Tous les articles par Katia Bayer

V comme Vie et mort de l’illustre Grigori Efimovitch Raspoutine

Fiche technique

Synopsis : Au début du XXème siècle, un moine errant arrive à la cour des derniers Tsars de Russie : Raspoutine. Négligé et lubrique, le moujik s’introduit néanmoins dans le cénacle fermé de la famille impériale. Ce qui n’est pas au goût de certains aristocrates…

Genre : Animation

Durée : 10′

Pays : France

Année : 2012

Réalisation : Céline Devaux

Scénario : Céline Devaux

Montage : Céline Devaux

Musique : Flavien Berger

Voix off : Yves Dufournier

Production : Ensad, École Nationale des Arts Décoratifs

Article associé : la critique du film

R comme Rossignols en décembre

Fiche technique

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Synopsis : Et si les rossignols travaillaient au lieu de chanter et de voler vers le Sud ? Il n’y a pas de rossignols en décembre ? Ce qui reste n’est que l’histoire de notre commencement et de notre fin.

Genre : Animation

Pays : Canada

Année : 2011

Durée : 3′

Réalisation : Theodore Ushev

Scénario : Theodore Ushev

Animation : Theodore Ushev

Musique : Spencer Krug

Son : Olivier Calvert

Production : Festival du nouveau cinéma de Montréal

Article associé : la critique du film

Rossignols en décembre de Theodore Ushev

Après « Les Journaux de Lipsett », le Canadien Theodore Ushev revient avec son nouvel opus tant attendu, une fiction expérimentale cette fois-ci, nommée « Rossignols en décembre ». Lyrismes cinématographique et musical vont de pair dans cette animation ensorcelante qui connaît déjà du succès dans les grands festivals dont Anima et Clermont-Ferrand (ce dernier doit par ailleurs son affiche 2013 à l’artiste).

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S’ouvrant sur la citation culte des Quatre Quatuors de T S Eliot : « En mon commencement est ma fin », le récit assume d’emblée une dimension philosophique. À travers les yeux d’un jeune visage fin et androgyne, des images défilent rapidement – comme aperçues à partir d’un train en mouvement – et se métamorphosent pour dévoiler scènes de guerre et autres atrocités. Des hommes-rossignols se battent et s’entretuent dans un univers glauque où l’humanité déchue semble dépouillée de toute bienveillance. Ces plans expressionnistes sont en contraste marqué avec le visage fébrile et impressionniste de la jeune personne, qui est en quelque sorte le seul repère narratif du film. Petit à petit, apparaît la prémisse d’Ushev, basée sur l’hypothèse suivante : et si les rossignols étaient des hommes et faisaient comme nous ? Corollaire : et si nous étions encore à l’état naturel et n’avions pas perdu tout notre humanisme ?

Postulat cynique, en effet, mais exprimé avec une grande poésie caractéristique de l’auteur. Ceux qui connaissent ses autres courts ont surement pu y discerner cette qualité, qui provient d’une symbiose parfaite entre image et bande-son. Élément indispensable dans la démarche du cinéaste, la musique est toujours soigneusement construite (ou choisie lorsqu’il s’agit de compositions existantes). Celle-ci permet à Ushev d’entraîner le spectateur dans une émotion accrue que seul le quatrième art peut susciter. La partition de « Rossignols », signée Spencer Krug (Sunset Rubdown), est marquée par une agitation dramatique qui apporte une dimension quasi épique. Comme pour faire contrepoids au pessimisme intransigeant de l’image, la musique évolue au fil du récit, d’une tonalité sombre et funeste vers une résolution lumineuse, se terminant sur des harmonies diatoniques édifiantes, clôturant ainsi le film sur une note d’espoir.

Adi Chesson

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Article associé : l’interview de Theodore Ushev

Festival Anima, les films en compétition nationale

Le Festival Anima projette jusqu’à dimanche le meilleur des courts belges. Voici la liste des films en compétition.

Betty’s Blues, Rémi Vandenitte
Cache-cache, Dia’ Azzeh
La Chute, Gwenola Carrère, Alexia Cooper, Hélène Loridant, Laura Marchant, Giorgi Kabourofski, Florie Goffette, Carolina Aleixo Ramos, Camille Gervais
Cogitations, Sébastien Godard, François d’Assise Ouedraogo, Arzouma Mahamadou Dieni, Moumouni Jupiter Sodré
Deux îles, Eric Lambé, Adrien Cellieres, Nicolas Debruyn, Florian Guillaume, Guillaume Franck, Sarah Heinrich, Lucile Martineau, Gilles Pirenne, Valery Vasteels
Do You Have Your Ticket ?! Antoine Goethals, Christopher Helin
Eentje voor onderweg, Lander Ceuppens
Fallen, Jochem Van Gool
Flesh and Bones, Manon Brûlé
History Of Pets, Kris Genijn
Maintenant il faut grandir, Bruno Tondeur
Norman, Robbe Vervaeke
Oh Willy, Emma de Swaef et Marc Roels
Once Upon a Time, Christopher Bolland, David Collet, Morgane Delcourt, William Denis, Mathieu Godet, Pieter de Poortere, Antoine Tack, Jonas Wimart
Satan la bite, Jeanne Boukraa
Si j’étais un homme, Margot Reumont
De Wake, Pieter Coudyzer

Festival Anima, les courts-métrages professionnels en compétition internationale

Au Festival Anima de Bruxelles, la forme courte est répandue, en compétition ou non, qu’il s’agisse de films d’écoles, de films pros, de panorama belge, de clips, de pubs. Ces jours-ci, Format Court repère le meilleur du court dans ces sections et vous propose de découvrir la liste des courts-métrages professionnels en compétition internationale.

