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D comme Darwaazon Wala Ghar (La Maison aux portes)

Fiche technique

Synopsis : Ce film propose, à travers l’histoire d’un homme et de sa chaise, un emétaphore des relations humaines entre la vieillesse et la jeunesse.

Genre : Fiction expérimentale

Durée : 6’23’

Pays : Inde

Année : 2011

Réalisation : Nishant Sharma et Rohit Sharma

Scénario : Nishant Sharma

Image : Sudesh Balan

Son : Sedeep Srivastava, Phani Damara

Montage : Phani Damara

Interprétation : Purshottam Petel, Kiran Gangadharan, Anmol Dharmadhikari, Debjani Roy

Production : Nishant Sharma

Article associé : la critique du film

Le Crépuscule des vieux

Cette année, davantage que les autres, la sélection du Brussels Short Film Festival révélait la noirceur de l’âme. Des films venus des quatre coins du monde qui déclinaient la même souffrance, la même peur d’exister et la même peur de mourir. Parmi ceux-ci Darwaazon wala Ghar (La Maison aux portes) de Nishant et Rohit Sharma et Tuba Atlantic d’Hallvar Witzø ont retenu l’attention grâce à leur façon poétique et originale de traduire le déclin de l’Homme.

Dans son essai La Vieillesse, publié en 1970, Simone de Beauvoir adressait déjà une virulente critique à la société française pour la manière dont elle considérait les personnes âgées. Taboue à bien des égards, la question demeure dérangeante même 40 ans plus tard. Chez nous en Occident, vieillir angoisse, car chaque année supplémentaire mène irrémédiablement vers la mort. Et la mort est synonyme de fin. Par cette considération existentielle, la vieillesse reste fort mal acceptée par la majorité des gens. C’est ainsi que l’homme moderne et civilisé, fort d’un emploi du temps hyper chargé, laisse choir les rêves et les illusions de ses aînés dans de jolies chambres aux murs décrépis, jusqu’à ce qu’ils reposent (définitivement) en paix.

Avec Darwaazon wala Ghar (La Maison aux portes), Nishant et Rohit Sharma signent une métaphore sensible des relations humaines. Sur le pas de sa porte, un homme d’un certain âge est assis et semble contempler l’activité de la ville. Quand ses voisins se débarrassent d’une vieille chaise et la jettent à la décharge, l’homme s’en va la récupérer, les voisins la reprennent et l’homme la récupère à nouveau jusqu’à ce qu’il décide de s’attacher à celle-ci quitte à être lui-même emporté à la décharge. Même s’il est vrai que Darwaazon wala Ghar est un film formel avant tout, il peut éventuellement se lire comme un questionnement sur la place des « Vieux ». Ainsi, dans un pays où les aînés sont vénérés, où une place de choix leur est accordée, le jeune tandem indien semble au contraire exprimer le désenchantement tangible d’une vieillesse caduque, attachée à des traditions considérées comme obsolètes. Comment évoluer dans un monde moderne qui vit à un rythme de plus en plus effréné sans se détacher un peu du passé ? Et comment vivre dans un monde qui abandonnerait les valeurs de ce passé ? C’est qu’au sein de la « plus grande démocratie du monde », croyances et traditions sont le lien même qui tissent les relations. Par le biais de panoramiques répétitifs, le film cantonne volontairement, la réalité dans un horizontal suffocant. La jeunesse ainsi confinée dans un carcan linéaire se retrouve incapable de communiquer avec ses pères et décide de s’en débarrasser tout simplement.

De son côté, Tuba Atlantic du Norvégien Hallvar Witzø prend le parti pris d’un cynisme nordique. Oskar, vieil acariâtre de 70 ans, apprend par son médecin qu’il lui reste 6 jours à vivre. En dispute avec son frère depuis des années, il est prêt à lui pardonner. Le problème est qu’il habite de l’autre côté de l’Atlantique. En lice dans la course aux Oscars du mois de février et lauréat du Prix des Médiathèques à Clermont-Ferrand, Tuba Atlantic est le genre de film qu’on n’oublie pas, tant le scénario, la mise en scène et l’interprétation sont une belle réussite. Mais Tuba Atlantic pourrait sembler morbide s’il n’y avait pas cet humour décalé parsemé tout au long du film. Pour filmer un homme en fin de vie, Witzø a également opté pour des mouvements horizontaux, non pas pour enfermer le spectateur mais pour renforcer la solitude d’Oskar en quête d’un dernier signe de réconfort avant le grand départ. La musique, toujours en contrepoint, souligne le côté décalé et maladroit du personnage et permet d’entrer une pointe de burlesque dans cette angoisse existentielle. Des paysages norvégiens, hivernaux et désolés, filmés dans des horizons lointains, se dégage une poésie sensible, palpable mais inexprimée. Comme si l’appel de l’ailleurs était plus fort malgré tout, comme si Oskar le savait mais qu’une dernière fois il lui fallait montrer au monde qu’il resterait ce grincheux solitaire, tueur de mouettes dont il déteste le cri.

Marie Bergeret

Consultez les fiches techniques de Darwaazon wala Ghar et de Tuba Atlantic

Focus Brussels Short Film Festival 2012

Cette année, le Brussels Short Film Festival fêtait ses 15 ans. Une édition qui comme chaque année a vu déferler bon nombre de spectateurs dans les salles du Vendôme, du Mercelis, du Flagey et du Bozar, pour apprécier pas moins de 3 programmes « Best of », une séance spéciale « anniversaire » et de jolies découvertes des cinémas basque, allemand, latino sans oublier les habituelles compétitions nationale et internationale.

Retrouvez dans ce focus :

La critique de « A New Old Story » d’Antoine Cuypers (Belgique)

La critique de « Tania » de Giovanni Sportiello (France)

La critique de « Eenentwintig + Zeven » de Kenneth Michiels (Belgique)

Le reportage « Le Crépuscule des vieux »

Le  palmarès

Et d’autres sujets dans les jours à venir.

Michaela Pavlátová : « Parfois, j’ai l’impression que mes films n’ont rien en commun, à part mon nom au générique »

Projeté il y a une dizaine de jours à Cannes, à la Quinzaine des Réalisateurs, « Tram » s’insère dans un projet collectif, Sexpériences, qui conjugue animation et érotisme au féminin. En entretien, Michaela Pavlátová, la réalisatrice, d’origine tchèque, convoque travail en solitaire, réalisme et exagération, et lien “diamanté” au court.

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© KB

Format Court : Comment est né « Tram » ?

Michaela Pavlátová : « Tram » fait partie de Sexpériences, un film omnibus, composé de courts métrages et d’univers très différents, réalisé par des femmes. Dans cette collection, tous ces épisodes seront connectés entre eux par le biais d’une conductrice de métro qui s’arrêtera à tous les arrêts, et où les femmes se livreront à leurs fantasmes. « Tram » a été fini, les autres films sont en cours.

Initialement, j’avais fait quelques dessins, et esquissé une situation poétique où une femme était couchée, touchée par une multitude de mains animées. C’était assez sensuel mais la production m’a incité à tenter autre chose, à aller plus loin. Très vite, l’idée de « Tram » est apparue.

