Lorsque la Collection prend la voi(e)x de Cannes

Dix ans maintenant que Canal +, grâce au dynamisme de Pascale Faure et Brigitte Pardo, met le court métrage sur le devant de la scène à travers la Collection Canal+. Pour ceux qui ne connaissent pas (encore) ladite Collection, on résumera son concept de la manière suivante : chaque année, aux alentours du mois de juin, une dizaine de personnalités, acteurs, chanteurs, animateurs, sportifs, etc… se prêtent au jeu de la comédie le temps d’un court métrage qui aura été écrit spécialement pour eux, avec une « ligne éditoriale » à suivre. Depuis quelques années, force est de constater que la Collection se veut engagée ou tout du moins, teintée de l’actualité. Ainsi, en 2009, la Collection « piquait sa crise » et cette année, élections présidentielles obligent, elle « donnait la voi(e)x ».

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Au moment du Festival de Cannes, Canal + a à nouveau présenté le crû de sa dernière Collection dans le cadre de la Semaine de la Critique à l’Espace Miramar. Cette année 2012 a néanmoins fait preuve d’exception puisque les huit films courts avaient été projetés en avant-première, lors du dernier Festival de Clermont-Ferrand, de sorte à s’insérer dans l’actualité de la campagne électorale puisque chaque réalisateur avait pour « devoir » de proposer une (sa) vision de la citoyenneté. Pour les absents de Clermont, les films étaient à nouveau projetés à Cannes la semaine dernière, après un cocktail ensoleillé sur la Terrasse Fuji où Gaspard Proust, discret, sirotait une eau gazeuse avec Julien Courbey face à Claudia Tagbo bien plus hilare, comme à son habitude.

2012, ou plus exactement 2011 (année de production des films), est ce qu’on appellera un crû pas trop mauvais. En effet, aussi connue est la Collection au sein du milieu du court métrage, aussi fréquent est l’écho peu mémorable de ses films. Sans vouloir excuser ces derniers, on notera tout de même que les films en question sont censés être fabriqués en un temps record, d’où un choix de couple producteur/réalisateur confirmé effectué afin de mener à bien le défi prévu. Tous les ingrédients de la réussite sont donc censés être réunis (personnes expérimentées devant et derrière la caméra, pré-achat de Canal +, thème intéressant, …), l’urgence dans laquelle sont réalisés ces films étant parfois le challenge le plus difficile à relever.

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Au résultat, cette nouvelle Collection est plutôt agréable à regarder. Les huit réalisateurs pointent du doigt des aspects de la société qui les choquent, en adoptant néanmoins un ton très souvent léger, parfois candide, en tout cas, cartésien et passionné, de sorte que les films relèvent de l’ordre du divertissement. Concrètement, ce pot pourri révèle un Jean-Marc Barr faisant office de sondeur sur le boulevard de Belleville pour « Boulevard Movie », le faux documentaire de Lucía Sanchez, un Yann Barthès dont les mains prennent parti malgré lui dans la comédie loufoque « Arthur Flèche » de Samuel Hercule, une Sabrina Ouazani qui fait le choix du changement pour Ernesto Oña dans « La dette », une Linh-Dan Pham, ensanglantée et amoureuse de la différence dans « Zombie chéri » de Jérôme Genevray, un Gaspard Proust raciste envers les Britanniques dans le décalé « Fuck UK » de Benoît Forgeard, un Gaëtan Roussel touchant, à la recherche d’un SDF disparu dans « Ernest (45) » de Céline Savoldelli, une Claudia Tagbo intransigeante, responsable de l’immigration entre Rive Droite et Rive Gauche pour le « Schengen » d’Annarita Zambrano et enfin, une Zazie muette et vigoureuse allant épouser l’homme qu’elle aime en prison dans « Mon p’tit bouquet » de Stéphane Mercurio.

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Chacun y trouve bien entendu son compte selon son affection cinématographique et son degré d’engagement dans la citoyenneté, mais on osera tout de même dire que certains binômes acteurs/réalisateurs fonctionnent mieux que d’autres, comme par exemple celui formé par Gaspard Proust et Benoît Forgeard. Effectivement, l’univers barré des deux personnages, allié à leur arrogance naturelle donne naissance à un film à l’humour finalement « so british ». Quant au duo Sabrina Ouazani/Ernesto Oña, il est si instinctif qu’on en vient à se demander qui dirige qui. Idem pour le couple Gaëtan Roussel/Céline Savoldelli. Cette dernière a su rendre touchant le chanteur qui, pourtant, n’a rien d’un acteur (il l’avoue d’ailleurs lui-même), et ceci malgré les longueurs/langueurs du film. Quant à Samuel Hercule, il a, pour sa part, réussi à transposer l’animateur cynique du Petit Journal en une version masculine d’Amélie Poulain.

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Dans les semaines à venir, on se décidera à attendre avec plus ou moins de curiosité le crû 2012/ 2013 ou à tenter sa chance « d’écrire pour… » en se ruant sur le site de la chaîne Canal + dès le 11 juin prochain, pour connaître la liste des nouvelles personnalités qui auront accepté de se plier aux règles de la fameuse Collection.

Camille Monin

Article associé : l’interview de Ernesto Oña, réalisateur de « La dette »

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