Tous les articles par Katia Bayer

F comme Les Fleuves m’ont laissée descendre où je voulais

Fiche technique

Synopsis : Flore, dix-huit ans, rejoint Arthur pour se rendre à une fête qui n’existe pas. Sur leur route, personnages étranges et hallucinations les conduisent au bout de la nuit. Flore fait l’expérience du deuil et de l’enfance perdue, pour se retrouver au cœur de son désir.

Genre : Fiction

Durée : 38’25’’

Année : 2014

Pays : France

Réalisation : Laurie Lassalle

Scénario : Laurie Lassalle

Image : Brice Pancot

Montage : Louise Jaillette

Son : Jean-Barthélémy Velay

Musique: Ulysse Klotz, Stéphane Bellity

Interprétation: Solène Rigot, Théo Cholbi, Miglen Mirtchev

Production : Haïku Films

Article associé : la critique du film

Festival de Brive, le palmarès

La 12ème édition du festival du cinéma de Brive s’est clôturée ce weekend. En voici le palmarès.

Prix Maison du Film Court : Je souffrirai pas de Hubert Benhamdine

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Prix Format Court, Prix du Public, Grand Prix France-Brive 2015 : Comme une grande de Héloïse Pelloquet

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Prix spécial CINE+, Prix du Jury Jeunes de la Corrèze – Brive 2015 : Lupino de François Farellacci co-écrit avec Laura Lamanda

Prix CINE+ : Ton coeur au Hasard de Aude Léa Rapin

Mention spéciale d’interprétation du Jury pour Jonathan Couzinié dans Ton coeur au Hasard de Aude Léa Rapin

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Mention du Jury Jeunes de la Corrèze, Mention du Jury Grand Prix France : Notre Dame des Hormones de Bertrand Mandico

Mention du Jury Grand Prix Europe : Vous qui gardez un coeur qui bat de Antoine Chaudagne & Sylvain Verdet (France)

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Grand Prix Europe – Brive 2015 : Motu Maeva de Maureen Fazendeiro (France)

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Prix du Scénario de moyen-métrage : Blind Sex de Sarah Santamaria-Mertens

« Comme une grande » d’Héloïse Pelloquet, Prix Format Court au Festival de Brive !

Le jury Format Court de la douzième édition des Rencontres du moyen ­métrage de Brive (14-19 avril), composé de Georges Coste, Nadia Le Bihen, Aziza Kaddour et Marc­-Antoine Vaugeois, a choisi de récompenser « Comme une grande », film de fin d’études de l’ancienne élève de la Fémis, Héloïse Pelloquet, parmi les 22 films en compétition européenne. En choisissant de ne pas trancher entre le documentaire et la fiction, la réalisatrice livre un émouvant portrait de jeune fille, porté de bout en bout par son actrice principale Imane Laurence, véritable boule d’énergie et de fantaisie irrésistible.

Comme une grande de Héloïse Pelloquet. Fiction, 43′, France, 2014, La Fémis

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Synopsis : Un an de la vie d’Imane, au bord de l’océan. Un jour Imane sera grande. En attendant, il y le collège, les copines, les garçons, l’été, les vacanciers de passage, l’hiver, les projets, les rêves.

La réalisatrice lauréate bénéficie d’une mise en avant de son travail sur notre site, d’une projection de son film lors de la prochaine soirée Format Court, organisée le jeudi 14 mai 2015 au cinéma Le Studio des Ursulines (Paris 5ème) ainsi que de la création d’un DCP par notre partenaire Média Solution.

Short Screens #49 : Moi, Femme

Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre, aussi bien indépendante, émancipée et active que mère et maîtresse, la femme moderne endosse ses différents rôles avec affirmation, n’hésitant pas à fouler hors des sentiers battus du modèle patriarcal fatalement effeuillé. Pour sa séance d’avril, Short Screens se découvre d’un fil et vous dévoile huit regards francs et effrontés, révélateurs de l’identité féminine d’aujourd’hui.

Un projet à l’initiative de l’asbl Artatouille et Format Court.com.

Rendez-vous le jeudi 30 avril à 19h30, au cinéma Aventure, Galerie du Centre, Rue des Fripiers 57, 1000 Bruxelles – PAF 6€

Visitez la page Facebook de l’événement ici.

Programmation

NO ERAMOS POCAS  de Ximena Gonzalez / Argentine/ 2013/ expérimental/ 5′

no eramos pocasExpérience audio-visuelle basée sur le texte homonyme de Soledad Lazaro. Univers onirique parcouru par les représentations sociales du corps, de la féminité et de la maternité.

I AM A GIRL de Susan Koenen / Pays-Bas/ 2010/ documentaire/ 15′

i am girlA treize ans, Joppe est une jeune fille amoureuse mais confrontée à un terrible dilemme: née garçon, doit-elle avouer ses sentiments et sa transsexualité à Brad?

UNDRESSING MY MOTHER de Ken Wardrop / Irlande/ 2004/ documentaire/ 5′

undressing my motherKen Wardrop a demandé à sa mère de se déshabiller devant la caméra, tout en lui racontant sa vie…

LA MÉTÉO DES PLAGES d’Aude-Léa Rapin/ France/ 2013/ fiction/ 26′

la-meteo-des-plagesAlice et Louise sont en couple. Elles veulent un enfant. Tom leur propose son aide. Ils se lancent.

ELENA de Marie Le Floc’h et Gabriel Pinto Monteiro/ Belgique/ 2014/ fiction/ 17′
ElenaElena, adolescente polonaise de 15 ans, doit accompagner ses parents à un rendez-vous pour leur servir d’interprète. Ce qu’elle pensait être une simple formalité la confronte à la violence d’être adulte.

SUPERVÉNUS de Frédéric Doazan/ France/ 2013/ animation/ 3′

SupervenusUn chirurgien plasticien s’en donne à cœur joie pour transformer une femme selon les canons de beauté les plus courants. On ne peut plus l’arrêter!

THE GAME CHANGED de Michael Truog/ États-Unis/ 2004/ expérimental/ 5′

the-game-changed1Présentation du sexisme et de l’exploitation de la femme dans les années 40-50.

100% YSSAM d’Isabelle Mayor/ Suisse/ 2011/ fiction/ 15′

100 pc YssamComme les garçons et les filles de son âge, Sémira, 15 ans, pense qu’être vierge n’est pas cool. Alors qu’elle ressent du désir pour Yssam, sa vie sexuelle commence. Un portrait du 19ème arrondissement de Paris entre crudité et poésie.

Une plongée dans l’imaginaire d’Erik Schmitt

Récompensé par le Prix Format Court au dernier festival de Brest, « Nashorn im galopp » d’Erik Schmitt avait séduit le jury par sa poésie et sa créativité. Dans ce film coloré, le cinéaste allemand nous enjoignait à découvrir la ville sous un œil nouveau.