« Tram » comporte moins de personnages et couleurs que dans vos films précédents et votre trait est très différent. Est-ce qu’il y a eu une évolution dans votre travail ?

M.P. : Parfois, j’ai l’impression que mes films n’ont rien en commun, à part mon nom au générique. Chaque fois, le film est un peu différent, et ma façon de dessiner aussi. « Le Carnaval des animaux », parle de la joie de vivre, et est aussi très influencé par les dessins et les couleurs de mon mari, peintre. Dans « Words, words, words », le travail sur les couleurs et le dessin diffère aussi.

Ce film-ci est dessiné très simplement. Je voulais que le dessin fasse penser à quelqu’un qui ne savait pas dessiner ou qui dessinait mal, je voulais m’éloigner du réalisme à cause de l’histoire racontée, légèrement ridicule. Si « Tram » avait été très beau et que la conductrice de métro était apparue sous des traits plus réalistes, le film n’aurait pas marché de la même façon.

Vous avez beaucoup travaillé en court. Pourquoi avoir oeuvré autour de ce format depuis la fin de vos études ?

M.P. : Pour moi, le court métrage est un diamant qu’il faut couper et polir de façon très précise et attentive. On peut dire beaucoup en une durée courte, si on veut que les gens comprennent ce qu’on a à dire, il faut le faire de manière très rapide et claire. Pour moi, c’est un grand challenge, c’est aussi pour cela que je n’aime pas trop les longs métrages d’animation.

Pourquoi ?

M.P. : Parce que c’est une discipline tout à fait différente. Vous avez un temps additionnel : vous ajoutez des histoires, des personnages, des dialogues. C’est beaucoup plus risqué. En plus, en long, c’est très difficile de travailler seul. Personnellement, je ne fais pas souvent de films. J’ai envie de profiter de chaque étape, j’aime bien tout contrôler. Quand il y a d’autres personnes, il faut préparer le travail pour elles, ce qui veut dire qu’au début, on est censé savoir où on va. Quand vous travaillez seule, au milieu du film, vous pouvez subitement avoir une meilleure idée et refaire ce que vous avez fait auparavant.

Quelles meilleures idées avez-vous trouvé pendant « Tram » ?

M.P. : Quelque chose que mon mari, Vratislav Hlavatý, m’a suggéré. Quand je lui ai montré des tests, il m’a dit que c’était érotique mais indécent et ça m’a intriguée. Il m’a conseillé d’exagérer plus les choses, parce qu’au début du film, c’était trop réaliste : quand la femme se mettait à fantasmer, les manettes qu’elle manipulait étaient des pénis. Il m’a suggéré de les transformer, dans leur couleur et dans leur forme, et de les faire terminer par des poignées rouges. Soudainement, cette idée a pris du sens et marchait beaucoup mieux dans le film car elle avait une connexion avec la conduite du personnage féminin.

Votre apprentissage se poursuit-il encore dans vos films ?

M.P. : J’ai tellement d’enfants, pourtant, je ne me souviens pas de chacun d’entre eux ! On apprend toujours de film en film. Personnellement, je n’ai toujours pas appris à faire de grands mouvements et des actions compliquées, comme des courses poursuites. Dans mes scénarios, je préfère ôter toute action, c’est plus simple ! Je privilégie la simplicité pour montrer visuellement les pensées de mes personnages, surtout quand mes films ne comportent pas de dialogue, mais ce n’est pas toujours facile de trouver la bonne traduction.

Votre désir d’animation est-il resté le même depuis vos débuts ?

M.P. : Je constate un grand changement depuis que j’ai commencé. Une fois mes études terminées, c’était facile de poursuivre en animation. C’était une époque socialiste où les films n’étaient pas encore considérés comme des produits dans notre pays. Nous avions de grands studios de productions de courts et de documentaires, les films étaient financés par l’Etat, et nous n’avions pas à penser aux producteurs et aux distributeurs qui ne pouvaient pas vendre nos belles idées. Nos films, documentaires comme animés, pouvaient se permettre d’être artistiques et ils étaient montrés dans les cinémas, avant les longs métrages. Il y avait une forme de besoin, une forme de motivation à faire des films. Les étudiants pouvaient poursuivre, après leurs films de fin d’études, ils avaient la force de développer leur art. Pendant 3 ou 4 ans, la vie semblait si longue que moi aussi, je pouvais poursuivre. Les films prennent tant de temps que si vous en faites, vous avez besoin de public. Maintenant, j’hésite à consacrer du temps à faire des films que personne ne verra, qui iront dans certains festivals, qui n’auront aucune publicité, qui ne compenseront pas le temps perdu. C’est un peu frustrant. Ce qui me pousse pourtant à poursuivre, c’est que j’aime énormément ça et qu’à côté, je fais aussi de la fiction.

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La République tchèque aide-t-elle suffisamment les gens à faire des films ?

M.P. :Oui, mais ce n’est jamais assez. Si on a de la chance, on reçoit la moitié du budget prévu, mais on doit encore trouver l’autre moitié. C’est très difficile de convaincre les productions parce qu’il n’y a pas de marché. Heureusement, d’anciens étudiants montent des sociétés de productions qui s’entraident pour des séries et des longs métrages composés de courts. Mais si vous voulez faire des courts métrages en solitaire, ça reste très compliqué.

À l’époque, pouviez-vous raconter tout type d’histoire ?

M.P. : Sûrement pas, certaines histoires étaient interdites, comme Obři (“Giant”) auquel mon mari a participé, qui comportait des métaphores politiques très fortes et qui n’est sorti qu’en 1981. Certaines films recevaient des prix à l’étranger mais étaient contrôlés à l’intérieur du pays. Moi, je suis apolitique, je fais des films sur les relations humaines. J’ai terminé l’école quand les choses étaient bien plus faciles.

Propos recueillis par Katia Bayer

Article associé : la critique du film

Consulter la fiche technique du film

Oyez, oyez. Soirée Format Court, le 14 juin prochain

Enfin, l’info. Après la séance Short Screens hier soir, à Bruxelles, Format Court vous propose d’assister à son ultime soirée de courts métrages avant la rentrée de septembre. La p’tite formule demeure inchangée : nous vous invitons à découvrir cinq films courts, repérés en festival, toujours au Studio des Ursulines, et de rencontrer les équipes de films présentes, avant d’échanger autour d’un verre, à quelques pas de la salle.

Programmation

Edmond était un âne de Franck Dion (Animation, 15′, France, 2012, sélectionné au Festival d’Annecy 2012)

Syn. : Edmond n’est pas comme les autres. Petit homme discret, marié à une femme attentionnée et employé efficace, il n’en ressent pas moins pleinement sa différence. Lorsque des collègues, par moquerie, l’affublent d’un bonnet d’âne, il a soudainement la révélation de sa vraie nature… et s’il semble s’épanouir dans sa nouvelle identité, celle-ci creuse toutefois entre lui et les autres un fossé d’incompréhension, qui va s’élargissant jusqu’à devenir infranchissable.

