Tous les articles par Katia Bayer

Les prix parallèles : Quinzaine/Semaine

En attendant les résultats de Cannes ce soir, voici ceux des sections parallèles.

À la Quinzaine des Réalisateurs, le court lauréat du Prix Illy est revenu au documentaire américain Skip Day, d’Ivete Lucas et Patrick Bresnan, dont nous proposions de découvrir il y a peu The Rabbit Hunt, le précédent court de Patrick Bresnan, visible en ligne. Une critique de Skip Day est à lire sur notre site.

À la Semaine de la Critique, deux films ont été distingués. Le film grec Ektoras Malo : I Teleftea Mera Tis Chronias de Jacqueline Lentzou a reçu le Prix Découverte Leica Ciné du court métrage. Pour info, un précédent court de la réalisatrice, Thirteen Blue, est visible sur la Toile. Autre prix : le film franco-algérien Un jour de mariage d’Elias Belkeddar a reçu le Prix Canal+ du court métrage.

Ces trois films (mais aussi les programmes complets de courts) seront diffusés à Paris notamment lors des reprises annuelles au Forum des images et à la Cinémathèque Française. On vous en reparle bientôt sur Format Court !

C comme La Chute

Fiche technique

Synopsis : Lorsque les habitants du ciel viennent contaminer ceux de la Terre, l’ordre du monde est bouleversé. C’est le début d’une chute tragique de laquelle naîtront les enfers et, à l’opposé, les cercles du paradis.

Genre : Animation

Durée : 14’

Pays : France

Date : 2018

Réalisation : Boris Labbé

Scénario : Boris Labbé

Musique : Daniele Ghisi

Production : Sacrebleu productions

Article associé : la critique du film

La Chute de Boris Labbé

Il est des films ou l’on pourrait aimer évoquer un syndrome de Stendhal cinématographique tant les formes et la beauté des mouvements nous imprègnent à travers les tableaux picturaux qui s’enchaînent.

La Chute, film de Boris Labbé réalisé à l’encre de Chine et à l’aquarelle a été présenté ces jours-ci pour la première fois en séance spéciale à la 57ème Semaine de la Critique à Cannes. Boris Labbé s’était notamment fait connaître par un court métrage d’animation en 2015, réalisé déjà à l’encre de Chine appelé Rhizome. Ce film laissait déjà entrevoir la finesse du détail et du mouvement ainsi que le travail des différentes nuances de gris qui s’installe comme une force primordiale dans le travail de ce réalisateur et animateur français né en 1987.

Dans La Chute, apparaissent des fleurs et un environnement en nuances de gris, parfois noir, parfois blanc. Une musique douce nous entraîne. Nous sommes, semble t-il dans un jardin d’Éden ou en tout cas dans un endroit qui y ressemble. Les couleurs parsemées par-ci par-là nous attirent, la musique au violon est prenante et lancinante. Les images en boucle se succèdent dans un décor étrange et attrayant. C’est le premier tableau.

Puis, surgissent les hommes dont la symbiose dans cette nature semble complète. Venant du ciel, des oiseaux ou des hommes apparaissent. La musique change de ton malgré une terre qui semble rester en harmonie, comme en apesanteur devant les malheurs qui pourraient arriver. Les fleurs mutent et les hommes se métamorphosent en mille couleurs. Ils se confondent dans les nuances de gris et de noir de l’encre de Boris Labbé. Ici, se dresse un deuxième tableau.

Tout semble être calme mais la présence étrange de cette douceur angoissante nous englobe littéralement et après l’image d’un paradis idyllique tout en symbiose, les limbes s’accordent dans une fresque plus dure et plus sombre. Une silhouette se structure comme dans un test de Rorschach ou l’on voit une forme jaillir et devenir un monstre inhumain. Le troisième tableau prend forme.

Le rouge du sang, le noir des ténèbres font place. La nature se désagrège et l’homme qui semblait en osmose ne l’est plus et ne se confond plus avec celle-ci. Il se mange, il est mangé, il se transforme et le fœtus qui semblait pouvoir naître en être humain n’est plus. Il n’est plus qu’une colossale bête humaine. Nous avons ici le quatrième tableau.

Évoquer une oeuvre-somme pour La Chute de Boris Labbé est un mot parmi les autres. Mais réduire ce film à une somme encyclopédique qui qualifierait d’œuvre abrégée du savoir des peintures du 15ème siècle plus magnifiques les unes que les autres, assujettirait le talent de Boris Labbé.

Le film s’inspire entre autres du peintre Jerôme Bosch (Le jardin des délices – 1504 ou La tentation de saint Antoine – 1506), ou encore plus globalement à L’Enfer de Dante. C’est toute l’influence de la peinture classique du 15ème siècle qui se retrouve confrontée ici, entre les différents stades de l’enfer qui s’enchaînent et la narration remarquablement exécutée du réalisateur.

Comprendre dans le détail ce court-métrage d’environ 13 minutes, c’est essayer de comprendre la contemporanéité des différents tableaux. Certes ici, l’influence des peintures anciennes et des tableaux des grands maîtres de la Renaissance est forte, mais ce film est bien différent de l’époque de Botticelli ou de Bruegel.

Dés les premières minutes du film, nous voyons l’osmose surprenante entre l’Homme et la nature, puis la domination importante de ce même Homme qui finit par être mangé par cette nature qu’il a voulu dominer.

Ne serait-ce pas une œuvre engagée, une ode à la folie des hommes réinterprétée, façon « global warming » du 21ème siècle ? Quoi qu’il en soit, Boris Labbé se réapproprie les codes picturaux bibliques pour les rétablir dans le style contemporain. Voir une œuvre du 15ème siècle avec des yeux du 21ème est toujours difficile à représenter mais ici, Boris Labbé réussit l’exercice avec brio et nous offre une œuvre originale.

