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Arthur Harari, Prix Format Court au Festival de Brive 2014

En avril dernier, Format Court a décerné un prix lors de la onzième édition des Rencontres du moyen-métrage de Brive au film « Peine perdue » de Arthur Harari. Ce conte d’été moite et solaire avait convaincu notre jury par l’intelligence de sa mise en scène, l’élégance de son écriture et la justesse de ses interprètes. Dans le cadre de ce prix, le film fut projeté en présence de l’équipe (le réalisateur, les comédiens (Lucas Harari, Emilie Brisavoine) et le producteur (Nicolas Anthomé/Bathysphère Productions), le jeudi 10 mai dernier.

L’occasion pour nous de revenir également sur la carrière de son auteur, Arthur Harari, cinéaste plus que prometteur de la jeune génération de réalisateurs français (celle de Justine Triet, Guillaume Brac, Hélier Cisterne).

peine-perdue

Avant « Peine perdue », le jeune cinéaste s’était illustré avec le mémorable « La Main sur la gueule », moyen-métrage qui avait su réunir en son temps tous les suffrages en remportant notamment le Grand Prix du Jury au Festival de Brive en 2007 et le Lutin du Meilleur Court-Métrage en 2008.

Sept ans séparent les deux œuvres, la rage et la violence qui dynamisait « La Main sur la gueule » a laissé place au spleen langoureux et apaisé de « Peine perdue », rappelant que les aléas de la vie et des chemins sinueux qui conduisent un jeune auteur à la réalisation d’un premier long-métrage échouent parfois et laissent quelques stigmates. Mais nous ne sommes pas inquiets : cet été, Arthur Harari réalisera son premier long-métrage intitulé « Diamant Noir » entre la Belgique, la France et l’Inde. Nul doute que la force, l’élégance et l’intelligence qui imprègnent l’écriture et la mise en scène de ses courts-métrages se retrouveront dans ce premier long déjà très attendu.

Marc-Antoine Vaugeois

Retrouvez dans ce dossier spécial :

La critique de « Peine perdue »

L’interview d’Arthur Harari

La critique de « La Main sur la gueule »

Festival de Cannes 2014

Cannes 2014, c’est parti ! Du 14 au 25 mai, l’évènement le plus suivi après la Coupe du Monde accueille pendant dix jours des films, des stars, des anonymes, des pros, des curieux, mais aussi des films, bons et mauvais, courts et longs. Format Court suit le mouvement, embarque ses tongs et son parapluie et vous propose au jour le jour sa couverture du festival, côté courts bien évidemment.

Retrouvez dans ce dossier spécial l’actu de Cannes au jour le jour :

Les critiques

La critique de « Cambodia 2099 » de Davy Chou (Quinzaine des Réalisateurs, France)

La critique de « Leidi » de Simón Mesa Soto, Palme d’or du court métrage (Compétition officielle, Colombie, Royaume-Uni)

– La critique de « Jutra » de Marie-Josée Saint-Pierre (Quinzaine des Réalisateurs, Québec) 

La critique de « Stone Cars » de Reinaldo Marcus Green (Cinéfondation, Afrique du Sud, États-Unis)

La critique de « Petit Frère » de Rémi St-Michel (Semaine de la Critique, Québec)

La critique de « True Love Story  » de Gitanjali Rao (Semaine de la Critique, Inde)

La critique de « Skunk » d’Annie Silverstein (Cinéfondation, États-Unis)

La critique de « Guy Moquet » de Demis Herenger (Quinzaine des Réalisateurs, France)

La critique de « Aïssa » de Clément Tréhin-Lalanne

La critique de « La Contre-allée » de Cécile Ducrocq (Semaine de la Critique, France)

La critique de « En Août » de Jenna Hasse (Quinzaine des Réalisateurs, Suisse)

– La présence des écoles françaises à la Cinéfondation 2014

Les interviews

L’interview de Ron Dyens, producteur – Sacrebleu Productions (Quinzaine des Réalisateurs, Semaine de la Critique, France)

L’interview de Laure Calamy, comédienne de « La Contre-allée » de Cécile Ducrocq (Semaine de la Critique, France)

L’interview de Demis Herenger, réalisateur de « Guy Moquet » (Quinzaine des Réalisateurs, France)

L’interview de Meryll Hardt, réalisatrice de « Une vie radieuse » (Cinéfondation, France)

L’interview de Gitanjali Rao, réalisatrice de « True Love Story » (Semaine de la Critique, Inde)

L’interview de Rémi St-Michel et Eric K. Boulianne, réalisateur, scénariste et comédien de « Petit frère » (Semaine de la Critique, Québec)

–  L’interview de Fabien Gaffez, Coordinateur du comité de sélection des courts métrages à la Semaine de la Critique

Les actus

Concours : 10 places à gagner pour la reprise des courts de la Semaine de la critique à la Cinémathèque française

Concours : 5 places à gagner/Reprise des courts/Quinzaine des Réalisateurs/Forum des images

Deux illustrations de Gitanjali Rao, réalisatrice de « True Love Story », sélectionné à la Semaine de la Critique

– Concours : 20 places à gagner pour la reprise de la Cinéfondation à la Cinémathèque française

Reprise des courts-métrages en compétition à Cannes au Cinéma du Panthéon

– Cannes, les prix des sections parallèles

– Cannes, les prix du court à l’officielle

Cannes 2014, les films sélectionnés à la Cinéfondation

Cannes 2014, les courts métrages en compétition

Quinzaine des Réalisateurs 2014, les courts sélectionnés

Semaine de la Critique 2014, les courts en compétition

Jane Campion, Présidente du Jury du 67e Festival de Cannes

Le Jury 2014 de la Cinéfondation et des Courts métrages

Festival de Cannes 2014

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Retrouvez dans ce dossier spécial l’actu de Cannes au jour le jour :

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La critique de « La Contre-allée » de Cécile Ducrocq (Semaine de la Critique, France)

La critique de « En Août » de Jenna Hasse (Quinzaine des Réalisateurs, Suisse)

– La présence des écoles françaises à la Cinéfondation 2014

Les interviews

L’interview de Ron Dyens, producteur – Sacrebleu Productions (Quinzaine des Réalisateurs, Semaine de la Critique, France)

