Tous les articles par Katia Bayer

Naomi Kawase, Présidente du Jury de la Cinéfondation et des Courts métrages

En 2015, la section Un Certain Regard ouvrait ses portes avec « Les Délices de Tokyo » (An) de Naomi Kawase. La réalisatrice japonaise retrouvera Cannes en mai prochain à la tête du Jury de la Cinéfondation et des Courts métrages pour sa 69e édition.

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À 27 ans, Naomi Kawase devient la plus jeune lauréate à recevoir en 1997 la Caméra d’or pour son film « Suzaku (Moe no Suzaku) ». Une découverte dont la promesse ne cessera de se confirmer, comme en témoignent les sélections en compétition de ses longs-métrages suivants : « Shara » (Sharasojyu) en 2003, « La Forêt de Mogari » (Mogari no Mori) en 2007, « Hanezu l’esprit des montagnes » (Hanezu no tsuki) en 2011 et « Still the Water » (Futatsume no mado) en 2014. En 2013, c’est en tant que membre du Jury des longs métrages que Naomi Kawase siège sur la Croisette aux côtés de Steven Spielberg.

Nouveau concours de scénario 5×2

La Cinémathèque de Grenoble et le Grec organisent depuis 1998 un concours de scénario de court-métrage dans le cadre du Festival du film court en plein air de Grenoble. Depuis 2014, ce concours propose la réalisation de 5 x 2 minutes par un même auteur dans un même lieu.

Le lauréat du concours réalise son projet grâce à une bourse du Conseil Général de l’Isère et un préachat de France 2. Le Grec en est le producteur. Les trois premiers lauréats bénéficient d’un stage de réécriture à Grenoble.

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Le film du lauréat sera diffusé lors du Festival du Film Court en plein air de Grenoble, et dans Histoires courtes sur France 2. Il sera également mis en ligne sur les sites internet de France 2, de la Cinémathèque de Grenoble et du Grec.

Date limite de candidature : lundi 2 mai 2016.

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Infos

http://www.grec-info.com/concours.php

http://www.cinemathequedegrenoble.fr/actualites/festival/concours-de-scenario-2016-lappel-a-projet-est-lance-3783.html

Maman(s) de Maïmouna Doucouré

Mention spéciale Prix France Télévisions au festival de Clermont-Ferrand, « Maman(s) » interroge sur les effets de la polygamie au sein d’une famille jusqu’alors monogame. C’est à travers le regard d’Aida, une jeune enfant de 8 ans, que nous observons sa mère subir l’arrivée d’une autre femme sous son toit. De manière intelligente et précise, la réalisatrice Maïmouna Doucouré nous pousse à la réflexion sans pour autant influencer notre jugement sur la polygamie.

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« Maman(s) » est le deuxième court-métrage réalisé par Maïmouna Doucouré. Son premier film « Cache-cache », tourné dans le cadre du concours HLM sur court, racontait l’histoire d’un groupe d’enfants à la recherche de leur camarade disparu dans une cité. Son nouveau court-métrage sorti en 2015 a déjà un beau parcours. Auréolé de deux prestigieuses récompenses, le prix du jury au festival de Sundance et le prix du meilleur court-métrage au festival de Toronto, il a reçu cette année une mention spéciale Prix France Télévisions au festival de Clermont-Ferrand.

« Maman(s) » raconte l’histoire d’Aida, 8 ans, qui attend avec impatience le retour de son père parti en voyage. Au sein d’une famille d’origine sénégalaise, elle évolue dans un appartement à l’ambiance chaleureuse et tamisée.

Ce court-métrage s’ouvre sur une scène qui n’est pas sans rappeler le générique du film « Du silence et des ombres » de Robert Mulligan (1962). Filmées en très gros plans, les mains d’un enfant s’adonnaient au coloriage d’une maison maladroitement dessinée. De la même manière, Aida dessine sa famille et le lieu dans lequel elle vit. Au loin, derrière les murs de sa chambre, on entend les rires étouffés de sa mère. C’est un moment rassurant, où le bonheur est palpable à l’approche du retour de l’être aimé.

Dans le film de Robert Mulligan, ce dessin, symbole fort d’une famille unie, présageait d’un bouleversement. Baignant jusqu’alors dans une enfance libre et protégée, les jeunes héros du film allaient basculer vers un autre âge, où le monde adulte se révélerait à eux dans tout ce qu’il avait de plus violent et injuste. Le court-métrage de Maïmouna Doucouré traite aussi d’un bouleversement durant cette période si fragile qu’est l’enfance. Aida va faire l’expérience d’un drame au sein de sa famille, un dysfonctionnement qui va la faire chavirer loin de sa zone de confort.

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La porte de l’appartement s’ouvre joyeusement : le père tant attendu est là, dans tout ce qu’il a de plus beau, de plus resplendissant. Et pourtant, derrière lui dans la pénombre, une femme l’accompagne, elle porte dans ses bras un nouveau né. L’enthousiasme se feint progressivement, un non-dit s’installe. Et c’est là toute la force et la sagesse de ce court-métrage : au lieu de critiquer frontalement la polygamie, la réalisatrice interroge sur cette pratique en faisant un constat précis des dommages collatéraux qu’elle peut engendrer.

Progressivement, l’appartement se transforme, il devient exigu. Une pièce doit se libérer pour la nouvelle femme et son bébé, Aida va devoir emménager dans la chambre de son frère. Elle observe secrètement son ancienne chambre transformée, où un lit deux places est maintenant installé. Trop grand, il semble ne pas tenir entre les murs. Maïmouna Doucouré filme ce lit vide avec les draps froissés, comme pour nous montrer dans un sous-entendu faussement pudique, la place que la sexualité a dans ce nouveau ménage.

C’est par toutes ces observations qu’Aida prend conscience du jeu sous-jacent d’une sexualité multipliée, d’un désir dupliqué. Une découverte progressive qui se fait aussi en observant le corps de cette nouvelle femme qui se déshabille et surtout le corps de son père torse nu traversant le couloir pour la retrouver. L’ultime constat de ces observations sera le résultat même de ce second mariage : un nouveau né qui par ses cris ne cesse de manifester sa présence dans cette famille qui n’est pas vraiment la sienne. En voyant le sein de cette femme qui nourrit son fils, le trouble s’empare d’Aida. Plus que pensive, elle se transforme.