Dans le graphisme surtout, la contemporanéité est présente. Les visages sont humains par leur forme mais non-humains par leur expression, ils ne font qu’un avec la nature. Un animal parmi d’autres. Un végétal parmi les plantes. Et la musique tantôt lancinante, tantôt apocalyptique ne nous y trompe pas et se mélange magnifiquement bien avec les dessins. On est subjugué par les émotions qu’elle nous procure.

Le tableau de Boris Labbé représente ici l’humain dans son entièreté. Celui qui mange et est mangé, celui qui domine et qui est dominé. La symétrie des tableaux qui s’enchaîne dans un travelling au rythme régulier ne donne pas le temps au spectateur de se reposer et chaque détail compte.

Par un système de boucle sur un cadre donné, Boris Labbé improvise et fait le lien dans un film magnifique et prenant, entre la peinture du 15ème siècle et aujourd’hui, entre les croyances de la fin du Moyen Âge et celle du 21ème siècle. Des nuances de gris pour des nuances d’émotions, de la douceur à la noirceur. De la stupeur à l’horreur.

Clément Beraud

Consulter la fiche technique du film

Voir la page Vimeo de Boris Labbé (comprenant plusieurs de ses anciens courts)

Cinéfondation 2018, le palmarès !

Le Jury de la Cinéfondation et des courts métrages présidé par Bertrand Bonello et composé de Khalil Joreige, Valeska Grisebach, Alanté Kavaïté et Ariane Labed, a annoncé ce 17 mai 2018 son palmarès lors d’une cérémonie salle Buñuel.

La sélection comprenait 17 films d’étudiants en cinéma choisis parmi 2 426 candidats en provenance de 512 écoles de cinéma dans le monde. 4 films ont été primés par le jury.

Premier Prix : El Verano del Leon Electrico (The Summer of the Electric Lion) de Diego Céspedes (Universidad de Chile)

Deuxième Prix ex-aequo :

Kalendar (Calendar) de Igor Poplauhin (Moscow School of New Cinema)

Dong Wu Xiong Meng (The Storms in Our Blood) de Shen Di (Shanghai Theater Academy)

Troisième Prix : Inanimate de Lucia Bulgheroni (NFTS)

Pour info, le palmarès de la Cinéfondation sera diffusé ce mardi 22 mai à 18h au Cinéma du Panthéon, en présence de Bertrand Bonello.  Tarif unique : 5 euros, cartes illimitées acceptées.

Films en ligne : 3 nouveaux courts liés à la Quinzaine

En attendant notre sélection critique des nouveaux courts de Cannes, Format Court vous propose de voir en ligne 3 précédents films de réalisateurs sélectionnés cette année avec leurs nouveaux courts à la Quinzaine des Réalisateurs.

Ils font partie des 10 courts-métragistes sélectionnés à la Quinzaine 2018 : Carolina Markowitz (O órfão), Patrick Bouchard (Le Sujet) et Patrick Bresnan (Skip Day, co-réalisé avec Ivette Lucas). (Re)découvrez  leurs précédents films !

Katia Bayer

Tatuapé Mahal Tower de Carolina Markowicz (Brésil)

Subservience de Patrick Bouchard (Canada)

The Rabbit Hunt de Patrick Bresnan (USA / Hongrie)

Love in vain de Mikko Myllylahti

Mikko Myllylahti, scénariste et réalisateur finlandais, est un ancien étudiant de la ELO Helsinki Film School. Kurjuuden kuningas (Love in Vain), son court-métrage d’école datant de 2009, met en scène le personnage de Jakke qui doit épouser – sans grande conviction – une jeune femme enceinte de lui.

Au travers du personnage de Jakke, Mikko Myllylahti traite le thème du passage à l’âge adulte. On se laisse aisément transporter dans son univers parce que ses idées parlent à tout le monde : les décisions, les responsabilités, l’égoïsme et l’empathie. Jakke est un jeune homme pris au piège par les conséquences de ses propres actes. Il doit choisir entre assumer son nouveau rôle de père et mari ou fuir la situation présente. Le réalisateur balance entre la tendresse qu’il a pour son personnage et la figure d’anti-héros de ce dernier, ce qui donne une saveur douce-amère particulière au film.

Love in Vain se distingue par le traitement poétique de cette situation plutôt commune d’un point de vue scénaristique. La poésie du film se traduit tout d’abord par la mise en scène de l’espace qui reflète l’espace mental de Jakke et qui s’agrandit peu à peu. L’utilisation très réfléchie de la musique souligne de façon élégante les silences du film qui servent aussi bien la narration que l’intention poétique de Myllylahti.

Ce film d’étudiant développe des enjeux forts que l’on retrouve dans son dernier film Tiikeri (Tiger), sélectionné cette année à la Semaine de la Critique à Cannes. On y retrouve toujours, d’un film à l’autre, de la douceur et de la poésie aux effets magiques.

Justine Hibon

2 nouveaux courts liés à Cannes 2018 à voir en ligne

Après vous avoir proposé 10 courts français liés à Cannes sur le site d’Unifrance, Format Court vous invite à découvrir deux précédents films de réalisateurs étrangers présentant leurs nouveaux courts cette année à Cannes, en compétition officielle.

Ils présentent leurs nouveaux courts en compétition officielle : Marta Pajek avec Impossible Figures and other stories, Celine Held et Logan George avec Caroline. (Re)découvrez leurs précédents films !