On retrouve cette atmosphère, à la fois drôle et mélancolique dans « Forever Over », réalisé en 2014. Un court métrage qui lui aussi fait la part belle à l’onirisme et à la poésie. Le film met en scène un homme et une femme, qui s’ennuient, qui peinent à se souvenir des raisons qui les ont fait s’aimer. Afin de raviver la flamme, de sortir de la routine, ils mettent au point un jeu, écrire chacun sur des bouts de papiers leurs rêves, du plus commun au plus fou, et les réaliser. Les couleurs, la lumière, la musique, se font les calques parfaits des émotions des personnages, de la joie à la frustration, de l’énergie à l’abattement. Erik Schmitt nous livre un film qui se présente comme une quête des sensations perdues. Une histoire où le rêve apparaît comme l’ultime remède avant la séparation.

Néanmoins, l’univers du cinéaste ne se limite pas à ce type d’esthétiques. Dans un tout autre registre, il se plait à réaliser des films très courts, qui nous plongent dans un univers comique et décalé. C’est le cas de « Now Follows », réalisé en 2011 ou de « Telekommando », qui date de 2014. Le premier ne possède aucun dialogue, toute l’intrigue est narrée par une voix off qui décrit les actions et influence le spectateur dans sa lecture des personnages. Dans un décor enneigé, un jeune homme quitte son appartement pour rendre visite à sa grand-mère lorsqu’un homme à l’air austère vient à sa rencontre. Ils apparaissent sur des plans séparés et la voix du narrateur crée un effet d’anticipation à mesure que la confrontation approche.

Après une brève plongée dans le subconscient du jeune homme qui imagine différents moyens de se cacher, une course poursuite s’engage entre les deux hommes. La voix off s’accélère, c’est elle qui traduit et rythme toutes les actions. L’issue de cette séquence, prendra pourtant le contre-pied de celle que le narrateur semble vouloir amener. C’est dans cette chute que se trouve la réussite du film, le spectateur, guidé par le commentateur est passif. Le décalage entre les commentaires et l’action finale intensifie l’élément de surprise et procure au film une dimension nouvelle.

« Telekommando » prend la forme d’un reportage qui serait diffusé dans un journal télévisé. Le sujet du jour porte sur un homme dont le métier est de contrôler tout ce qui à nos yeux paraît naturel dans la ville. À l’aide de sa télécommande, il provoque l’ouverture et la fermeture des portes automatiques, l’arrêt des bus et même la chute des feuilles d’arbres en hiver. Devant la camera, l’homme, dont l’accoutrement ressemble à celui des agents des travaux publics, affirme que sa télécommande peut tout contrôler, y compris le maire de la ville. Cette allégorie urbaine, aux ressorts absurdes, nous place face à une réalité inattendue, celle du devenir de l’homme au sein de sociétés ou la technologie est vouée à tenir une place de plus en plus importante.

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Bien que très différents, les films d’Erik Schmitt ont tous pour point commun de faire appel au rêve et à l’imagination. Qu’ils prennent des airs de comédies absurdes ou de fables contemporaines aux images soignées, tous s’éloignent de la réalité quotidienne pour transporter le spectateur dans un univers décalé. C’est la voie que poursuit le cinéaste dont les réalisations, derrière leurs apparences souvent légères, recèlent des questionnements bien plus profonds qu’elles ne le laissent paraître au premier abord. S’entourant de partenaires fidèles, il nous propose des paraboles urbaines pour parler du monde contemporain.

Paola Casamarta

 Articles associés : la critique de « Nashorn im galopp », l’interview de Erik Schmitt

Jean-Sébastien Chauvin : « Il faut veiller à ce que le «moi critique» et le «moi réalisateur» regardent dans la même direction »

Jean-Sébastien Chauvin est critique de cinéma (Cahiers du Cinéma, Chronic’art, Vogue) et enseignant à l’ESEC (École Supérieures des Études Cinématographiques). Depuis 2008, il a réalisé cinq courts-métrages qui tracent une voie singulière au sein de la production française de par leur inspiration fantastique et leur propension à ouvrir leurs cadres sur des territoires peu explorés. Son nouvel opus « Les Enfants » que nous avions découvert lors de l’ultime édition du festival de Vendôme l’année dernière se retrouve aujourd’hui en compétition parmi les moyens-métrages du Festival de Brive. Rencontre avec un cinéaste pour qui le geste de création est indissociable d’une lutte pour la croyance dans l’imaginaire.

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Comment es-tu arrivé au cinéma ?

Je suis cinéphile depuis mes quinze ans. Mes parents étaient eux-mêmes des cinéphiles autodidactes et je sais que je leur dois beaucoup. J’ai toujours fantasmé l’idée de faire des films, mais j’ai mis beaucoup de temps à y venir car je ne me sentais pas prêt, je n’avais pas la maturité nécessaire. Après la fac, j’ai connu deux années de flottement à l’issue desquels je me suis dit que je pourrais écrire sur le cinéma. C’était une idée qui me tentait d’autant que j’étais lecteur des Cahiers du Cinéma depuis longtemps. J’ai commencé à écrire des critiques dans mon coin, puis je les ai envoyées à tout le monde, à toutes les revues spécialisées de Paris. J’ai eu la chance que cela soit Les Cahiers du Cinéma qui me répondent.

Pour moi, la critique était un domaine très intéressant car c’était une autre manière de faire des films. J’ai toujours considéré que l’intérêt de l’exercice ne résidait pas seulement dans l’expression d’une pensée critique, mais qu’il permettait également de « refaire » le film, de l’analyser, de comprendre son fonctionnement, son esprit. Quand j’ai commencé à réaliser des films, j’ai compris que les questions que se pose un cinéaste n’ont pas grand chose à voir avec la lecture d’un critique qui est souvent très théorique. La décision de me lancer dans la réalisation est venue en 2004, quand toute la rédaction des Cahiers dont je faisais partie s’est fait virer par les nouveaux arrivants. J’ai profité du passage à vide qui a suivi pour sauter le pas, et j’ai co-écrit avec Sébastien Bénédict le court-métrage « Les filles de feu » qui a été produit par le GREC.

L’exercice critique a-t-il influencé ton travail de réalisateur ?