Et c’est là toute la beauté de ce court-métrage : Aida se métamorphose sous nos yeux, une force nouvelle se déploie chez elle. Elle va se battre pour retrouver son équilibre familial, mais surtout pour protéger sa mère de ce tourment. Entre mère et fille, un jeu de miroir opère : c’est aussi son avenir de femme qu’Aida souhaite préserver en protégeant sa mère. La féminité de cette femme, son pouvoir de séduction, son estime d’elle-même sont mis à l’épreuve par l’arrivée d’une autre épouse. Pour Aida, cette prise de conscience aiguë de ce qui se trame sous ses yeux s’apaisera au contact d’un amour binaire, loin de toutes convoitise extérieur : l’amour maternel.

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La réussite de ce court-métrage tient aussi par sa mise en scène rigoureuse qui met en avant le jeu des acteurs. Les silences et les regards lourd de la jeune Sokhna Diallo qui interprète Aida, transpercent souvent l’écran pour nous dire toute la gravité de la situation. En nous immergeant entre les murs d’un appartement, la réalisatrice, sans porter de jugement précis, nous pousse à réfléchir sur la polygamie et ces enjeux, tout en étant dans l’empathie de chacun de ces personnages. Il est impossible de sortir de ce court-métrage sans porter une réflexion, ou du moins sans s’interroger un instant sur cette pratique qui reste encore trop peu remise en question.

Sarah Escamilla

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M comme Maman(s)

Fiche technique

Synopsis : Aida, huit ans, habite un appartement de banlieue parisienne.

 Le jour où son père rentre de son voyage au Sénégal, leur pays d’origine, le quotidien d’Aida et de toute la famille est complètement bouleversé : le père n’est pas revenu seul, il est accompagné d’une jeune sénégalaise, Rama, qu’il présente comme sa seconde femme.

 Aida, sensible au désarroi de sa mère, décide alors de se débarrasser de la nouvelle venue.

Genre : Fiction

Durée : 21′

Pays : France

Année : 2015

Réalisation : Maïmouna Doucouré

Scénario : Maïmouna Doucouré

Image : Yann Maritaud

Son : Clément Maléo

Montage : Sonia Franco

Interprétation : Sokhna Diallo, Maïmouna Gueye, Azize Diabate, Eriq Ebouaney, Mareme N’Diaye

Musique : Viviane N’Dour

Production : Bien ou Bien Productions

Article associé : la critique du film

Rappel. Soirée Format Court, ce jeudi 10 mars 2016 !

Pour la quatrième année consécutive, le magazine en ligne Format Court accueille le Festival Européen du Film Court de Brest pour une nouvelle séance Best of Brest !

Cette soirée spéciale, composée de 4 courts-métrages français, polonais, grecs, allemands et croates, aura lieu ce jeudi 10 mars 2016, à 20h30, au Studio des Ursulines (Paris 5e) en présence de nos invités : Fabienne Wipf, directrice du festival, Daphné Hérétakis, réalisatrice de « Archipels, granites dénudés » et l’équipe de « Coach » de Ben Adler, Prix spécial du jury au festival de Brest 2015.

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En pratique

– Jeudi 10 mars 2016, à 20h30, accueil : 20h. Durée de la séance : 81′
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
Entrée : 6,50 €
Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com
Évènement Facebook : ici !

Chabname Zariab : « Dans un roman on peut écrire les sensations du personnage tandis que dans un film il faut pouvoir les montrer. Mais il s’agit toujours de raconter une histoire »

« Au bruit des clochettes » est le premier court métrage de Chabname Zariab. Cette co-production franco-tunisienne présentée en compétition nationale au festival du court-métrage de Clermont-Ferrand a remporté le prix de la meilleure première oeuvre de fiction décerné par la SACD. Avec ce film, Chabname Zariab aborde un sujet tabou, celui des réseaux de pédophilie en Afghanistan. Rencontre avec une jeune auteure qui nous parle de son pays meurtri et de la difficulté d’y faire du cinéma.

Chabname Zariab

Qu’est-ce qui t’a amené vers la réalisation de films ?

J’étais expert en dommage pour une compagnie d’assurances. J’avais écrit un roman, « Le Pianiste afghan », j’étais déjà dans l’écriture et j’étais très cinéphile. J’ai aussi un rapport très particulier à l’image et aux films en général, que ce soit pour le cinéma ou la télévision, car quand je suis arrivée en France je ne parlais pas le français et pour une grande partie des immigrés, tout cet apprentissage se fait aussi par la télévision et le cinéma. J’avais aussi la chance d’avoir une mère très cultivée et très littéraire qui nous a baignés dans le cinéma et la littérature. C’est une dévoreuse de livres. Même à l’adolescence, dans ce moment ou on est peut-être plus proches de l’amusement que des livres, elle nous lisait des romans. C’est elle qui m’a transmis ça.

Comment as-tu choisi le sujet des Bacha bazi pour ton premier court métrage « Au bruit des clochettes » ?

C’est un sujet que je ne connaissais pas personnellement mais dont j’avais entendu parler et qui était assez vague, sur lequel je ne m’étais pas attardée. Même si c’est dramatique, je pensais que ça se passait dans des zones très reculées d’Afghanistan. Finalement j’ai vu “The Dancing Boys of Afghanistan”, le documentaire du journaliste Najibullah Quraishi, qui a infiltré les réseaux de bacha, et se faisait passer pour un homme à la recherche d’un jeune garçon. Ce documentaire m’a vraiment bouleversée parce qu’on y explique que c’est un phénomène qui s’étend de plus en plus. Dans les pays musulmans il y a une espèce d’hypocrisie, parce qu’à un moment donné, la scission entre la société des hommes et celle des femmes crée des troubles presque psychiatriques. Il y a des pulsions qui existent et qu’il faut évacuer et les premiers à en pâtir sont les enfants.