Sleepincord de Marta Pajek (Pologne)

Mouse de Celine Held et Logan George (États-Unis)

Retour sur Chalon Tout Court 2018

  1. Fin mars, la petite ville de Chalon-Sur-Saône présentait la 9ème édition de son festival annuel de courts-métrages étudiants : Chalon Tout Court. Festival à petite échelle, Chalon Tout Court permet une réelle rencontre entre professionnels du cinéma, jeunes réalisateurs, cinéphiles et curieux dans une ambiance des plus familiales et conviviales. C’est aussi l’occasion de découvrir des courts-métrages d’étudiants venant des quatre coins du monde : Danemark, Finlande, Belgique, Allemagne, Espagne, Argentine, Mexique, Venezuela… La pluralité des provenances et des écoles représentées permet de découvrir un éventail de films très variés dont les suivants ont été repérés par Format Court.

Déjà récompensé dans de nombreux festivals et notamment à Annecy par le Cristal du meilleur film étudiant, Sog est un film d’animation allemand. Jonathan Schwenk, étudiant à l’Offenbach University of Art and Design, nous présente un peuple de créatures vivant dans une grotte. Après une inondation, des poissons se retrouvent coincés dans un arbre à proximité et, de peur de mourir desséchés, poussent des cris d’effroi dans l’espoir d’être sauvés. Mais les habitants de la grotte s’avèrent insensibles à la détresse des poissons et, agacés par le bruit, deviennent même cruels à l’égard de ceux-ci. Ici, la violence et la bêtise ne sont rien d’autre qu’un remède à l’ennui et ressemblent curieusement à la violence et la bêtise des hommes. Alternativement mystérieux, drôle et émouvant, Sog se distingue par sa technique. L’animation mixte (marionnettes, ordinateur 3D, prises de vues réelles, …) utilisée ici et la musique, parfois oppressante, lui confèrent une couleur et une texture toute particulière. Cet univers, auquel s’ajoute l’allégorie, rend le film très touchant.

Réalisé par Wenqian Gao, Xue Bing et Son Jixiang, trois étudiants chinois des Beaux-Arts de Paris, Peacock (Le Paon) est un court-métrage d’animation expérimental. Onirique et surréaliste, son animation peut faire penser à des tableaux de Dali et de Magritte ou encore à ceux de Takeshi Kitano dans Hana-Bi. Corps sans têtes, machines incroyables et animaux extraordinaires : un bal de créatures semblant tout droit sorties d’un rêve s’offre à nous. Les formes et les couleurs se succèdent dans une chorégraphie envoutante et obnubilante. Tout s’enchaîne comme le fil des pensées et, dès la première minute, nous sommes transportés, happés par la musique et ces projections merveilleuses.

Ce film d’école aux airs d’introspection et de méditation est inspiré du taoïsme. Si il semble absurde au premier abord, il propose une réflexion sur la vie et la société ainsi que sur notre appréhension du monde. Les hommes, ici représentés en pyjama car dans le monde du rêve, s’échangent des paroles pour finalement tous dire la même chose. Ils répètent les mêmes schémas et se façonnent la tête mutuellement. La synchronisation est parfaite et, dans ce rêve chorégraphié, l’orchestre de l’humanité suit son cours.

Documentaire allemand récompensé à Chalon par le Prix Découverte, Find Fix and Finish ne laisse pas indifférent. Dans ce film à la fois original, audacieux et puissant, Mila Zhluktenko et Sylvain Cruiziat, étudiants à l’University of Television and Film de Munich, nous projettent en altitude grâce aux témoignages de trois pilotes de drones militaires américains. Passant leurs journées à observer les gens, leur perspective est radicalement différente de la nôtre. Ce voyeurisme est aussi dérangeant que passionnant et le film nous ouvre les yeux sur cette réalité qu’on ne soupçonne pas. C’est une autre façon de faire la guerre, mais également de voir la vie et de se positionner face à l’humanité. Les hommes se transforment en pixels et la vie est derrière l’écran. À suivre les mêmes individus filmés de si loin et pourtant de si près, en ayant autant de pouvoir sur eux, on finit par s’interroger. S’attache-t-on à eux ou devient-on complètement indifférent à leurs égards ? Entièrement filmé au drone, ce court-métrage permet une réelle expérience d’immersion dans la peau de ces militaires. Leurs témoignages, des plus touchants, en font une expérience bouleversante.

Ces trois exemples sont issus de la programmation riche et éclectique de Chalon. Parallèlement aux projections, le festival, se déroulant majoritairement dans le Conservatoire de la ville, reste grandement centré sur la musique. Cette année, un large éventail d’activités en lien avec la musique au cinéma était proposé aux spectateurs : un atelier de création sonore animé par Serge Rouquariol (ingénieur son) pour les jeunes de la région, un ciné-concert de François Raulin (pianiste et compositeur) et enfin une conférence de Thierry Jousse (réalisateur et animateur d’émissions sur la musique sur France Inter et France Culture), invité d’honneur et président du jury professionnel.

