Tous les articles par Katia Bayer

Olivier Nakache. L’angle, le point de vue, le passage à l’acte

Entretien. Olivier Nakache revient sur ses années courts métrages, notamment Les Petits Souliers avec Éric Toledano. Entre partage d’expériences et conseils voici notre rencontre avec le co-réalisateur de Hors Normes, présenté au festival Cinébanlieue.

Retrouvez également l’interview d’Eric Toledano (co-réalisateur de Hors Normes) et Reda Kateb.

Le film de la semaine : Chat Noir de Joanna Cognard

De longs silences, quelques paroles, et puis des sirènes de police. Il y a l’inquiétude et l’angoisse, la radio en continu, la télé en arrière-plan, une fois arrivés à la maison. 
Agathe et Pierre sortent de l’hôpital, du sang sur la veste et des bleus au visage.

Pour celui ou celle qui était à Paris ce soir du 13 novembre 2015, ces bruits et ces silences ont une résonance particulière qui restera gravée dans un petit coin de notre mémoire. Pour les autres, il y a les images télévisées, les discours et le décompte des victimes qui s’agrandit, installant un peu plus la singularité et la tristesse de l’événement.

Mais dans Chat noir, ce court-métrage poignant et émouvant de Joanna Cognard, ce n’est pas seulement ce soir-là, mais aussi la traduction de tous les autres. Le 13 novembre à Paris mais aussi le 22 mars, le 3 juillet et tant d’autres à travers notre monde. C’est la réalité de l’événement dramatique, l’après. Les gestes perdus de Pierre, la douche salvatrice d’Agathe et la musique. Puis ce chat noir, pourtant signe de malheur chez les superstitieux, qui ramène de la douceur et du confort. De la tendresse et de l’innocence.

Clément Beraud

Reda Kateb, Éric Toledano. La simplicité, la courtoisie, la sensation, l’énergie du court

Venus présenter Hors Normes au Festival Cinébanlieue, Reda Kateb et Éric Toledano ont un lien différent au court. Si le premier a réalisé un seul court, Pitchoune dans lequel il a joué avec Philippe Rebbot (l’un des parrains de notre 1er festival), le deuxième a réalisé avec son comparse, Olivier Nakache, plusieurs courts : Le Jour et la Nuit (95), Les Petits Souliers (99), Ces jours heureux (2002) et dernièrement, Le bon vivant (2015).

Pour Format Court, ils reviennent sur leurs expériences en matière de courts et l’importance du collectif dans le désir de raconter des histoires.

 

Sabrina Ouazani : “Le court, le pied à l’étrier, le premier pas vers la suite”

Depuis 17 ans, Sabrina Ouazani tourne au cinéma. Révélée par Abdellatif Kechiche dans L’Esquive, elle a joué dans bon nombre de longs mais aussi de courts, ce qui nous intéresse plus particulièrement.

Comédienne, mais aussi réalisatrice (elle a tourné son premier court, On va manquer !, dans le cadre des Talents Adami Cannes), elle vient de présider le jury du 1er concours France Télévisions « A Ton Court », ouvert aux jeunes réalisateurs.

Dans cette vidéo, elle revient sur son lien au court, son désir d’accompagner les jeunes auteurs, son expérience de réalisatrice, son rapport aux acteurs et au scénario. Tout en n’oubliant pas, en bonne pro, de se taire quand une moto – du bruit – passe devant elle, en pleine interview.

Interview : Katia Bayer
Image, montage : Hugo Malpeyre
Remerciements : Alexandre de Villeneuve

La Musique de Jean-Benoît Ugeux

Jean-Benoît Ugeux, qui a travaillé une forme expérimentale avec le triptyque Valeurs en 2012, et un sujet social avec Eastpak en 2017, développe dans La Musique un récit plus intime, en racontant les rapports difficiles entre un père et un fils. Le court-métrage a reçu le Bayard d’or et Jean-Benoît Ugeux le prix d’interprétation au dernier Festival international du film francophone de Namur.

Dans ce film, il porte un regard aiguisé sur des personnages qui sont souvent dans la retenue. Cette tonalité contraste avec l’exaltation romanesque des chants lyriques qu’écoute le père, comme Le Roi des Aulnes de Schubert, qu’il traduit à son fils sans se rendre compte qu’il est en train de reproduire le même schéma tragique d’incompréhension. Cet écho entre la chanson et le noeud dramatique du film montre aussi l’écart fondamental entre ces deux régimes émotionnels, l’un dans le bouillonnement, l’autre dans la retenue : le roi des Aulnes finit par attraper l’enfant qui meurt dans les bras du père, mais il est temps d’aller manger.

Comme les traits ne sont pas évidents et les conflits non-déclarés, ce film ne se laisse pas facilement aborder. La continuité narrative est assez saccadée, on est plus proche d’une série de petits tableaux que d’une suite de séquences. Même s’il y a une cohérence chronologique, il n’y a pas de marqueurs temporels. En ce sens il ressemble assez au Désarroi du flic socialiste quechua, court-métrage d’Emmanuel Marre sorti en 2013 dans lequel jouait Jean-Benoît Ugeux.

D’ailleurs le film a d’autre points communs avec les films d’Emmanuel Marre. L’enfant du Film de l’été (Prix Format Court à Brive), sorti en 2017, était déjà incarné par Balthazar Monfé, comme si Jean-Benoît Ugeux avait souhaité exploré ce personnage dans une autre facette de sa vie.

Ils ont également en commun de montrer des personnages dans leurs difficultés face à la violence du système. Ce ne sont pas des films sociaux, mais il y a chez eux une forte conscience de la société dans laquelle ils évoluent, et une volonté de décrire le désenchantement moderne. D’ailleurs, Emmanuel Marre a participé au scénario du récent Ceux qui travaillent d’Antoine Russbach.

L’ancrage dans le monde contemporain vient aussi des images elles-mêmes, souvent tournées dans des décors réels, au MacDonald ou dans la rue. Les séquences avec Balthazar et ses amis laissent une forte impression de naturel, on sent que tout n’est pas contrôlé par le réalisateur. Cette ouverture au réel comme il se présente n’est pas systématique, parfois se déroulent des champs/contre-champs très serrés où chaque regard compte.

Tout cela témoigne de la grande liberté de Jean-Benoît Ugeux, qui parvient à faire affleurer une vérité sur les rapports humains dans une famille divisée prise dans les mailles de l’incommunicabilité.

Thibaud Fabre

Consulter la fiche technique du film

M comme La Musique

Fiche technique

Synopsis : La Musique est l’histoire d’un père et d’un fils. Ou plutôt, l’histoire des retrouvailles entre un père et un fils qui se sont peu vus depuis de longues années et qui tentent, malhabilement, de renouer un lien. Malheureusement, le temps est déjà trop passé par là, les nœuds seront impossibles à resserrer. Mais s’ils se perdent à nouveau, le père arrivera néanmoins à laisser un héritage à son fils : l’amour de la musique.