Tout à fait, dans la mesure où cela m’a permis d’affiner mes goûts et de savoir quel genre de films j’avais envie de réaliser. Cela dit, je pense que c’est aussi en réalisant des films que l’on découvre ce que l’on a vraiment envie de faire. Un autre aspect qui m’a toujours semblé important, c’est que le passage à la réalisation soit un prolongement, une mise en application des idéaux critiques. On vit aujourd’hui dans une époque où la parole n’a plus aucune valeur, où l’on constate qu’un candidat à la présidence de la République est capable de faire exactement le contraire de ce qu’il a promis durant sa campagne le lendemain de son accession au pouvoir. À notre niveau, je pense qu’il est important de s’imposer une discipline car j’ai l’impression que c’est très facile de se formater, de finir par faire des choses en tant que réalisateur que l’on n’aurait jamais supporté en tant que critique. Il faut veiller à ce que le «moi critique» et le «moi réalisateur» regardent dans la même direction.

Quelle a été la genèse de ton dernier court-métrage, « Les Enfants » ?

Pour dire la vérité, c’est parti d’une blague ! J’ai dit un jour à Stefan Lauper, l’artiste qui avait conçu le téléphone magique de mon précédent film « Et ils gravirent la montagne » que j’aimerais bien réaliser un film avec une soucoupe volante, puisque la science-fiction est un genre que j’adore et qu’inconsciemment, je voulais investir depuis longtemps. Stefan m’a répondu un peu comme une provocation : « Si tu veux, je te la construis cette soucoupe ! ». C’est vraiment parti de là, et j’ai ensuite imaginé cette histoire d’une mère qui serait exclue de l’imaginaire de ses enfants alors qu’ils fuient ensemble un monde apocalyptique. Je me rends compte aujourd’hui qu’il s’agit d’un point commun à tous mes films, cette mise en scène des êtres qui sont séparés par une barrière. Et cette barrière, essentiellement, est celle de l’imaginaire. J’insiste dessus car il y a presque une dimension politique à raconter cette situation, dans une époque où on nous assène en permanence qu’il faut « être réaliste », alors que tous ceux qui ont fait bougé les choses dans l’histoire ont pu le faire car ils croyaient en un idéal, en leurs rêves.

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Ce qui me plaisait dans le scénario des « Enfants », c’était de mettre en scène un univers fantastique qui ne correspondrait pas à une vision d’un paradis artificiel, mais qui à force de croyance finirait par devenir concret. Et la mère dans cette histoire, puisqu’elle refuse de croire dans l’imaginaire de ses enfants, est rejetée de cet univers. Il y avait donc à l’origine du projet cette blague autour de la soucoupe et ce pitch qui tenait en un paragraphe. L’écriture du scénario est toujours une étape compliquée pour moi, et pour ce projet, une de mes amies écrivains, Hélène Frappat, m’a proposé d’écrire le script. Entre ses romans et mes films, il y a plusieurs points d’accroches. La rédaction est donc allée assez vite.

Ce besoin de croire en l’imaginaire qui impulse ta démarche et relie chacun de tes films fait apparaître d’autres similitudes. Tes films font presque tous le récit d’un parcours dans lequel tes personnages vont quitter un semblant de civilisation pour fuir vers la forêt où ils partiront en quête de leur lumière intérieure. En cela, la fin de « Et ils gravirent la montagne » et des « Enfants » est la même : deux personnages s’en vont vers la voûte céleste et rejoignent les étoiles.

Je n’avais pas formulé clairement cette idée, ce schéma, mais effectivement ce mouvement qui fait avancer les personnages de mes films traduit sans doute le besoin que j’ai d’être sincère avec moi-même, de pousser la logique et le désir jusqu’au bout. Le monde d’aujourd’hui ne pousse pas forcément les individus à être sincères, et en leur vendant une idéologie hyper individualiste dont le slogan serait « Soyez vous-même ! » ne donne finalement que le droit à chacun d’être comme tout le monde. Je comprends parfaitement les envies de révoltes de certains, le besoin d’envoyer valser un système qui les oppresse en tuant leur imaginaire.

J’ai réalisé il y a quelques années un film avec un groupe de collégiens dans le cadre d’un atelier proposé par le festival de Pantin. L’idée était de réaliser un court-métrage fantastique, et au cours d’une improvisation où l’un des élèves était attaqué par un monstre, tous ses camarades ont réagi de la même façon : ils ont fui et l’ont laissé en plan ! Sur le moment, ça m’a amusé, et je leur ai dit sur le mode de la plaisanterie qu’ils n’étaient pas très solidaires. Et eux m’ont répondu, à la fois blagueurs et sérieux, que c’était « chacun pour soi ». C’est un détail mais qui est révélateur d’une violence ancrée dans la société et que les plus jeunes sont déjà prêts à retourner contre les autres. Une de mes ambitions est de réussir à filmer justement l’utopie d’un groupe dans mes prochaines réalisations, pour sortir du schéma du couple ou du trio sur lesquels étaient construits tous mes films jusqu’à présent.

Tes films révèlent tous un souci, une ambition de travailler à partir du « décor français », de s’emparer de ses espaces pour en exploiter la ciné-génie et raconter une histoire. À travers des cadres fixes, un découpage très élaboré et la manière de faire se mouvoir les corps dans l’espace, tu parviens à transcender ces décors et à leur donner une nouvelle dimension. Comment appréhendes-tu cet élément pendant la fabrication ?

Les lieux sont parfois même à l’origine des scénarios. Pour « Les filles de feu », j’ai co-écrit avec Sébastien Bénédict une histoire qui prenait pour décor les résidences d’immeubles qu’il habitait alors. L’impression première que j’avais en arpentant ces lieux était que je pouvais m’y perdre facilement, car ils avaient un aspect labyrinthique. Je trouvais à ces espaces des qualités très cinématographiques, et ils ont réellement impulsé et guidé l’écriture de la fiction. Je pense que l’on ne peut pas filmer indifféremment des lieux pour raconter une histoire. Godard disait qu’il faut « faire un casting de lieux comme on ferait un casting d’acteurs », et je souscris complètement à cette idée.

Pour « Les Enfants », j’avais envie de tourner en Bretagne car j’avais repéré des lieux et des paysages qui m’inspiraient en faisant des recherches sur le net. Je me disais que si je n’obtenais pas l’aide de la région, j’aurais été bien en peine. J’aurais pu tourner le film ailleurs, mais ça n’aurait pas été la même chose. Je considère les lieux comme des personnages, et j’aime les filmer comme s’ils étaient vivants, comme s’ils interagissaient avec les acteurs. Par exemple, dans « Et ils gravirent la montagne », l’idée était de montrer que le lieu observe les deux adolescents durant leur fuite. Cette notion du paysage me fascine et m’émeut, notamment dans le cinéma américain. Je suis souvent déçu de constater que les réalisateurs français ne profitent pas plus des paysages magnifiques que l’on peut trouver en France.

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Quels sont tes projets pour la suite ?

Je viens de commencer l’écriture d’un long-métrage avec Hélène Frappat. Nous ne sommes qu’au début d’un long processus de création et si l’on arrive à le mener à son terme, je réaliserai mon premier long-métrage. Le film s’inscrira à nouveau dans le registre fantastique et racontera une histoire d’amour passionnelle à partir d’un présupposé surnaturel.