L’interview de Laure Calamy, comédienne de « La Contre-allée » de Cécile Ducrocq (Semaine de la Critique, France)

L’interview de Demis Herenger, réalisateur de « Guy Moquet » (Quinzaine des Réalisateurs, France)

L’interview de Meryll Hardt, réalisatrice de « Une vie radieuse » (Cinéfondation, France)

L’interview de Gitanjali Rao, réalisatrice de « True Love Story » (Semaine de la Critique, Inde)

L’interview de Rémi St-Michel et Eric K. Boulianne, réalisateur, scénariste et comédien de « Petit frère » (Semaine de la Critique, Québec)

–  L’interview de Fabien Gaffez, Coordinateur du comité de sélection des courts métrages à la Semaine de la Critique

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Concours : 10 places à gagner pour la reprise des courts de la Semaine de la critique à la Cinémathèque française

Concours : 5 places à gagner/Reprise des courts/Quinzaine des Réalisateurs/Forum des images

Deux illustrations de Gitanjali Rao, réalisatrice de « True Love Story », sélectionné à la Semaine de la Critique

– Concours : 20 places à gagner pour la reprise de la Cinéfondation à la Cinémathèque française

Reprise des courts-métrages en compétition à Cannes au Cinéma du Panthéon

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– Cannes, les prix du court à l’officielle

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Le Jury 2014 de la Cinéfondation et des Courts métrages

Carte blanche Autour de Minuit au Nouveau Casino le 18 mai

Réservez votre dimanche 18 mai. La boîte de production Autour de Minuit investit le Nouveau Casino le dimanche 18 mai en soirée pour une projection de 9 courts métrages d’animation décalés et déjantés.

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Programme

Babioles (2010) – Matthieu Auvray

Lonely Bones (2012) – Rosto

Supervenus (2013) – Frédéric Doazan

The Master’s Voice (2013) – Guilheme Marcondes

Sangre de unicornio (2013) – Alberto Vasquez

Beauty (2014) – Rino Stefano Tagliafierro

Una Furtiva Lagrima (2011) – Carlo Vogele

Habana (2013) – Edouard Salier

Logorama (2009) – François Alaux, Hervé de Crécy et Ludovic Houplain

 

Arthur Harari : « Pour moi, le ridicule est un élément essentiel de la dramaturgie, la noblesse d’un personnage est décuplée si sa part de ridicule est intégrée et prise en compte »

En avril dernier, Format Court décernait un prix au film « Peine perdue » d’Arthur Harari lors de la onzième édition du Festival de Brive. Ce conte d’été moite et solaire avait convaincu notre jury par son sens de la dramaturgie, son élégance d’écriture et pour l’intelligence de sa mise en scène. Nous sommes allés à la rencontre de ce jeune réalisateur talentueux qui a accepté de revenir pour nous sur la genèse de son film, sur ses méthodes de travail et sur ses futurs projets.

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Comment es-tu arrivé au cinéma ?

J’ai toujours voulu faire des films. Comme pour mon grand frère (Tom Harari), c’est un désir qui remonte à l’enfance. Notre grand-père était acteur, on a regardé beaucoup de films à partir de nos dix ans. Cette envie était assez naturelle pour nous. On a commencé en bricolant des petits films en Super 8, puis je me suis mis à l’écriture. Tom s’est emparé de la caméra, il s’occupait de l’image. J’ai continué à réaliser des courts-métrages en parallèle de mes études à la fac, et lorsque je me suis rendu compte que seule la réalisation de films m’intéressait, j’ai arrêté d’aller en cours.

Tu écrivais, Tom filmait et votre petit frère, Lucas, s’est vite retrouvé devant la caméra.

Dans nos premiers films, Lucas était une silhouette, une figure qui traversait l’image. Dans « Peine  perdue », il endosse pour la première fois le premier rôle. J’avais réalisé auparavant un essai documentaire en vidéo sur ma relation avec lui, une sorte de diptyque à la Eustache qui s’appelait « Le petit ». C’est comme si je réalisais un portrait de lui à travers mes films et sur plusieurs années, en suivant son évolution.

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« La Main sur la gueule »

« Peine perdue » est ton troisième moyen-métrage, après « Des jours dans la rue » et « La Main sur la gueule » (Prix du Jury à Brive en 2007). Il signe donc ta troisième venue sur le festival. Peux-tu revenir sur la genèse de ce film, qui est un peu particulière ?

« Peine perdue » est en quelque sorte un film de commande, issu de la proposition faite par un producteur et par le chanteur Mehdi Zannad à plusieurs cinéastes de réaliser des films pour chaque chanson d’un de ses albums de musique. J’ai été l’un des premiers à répondre à la commande et j’ai ai soumis rapidement un scénario de court-métrage. Entre temps, le projet a évolué, j’ai écrit un personnage de musicien qui ne correspondait pas vraiment à Mehdi et j’ai fini par proposer le rôle à Bertrand Belin. C’était la première fois que je réalisais un film sans en éprouver l’absolue nécessité. Bien sûr, j’ai investi le projet de désirs et de choses personnelles à mesure que l’on préparait le film et sa réalisation est devenue nécessaire. Seulement, mon désir de filmer était plus serein, moins vital.

Le récit de « Peine perdue » est construit autour d’une scène matricielle, cette scène de concert qui ouvre le film et d’où, par le truchement du regard et des gestes du personnage de Rodolphe, s’organise un jeu de désirs entre plusieurs personnages. Ce qui est surprenant, c’est que tu envisages ensuite la construction de l’intrigue selon les points de vues de chaque protagoniste. Les enjeux du récit et de chaque scène sont ainsi redessinés en permanence.

Je me rends compte aujourd’hui que j’aime partir de situations archétypales qui reposent sur des figures un peu mythologiques pour écrire mes scénarios. L’intérêt pour moi, c’est de creuser à l’intérieur de situations que l’on connaît par cœur (le désir triangulaire, le ressentiment, la haine…) en cherchant à les rendre plus retorses, à les retourner dans tous les sens jusqu’à ce que l’on ne puisse plus discerner clairement les intentions de chacun. J’essaye de représenter cette espèce de vertige entre le désir et la pensée d’un personnage, ce moment où il est pleinement habité par son désir et la manière dont il pense son état.