Genre : Fiction

Durée : 28′

Pays : Belgique, France

Année : 2019

Réalisation : Jean-Benoît Ugeux

Scénario : Jean-Benoît Ugeux

Image : Florian Berth

Son : Bruno Schweisguth

Montage : Nicolas Rumpl

Interprétation : Jean-Benoît Ugeux, Sandrine Blancke, Balthazar Monfé, Claude Schmitz, Nora Langhoff, Séléné Guillaume

Production : Wrong Men, Origine Films, Apoptosee

Article associé : la critique du film

Magritte du Cinéma 2020, la sélection officielle des courts

Le Comité Court Métrage de l’Académie André Delvaux a sélectionné les 10 films de fiction et les 10 films d’animation qui concourront pour les Magritte du Meilleur court métrage de fiction et Magritte du Meilleur court métrage d’animation 2020, les récompenses du cinéma belge.

Films éligibles au Magritte du meilleur court métrage de fiction

« Je serai parmi les amandiers » de Marie Le floc’h

Accord parental de Benjamin Belloir
Bruxelles-Beyrouth de Thibaut Wohlfahrt et Samir Youssef
Détours de Christopher Yates
Dispersion de Basile Vuillemin
Je serai parmi les amandiers de Marie Le floc’h
Famille de Catherine Cosme
Lucía en el limbo de Valentina Maurel
Ma planète de Valéry Carnoy
Matriochkas de Bérangère McNeese
Sparring partners de Thomas Van Zuylen

Films éligibles au Magritte du meilleur court métrage d’animation

« Nuit chérie » de Lia Bertels

A chacun sa malédiction de Lorène Yavo
Babines de Emilie Praneuf
Génération playmobils de Thomas Leclercq
Grand loup & Petit loup de Rémi Durin
La foire agricole de Stéphane Aubier et Vincent Patar
Nuit chérie de Lia Bertels
Robo de Léo Becker
Saigon sur Marne de Aude Ha Leplège
Sous le cartilage des côtes de Bruno Tondeur
Tutu de Gaspard Chabaud

Enrico Vannucci. Faire le film auquel on croit, être fidèle à soi-même

Depuis plusieurs années, on croise Enrico Vannucci, conseiller en programmation à la Biennale de Venise. Depuis 2014, il officie à la Mostra et fait remonter ses coups de cœur auprès du comité de sélection du festival. Maîtrisant le format court, il vient d’être juré au Festival du Nouveau Cinéma à Montréal. Avant cela, on l’a attrapé à Venise pour parler courts, sélection, frissons, partis pris et paris sur l’avenir.

Format Court : Quel est le travail d’un conseiller et non d’un sélectionneur à Venise ?

Enrico Vannucci : Il y a un comité de sélection pour tout le festival, pour la compétition principale et des conseillers de différents pays mais aussi un conseiller pour les courts-métrages, c’est-à-dire moi. Mon job, c’est de voir tous les films inscrits, 1787 plus ou moins. Je fais une shortlist et j’en discute avec le comité de sélection. Les membres regardent, selon les années, entre 70 et 100 films. Sur cette base, on réduit le nombre à une liste d’environ 20 films et puis, on établit par exemple une sélection de 13 films cette année. À côté, je voyage beaucoup en festival, je rencontre des réalisateurs, particulièrement dans des marchés comme à Clermont, Berlin ou Cannes, mais aussi les Instituts du Cinéma et je me renseigne sur les projets pour savoir si ils seront prêts avant le festival.

Depuis quand fais-tu cela ?

E.V. : C’est ma sixième année. 2014 a été ma première année. Le travail ne s’arrête jamais. Je repars continuellement dans des festivals et des marchés, je rencontre des réalisateurs.

Venise est un grand festival. Quelle y est la place du court ?

E.V. : Il n’y a pas tant de courts à Venise en comparaison avec d’autres grands festivals car on a généralement deux programmes en compétition. La spécificité, c’est que comme c’est un gros festival pour les longs-métrages, si tu es sélectionné comme jeune réalisateur dans une compétition de courts à Venise, tu as un projecteur braqué sur toi et les producteurs essayent de savoir si tu travailles sur quelque chose, sur un long. Quand les réalisateurs sont sélectionnés ici, comme à Cannes ou Berlin, cela les aide à intéresser des producteurs.

Pourquoi deux moyens-métrages se sont-ils retrouvés cette année en séance spéciale ?

E.V. : Cette année, on a eu un programme supplémentaire de deux courts en séance spéciale : Electric Swan de Konstantina Kotzamani (Grèce) et No One Left Behind de Guillermo Arriaga (Mexique). On a une durée limitée de 20 minutes pour la compétition. C’était donc un plus.

Les films étaient trop longs, ils ne pouvaient pas s’insérer dans les programmes en compétition : l’un fait 40 minutes, l’autre, 30 minutes. Ensemble, cela fait 70 minutes et ça marchait pour une séance spéciale. On les a sélectionnés parce que ce sont d’excellents films. Les films de Konstantina sont probablement parmi les meilleurs courts que j’ai jamais vus de ma vie. Celui qu’on a sélectionné est vraiment un chef d’oeuvre.

Comment se fait-il que la section Orizzonti couvre autant les longs que les courts ?

E.V. : C’est une section qui correspond un peu à Un Certain Regard. On essaye d’y montrer les films de nouveaux réalisateurs. Les courts font partie d’Orizzonti. Il y a longtemps, une section existait seulement pour le court. Elle s’appelait Corto Cortissimo, ce qui voulait dire “Très courts”. Mais après 8-9 ans, Marco Müller (l’ancien directeur de la Mostra de Venise) a décidé d’annuler ce nom et il a créé la section Orizzonti avec du long, du moyen, du court. Il n’y avait pas de distinction pendant 2 ans, puis Alberto Barbera (le nouveau directeur) est arrivé, il a gardé le programme Orizzonti et l’a divisé en longs et courts. Le court représente 2 programmes et le jury est le même pour les longs et les courts.

Ca fait un moment que tu cherches des films. Au bout d’un moment, ton regard change. Arrives-tu encore à être surpris par les courts ?

E.V. : À vrai dire, c’est une discussion qu’on a eue avec certains collègues d’autres festivals de courts. Ton goût change avec les années, tu commences à sélectionner d’autres choses aussi parce que tu es influencé par ce que les autres programmateurs font. Tu voyages beaucoup, tu as des retours, des idées, tes goûts changent. Tu ne le fais pas intentionnellement, ton esprit se déplace juste ailleurs.