Propos recueillis par Marc-Antoine Vaugeois

If Mama Ain’t Happy, Nobody’s Happy de Mea de Jong

Le film de fin d’études de Mea de Jong, présenté en compétition au festival Go Short aux Pays-Bas où il a gagné le prix de la jeunesse, est ce qu’on pourrait appeler un work in progress, un travail de recherche non figé, qui semble s’écrire sous nos yeux. « If Mama Ain’t Happy » part d’une envie de réaliser un film sur les femmes et sur la notion d’indépendance. Sans réel fil conducteur, la jeune réalisatrice bute face à son sujet et nous dévoile les étapes de l’écriture et de la réalisation d’un film qui se révélera bien plus éprouvant que prévu.

Face à la difficulté, le sujet est finalement proposé par la mère de la réalisatrice : réaliser un film sur sa propre famille, un choix qui à première vue promet au spectateur un énième portrait familial fait d’images d’archives et de témoignages divers. Mais cette introduction révèle une difficulté supplémentaire : la résistance du sujet et de cette figure maternelle. Ce personnage de « mama » ne semble guère prendre les choses au sérieux.

Des propos de ce personnage central de mère célibataire découlent les plans suivants : images d’archives en super 8, photographies et interviews des hommes qui ont fait partie de sa vie. Cependant, bien au-delà du simple film de famille qui retrace l’arbre généalogique, « If Mama Ain’t Happy » met en scène la rencontre d’une mère et de sa fille autour d’un projet dans lequel chacune d’entre elle se voit donner un peu de soi, et qui révèle la force et la fragilité de la relation mère-fille, tandis que la réalisatrice et sa mère se mettent à nu.

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Au fil de l’œuvre, cette relation touchante invite le spectateur dans la confidence, et c’est finalement elle qui constitue le fil rouge de « If Mama Ain’t Happy ». La mère renvoie une image de femme forte et indépendante mise à l’épreuve par sa fille-réalisatrice qui cherche la faille. On se demande tout au long du film qui tient les rênes. La réalisatrice partage ses doutes et ses difficultés mais parvient à amener sa mère, son sujet, vers une voix imprévue.

En effet, après un saut dans le passé où sont présentées les femmes de la famille, le propos du film surgit comme une évidence : « Si on devient trop dépendant de quelqu’un, on devient vulnérable ». On comprend alors à travers cette phrase bien plus qu’il n’est dit à l’écran. Le film soulève la question de l’amour pour toujours, de l’amour conjugal et maternel, et acquiert une portée universelle, en partant de l’intime.

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Plus on entre dans l’intimité de cette femme remarquable, plus ses choix de vie son remis en question par la réalisatrice qui, face à un tel discours, refuse cette soi-disant prédétermination qui voudrait qu’elle non plus ne puisse pas connaître un bonheur conjugal durable. Plus Mea de Jong creuse les raisons du célibat de sa mère, plus elle doute de leur bien-fondé. A l’heure du bilan, les questions posées se tournent maintenant vers elle, et à la suggestion de sa mère, la réalisatrice passe à son tour devant la caméra, comme s’il s’agissait là du divan du psychanalyste.

« If Mama Ain’t Happy » s’apparente à une sorte de thérapie familiale et affirme les vertus cathartiques du processus de réalisation pour l’auteur. Cependant, le film nous met face au doute : tout cela était-il écrit dès le départ ? La réalisatrice fait-elle semblant de tâtonner, de ne pas savoir où son film va la mener ? Les pistes sont brouillées pour le spectateur et s’il se trouve en effet que Mea de Jong sait dès le départ où elle souhaite aller, alors nous pouvons nous sentir bernés par cette illusion de l’inconnu. Cependant, ce film reste un témoignage émouvant sur la relation mère-fille où l’intimité de ces deux femmes nous est offerte, comme un présent.

Agathe Demanneville

Consultez la fiche technique du film

I comme If Mama Ain’t Happy, Nobody’s Happy

Fiche technique

Synopsis : Une mère et sa fille se lancent ensemble dans le projet de faire le portrait des quatre générations de femmes de leur famille, qui toutes ont dû s’en sortir sans hommes. Une mystérieuse tradition familiale émerge progressivement. Une tradition dont la mère est fière, mais dont la fille doute.

Genre : Documentaire

Durée : 25’

Pays : Pays-Bas

Année : 2014

Réalisation : Mea de Jong

Image : Nina Badoux

Montage : Jose van Koppenhagen

Son : Laura Solleveld

Musique : Jesper Ankarfeldt

Production : Nederlandse Film Academie

Article associé : la critique du film

Raging Blues de Vincent Paronnaud, Lyonnel Mathieu et Stéphane Roche

Animation, 6′, France, 2003, Je Suis Bien Content

Synopsis : Dans les années trente, à la période de Noël, un projet immobilier est proposé avec succès au maire d’une grande ville. Dans les rues, une femme, la main tendue, cherche à subvenir aux besoins de son fils.

Portrait au vitriol de l’american way of life des années 30, « Raging Blues » met en perspective le gouffre conséquent entre les desiderata des populations aisées en termes de confort de vie et les aspirations simples des pauvres, victimes amères d’un système sans pitié qui leur assène un soi-disant progrès industriel, mais qui se trouve être vecteur d’encore plus de violence et de misère.

Film d’animation âpre, au graphisme épuré et au style proche d’une signalétique de brochure d’entreprise, comme pour mieux dénoncer le système avec ses propres outils, « Raging Blues » est le premier court en animation de Winshluss (Vincent Paronnaud) qui a continué depuis de creuser des thématiques subversives, notamment dans le petit bijou « Il Était une fois l’Huile ».

Julien Savès

Cannes 2015 : la sélection de la Cinéfondation

La Sélection Cinéfondation a choisi, pour sa 18e édition, 18 films (14 fictions et 4 animations) parmi les 1600 présentés cette année par des écoles de cinéma du monde entier. Seize pays venus de quatre continents y seront représentés cette année à Cannes.

Les trois Prix de la Cinéfondation, décernés par le jury présidé par le réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako, seront remis lors d’une cérémonie précédant la projection des films primés le vendredi 22 mai, salle Buñuel.