Au bruit des clochettes-Chabname Zariab

Finalement, dans une société qui rejette l’homosexualité, c’est une pratique surprenante.

C’est même entre l’homosexualité et la pédophilie. Mais en même temps, ça ne s’y apparente pas vraiment car il y a un travestissement qui se fait. Ces enfants sont quand même déguisés en fille. C’est quasiment schizophrénique.

Penses-tu que ce film aurait pu être produit ou réalisé en Afghanistan ?

Il n’aurait pas pu y être produit car nous n’avons pas de structures de financement, pas de sociétés de production à l’image des sociétés européennes. Il y a Afghan Film, une structure gouvernementale qui accueille les tournages en Afghanistan et qui permet d’offrir une certaine forme de sécurité pour que les films puissent y être tournés. On ne pouvait pas le financer là-bas mais une fois qu’on a obtenu les financements en France, je voulais vraiment tourner en Afghanistan, à Kaboul plus précisément, et ma productrice était plutôt d’accord. Le moment où nous avons décidé de tourner coïncidait avec les élections présidentielles et le pays à commencer à devenir un peu instable. Ma productrice, qui y envoyait tout de même toute une équipe, n’a pas voulu prendre la responsabilité de mettre cette dernière en danger. Elle avait déjà travaillé en Tunisie et on finalement recréé l’Afghanistan là-bas. Je suis contente du résultat, c’est assez crédible.

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Existe-t-il des réseaux de diffusion pour un sujet aussi tabou que celui-ci en Afghanistan ?

Il existe des festivals qui commencent à naître, notamment un festival de femmes, un peu comme le Festival de Films de Femmes de Créteil. Il a été créé à Herat dans le nord de l’Afghanistan par trois réalisatrices. Il y a des réalisatrices brillantes en Afghanistan, mais sans sociétés de production c’est très difficile de mettre en place des projets. Elles le font quand même, elles se battent et arrivent à réaliser de très beaux projets, principalement documentaires, parce que ça coûte moins cher que la fiction, mais il y a vraiment une jeunesse brillante.

Est-ce qu’il y a des difficultés à organiser ce genre d’événement ?

Non parce qu’elles les organisent dans des régions qui sont assez ouvertes. Il y a des gouverneurs qui aident les festivals à se faire. Mais c’est une société malade et on ne peut pas non plus lui en vouloir quand on considère les trente années de guerre qu’elle a vécues. Ça ne laisse pas indemne. Ça bouleverse. Toute l’éducation, toute la vision qu’on a pu avoir peut tout à coup s’effondrer et il faut tout reconstruire. Mais cela se fait petit à petit.

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Comment as-tu rencontré le comédien principal de ton film, Shafiq Kohi ?

Je suis très fière de Shafiq. On a envoyé une annonce de casting un peu partout et Shafiq a été le premier candidat. J’ai appelé ma productrice aussitôt pour lui dire d’arrêter le casting. Elle m’a répondu que j’étais folle, qu’on ne pouvait pas s’arrêter là, qu’il fallait à tout prix que je voie d’autres personnes. Quand je l’ai vu et qu’on a fait des essais, ça s’est confirmé. Lorsque j’ai commencé à l’habiller et à le maquiller pour voir ce que ça donnerait à l’image, j’étais absolument convaincue. C’était une très belle rencontre. Shafiq est un comédien professionnel qui est venu assez jeune d’Afghanistan, il fait partie du groupe Aftaab de Ariane Mnouchkine depuis dix ans et a été formé au Théâtre du Soleil. Il n’est pas danseur mais il a fait un travail de danse incroyable. On a fait la chorégraphie ensemble, il fallait qu’il ait une certaine grâce et qu’il puisse adopter des gestes très féminins. Je dansais et il me suivait. Ariane était très contente car c’est également le fruit de son travail. Elle nous a prêté le Théâtre du Soleil pour les répétitions et j’avais du coup ce comédien et cet espace incroyables pour travailler.

Comment, avec le chef opérateur, avez-vous mis en place cette très belle scène finale de danse ?

Avec le chef opérateur, Eric Devin, également ça a été une rencontre extraordinaire. J’avais une image et une durée très précises en tête, je ne voulais pas de cut. Ça a été assez terrible parce que nous avons tourné les deux scènes de danse sur une journée, en Tunisie, sans climatisation, par 40 degrés. Les grelots que Shafiq porte pèsent chacun 4kg et il a dansé sept heures, enfermé avec les techniciens dans cette petite maison. J’avais une pression parce qu’en Tunisie, quand la journée de travail se termine à 19h, tout le matériel est posé et tout le monde s’en va. Pour cette dernière scène où il tourne sans s’arrêter, il était déjà très tard et il a fallu le faire en une seule fois, que tout soit réussi en une séquence. Les figurants s’affaissaient de plus en plus et au bout d’un moment je leur ai demandé de sortir parce qu’ils n’étaient plus dedans et qu’il fallait tout de même qu’on garde cette intensité. J’ai donc demandé à Éric de cadrer très haut, uniquement sur Shafiq. Je suivais de l’extérieur sur l’écran car c’était filmé en caméra portée à l’épaule et Eric s’enfermait avec Shafiq et le faisait danser. Au départ, je voulais un plan beaucoup large, dans le style des derviches tourneurs. Finalement, on ne voit plus la robe et on perd cet effet, mais ça marche très bien, je suis contente du résultat. Il y a une réécriture au montage et finalement le film est très travaillé jusqu’à ce qu’on arrive à une version regardable.

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Comment as-tu abordé l’écriture de ce film après avoir écrit un roman. Était-ce ton premier scénario ?

Ce n’était pas mon premier scénario. Je pense que la construction n’est pas si différente. Le scénario est très dialogué, on écrit pas et ne traduit pas de la même façon les émotions des personnages. Dans un roman on peut écrire les sensations du personnage tandis que dans un film il faut pouvoir les montrer. Mais il s’agit toujours de raconter une histoire. Pour moi les deux exercices sont assez liés.

L’écriture et le montage de ce projet ont-ils été longs ?