Ce « vertige », cette balance permanente est inscrite jusque dans le langage. Les personnages usent dans les dialogues de formules, de mots dont ils questionnent le sens et l’origine.

J’aime beaucoup chercher l’étymologie des mots et jouer sur les mots dans la vie de tous les jours. Cela traduit sûrement une tendance naturelle à remettre en cause l’évidence des choses et in fine à leur découvrir un sens caché, ou à leur redonner une certaine noblesse. Les leurres, les pièges du langage ne m’intéressent pas pour concevoir des petits jeux virtuoses mais pour ce qu’ils révèlent de tragique, de déchirant dans la nature humaine.

Tu inventories dans ton film les motifs connus de la drague (la danse, la discussion, la ballade en barque, la sérénade…) en les plaçant à des endroits stratégiques dans la narration, ce qui te donne l’opportunité d’en explorer le sens. Comment envisages-tu l’écriture ?

Renoir disait quelque chose de très juste : on a plus de chances d’aboutir à une vision originale si l’on s’approprie une histoire déjà vue mille fois, si l’on s’empare de motifs et de figures éculés que l’on donne à voir sous un jour nouveau. Je pense que si l’on cherche l’originalité absolue, on se retrouve pris au piège car contraint de surprendre en permanence. De toute manière, on en revient toujours aux archétypes.

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Projet d’affiche – « Peine Perdue » © Lucas Harari

Dans ton film, les acteurs donnent l’impression d’avancer sur un fil tendu, ils font surgir dans leur manière de parler et dans leurs gestes une forme de trivialité qui par moments confine au grotesque. Ce qui est fort, c’est que ces saillies emplissent les scènes de vie et rendent palpable la tension du désir et des enjeux entre les personnages.

C’est quelque chose que je recherche en travaillant avec des acteurs qui n’en sont pas vraiment, au sens où ce n’est pas leur métier, qu’ils n’ont pas de formation. J’ai une attirance pour les interprètes capables de mettre en scène de façon imparfaite, non maîtrisée, ce qu’ils sont dans la vie. Les éléments comiques ou ceux qui relèvent de certains clichés ajoutent à cet aspect trivial, un peu détonnant, notamment dans les premières scènes (les dragues, la danse…). Certains ont même qualifié mon film de « sitcom existentielle », comme si une production AB glissait vers le drame (rires). Pour moi, le ridicule est un élément essentiel de la dramaturgie, la noblesse d’un personnage est décuplée si sa part de ridicule est intégrée et prise en compte. Ce qui m’intéresse au fond, c’est d’envisager chaque élément dans sa totalité et d’essayer de le représenter avec tout ce qu’il charrie de sublime et de grotesque.

Quels sont tes projets pour la suite ?

Je suis actuellement en pleine préparation de mon premier long-métrage qui s’intitule « Diamant Noir ». Le tournage débutera au mois de juillet en Suisse. Nous tournerons entre la Belgique, la Suisse et l’Inde.

Propos recueillis par Marc-Antoine Vaugeois

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Arthur Harari, Prix Format Court au Festival de Brive 2014

En avril dernier, Format Court a décerné un prix lors de la onzième édition des Rencontres du moyen-métrage de Brive au film « Peine perdue » de Arthur Harari. Ce conte d’été moite et solaire avait convaincu notre jury par l’intelligence de sa mise en scène, l’élégance de son écriture et la justesse de ses interprètes. Dans le cadre de ce prix, le film fut projeté en présence de l’équipe (le réalisateur, les comédiens (Lucas Harari, Emilie Brisavoine) et le producteur (Nicolas Anthomé/Bathysphère Productions), le jeudi 10 mai dernier.

L’occasion pour nous de revenir également sur la carrière de son auteur, Arthur Harari, cinéaste plus que prometteur de la jeune génération de réalisateurs français (celle de Justine Triet, Guillaume Brac, Hélier Cisterne).

peine-perdue

Avant « Peine perdue », le jeune cinéaste s’était illustré avec le mémorable « La Main sur la gueule », moyen-métrage qui avait su réunir en son temps tous les suffrages en remportant notamment le Grand Prix du Jury au Festival de Brive en 2007 et le Lutin du Meilleur Court-Métrage en 2008.

Sept ans séparent les deux œuvres, la rage et la violence qui dynamisait « La Main sur la gueule » a laissé place au spleen langoureux et apaisé de « Peine perdue », rappelant que les aléas de la vie et des chemins sinueux qui conduisent un jeune auteur à la réalisation d’un premier long-métrage échouent parfois et laissent quelques stigmates. Mais nous ne sommes pas inquiets : cet été, Arthur Harari réalisera son premier long-métrage intitulé « Diamant Noir » entre la Belgique, la France et l’Inde. Nul doute que la force, l’élégance et l’intelligence qui imprègnent l’écriture et la mise en scène de ses courts-métrages se retrouveront dans ce premier long déjà très attendu.

Marc-Antoine Vaugeois

Retrouvez dans ce dossier spécial :

La critique de « Peine perdue »

L’interview d’Arthur Harari

La critique de « La Main sur la gueule »

P comme Peine perdue

Fiche technique



Synopsis : Une fin d’après-midi au bord d’une rivière, un concert près de l’eau. L’étrange Rodolphe remarque Alex, jeune homme timide qui n’a d’yeux que pour Julia, parisienne en vacances.
Rodolphe entreprend de l’aider, à sa manière.

Genre : Fiction

Durée : 40’

Pays : France

Année : 2013

Réalisation : Arthur Harari

Image : Tom Harari

Scénario : Arthur Harari

Son : Julien Brossier, Gilles Bénardeau, Mélissa Petitjean

Musique : Bertrand Belin

Montage : Laurent Sénéchal

Interprétation : Nicolas Granger, Lucas Harari, Émilie Brisavoine,

Bertrand Belin, Aude Louzé

Production : Bathysphère Productions

Articles associés : la critique du filml’interview d’Arthur Harari

My Rabit Hoppy de Anthony Lucas

Fiction, 3’, Australie, 2008, 3D FILMS

Synopsis : Exposé de Henry à la manière d’un projet d’école au sujet d’un animal familier : un lapin qui va vraiment mal.