En combinant projections, rencontres et activités musicales, le festival de Chalon propose une expérience variée et s’adresse à un public de tout âge aussi bien amateur que professionnel. Les festivals de courts-métrages étudiants comme celui-ci ou encore celui de Poitiers (Poitiers Film Festival) ne peuvent qu’être encouragés. Il est fondamental de permettre aux films d’écoles d’être visualisés par le plus grand nombre. Grand laboratoire du cinéma, le court-métrage étudiant donne la parole à toute une génération de jeunes cinéastes. C’est aussi l’opportunité pour ces jeunes réalisateurs d’avoir des retours sur leur travail et parfois de lancer leur carrière. Enfin c’est une invitation pour tous ceux qui n’ont pas encore eu la force de passer à l’acte de se lancer. C’est pourquoi les initiatives comme celles de Chalon Tout Court sont louables. À Chalon, c’est toute la ville qui peut, le temps d’un week-end, se tourner gratuitement et collectivement vers le cinéma : atelier pour les jeunes de cité, ciné-gouter pour les enfants, participation et implication des étudiants de l’école d’art et des élèves du conservatoire… Voilà bientôt 10 ans que Chalon se mobilise grâce à la ténacité de certains acteurs. C’est un exemple que pourrait suivre de nombreuses autres villes. En attendant, on ne peut qu’encourager toute l’équipe de Chalon Tout Court à poursuivre ses efforts pour l’anniversaire des 10 ans du festival les 4, 5 et 6 avril 2019 !

Juliette Lytovchenko

Consulter le site du festival Chalon Tout Court

10 courts liés à Cannes, visibles grâce à UniFrance

À l’occasion du Festival de Cannes 2018, UniFrance met en valeur 10 courts métrages réalisés par 10 réalisateurs présentant actuellement leurs nouveaux films sur la Croisette. Le visionnage ouvert et gratuit a lieu du 8 au 19 mai (avec des sous-titrages en anglais en option).

Ils présentent cette année leurs nouveaux films en compétition officielle (Éva Husson), à la Semaine de la Critique (Bertrand Mandico, Camille Lugan, Boris Labbé) à la Quinzaine des Réalisateurs (Marie Monge, Nicolas Boone, Gabriel Harel, Emma De Swaef, Romain Gavras) ou à l’ACID (Ombline Ley). (Re)découvrez  leurs courts métrages !

« Marseille la nuit » de Marie Monge

Katia Bayer

Those For Whom It’s Always Complicated de Éva Husson (Kidam)
Rhizome de Boris Labbé (Sacrebleu Productions)
Prehistoric Cabaret de Bertrand Mandico (Ecce Films)
Karama Karama de Camille Lugan (La fémis)
Marseille la nuit de Marie Monge (10:15 Productions)
Hillbrow, de Nicolas Boone (Tournage 3000)
Oh Willy… de Emma De Swaef (Polaris Film Production & Finance)
Jamie XX – Gosh de Romain Gavras
Yùl et le serpent de Gabriel Harel (Kazak Productions)
Cavernicole de Ombline Ley (EnsAD – École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs)

Rencontres pros Format Court/Musique, les photos

Vous avez raté notre 5ème Rencontre pro spécial Musique, jeudi passé ? Voici les photos signées Manmzel.r. Nos invités, ce soir-là, étaient Céline Devaux (réalisatrice de « Gros chagrin »), Daniel Sauvage et Jérôme Barthelemy (producteurs de « Pépé le morse », Caïmans Productions) et Marion Desseigne-Ravel (réalisatrice de « Les Ormes »). Nous vous donnons très vite rendez-vous pour nos prochaines Rencontres et notre nouvel After Short spécial Cannes ce jeudi 3 mai.

Concours. Quinzaine des Réalisateurs. Les jeunes années 1967-1975

En prévision du Festival de Cannes et de notre After Short dédié au festival ce jeudi 3 mai au Point Éphémère (Paris 10ème), Format Court vous offre 5 exemplaires du livre Quinzaine des Réalisateurs. Les jeunes années 1967-1975 écrit par Bruno Icher, ancien journaliste à Libération et à Télérama et membre actuel du comité de sélection de la Quinzaine. Particularité : l’ouvrage est illustré par Benoît Grimalt, dessinateur et cinéaste (on lui doit le fameux court-métrage Retour à Genoa City, sélectionné à la même Quinzaine l’an passé).

Le livre, édité chez Riveneuve et sorti en librairie le 15 mars dernier, relate l’histoire de « l’autre festival », créé en margé de l’officiel en 1969 et géré pendant 30 ans par Pierre-Henri Deleau, animateur d’un ciné-club lillois à ses débuts. La Quinzaine, terre d’asile de nombreux cinéastes éloignés des académismes de leurs pays, a fait beaucoup pour le bon cinéma du monde, qu’il soit français,  italien, américain, asiatique, africain, etc. Il était temps qu’un livre rende hommage à l’histoire de la section qui leur a fait de la place à Cannes, d’autant plus que la Quinzaine fête ses 50 années d’existence cette année.

Si vous désirez vous procurer un exemplaire de cet ouvrage passionnant revenant sur les débuts et l’histoire de la Quinzaine des Réalisateurs, sachez que nous avons 5 exemplaires à vous offrir. Intéressé(e)s ? Contactez-nous !

Le film de la semaine : Turbulent de Shirin Neshat

Shirin Neshat a grandi dans un Iran qui n’a pas connu la révolution et qui renversa le Shah. Elle s’est affirmée au fur et à mesure comme une figure importante de l’art vidéo des années 90. Son œuvre Turbulent (1998) est considérée comme magistrale. Leurs voix résonnent encore aujourd’hui.

Pensé comme une installation vidéo, le film contient deux écrans qui se font face. Le spectateur, au milieu, est comme pris en étau. La dualité des genres est ici le tableau de ce film. La dualité Hommes/Femmes mais aussi le traitement inégal qui lui est dû dans la société iranienne de l’époque et qui reste inchangé encore aujourd’hui. Cette société ne s’articule que par deux, c’est une société binaire où l’un prend le dessus sur l’autre. Ici, le rôle de la femme est symbolisé de manière concrète.