Le Banquet de la concubine, Hefang Wei (F-CDN-CH)
Bydlo, Patrick Bouchard (CDN)
Chase, Adriaan Lokman (NL-F)
Chemin faisant, Georges Schwizgebel (CH)
Chinti, Natalia Mirzoyan (RUS)
Columbos, Kawai+Okamura (J)
A Different Perspective, Chris O’Hara (IRL)
Dozhd Idyot / It’s Raining, Anna Shepilova (RUS)
Edmond était un âne », Franck Dion (CDN-F)
Fear of Flying, Conor Finnegan (IRL)
Feral, Daniel Sousa (USA)
Fleuve Rouge, Song Hong, Stéphanie Lansaque/François Leroy (F)
Hi-No-Youjin, Katsuhiro Ôtomo (J)
How Dave & Emma got pregnant, Joost Lieuwma (NL)
How to Eat Your Apple, Erick Oh (ROK)
Itsihitanantsu, Natalia Ryss (RUS)
Junkyard, Hisko Hulsing (NL-BE)
Kali le petit vampire, Regina Pessoa (CDN-F-P)
Kaspar, Diane Obomsawin (CDN)
Kolmnurga Afäär / The Triangle Affair, Andres Tenusaar (EST)
Monsieur l’Assassin X, Lynn Devillaz/Antonio Veiras (CH)
Palmipedarium, Jérémy Clapin (F)
The People Who Never Stop, Florian Piento (F-J)
Le Printemps, Jérôme Boulbes (F)
RE:AX aka Peace Starts With Me, Max Hattler (GB)
Rew Day, Svilen Dimitrov (BG)
Rossignols en décembre, Theodore Ushev (CDN)
TOM & Die Bienenkönigin, Andreas Hykade (D)
Topo Glassato Al Cioccolato, Donato Sansone (I)
Tram » de Michaela Pavlátová (F)
Tunnel, Maryam Kashkoolinia (IR)
Villa Antropoff, Vladimir Leschiov (EST-LV)
Some Actions Which Haven’t Been Defined Yet In The Revolution, Xun Sun (PRR)

Anima 2013

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Le rendez-vous belge incontournable du film d’animation a inauguré sa 32ème édition le weekend dernier. Jusqu’au dimanche 17 février, les spectateurs de tous âges et de tous horizons pourront déguster le meilleur du cru 2013. Côté court, figurent au programme, les immuables compétitions (nationale, internationale et film d’études), mais aussi une pléthore de rétrospectives alléchantes : « Animazioni al dente » (animation italienne), « Giants’ First Steps » (les courts des grands), « Indian Animation Today » (films issus du National Institute of Design en Inde), « Au cœur de l’Europe » (se passe d’explication), « Ciné Grand Lux » (l’animation provenant du Grand Duché), etc.

Format Court, proche de l’évènement depuis 4 ans, le couvre ces jours-ci, pour son tout nouveau Prix Format Court (révélé à la clôture du festival, dimanche) mais aussi pour les autres films programmés.

Retrouvez dans ce focus :

L’interview de Benjamin Renner, réalisateur et membre du jury Anima 2013

La critique du DVD Best of 8, le Best of d’Anima en 2012

L’interview de Sekhar Mukherjee, directeur du National Institute of Design (Inde) et membre du jury Anima 2013

La critique de « Topo glassato al cioccolato » de Donato Sansone (Italie)

La critique de « Si j’étais un homme » de Margot Reumont (Belgique)

La critique de « Vie et mort de l’illustre Grigori Efimovitch Raspoutine » de Céline Devaux (France)

– La critique de « Rossignols en décembre » de Theodore Ushev (Canada)

Festival Anima : Prix Format Court du meilleur film d’étudiants attribué à “I Am Tom Moody” de Ainslie Henderson

– Le palmarès

Festival Anima, les films en compétition nationale

Festival Anima, les courts-métrages professionnels en compétition internationale

Festival Anima 2013 : Prix Format Court du meilleur film d’école en compétition internationale

Avant que de tout perdre de Xavier Legrand

Une maison de quartier résidentiel, un supermarché, des personnages plus vrais que nature, une bonne dose de tension, tels sont les ingrédients réunis ici pour créer Avant que de tout perdre, véritable film à suspens, réalisé par Xavier Legrand et récompensé du Grand Prix National, du Prix du Public, du Prix de la Jeunesse et du Prix de la Presse Télérama au tout dernier Festival de Clermont-Ferrand.

Le film débute paisiblement par un plan fixe d’une maison familiale d’où sort le jeune Julien, au cours d’une journée ensoleillée. L’enfant, cartable sur le dos, se rend à l’école. Mais cette stabilité apparente n’est là, semble-t-il, que pour mieux tromper le spectateur.

Alors que ses enfants font semblant d’aller à l’école, Miriam, employée de supermarché, s’empresse de les récupérer et se rend sur son lieu de travail pour expliquer la situation à son emloyeur, et son départ précipité. Faire diversion, éviter à tout prix les soupçons : on comprend qu’une menace pèse sur cette femme et sur ses deux enfants. Tous les employés du supermarché s’unissent pour lui venir en aide et un réseau de solidarité se crée autour de l’héroïne, interprétée par Léa Drucker.

À table, les collègues et les enfants de Miriam plaisantent au sujet de la chef que tout le monde dans le supermarché surnomme Robocop, une occasion pour Julien d’évoquer innocemment cette scène où son père a braqué un fusil de chasse sur sa mère. La violence est sous-jacente aux images et se dévoile progressivement; elle ressort à travers les paroles innocentes de l’enfant, les regards angoissés qu’échangent les femmes, et les hématomes qui recouvrent le corps de Miriam, forçant ses collègues à détourner le regard avec horreur. Tous ces éléments suffisent à imaginer la violence qui règne au sein du foyer familial. Soudain, celui qui en est l’auteur débarque à l’improviste dans le supermarché, tandis que les employées mettent tout en œuvre pour protéger Miriam. Les mains et voix tremblantes de ces femmes trahiront-elles leurs intentions ?

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Issu du théâtre, Xavier Legrand réussit avec Avant que de tout perdre, son premier film, une œuvre réussie en matière de suspens. Le parcours des personnages est une course contre la montre qui laisse peu de répit au spectateur. Tout est fait pour que ce dernier craigne le père au moins autant que sa famille, et cela avant même qu’il n’apparaisse à l’écran. Pour obtenir la tension narrative, le récit adopte le point de vue de la victime et la caméra suit de très près les trois personnages. En scrutant attentivement l’apparition du père, les doigts crispés sur les genoux, on se laisse porter par le rythme effréné de ce film angoissant à la mise en scène efficace.