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Films sélectionnés

Koshtargah de Behzad Azadi (Teheran, Iran)

El Ser Magnetico de Mateo Bendesky (Argentine)

Share de Pippa Bianco (Etats-Unis)

Manoman de Simon Cartwright (Royaume-Uni)

Victor XX de Ian Garrido Lòpez (Espagne)

Vozvrashenie Erkina de Maria Guskova (Russie)

Leonardo de Félix Hazeaux, Thomas Nitsche, Edward Noonan, Franck Pina, Raphaëlle Plantier (France)

Locas Perdidas de Ignacio Juricic Merillàn (Chili)

Tsunami de Sofie Kampmark (Danemark)

Retriever de Tomáš Klein et Tomáš Merta (Prague, République Tchèque)

Les chercheurs de Aurélien Peilloux (France)

Abwesend d’Eliza Petkova (Allemagne)

Asara Rehovot Mea Etsim de Miki Polonski (Israël)

14 Steps de Maksim Shavkin (Russie)

Anfibio de Héctor Silva Nùñez (Cuba)

Ainahan Ne Palaa de Salla Sorri (Finlande)

Het Paradijs de Laura Vandewynckel (Belgique)

Ri Guang Zhi Xia de Qiu Yang (Australie)

Cannes 2015, les 9 courts métrages en compétition officielle !

En avant-première de la conférence de presse du 68e Festival de Cannes qui aura lieu ce jeudi 16 avril, les courts métrages en compétition et la sélection de la Cinéfondation ouvrent un jour plus tôt la sélection officielle 2015.

Le Jury de la Cinéfondation et des courts métrages, présidé par Abderrahmane Sissako, récompensera à la fois les meilleurs films de la compétition des courts métrages et ceux de la Cinéfondation à l’issue de leurs délibérations.

Voici donc les titres des 9 films sélectionnés (7 fictions et 2 animations) sur 4 550 soumissions qui concourront à la Palme d’or du court métrage 2015.

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Courts métrages en sélection officielle

Waves’98 de Ely Dagher (Liban, Qatar)

The Guests de Shane Danielsen (Australie)

Sali de Ziya Demirel (Turquie/France)

Love is blind de Dan Hodgson (Royaume-Uni)

Ave Maria de Basil Khalil (Palestine/France/Allemagne)

Copain de Jan et Raf Roosens (Belgique)

Patriot d’Eva Riley (Royaume-Uni)

Presente Imperfecto de Iair Said (Argentine)

Le repas dominical de Céline Devaux (France)

Festival à l’Est du Nouveau, dix ans entre l’Est et l’Ouest

Du 17 au 24 avril 2015, le Festival « A l’Est, du Nouveau » pose ses valises pour sa dixième édition, dans quatre salles de cinéma de la région Haute-Normandie (l’Omnia à Rouen, l’Ariel à Mont-Saint-Aignan, le Drakkar à Yvetôt et le Grand Mercure à Elbeuf). Pour la première fois, une reprise du festival aura lieu à Paris entre le 11 et le 21 mai au centre culturel tchèque.

Cette année encore, les spectateurs auront l’occasion de découvrir des petits bijoux en provenance d’Allemagne, Bulgarie, Croatie, Géorgie, Hongrie, Kosovo, Lettonie, Macédoine, Pologne, République Tchèque,  Roumanie, Slovaquie et Serbie.

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Des moments forts viendront éclairer cette édition avec entre autres une matinée engagée autour de l’Ukraine, sans oublier le format court : des films de l’Est proposés en coopération avec le festival Courtivore, des courts expérimentaux reflétant la création de ces deux dernières années en Europe de l’Est, un ciné-concert autour des films des frères Manakis et des courts métrages d’animation polonais, sélectionnés par le festival O!Pla à Lodz.

La sélection officielle ‘A l’Est’ est composée de 8 films en compétition, pour la plupart inédits en France et représentant de nouvelles tendances cinématographiques.

– Viktoria de Maya Vitkova (Bulgarie),
– Les petits béguins d’Aleksandra Gowin et Piotr Grzyb (Pologne),
– Pour des raisons inexpliquées de Gabor Reiz (Hongrie)
– La nuit approche de Petr Vaclav (République Tchèque),
– Roxane de Valentin Hotea (Roumanie)
– Le Monument de Michael Jackson de Darko Lungulov (Serbie)
– Cailloux dans mes poches de Signe Baumane (Lettonie)
– Rendez-vous arrangés de Levan Koguashvili(Géorgie)

Retrouvez le programme complet de la manifestation sur www.alest.org

Festival Go Short, le palmarès

Ce samedi, se clôturait la septième édition du festival Go Short de Nijmegen, un événement offrant une pléthore de courts néerlandais et européens de tous genres et pour tous les goûts, en et hors compétition. Nous vous invitons à découvrir le palmarès de cette dernière édition.

Sélection européenne

Prix NTR du meilleur documentaire : Hotel Straussberg de Jan Soldat (Allemagne)

Mention spéciale : Super Unit de Teresa Czepiec (Pologne)

Prix NTR du meilleur film d’animation : House of Unconsciousness – Priit Tender (Estonie)

Mention spéciale : We Can’t Live Without Cosmos de Konstantin Bronzit (Russie)

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Prix NTR du meilleur film d’art : Planet ∑ de Momoko Seto (France)

Prix NTR du meilleur film de fiction : Aïssa de Clément Tréhin-Lalanne (France)

Prix d’encouragement pour le meilleur film d’école : Mother Earth de Piotr Zlotorowicz (Pologne)

Mention spéciale : The Bigger Picture de Daisy Jacobs (Royaume-Uni)

Sélection nationale

Prix Format Court,Prix VEVAM du meilleur film néerlandais : Onder Ons de Guido Hendrikx

MovieZone Go Short Youth Award : If Mama Ain’t Happy, Nobody’s Happy de Mea de Jong

Mention spéciale : Tussentijd de Christian van Duuren

Santiago Bou Grasso : « Le stop-motion crée un lien avec le temps qui s’arrête »

Avec plus de 180 prix internationaux pour ses cinq courts métrages depuis « Il Pàjaro y el Hombre » en 2005 jusqu’à son récent « Padre », l’Argentin Santiago Bou Grasso est attendu régulièrement par les habitués de festivals pour ses techniques sans cesse renouvelées et sa liberté de ton. Accompagné de son co-scénariste, Patricio Plaza, il revient sur « Padre », un film en stop-motion où des marionnettes montrent le quotidien d’une fille s’occupant de son père dans la période qui suit tout juste la fin de la dernière dictature en Argentine.

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Comment vous est venue l’idée de « Padre »?

Santiago Bou Grasso : L’idée est venue de la nécessité de parler de la dernière dictature en Argentine. Et comme à chaque fois depuis mon deuxième film, nous essayons d’inscrire notre démarche narrative dans une recherche esthétique. « El empleo », mon précédent film, parlait du système économique dans le monde et dans ce cas ici, « Padre » traite de l’histoire de l’Argentine.