Tout est en confrontation, l’homme et ses spectateurs, la lumière, les applaudissements versus les chaises vides, le silence pour la femme. Elle est en noir, il est en blanc. Il nous fait face, elle nous tourne le dos.

La chanson commence, l’homme est dans la lumière. Il chante d’une voix douce et agréable une chanson traditionnelle perse. Puis, après vient la clameur des hommes. C’est la voix rauque et sombre qui prend le relais. Dans un deuxième tableau qui s’oppose au premier, l’homme a remplacé sa joie et sa voix par un regard apeuré, inquiet. La voix retentit et résonne, elle se disloque, se fragmente, la caméra tourne autour de la femme qui semble en transe et projette sa douleur. La douleur, toujours face à une salle vide, la douleur face à ce sentiment d’impuissance d’être née avec le mauvais sexe. Cette douleur qui frappe et tue.

Ces deux tableaux résonnent et se confrontent dans une telle intensité que la métaphore sur la complexité du rôle de l’homme et de la femme au sens propre comme au figuré, nous parle encore aujourd’hui presque vingt ans après.

Clément Beraud

La Quinzaine des Réalisateurs, côté courts

La Quinzaine des Réalisateurs, section parallèle du Festival de Cannes, fêtant ses 50 ans d’existence cette année, a annoncé hier la composition de sa sélection. 10 courts-métrages ont été choisis de même que 20 longs-métrages. Côté courts, on découvre avec plaisir les noms des belges Emma de Swaef et Marc Roels (Oh Willy… !), de l’italien Marco Bellocchio, des français Gabriel Harel (Yùl et le serpent) et Nicolas Boone (Le Rêve de Bailu, Hillbrow) et de l’américain Patrick Bresnan (The Rabbit Hunt). De son côté, Marie Monge, réalisatrice du moyen-métrage Marseille la nuit, propose un premier long-métrage (Joueurs) sur lequel nous ne manquerons pas de revenir.

Courts métrages sélectionnés

– Basses de Félix Imbert (France)

– Ce magnifique gâteau ! d’Emma De Swaef & Marc Roels (Belgique/France/ Pays-Bas)

– La chanson (The song) de Tiphaine Raffier (France)

– La lotta de Marco Belloccio (Italie)

– Las cruces de Nicolas Boone (France)

– La Nuit des sacs plastiques de Gabriel Harel (France)

– O órfão de Carolina Markowicz (Brésil)

– Our Song to War de Juanita Onzaga (Colombie)

– Skip Day de Patrick Bresnan & Ivette Lucas (Etats-Unis)

– Le Sujet de Patrick Bouchard (Canada)

Nouvel After Short, spécial Cannes, jeudi 3.5.2018 au Point Éphémère !

Les After Short de la revue en ligne Format Court sont des soirées régulières de networking réunissant la communauté active et dynamique du court métrage. La dernière soirée avait réuni en octobre passé les équipes présélectionnées aux Cesar.

À l’occasion du prochain Festival de Cannes, Format Court vous invite le jeudi 3 mai 2018 à partir de 19h au Point Éphémère (Paris, 10ème) pour un nouvel After Short, organisé en partenariat avec l’ESRA et Cinemads.

Cette soirée, ouverte à tous et en accès payant, se déroulera en présence d’équipes de courts sélectionnées à Cannes, toutes sections confondues, de sélectionneurs, mais aussi des équipes de Format Court, de l’ESRA et de Cinemads. 

Une rencontre avec les équipes présentes aura lieu à 19h30 précises :

Compétition officielle

– Melissa Malinbaum, productrice de « Gabriel » (Why Not Productions), en sélection officielle

– Laura Garcia et Anne-Laure Berteau, réalisateur et productrice de « Fragment de drame » (La Fémis), sélectionné à la Cinéfondation

Quinzaine des Réalisateurs

– Nicolas Boone et Julien Naveau, réalisateur et producteur de « Las cruces » (Noodles Production)

– Félix Imbert et Joanna Sitkowska, réalisateur et productrice de « Basses » (Le Grec)

– Tiphaine Raffier et Manon Eyriey, réalisatrice et productrice de « La Chanson » (Année Zéro)

Semaine de la Critique

– Charline Bourgeois-Tacquet et Igor Auzépy, réalisatrice et producteur de « Pauline asservie » (Année Zéro)

– Camille Lugan, réalisatrice de « La Persistente » (Caïmans Productions)

En pratique

Jeudi 3 mai 2018, de 19h à 23h

Le Point Ephémère : 200 quai de Valmy – Paris 10ème. Métro Jaurès (lignes 5, 2 et 7 bis), Louis Blanc (ligne 7), Bus 26, 46, 48 : Goncourt, Couronnes, Parmentier)

Soirée ouverte à tous. PAF : 10 €, adhérents Format Court : 5 €Règlement en ligne sur Leetchi (paiement sécurisé), possibilité de régler également sur place

Réservations obligatoires : aftershortformatcourt@gmail.com

Événement Facebook

Pépé le Morse de Lucrèce Andreae

Prix du public à Annecy et primé dans de nombreux festivals, Pépé le Morse a reçu, fin février, le Cesar du Meilleur Film d’Animation. Aboutissement de 4 ans de travail, c’est le premier film professionnel de Lucrèce Andreae, diplômée des Gobelins et de l’école de la Poudrière.

Inspirée par le travail de Shoji Ueda, photographe japonais notamment connu pour ses séries dans les dunes de Tottori (sa région natale), Lucrèce Andreae nous emmène sur une de ces grande plages désertes de la côte Atlantique. Sous le ciel gris d’octobre, la grande étendue est triste et vide. Mais tout comme sur les photographies de Shoji, dans ce décor immense réalisé à l’aquarelle se découpent peu à peu les personnages et la vie, animés numériquement : un, puis deux, puis quatre puis six, toute une famille se retrouve au complet. Il ne manque que Pépé, qui vient de mourir. C’est ici, face à la mer, qu’il passait le plus clair de son temps ces dernières années.