Maintenant, où est ton esprit, qu’est-ce qui t’intéresse ?

E.V. : J’aime tout. Je veux vraiment être surpris. J’aime ce qui me fait frissonner. Si je ressens des frissons dans mon corps, c’est que c’est un bon film. C’est toujours difficile de dire pourquoi un film est bon. C’est plus facile de dire pourquoi un film ne l’est pas. Je ne sais pas dire pourquoi un film est bon. C’est comme quand les gens me demandent le secret pour être pris à Venise, je leur réponds : “Il n’y a pas de secrets, il faut juste des bons films”. Ils me disent : “Mais c’est quoi, un bon film” ?” À nouveau, un film qui me donne des frissons est un bon film pour moi. Ce que j’aime, c’est avoir une sélection qui est à la fois artistique et qui provoque des réactions. J’aime le fait qu’on me dise : “J’aime ou je déteste ce film”. Mon boulot, c’est de donner aux gens un coup à l’estomac ou de les faire tomber amoureux, de leur permettre de ressentir des émotions très fortes. Même si un film n’est pas bien reçu et que les gens le haïssent, j’ai bien fait mon boulot, je pense. Procurer des sensations même mauvaises aux gens, c’est bien. Avec le comité, on couvre aussi des genres, des territoires, des approches de cinéma différents, parce que c’est important d’avoir une vision élargie.

Tu as parlé de tes goûts qui ont changé d’année en année. Quand tu regardes en arrière, tu penses qu’ils correspondent à un moment de ta vie ?

E.V. : Oui, je pense par exemple que la sélection de cette année dit beaucoup de mon état d’esprit (rires) ! Cette sorte de malaise correspond à mon état. La tristesse, l’amertume, ça dit beaucoup de ce que je ressens et je pense que le comité l’a compris puisqu’il a sélectionné des films allant dans ce sens.

Le public de Venise s’intéresse-t-il au court ?

E.V. : Oui, le public se rend aux projections, il vient voir les courts. Il y a presque 500 personnes présentes, ce n’est pas beaucoup par rapport à un festival de courts, mais c’est déjà ça.

Konstantina Kotzamani t’apparaît comme l’une des meilleurs réalisatrices de courts. Y a-t-il a contrario des choses que les réalisateurs ne devraient pas faire ? Comment sais-tu quand tu es face à un bon réalisateur ?

E.V. : Je pense que les réalisateurs doivent être fidèles à eux-mêmes. Ils doivent faire ce qu’ils aiment. Un film doit correspondre à leurs goûts. Je vois des versions d’essai, je fais des retours et parfois, ça peut m’arriver de dire que c’est trop long mais c’est mon sentiment, mon idée. Si le réalisateur n’est pas d’accord, c’est bien ! Il y a quelques années, nous avons vu un premier montage, nous l’avions apprécié, le film était shortlisté, et puis le réalisateur a envoyé la version finale. On l’a revu, il y avait une voix-off et ça changeait beaucoup le film. C’était les mêmes images, mais on a ressenti autre chose. On préférait la version sans voix donc on n’a pas pris le film. Quelques mois plus tard, par hasard, j’ai rencontré un membre de l’équipe, la monteuse je crois, et je lui ai dit ce qui s’était passé. Elle était stupéfaite. Elle a écrit au réalisateur et celui-ci a répondu : “Oh mon Dieu, mais non, le film avec la voix-off est définitivement mieux que l’autre version que j’ai envoyée !”. Et je suis totalement d’accord avec lui. Pour lui, c’était mieux, il avait bien fait d’ajouter la voix-off, c’était ça qui comptait. On préférait l’ancienne version mais ce n’était pas important que le film aille ou non à Venise, d’ailleurs, il a eu une belle carrière dans le circuit des festivals. Un réalisateur ne fait pas de films pour me faire plaisir ou satisfaire quelqu’un d’autre qui travaille pour un gros festival. Il doit faire le film auquel il croit.

C’est intéressant ce que tu dis. Tu as le sentiment que certains réalisateurs font des films pour les festivals ?

E.V. : Oui, absolument.

Y a-t-il des films faits pour Venise ?

E.V. : Non. Je ne le pense pas.

Penses-tu qu’il y a des réalisateurs qui sont dans l’imitation, qui font des films juste pour être sélectionnés ?

E.V. : Oui, je le pense. Certaines personnes m’ont approché en me disant : “Si je fais ceci ou cela, est-ce que ça peut aider ?”, mais ce n’est pas la bonne approche. Il faut plutôt faire ce qu’on veut, ce qu’on ressent.

Y a-t-il un film ou un genre que tu es fier d’avoir montré ?

E.V. : Oui. On voulait des bons films mais cette année, on a eu de très bons films d’hommes et de femmes sur des sujets très différents comme les problèmes rencontrés pas la communauté LGBT ou les femmes. C’était divers et on a eu une sélection 50/50 (autant de films de femmes que d’hommes) et je pense que c’était très important de la montrer ici, à Venise.

Je peux aussi nommer un réalisateur, non parce que c’est mon favori, mais parce qu’il est lié à ma première année à Venise. En 2014, on a sélectionné Arta d’Adrian Sitaru que j’adore comme réalisateur [NB : ce court-métrage roumain a reçu le Prix Format Court au Festival de Namur en 2014]. Je ne connaissais pas Adrian personnellement avant, mais quand on a reçu le film, je l’ai trouvé génial. On a sélectionné le film et j’étais super excité car c’était ma première année à Venise. J’étais impressionné, je débarquais dans le milieu du court et j’étais super heureux d’avoir contribué à sa sélection. Je n’arrêtais pas de me dire : “Oh mon Dieu, je vais rencontrer Adrian Sitaru !”. Par la suite, on est devenu amis, il est super sympa, très amical.

Il y a beaucoup de réalisateurs et de films auxquels je me suis attaché pendant ces 6 ans pour plein de raisons, mais je me rappelle très bien d’Adrian, du sentiment de découvrir quelque chose de nouveau, comme peut le faire un bébé.

Qu’est-ce qui t’a plu chez lui ?

E.V. : J’aime son cinéma. C’est un réalisateur extraordinaire. Arta est un film fort, il est absurde et parle d’art. Il est bien réalisé, est très cinématographique. Même maintenant, je suis toujours impressionné par ce film. Adrian est un super réalisateur, tu es heureux quand tu sais que quelqu’un va probablement devenir important, avec un peu de chance. Nous, les gens du court, les programmateurs, on connaît bien ça, on sait d’avance ce que la grande presse va valoriser des années plus tard.