Absurde et décalé au possible, My Rabit Hoppy croque en trois minutes l’exposé de deux charmants enfants (ceux du réalisateur) sur leur très, très gros animal de compagnie, Hoppy. Avec ce film, arrivé jusqu’à Cannes en 2008, nos amis aux longues oreilles nous font de l’effet. Beaucoup d’effet.

Katia Bayer

Rappel : Soirée Format Court, ce jeudi 8 mai 2014 !

Format Court vous convie à sa nouvelle séance de courts métrages ce jeudi 8 mai 2014, à 20h30, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). Lors de cette avant-dernière soirée de l’année, venez découvrir quatre films de qualité (dont un tout nouveau Prix Format Court). La projection fera l’objet d’une rencontre avec Sébastien Bailly, Délégué général des Rencontres du moyen-métrage de Brive, Yassine Qnia, Carine May et Mourad Boudaoud (co-réalisateurs de « Molii »), Arthur Harari (réalisateur de « Peine perdue »), Lucas Harari, Emilie Brisavoine, Nicolas Granger (comédiens) et Nicolas Anthomé (producteur/Bathysphère Productions).

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En pratique

► Date, horaire : jeudi 8 mai 2014, à 20h30

► Programmation : ici !

► Durée de la séance : 81’

► Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris

► Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), BUS 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)

 Entrée : 6,50 €

 Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com

N comme Nous, dehors

Fiche technique

Synopsis : Manel, jeune fille de 23 ans, a porté le voile pendant deux ans. Aujourd’hui, elle est sur le point de changer sa vie et de se libérer du hijab qui l’opprime de plus en plus. Manel se cherche, elle est en quête de réponses au cœur d’une société qui a du mal à accepter deux concepts : la liberté et le respect. A travers son histoire, nous rencontrons d’autres femmes de son âge mais aussi d’autres générations. Elles se font par de leurs quêtes, de leurs doutes et des expériences qu’elles ont vécues.

Genre : Documentaire

Durée : 53’

Pays : Algérie

Année : 2013

Réalisation : Bahïa Bencheikh-El-Fegoun, Merieme Achour Bouakkaz

Image : Jean-Marie Delorme

Son : Moncef Taleb, Antoirne Morin

Montage : Pascal Cardeilac , Nadia Benrachid

Production : Allez-Retour Films

Article associé : le reportage Festival Millenium : « Vision jeune »

A comme La Alfombra roja

Fiche technique

Synopsis : En Inde, pas moins de 158 millions de personnes vivent dans l’extrême insalubrité des bidonvilles. Des millions d’enfants jouent autour de déchets, de vaches, de rats et d’excréments. Le bidonville Garib Nagar, dans le quartier de Bandra (Bombay) est la maison de Rubina, une jeune fille de 12 ans qui rêve de devenir actrice et de transformer son bidonville en un endroit propre et habitable.

Genre : Documentaire

Durée : 12’

Pays : Espagne, Inde

Année : 2013

Réalisation : Manuel Fernández, Iosu López

Image : Manuel Fernandez

Son : Antonio Muñoz Soriano

Montage : Rubén Sánchez

Production : Manuel Fernández, Iosu López

Article associé : le reportage Festival Millenium : « Vision jeune »

P comme Le Printemps d’Hana

Fiche technique

Synopsis : Le 11 février 2011, après 18 jours de manifestations populaires, le président égyptien Hosni Moubarak démissionne et décide de remettre le pouvoir entre les mains du conseil suprême des forces armées. Du haut de ses 18 ans, Hana décide de participer activement à ce mouvement révolutionnaire. Elle cherche, avec la grande spontanéité qui la caractérise, un moyen de s’impliquer dans les changements politiques et sociaux de son pays. Elle essaie de faire entendre sa voix auprès de sa famille, au sein d’un nouveau parti politique, dans son groupe d’amis, ou encore dans la rue.

Genre : Documentaire

Durée : 55’

Pays : France

Année : 2013

Réalisation : Sophie Zarifian, Simon Desjobert

Image : Sophie Zarifian, Simon Desjobert

Son : Sophie Zarifian, Simon Desjobert

Montage : Abdelatif Belhaj

Production : L’Atelier Documentaire

Article associé : le reportage Festival Millenium : « Vision jeune »

D comme Democracy Camp

Fiche technique

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Synopsis : Des jeunes adolescents d’un camp égyptien se révoltent contre le règlement de leur propre camp. Ils découvrent que la démocratie est bien plus dure à mettre en place que ce qu’ils imaginaient. À travers ces adolescents, le film explore la prise de conscience politique et sociale vécue par des millions d’enfants.

Genre : Documentaire

Durée : 48’

Pays : Israël

Année : 2012

Réalisation : Ismail Elmokaden, Zahra Mackaoui

Image : Khaled Al-Hammadi, Muayad Alayan, Rafiq Omrani, Sarah Sea

Son : Sondos Al-Hammadi, Tariq Elayyan, Abeer Abdel Halim, Bassam Yaqout

Montage : Mouthanna Al-Sayegh

Production : Ahmad Bahaa El-Din, Dominique Young

Article associé : le reportage Festival Millenium : « Vision jeune »

Festival Millenium : « Vision jeune »

« Les libertés ne se donnent pas, elles s’arrachent »

Au festival Millenium cette année, une place toute particulière était accordée à la jeunesse avec une compétition « Vision jeune » dans laquelle un jury composé de 30 jeunes issus de quatre coins de la Belgique, âgés de 15 à 25 ans a remis un Prix au long métrage « Armadillo » de Janus Metz, lors de la soirée de clôture du 11 avril dernier. Parmi les films sélectionnés, on retrouve aussi deux courts et deux moyens métrages traitant différemment de la nécessité d’acquérir une liberté individuelle et/ou collective.

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Depuis la nuit des temps, le concept de liberté s’apparente à l’âme humaine. Et si comme le dit le proverbe, « la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres », encore faut-il qu’il y ait liberté. Ismail Elmokaden et Zahra Mackaoui ont réalisé « Democracy Camp », un film présentant une jeunesse arabe qui tente de s’approprier des moyens menant à l’affirmation de soi. Dans le sillage des révolutions arabes, 60 jeunes adolescents originaires d’Egypte, du Yémen, de Tunisie ou encore de Cisjordanie ont décidé de participer à un camp d’été dans un hôtel 4 étoiles, situé en bord de mer. Le but y est d’utiliser diverses techniques qui permettent l’expression de soi (théâtre, multimédia, sport…).