Ce pèlerinage n’a cependant rien de solennel. Au contraire, comme dans les comédies italiennes, les protagonistes sont bruyants et parfois grotesques. Les enfants se chamaillent, la mère râle et la grand-mère fait une scène. Comble du pathétique, tout ce qu’il reste du grand-père récemment disparu, c’est une montagne de mégots. À première vue, Lucrèce Andreae semble déconstruire totalement l’image de la famille unie et démystifier la mort.

Pourtant, au fur et à mesure, le paysage se métamorphose et prend vie, les émotions des protagonistes aussi. Dans une démarche très romantique, leur intériorité se dévoile à travers cette nature en mutation. La plage s’anime, le deuil prend une forme matérielle et surnaturelle : c’est gluant, bizarre et fascinant. La musique de Flavien Van Haezevelde (http://www.flavienvanh.com), son énigmatique qui nous suit tout le film, accentue l’aspect intriguant de cet univers, de tout ce qu’on ne maîtrise pas. Avec beaucoup de poésie, le court métrage représente le vide et l’incompréhension face à la perte d’un proche. La mort, comme cette nature mystérieuse et puissante, nous dépasse, nous fascine et nous touche au plus profond de nous.

Face à la mort, nous sommes tous seuls et nous sommes tous des enfants, des enfants qui n’ont pas les clefs pour comprendre et qui sont livrés à eux-mêmes. Ici, c’est leur point de vue qui est développé. Très vite, ils sont isolés. La famille ne semble pas avoir d’unité, les personnages se séparent progressivement, mais au fond c’est cette solitude partagée qui les unit. Cette disparition d’un proche donne tout son sens à ce groupe au premier abord disparate.

Cette complexité des relations semble centrale pour Lucrèce Andreae. En effet, c’est une thématique qu’on retrouve dans son film de fin d’étude, Les Mots de la Carpe, où un garçon et une fille timides se retrouvent perdus dans le tourbillon d’un speed-dating. Réel coup de foudre, leur rencontre les bouleverse et la réalité qui les entoure se transforme. Même si les contraintes sont différentes (Les Mots de la Carpe est un exercice de 4 minutes de La Poudrière) et si la technique a évolué, on retrouve la même poésie de la métamorphose d’un film à l’autre.

Juliette Lytovchenko

Consulter la fiche technique du film

P comme Pépé le Morse

Fiche technique

Synopsis : Sur la plage sombre et venteuse, Mémé prie, Maman hurle, les frangines s’en foutent, Lucas est seul. Pépé était bizarre comme type, maintenant il est mort.

Genre : Animation

Durée : 15’

Pays : France

Année : 2017

Réalisation : Lucrèce Andreae

Scénario : Lucrèce Andreae

Animation : Ulysse Malassagne, Marion Roussel, Marcel Tigchelaar

Voix: Roman Garance, Émilie Blon-Metzinger, Chann Aglat, Ilona Bachelier

Musique : Flavien Van Haezevelde

Montage : Catherine Aladenise, Guillaume Lauras

Production : Caïmans Productions

Article associé : la critique du film

Short Screens #81: « Hispanidad »

En ce mois d’avril qui commémore la mort de Cervantes, Short Screens s’est mis aux couleurs hispaniques pour vous offrir une séance olé, olé. Puisant dans le patrimoine cinématographique espagnol (Tierra sin pan de Luis Buñuel) ou dans les dernières productions de jeunes auteurs contemporains d’Amérique latine, tous genres confondus, la 81ème programmation de Short Screens aborde des thèmes qui participent de l’identité hispanique.

Rendez-vous le jeudi 26 avril à 19h30, au cinéma Aventure, Galerie du Centre, Rue des Fripiers 57, 1000 Bruxelles – PAF 6€

Visitez la page Facebook de l’événement ici !

Programmation

Tierra sin pan (Las Hurdes) de Luis Buñuel, documentaire, Espagne, 1933, 27’ (Les Films du jeudi)

Las Hurdes, près de la frontière portugaise est une enclave, isolée du monde et du reste de l’Espagne par une haute barrière rocheuse. La population de ces terres arides tente de survivre à la pauvreté de ses sols. La faim, la malnutrition, les maladies et la mort frappent le quotidien de ces citoyens espagnols. Ces terres isolées sont pourtant reliées à l’un des plus grands foyers culturels européens. Salamanque n’est en effet située qu’à une centaine de kilomètres de là…

Atrapados al vuelo de Miguel Ángel Rosales, documentaire, Cuba, 2012, 12’ (EICTV), ESP st FR

Une réflexion sur la liberté comme espace construit à l’intérieur des contritions politiques et sociales, du point de vue de deux artisans, fabricants et commerçants de cages à oiseaux.

La Loteria de Shahir Daud, fiction, Etats-Unis, 2014, 9’ (Shivali Gulab), ESP st FR

Alors qu’il attend son avion pour embarquer afin d’immigrer aux Etats-Unis, Augusto Ramirez se remémore les trois plus grands regrets de sa vie.

Victor XX de Ian Garrido López, fiction, Espagne, 2015, 20’ (Escac Films), ESP st FR

Que se passerait-il si vous n’étiez pas à l’aise avec votre corps? Si vous décidiez d’une expérience sur votre genre?