Par exemple, Ruben Östlund s’est fait connaître avant son passage au long par son court, Incident by a bank. Il a gagné à Berlin [l’Ours d’or en 2010] et puis, il a remporté la Palme d’or à Cannes [pour The Square en 2017] et les gens l’ont découvert, mais, nous on le connaissait déjà depuis un moment. C’est le cas de beaucoup de réalisateurs !

Propos recueillis par Katia Bayer

Article associé : notre reportage sur Venise 2019

Le BAFF, Brussels Art Film Festival, du 14 au 17 novembre 2019

Du 14 au 17 novembre prochain, la 19e édition du Brussels Art Film Festival  (le Baff pour les intimes) aura lieu à Bruxelles. L’occasion de voir les meilleurs documentaires sur l’art produits récemment en Belgique et de voyager dans le monde entier avec des coups de cœur inédits dans 3 lieux sympas de la capitale : Bozar, Cinematek et l’ISELP.

Pendant quatre jours, le Brussels Art Film Festival projettera des longs et courts-métrages traitant de la création artistique (peinture, architecture, danse, performance, musique…).

En parallèle de la compétition belge (13 films départagés par le jury composé de Laurence Rassel, Emilio López-Menchero et Christophe Loizillon), le Baff proposera 10 documentaires internationaux mettant en scène des personnalités mythiques telles que Jean-Michel Basquiat, Sean Scully, Christo ou encore Yves Saint-Laurent, ou feront découvrir le travail d’artistes tels que Letizia Battaglia, Milford Graves ou Kō Murobushi.

Cette 19ème édition accueillera aussi des rencontres, une master class, des délocalisations à Liège, Mons et Gand et des séances/ateliers consacrés au jeune public. Parmi les auteurs programmés, soulignons la présence d’auteurs soutenus par Format Court : Olivia Rochette et Gérard-Jan Claes (réalisateurs de Mitten), Sarah Vanagt (réalisatrice de Divinations) et Basile Doganis (réalisateur de Kō Murobushi/Altérations).

Pour plus d’infos sur le Baff, rendez-vous sur le site dédié : www.baffestival.be

#César 2020

Cette année, 24 courts de fiction et 12 courts d’animation ont été présélectionnés pour les prochains César, en 2020. Rémi Allier (Les Petites mains) et Ayce Kartal (Vilaine fille) ont été primés l’an passé aux César, l’un pour le court, l’autre pour le court animé. Avant de découvrir les nouveaux lauréats, nous vous proposons d’en savoir plus dans les prochaines semaines sur nos coups de coeur parmi les 36 films retenus.

Retrouvez dans ce focus :

César 2020, les 9 courts finalistes

– La critique de « Chien bleu » de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh

– La critique de « Entre les lignes » de Frédéric Farrucci

– La critique de « Nefta Football Club » de Yves Piat

– La critique de « Mémorable » de Bruno Collet

L’interview de Lauriane Escaffre et Yvonnick Muller, co-réalisateurs de « Pile Poil »

– La critique de « Roberto le canari » de Nathalie Saugeon

– La critique de « Pauline asservie » de Charline Bourgeois-Tacquet et l’interview de la réalisatrice et son actrice, Sigrid Bouaziz

L’interview de Foued Mansour, réalisateur de « Le Chant d’Ahmed »

L’interview de Maxime Roy, réalisateur de « Beautiful loser »

– La critique de « Braquer Poitiers » de Claude Schmitz

– La critique de « La chanson » de Tiphaine Raffier et l’interview de la réalisatrice

– La critique de « D’un château l’autre » d’Emmanuel Marre

– La critique de « La distance entre le ciel et nous » de Vasilis Kekatos et l’interview du réalisateur

– La critique de « La nuit des sacs plastiques » de Gabriel Harel

César 2020, les 24 courts-métrages en lice

César 2020, les 12 courts-métrages d’animation en lice

Venise 2019, compte-rendu

Il y a plus d’un mois, avait lieu la 76ème Mostra de Venise. Pour la première fois, Format Court s’y rendait et découvrait la place accordée au court-métrage dans ce festival historique foulé par les stars comme la relève.

Sur l’île du Lido où se tenait le festival (accessible seulement en vaporetto ou en bus), 15 courts de la section Orizzonti (13 en compétition, 2 en hors compétition), répartis en 2 programmes, étaient diffusés dans la Sala Giordano, 2 moyens-métrages étaient projetés en séances spéciales tandis que de très nombreux films VR (réalité virtuelle) étaient proposés sur l’île de Lazzaretto Vecchio. Voici les films qui nous ont le plus marqués, issus de ces 3 sections.

Darling de Saim Sadiq (Pakistan, Etats-Unis) est un film queer ayant remporté le Prix Orizzonti du meilleur court-métrage. Le film suit le parcours d’Alina Darling, une jeune transsexuelle faisant des essais pour devenir une star de la chanson et de la danse et souhaitant percer dans un milieu extrêmement genré où la femme ne se résume qu’à un objet de désir. Sur sa route, elle rencontre un jeune homme qui tombe amoureux d’elle et qui accepte son identité. Darling, premier film pakistanais à être diffusé à Venise, comporte plusieurs intérêts : son hommage à Bollywood (sa scène de danse vaut le détour), son exploration du monde du spectacle entre envers du décor, hypocrisie et érotisme et son questionnement sur la place des transsexuels dans la société, oscillant entre standards imposés et désir de liberté.

Le film de fiction Roqaia de Diana Saqeb Jamal (Afghanistan, Bangladesh) s’intéresse à une petite fille de 12 ans, Roqaia, ayant survécu à une attaque suicide dans son pays, l’Afghanistan, et devant surmonter son traumatisme alors qu’elle est assaillie par les médias. Considérée comme une héroïne, cette survivante est interviewée à longueur de journée dans la cour de ses parents où picorent des poules indifférentes à son sort. Personne ne semble réellement s’intéresser à sa douleur, Roqaia ne dit d’ailleurs pas le moindre mot. Gamine exploitée à des fins médiatiques et politiques, le regard baissé et vide, Roqaia essaye d’avancer, de retrouver un tant soi peu ses repères. En résulte un film intéressant dans lequel la manipulation, l’enfance, la guerre et le traumatisme se confondent avec une belle photo et un son sourd, lourd de sens.

On poursuit avec un autre portrait de femme, Give Up The Ghost de Zain Duraie (Jordanie, Suède, Allemagne). Salam et Ammar forment un couple marié, échouant à avoir un enfant jusqu’à ce que la famille de l’homme s’en mêle. Le film en apparence classique dispose de bonnes idées : la voix-off des parents, de beaux comédiens, un son étouffé à l’image du tourment intérieur, le désir d’affirmation d’une femme dans une société patriarcale, engoncée dans ses traditions. Simple, efficace.