Agathe Demanneville

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Article associé : l’interview de Xavier Legrand

A comme Avant que de tout perdre

Fiche technique

Synopsis : Julien a dix ans. Il fait mine de se rendre à l’école mais se cache sous un pont, son cartable rempli de vêtements. À quelques kilomètres, Joséphine, 15 ans, fait de même et attend le bus.

Genre : Fiction

Durée : 30′

Pays : France

Année : 2012

Réalisation : Xavier Legrand

Scénario : Xavier Legrand

Image : Nathalie Durand

Montage : Yorgos Lamprinos

Son : Julien Sicart, Vincent Verdoux

Décors : Jérémie Sfez

Interprétation : Léa Drucker, Anne Benoît, Claire Dumas, Eric Borgen , Brigitte Barilley , Miljan Chatelain , Mathilde Auneveux ,Stéphane Schoukroun , Denis Menochet , Catherine Lefroid , Christian Benedetti

Production : KG Productions

Articles associés : la critique du film, l’interview de Xavier Legrand

Tarquin Netherway : « Le crowdfunding est le futur en termes de financement du court métrage »

Le climat quelque peu tropical de la salle de presse du festival de Clermont-Ferrand qui surplombe la piscine municipale est l’endroit idéal pour interviewer un réalisateur australien dont le film a justement pour titre « The River ». Rencontre avec Tarquin Netherway, son auteur.

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Format Court : Ton film a-t-il déjà été projeté en festival, où est-ce la première fois, ici, à Clermont-Ferrand ?

Tarquin Netherway : Il a en déjà commencé sa carrière dans un festival hollandais [Pluk de nacht, Amsterdam] et a aussi été projeté dans un festival underground d’Australie. Mais c’est la première fois en France.

Quel a été ton parcours ? As-tu suivi des cours de cinéma ?

T.N. : Oui, j’ai été à l’université de Swinburne à Melbourne d’où j’ai été diplômé au début de l’année 2012, « The River » est mon film de fin d’études.

Le film a-t-il été financé par l’école ou as-tu dû trouver les financements toi-même ?

T.N. : L’école fournissait uniquement l’équipement, j’ai dû effectivement financer le film moi-même en faisant notamment en sorte de rendre le tournage logistiquement facile. J’ai également récolté de l’argent via un site de crowdfunding, je pense que ce genre de site est le futur en termes de financement du court métrage. Les gens peuvent investir sur ce dont ils ont vraiment envie de voir par rapport à l’État qui a une idée parfois préconçue et des attentes des films à venir.

Comment est née l’histoire du film ? Était-ce un thème qui te trottait depuis longtemps dans la tête ?

T.N. : Le film est un patchwork de beaucoup d’idées dispersées que j’ai pu avoir. C’est mon tout premier film et je voulais me débarrasser de mon expérience de l’enfance pour traiter d’autres sujets dans le futur. Je n’ai pas eu beaucoup de vécu et celle-là me semblait la seule que je puisse partager. Beaucoup de scènes du film sont inspirées de photos de ma propre enfance je voulais les recréer du point de vue d’un alien !

La télévision est très présente dans le film, pourquoi ne pas avoir choisi l’ordinateur pour illustrer l’adolescence actuelle ?

T.N. : En Australie, les signaux analogiques viennent juste d’être arrêtés, on est passé au numérique. Les gens se sont mis à se débarrasser de leur télévision et ce qui a été aussi présent et important pendant 50 ans a été jeté aux ordures. Ces objets devenus inutiles peuvent peut-être garder un rôle cependant. J’ai commencé à récolter ces télévisions et j’ai réalisé que la télévision faisait un bruit similaire à celui de la rivière. La technologie nous éloigne de plus en plus de la nature, alors j’ai tenté de retrouver une connexion entre les deux.

La scène d’ouverture mettant en scène un groupe d’agresseurs au bord de la rivière et les images qui défilent en accéléré étaient-elles des références voulues à « Orange Mécanique » de Kubrick ?

T.N. : Oui, tout à fait. Je voulais notamment déjouer les attentes du spectateur en le lançant sur une fausse piste et ensuite, avec l’utilisation des ces images en accéléré je souhaitais qu’il lâche prise et tente le terrain de l’expérimentation. Le film est réaliste mais traite de l’absence d’émotions humaines et de réflexions. Un peu comme si un alien regardait notre monde depuis l’extérieur sans en comprendre les mécanismes et sans en émettre de jugement.

Étais-tu persuadé de l’existence des extraterrestres dans ton enfance ?

T.N. : Oui, j’adorais ça, notamment au cinéma. Avec « The River », l’arrivée de l’alien peut être perçue comme absurde et un peu « cheap » mais je souhaitais emmener le spectateur avec moi pour qu’il finisse par accepter cette étrangeté.

Tu évoquais les liens entre technologies et nature, penses-tu que la jeunesse perd aujourd’hui ce lien avec la nature dans un pays comme l’Australie qui est pourtant peu urbanisé ?

T.N. : Je ne pense pas qu’elle perde ce lien, je pense plutôt que le problème vient du fait de ne pas voir les villes comme parties intégrantes de la nature. Pour moi, les villes sont la nature, peu importe que les hommes les aient créées. Le décor de mon film n’est pas forcément « naturel » beaucoup d’arbres y ont été exportés depuis l’Europe notamment. Le paysage est très différent de ce qu’il était à l’origine mais le sujet du film est aussi de trouver la beauté dans ces éléments introduits par l’homme et de se détacher de ce qui fut. Le changement fait partie de la nature.

Peu de films australiens arrivent jusqu’à nous. Comment perçois-tu la création cinématographique dans ton pays ?