Besos frios de Nicolas Rincón Gille, documentaire, Colombie/Belgique, 2016, 15’ (CBA/VOA ASBL/Medio de Contencion), ESP st FR

À la périphérie de Bogota, Les échos de jeunes voix se propagent. Leonardo, Omar, Jaime, Estiven, Diego et tant d’autres sont toujours là, malgré leur assassinat par l’armée, il y a six ou sept ans. Ils viennent visiter leurs mères et les embrassent, Leurs lèvres sont fraîches comme des glaçons. Ils sont des âmes bénies, veillant sur ceux qu’ils aiment.

Amor, nuestra prision de Carolina Corral, animation, Mexique, 2016, 5’ (La Sandia Digital & Magma Films), ESP st FR

Les enjeux de l’amour en prison. Des détenues mexicaines de Atlacholoaya racontent leurs relations amoureuses.

Cannes 2018, toutes les actus

En prévision de notre focus cannois, voici différentes actus liées au festival, reprenant toutes les sélections de courts. Infos à suivre d’ici peu..

Interview de Tiphaine Raffier, réalisatrice de La Chanson (Quinzaine des Réalisateurs)

– Reprise de la Sélection de la Cinéfondation à la Cinémathèque

La critique de Las Cruces de Nicolas Boone (Quinzaine des Réalisateurs, France)

La critique de Sailor’s Delight de Louise Aubertin, Eloïse Girard, Marine Meneyrol, Jonas Ritter, Loucas Rongeart et Amandine Thomoux (France, Cinéfondation)

– La  critique de « La Chanson » de Tiphaine Raffier (France, Quinzaine des Réalisateurs)

La critique de « Skip Day » d’Ivete Lucas et Patrick Bresnan (Etats-Unis, Quinzaine des Réalisateurs)

 « Mystère cannois », notre reportage sur la sélection officielle des courts-métrages 2018

La critique de « La Nuit des sacs plastiques » de Gabriel Harel (France, Quinzaine des Réalisateurs)

– Palme d’or & Mention Spéciale à Cannes 2018

– Les prix parallèles : Quinzaine/Semaine

La critique de « La Chute » de Boris Labbé (France, Semaine de la Critique)

Films en ligne : 4 nouveaux courts liés à la Quinzaine

– Le film de la semaine : Love in vain de Mikko Myllylahti (Finlande)

– 10 courts liés à Cannes, visibles grâce à UniFrance

Concours : « Quinzaine des Réalisateurs. Les jeunes années 1967-1975 » : 5 exemplaires à gagner

La Quinzaine des Réalisateurs, côté courts

Semaine de la Critique 2018, les courts sélectionnés

– Le film de la semaine : Night Shift de Zia Mandviwalla (Compétition officielle, Nouvelle-Zélande, 2012)

– Cinéfondation 2018, les 17 courts en compétition

Cannes 2018, les 8 courts en lice pour la Palme d’or

Prendre le large de Gaël Morel

Le long-métrage Prendre le large de Gaël Morel produit par les Films du Losange est disponible depuis peu aux éditions Blaq Out. Ce film nous propose d’accompagner Edith, 45 ans, ouvrière dans une usine textile, qui voit sa vie bouleversée par un plan social. Sans attaches, elle choisit d’accompagner son usine délocalisée au Maroc plutôt que de toucher ses indemnités de licenciement.

Le film offre de très beaux moments, une Sandrine Bonnaire dans une performance surprenante, et une musique sublime et émouvante de Camille Rocailleux qui nous immerge dans le cheminement de cette femme à la psychologie hors du commun.

Le film parle de la perspective de « prendre le large » mais de quoi Edith prend-elle le large dans ce huitième film de Gaël Morel ? Elle suit son poste et son usine au Maroc, vit seule et si l’histoire lui donne un fils (déjà adulte), c’est pour mieux creuser le fossé entre elle et lui, détachant un peu plus ce personnage de son décor. Ce qu’elle quitte, ce n’est pas la France, la France ne fait rien pour la sauver justement.

Arrivée au Maroc, elle ne se fond pas derechef dans le décor non plus, mais elle progresse. Ce qu’elle va trouver dans ce pays, c’est surtout Mina, sa logeuse qui dirige un hôtel simple et sans fioritures. Mina a un fils aussi, encore adolescent, elle a osé quitté son mari dans un milieu où cela est rejeté, et elle dépense toute son énergie à faire respecter ses droits lorsque Edith se contente de le faire pour rentrer dans le cadre.

Cette rencontre avec Mina va bouleverser la vie de Edith. Elle qui n’avait rien hormis son travail se retrouve au Maroc à s’attacher à ce tandem mère-fils plus qu’à tout autre chose. C’est l’attention qu’ils se portent mutuellement et dont elle sera vite aussi l’objet qui permettra l’émancipation de Edith. Pour une fois, elle découvre des gens qui font attention aux autres, pour leur bien.

Et c’est en fait le projet visuel du film aussi. Ce dont Edith prend le large en définitive, c’est de la résignation, d’un endroit où les gens ne se soucient pas d’elle et par corollaire, d’un endroit dont elle ne se soucie plus. Il y a donc une révélation. Et cela se ressent dans l’image. Le film commence par des plans en buste, parfois en plongée pour couper toute horizon et sabrer l’espace, puis il mute. À mesure que s’épanouit le personnage de Sandrine Bonnaire, l’image se rapproche des corps et apprend à élargir le champ de vision pour donner toute sa dimension à un panorama littoral où à une balade en vélo entre chien et loup.