Ça n’a pas été long mais c’est un projet que j’avais laissé de côté. Je l’avais écrit au moment où j’avais vu ce documentaire, et c’est ma rencontre avec Judith Lou Lévy, ma productrice (Les Films du Bal), qui a fait que je l’ai ressorti. Elle travaillait dans une autre société de production où elle était conseillère en développement et où j’ai développé un long métrage, et elle m’avait demandé de lui proposer d’autres projets. Je lui en ai montré trois. Elle réfléchissait à quel projet prendre et je l’ai un peu devancé en lui disant que « Au bruit des clochettes » me plaisait d’avantage et je l’ai envoyé au CNC. On a eu un très bon retour et on m’a demandé de réécrire quelques passages pour le représenter. Tout s’est fait très vite car nous avons obtenu la contribution financière du CNC puis, quelques semaines plus tard, Arte a préacheté le projet, on a donc pu préparer le tournage. Par la suite, nous n’avions plus d’argent pour la post-production car le tournage en Tunisie a coûté très cher. On a alors eu la chance que Dom Dom Films nous ait quasiment offert la post-production.

Envisages-tu un passage au long métrage ainsi que d’autres films courts ?

Oui. Je prépare actuellement un autre court métrage, on est vers la fin de l’écriture. En parallèle, je suis en train de développer un long métrage qui s’appelle « Les Intégrés » et qui parle de cette notion d’intégration qui me semble un peu étrange,;j’ai un rapport particulier avec ce mot. Je pense qu’on vit en France une crise sémantique et que ce sera le sujet du film.

Propos recueillis par Agathe Demanneville

Article associé : la critique du film

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The Reflection of Power de Mihai Grecu

Adepte des allégories délicates empreintes de mélancolie, Mihai Grecu continue d’interroger le monde et ses vicissitudes à travers des films entrechoquant images réelles et effets spéciaux numériques. Après les magnifiques « Centipede Sun » (2010) et « We’ll Become Oil » (2013), il s’attaque cette fois au régime nord-coréen à travers une représentation inédite de Pyongyang, la cité la plus hermétique du monde, avec le sublime « The Reflection of Power », qui a obtenu la Mention spéciale du Jury Labo au dernier Festival du court métrage de Clermont-Ferrand.

Une représentation de grande envergure, gala sportif millimétré et chorégraphié avec soin, devient le centre d’attention de tout un peuple qui délaisse sa ville à la merci d’une inondation dévastatrice. Cette ville est celle de Pyongyang et le régime décrit, celui ô combien rigide de la Corée du Nord. Alors que les jeux Arirang attirent les foules, les rues sont désertées et les monuments se retrouvent abandonnés. Toute forme de vie humaine a quitté ces lieux lugubres, les seuls visages restants étant ceux, figés et souriants, des statues, affiches et tableaux à la gloire du régime. Petit à petit, le niveau de l’eau monte et engloutit tout signe de pouvoir ostentatoire, comme autant de géants aux pieds d’argile.

En utilisant l’allégorie et la métaphore, Mihai Grecu interroge sur la déshumanisation induite par un pouvoir absolutiste, qui préfère célébrer sa toute puissance à travers des représentations scéniques grandiloquentes, plutôt que de laisser une infime place à une quelconque liberté individuelle.

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Grecu évite l’écueil d’un discours trop frontal qui aurait pu paraître simpliste, en creusant les symboliques inhérentes à l’élément aquatique, véritable miroir déformant de la grande vérité prônée par le régime. L’eau, telle une entité sauvage, destructrice et purificatrice, révèle l’envers du décor et submerge l’envie de contrôle absolu. Elle agit comme un deus ex machina qui épure et rétablit une certaine forme d’apaisement, mais aussi comme un immense “bac révélateur” laissant apparaître sur “la photo d’ensemble” tous les secrets inavouables les plus pronfondément enfouis.

Fort d’un savoir-faire technique virtuose, le film alterne plusieurs moments de bravoure à la fois beaux et chargés de sens, comme la scène très iconique dans laquelle la statue du dirigeant sur son trône, baignée dans un paysage désolé à dominante rouge, réfléchit dans l’eau cette même couleur écarlate et fait écho à des litres de sang se déversant à ses pieds. A un autre moment du métrage, une chorale d’enfants, en tous points semblables et les pieds dans l’eau, essaye tant bien que mal de chanter quelque chose d’intelligible, mais le son qui en sort est “noyé” dans un magma bruitiste et lointain. Enfin, le dernier plan du film montre une flamme de pierre, symbole de vie et de liberté, s’estomper et se dissoudre sous les assauts conjugués de l’eau et du brouillard.

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Jouant sur une ironie mordante distanciée et empreint d’un nihilisme mélancolique, « The Reflection of Power » de Mihai Grecu tire à la fois un signal d’alarme pour éviter d‘en arriver à la catastrophe de l’engloutissement total, mais entend aussi que l’espoir d’assainir toute vision obscurantiste par l’Elément fondamental de l’eau existe quelque part, malgré tout.

Julien Savès

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R comme The Reflection of Power de Mihai Grecu

Fiche technique


Synopsis : Dans la capitale la plus secrète du monde la foule assiste à un spectacle alors qu’une catastrophe menace d’anéantir la ville…

Genre : Expérimental

Durée : 9′

Pays : France

Année : 2015

Réalisation : Mihai Grecu

Scénario : Mihai Grecu

Image : Mu Jin

Monteurs son : Simon Apostolou et Mihai Grecu

Mixeur : Simon Apostolou

Production : Bathysphère Productions

Article associé : la critique du film

Devenez lauréat de la Fondation Jean-Luc Lagardère !

Créées en 1990, les bourses de la Fondation Jean-Luc Lagardère soutiennent les jeunes professionnels de la culture et des médias. Dans le domaine de l’audiovisuel, la Fondation attribue chaque année quatre bourses.