Dernier film intéressant parmi cette compétition de courts, Kingdom Come de Sean Robert Dunn (Royaume-Uni). Une famille (le père, la femme, l’enfant, le grand-père) passe une journée comme une autre au centre commercial. En récupérant sa voiture, l’homme se fait agresser par un groupe de jeunes le filmant et le renvoyant à une double vie trouble, taboue, loin des siens. La violence s’expose par écrans interposés, via des regards d’inconnus comme de proches, traversé par une musique assourdissante.Kingdom Come parle d’hypocrisie, de chasse à l’homme organisée, anonyme, derrière un ordinateur ou un téléphone portable, de volonté d’anarchie, de soulèvement, de faute, de culpabilité, de morale, de justice, avec une tension de A à Z. Un film fort réalisé avant le Brexit, découvert à Venise, qui ne devrait pas tarder à circuler en festivals.

On termine avec trois films étonnants : l’un en hors compétition, 2 en VR (réalité virtuelle). Le premier, Electric Swan de Konstantina Kotzamani est co-produit par trois pays (la France, la Grèce, l’Argentine). La réalisatrice grecque, repérée il y a quelques années avec ses courts Washingtonia (Berlin) et Limbo (Semaine de la Critique), dresse ici le portrait de 4 personnes solitaires, habitant dans un même immeuble de Buenos Aires : une petite fille visionnaire, une adolescente sensuelle et énigmatique, un gardien taciturne et une femme âgée, malade. Chacun vit à un étage différent et est confronté à une « étrange nausée » due à l’état du bâtiment qui se met à bouger : les uns redoutent la fin par les eaux, les autres craignent de tomber. Konstantina Kotzamani aime insérer des plans énigmatiques dans ses films à la photo toujours étudiée.  Dans Electric Swan, par exemple, une main surgit du sol pour guetter l’origine d’une fuite, les animaux se mêlent aux humains, les lustres sont victimes de tremblements, les filles ont des paillettes dans les yeux vides, les êtres se transforment en animaux, le tout dans un calme apparent. Un film surréaliste, fantastique de 40 minutes qu’on a failli ne pas voir de par sa place, en hors compétition.

En parallèle des courts de la section Orizzonti, le programme VR (Virtual Reality) fait de plus en plus parler de lui à Venise. Conçue par Michel Reilhac (ex-Arte) et Liz Rozenthal, cette section compte 28 films en compétition et 13 en hors compétition. Une partie des projets est linéaire (le spectateur est passif), l’autre est interactive (il appuie sur une manette, se déplace), leurs durées oscillent entre 8 et 60 minutes. Les films sont à découvrir, avec l’aide de casques reliés aux écrans, sur l’île de Lazzaretto Vecchio, uniquement accessible en vaporetto depuis celle du Lido.

Dans Battle hymn de Yair Agmon (Israël), on se retrouve au cœur d’un bataillon de l’armée israélienne. Notre corps devient celui d’un jeune soldat, en proie à l’ennui, enchaînant les cigarettes, chantant des chansons grivoises, parlant de filles avec les autres gars de son unité. Lorsque la nuit tombe, le bataillon se met en route pour procéder à l’arrestation d’un jeune homme, soupçonné de préparer un acte terroriste, dans un village palestinien de Cisjordanie. Au retour, le calme se fait dans le camion, l’homme a les yeux bandés, les mains attachées. Pendant toute la manœuvre, le stress, la tension, les jeux de pouvoir se sont fait face. En tant que spectateur mais aussi acteur, on ne peut que ressentir toute l’intensité de la mission, les sens étant en éveil constant. A un moment, l’homme se met à chanter un chant de liberté et d’espoir et les soldats l’accompagnent avec leurs instruments. En une fraction de seconde, les ennemis se rejoignent, l’émotion déborde : le conflit prend une autre dimension, humaine, emphatique. Une expérience vient d’avoir eu lieu. Intense et grave à la fois, on en sort bouleversé.

Dernier film à ressortir de cette sélection : Gloomy Eyes de Jorge Tereso et Fernando Maldonado (France, Argentine, Taiwan, Etats-Unis). Ce film d’animation fantastique, déjà repéré et primé à Annecy (Cristal de la meilleure œuvre VR), est absolument bluffant. Divisé en deux chapitres et illustré par 4 comédiens narrateurs selon le pays de diffusion (Colin Farrell, Tahar Rahim, Max Riemlet, Jam Hsiao), Gloomy Eyes raconte l’histoire d’amour naissante entre un enfant mi-zombie mi-humain et une petite fille humaine. En jouant sur des échelles différentes, le film jouit de décors impressionnants, d’une bande-son du tonnerre et d’un souci du détail hors du commun. Les yeux et les oreilles sont en permanence sollicités pendant ce film qui se déroule dans la nuit noire et mystérieuse. On se laisse surprendre par le jeu des couleurs, les yeux jaunes, phosphorescents de Gloomy, la délicatesse des séquences et des objets (les plans semblent être à porter de main, on se surprend à vouloir les attraper et à enregistrer chaque détail, chaque objet). La magie qui s’invite dès les premières images a du mal à se dissiper après coup. Un prodige d’animation et de VR.

Katia Bayer

Article associé : l’interview d’Enrico Vannucci, le conseiller en programmation à la Biennale de Venise

Foued Mansour : « Aujourd’hui, tu peux faire le court de la décennie, aller aux César et à Berlin, et te retrouver au RMI »

Le Chant d’Ahmed raconte la rencontre d’Ahmed, un employé des bains-douches proche de la retraite, avec Mike, un adolescent à la dérive qui rêve de devenir rappeur. Après sa sélection dans la compétition nationale du dernier Festival de Clermont-Ferrand, le cinquième court-métrage de Foued Mansour vient d’être présélectionné aux César 2020. Nous l’avons diffusé le 23 septembre sur toit du Point Ephémère à l’occasion de la carte blanche offerte au Festival de Brive, en présence du réalisateur et du producteur Rafaël Andrea Soatto (Offshore).

Depuis ton premier court-métrage produit, La Raison de l’autre, il y a dix ans pile, tu en as réalisé trois autres. Tu ne ressens pas le besoin de passer au long ?