Ce cadre qui fluctue, c’est le point de vue de Edith, cette ouvrière délocalisée qui doit réapprendre à investir l’espace, à jauger la distance entre elle et les corps qui la côtoient. Ici, la musique de Camille Rocailleux prend toute son importance, elle couvre et dénude les corps des personnages, leurs actions, exaltant ce ballet des corps qui doivent apprendre à se côtoyer sans se heurter, à faire attention à l’autre.

Avec Prendre le large, Gaël Morel présente une femme étonnante, Edith, qui choisit de vivre là où elle peut aider et là où elle est appréciée en retour. La révolution psychologique de Edith est affirmée lorsque, plus tard, on la voit s’accrocher à cette terre du Maroc où même le travail ne la retient plus.

Pour accompagner ce film, deux bonus sont présents sur le DVD de Blaq Out : un entretien avec Gaël Morel et Sandrine Bonnaire de 20 minutes et un court-métrage que l’on traitera plus loin. L’entretien permet au réalisateur et à son actrice de rappeler leur admiration mutuelle ancienne, ce que Gaël Morel apporte de saisissant dans le récit et la façon dont Sandrine Bonnaire, par son incarnation, apporte à l’écriture. Puis, ils abordent la personnalité forte et active de Edith, la relation charnière du film entre Mina et Edith, une affection sensuelle sans connotation amoureuse, une relation qui se passe selon les propres mots de Gaël Morel « sans les hommes ».

La vision du cinéma portée par ces deux artisans du cinéma est au fond celle d’un cinéma vibrant qui préserve le souffle du réel en défi à un cinéma trop calculé, trop précis, un cinéma de l’émerveillement et de la découverte de ses personnages et du monde qui nous entoure.

Ensuite, on découvre enfin le court-métrage de Gaël Morel, La Vie à rebours (1994), Prix Kodak à la Quinzaine des Réalisateurs 1995. Si ce court n’entretient pas de liaison directe avec le long-métrage, les deux films brossent tous les deux les traits d’un personnage dont les décisions décrochent radicalement des réactions escomptées.

Dans La Vie à rebours, deux jeunes frères sont sur la route de la maison de leur père. L’un des deux est pris à partie par un petit gang de caïds et, portant lui-même une arme, il est tué par « accident » et laissé en l’état par les malfrats paniqués. Son frère, non loin de la scène, forcément déboussolé par ce drame, prend la fuite, puis le bus pour se rendre chez son père.

À ce stade, l’histoire est vouée à se dérouler jusqu’à ce que le drame soit connu du père, qui s’étonne que ses fils n’arrivent pas ensemble et moque l’absent comme s’il était toujours vivant. Tout repose sur l’autre fils qui doit trouver une occasion de dire le drame à son père.

Comment annoncer la mort de son fils à un père? Comment expliquer ce qui s’est passé ? Le protagoniste ne sait pas vraiment comment ni pourquoi les choses se sont passées ainsi, nous non plus d’ailleurs, d’où l’impression d’« accident ». Alors comment pourrait-il justifier son attitude depuis le décès ? Le problème de ce fils encore vivant, c’est le poids du secret de la mort de son frère. Un secret qui ne se dit pas, qu’il ne sait pas dire à son père.

Et c’est autour de cela que Gaël Morel tourne ses cadres et ses actions. Un fils qui pour ne rien dire, en vient finalement à « s’isoler » et à saisir toutes les occasions de rester en solitaire face à un père pour qui le monde tourne toujours rond et qui cherche à vivre des moments avec son premier enfant comme il le fera avec le second lorsqu’il arrivera enfin…

À ce cordon de mise en scène ténu et puissant, Gaël Morel n’ancre aucun élément superflu, ni musique ni design sonore. Aucun artifice ostensible n’est permis, au risque de perdre la puissance du moment brut car il n’y a pas de sortie par le haut de cette situation, et un traitement lyrique amenuiserait le conflit psychologique interne. Peu importe les décisions que le fils fera, les prochains moments seront immensément plus douloureux pour lui et son entourage. C’est un problème sans solution, un drame au sens véritable.

À travers de très justes et beaux moments, La Vie à rebours nous lègue un questionnement personnel surprenant. Plus de 20 ans plus tard, dans Prendre le large, Gaël Morel récidive grâce au jeu de Sandrine Bonnaire. L’exemple de ces personnages plongés dans le monde réel mais aux réactions hors du commun produit des moments de cinéma sensible, des scènes de « réalisation », où l’on réalise avec le personnage que le monde n’est pas ce que l’on en croit.

Gary Delépine

Prendre le large de Gaël Morel. Edition Blaq Out : film & suppléments (entretiens et court-métrage La Vie à rebours)

Semaine de la Critique 2018. Les courts sélectionnés

Cannes, la suite. 10 courts métrages en compétition ont été retenus cette année par le comité de sélection de la Semaine de la Critique, sur base de 1 500 films soumis. Voici lesquels.

Courts métrages sélectionnés

– Amor, avenidas novas de Duarte Coimbra (Portugal)

– Ektoras Malo : I teleftea mera tis chronias (Hector Malot: The Last Day of the Year) de Jacqueline Lentzou (Grèce)

– Pauline asservie de Charline Bourgeois-Tacquet (France)

– La persistente de Camille Lugan (France)

– Mo-Bum-Shi-Min (Exemplary Citizen) de Kim Cheol Hwi (Corée)

– Rapaz (Raptor/Rapace) de Felipe Gálvez (Chili)

– Schächer de Flurin Giger (Suisse)

– Tiikeri (The Tiger le tigre) de Mikko Myllylahti (Finlande)

– Un jour de mariage (A Wedding Day) d’Elias Belkeddar (Algérie-France)

– Ya normalniy (Normal) de Michael Borodin (Russie)