T.N. : L’industrie du cinéma en Australie traverse une crise. Il devient très difficile d’y faire des films, il y a peu de soutiens. La grande majorité des films qui sortent au cinéma sont américains. Le public ne va pas voir les films australiens parce qu’ils pensent qu’ils sont ennuyeux. Ils sont assez différents en effet, plus réalistes et plus noirs. Notre Histoire, à travers la colonisation notamment, est à l’origine de beaucoup de traumatismes. Le public australien ne souhaite pas forcément voir cela et préfère les films d’Hollywood pour se divertir. La production est assez pauvre et les gens dépendent souvent uniquement des financements publics qui ne mettent pas vraiment l’innovation en avant.

Propos recueillis par Amaury Augé

Article associé : la critique du film

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Solitudes de Liova Jedlicki

Une nuit en enfer

D’un côté, il y a lui, un immigré roumain vivant à Paris, marié avec une française et travaillant comme traducteur pour les services de police. De l’autre côté, il y a elle, une jeune prostituée roumaine qui vient d’être victime d’un viol collectif. Elle ne parle pas français et elle a par conséquent besoin de lui pour faire le lien avec l’administration au fil des différentes procédures; mais il a également besoin d’elle puisqu’elle lui permet d’avoir du travail. Les deux individus sont amenés à passer la nuit ensemble; une nuit qui se résume à un enfer.

« Solitudes », le film de Liova Jedlicki (Prix ADAMI d’interprétation Meilleure comédienne, Mention du Jury Télérama et du Jury National au Festival de Clermont-Ferrand) est en effet très dur : pour les protagonistes, certes, qui subissent cette nuit au fil des multiples visites dans les services judiciaires, policiers et médicaux, mais également pour nous, spectateurs, qui assistons à cette succession infernale d’interrogatoires et autres contrôles suite à ce viol ignoble. La première scène, déjà, dépeint l’ambiance du film : la voix off d’un médecin sur fond noir décrit les analyses auxquelles il va procéder sur la victime, parmi lesquels l’examen de la marge anale, tandis que le traducteur traduit le tout à la jeune roumaine.

Lorsque l’image se dévoile, le réalisateur choisit de placer sa caméra au plus proche des deux personnages, ce qui nous amène à juger de l’abomination du système administratif français sur une pauvre fille qui rêverait certainement plus de rentrer chez elle pour prendre une douche plutôt que de subir la violence des services de police toute une nuit durant. En même temps, le film montre que toutes ces procédures sont malheureusement un passage obligé si l’on veut retrouver les coupables de cette agression. On comprend alors que l’administration pourrait être le personnage principal de ce film. Et à travers ces multiples procédures administratives, le réalisateur traite de l’immense solitude des deux personnages principaux.

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La solitude de la jeune femme semble assez évidente. Elle dit d’ailleurs n’avoir personne à qui demander de l’aide, en réponse à l’un des agents de police. Elle est par conséquent seule dans la vie, certainement à cause de son métier de prostituée et perdue face au personnel administratif, ne comprenant pas leurs questions. Seule, elle l’a été également pour recevoir les coups de sept violeurs et elle l’est en fin de compte, après cette nuit infernale, puisque le traducteur préfère lui indiquer le trajet en métro plutôt que de la ramener en scooter, prétextant qu’il n’a pas de deuxième casque pour elle. Autrement dit, personne n’éprouve aucune pitié pour cette jeune fille ou ne ressent aucun ébranlement suffisamment fort pour la raccompagner chez elle.

Face à elle, le traducteur est finalement tout aussi seul. Sa solitude paraît moins évidente à percevoir puisqu’il semble être en couple. En réalité, c’est par rapport au système qu’il est seul. Il se retrouve entre deux camps sans pouvoir choisir ni l’un ni l’autre: celui de l’Administration française dont il est l’employé et celui de la jeune fille qu’il accompagne toute la nuit, étant le seul à pouvoir communiquer avec elle. Il devrait naturellement recevoir un soutien professionnel de la part de l’administration, ce qui n’est pas le cas. De l’autre côté, il demeure d’une extrême froideur à l’égard de la prostituée. Sa solitude, à lui, est identitaire : il n’est finalement qu’un citoyen français qui n’en est pas moins roumain.

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Autre personnage touché par la solitude de ce film, le spectateur, qui ressort fortement atteint par cette histoire et qui ne peut se rattacher à un quelconque rapprochement entre les deux protagonistes, ce qui renforce encore plus la dureté et ces solitudes dépeintes ici. A ce sujet, le jeu des deux comédiens est criant de véracité, aussi flegmatiques sont-ils tous les deux dans leurs rôles respectifs. Les émotions que Madalina Constantin réussit à faire passer par son regard (la peur, l’incompréhension, le surmenage ou la sévérité) justifient pour beaucoup son prix d’interprétation féminine remis dimanche soir à la clôture du Festival de Clermont-Ferrand.

Au niveau de la forme, Liova Jedlicki opte pour la simplicité, en vue d’un court-métrage réaliste. On pourra alors comparer son travail à celui de certains films de Maurice Pialat où le maître ne faisait aucune concession pour les éléments crus et cherchait un ton juste, proche de la provocation. On notera au passage un important travail autour du son et de l’ambiance sonore qui permettent au réalisateur de refuser l’option de la musique sentimentaliste pour souligner tel ou tel aspect du film.

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Quant à la position de la caméra, sa proximité avec les personnages précédemment cités donne un aspect comparable au documentaire. Tout n’est pas crédible et pourtant, on se surprend à croire que tout se passe comme tel dans des cas comparables à celui de la jeune victime.

Pour mettre en images cette histoire inspirée de la vie réelle, la scénariste Alexandra Badea avait fait appel à Liova Jedlicki et a fait « basculer » le jeune réalisateur vers le drame puisque avant « Solitudes », il avait réalisé deux comédies, « Crosse » et « Chérie ». Cette collaboration qui l’a amené à filmer des scènes de vie dramatique semble lui réussir et on s’en réjouit en vue d’un prochain long-métrage en cours d’écriture à quatre mains.