Les images du lieu évoquant davantage le Club Med contrastent grandement avec celles récoltées par les médias dans les rues de Tunis et du Caire, six mois plus tôt. Qu’à cela ne tienne, la caméra observatrice des réalisateurs suit Moustafa, Rahma, Hamza et Anmar dans leur volonté de s’affranchir des règles du camp qu’ils considèrent trop strictes. Leur révolution, loin d’être facile à mettre en place, aura des conséquences profondes sur leur façon d’appréhender le monde, une fois rentrés chez eux. Malgré sa réalisation parfois confuse et sa mise en scène quelque peu chaotique, à l’image même de toute révolution finalement, « Democracy Camp » a le mérite de mettre en lumière les influences d’une réalité historique sur une jeunesse arabe avide de démocratie.

Dans la continuité des révolutions arabes, « Le Printemps d’Hana » suit une activiste égyptienne dans les rues du Caire. Hana, 18 ans, a été fort interpellée par les bouleversements qui ont suivi la chute de Hosni Moubarak en janvier 2011; mais pour elle, cela ne suffit pas, la révolution doit continuer jusqu’à ce que la voix du peuple se fasse vraiment entendre, jusqu’à ce que la démocratie arrive réellement au gouvernement. Dans sa quête de justice, la jeune Egyptienne participe à des manifestations, crée un journal avec des amis visant à offrir un espace où chacun est libre de s’exprimer et de donner son avis. Loin des clichés habituels sur les jeunes, le film de Sophie Zarifian et de Simon Desjobert montre au contraire une jeunesse qui en veut, qui n’hésite pas à descendre dans la rue pour revendiquer ses droits. Un peu plus convaincant que d’autres reportages sur le sujet, « Le Printemps d’Hana » montre, à travers les yeux d’une jeune fille révolutionnaire, une société égyptienne complexe, une société post-Moubarack qui se retrouve face à ses contradictions et qui aspire au changement.

S’il est des combats collectifs, il en est d’autres plus individuels. C’est le cas de celui de Manel qui, à 23 ans, désire se libérer de son voile et tente de trouver sa place de femme dans une Algérie à l’héritage culturel et religieux importants. La féminité et ses multiples aspects sont au cœur du film « Nous, dehors » de Bahia Nencheik-El-Fegouin et de Merieme Achour Bouakkaz. Les deux réalisatrices choisissent le mode de l’interview pour interroger cinq femmes qui abordent la question du voile avec beaucoup de franchise. Chaque histoire se ressemble et est en même temps fort différente. Toutes s’insurgent contre une société machiste et paternaliste qui confine la femme à un rôle subalterne. Elles soulèvent les contradictions liées au port du hijab. Mal vues, dépréciées, celles qui le retirent subissent chaque jour l’incompréhension et le manque de respect. Mettant l’accent sur l’exclusion de ces femmes -le titre est là pour nous le rappeler- le film montre comment elles veulent coûte que coûte faire partie intégrante de la société tout en affirmant une émancipation bien légitime. Paradoxalement, à la colère des protagonistes répond le silence des hommes. Les réalisatrices ont délibérément choisi de ne pas leur donner la parole. Un choix parfois dérangeant tant il aurait été judicieux de voir la réaction masculine sur la question.

Nominé aux Goyas dans la catégorie meilleur court métrage documentaire, « La Alfombra roja » (Le tapis rouge) de Manuel Fernández et Iosu López ne traite pas de liberté au sens idéologique ou religieux mais l’aborde par le biais d’un rêve d’enfant. Rubina a 12 ans et a grandi dans le bidonville de Garib Nagar (ville pauvre), dans le quartier de Bandra à Mumbai. Elle rêve de devenir actrice. La vie à Garib Nagar est tout ce qu’elle a connu. En face caméra, elle décrit le quotidien au bidonville faisant écho aux images de Manuel Fernández. Trop court et sans grande originalité, le film tire son unique intérêt de la personnalité de Rubina et du fait qu’en réalité, elle n’est autre que la fillette qui a joué dans « Slumdog Millionaire » de Danny Boyle. Ainsi, le monde des strass et paillettes d’une cérémonie des Oscars, vient se confronter brutalement à la réalité de Garib Nagar, sans nullement choquer Rubina qui assume clairement ses origines modestes.

Marie Bergeret

Consultez les fiches techniques de « Democracy Camp », « Le Printemps d’Hana »« Nous, dehors » et « La Alfombra roja »

G comme The Ghost of Piramida

Fiche technique

Synopsis : Dans The Ghost of Piramida, le réalisateur Andreas Koefoed suit Efterklang dans une expédition audio de 9 jours dans la ville fantôme de Piramida sur le Spitsbergen, à quelques milles kilomètres du Pôle Nord et habité par plus d’ours polaires que d’hommes. Accompagnés par leur taciturne et peu impressionné protecteur russe d’ours polaires, le groupe part à la chasse au trésor dans les immeubles vides de la ville fantôme.

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Genre : Documentaire

Durée : 58’

Pays : Danemark

Année : 2013

Réalisation : Andreas Koefoed

Image : Andreas Koefoed

Son, Musique : Efterklang

Montage : Jacob Schulsinger

Production : Andreas Koefoed, Koefoed Film, Rasmus Stolberg, Rumraket

Article associé : la critique du film

The Ghost of Piramida d’Andreas Koefoed

À la fois film et album musical, « The Ghost of Piramida » est le fruit de la collaboration entre le réalisateur Andreas Koefoed et le groupe de rock indépendant Efterklang. Ce moyen-métrage a été présenté cette année à Bruxelles au festival international du documentaire Millenium.

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À leur demande, Andreas Koefoed a suivi les trois musiciens danois dans un aventureux périple créatif. Leur mission : récolter des sons dans la ville de Piramida, ancienne cité minière abandonnée, située à quelques mille kilomètres du Pôle Nord. Piramida fut rapidement construite dans les années 50, convoquant toute une vague d’émigrés russes amenés à travailler pour l’exploitation minière. Elle fut vidée tout aussi vite en 1998 lors de la cessation des activités de forage. Chaque foyer n’a pu prendre avec lui que le strict minimum transportable en avion. Demeurent alors de nombreux appartements laissés en plan, des vies restées en suspens. Les scènes du quotidien paraissent figées, prises par le froid dans un instantané photographique : désordre sur les tables, sièges renversés, portraits accrochés aux murs, photos de charme… La lumière polaire rasante persiste des heures dans ces rues abandonnées et ces installations privées de sens, plongeant les lieux dans une atmosphère fantomatique.