Patricio Plaza : Le but du film n’était pas de montrer le point de vue des victimes de la dictature pendant les années 1970 mais de montrer l’autre coté, dans le camp des tortionnaires. Dans ce cas précis, ce n’est d’ailleurs même pas exactement le point de vue du tortionnaire ou d’un homme qui a commis des crimes pendant la dictature mais celui de sa fille qui s’occupe de lui. Par le biais du personnage de la fille, on voulait parler de la coupure d’une partie de la population qui ne voulait pas savoir et en quelque sorte qui préférait nier ce qui se passait d’horrible au milieu de leur vie de tous les jours.

C’est un film qui traite du déni de la classe moyenne qui n’était pas politisée. Cette classe moyenne a souvent décidé de ne pas intervenir, de laisser faire. Ce fut une coopération passive.

Pour résumer, l’idée du film était de montrer en animation ce problème en Argentine, à cette époque. C’est ce qui nous a intéressés et c’est assez rare comme thème.

SBG : Nous nous sommes dits qu’il n’y avait aucun film décrivant cette large part de la population, passive face aux événements. Le but n’est pas de stigmatiser, mais de conserver une trace.

À propos du point de vue, pourriez-vous m’expliquer votre choix des marionnettes, très différent de la technique utilisée dans « El Empleo », votre précédent film?

SBG : La stop-motion en marionnettes a été très importante pour moi afin d’expérimenter ma narration. J’ai particulièrement beaucoup aimé jouer avec son impression de réalisme afin de créer un trouble chez le spectateur par rapport au temps qui passe.

PP : C’est plus un point de vue philosophique, c’est un film à propos du temps. Le temps du film est fermé, c’est une sorte de temps circulaire. Le stop-motion fait bien ressentir le temps parce que c’est vraiment un univers reconstitué et que le film traite justement d’une réalité reconstituée. C’est celle de la fille qui s’occupe de son père malade avec une série de routines répétitives sans sortir de chez elle et tournant le dos aux atrocités, aux enlèvements, aux meurtres qui se déroulent à l’extérieur. Ce genre de situation a existé dans la réalité. Le stop-motion crée un lien avec le temps qui s’arrête.

SBG : C’est drôle car beaucoup de gens s’attendaient à voir l’inverse, un film visuellement déconnecté de la réalité avec une temporalité dynamique, une sorte de suite à « El empleo », mon précédent film. Il devient difficile de sortir d’une technique quand on a connu un succès avec elle.

PP : Le but était de véritablement choisir une technique qui mette en valeur l’histoire et non d’affirmer un style personnel marqué.

SBG : Faire de la stop-motion fut un challenge pour moi. J’avais fait un premier court métrage, « Hola » avec cette technique. C’est un procédé particulièrement long à mettre en place.

Dans le film, une horloge marque le temps de manière aléatoire, menaçant d’un moment à l’autre de s’arrêter ou de redémarrer. Y a-t-il également un sens politique derrière cet élément ?

SBG : Oui, c’est effectivement une métaphore de l’attente du réveil d’une léthargie, celle de la démocratie.

PP : Les Argentins ont malheureusement connu de nombreuses « extinctions » de leurs droits au cours de l’histoire de leur pays. Nous avons eu à plusieurs reprises de courtes périodes de démocraties entre deux dictatures. Ainsi, la menace de l’horloge reprend la menace de la reprise de la dictature.

SBG : C’est également une métaphore de la classe moyenne argentine qui répète ses mêmes erreurs dans sa passivité face à la situation. Il s’agit d’une relation de va-et-vient entre un oppresseur et un opprimé que je souhaitais faire figurer avec cette horloge menaçante.

Pourquoi avoir choisi l’année 1983 que l’on voit au début du film, puis rappelée par un calendrier ?

SBG :  Car lors de cette année, l’Argentine est revenue à la démocratie.

PP : Et aussi, parce que nous faisons partie de la génération suivante. Je suis né en 1983, nous avons grandi avec tout ce passé qui est emblématique pour nous. C’est un repère pour nos parents.

SBG : On est allés à l’école dans une démocratie mais tous ces problèmes et ces non-dits liés à la dictature rejaillissaient sur nous.

PP : Il y a eu une grave crise économique à la fin des années 1980, suite aux 30 ans de dictature. En 2001, ce même système politique et économique s’est à nouveau bloqué. Nous avons fait ce film également car les séquelles de la dictature sont encore très présentes en Argentine.

SBG : Malgré cela, il y a une forte conscience des droits de l’homme en Argentine et c’est l’un des seuls pays d’Amérique du Sud à faire autant de procès à ses anciens dirigeants, surtout depuis 2003.

PP : Il y a également une plus grande liberté d’expression nous permettant de sortir ce genre de film.

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Vous avez évoqué le point de vue original de votre film par rapport à d’autres films argentins sur la même période de dictature au début des années 1980. Avez-vous été influencés par d’autres films en prise de vue réelle ou en animation ?

SBG : Pas véritablement, je voulais prendre de la distance par rapport à d’autres films sur la même période. Je voulais surtout montrer un huis-clos pesant, avec une menace justement ambiguë. Je me suis plus inspiré des classiques d’Alfred Hitchcock, « Les Oiseaux », « Psychose », « Fenêtre sur cour » parce qu’au-delà du contexte politique, c’est la psychologie des personnages qui m’intéresse.

PP : Le but recherché, c’est que, si vous ne connaissez pas le contexte argentin, vous pouvez quand même en tant que spectateur appréhender la relation entre le père et la fille.

SBG : Et si vous, en tant que spectateur, savez ce qui s’est passé en Argentine, vous retrouverez dans le film des éléments qui participeront au contexte. Je trouve qu’Hitchcock est particulièrement doué pour cela, il suggère toujours le contexte mais conserve l’intelligibilté de son histoire. J’ai donc essayé de faire la même chose.

PP : À l’écriture du film, j’ai également pensé à « L’ange exterminateur » de Luis Buñuel, qui est un film dans lequel les personnages sont piégés dans un lieu à l’extérieur duquel une menace indicible les attend.

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Est-ce que vous pourriez m’en dire plus sur le sound-design particulièrement présent et qui participe vraiment au sentiment de malaise du film ?

SBG : Nous avions envie de faire quelque chose de très réaliste et nous avons travaillé les bruitages avec beaucoup de soin. Le son, comme sur « El empleo », me sert de repère et équilibre mon travail une fois l’animation faite. On a ajouté l’ambiance ensuite, plutôt discrète au début, puis de plus en plus présente.

Votre prochain film sera-t-il aussi politique que les deux précédents, « El empleo » et « Padre » ?

SBG : Non, ce sera un film drôle, histoire de relâcher un peu la pression. Je l’ai fait rapidement, au contraire de « Padre » dont l’élaboration m’a pris trois ans. Ce sera un film un peu existentialiste. Cependant, le poids de la politique ne me dérange pas et je pense refaire un jour un projet s’en inspirant.