Articles associés : la critique du film, l’interview de Franck Dion

Le Cri du homard de Nicolas Guiot (Fiction, 30′, Belgique, 2012, Grand Prix National du Festival du court métrage de Bruxelles 2012)

Syn. : D’origine russe et installée depuis peu en France avec ses parents, Natalia, six ans, attend impatiemment le retour de son frère, Boris, parti combattre en Tchétchénie. Le grand jour est arrivé, mais la fillette doit rapidement déchanter. Cet homme est-il vraiment le frère qu’elle a connu ?

Body Memory de Ülo Pikkov (Animation, 9′, 2011, Estonie. Prix du Meilleur Film d’Animation au Festival de Clermont-Ferrand 2012)

Syn. : Notre corps se souvient de plus de choses que ce que nous imaginons, notre corps se souvient également des peines et tristesses de nos ascendances. Notre corps garde en lui la mémoire et les histoires de nos parents, grands-parents et de leurs ancêtres. Mais jusqu’où peut aller la mémoire de nos corps ?

Wrong Cops de Quentin Dupieux (Fiction, 13′, 2012, France, sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs 2012)

Syn. : Duke, un flic corrompu et mélomane, patrouille dans les rues de Los Angeles, musique à fond et fait la rencontre d’un jeune amateur de techno, David Dolores Frank. Consterné par les goûts musicaux du jeune adolescent, Duke s’investit d’une mission : lui donner une bonne leçon de musique.

L’oeil du paon de Gerlando Infuso (Animation, 13′, 2010, Belgique, Prix du Jury au Festival International du Film Francophone de Namur 2011)

Syn. : Sibylle chasseresse, artiste en fin de parcours, se met en quête du dernier coup de pinceau….

Infos pratiques

Jeudi 14 juin, 20h30
Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
PAF : 6 €

Pour accéder au cinéma : BUS : 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon).
RER : Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Epée).
Métro le plus proche : Ligne 7 (Censier Daubenton), en marchant un peu…

Réservations souhaitées : info@formatcourt.com

Evenement Facebook : par ici

Ernesto Oña : « La Collection Canal + a été pour moi, comme une expérimentation, un travail sur un nouveau format »

Ernesto Oña fait partie des huit réalisateurs sélectionnés dernièrement pour participer à la Collection Canal +. Son film, « La dette » , un film léger abordant le thème plus général et sérieux de la dette mondiale, raconte l’histoire de Yasmine, interprétée par l’actrice Sabrina Ouazani, qui décide de prendre les choses en main lorsque son petit ami annule leur week-end en amoureux à cause d’une dette qu’il doit rembourser à Merguez, un dealer du quartier.

S’il se considère comme novice en matière de court métrage, Ernesto Oña n’est pas pour autant un débutant à la réalisation, ayant déjà écrit et réalisé de nombreux films pour la télévision. Nous l’avons rencontré à Cannes où son film était projeté en séance spéciale à la Semaine de la critique afin qu’il nous parle non seulement de son expérience au sein de la Collection, mais également de sa manière de travailler en général et de sa définition de la citoyenneté.

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Pourquoi Sabrina Ouazani ?

Tout simplement parce que je la connais. J’aime beaucoup ce qu’elle est, ce qu’elle fait. J’avais déjà travaillé avec elle sur un téléfilm et j’ai d’autres projets avec elle. En fait, je ne connaissais pas du tout le milieu du court métrage, et encore moins la Collection Canal + avant ce film. C’est la productrice de La Parisienne d’Images – avec qui j’ai fait une trilogie pour Canal + en 2007/2008 – qui m’a informé de ce projet. Elle m’a fait remarquer que Sabrina faisait partie des personnalités participant à la Collection et comme elle sait que je l’apprécie, elle m’a demandé si j’avais une idée à proposer pour elle.

Dans ton film, il semble que les origines soient importantes puisque tous les personnages ou presque sont magrébins. Par conséquent, tu avais pensé particulièrement à elle pour interpréter ce rôle plutôt qu’à une autre des personnalités féminines participant à La Collection ?

En fait, non. Ce rôle aurait pu être joué par n’importe qui. J’aurais très bien pu le proposer à Claudia Tagbo mais il s’avère que j’aime bien Sabrina Ouazani. Ses origines ne représentent rien dans mon choix, tout comme celui de Hassen Bouhadane, le comédien qui l’accompagne d’ailleurs. En réalité, ce sont tous les deux des acteurs que je connais.

On constate effectivement l’idée d’un film fait « en famille » puisque la plupart des comédiens sont issus de l’agence Agent Agitateur à laquelle tu es lié, toi aussi. C’est une habitude pour toi de travailler avec des gens que tu connais ou qui sont dans un entourage proche ?

Oui c’est quelque chose de constant chez moi. Ce n’est pas que je sois d’une grande fidélité, mais je me sens toujours mieux en travaillant avec des gens que je connais et avec qui je partage autre chose que l’expérience d’un plateau. Je tisse des liens qui sont toujours au-delà de ce qu’on appelle les liens professionnels. Dans la réalité, ces personnes avec qui je travaille, font partie de ma vie de tous les jours. Je sais que ça peut générer parfois des déceptions ou des tensions, mais je n’arrive pas trop à dissocier les deux choses. Je privilégie les personnes avec qui je m’entends humainement plutôt que des personnes excessivement compétentes. Mon agent est un très bon ami et nous partageons beaucoup de choses ensemble. Certes, c’est aussi un collaborateur professionnel, mais c’est cette amitié qui fait que je lui fais entièrement confiance.

Puisque tu connaissais déjà la comédienne, Sabrina Ouazani est-elle entrée dans le processus d’écriture du scénario ?

Non, j’ai écrit seul, en amont. Je ne travaille pas avec les acteurs, sauf dans les cas rares comme par exemple, un engagement établi avec une production sur une lecture.

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Comment se passe le choix des scénarios pour la Collection ?

En fait, il y a une présélection. Sabrina m’a dit qu’elle avait reçu 45 projets écrits pour elle. Seulement cinq lui avaient été envoyés, après la première sélection faite par Canal +. Puis, c’est elle qui a choisi parmi les cinq derniers de la liste. Évidemment, elle me connait, mais elle a rencontré tout le monde et a discuté avec chacun. Quand j’ai appris que je faisais partie des cinq derniers, j’étais déjà en contact avec elle pour un autre projet qu’on développe ensemble. Par conséquent, je lui ai fait comprendre qu’elle devait être à l’aise avec son choix. Pour moi, réaliser un court métrage dans le cadre de la Collection était vraiment une parenthèse.

Parle-nous de ton rapport au court métrage.

J’en ai réalisé quelques-uns, mais finalement pas tant que ça. Avec la Collection, ça a été comme une expérimentation, un travail sur un nouveau format. Nous avons tourné « La dette » en décembre car Sabrina était prise par d’autres projets et tout a été très rapide. En effet, nous n’avons eu que deux jours pour le tournage et j’ai trouvé ça extrêmement frustrant. Je suis conscient que le temps de fabrication d’un film va avec l’économie qui l’accompagne et qu’en ce qui concerne le milieu du court métrage, ce n’est pas évident, mais là, on a clairement manqué de temps.