Les membres du groupe s’en donnent à cœur joie et voient en cette ville désertique une multitude de potentialités sonores. Ils font s’effondrer les liasses de dossiers médicaux ou résonner en chœur de cathédrale les tuyauteries. Ils brossent les verres gelés de l’entrepôt de bouteilles ou courent dans un panel de rythmes variés sur un ponton. L’exploitation des bruits domestiques au sein des habitations n’est pas sans rappeler le court-métrage de Ola Simonsson et Johannes Stjärne Nilsson « Music For One Appartement And Six Drummers » : six musiciens s’introduisaient par effraction dans un appartement et donnaient, avec les objets et meubles de chaque pièce, un concert improvisé.

À cette réappropriation ludique et actuelle de Piramida, viennent se mêler des images d’archives prises en super 8 par l’un de ses anciens résidents, Alexander. La voix off lente et articulée de ce narrateur déroule sur des extraits de film un long tapis de clichés réveillés, d’échantillons d’un âge d’or révolu. Pour Alexander, cette vie autarcique, éloignée des réalités historiques du bloc soviétique, scintille en paradis perdu. « It was like we all knew that something beautiful had come to an end ». Les images d’époque composent des unités de montage, des pièces primaires du film d’Andreas Koefoed. Elles sont aussi parfois utilisées en éléments secondaires lorsqu’elles sont projetées dans l’appartement d’Alexander à Moscou, sur ses tapisseries à motifs, sur son lit, son corps et son visage. Le processus de la mémoire s’incarne dans ces projections d’archives et s’envole en une belle métaphore double. L’omniprésence écrasante du souvenir est mâtinée d’une part d’envoûtement. La réminiscence introduit la renaissance d’un monde et la création d’un univers mental compensatoire d’une vie soufflée.

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« The Ghost of Piramida » se déploie sur le mode de la surimpression. Le film juxtapose les temporalités et les espaces jusqu’à la confusion. Il mêle les sons et les images dans une porosité des appartenances : les créations sonores couvrent les archives, la voix off convoquant le passé perce sur les prises de vue récentes.

Ces mélanges ne font que plus ressentir le relief des contrastes. L’importance de la vie en société, de la communauté dans les images d’archives s’oppose à la solitude d’Alexander et des musiciens. Une scène d’allégresse collective et festive donnée dans le centre culturel résonne avec nostalgie lorsqu’Efterklang s’essaye sur le piano désaccordé de ce même lieu aux sièges désespérément vides.

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Le film n’est pas pour autant dénué de légèreté et d’humour. Dès les premières minutes, le groupe est mis au parfum par un garde local taciturne et brut de décoffrage : les ours polaires sont une menace bien présente pour qui circule dans les parages. S’ensuit une énumération de tous les accidents mortels survenus à Piramida. En contrechamps, les visages des musiciens se décomposent progressivement. Leur peur plus ou moins assumée se maintient et devient un réel ressort comique du film. Le motif de l’ours polaire apparaît aussi dans les archives avec l’étonnante saisie de la venue d’un ours dans la ville, et d’une peur générale maîtrisée.

Avec le projet d’Efterklang et du réalisateur Andreas Koefoed, « The Ghost of Piramida » redonne vie à cette ville exsangue. Le retour d’une présence humaine et la mise en son d’un espace déserté depuis longtemps, le travail des outils cinématographiques (son et image) comme matière brute et malléable, ainsi que le pouvoir démiurgique du montage et des surimpressions mènent à un véritable dispositif de réanimation au sens étymologique du terme. Il s’agit là, grâce à l’expérience collective, de réinsuffler de l’âme à une cité enfouie.

Juliette Borel

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Festival Millenium 2014

La sixième édition du Millenium International Documentary Film Festival s’est déroulée du 3 au 11 avril dernier. La rencontre incontournable du cinéma du réel dans la capitale belge a donc fêté donc ses six ans, ce que le directeur Lubomir Gueorguiev a qualifié avec humour comme la fin d’un quinquennat à la soviétique lors de la cérémonie d’ouverture.

Avec plus de cinquante titres internationaux, la sélection était aussi riche et variée que les années précédentes, témoignant du souci constant de la part des organisateurs de dénicher des films engagés et interpellants, qui suscitent des réflexions sur des questions importantes liées aux objectifs millénaires transposés au 21ème siècle, telles que la justice sociale, les atteintes quotidiennes aux droits de l’homme, ici et ailleurs, l’égalité des chances et les crises environnementales. Les films présentés sensibilisent et nous rappellent la part de responsabilité qui incombe à chacun d’entre nous, habitants de la Terre.

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À côté de la compétition internationale, le festival proposait d’autres activités habituelles (les Webdoc meetings, les masterclass…) ainsi que quelques nouveautés. Parmi celles-ci, une compétition « Travailleurs du monde », fruit d’une collaboration avec Le P’tit Ciné du festival Regards sur le Travail. Un jury délibérait sur une sélection qui mettait en avant la thématique du travail et son rapport avec les questions des droits de l’homme. En effet, loin du moyen de subsistance du temps de nos ancêtres, le travail est devenu aujourd’hui la marque d’identité première, sa valeur et sa valorisation désormais déterminées non pas par le plaisir ou l’appréciation ressentis par le travailleur, mais par des normes sociétales. Par conséquent, bon nombres de gens, dans des conditions de misère extrême ou dans des lieux de relative aisance socioéconomique, vivent leur vie active comme une obligation, voire un fardeau. S’ajoute alors la perversion d’un labeur visant des fins de plus en plus virtuelles, où très souvent la dignité humaine elle-même est atteinte. Focus sur deux courts de la sélection :

La critique de « Karaoké domestique » d’Inès Rabadán (Belgique, 2013)
La critique d’ « Avec le vent » de Raf Custers (Belgique, 2013)

Deuxième nouvelle compétition toute aussi pertinente et faisant écho à la thématique de l’an dernier, la Jeunesse, « Vision jeune » regroupait six films sur le regard que porte la génération de demain sur le monde d’aujourd’hui. Le jury comprenait pas moins de 30 jeunes belges âgés de 15 à 25 ans. Une éducation à l’image importante qui permettait de faire découvrir le cinéma documentaire à un public pas toujours enclin à s’intéresser à ce genre.