Camille Monin

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Article associé : l’interview de Liova Jedlicki

S comme Solitudes

Fiche technique

Synopsis : Une nuit de procédures, suite au viol d’une jeune prostituée roumaine à Paris. Elle ne parle pas le français. Un traducteur roumain doit faire le lien entre la victime et l’administration.

Genre : Fiction

Durée : 17’

Pays : France, Roumanie

Année : 2012

Réalisation : Liova Jedlicki

Scénario : Alexandra Badea

Image : Julien Poupard

Montage : Laurence Larre

Son : Mathieu Descamps

Décors : Johanne Carpentier

Interprétation : Razvan Oprea , Madalina Constantin

Production : Rézina Productions

Articles associés : la critique du film, l’interview de Liova Jedlicki

Le post-it du jour : la Soirée Format Court a lieu ce jeudi soir !

Notre soirée du mois a lieu ce jeudi 14 février, à 20h30, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). Trois films d’animation, un court métrage burlesque des années 20 et une fiction récente se sont glissés dans notre programmation (retrouvez-les).

Comme d’habitude, une rencontre avec les équipes présentes est prévue. Si le goût du court vous habite, venez donc assister à cette séance et rencontrer Diane Jassem (productrice, Realitism Films), Olivier Catherin (producteur, Les 3 Ours), Yan Volsy (superviseur sonore et monteur son), Marie-Christine Orry (comédienne), Philippe Deschamps (réalisateur), Barthélémy Guillemard (comédien), Mathieu Bompoint (producteur, Mezzanine Films), Claire Trinquet et Thomas Jaeger (producteurs, Haïku Films).

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Infos pratiques

– Projection des films : 20h30.

– Adresse : Studio des Ursulines – 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris – Accès : BUS 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon).
 RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée).

Entrée : 6 € !

Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com

Prochaine séance : le jeudi 14 mars 2013 !

The River de Tarquin Netherway

Premier film d’un jeune réalisateur australien, « The River » de Tarquin Netherway est le portrait déroutant d’une jeunesse en roue libre savourant ses derniers instants de liberté. Film de fin d’études dont l’étrangeté appuyée peut autant séduire qu’agacer, il emprunte la voie de l’expérimentation trouvant naturellement sa place cette année dans la section Labo du Festival de Clermont-Ferrand.

Il est assez logique d’entendre Tarquin Netherway citer Harmony Korine comme le premier réalisateur qu’il admire. Les deux personnages de « The River » pourraient être des cousins australiens de Solomon et Tummler, les deux adolescents livrés à eux-mêmes dans « Gummo », le premier long de Korine. La scène d’ouverture rappelle cependant plus Kubrick et son « Orange Mécanique ». On y voit un jeune garçon en uniforme d’écolier agressé verbalement par une bande de fumeurs au bord d’un canal (on reconnaît d’ailleurs le réalisateur parmi eux). La course poursuite qui s’en suit, montée en accéléré, cite ouvertement le cinéaste de « 2001 ».

Des références donc, mais qu’en est-il du style propre de Netherway ? Tout d’abord un rapport à la Nature assez étonnant, lui, qui considère l’espace urbain comme partie intégrante de la nature – en comparaison au terme « naturel ». Ses héros semblent d’ailleurs approcher le parc naturel où ils se rendent en vélo de la même façon que la maison qu’ils pénètrent illégalement, avec ce sens de l’appropriation, de la colonisation, idée évidemment sensible en Australie. Ces héros déposent une télévision au bord de la rivière de la même façon qu’une bouteille d’urine dans le frigo d’étrangers, comme on marque son territoire, histoire de laisser une trace, aussi déplaisante soit-elle.

« The River » est construit sans réelle linéarité, suivant simplement deux jeunes garçons dans leurs journées faites d’un certain ennui, contré par l’invention d’activités stupides. On aperçoit dans plusieurs scènes un homme vivant avec eux qui pourrait être leur père ou leur grand-père et qui se livre lui aussi à des actes étranges dans le jardin.

Netherway lance des pistes mais ne donne pas de clés de compréhension laissant certainement au passage quelques spectateurs sur le carreau. Son récit, abstrait et elliptique, laisse surtout la place aux sensations, notamment visuelles. L’apparition à l’écran d’un extra-terrestre finit de compléter ce tableau déroutant. On est libre ou pas d’adhérer au propos de l’auteur qui fait preuve toutefois d’un certain talent pour attiser la curiosité au travers notamment de quelques fulgurances formelles.

Amaury Augé

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Article associé : l’interview de Tarquin Netherway

R comme The River

Fiche technique

Synopsis : Une petite rivière traverse un quartier résidentiel où on regarde la télé, on fait la lessive, on va se balader, nager, traîner, on regarde la télé, voilà des extra-terrestres, on regarde la télé, on regarde la télé et l’eau coule toujours.

Genre : Expérimental

Durée : 13′

Pays : Australie

Année : 2012

Réalisation : Tarquin Netherway

Scénario : Tarquin Netherway

Image : Aimee Han

Montage, son : Tarquin Netherway

Production : Tarquin Netherway

Articles associés : la critique du film, l’interview de Tarquin Netherway

Soirée Bref n°142, mardi 12 février 2013 : un regard international sur le Festival de Clermont-Ferrand 2013

« Nous ne pouvons prétendre rendre compte de l’imposante sélection du Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand. Ces quelques titres, parmi les films qui ont particulièrement retenu notre attention, incarnent au moins la preuve vivante de la diversité à l’oeuvre dans cette célèbre manifestation. Ils nous offrent un petit aperçu sur notre planète et, entre fantaisie, gravité ou humour, brossent quelques destins plus ou moins rocambolesques. Pour la plupart de ces films, cette séance constitue l’occasion unique de les découvrir en France après leur présentation à Clermont-Ferrand. » Jacques Kermabon

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45 Degrés de Georgis Grigorakis. Grèce, 2012, couleur, 14 mn.