Je me fais souvent engueuler par mes copains producteurs ou réalisateurs qui sont passés au long, mais si j’avais en eu la possibilité, j’aurais déjà franchi le pas. Ça ne dépend pas que de moi. Ceci dit j’aime le court. J’aime le format, la liberté et je m’y suis vite senti à ma place. J’ai enchaîné trois courts très vite entre 2009 et 2012, qui se sont produits plutôt facilement grâce à La Raison de l’autre qui, lui, s’est financé très difficilement. Puis j’ai fait un break car j’ai commencé à écrire mon long mais je suis entré dans un autre monde. Un court, tu te débrouilles toujours pour le faire. Un long, ça n’a rien à voir, les enjeux sont énormes. Tu rencontres plein de producteurs mais ils ont peur, ils ne te connaissent pas. Alors il arrive que tu te lances dans un projet pour finalement te rendre compte que ça n’a pas avancé et que tu as perdu 4 ans. Et comme j’avais envie de tourner, je suis revenu au court. Il faut aussi avoir en tête que le passage du court au long est de plus en plus difficile. Avant un court qui cartonnait menait automatiquement au long, mais plus maintenant. Regardez Jean-Bernard Marlin. Il a fait La Fugue qui a eu l’Ours d’Or à Berlin, et a été nommé aux César, mais ça ne l’a pas empêché de se retrouver au RMI alors qu’il a fait le court de la décennie. Il a mis du temps à faire Shéhérazade, qui a été ensuite acclamé, mais à quel prix ! Passer à côté d’un auteur comme lui aurait été un vrai gâchis.

Quand tu parles de liberté dans le court, fais-tu aussi référence à celle de faire appel à des comédiens non professionnels ?

Je ne tiens pas à faire jouer des comédiens non professionnels. Je le fais quand ça s’impose, quand je n’ai pas le choix. Pour le rôle d’Ahmed, j’ai d’abord contacté plusieurs comédiens mais il n’y a pas beaucoup de comédiens maghrébins de cette génération. Et tous ceux que je rencontrais étaient des acteurs très lettrés, intellos, ça ne marchait pas. Alors un ami qui habite à la Goutte d’Or m’a proposé d’aller déjeuner chez un restaurateur qui connait tous les chibanis du quartier. Là-bas, je suis tombé sur Mohammed qui apportait des fruits et légumes à la cuisinière, et je me suis dit : « c’est lui ». Mohammed est une star à la Goutte d’Or grâce à son engagement associatif et il sait lire et écrire, ce qui est rare pour cette génération de prolétaires immigrés. Quand je lui ai dit que j’allais faire un film, il m’a dit oui, qu’il connaissait, qu’il avait déjà été interviewé par BFM TV. Mais quand j’ai sorti le scénario, je l’ai vu pâlir. Finalement, le restaurateur a su le convaincre mais il faut dire que moi non plus je n’étais pas sûr de mon coup. ll portait l’histoire des ces hommes dans sa façon de marcher, de se comporter. Il dégageait quelque chose de brut qu’aucun acteur n’aurait pu reproduire. Inversement, l’autre comédien, Bilel Chegrani, avait été suggéré par Meriem, la directrice de casting. Et idem pour La raison de l’autre. Je suis allé dans un foyer pour trouver mon acteur africain mais celle qui joue la conseillère, Chloé Berthier, est bien actrice. Il n’y a pas de règle, il faut une symbiose.

Il n’y a pas de règle mais celle de la « bankabilité » sera quand même difficile à contourner dans ton long-métrage, non ?

C’est vrai que les producteurs ont besoin d’être rassurés, ils pensent eux-mêmes que ça va rassurer les chaînes et distributeurs. Mais ça ne marche qu’avec certains, les Dujardin et Omar Sy, pas les autres. Regarde, les films qui se font remarquer – Shéhérazade, Divines, Mustang, Petit Paysan, même Jusqu’à la garde – se font sans grosse vedette. Et aujourd’hui, le film qui va représenter la France aux Oscars s’appelle Les Misérables. Ces exemples te poussent à persévérer.

Je vais essayer de me passer de stars en faisant un film pas cher et avec les subventions classiques. J’ai un rapport très fusionnel aux comédiens. Le travail avec eux est la partie de ce métier que je préfère et j’ai l’habitude de les choisir moi-même. Mes plus grands moments de plaisir sont ceux où ils me proposent des choses que je n’attendais pas et qui me bluffent. C’est chiant un tournage, on n’a que des emmerdes, et les seuls moments de plaisir sont les cadeaux des acteurs. Quand je m’occupe du casting, je consulte tous les trombinoscopes trois mois à l’avance, et j’appelle moi-même les comédiens. Après Le Chant d’Ahmed, le long-métrage sera seulement ma deuxième collaboration avec une directrice de casting et je vais tout de même continuer à aller chiner dans mon coin six mois à l’avance.

« Un homme debout »

Tes courts-métrages parlent de précarité, de solitude. Le long explorera-t-il aussi ces thèmes ?

C’est surtout la quête de dignité qui, je crois, rassemble tous ces films. Avec Un homme debout, je voulais parler de la vindicte populaire, de ses ravages sur un personnage qui ne veut pas céder et préserver sa dignité à tout prix. Le Chant d’Ahmed porte sur l’exil, le déracinement mais avec toujours ce désir d’Ahmed d’être regardé.

C’est un thème que je n’ai de cesse d’explorer parce que ce sentiment, nous le partageons tous. Il nous maintient en état de survie quand on est au fond du trou. Si tu perds une forme d’estime de toi, tu sombres. Mais c’est un sujet délicat à traiter sans tomber dans le misérabilisme, ou la moralisation. Tu marches toujours sur un fil. Les projections de La raison de l’autre étaient suivies de débats tendus où certains me reprochaient d’apporter de l’eau au moulin de ceux qui stigmatisent, alors que d’autres s’élevaient contre cette interprétation. J’aime quand le film ne m’appartient plus, quand les gens s’en emparent. Mon prochain projet abordera de nouveau ces questions : la morale, la justice, la quête de dignité… Mais il sera traité cette fois par le biais d’une histoire d’amour inspirée d’un petit fait divers qui s’est transformé en fait de société. Un film qui je l’espère parlera, en miroir de notre époque, de convergence des luttes.

As-tu une opinion sur la représentation des « minorités visibles » dans le cinéma français ?

Des progrès ont été fait sur la représentativité, mais il reste du travail à faire. Dans mon film, des gens trouvaient bizarre que le personnage joué par Bilel s’appelle Mike. On cantonne encore les comédiens à des rôles stéréotypés, mais ça se décloisonne progressivement. Dans le cas de Mike, je n’imaginais pas spécifiquement un Maghrébin mais j’ai pris Bilel parce que c’était le meilleur. Par contre, il a fallu gommer certains tics de langages, je ne voulais pas de stéréotype. Je lui disais que s’il voulait jouer autre chose que des petits mecs de quartier, il devait accepter d’interpréter, de jouer la comédie.

Et est-ce que tu as l’impression d’avoir une responsabilité dans cette question de la représentation ?