Le reportage sur les courts métrages de cette sélection.

En parallèle, une programmation importante hors compétition venait exemplifier l’engagement du septième art dans la lutte pour la défense des droits de l’homme et des objectifs millénaires. Le panorama « Connaître l’Autre » rassemblait 20 titres qui exploraient la question de l’altérité en nous confrontant à des réalités (faussement) perçues comme étant lointaines, dans les pays de l’Europe de l’Est ou ailleurs dans le monde. La sélection posait un regard sensible notamment sur les rapports Nord-Sud et les effets de la surmédiatisation et la prolifération des images dans nos vies.

Dans le cadre de ce panorama, nous vous proposons :
Le reportage sur « Culture of Resistance », une sélection de trois courts métrages signés Iara Lee (Corée-Brésil)
La critique de « The Ghost of Piramida » (Danemark, 2013)

Nous vous donnons d’ores et déjà rendez-vous l’année prochaine pour renouveler l’aventure du documentaire, cette arme précieuse de la puissance douce.

Adi Chesson

Avec le vent de Raf Custers

Présenté dans la compétition « Travailleurs du monde » au festival Millenium cette année, le film de Raf Custers livre un témoignage déconcertant sur les conditions inhumaines imposées aux habitants ruraux de la RDC par les usines minières multinationales. Programmée en collaboration avec le Centre National de Coopération au Développement (CNCD 11.11.11), la projection était suivie d’un échange enrichissant entre la salle et Arnaud Zacharie, directeur du centre, Romain Gélin du Groupe de Recherche pour une stratégie économique alternative (Gresea) et Santiago Fischer de l’ONG « Commission Justice et Paix ».

En décrivant un phénomène localisé dans une zone bien précise, la province congolaise du Katanga, le film dénonce une réalité répandue dans une grande partie du continent africain, à savoir l’exploitation unilatérale des richesses. En effet, non seulement la population locale ne profite aucunement de ses propres ressources qui sont accaparées par l’extérieur sitôt sorties de terre, mais elle doit en plus subir la nuisance provoquée par ces activités confinant à l’illicite.

On assiste de manière flagrante à un dumping (au sens littéral) de polluants dans les eaux des villages aux alentours des usines, sans que cela ne choque aucune autorité. Les protestations des victimes se diluent dans les méandres de la bureaucratie, et ce malgré l’adoption d’un code minier au niveau national. C’est que ce texte prescriptif se contente de suggérer des mesures de responsabilisation des industries au lieu de les imposer. Les raisons pour ce laxisme fatal sont vite connues : la pression internationale pèse lourdement de tous les côtés, venant des états voisins, l’Afrique du Sud, ou de bien plus loin, la Chine ou l’Union Européenne, tous sont parties prenantes de cette caverne d’Ali Baba recelant le cuivre et le cobalt, métaux précieux valant l’or de nos jours pour leur rôle primordial dans les appareils électroniques.

Le film de Custers va donc loin dans ses interrogations, à l’instar de la réalité qui n’est elle-même pas unidimensionnelle. Celle-ci ne peut se résumer à des constats simplistes, comme la corruption au niveau local, les conflits tribaux, ou la croissance des implantations chinoises dans le continent. La réalité, pour autant qu’on puisse la cerner par le biais d’un documentaire, est un alliage de tous ces facteurs et de bien d’autres. La force de ce film est de tenir compte de cette complexité tout en interrogeant avec la même inexorabilité tous les acteurs, que ce soit au Nord ou au Sud, en Occident ou en Orient, sur leur part de responsabilité dans une situation qui ne pourrait être considérée autrement que comme une catastrophe humaine.

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Ce rapport problématique que les nations défavorisées entretiennent avec le monde développé (l’Inde en est un exemple parlant, se situant à la fois du côté de l’exploité et de l’exploitant, surtout vis-à-vis de l’Afrique) a fait l’objet d’autres documentaires vus au festival par le passé. « Blood in the Mobile » de Frank Poulsen (Danemark, 2010) démasque le rôle sournois de l’industrie de la télécommunication dans le maintien des conflits civils en Afrique. « E-Wasteland » de David Fedele (Australie/Ghana, 2012) dresse quant à lui le portrait d’une jeunesse ghanéenne accablée par la misère au point de se livrer au travail dangereux de brûler les câbles électroniques en plein air pour en récupérer les métaux précieux (tout comme les jeunes Congolais dans « Avant le vent » s’aventurent dans des aires radioactives pour glaner des métaux de valeur).

Ces films nous font réfléchir sur notre consumérisme acharné et irresponsable, en nous montrant une réalité barbare dont nous ne soupçonnons nullement l’existence derrière nos ordinateurs et écrans de téléphone portable. Combien d’entre nous se doutent que la production comme le recyclage de nos téléphones – qu’on renouvelle presque aussi souvent que sa garde-robe – engendre de telles injustices sociales dans le monde ? Quand bien même on le saurait, se sentirait-on assez concerné pour repenser ses comportements ?

Adi Chesson

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Culture de la Résistance : Trois courts métrages d’IAra Lee

Les films de la réalisatrice coréenne-brésilienne Iara Lee sont sans concession et vont droit au but. Dénonciation univoque des faits, ces documentaires sont comme des coups de poing qui en même temps ne compromettent rien de leur maîtrise cinématographique et leur réussite esthétique. Trois exemples captivants de la filmographie d’une artiste engagée figuraient dans une séance spéciale lors de la dernière édition du festival Millenium à Bruxelles.