Propos recueillis par Georges Coste

« Onder ons » de Guido Hendrikx, Prix Format Court au Festival Go Short !

La 7ème édition du festival Go Short s’est achevée hier à Nijmegen, aux Pays-Bas. Format Court, présent au festival, y a attribué pour la première fois un prix au sein de la compétition néerlandaise. Parmi les 18 films sélectionnés, notre jury (Katia Bayer, Marie Bergeret, Adi Chesson, Agathe Demmanneville, Zoé Libault) a choisi de récompenser  « Onder Ons » de Guido Hendrikx, un film d’école d’une grande maturité, abordant avec originalité et respect un sujet sensible et tabou. Le film interroge le spectateur et dépasse le simple jugement en explorant en profondeur les dimensions psychologiques liées à une certaine déviance sexuelle. Le film a également séduit notre jury pour sa forme innovante et son récit sobre porté par les voix de ses sujets sans visages.

« Onder Ons » de Guido Hendrikx (Documentaire, expérimental, 24′, 2015, Pays-Bas, Nederlandse Filmacademie)

Synopsis : Trois pédophiles complexés et instruits nous livrent un récit impitoyable de leurs expériences. Comment assumer une orientation sexuelle jugée morbide par toute la société, y compris par soi-même ?

« Onder Ons » fera l’objet d’un focus spécial en ligne, sera programmé le jeudi 14 mai lors de la prochaine séance Format Court au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) et bénéficiera d’un DCP doté par le laboratoire numérique Média Solution.

Guido Hendrikx, absent à la remise des prix, a adressé au festival une petite vidéo de remerciement pour notre prix. Visionnez-la !

Nieuw d’Eefje Blankevoort

« Nieuw », documentaire de Eefje Blankevoort en compétition nationale au festival hollandais Go Short, suit Tanans lors de son arrivée aux Pays-Bas. Ce petit garçon congolais de huit ans a vécu dans un refuge en Ouganda avec sa famille et a été choisi par un programme d’entraide mis en place par l’UNHCR (Agence des Nations Unies pour les réfugiés) pour être accueilli aux Pays-Bas.

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Le film le suit lors de son arrivée dans le pays, de son installation dans sa nouvelle maison, à la rentrée scolaire, à sa découverte des centres commerciaux et de la ville et à ses premiers contacts avec les autres enfants.

Pourtant très proche de Tanans et des autres, la caméra sait se faire oublier, laissant ainsi les enfants évoluer naturellement. Le dispositif très simple de la caméra à l’épaule fluide suivant les personnages plonge le spectateur au cœur du film et lui fait ressentir une empathie forte pour Tanans auquel il s’identifie. Les gros plans sur son visage, notamment sur ses yeux ainsi que quelques uns de ses commentaires rajoutés en voix-off permettent au spectateur de comprendre ce qu’il ressent. Petit garçon très expressif, il est tantôt émerveillé tantôt incompréhensif et dévoile ses réactions spontanées face à tant de nouveautés.

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L’attachement du spectateur à ce personnage touchant le fait passer du sourire aux larmes. Les réflexions innocentes et naïves de Tanans amusent (« J’ai cru qu’ils [les européens] utilisaient de la peinture pour se peindre en blanc ») mais le témoignage qu’il révèle sur sa famille émeut. Il raconte à une camarade qu’il a été élevé par sa tante dans un refuge suite à la mort de ses parents, dont il ne connaît même pas la raison.

À partir de cette histoire individuelle, la réalisatrice dresse un portrait de l’enfance tout à son avantage. Autour de Tanans, les enfants sont bienveillants. Ils s’attachent à lui et sont prêts à l’aider à s’intégrer malgré leurs incompréhensions linguistiques. Ils jouent au foot avec lui, lui apprennent à faire du vélo… Tanans se lie principalement d’amitié avec une petite fille de son âge à qui il peut parler de sa vie d’avant et se confier.

« Nieuw » est un film humble, sans artifice. Il témoigne de la bonté spontanée qu’ont les enfants envers autrui et d’une certaine forme de solidarité qui peut encore exister entre les hommes. Le message positif du film, redonnant foi en l’humanité, ne peut que marquer les esprits.

Zoé Libault

Consultez la fiche technique du film

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Fiche technique

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Synopsis : Tonans, jeune congolais de huit ans, vient d’arriver aux Pays-Bas. Il va faire sa première rentrée dans une école qu’il ne connaît pas et dans un pays dont il ne parle pas la langue.

Genre : Documentaire

Durée : 19’14

Pays : Pays-Bas

Année : 2014

Réalisation et scénario : Eefje Blankevoort

Image : Ton Peters

Montage : Tim Rozier

Production : JVDW Films

Article associé : la critique du film

Rappel. Soirée Format Court, Spéciale Arte, ce jeudi soir !

Ce jeudi 9 avril, à 20h30, Format Court accueille Arte pour une séance spéciale consacrée à la création et la diffusion des films d’écoles et des premiers films. Ce soir-là, cinq courts-métrages français et belges soutenus par Arte, seront projetés, en présence de Hélène Vayssières, responsable des courts à Arte France, Peter Dourountzis, réalisateur, Paul Hamy, comédien (« Errance »), Nora Burlet, réalisatrice (« Julia »), Anaïs la Berre et Lucille Prin, réalisatrices (« La route du bout du monde »). Soyez au rendez-vous !

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En pratique

– Jeudi 12 avril 2015, à 20h30. Accueil : 20h
– Durée de la séance : 83’
– Infos (programmation, synopsis, trailers, …) : ici !
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
Entrée : 6,50 €
Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com

Nouveau Prix Format Court au Festival IndieLisboa (Portugal) !

La 12ème édition du festival IndieLisboa, une manifestation indépendante de renommée internationale, aura lieu du 23 avril au 3 mai à Lisbonne. Format Court y attribuera pour la première fois un prix au sein de la section « Silvestre », un nouveau programme regroupant des films à part et inattendus réalisés par de jeunes auteurs comme des cinéastes établis. Il s’agit du troisième prix remis par notre revue à l’étranger, après le Festival du Nouveau Cinéma à Montréal et Go Short à Nijmegen ayant lieu ce mois-ci aux Pays-Bas. Pour l’occasion, le jury Format Court (Katia Bayer, Marie Bergeret, Paola Casamarta, Adi Chesson, Lola L’Hermite, Zoé Libault) évaluera les 33 films sélectionnés.

Le court-métrage primé bénéficiera d’un focus spécial en ligne, sera programmé lors d’une prochaine séance Format Court organisée au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) et bénéficiera d’un DCP doté par le laboratoire numérique Média Solution.