J’ai toujours mis un point d’honneur à ne pas faire de film communautaire. Mes films précédents abordent la question de manière indirecte. Là, c’est le premier qui l’abord frontalement mais ça fait longtemps que je voulais faire un film sur les immigrés de la première génération qui sont arrivés dans les années 70 et qui ont trimé. Je voulais explorer leur sens du sacrifice, la manière dont ils ont été traités ici et là-bas, le lien familial qui se délie, le manque de communication. Je voulais rendre hommage à ces hommes et ces femmes, moi qui suis né ici mais qui ai toute ma famille en Tunisie. J’y vais de temps en temps et je me suis souvent demandé ce qu’aurait été ma vie si j’étais né et si j’avais grandi là-bas, et surtout quelle destin aurait eu mon père s’il n’avait pas fait venir ma mère… Il aurait probablement eu la même existence que le personnage d’Ahmed. Quand j’y vais, je suis heureux d’y aller mais je ne sais pas si je pourrais y vivre. Et ce qui est drôle, c’est que je suis présenté dans tous les festivals étrangers comme le réalisateur français et ici parfois comme le franco-tunisien. Mais j’essaie de passer au-dessus de tout ça

Propos recueillis par Yohan Levy

Carte blanche Format Court à la Rochelle !

Après 4 projections en septembre (3 consacrées à notre festival, 1 dédiée à celui de Brive), Format Court se voit proposer une nouvelle carte blanche dans quelques jours à la Rochelle. La Belle du Gabut, une association locale, nous accueille en effet le mardi 8 octobre prochain dans le cadre de sa guinguette effervescente pour une séance en plein air en lien avec la Fête de la science.

« Planet Z » de Momoko Seto

Programmation

Flow d’Adriaan Lokman. Animation, 13’45 », 2019, Pays-Bas, France, Dark Prince, Valk Productions. Présélectionné au César du meilleur court-métrage d’animation 2020

Synopsis : Une journée de turbulences, peinte par l’air.

Corpus de Marc Hericher. Animation, expérimental, 3’30, 2015, France, Rêvons, C’est l’heure Productions. Prix Format Court au Festival Court Métrange 2015

Synopsis : Une réaction en chaîne complexe actionne des organes humains qui prennent vie. Ce mécanisme engendre un acte de création. Mais cet acte libre est-il vraiment produit par une machine ?

Articles associés : la critique du filml’interview de Marc Hericher

The Origin Of Creatures de Floris Kaayk. Animation, 12′, 2010,  Pays-Bas, Prod. : Koert Davidse, Marc Thelosen, Yan Ting Yuen. Prix Format Court au Festival Paris Courts Devant 2011

La vision futuriste d’un monde après un désastre catastrophique. Dans cette parabole, des membres mutés autonomes sont à la recherche d’une coopération, mais en raison de problèmes de communication, cette mission est vouée à l’échec.

Planet Z de Momoko Seto. Animation, 9’30’’, 2011, France, Sacrebleu Productions. Sélectionné au Festival de Berlin 2011 & au Festival Animatou 2012 (Suisse)

Synopsis : Quelque part…la PLANET Z La végétation commence à s’installer sur la planète, et tous semble vivre en harmonie. Mais un champignon gluant …

Article associé : la critique du film

En pratique

La Belle du Gabut : 5, rue de l’Armide, 17000 La Rochelle

Projection à 20h30, entrée gratuite

Carte blanche offerte au Festival de Brive, ce lundi 23.9 au Point Ephémère !

Après les trois première cartes blanches consacrées à notre Festival Format Court à Bruxelles et Paris, nous vous proposons de nous rejoindre en hauteur, sur le rooftop du Point Éphémère (200 Quai de Valmy, 75010 Paris), ce lundi 23 septembre, à la tombée de la nuit, pour une nouvelle projection en plein air à ne pas manquer !

Pour l’occasion, nous offrons une carte blanche au Festival du moyen métrage de Brive dont nous avons été partenaires pendant 4 ans. Soyez au rendez-vous pour cette dernière Séance au Top organisée par le Point Éphémère ! 3 films sélectionnés cette année à Brive, choisis par Maguy Cisterne, Secrétaire générale du festival, seront diffusés, tous en présence de leurs équipes ainsi que celles de Brive et de Format Court.

Programmation

D’un château l’autre d’Emmanuel Marre, Belgique, France, 2018, Wrong Men, Kidam, Grand Prix au Festival de Moyen métrage de Brive 2018, Pardino d’Or du meilleur court-métrage à Locarno 2018, présélectionné au Cesar 2020 du Meilleur Court Métrage. En présence du réalisateur

Printemps 2017. Pierre, vingt-cinq ans, étudiant boursier dans une grande école parisienne loge chez Francine, soixante-quinze ans, clouée par le handicap dans un fauteuil roulant. Ils assistent perplexes à la kermesse électorale de l’entre-deux tours qui bat son plein, dehors. Loin de la kermesse électorale, Pierre aide le corps de Francine et Francine essaie de soigner l’âme de Pierre.

Akaboum de Manon Vila, 2019, Prix du Jury Jeunes et du meilleurs court-métrage à Visions Du Reel 2019, Les Ecuries Productions. En présence de la réalisatrice et de la productrice Nora Rotman

C’est l’histoire d’une bande de jeunes garçons originaires de l’extrémité nord-ouest de la région parisienne. On les suit dans leurs déambulations censées les mener de Cergy à Marne-la-Vallée. C’est aussi l’histoire d’une bande de lapins-canards qui se rend à une fête au château de la Belle au bois dormant. Cette bande, ce sont les membres du Ygrk Klub. Entre documentaire et fiction, on plonge dans les univers superposés de leurs réalités et de leurs fantasmes. Portrait d’une jeunesse locale contemporaine qui tente d’inventer les nouveaux contours d’une identité collective sur fond de France en crise.

Le Chant d’Ahmed de Foued Mansour, France, 2018,Offshore, Prix Unifrance du court-métrage à Cannes 2019, présélectionné au Cesar 2020 du Meilleur Court Métrage. En présence du réalisateur et du producteur, Rafaël Andrea Soatto

Ahmed, employé des bains douches proche de la retraite, voit un jour débarquer Mike, adolescent à la dérive. Entre ces murs, dans un lieu sur le point de disparaître, une étrange relation va naître entre ces deux âmes fêlées.

En pratique

Le Point Ephémère : 200 Quai de Valmy, 75010 Paris

Tarif : 5€

Début des projections à la tombée de la nuit (aux alentours de 20h30). Ouverture du toit et de la billetterie à 19h

Event Facebook : https://www.facebook.com/events/2152628541696804

Nos prochains rendez-vous au Point Ephémère !

👋Agendas, agendas. Après les deux première cartes blanches consacrées à notre Festival Format Court à Bruxelles et Paris, nous vous donnons rendez-vous en hauteur, sur le rooftop du Point Éphémère (200 Quai de Valmy, 75010 Paris) pour deux nouvelles projections en plein air à ne pas manquer !