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Auteur de documentaire : 25 000€

Vous êtes un jeune auteur de 30 ans au plus, ayant déjà réalisé un documentaire diffusé à la télévision, dans des festivals ou au cinéma, vous avez un projet de documentaire quel que soit le format (série de 26’, unitaire de 52’ ou 90’), à caractère social, économique, politique, scientifique ou culturel (documentaire de mémoire, portrait intimiste, documentaire d’investigation, film ethnographique…)

Auteur de film d’animation : 30 000€

Vous êtes un jeune auteur de 30 ans au plus, ayant déjà réalisé un film d’animation à titre professionnel ou dans le cadre de vos études, vous avez un projet de court-métrage ou souhaitez réaliser le pilote d’un long-métrage ou d’une série (que ce soit en 2D, 3D, en images de synthèse, avec des marionnettes…).

Producteur cinéma : 50 000€

Vous avez 30 ans au plus et vous souhaitez produire un film de fiction de long-métrage.

Scénariste TV : 20 000€

Vous êtes un jeune scénariste de 35 ans au plus, ou vous faites partie d’une équipe d’auteurs (scénariste et dialoguiste, co-scénaristes, co-dialoguistes), vous avez déjà obtenu un contrat d’option ou une convention d’écriture passée avec un producteur (TV ou cinéma, toute durée, que le projet ait abouti ou non), vous avez un projet de scénario pour la télévision (téléfilm, sitcom, série, mini-série, short, utilisant des images traditionnelles ou des images de synthèse).

La Fondation accorde également des bourses dans les domaines suivants : Créateur numérique, Écrivain, Journaliste de presse écrite, Libraire, Musicien et Photographe.

Modalités de candidature sur le site : www.fondation-jeanluclagardere.com

Dépôt des candidatures avant le samedi 11 juin 2016 !

Du côté des Oscars

La 88e cérémonie des Oscars du cinéma ayant eu lieu ce dimanche 28 février 2016 à Los Angeles a récompensé trois courts-métrages dans les catégories habituelles : fiction, animation, documentaire. Les votants de l’Académie ont choisi les titres suivants parmi les films présélectionnés.

Meilleur court métrage de fiction : Stutterer de Serena Armitage et Benjamin Cleary

Meilleur court métrage d’animation : Bear Story (Historia de un oso) de Pato Escala Pierart et Gabriel Osorio Vargas

Meilleur court métrage documentaire : A Girl in the River: The Price of Forgiveness de Sharmeen Obaid-Chinoy

Des supers filles & courts primés aux César

Vendredi soir, le Théâtre du Châtelet a vu récompenser deux réalisatrices de courts métrages repérées par Format Court : Céline Devaux a remporté le César de l’animation avec son formidable « Le Repas dominical » (projeté en septembre 2015 dans le cadre de nos projections en présence de sa réalisatrice) tandis que Cécile Ducrocq a obtenu le sésame du court avec son très juste, « La Contre-allée » projeté en sa présence et celle de sa comédienne, Laure Calamy, à notre dernière Soirée Format Court, il  y a 10 jours.

Retrouvez pour l’occasion nos différents articles :

La Contre-allée (Année Zéro), César du Meilleur Court Métrage

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Suzanne se prostitue depuis 15 ans. Elle a son bout de trottoir, ses habitués, sa liberté. Un jour, de jeunes prostituées africaines s’installent en périphérie. Suzanne est menacée.

A lire : la critique du film, l’interview de Laure Calamy

Le Repas dominical de Céline Devaux (Sacrebleu Productions), César du Meilleur Court Métrage d’animation

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Synopsis : C’est dimanche. Au cours du repas, Jean observe les membres de sa famille. On lui pose des questions sans écouter ses réponses, on lui donne des conseils sans les suivre, on le caresse et on le gifle. C’est normal, c’est le repas dominical.

A lire : la critique du film, l’interview de éline Devaux

Prochaine Soirée Format Court, Best of Brest !

Pour la quatrième année consécutive, Format Court accueille le Festival Européen du Film Court de Brest pour un nouveau Best of Brest ! Cette séance spéciale se tiendra le jeudi 10 mars prochain, dès 20h30, au Studio des Ursulines (Paris 5e) en présence de nos invités : Fabienne Wipf, directrice du festival, Daphné Hérétakis, réalisatrice de « Archipels, granites dénudés » (Mention spéciale Format Court au festival de Brest 2015) et l’équipe de « Coach » de Ben Adler, Prix spécial du jury au festival de Brest 2015.

Programmation

Larp de Kordian Kądziela (Fiction, 27′, Pologne, 2014, Krzysztof Kieslowski Faculty of Radio and Television, Université de Silesia). Prix Format Court au festival de Brest 2015

Sergiusz, dix-sept ans, se sent incompris par sa famille. Le garçon se réfugie dans sa grande passion, le monde de la science-fiction.

Archipels, granites dénudés de Daphné Hérétakis (Documentaire, 25′, France, Grèce, 2014, Le Fresnoy). Mention spéciale Format Court au festival de Brest 2015. En présence de la réalisatrice

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Athènes 2014. Entre désirs endeuillés et espoirs perdus, un journal intime se cogne contre les murs de la ville. Le quotidien d’un pays en crise, l’inertie de la révolution, les questions individuelles qui se confrontent au politique, la survie qui se confronte aux idéaux.

The Chicken de Una Gunjak (Fiction, 15’, Allemagne, Croatie, 2014, Zak Film Productions, Nukleus Film). Sélectionné à la Semaine de la Critique 2014, Prix du cinéma européen du meilleur court-métrage 2014

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Pour ses six ans, Selma reçoit un poulet comme cadeau d’anniversaire. Comprenant que l’animal va être tué pour nourrir la famille, Selma décide de le sauver et le laisse s’échapper. Lorsque la mère de Selma tente de récupérer le poulet, elle devient la cible des tirs d’un sniper. Bienvenue à Sarajevo, en 1993.

Coach de Ben Adler (Fiction, 14’, France, 2014, Fluxus Films). Prix spécial du jury au festival de Brest 2015, Prix spécial du Jury Génération 14+ (Berlinale 2015). En présence de l’équipe

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Un père divorcé emmène son fils de quatorze ans, dont il n’a pas la garde, assister à son premier match de football de l’équipe d’Angleterre, en France. Une panne de voiture et la rencontre avec un car de supporters anglais, et son leader hooligan, donneront à cette aventure une tout autre tournure.