On imagine que le thème de la Collection Canal + de cette année 2011/12 – la citoyenneté – t’a suffisamment intéressé et attiré pour néanmoins te lancer dans l’aventure « précaire » du court métrage.

Oui, bien sûr. Ça me parlait et m’attirait. Au même titre que de nombreux sujets m’intéressent, dès qu’il y a une connotation politique ou un certain engagement, je suis preneur.

Fréquemment, la Collection Canal + propose un thème lié à l’actualité : cette année, c’était « La Collection donne la voi(e)x « , il y a deux ans, nous avions « La Collection pique sa crise ». On osera dire que ces courts métrages sont inscrits dans une certaine temporalité. Qu’en penses-tu ?

Les films que j’essaie de faire s’inscrivent toujours dans un temps, une époque, dans quelque chose que l’on vit à un moment donné. Cependant, je ne crois pas vraiment à une temporalité ou à une intemporalité d’un film. Par exemple, je ne suis pas persuadé que « La dette » ne soit pas d’actualité dans cinq ou dix ans. Je dirais même que ça ne m’étonnerait pas qu’il le soit ! La dette est apparue récemment dans l’actualité des Européens et on vit dans cette problématique dont on n’est pas prêt de sortir. Un film est toujours un instantané et porte l’odeur d’une époque. En même temps, il existe aussi toujours une sorte d’intemporalité. Pour le film de « La dette », je me suis inspiré d’un conte oriental très ancien, d’où l’idée d’intemporalité, que j’ai transposé à notre époque avec les problèmes actuels des banques, ce qui en fait son instantanéité.

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Dans ton film, on constate que le personnage féminin se rebelle face aux hommes et à leurs problèmes de dette. Comment expliques-tu cela ?

Souvent la femme est celle qui dit « stop » ou qui pousse à l’émancipation. Et de tout temps, on remarque que la femme a toujours dû plus lutter que l’homme pour défendre ses droits et pour exister socialement. Par conséquent, ce n’est pas étonnant que lorsqu’il y a une révolte ou des situations bloquées, des femmes soient présentes en tant que leaders. Concernant la dette, je sais qu’en Espagne ou en Grèce, des femmes connues ont été là et sont encore là, avec des mouvements émancipateurs. Et ça a été la même chose durant le Printemps arabe : c’est parce que les femmes ont l’habitude de lutter dans leur existence de tous les jours qu’elles sont au premier rang des crises et des révoltes. Et pourtant, je ne pense pas me tromper en disant qu’il n’y a pas une seule femme à la tête d’une banque mondiale. Si on prend a contrario l’exemple de l’Islande où les femmes sont très actives dans la vie sociale et professionnelle, c’est un pays qui a réussi à sortir de la dette justement.

Quelle est ta définition du citoyen ?

Être citoyen, c’est être gouverné et gouverner. Malheureusement, c’est souvent la première idée. Pourtant, selon moi, quand il n’y a pas les deux, ça ne peut pas fonctionner ou tout du moins, ce n’est pas ce qu’on peut appeler une démocratie. Par conséquent, les frustrations viennent du fait qu’on ne peut pas participer de façon active aux décisions qui sont établies.

Le citoyen n’y participe jamais de manière réellement active à ce qu’on appelle pompeusement la diversité. Au moment de voter, on fait confiance à notre clairvoyance et à l’éducation que nous avons reçue de la société pour juger un homme et son devenir. Et c’est le seul moment où il y a une participation active en tant que citoyen, même si l’action ne dure que quelques secondes. Aujourd’hui, descendre dans la rue ne sert plus à rien et les gens en sont d’ailleurs frustrés car ils vivent dans une incapacité d’action et dans l’impossibilité de prendre une décision. « La dette » parle de ça : d’une femme qui se retrouve au cœur d’une décision.

Penses-tu qu’à travers ta propre définition du citoyen dans ce film, tu peux réussir à faire passer un message, à faire évoluer les choses ?

En tant que cinéaste, on a bien entendu une parole, mais de là à dire que ça va faire changer les choses, j’en doute ! Disons que les réalisateurs, quels qu’ils soient, contribuent à une certaine diffusion de parole. Malheureusement, un artiste tout comme un citoyen n’a aujourd’hui que très peu d’emprise sur le monde qui l’entoure. Et moi, je suis comme tout le monde !

Propos recueillis par Camille Monin

Lorsque la Collection prend la voi(e)x de Cannes

Dix ans maintenant que Canal +, grâce au dynamisme de Pascale Faure et Brigitte Pardo, met le court métrage sur le devant de la scène à travers la Collection Canal+. Pour ceux qui ne connaissent pas (encore) ladite Collection, on résumera son concept de la manière suivante : chaque année, aux alentours du mois de juin, une dizaine de personnalités, acteurs, chanteurs, animateurs, sportifs, etc… se prêtent au jeu de la comédie le temps d’un court métrage qui aura été écrit spécialement pour eux, avec une « ligne éditoriale » à suivre. Depuis quelques années, force est de constater que la Collection se veut engagée ou tout du moins, teintée de l’actualité. Ainsi, en 2009, la Collection « piquait sa crise » et cette année, élections présidentielles obligent, elle « donnait la voi(e)x ».

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Au moment du Festival de Cannes, Canal + a à nouveau présenté le crû de sa dernière Collection dans le cadre de la Semaine de la Critique à l’Espace Miramar. Cette année 2012 a néanmoins fait preuve d’exception puisque les huit films courts avaient été projetés en avant-première, lors du dernier Festival de Clermont-Ferrand, de sorte à s’insérer dans l’actualité de la campagne électorale puisque chaque réalisateur avait pour « devoir » de proposer une (sa) vision de la citoyenneté. Pour les absents de Clermont, les films étaient à nouveau projetés à Cannes la semaine dernière, après un cocktail ensoleillé sur la Terrasse Fuji où Gaspard Proust, discret, sirotait une eau gazeuse avec Julien Courbey face à Claudia Tagbo bien plus hilare, comme à son habitude.

2012, ou plus exactement 2011 (année de production des films), est ce qu’on appellera un crû pas trop mauvais. En effet, aussi connue est la Collection au sein du milieu du court métrage, aussi fréquent est l’écho peu mémorable de ses films. Sans vouloir excuser ces derniers, on notera tout de même que les films en question sont censés être fabriqués en un temps record, d’où un choix de couple producteur/réalisateur confirmé effectué afin de mener à bien le défi prévu. Tous les ingrédients de la réussite sont donc censés être réunis (personnes expérimentées devant et derrière la caméra, pré-achat de Canal +, thème intéressant, …), l’urgence dans laquelle sont réalisés ces films étant parfois le challenge le plus difficile à relever.

