix Format Court au FIFF à Namur cette année avec « Renaître », Jean-François Ravagnan avait réalisé en 2007 son film de fin d’études à l’IAD (Institut des arts de diffusion). « En attendant les Olivettes » est un documentaire profondément humain sur l’âge et l’amour.

Avec ce premier film à la fois candide et mature, Jean-François Ravagnan livre le portrait intime de Stéphanie et Jefke, un couple octogénaire liégeois qui se rend régulièrement à leur café chantant local. Les Olivettes du titre est encore aujourd’hui un lieu emblématique de la ville de Liège, vestige de la belle époque et des temps révolus avant l’arrivée des karaoké ubiquitaires impersonnels. C’est là, sur la scène, micro à la main et entourés de musiciens et d’amis-fans, qu’ils vivent de manière la plus intense leur ultime raison d’être. Chant et musique font tomber toutes les barrières qui les excluraient du monde.

Imprégné dans une atmosphère passible et immobile, ce film nous plonge dans la vie intérieure des personnages, sans tomber ni dans le pathos ni dans la froideur par rapport à son sujet. En l’espace d’un quart d’heure, la fragilité du couple surannée face au passage du temps, à la fois lent et rapide, se fait parfaitement ressentir. Des cadres fixes donnent à voir leurs activités quotidiennes monotones : cuisine, repas, ménage… Ces plans larges reflètent l’inébranlable stase de la routine mais se resserrent vite pour ne pas perdre de vue le but final du duo mélomane. Leurs répétitions rigoureuses et leur toilette soignée sont autant de préparatifs pour le moment tant attendu, la soirée aux Olivettes où Stéphanie et Jefke interpréteront avec brio des airs d’antan comme Le plus beau tango du monde ou Que reste-t-il de nos amours ? de Charles Trenet.

Le temps de quelques plans face caméra des habitués du café, « En attendant les Olivettes » devient également le portrait d’un lieu, un double registre qui est agencé surtout par le montage son. Après la performance, les bruitages de la collectivité planent sur l’intérieur vide de la maison du couple tel le spectre d’un souvenir déjà lointain. Tout comme le chant solo de Stéphanie dans le pré-générique rejoint le brouhaha du choeur dans la bande-son.

Ce qui touche le plus dans ce documentaire, c’est le constat que la musique, besoin vital pour ce couple, est avant tout l’expression la plus consommée de la tendresse qu’ils portent l’un pour l’autre. La scène finale – une sérénade Dans la Balançoire chantée par Stéphanie à Jefke, sa voix sincère tremblante d’émotion au point de provoquer des larmes chez son mari – atteste parfaitement de cet amour, que Ravagnan filme avec respect et pudeur.

Adi Chesson

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