Battle for the Xingu (2009)

Le film montre de très près la polémique autour de la construction d’un immense barrage sur le Xingu, affluent de l’Amazone dans la ville brésilienne d’Altamira. Pénétrant dans le vif du sujet, Lee montre différentes étapes des négociations et des réactions autour de ce projet aberrant et illogique du point de vue de la durabilité, dont les effets promettent d’être dévastateurs pour l’environnement et la biodiversité. Lors de la plus grande manifestation regroupant les habitants indigènes du Brésil, directement concernés, l’indignation a basculé vers une violence terrifiante envers les pouvoirs décisionnels. La violence des réactions avait seulement pour but la protection des villages de ces peuples, de leur avenir et de leur fleuve, le cœur même de leur existence collective. Même si le projet continue de se développer et risque tôt ou tard de voir le jour, au moins les protestations auront persisté et l’injustice sociale aura été publiquement décriée par la communauté internationale. Et ce, notamment grâce à des initiatives comme le film de Lee.

The Kalasha and the Crescent (2013)

Œuvre la plus récente d’Iara Lee, ce film dépeint le portrait touchant et exaltant du peuple Kalash du nord du Pakistan. Cette communauté minoritaire ne s’inscrit pas dans la logique de la religion dominante du pays, tout comme leurs voisins zoroastriens en Iran. Les pressions de conversion sont de sérieuses menaces au patrimoine riche de ce peuple, pratiquant un polythéisme antique désapprouvé par l’Islam régnant. S’ajoute à cela le fléau d’un tourisme à la progression importante. Même si celui-ci permet de relayer la problématique au-delà des confins de la vallée de l’Hindu Kush, ce phénomène intrusif et indésirable menace, lui, l’intégrité et le droit à l’intimité de la région. Entre ces deux maux qui semblent s’équivaloir, les Kalash œuvrent implacablement pour préserver leurs mœurs et leur identité.

The Rape of Samburu Women (2011)

Dans ce film cru et poignant, Lee recueille les témoignages de nombreuses femmes kényanes, toutes violées par des officiers britanniques qui occupent les camps d’entraînement militaires installés dans le pays depuis son indépendance en 1963. Ces actes abjects ont beau être dénoncés, plainte après plainte, l’armée décline résolument toute responsabilité et l’autorité locale ferme les yeux. Stigmatisées indûment comme le sont souvent les victimes de viol, ces femmes se voient bannies de leurs familles et leurs villages. Portant et élevant seules les fruits de leur agression, elles trouvent comme seule consolation de se regrouper entre semblables, instaurant une sorte de communauté matriarcale. L’ironie du sort fait que leurs histoires, balayées comme autant de mensonges, se confirment sur les visages innocents de leurs enfants clairs de peau, leur métissage étant la preuve indéniable de leurs véritables origines. Avec une profusion de larmes en gros plans, Lee choisit délibérément de ne pas édulcorer ce discours direct ou d’enrober sa narration de la moindre distanciation, pour rendre pleinement compte de l’envergure de l’atrocité et de l’impudeur de ses auteurs. Son point de vue intransigeant empêche toute indifférence et nous oblige à nous positionner face à une réalité écœurante : s’indigner et réagir, ou rester passifs tout en gardant un goût amer dans la bouche.

Adi Chesson

Consultez les fiches techniques de « Battle for the Xingu », « The Kalasha and the Crescent » et « The Rape of Samburu Women »

Karaoké Domestique d’Inès Rabadán

Présenté dans le cadre de la compétition « Travailleurs du monde » cette année au Festival Millenium, « Karaoké domestique » est une interrogation pleine d’humour et de poigne sur le milieu des titres-services et de l’aide ménagère en Belgique. Son auteur, cinéaste et vidéaste Inès Rabadán, fait preuve d’une grande originalité et livre une œuvre qui divertit et interpelle à la fois.

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Usant d’un procédé des plus bluffant jamais vus dans le genre du documentaire, Rabadán se place elle-même devant sa caméra pour présenter les témoignages de trois femmes de ménage et de leurs employeuses respectives. Avec un travail de doublage remarquable et à peine perceptible, elle passe constamment d’un « personnage » à l’autre, brouillant ainsi les pistes et laissant comme seul repère des timbres modulants et des accents variés. Les notions « prêter sa voix » et « être porte-parole » gagnent une toute autre signification.

Si plus d’un passe à côté de cet artifice, c’est que Rabadán a réussi son trompe-l’œil. Le sujet du film – à savoir la condition des travailleuses – reste néanmoins limpide et univoque. Avec un parti pris résolument féminin, elle dresse le portrait d’un phénomène qui touche principalement les femmes (jusqu’à 77% du groupe cible). L’enjeu dépasse la question du genre pour s’étendre à celles de l’immigration et de la justice sociale en général. Les témoignages sont révélateurs d’une relation ambiguë et pas toujours assumée dans le monde démocratique développé : celle entre classe dominante et classe dominée. Les discussions autour de l’appellation de la fonction – « aide ménagère », « femme de ménage », « domestique » ou encore « (celle) qui vient faire le ménage » – trahissent un souci de distinction sociale. Les employées cherchent avec optimisme une certaine dignité dans leur travail alors que les employeuses justifient tant bien que mal leur besoin d’aide au ménage. Les unes comme les autres s’interrogent sur cette profession problématique, vestige d’un féodalisme qui, en de termes extrêmes, offre par le biais d’un certain esclavage une émancipation matérielle ou symbolique. Même si elles tergiversent entre l’assurance d’un travail stable et une légitime soif d’épanouissement, entre la survie et la passion, ces femmes sont tout de même mues par l’envie de changer leur situation et aspirent toutes à une liberté.

La véridicité palpable des témoignages percute le « mensonge » manifeste à l’écran, lorsque la cinéaste se présente et se représente de manière contradictoire, ou qu’elle fait référence à un pendentif de Sainte-Lucie invisible, avant que l’on se rende compte de la théâtralité de la démarche. Le documentaire se distancie du réel, sa condition première, pour s’approcher du simulacre pur. Curieusement, le propos est ainsi davantage renforcé. Rabadàn parvient à jouer sur cette brèche entre réalité et fiction en parsemant sa mise en scène de plans métonymiques des vrais protagonistes – des mains en gros plan, des vues de dos d’une femme pianotant… – dans un grain vidéo marqué et clairement contrasté à l’image pour le reste soignée. S’inspirant de la technique du karaoké, Rabadán donne un visage aux femmes sans visages, et la parole aux femmes sans voix, dans la pudeur et le respect total du sujet.

Adi Chesson

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