Réalisation, scénario et production : Georgis Grigorakis • Image : Claudio Bolivar • Son : Leandros Notunis, Kenan Akawwai, Kostas Varubopiotis et Persofoni Miliou • Montage : Theodoros Armaos • Interprétation : Yiannis Tsortekis, Eleutheria Komi et Stelios Ksanthoudakis

Athènes, août 2012. Quarante-cinq degrés. Le frigo est vide. La situation est très tendue. Un père change sous le fardeau de la crise économique. La nuit tombe et il fait encore une chaleur écrasante. Une capitale au bord de l’implosion…

Une histoire plutôt marrante de Evan Morgan. Canada, 2012, couleur, 19 mn.

Réalisation et scénario : Evan Morgan • Image : Mehran Jabbari • Son : Alex Unger et Matthew Chan • Montage : Adam Crosby • Musique : Jay McCarrol • Interprétation : Erin Hicock, Jimi Shlag, Justin Conley, Ezra Sherman et Tim Walker • Production : Echo Pictures Pictures.

Témoin des singeries embarrassantes d’un voisin, un père de famille qui s’ennuie à mourir a hâte d’aller raconter l’histoire au bureau, mais le voisin, paranoïaque, échafaude un plan bizarre et radical pour le faire taire.

Sur Cette île de Matthew Knott. Royaume-Uni, 2012, couleur, 16 mn.

Réalisation et scénario : Matthew Knott • Image : Brian Fawcett • Son : John Baker et Lois Jones • Montage : Jean Fenning • Musique : Eugene Feygelson • Interprétation : James Norton, Michele Valley, James Northcote, Jack Chedburn et Joanna Benecke • Production : Louise Simpson.

Dans une société qui classe ses immigrants dans des catégories aux restrictions absurdes, un jeune fonctionnaire et son professeur de langue, une immigrante grecque, font l’expérience de destins divergents.

Le premier Sang de Ramiro Longo et Leo Gracés. Argentine, 2012, couleur, 10 mn.

Réalisation, scénario, image et montage : Ramiro Longo et Leo Gracés • Interprétation : Ezequiel Varela • Voix : Ramiro Longo • Production : Cinedromo.

En Argentine, tous les conducteurs de train, à un moment ou un autre de leur carrière, renversent ou tuent quelqu’un.

Sevilla de Bram Schouw. Pays-Bas, 2012, couleur, 11 mn.

Réalisation : Bram Schouw • Scénario : Marcel Roijaards • Image : Jasper Wolf • Son : Evelien van der Molen • Montage : Annelien van Wijnbergen • Musique : Rutger Reinders • Interpretation : Ludwig Bindervoet, Kay Greidanus et Stefanie van Leersum • Production : BALDR Film.

Trois jeunes gens partent en voiture, direction Séville, pour un voyage qui changera leurs vies à tout jamais.

Una furtiva lagrima de Carlo Vogele. États-Unis, 2012, couleur, 3 mn.

Réalisation, scénario, image, montage, décors, animation et production : Carlo Vogele • Musique : Gaetano Donizetti.

Ultime voyage d’un poisson qui chante son propre requiem, depuis l’étal de la poissonnerie jusqu’à la poêle à frire.

Bienvenue et… sincères condoléances de Leon Prudovsky. Israël, 2012, couleur, 27 mn.

Réalisation et scénario : Leon Prudovsky • Image : Israel Friedman • Son : Michael Gurevitch et Slava Frenklakh • Montage : Evgueny Ruman • Musique : Amsterdam Klezmer Band • Interprétation : Ola Schur Selektar, Gera Sandler, Rosa Lifshitz, Irit Kaplan et Hay Davidov • Production : 2-Team Productions.

1991. Avec son caméscope, le petit Misha, douze ans, filme le voyage de sa famille qui quitte l’URSS pour aller s’installer en Israël. Lorsque la vieille tante meurt dans l’avion, la famille doit passer par les innombrables formalités des douanes israéliennes avec un cadavre.

Infos pratiques

Soirée Bref – Mardi 12/02. Séance à 20h30

MK2 Quai de Seine – 14 Quai de la Seine – 75019 Paris
M° Jaurès ou Stalingrad
Tarif : 7,90 € (cartes illimitées acceptées)

L’Amour bègue de Jan Czarlewski

Le sentiment dans le handicap

Pile, on réunit les éléments sensoriels venus de l’imaginaire pour représenter le mouvement des êtres. Face, on appréhende le monde et ses labyrinthes en plongeant directement en son sein. Fiction et documentaire, loin d’être des démarches opposées, ne sont en réalité que les deux faces d’une même carte. Ce n’est pas la réalité elle-même qui est enregistrée (comme le disent certains maladroitement), mais une vision du monde qui s’imprime. L’enjeu personnel de chaque cinéaste est de « piéger les faits qui (les) traversent », pour reprendre l’expression du peintre Francis Bacon.

Cette carte à deux surfaces, est faite de cavités et de reliefs; sur et sous elle, chaque réalisateur trace sa trajectoire, sa route thématique et son itinéraire esthétique. Tout est une question d’approche, de rapport institué avec les faits et les sensations. Entretenant une liberté de ton rarement aussi assumée, le réalisateur polono-suisse Jan Czarlewski a compris qu’il n’avait pas à choisir son camp entre ce qu’on appelle le « réel » et l’ »imaginaire »; il le prouve une nouvelle fois dans « L’amour bègue » , en compétition au Festival de Clermont-Ferrand. Proche d’Alain Cavalier dans sa manière de filmer, il aborde de front les êtres en assumant tout autant sa présence de « filmeur ».

Avec « L’Ambassadeur et moi » (2011), il avait été remarqué au Festival de Locarno pour ce film déconcertant autour de la filiation. Le fils (réalisateur) filmait le père (ambassadeur de Pologne à Bruxelles) et ouvrait une étrange lutte de pouvoir entre les deux. Jan Czarlewski avait fait preuve d’une maîtrise comique, ridiculisant par exemple les parades officielles, mais surtout de grandes qualités concernant le montage. En effet, le film ménageait une place pour les situations d’embarras tout en maintenant un ton doux et bienveillant, voire émouvant. Avec ce film, Czarlewski explorait le côté face.