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Silvestre Shorts

8 Balles – Frank Ternier – France
San Siro – Yuri Ancarani – Italie
Me and My Moulton – Torill Kove – Canada
Cinza – Micael Espinha – Portugal
Notre Dame des Hormones – Bertrand Mandico – France
Headlands Lookout – Nick Jordan, Jacob Cartwright – Grande-Bretagne
Salers  – Fernando Dominguez – Argentine
La légende doréeOlivier Smolders – Belgique, France
Exuviae – Emmmanuel Lantam – France
Take What You Can Carry – Matthew Porterfield – Etats-Unis, Allemagne
Tempête sur anorak – Paul Cabon – France
Le rêve de Baily – Nicolas Boone – France, Chine
Dans la joie et la bonne humeur – Jeanne Boukraa – Belgique
The Mad Half Hour – Leonardo Brzezicki – Danemark, Argentine
In Waking Hours – Sarah Vanagt, Katrien Vanagt – Belgique
I Am a Spy – Sarah Wood – Royaume-Uni
Atlantis – Ben Russell Etats-Unis, Malte
Small People With Hats – Sarina Nihei – Royaume-Uni
Ton Coeur au Hasard – Aude-Léa Rapin – France
O.T. – Markus Sherer – Autriche
No Wolf has a House – Hana Jusic – Croatie
Cantata of Grief – Pia Hellenthal – Allemagne
Ritual for a Relict – Alexander Glandien – Autriche
The Living Need Light, the Dead Need Music – The Propeller Group – Vietnam
Kacey Mottet Klein, Naissance d’un acteur, Une petite leçon de cinéma – Ursula Meier – Suisse
This is cosmos – Anton Vidokle – Allemagne
Panchrome I, II, III – T. Marie – Etats-Unis
Calamity qui ? – Isabelle Prim – France, Canada
MY BBY 8L3W – Neozoon – Allemagne
Le souffleur de l’affaire – Isabelle Prim – France
Institute Above Ground – Florian Zeyfang, Lisa Schmidt-Colinet, Alexander Schmoeger – Allemagne
O Completo Estranho – Leonardo Mouramateus -Brésil
Bad at Dancing – Joanna Arnow – Etats-Unis

Le Naufragé et Un Monde sans femmes, un diptyque de Guillaume Brac

Potemkine, boutique de DVD située dans le 10ème arrondissement de Paris, est née en 2006, avec la volonté d’offrir aux spectateurs un accès à un cinéma éveillé et éclectique. Elle leur propose aussi bien des grands films de l’Histoire du cinéma que des films plus intimistes et méconnus, tout aussi grands par leur qualité. Afin de mener à bien cette mission de découverte et d’accès au cinéma, Potemkine a agrandi son secteur d’activité l’année d’après en se lançant dans l’édition DVD, puis, dans la distribution en salle en 2012. Co-édités avec Agnes b. Production depuis 2008, les films sortis en DVD reflètent autant de coups de cœur, d’exigence et d’originalité.

« Un Monde sans femmes » est sans conteste de ceux-là. Sorti en salle en 2012, le film procure une double révélation, celle de Guillaume Brac, le réalisateur et celle de Vincent Macaigne, l’acteur interprétant le personnage principal. Déjà lors de sa sortie en salle, ce moyen métrage, lauréat d’une Mention Spéciale Format Court au Festival de Vendôme 2011, était précédé d’un court métrage, « Le Naufragé », réalisé deux années auparavant par même auteur et mettant en scène le même personnage dans la même ville d’Ault.

Le trentenaire mélancolique perdu et attachant, aujourd’hui connu, que Vincent Macaigne incarne dans la plupart de ses films, est probablement né de ce diptyque. Sylvain, célibataire mollasson, vit seul dans son appartement de station balnéaire picarde. Totalement dépeuplé de toute jeunesse en dehors de la saison touristique, l’endroit où vit Sylvain ne l’aide pas à trouver l’amour, mais il y est tout de même attaché et semble se contenter d’une vie simple. Pourtant, que ce soit dans « Un Monde sans femmes » ou « Le Naufragé », le quotidien du jeune homme est perturbé par l’arrivée de voyageurs dans sa région.

Dans « Le Naufragé », Luc (Julien Lucas), un cycliste parisien bloqué au village après avoir crevé, fait la connaissance de Sylvain qui lui propose son aide. Ce dernier, non mécontent d’avoir trouvé de la compagnie mais ne partageant pas les mêmes règles sociales que le parisien, paraît un peu trop insistant. Il l’invite ainsi à passer une soirée avec lui et lui offre le gite et le couvert, ainsi que le trajet jusqu’à la gare la plus proche dans sa petite voiture bleue. Luc, froid et solitaire, ne voit pas les choses du même œil. Tout ce qui semble être pour le picard un geste d’amitié et d’entraide apparaît comme une intrusion dans la vie privée du parisien.

Dans « Un Monde sans femmes », ce sont deux femmes (Laure Calamy, la mère et Constance Rousseau, sa fille) qui s’introduisent dans la vie de Sylvain. En pleine période touristique, celles-ci s’installent dans un appartement avec vue sur la mer loué par Sylvain. Toujours bienveillant auprès du visiteur, ce dernier accompagne ces deux femmes dans leurs activités : pèche à pied, baignade, promenade au marché… La mère excentrique et la fille réservée sont à la fois proches et distantes l’une de l’autre. Elles n’ont a priori pas la même vision de l’amour et le même rapport à l’autre mais toutes deux feront chavirer à leur manière le cœur de Sylvain. Ce dernier, peu habitué au contact des femmes, ne sait pas comment s’y prendre pour les séduire et fait preuve de beaucoup de maladresse.

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Guillaume Brac, nouvelle figure du cinéma français depuis passé au long-métrage avec « Tonnerre », est un digne représentant de la descendance cinématographique d’Eric Rohmer. Tous les personnages, même les secondaires, sont bien définis et possèdent leur singularité. La place laissée à la spontanéité du jeu des acteurs renforce leur importance. Aussi, les thèmes chers à Rohmer se retrouve chez Brac : la séduction, le rapport à l’autre, l’introspection de la jeunesse,… Les longs plans larges, laissant l’action se dérouler, savent offrir la place qu’ils méritent aux décors. Le travail du chef opérateur, Tom Harari, y est pour beaucoup dans la qualité de ces images, au rendu faussement naturel. L’édition DVD de Potemkine propose par ailleurs de nombreux bonus dont une interview croisée de Guillaume Brac et de Tom Harari qui éclairent le spectateur quant à la construction d’ « Un Monde sans femmes » et du « Naufragé ». Tous deux reviennent sur leur rencontre, évoquent des anecdotes de tournage, parlent de l’équipe technique et des acteurs et expliquent les procédés artistiques utilisés pour la photographie de leurs films.

Zoé Libault

« Le Naufragé » et « Un Monde sans femmes : Ed. Potemkine : films + bonus