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Au résultat, cette nouvelle Collection est plutôt agréable à regarder. Les huit réalisateurs pointent du doigt des aspects de la société qui les choquent, en adoptant néanmoins un ton très souvent léger, parfois candide, en tout cas, cartésien et passionné, de sorte que les films relèvent de l’ordre du divertissement. Concrètement, ce pot pourri révèle un Jean-Marc Barr faisant office de sondeur sur le boulevard de Belleville pour « Boulevard Movie », le faux documentaire de Lucía Sanchez, un Yann Barthès dont les mains prennent parti malgré lui dans la comédie loufoque « Arthur Flèche » de Samuel Hercule, une Sabrina Ouazani qui fait le choix du changement pour Ernesto Oña dans « La dette », une Linh-Dan Pham, ensanglantée et amoureuse de la différence dans « Zombie chéri » de Jérôme Genevray, un Gaspard Proust raciste envers les Britanniques dans le décalé « Fuck UK » de Benoît Forgeard, un Gaëtan Roussel touchant, à la recherche d’un SDF disparu dans « Ernest (45) » de Céline Savoldelli, une Claudia Tagbo intransigeante, responsable de l’immigration entre Rive Droite et Rive Gauche pour le « Schengen » d’Annarita Zambrano et enfin, une Zazie muette et vigoureuse allant épouser l’homme qu’elle aime en prison dans « Mon p’tit bouquet » de Stéphane Mercurio.

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Chacun y trouve bien entendu son compte selon son affection cinématographique et son degré d’engagement dans la citoyenneté, mais on osera tout de même dire que certains binômes acteurs/réalisateurs fonctionnent mieux que d’autres, comme par exemple celui formé par Gaspard Proust et Benoît Forgeard. Effectivement, l’univers barré des deux personnages, allié à leur arrogance naturelle donne naissance à un film à l’humour finalement « so british ». Quant au duo Sabrina Ouazani/Ernesto Oña, il est si instinctif qu’on en vient à se demander qui dirige qui. Idem pour le couple Gaëtan Roussel/Céline Savoldelli. Cette dernière a su rendre touchant le chanteur qui, pourtant, n’a rien d’un acteur (il l’avoue d’ailleurs lui-même), et ceci malgré les longueurs/langueurs du film. Quant à Samuel Hercule, il a, pour sa part, réussi à transposer l’animateur cynique du Petit Journal en une version masculine d’Amélie Poulain.

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Dans les semaines à venir, on se décidera à attendre avec plus ou moins de curiosité le crû 2012/ 2013 ou à tenter sa chance « d’écrire pour… » en se ruant sur le site de la chaîne Canal + dès le 11 juin prochain, pour connaître la liste des nouvelles personnalités qui auront accepté de se plier aux règles de la fameuse Collection.

Camille Monin

Article associé : l’interview de Ernesto Oña, réalisateur de « La dette »

Cannes, news 11 : Rediffusion des courts métrages sélectionnés en compétition au Festival de Cannes 2012

Ce jeudi 31 mai à 20h30, le Cinéma du Panthéon vous propose d’assister à la reprise des courts métrages sélectionnés en compétition au Festival de Cannes 2012, en présence de réalisateurs et des membres du jury.

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Infos pratiques

Jeudi 31 mai à 20h30
Cinéma du Panthéon  – 13 rue Victor Cousin 75005 Paris

Tarif unique : 5 Euros.

Projection suivie d’un verre au Salon du Panthéon.

Renseignements : 01 40 46 01 21 / www.cinemadupantheon.fr

Wrong Cops de Quentin Dupieux

En compétition à la Quinzaine des Réalisateurs, le court métrage Wrongs Cops de Quentin Dupieux – premier chapitre d’une série de six petits films sur la police américaine – révèle un Marilyn Manson surprenant et livre une critique désopilante d’une Amérique en quête de sens.

L’entrée en matière de Wrongs Cops rappelle à bien des égards la scène d’ouverture de Rubber, sorti en 2010 : une bande son électro martelée, un montage nerveux, une photographie lumineuse et volontairement surexposée, un flic véreux, des contre-plongées dévoilant les palmiers de la Californie. L’excès est annoncé de manière évidente dès le générique, l’humour aussi. L’intrigue tient en une ligne : l’officier Duke, interprété par Mark Burnham, revend dans la rue de la marijuana dissimulée dans des rats morts. Un jour, il croise la route d’un mélomane, fan de techno, au nom évocateur : David Dolores Frank. Ce dernier, interprété par un Marilyn Manson métamorphosé, est la victime désignée de l’officier qui le contraint à le suivre chez lui, avec le curieux dessein de lui apprendre ce qu’est la vraie musique.

Critique à la fois âpre et légère d’une certaine Amérique, le film met en scène un flic qui ne respecte rien ni personne, qui mâche sans arrêt du chewing-gum, qui fait des deals avec des jeunes de 13 ans, et qui occupe ses journées à faire des rondes dans un quartier résidentiel de Californie, à la recherche de proies faciles. La violence humoristique du film est amenée par les nombreux zoom avant et zoom arrière que Quentin Dupieux manie habilement. Ces mouvements de caméra installent un malaise physique chez le spectateur. Ces effets rappellent également le clip musical que le réalisateur connaît bien : cette esthétique de la nervosité permet à la fois de rendre efficace le récit (notamment dans la scène d’échange des rats contre de l’argent) mais aussi d’annoncer le malaise que provoque la rencontre entre deux êtres visiblement limités.

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L’humiliation est au centre du film. Le premier échange entre les deux protagonistes est de ce point de vue évocateur. Le champ contre champ provocateur qui révèle un échange inégal (le flic ne fait que poser des questions – « qu’est-ce que tu fais là ? Qu’est-ce que tu attends ? Tu tapines ? » – tandis que David Dolorès bredouille tant bien que mal quelque chose) est le reflet parfait d’une méfiance typiquement américaine. A cela, vient s’ajouter évidemment l’ennui profond du flic qui a besoin d’un plus petit que lui pour exulter. Exulter, c’est le mot : à l’intérieur de sa chambre aux allures adolescentes, le flic contraint l’ado à écouter ce qu’il considère comme étant la « vraie » musique, une sorte de soupe auditive qui excite l’homme de loi, désormais affublé d’un caleçon. Le cadre de la caméra demeure stable en position de témoin comme pour mieux montrer l’état extatique et ridicule dans lequel se met le flic qui simule, à l’écoute de sa musique, l’acte sexuel à plusieurs reprises. Drôle de programme que nous réserve Dupieux dans cette scène surréaliste. Après une telle séquence, il est dommage que le film glisse petit à petit vers un autre genre, celui du sitcom comique, lorsque le flic tue par erreur l’un de ses voisins et reprend sa voiture dans l’espoir de se débarrasser du corps, au son de sa techno préférée. La chute aurait méritée d’être plus soignée pour nous donner envie de suivre encore et toujours les personnages tordus que Dupieux prend plaisir à croquer.

Dounia Georgeon

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W comme Wrong Cops

Fiche technique

Synopsis : Duke, un flic corrompu et mélomane, patrouille dans les rues de Los Angeles, musique à fond et fait la rencontre d’un jeune amateur de techno, David Dolores Frank. Consterné par les goûts musicaux du jeune adolescent, Duke s’investit d’une mission : lui donner une bonne leçon de musique.