« L’amour bègue » penche davantage du côté pile. Tout en développant une approche naturaliste, fondée sur des plans filmés la caméra à l’épaule, ce nouveau film transforme une fois encore une situation gênante en lutte positive : Tim (Olivier Duval), jeune étudiant séduisant mais bègue, tente d’approcher les filles. Son ami colocataire (joué par Jan Czarlewski lui-même), l’encourage et le pousse à dépasser ses craintes. Tim remarque Victoria (Camille Mermet) à la salle de boxe et souhaite sortir avec elle. Cette simple histoire d’amour donne lieu à l’évocation plus profonde du handicap : comment exprimer ses sentiments lorsque les mots ne sortent pas, restent dans la gorge comme autant d’objets de frustration ? Néanmoins, l’amour est matière à transformation : les regards, les gestes et les intentions comptent davantage que l’expression verbale.

Le film repose en grande partie sur l’interprétation des acteurs, et avant tout sur celle d’Olivier Duval et Camille Mermet. La séquence du restaurant, où les deux personnages ont rendez-vous, montre toute leur puissance de jeu; le spectateur reste (non pas bègue mais) béas face à la fragilité des regards et l’échec permanent et potentiel auquel s’expose Tim. Mais les doutes se révèlent partagés, ainsi que les handicaps et leurs palliatifs, même s’ils ne sont pas de même nature.

La finesse de mise en scène de Jan Czarlewski provient de l’interprétation mais également de ce que la caméra, tout comme dans « L’Ambassadeur et moi », peut capter furtivement d’une relation entre deux êtres. En effet, la caméra bouge face aux acteurs comme un narrateur face à des personnages; la focale s’ajuste, les mouvements suivent en tremblant ceux des sujets. La fragilité des êtres trouve celle des personnages. Ce cinéma construit moins qu’il ne cherche, attrape, dévoile. Mais aucune banalité n’advient; seulement des impressions premières et justes. Pour reprendre le mot de Bacon, ce cinéma “piège” ce qui s’échappe du handicap lui-même et laisse poindre les sentiments les plus enfouis.

Mathieu Lericq

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A comme L’Amour bègue

Fiche technique

Synopsis : Tim a 23 ans. Il est intelligent, plutôt beau garçon mais il est bègue. Séduire une fille est un calvaire pour lui. Poussé par son ami, il va tenter de décrocher le graal – Victoria, une jolie fille qu’il croise à la boxe. Mais Tim est incapable d’aligner deux mots correctement.

Genre : Fiction

Durée : 20’

Pays : Suisse

Année : 2012

Réalisation : Jan Czarlewski

Scénario : Jan Czarlewski

Interprètes : Olivier Duval, Camille Mermet, Jan Czarlewski, Maud Laedermann, Mali Van Valenberg, Prune Moeckli, Lola Riccaboni

Images : Bastien Bösiger

Son : David Puntener, Jan Czarlewski, Samuel Aïchoun

Montage : Suzanne Van Boxsom

Production : École Cantonale d’Art de Lausanne

Article associé : la critique du film

35e Festival international du Court Métrage de Clermont-Ferrand, le palmarès

Le Festival international du Court Métrage s’est achevé à Clermont-Ferrand hier soir, samedi 9 février 2013. Le Grand Prix International est revenu au film mexicain de fiction « Para armar un helicóptero  » (« Même de quoi construire un hélicoptère »), réalisé par Isabel Acevedo et le Grand Prix Labo à « A Story for the Modlins » (« Une histoire pour les Modlin »), documentaire espagnol de Sergio Oksman. Côté français, le premier film du comédien Xavier Legrand, « Avant que de tout perdre », a cumulé le Grand Prix National, le Prix du Public, le Prix de la Jeunesse et le Prix de la Presse Télérama.

Compétition Internationale

Grand Prix : Para armar un helicóptero (Même de quoi construire un hélicoptère) d’Isabel Acevedo – Mexique

Prix Spécial du Jury : Qurban (Sacrifice) d’Anar Abbasov – Russie, Azerbaidjan

Prix du Public : Penny Dreadful (Penny la terreur) de Shane Atkinson – Etats-Unis

Prix du Meilleur Film d’Animation : Bydlo de Patrick Bouchard – Canada

Prix de la Jeunesse : Welcome and… Our Condolences (Bienvenue et… sincères condoléances) de Leon Prudovsky – Israël

Prix Canal+ : A Pretty Funny Story (Une histoire plutôt marrante) d’Evan Morgan – Canada

Prix des Médiathèques : Girl of Wall (La fille du mur) de Yuji Harada – Japon

Mentions du Jury International : San Juan, la noche más larga (Saint-Jean, la nuit la plus longue) de Claudia Huaiquimilla – Chili, Kendo monogatari de Fabián Suárez – Cuba, Guatemala,  The Curse (Le sort) de Fyzal Boulifa – Royaume-Uni, Maroc,
Koorsoo (Lueur) de Omid Abdollahi – Iran, Girl of Wall (La fille du mur) de Yuji Harada – Japon

Compétition Labo

Grand Prix et Prix du Public : A Story for the Modlins (Une histoire pour les Modlin) de Sergio Oksman – Espagne

Prix Spécial du Jury : Sizígia de Luis Urbano – Portugal

Prix Canal+ : Rauch und Spiegel (Fumée et miroir) de Nick Moore – Australie

Mention : The Lady and the Tooth (La dame et la dent) de Shaun Clark – Royaume-Uni

Compétition Nationale

Grand Prix, Prix du Public, Prix de la Jeunesse, Prix de la Presse Télérama : Avant que de tout perdre de Xavier Legrand

Prix Spécial du Jury : Le sens de l’orientation de Fabien Gorgeart

Prix de l’ACSE (Agence Nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances) : Rodri de Franco Lolli – France, Colombie

Prix de la meilleure musique originale (SACEM) : Tram de Michaela Pavlátová – France, République Tchèque. Musique : Petr Marek

Prix de la meilleure photographie (Nikon) : Ce chemin devant moi de Mohamed Bourokba dit Hamé & Lisières de Grégoire Colin. Directeur de la photographie : Léo Hinstin

