Madre de Simón Mesa Soto

Deux ans après avoir reçu la Palme d’or du court-métrage pour « Leidi », Simón Mesa Soto concourt de nouveau dans la même sélection au festival de Cannes 2016, avec son court-métrage « Madre ».

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Réalisateur colombien ayant étudié le cinéma à Londres, il retourne filmer dans son pays natal. Il s’intéresse avant tout aux jeunes adolescentes de Medellin, mégalopole colombienne, deuxième ville la plus peuplée du pays. Il réalise des portraits de femmes-enfants dont les conditions de vie les ont emmenées à grandir plus vite et à adopter des comportements de femmes avant l’âge. A l’instar de « Leidi » qui suivait une très jeune mère à la recherche du père de son enfant, « Madre » dévoile un court instant de la vie d’Andrea, adolescente de 16 ans. Le film se déroule sur une journée, celle où la vie d’Andrea bascule en entrant dans le monde glaçant de la pornographie.

La jeune fille est emprisonnée dans des cadres très serrés qui n’hésitent pas à lui couper un morceau du front, la laissant sans air et sans espace face à une décision irrévocable prise sans autre motivation que celle de l’argent. Pour autant, la caméra, si elle n’est pas fixe, est stable et fluide, ne créant ainsi pas de mouvement anxiogène. En effet, Andrea ne manifeste aucune angoisse, elle ne parait pas regretter son choix et appréhender l’acte qu’elle devra commettre avec calme et sérénité. Elle semble agir après mûre réflexion, pouvant alors répondre de manière assurée aux questions que lui pose son futur agent lors du casting passé, quitte à mentir avec aplomb sur son âge par exemple.

Cependant, l’hostilité du monde dans lequel elle s’intègre est suggérée avec quelques plans plus larges dévoilant l’arrière-plan ou quelques interactions sonores avec l’hors-champs. Ils laissent apercevoir les regards méprisants que les autres filles lui portent ou entendre la voix du directeur de casting posant les strictes conditions de son futur travail si elle l’accepte. Andrea, très justement interprétée par Yurani Anduquia Cortés, est pudique. En public, elle ne laisse transparaitre aucune émotion, ni dans sa voix, ni sur son visage. Seule une larme discrète coule le long de sa joue à la fin de cette journée éprouvante quand elle se retrouve enfin seule, libérant ainsi la lourde pression difficile à retenir par une femme qui n’est en fait encore qu’une enfant.

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Le film prend part dans un projet commun international « Break the Silence », regroupant trois autres réalisateurs primés à Cannes, Frida Kempff, Anahita Ghazvinizadeh et Sonejuhi Sinha, sur le thème de l’exploitation sexuelle infantile. En réponse à la commande, Simón Mesa Soto signe un film tout en retenue et suggestion, offrant aux jeunes femmes de son pays toute la considération qu’elles méritent.

Zoé Libault

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