Genre : Fiction

Durée : 13’

Pays : France

Réalisation : Quentin Dupieux

Année : 2012

Scénario : Quentin Dupieux

Image : Quentin Dupieux

Son : Zsolt Magyar

Décor : Joan Le Boru

Montage : Quentin Dupieux

Musique : Quentin Dupieux

Interprétation : Mark Burnham, Marilyn Manson, Grace Zabriskie, Eddie Tapia, Daniel Quinn, Roxane Mesquida

Production : Realitism Films

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Cannes, news 10 : la Palme d’Or du court métrage attribuée à « Sessiz-Be Deng » (Silencieux) de Rezan Yessilbas

Le Jury des courts métrages de Cannes, identique à celui de la Cinéfondation, composé, rappelons-le, de Jean-Pierre Dardenne, de Arsinée Khanjian, de Karim Aïnouz, d’Emmanuel Carrère et de Yu Lik-wai, a désigné hier la Palme d’Or du court métrage à « Sessiz-Be Deng » (Silencieux), un très beau film turc, tout en silences et en regards, de Rezan Yessilbas.

Synopis : L’année 1984 à Diyarbakir. Zeynep, mère de trois enfants, veut visiter son mari en prison. Elle ne parle que kurde, sa langue maternelle, mais en prison, celle-ci est strictement interdite. Sans l’usage du turc, elle est dans l’impossibilité de prononcer même un seul mot. Sa frustration augmente lorsqu’on lui interdit aussi d’apporter une nouvelle paire de chaussure pour son mari.

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Julie Bertuccelli. La grâce et temps suspendu d’un film élu, « The Curse »

Si à un moment donné, l’opérateur SFR remettait un prix du court métrage à la Quinzaine des Réalisateurs, c’est désormais sur son remplaçant torréfacteur, illycafè, qu’il faut compter pour cela. Vendredi soir, durant la clôture de la Quinzaine, le film de Fyzal Boulifa, « The Curse » a ainsi obtenu le tout premier prix illy du court métrage tandis que « Os Vivos Tambem Choram » (Les vivants pleurent aussi) de Basil da Cunha récupérait, pour sa part, une Mention Spéciale. Retenue à Paris, la Présidente du Jury illy, Julie Bertuccelli (« L’arbre », « Depuis qu’Otar est parti… ») a répondu par téléphone à nos questions sur le film élu et sur son propre lien au court.

© Le Pacte

Format Court : Le court métrage est-il un format qui vous intéresse habituellement ?

Julie Bertuccelli : Pas vraiment. À la base, je ne suis pas une fanatique du court. Souvent, en court métrage, on sent l’aspect très formaté, exagéré, l’univers de genre, le côté fragile du premier film, la volonté de faire une histoire à chutes. Je me sens extérieure à ça, et pourtant, j’ai accepté de présider ce jury et j’ai trouvé  des qualités aux courts métrages de la Quinzaine.

Qu’est-ce qui vous a plu dans « The Curse », le film lauréat de Fyzal Boulifa ?

J.B. : J’y ai trouvé un temps, une manière de filmer, une situation et des personnages à part. L’univers, la rudesse du décor, le pays filmé m’ont touché, de même que le contexte culturel. Les plans sont très beaux, l’idée est très forte, et les enfants sont très bien dirigés. Le réalisateur a très bien retranscrit le temps suspendu, l’ennui et l’abandon des enfants, la condition de la femme et le fantasme de l’ailleurs. Une grâce se dégage de ce court, à mes yeux, il sort complètement du lot.

On sent un cinéaste derrière  « The Curse ». Il n’y a jamais de choses en trop, les métaphores ne sont pas trop appuyées. Beaucoup d’éléments passent par les regards, les non-dits. Le film ne dure pas longtemps, pourtant on sent que le réalisateur a pris son temps. L’histoire pourrait se poursuivre, mais il n’en est rien : le film a sa propre durée.

« Os Vivos Tambem Choram » (Les vivants pleurent aussi) de Basil da Cunha, à qui nous avons attribué une mention, nous a fait hésiter pour son aspect onirique, ses personnages forts, ses acteurs formidables et très justes. Mais « The Curse » ne nous lâchait pas, nous apparaissant comme un bijou. Je n’aurais absolument rien enlevé à ce film, c’est un réel coup de coeur.

Seriez-vous tentée de vous mettre désormais au court ?

J.B. : J’ai fait des documentaires très courts, j’ai travaillé sur des moyens métrages, comme « Madame Jacques sur la Croisette » d’Emmanuel Finkiel qui était en réalité un bout de film, mais je n’ai jamais eu d’idée ou de désir de court métrage. C’est déjà tellement douloureux de faire un long métrage que je préfère ne pas faire de court. Mais oui, cette expérience m’a un peu réconciliée avec le court métrage. Personnellement, je viens d’une veine délicate, naturaliste, intimiste. Les univers et les décors forts m’intéressent, l’intime aussi. Quand je trouve cela dans les films, courts ou longs, je rentre complètement dedans.

Propos recueillis par Katia Bayer

Articles associés : la critique de « The Curse » de Fyzal Boulifa, l’interview de Fyzal Boulifa

Cannes, news 9 : les lauréats de la Cinéfondation

La Cinéfondation, section réservée aux films d’écoles, a elle aussi son palmarès. Le Jury composé de Jean-Pierre Dardenne, de Arsinée Khanjian, de Karim Aïnouz, d’Emmanuel Carrère et de Yu Lik-wai, a associé les trois films suivants aux trois prix prévus.

Premier prix : Doroga Na (En chemin) de Taisia Igumentseva (Russie), d’une valeur de 15000€ et d’une promesse de sélection au Festival de Cannes pour un futur long métrage

Synopsis : Sergueï travaille comme vendeur dans le secteur des articles insolites. Sa vie ressemble à des millions d’autres, jusqu’à ce que la nuit tombe sur la ville.

Deuxième prix : Abigail de Matthew James Reilly (États-Unis), d’une valeur de 11250€

Synopsis : À la fin de ce qu’elle espère être sa dernière journée de travail, une jeune pompiste essaie de quitter la ville pour toujours. On découvre peu à peu des détails fragmentaires de sa vie alors qu’elle arpente cette friche en plein délabrement qu’on appelle chez-soi.

Troisième prix : Los Anfitriones de Miguel Angel Moulet  (Cuba), d’une valeur de 7500€

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Synopsis : Félix, 65 ans, s’occupe des cochons dans une porcherie du village. Josefina, son épouse, est à l’hôpital pour y subir des examens. Félix a un accident presque fatal qui vient perturber sa routine quotidienne. Il s’en remet, et lorsque Josefina revient avec des nouvelles fatidiques ils affrontent le problème de la seule façon possible.

Cannes, news 8 : « The Curse », lauréat du prix illy du court métrage à la Quinzaine des Réalisateurs

Partenaire de la Quinzaine des Réalisateurs depuis plusieurs années, illycafè a attribué hier soir, lors de la soirée de clôture de la section parallèle, le prix illy du court métrage d’une valeur de 2500 euros à « The Curse » de Fyzal Boulifa (Royaume-Uni, Maroc), et une Mention Spéciale à « Os Vivos Tambem Choram » (Les vivants pleurent aussi) de Basil da Cunha (Suisse, Portugal), deux des dix films sélectionnés cette année. Il s’agit d’une première pour la marque, se voulant proche de la jeune création cinématographique.