Prix de la Meilleure Première Œuvre de Fiction (S.A.C.D.) : Cadavre exquis de Léa Mysius

Prix ADAMI d’interprétation Meilleure comédienne : Madalina Constantin dans Solitudes de Liova Jedlicki

Prix ADAMI d’interprétation Meilleur comédien : Finnegan Oldfield dans Ce n’est pas un film de cow-boys de Benjamin Parent

Prix du Meilleur Film d’Animation francophone (S.A.C.D.) : Vie et mort de l’illustre Grigori Efimovitch Raspoutine de Céline Devaux – France

Prix Canal+ : Swing absolu de François Choquet

Prix du Rire « Fernand Raynaud » : Helmut d’Eric Turpin, Rose Turpin

Mentions du jury Télérama : La maison vide de Mathieu Hippeau – France et Solitudes de Liova Jedlicki – France – Roumanie

Prix Procirep du producteur de court métrage : Mezzanine Films (Mathieu Bompoint)

Prix « Spécial 35e anniversaire » décerné par le comité de sélection des films français : Ceux qui passent, réalisé par Chloé Gosselin et produit par Morgane Derriennic Long « pour l’amour partagé du cinéma »

Nomination European Film Awards : Skok (Saut) de Kristina Grozeva, Petar Valchanov – Bulgarie

Mentions spéciales : Mention « Depardon » : Nos jours, absolument, doivent être illuminés de Jean-Gabriel Périot – France,
Mention « Pialat » : Solitudes de Liova Jedlicki / France, Roumanie, Mention « Gondry »: Feux de Thibaut Piotrowski – France,
Mention « South Park » : Comme des lapins (Chroniques de la poisse, chap. 2) de Osman Cerfon – France

Para armar un helicoptero d’Izabel Acevedo

Avec « Para armar un helicoptero », lauréat du Grand Prix international du Festival de Clermont-Ferrand, la réalisatrice mexicaine Izabel Acevedo nous plonge dans la réalité chaotique d’une ville tentaculaire, Mexico. Avec un regard intime et social, elle aborde le thème de la survie au quotidien face aux carences structurelles inhérentes à ces mégalopoles du sud qui, souffrant d’une croissance démesurée, peinent à offrir des conditions de vie stables à ces habitants. Le film nous invite à suivre le parcours d’Oliverio, un jeune adolescent à la recherche de solutions pratiques et inventives pour compenser l’absence de services publics et répondre aux besoins vitaux de sa famille.

Comme pour symboliser l’atmosphère de précarité sociale, le film démarre sur un de ces marchés informels si nombreux dans les quartiers de Mexico où tout s’échange contre quelques pesos. Rien ne se jette, tout se recycle, se répare et se revend sur un coin de bitume dans une économie parallèle permettant aux habitants de se fournir en biens à moindre coût, et aux revendeurs de s’assurer quelques revenus. On est dans le système D si caractéristique du quotidien des habitants pauvres de la ville. Dans le même esprit et comme pour souligner la recherche d’alternative bon marché au mode de déplacement, le jeune homme s’achète une bicyclette. Autour de lui, dans une atmosphère sombre et orageuse, la ville s’inonde sous des pluies diluviennes qui en aggravent les difficultés de fonctionnement. L’impressionnant trafic automobile est au ralenti entre d’immenses nids de poule gorgés d’eau, et le système électrique municipal explose en courts circuits, plongeant des quartiers entiers dans l’obscurité de la nuit.

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C’est dans ce décor chaotique qu’on entre dans l’immeuble du jeune garçon. Derrière la porte, dans la pénombre résultant de la panne électrique, on découvre un univers tendre et drôle fait de solidarité familiale et de bon voisinage. Les gens vivent et s’organisent ensemble pour trouver des solutions à leurs difficultés. Sur le toit de l’immeuble, un voisin recharge des batteries à l’aide de panneaux solaires afin de fournir un minimum d’éclairage aux habitants du bâtiment. Dans l’appartement d’Oliverio, ces batteries sont utilisées rationnellement pour éclairer prioritairement l’espace dédié aux cultures vivrières, laissant les habitants s’éclairer au feu de bois. Prolongeant des pratiques rurales dans le cadre urbain, on vise l’autonomie alimentaire en faisant pousser des salades dans la baignoire ou en adoptant une poule comme animal domestique. La créativité est en marche pour inventer des formules qui permettent la survie. Oliverio grandit dans cette culture de l’ingéniosité, et c’est sur son nouveau vélo, à l’aide d’une dynamo, qu’il entend faire marcher la télé.

Avec « Para armar un helicoptero », Izabel Acevedo réalise tout en sobriété, un film tendre et plein d’espoir où la pratique du développement endogène et du « faire soi-même » apparaît comme la réponse humaine la plus appropriée face aux défaillances d’une société déstructurée où le sens du collectif est à réinventer.

Xavier Gourdet

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Le film est programmé au Festival de Clermont-Ferrand dans le cadre du programme international I7

P pour Para armar un helicoptero

Fiche technique

Synopsis : Oliverio vit dans un immeuble occupé par des migrants des campagnes mexicaines qui travaillent sans relâche, offrcant de petits services en tous genres dans le quartier. Malgré l’instabilité de l’électricité, l’adolescent passe son temps à jouer aux jeux vidéos. Quand les orages d’été provoquent une coupure, de nouvelles idées pour obtenir du courant apparaissent.

Genre : Fiction

Pays : Mexique

Durée : 35’

Année : 2012

Réalisation : Izabel Acevedo

Scénario : Izabel Acevedo

Production : Ana Hernandez

Directeur photographie : José Stempa

Directeur artistique du son : Daniel Touron

Musique : Galo Durán

Montage : Leon Felipe González

Interprètes : Gerardo Taracena , Angeles Cruz , Roberto Pichardo , Melissa Guzman, Tomihuatzi Xelhua

Décors : Marcos Vargas

Mixage Son : Leon Felipe González

Production : Centro de Capacitación Cinematográfica

Article associé : la critique du film