En pratique

– Jeudi 10 mars 2016, à 20h30, accueil : 20h. Durée de la séance : 81′
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
Entrée : 6,50 €
Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com
Évènement Facebook : ici !

Prix Format Court/Média Solution. Le cas de « Berlin Metanoia » de Erik Schmitt, projeté à la Berlinale 2016

Fin octobre 2015, nous vous annoncions la mise en ligne de « Nashorn im Galopp » de Erik Schmitt, réalisateur allemand primé par notre jury Format Court l’an passé au festival de Brest. Si vous n’avez pas vu le film, nous vous invitons à le découvrir. Il est toujours aussi sympa et accessible dans son intégralité.

Pour info/rappel, dans le cadre de notre prix, nous avons consacré un  dossier spécial à Erik Schmitt, mais aussi projeté son film à Paris, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème), en présence du réalisateur en mars 2015.

Toujours par rapport au prix, le réalisateur a bénéficié d’une copie DCP pour son nouveau court-métrage grâce aux bons soins de notre partenaire, le laboratoire numérique Média Solution, à l’origine du Coup de Pouce DCP (dont l’actuel concours pour gagner un DCP est ouvert jusqu’au 31 mars 2015).

Le bon Scoop. « Berlin Metanoia » (image ci-dessous), le nouveau film d’Erik Schmitt, dont le DCP a donc été créé par Média Solution, a fait sa première à la dernière Berlinale dans la section Generation 14plus, consacrée aux jeunes cinéphiles de moins de 18 ans. On en est ravi pour le film et le réalisateur.

Depuis la création des Prix Format Court, notre équipe a récompensé plus de 30 films de tous genres et horizons (France, Belgique, Allemagne, Pays-Bas, Autriche, Espagne, Royaume-Uni, Pologne, Portugal, Roumanie, Norvège, Suède, Danemark, Canada, Brésil, Algérie, États-Unis) et s’est associé à de nombreux festivals français et étrangers.

Dorénavant, nous ne manquerons pas de vous tenir au courant des nouveaux projets des réalisateurs et réalisatrices que nous avons primés et des DCP créés pour la finalisation et la diffusion de leurs films.

Aider les auteurs, encourager la création, maintenir notre engagement en faveur du court métrage, collaborer avec un prestataire technique réputé pour son professionnalisme (encodage, sous-titrage, étalonnage) et son lien indéfectible aux auteurs et aux producteurs, telle est encore et toujours notre mission.

Nouveau Prix Format Court au Festival de Films de Femmes

Le 38ème Festival de Films de Femmes de Créteil et du Val-de-Marne aura lieu du 18 au 27 mars prochain. Pour la première fois, Format Court y attribuera un prix au sein de la compétition internationale. Le Jury Format Court (composé de Katia Bayer, Marie Bergeret, Adi Chesson, Ludovic Delbecq et Zoé Libault) récompensera l’un des 16 films sélectionnés.

À l’issue du festival, un dossier spécial sera consacré au film primé. Celui-ci sera diffusé lors d’une prochaine séance Format Court au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). Le réalisateur bénéficiera également d’un DCP (relatif au film primé ou au prochain dans un délai de deux ans) crée et doté par le laboratoire numérique Média Solution.

femmes

Films en compétition

A Strong Woman de Kacper Czubak, Iwona Kaliszewska, Pologne
Automatic Fitness de Alejandra Tomei, Alberto Couceiro, Allemagne
Bird’s Lament de Pauline Rambeau de Baralon, France
Blood Below the Skin de Jennifer Reeder, États-Unis
Clumsy Little Acts of Tenderness de Miia Tervo, Finlande
Daynight de Lucila Brea, Francisco Chiapparo, Leonardo Funes, Argentine
Eliza de Zi Gao, Chine, États-Unis
Joe is Dead de Lucía García-Lubén, USA, Espagne
Mirror Man de Agnese Laizane, Lettonie
Perfection is Forever de Mara Trifu, Roumanie, Royaume-Uni
La Rivière sous la langue de Carmen Jaquier, Suisse
Le Sommeil des amazones de Bérangère McNeese, Belgique
Sub Rosa de Thora Hilmarsdóttir, Royaume-Uni, Islande
The Other Place de Mareike Engelhardt, France, Angleterre, Allemagne
Vers la tendresse de Alice Diop, France
Women in Sink de Iris Zaki, Royaume-Uni, Israël

Eden’s Edge, Three Shorts on the Californian Desert de Leo Calice et Gerhard Treml

Grand prix de la compétition Labo du festival de court métrage de Clermont Ferrand 2016, « Eden’s Edge, Three Shorts on the Californian Desert », traduit par « Aux confins de l’Eden, trois courts métrages dans le désert californien», des Autrichiens Leo Calice et Gerhard Treml, est une invitation au voyage à travers un paysage récréé grâce à l’animation et qui prend sens lorsqu’il est mis en relation avec les récits de trois protagonistes lointains, presque invisibles, présents avant tout sous forme de voix-off. Le film regroupe en réalité une série de trois courts métrages, initialement au nombre de neuf, qui présentent, en prises de vue aérienne, trois installations artistiques de « Land Art » au milieu du désert californien.

Chacun de ces films offre une mise en scène et un récit de vie d’une figure locale, imprégnée par ce décor gris sablonneux, qui, lorsque dépourvu de toute figure humaine, ressemble à un mur de béton sur lequel on aurait dessiné. Le visage du narrateur n’est jamais visible, puisque vu d’en haut, seule sa voix et son monologue nous aide à s’approprier l’image et le lieu qu’elle met en scène. Chacun de ces films est constitué d’un plan fixe et d’un cadre restreint. Le désert de « Eden’s Edge » n’offre pas de grands espaces à perte de vue, de ligne d’horizon et de couchés de soleil époustouflants comme on en verrait dans un western. Pourtant, les artistes autrichiens, à la fois cinéastes, designers et architectes, se sont tout à fait appropriés les codes propres au genre cinématographique américain, celui du « storytelling », d’une narration à la première personne dans laquelle un narrateur d’âge mûr, riche d’une vie pleine d’épreuves, raconte son histoire sous forme de flashbacks. Produit par l’Office of Narrative Landscape Design, le film fait appel à cette capacité de raconter des histoires à travers le paysage, s’imprègne du folklore américain et explore la relation entre l’espace et la narration.