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Le jury était présidé par la réalisatrice Julie Bertuccelli (« L’arbre », « Depuis qu’Otar est parti… » ) et composé de Carlo Bach (Directeur artistique d’illycaffè), Maureen Loiret (critique cinéma) et Patrick Villacampa (Président de l’association Henri Langlois, producteur). Le jury a vu en « The Curse » »un bijou de sobriété, en force et en profondeur. Un film dense qui, en quelques plans désertiques et aveuglants, dit sans détour le poids et la cruauté des traditions envers les jeunes filles -déshonorées- même dans le regard des enfants », et en « Os Vivos Tambem Choram » »un très beau film mélancolique, ancré sur la solidarité des quartiers portuaires, à l’atmosphère étonnante, surréaliste voire fantasmatique…Ce rêve de partir loin. Loin de la misère et du quotidien ».

Retrouvez la critique de « The Curse », l’interview de Fyzal Boulifaet l’interview de Julie Bertuccelli

Pude ver un puma de Eduardo Williams

Plus grande sera la chute

« J’ai vu une émission TV l’autre jour où l’on montrait la Terre se trouvant sans êtres humains. Comme si la nature reprenait ses droits. Peut-être que c’est des conneries… ». Sitôt prononcé ces paroles, on se rend compte qu’il s’agit d’un présage : un homme tombe par terre, comme si quelque chose l’avait poussé à la rejoindre. Entre la lune et la terre, il y a les villes. Quand une ville s’effondre, ses habitants tombent avec elle.

C’est aux premiers plans que l’on voit s’il y a ou non un cinéaste. Dans « Pude ver un puma », de l’Argentin Eduardo Williams nous tombe du ciel, car dans la sélection des films présentés à la Cinéfondation cette année, on peut réellement parler de mise en scène. Dès le plan d’ouverture, il y a l’indice d’une histoire : la caméra filme la lune, puis se baisse pour montrer les hommes qui habitent en dessous. Nous découvrons, lors d’un très beau mouvement panoramique, un quartier de Buenos Aires où un groupe de jeunes se rassemble pour se raconter des histoires. Passer le temps. La caméra entretient une belle distance, assemblant les groupes tout en soulignant les dispersions, les mouvements autonomes. Dans ce film où chaque personnage déambule seul, bien qu’accompagné, la caméra fait de même : elle laisse partir les corps quand il le faut, s’approche quand elle le sent. Williams Eduardo est peut-être le premier cinéaste à filmer la gravité – sans être grave.

L’histoire du film est simple et ça tombe bien : un groupe de jeunes retourne dans son quartier détruit afin de voir comment la nature reprend sa place. En marchant parmi les décombres, ils se racontent des histoires, les uns plus amusés que les autres. Nul drame, nul sentimentalisme ; ici on s’amuse de la catastrophe. On parle de cellules, de cosmos, d’intestins, de nuages publicitaires ; au fil des pérégrinations dans la poussière, ce sera d’abord la terre, puis l’eau, puis les arbres qui renaîtront des cendres. Et quand il ne restera plus de vestiges de civilisation, les flâneurs se perdront en forêt pour ensuite tomber, littéralement, dans la terre.

Ian Menoyot

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P comme Pude ver un puma

Fiche technique

Synopsis : L’accident mène un groupe de jeunes du haut des toits du quartier, à travers sa destruction, jusqu’au plus profond de la terre.

Genre : Fiction

Durée : 17’

Pays : Argentine

Année : 2011

Réalisation : Eduardo Williams

Scénario : Eduardo Williams

Images : Manuel Bascoy

Décors : Victoria Marotta

Musique : Alex Del Rio, Eduardo Williams

Montage : Eduardo Williams

Interprétation : Nahuel Perez Biscayart, Fernando CONTIGIANI GARCIA, Juan Manuel SOLER, Jerónimo QUEVEDO, Felipe VILLANUEVA

Production : Universidad del Cine

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Cannes, news 7 : Semaine de la Critique, le palmarès du court

Cannes se termine doucement. Les palmarès commencent à tomber. Voici celui de la Semaine de la Critique, côté court.

Prix Découverte Nikon (Jury : João Pedro Rodrigues (président), Danny Lennon (programmateur, Canada), Marianne Khoury (cinéaste, Egypte), Kleber Mendonça Filho (réalisateur, critique et programmateur, Brésil) et Jakub Felcman (programmateur, République Tchèque) : UN DIMANCHE MATIN de Damien Manivel (France)

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Synopsis : Comme chaque dimanche matin, un homme promène son chien dans la banlieue parisienne.

Mention spéciale : O DUPLO de Juliana Rojas (Brésil)

 https://vimeo.com/41953493

Synopsis : Silvia est une jeune institutrice. Un jour, sa classe est interrompue lorsque ses élèves aperçoivent son double de l’autre côté de la rue. Silvia essaye d’ignorer cette apparition, mais cet étrange événement commence à imprégner sa vie quotidienne et, pire encore, à transformer sa personnalité.

Prix Canal+ (Jury : Pascale Faure et Brigitte Pardo) : CIRCLE LINE de Shin Suwon (Corée du Sud)

Synopsis : Sangwoo est un père de famille d’âge moyen. Cachant à sa femme enceinte et sa fille adolescente le fait qu’il a été récemment licencié, il passe ses journées dans le métro. Un jour, il rencontre une mendiante avec un bébé…

Petit Rail d’Or (prix remis à un court métrage de la Semaine de la Critique par un groupe de cheminots cinéphiles): CE N’EST PAS UN FILM DE COW-BOYS de Benjamin Parent (France)

Synopsis : « Le Secret de Brokeback Mountain » est passé hier soir à la télé. Vincent l’a regardé et ça l’a bouleversé. Il profite de la récréation pour raconter de manière touchante et naïve le film à Moussa. Dans les toilettes des filles, Jessica, elle aussi très affectée, pose des questions sur le père homosexuel de Nadia, avec beaucoup de maladresse.

T comme Tram

Fiche technique

Synopsis : Comme chaque matin, les hommes prennent le tramway pour se rendre au travail. Ce jour-là pourtant, au rythme des tickets introduits dans le composteur, le véhicule s’érotise et le désir de la conductrice transforme la réalité en un délire surréaliste et phallique.

Genre : Animation

Durée : 7′

Pays : France, République tchèque

Année : 2012

Réalisation : Michaela Pavlátová

Scénario : Michaela Pavlátová

Image : Michaela Pavlátová

Montage : Michaela Pavlátová, Milos Krejcar

Musique : Petr Marek

Production : Sacrebleu productions, Negative films

Articles associés : la critique du film, l’interview de Michaela Pavlátová

Tram de Michaela Pavlátová

Un tramway nommé désir

Cannes n’est pas le lieu dédié au genre animé, Annecy commençant peu de temps après le festival (début juin). Pourtant, plusieurs courts métrages faisant intervenir le mouvement animé ont fini dans la short list des sélectionneurs cannois. « Le Fleuve Rouge » de Stéphanie Lansaque et François Leroy s’est installé à la Semaine de la Critique, les limaces de « Slug invasion » de Morten Helgeland et Casper Wermuth se sont glissées jusqu’à la Cinéfondation, et « Tram » de Michaela Pavlátová a déboulé, tous freins lâchés, à la Quinzaine des Réalisateurs.

