Julie Bertuccelli. La grâce et temps suspendu d’un film élu, « The Curse »

Si à un moment donné, l’opérateur SFR remettait un prix du court métrage à la Quinzaine des Réalisateurs, c’est désormais sur son remplaçant torréfacteur, illycafè, qu’il faut compter pour cela. Vendredi soir, durant la clôture de la Quinzaine, le film de Fyzal Boulifa, « The Curse » a ainsi obtenu le tout premier prix illy du court métrage tandis que « Os Vivos Tambem Choram » (Les vivants pleurent aussi) de Basil da Cunha récupérait, pour sa part, une Mention Spéciale. Retenue à Paris, la Présidente du Jury illy, Julie Bertuccelli (« L’arbre », « Depuis qu’Otar est parti… ») a répondu par téléphone à nos questions sur le film élu et sur son propre lien au court.

© Le Pacte

Format Court : Le court métrage est-il un format qui vous intéresse habituellement ?

Julie Bertuccelli : Pas vraiment. À la base, je ne suis pas une fanatique du court. Souvent, en court métrage, on sent l’aspect très formaté, exagéré, l’univers de genre, le côté fragile du premier film, la volonté de faire une histoire à chutes. Je me sens extérieure à ça, et pourtant, j’ai accepté de présider ce jury et j’ai trouvé  des qualités aux courts métrages de la Quinzaine.

Qu’est-ce qui vous a plu dans « The Curse », le film lauréat de Fyzal Boulifa ?

J.B. : J’y ai trouvé un temps, une manière de filmer, une situation et des personnages à part. L’univers, la rudesse du décor, le pays filmé m’ont touché, de même que le contexte culturel. Les plans sont très beaux, l’idée est très forte, et les enfants sont très bien dirigés. Le réalisateur a très bien retranscrit le temps suspendu, l’ennui et l’abandon des enfants, la condition de la femme et le fantasme de l’ailleurs. Une grâce se dégage de ce court, à mes yeux, il sort complètement du lot.

On sent un cinéaste derrière  « The Curse ». Il n’y a jamais de choses en trop, les métaphores ne sont pas trop appuyées. Beaucoup d’éléments passent par les regards, les non-dits. Le film ne dure pas longtemps, pourtant on sent que le réalisateur a pris son temps. L’histoire pourrait se poursuivre, mais il n’en est rien : le film a sa propre durée.

« Os Vivos Tambem Choram » (Les vivants pleurent aussi) de Basil da Cunha, à qui nous avons attribué une mention, nous a fait hésiter pour son aspect onirique, ses personnages forts, ses acteurs formidables et très justes. Mais « The Curse » ne nous lâchait pas, nous apparaissant comme un bijou. Je n’aurais absolument rien enlevé à ce film, c’est un réel coup de coeur.

Seriez-vous tentée de vous mettre désormais au court ?

J.B. : J’ai fait des documentaires très courts, j’ai travaillé sur des moyens métrages, comme « Madame Jacques sur la Croisette » d’Emmanuel Finkiel qui était en réalité un bout de film, mais je n’ai jamais eu d’idée ou de désir de court métrage. C’est déjà tellement douloureux de faire un long métrage que je préfère ne pas faire de court. Mais oui, cette expérience m’a un peu réconciliée avec le court métrage. Personnellement, je viens d’une veine délicate, naturaliste, intimiste. Les univers et les décors forts m’intéressent, l’intime aussi. Quand je trouve cela dans les films, courts ou longs, je rentre complètement dedans.

Propos recueillis par Katia Bayer

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