Eden’s-Edge-Leo-Calice-Gerhard-Treml

Ancré dans un territoire, chaque protagoniste évoque ses racines, et son rapport à la terre, qu’il soit spirituel pour le chaman amérindien, une question de subsistance pour la femme qui multiplie les petits boulots pour élever sa fille, ou un engagement pour un développement durable pour la cultivatrice. Chaque récit évoque un lien qui lie le protagoniste à ce milieu si particulier qu’est le désert, et chaque installation qui y est proposée fait écho au récit.

Le premier, nommé « Turtle Island », représente un cercle sacré qui prend la forme d’une tortue et sert aux rituels chamaniques du protagoniste. Le parking situé en face, qui lui est littéralement opposé, est le rappel à la civilisation moderne et aux traitements médicaux qu’il a voulu fuir, chaque place représenterait un homme qui comme lui, fut diagnostiqué schizophrénique. Le parking, tout comme la médecine traditionnelle, est un moyen de parquer les individus dans des espaces réduits, confinés et pré-définis, mais comme le fait remarquer le narrateur : « il nous faut de l’espace pour pouvoir réellement digérer tout ce qui se passe autour de nous ».

Eden's Edge (Three Shorts on the Californian Desert)

Le deuxième film, intitulé « Time Square », évoque la ville de New York et ses gratte-ciels qui sont ici reproduits dans une installation de cordes à linge vues d’en haut et de robes étendues qui flottent dans le vent, à l’horizontale, et rappellent des fenêtres d’immeubles. La narratrice de ce deuxième court métrage évoque son enfance en ville, les violences qu’elle renferme et sa peur de voir sa fille en subir les conséquences, tandis qu’elle accroche sur la corde à linge un nombre précis de robes, sensé représenté le nombre de robes qu’une femme porte dans sa vie jusqu’à son mariage. Dans le troisième film, nommé « Water and Worms », la femme et ses cultures de vers disposées en petits rectangles qui se font face représentent l’adaptation de l’homme à son environnement en opposition à la transformation de l’environnement par l’homme, en fonction de ses désirs et de ses besoins. Au contact des vers, la terre sèche et grisâtre devient fertile, ils participent au développement durable du territoire. Alors que son mari travaillait à la NASA, la narratrice de ce troisième film évoque « la nécessité de revenir à la terre après avoir conquis l’espace ».

Eden's Edge (Three Shorts on the Californian Desert)1

Les deux réalisateurs parviennent, tout en imposant au spectateur un champ de vision limité, à faire parler le paysage. Les mirages dont sont victimes les personnes qui s’aventurent dans le désert émanent ici de ces deux metteurs en scène-cinéastes qui recréent en partie le désert à l’aide d’images de synthèse et d’animation, créent l’illusion d’un animal totem ou encore d’une ville, mais qui comme le mirage, suscitent la fascination. Le désert et le récit qui l’accompagne sont une invitation au voyage dans les confins d’une Amérique où la notion d’appartenance au territoire dans le récit est omniprésente. Le film est aussi un appel au rêve et à une vie plus spirituelle, en accord avec la nature. Les protagonistes de « Eden’s Edge » imposent un certain respect car leur récit est plein de sagesse, de vécu et de sacrifices. Leurs voix, posées, nous invitent à tendre l’oreille et questionnent les limites du langage visuel, puisque l’immobilité de la caméra et le point de vue unique qui nous sont imposés nous poussent à nous concentrer sur la parole. « Eden’s Edge » nous amène vers les confins d’un désert américain indéniablement cinématographique qui regorge de récits à faire symboliquement sortir de la terre.

Agathe Demanneville

Consultez la fiche technique du film

E comme Eden’s Edge (Three Shorts on the Californian Desert)

Fiche technique

Eden's Edge (Three Shorts on the Californian Desert)

Synopsis : Une série de scènes minimalistes en vue aérienne, méticuleusement construites dans le sable gris du désert.

Genre : Documentaire animé

Durée : 19′

Année : 2014

Pays : Autriche

Réalisation : Leo Calice, Gerhard Treml

Scénario : Leo Calice, Gerhard Treml

Image : Leo Calice, Gerhard Treml

Montage : Leo Calice, Gerhard Treml

Animation : Leo Calice, Gerhard Treml

Production : Gerhard Treml

Article associé : la critique du film

Short Screens #59 : Guerre et Paix

Aussi vieille que l’humanité, la guerre traverse le temps et l’espace entraînant dans son sillon l’écume de tant de souffrances. Mais au beau milieu de ces conflits meurtriers règnent des moments d’accalmie et des instantanés de « bonheur ». A la lisière de ces deux mondes, Short Screens vous a préparé un programme de 6 courts métrages originaires de France, de Croatie, de Suisse, d’Israël, d’Australie et d’Afghanistan.

Rendez-vous le jeudi 25 février à 19h30, au cinéma Aventure, Galerie du Centre, Rue des Fripiers 57, 1000 Bruxelles – PAF 6€.

Visitez la page Facebook de l’événement ici.

PROGRAMMATION

THE CHICKEN de Una Gunjak, Allemagne-Croatie / 2014/ fiction / 15’

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Pour ses six ans, Selma reçoit un poulet comme cadeau d’anniversaire. Comprenant que l’animal va être tué pour nourrir la famille, Selma décide de le sauver et le laisse s’échapper. Lorsque la mère de Selma tente de récupérer le poulet, elle devient la cible des tirs d’un sniper. Bienvenue à Sarajevo, en 1993.

Article associé : la critique du film

A PLACE LIKE THIS de David May, Australie/ 2012 / documentaire / 6’25’’

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Un documentaire biographique au sujet d’un homme, son jardin et les expériences qui nous construisent.