« Tram » est une comédie érotique bien inspirée sur le quotidien d’une conductrice du tram plantureuse, rêveuse et souriante. Chaque matin, elle se rend à l’entrepôt, attrape les manettes de son tramway, règle son miroir, fixe son rouge à lèvres et entame sa journée de travail. Le jour durant, elle transporte des hommes muets, gris et indifférents avec la même patience et la même énergie que la veille et le lendemain. Les nouveaux passagers et les secousses ne manquent pas durant le trajet et un matin, la conductrice se laisse emporter par son imagination, son désir et son excitation. Les sexes des hommes se mettent à dépasser de leurs pantalons et de leurs journaux et à s’infiltrer partout, devenant carrément des manettes personnifiées tandis que les tickets à composter s’introduisent désormais dans le sexe de la conductrice. Le voyeurisme entre en jeu, les joues commencent à rosir, les boutons de l’uniforme obligatoire se mettent à sauter, et l’extase n’est pas bien loin. Au terminus, probablement.

La réalisatrice de ce film, Michaela Pavlátová, n’est pas une inconnue dans le milieu de l’animation. Auteure d’une œuvre prolifique, elle s’est fait repérer avec plusieurs courts dont « Reci, reci, reci » (« Words, words, words »), nominé à l’Oscar en 1991 (rien que ça) et « Le Carnaval des animaux » en 2006. Le premier est une fantaisie pure comme on n’en voit plus beaucoup aujourd’hui, avec une attention particulière accordée à l’humour et au son, le deuxième représente en plusieurs tableaux bon nombre de fantasmes sexuels, et joue à nouveau énormément sur le comique de situation et la profusion de gags.

« Tram » est de cette veine-là. Même si Michaela Pavlátová délaisse la multiplicité des personnages et des sketches, elle revient à ce qui semble caractériser son travail : l’intérêt pour l’humour, l’amour et l’érotisme. Conduit par une petite musique drôle à souhait, signée Petr Marek, fidèle au rythme du film, « Tram » est le film le plus surréaliste et peut-être le moins tabou de la Quinzaine 2012.

Katia Bayer

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Article associé : l’interview de Michaela Pavlátová

The Curse de Fyzal Boulifa

Quelque part au Maghreb, Fatine, jeune femme en âge d’être mariée fait l’amour avec un homme à même le sol, sur un tissu déposé sur la roche en plein « désert ». Avant que celui-ci s’en aille, elle lui fait promettre qu’il reviendra la chercher pour un ailleurs plus confortable. A leur insu, un jeune garçon assiste à la scène.

Filmé de près, quoique pudiquement, avec le strict minimum en terme d’emballage musical, tourné en grande partie dans des décors naturels et avec réalisme, « The Curse », présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, nous raconte avec persuasion une nouvelle histoire sur le thème de l’impasse et de « l’enfer-me-ment ».

Le synopsis établit que Fatine se trouve avec son amant au début du film. Les spectateurs qui choisiront de découvrir « The Curse » sans en connaître le synopsis originel pourront tout aussi bien imaginer que pour Fatine, l’acte sexuel suggéré est une transaction nécessaire, plutôt qu’un désir, pas même un devoir, entre son passeur afin que celui-ci lui permette de se libérer de sa condition, de quitter ce monde, son monde où elle vit en permanence à terre car il lui y est impossible de s’épanouir.

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« The Curse » s’ouvre sur le visage du jeune garçon qui regarde ces deux amants dont on ne capte d’abord que les respirations. Bien que de petite taille, ce jeune garçon baisse la tête car il les regarde depuis une certaine hauteur, discrètement mais aussi sans gêne particulière, en plein jour. Il pourrait tout aussi bien observer deux animaux. Puis, le môme disparaît du champ et nous découvrons Fatine allongée sur le dos qui, elle, regarde le soleil tandis que l’homme à côté d’elle, s’écrase presque face contre terre comme s’il avait honte de leur « union », voire de ses mensonges.

Très vite, on comprend que c’est plus par désespoir ou pour ce qui lui reste d’un certain idéal enfantin que par amour que Fatine commet « l’acte » que l’on devine sacrilège dans sa culture. Pour elle, donner son corps, c’est d’abord tenter de se libérer du désert, du passé, de sa condition. Sauf que le bonheur de Fatine s’engage mal. Fatine se traîne pour exister à même la pierre, elle espère pouvoir s’élever alors que tout, dans le film, va s’ordonner de manière à l’en empêcher.

Si dans la pièce de théâtre Confidences à Allah, adaptée du roman de Saphia Azzedine, il arrive que la jeune Jbara (la comédienne Alice Belaïdi) se prostitue pour l’équivalent d’un Raïbi Jamila (un Yop à boire de création marocaine), au moins parvient-elle à quitter ses montagnes natales et à connaître une relative liberté. Fatine, elle, n’a pas ce recours. Sitôt son « homme » disparu, elle est très vite prise en charge par le jeune garçon qui la suit dans ce pays où la réputation est un organe vital et où il est pratiquement impossible de se cacher (le soleil, adulé dans certains pays, interdit ici toute intimité et tout secret et fait partie de la malédiction). Le jeune garçon, vite rejoint par d’autres garçons et filles, va peu à peu prendre le contrôle de Fatine à qui l’obéissance aurait dû être garantie, du fait de son statut d’aînée.

La domestication progressive de Fatine semble si inévitable, malgré ses résistances, que l’on en vient à douter. « The Curse » raconte-il un mirage ou un rêve ? On se le demande au vu du cumul de coïncidences et de situations qui s’allient pour la rabaisser davantage alors qu’elle tente de tenir tête à ces enfants. Mais s’agit-il vraiment d’enfants ? Là aussi, on a de quoi en douter. Ces enfants, qui la suivent et qui lui rappellent son acte en l’injuriant et en la menaçant de le révéler à qui de droit si elle ne satisfait pas leurs désirs de friandises (Twix, Mars, limonades), ressemblent davantage à des hyènes ou au souvenir d’une foule d’adultes cherchant à lapider une femme déshonorée. « The Curse » nous parle aussi du sort potentiel d’enfants abandonnés dans certaines régions pauvres, des êtres vivant au jour le jour, sans morale, prêts jusqu’à un certain point à faire payer les personnes, trop vulnérables ou qui les délaissent, à l’image de Fatine.

À la fin de « The Curse », il est difficile de savoir si les enfants se font tendres avec Fatine parce qu’elle les a gâtés, moyennant une douceur manuelle à un homme, s’ils sont enfin touchés par son désarroi ou s’ils sont rassurés quant au fait que, désormais, ils la tiennent. Ce qui est sûr, c’est que l’appel à la prière et la proximité de son foyer lui apparaissent encore plus cruels que ce qu’elle vient d’endurer tout au long du film.

Franck Unimon

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