NIJUMAN NO BOREI de Jean-Gabriel Périot, France / 2007 / expérimental / 8’

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Hiroshima, 1914-2006. Une méditation expérimentale autour du A-Bomb Dome, symbole de la destruction d’Hiroshima par la bombe atomique en 1945.

Articles associés : la critique du film, l’interview de Jean-Gabriel Périot

THE HEART OF AMOS KLEIN de Uri Kranot et Michal Pfeffer-Kranot / France-Pays-Bas-Israël / 2008 / animation / 15’

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Durant une opération à cœur ouvert, Amos Klein, entre la vie et la mort, se remémore les événements significatifs de sa vie correspondant à des moments clés de l’histoire israélienne. Son voyage spirituel est une réflexion sur la corruption morale, le militarisme et l’endoctrinement.

Articles associés : la critique du film, l’interview de Uri Kranot

8 de Aćim Vasić, Suisse / 2010 / fiction / 10’23’’

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Une guerre. Un pays inconnu. Un temps inconnu. Deux soldats d’armées adverses se poursuivent à tour de rôle dans un jeu du chat et de la souris. Au milieu de paysages sévères, les positions s’inversent. Et l’attaquant se trouve à son tour en péril. Toute l’absurdité de la guerre.

BUZKASHI BOYS de Sam French / Afghanistan / 2012 / fiction / 30’

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L’histoire de deux amis – un mendiant et un fils de forgeron – qui rêvent de devenir joueurs de bouzkachi, un sport afghan aussi sanglant que légendaire.

Rappel. Soirée Format Court, ce jeudi 18 février 2016 !

Ce jeudi 18 février 2016, Format Court remet le couvert à 20h30 au Studio des Ursulines (Paris 5ème) avec une nouvelle soirée de 4 courts français de fiction et d’animation, sélectionnés et/ou primés à Cannes, à Angers, à Clermont, aux César, …, en présence de 3 équipes.

Un rendez-vous à ne pas manquer et une belle occasion de découvrir et d’échanger avec les nouveaux talents du cinéma français : Cécile Ducrocq et Laure Calamy, réalisatrice et comédienne de « La Contre-allée », Yann Delattre, réalisateur de « Jeunesse des loups-garous » et Jean-Christophe Soulageon, producteur des « Petits cailloux ».

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En pratique

* Jeudi 18 février 2016, à 20h30, accueil : 20h. Durée de la séance : 76′
* Infos films (synopsis, critiques, interviews, trailers, …) : ici !
* Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
* Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
* Entrée : 6,50 €
* Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com

4ème édition du Coup de Pouce DCP

Après le succès remporté par la troisième édition du Coup de Pouce DCP qui avait rassemblé 65 films en compétition, le laboratoire numérique Media Solution, dont nous sommes partenaires pour les Prix Format Court, lance une 4ème édition (la première de l’année 2016) avec un principe simple : offrir un DCP (encodage au format Cinéma Numérique) au lauréat de son nouveau concours afin de permettre sa diffusion en salle, mais aussi et surtout, dans les grands festivals de catégorie 1. Il confirme ainsi sa volonté de soutenir les jeunes talents du court métrage francophone.

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Les réalisateurs (ou les producteurs) intéressés doivent faire parvenir leur court-métrage par internet à l’adresse mail suivante : dcp@mediasolution.fr.

Pour participer : http://mediasolution.fr/blog/

Comment s’effectue le choix du vainqueur ?

Tout d’abord une première sélection des films est effectuée par l’équipe de Média Solution. Puis la « short list » retenue est soumise à un jury de professionnels chargé de visionner et de juger les films. Aux termes de délibérations, le jury choisit le court-métrage qu’il souhaite aider en lui offrant son DCP.

Pour cette seconde édition, le planning est le suivant :

– Lancement du concours : 15 février 2016
– Date de clôture de la réception des films : 31 mars 2015
– Délibération du jury : 28 avril 2015

Conditions de participation

– Le réalisateur (trice) déclare être âgé d’au moins 18 ans;
– Un réalisateur (trice) ne peut envoyer plus d’un court-métrage par session (il devra attendre la suivante);
– Le court-métrage doit avoir été achevé postérieurement à janvier 2015;
– Il n’est pas nécessaire d’être produit par un producteur;
– Les films doivent avoir une durée maximale de 20 mn (générique compris);
– Les films doivent être en langue française;
– Les films doivent être envoyés par un lien de téléchargement (FTP, WETRANSFER ou autre) au format MP4 (1080p ou 720p);
– Les réalisateurs doivent pouvoir fournir leur master au format ProRes HQ dans le cas où leur film serait récompensé par le jury

L’amour à la française, demain soir au Ciné 104 !

A travers 4 courts-métrages français alliant des genres différents (fiction, documentaire, animation), le projet Quartiers Lointains propose une nouvelle saison autour du thème L’amour à la française.

Ce mardi 16 février, à 20h, une soirée de lancement est proposée au Ciné 104, en présence des réalisateurs des 4 courts métrages programmés (« Le Sens du Toucher » de Jean-Charles Mbotti Malolo, Prix Format Court au festival de Villeurbanne 2014, « Destino » de Zangro, « Vers la Tendresse » d’Alice Diop & « Le Retour » de Yohann Kouam).

Porté par l’association Siniman Films et parrainé par le réalisateur américain Melvin van Peebles, ce programme itinérant, dont Format Court est partenaire pour la première fois, circulera en 2016 du Sud au Nord de l’hémisphère entre plusieurs pays d’Afrique, la France et les États-Unis.

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Infos pratiques

Soirée de lancement au Ciné 104 mardi 16 février 2016 à 20h
104, avenue Jean Lolive 93500 Pantin

Métro 5 – arrêt Eglise de Pantin Tarifs : 6€ (normal), 5€ (abonnés), 4€ (réduit)

Réservation obligatoire : cblache.sinimanfilms@gmail.com

Plus d’infos : www.quartiers-lointains.com

Facebook : https://www.facebook.com/quartierslointains/?fref=ts