💥1/2 : Lundi 16 septembre, à 21h : 3ème Carte blanche au Festival Format Court.

Programmation de 4 films issus de notre 1ère édition :

Le Phénomène Paul Emile Raoul de Fred Perrot et Audrey Najar, France, 2007, ESRA

Découvrez l’histoire incroyable d’un homme qui ne donna rien mais qui reprit tout. Un homme qui se fit des colliers de la peine des autres. Du grand, de l’unique, de l’impardonnable… Paul-Emile Raoul.

Icare de Nicolas Boucart, France, Belgique, 2018, nommé aux Oscar 2018, Hélicotronc, Offshore

Sur une minuscule île couronnée de falaises abruptes, se dresse face à la mer une seule et unique maison. Obsédé par le rêve que l’homme puisse un jour voler à l’image de l’oiseau, un inventeur expérimente ses machines sur ce morceau de terre abandonné. Pour cet homme, seule une âme pure, légère, naïve est capable d’un tel exploit. Recruté du continent, Joseph, onze ans, semble être le parfait candidat.

Swatted de Ismaël Joffroy Chandoutis, France, 2018, Prix spécial du Jury au Festival de Clermont-Ferrand 2019, Le Fresnoy. En présence du réalisateur

Des joueurs en ligne racontent leurs difficultés à échapper au « swatting », un phénomène de cyber-harcèlement qui menace leur vie à chaque partie. Les événements prennent forme à travers des vidéos youtube et des images vectorielles issues d’un jeu vidéo.

Le Plombier de Xavier Seron, Méryl Fortunat-Rossi, Belgique, France, 2016, Meilleur Court Métrage de Fiction aux Magritte 2017, Hélicotronc, Origine Films

Tom, un comédien flamand, remplace au pied levé un ami doubleur. En général, Tom fait des voix de personnages de dessins animés. Aujourd’hui, il se retrouve en studio pour un film pornographique en Français. Catherine, une comédienne expérimentée, sera sa partenaire. Tom jouera le plombier.

💥2/2 : Lundi 23 septembre, 21h : Carte blanche offerte au Festival du moyen métrage de Brive.

Programmation de 3 films sélectionnés cette année à Brive, en présence de Maguy Cisterne, Secrétaire générale du festival :

D’un château l’autre d’Emmanuel Marre, Belgique, France, 2018, Wrong Men, Kidam, Grand Prix au Festival de Moyen métrage de Brive 2018, Pardino d’Or du meilleur court-métrage à Locarno 2018. En présence du réalisateur

Printemps 2017. Pierre, vingt-cinq ans, étudiant boursier dans une grande école parisienne loge chez Francine, soixante-quinze ans, clouée par le handicap dans un fauteuil roulant. Ils assistent perplexes à la kermesse électorale de l’entre-deux tours qui bat son plein, dehors. Loin de la kermesse électorale, Pierre aide le corps de Francine et Francine essaie de soigner l’âme de Pierre.

Akaboum de Manon Vila, 2019, Prix du Jury Jeunes et du meilleurs court-métrage à Visions Du Reel 2019, Les Ecuries Productions. En présence de la réalisatrice et de la productrice Nora Rotman

C’est l’histoire d’une bande de jeunes garçons originaires de l’extrémité nord-ouest de la région parisienne. On les suit dans leurs déambulations censées les mener de Cergy à Marne-la-Vallée. C’est aussi l’histoire d’une bande de lapins-canards qui se rend à une fête au château de la Belle au bois dormant. Cette bande, ce sont les membres du Ygrk Klub. Entre documentaire et fiction, on plonge dans les univers superposés de leurs réalités et de leurs fantasmes. Portrait d’une jeunesse locale contemporaine qui tente d’inventer les nouveaux contours d’une identité collective sur fond de France en crise.

Le Chant d’Ahmed de Foued Mansour, France, 2018, Prix uniFrance du court-métrage à Cannes 2019, Offshore. En présence du réalisateur et du producteur, Rafaël Andrea Soatto

Ahmed, employé des bains douches proche de la retraite, voit un jour débarquer Mike, adolescent à la dérive. Entre ces murs, dans un lieu sur le point de disparaître, une étrange relation va naître entre ces deux âmes fêlées.

En pratique

Le Point Ephémère : 200 Quai de Valmy, 75010 Paris

Tarif : 5€/séance

Début des projections à la tombée de la nuit. Ouverture du toit et de la billetterie à 19h

Charlotte Corchète, Giacomo Hug, les Pardi di Domani et le Festival de Locarno

Charlotte Corchète est la nouvelle responsable du comité de sélection des Pardi di Domani, la section réservée aux courts et moyens-métrages du Festival de Locarno. Lili Hastin, la nouvelle Directrice artistique du festival, l’a choisie après une collaboration entamée au festival Entrevues de Belfort. Giacomo Hug, lui, travaille depuis un moment pour Locarno. Il coordonne le comité des Pardi di Domani dont Charlotte Corchète fait partie avec trois autres sélectionneurs, dont certains sont réalisateurs : Tizian Büchi, Liz Harkman et Stefan Ivančić.

À l’occasion de la dernière édition du festival, organisé cet été, Charlotte Corchète et Giacomo Hug ont échangé autour de leurs parcours respectifs, de l’intérêt de Locarno pour la forme courte, de la fameuse prise de risques, du moyen-métrage et du documentaire.

Format Court : Comment en êtes-vous arrivés à travailler tous les deux pour le Festival de Locarno ?

Charlotte Corchète : J’ai fait des études à la Fémis en distribution-exploitation et je poursuis mes études à l’EHESS (École des hautes études en sciences sociale) en vue d’un doctorat en sociologie l’an prochain. J’ai travaillé dans les bureaux de programmation du Festival Entrevues avec Lili Hastin, notamment l’an dernier au comité de sélection, qui m’a proposé de rejoindre l’équipe du court à Locarno. Avant, j’ai été stagiaire au Louxor à Paris et j’ai travaillé dans des salles de cinéma et au bureau de programmation des films du Centre Pompidou.

Le cinéma, c’est de la sociologie. As-tu le sentiment que tes études te permettent d’avoir un regard particulier sur les films qui arrivent ici ?

C.C. : Oui, je pense. À la Fémis, j’ai eu une formation technique, économique. La sociologie à l’EHESS m’a permis d’avoir un regard différent. Beaucoup de sociologues travaillent avec des films, les analysent, les décortiquent. Ce n’est pas donc pas si éloigné que ça car on peut utiliser des films réalistes ou documentaires pour parler et approcher des sujets fréquents en sociologie.

Et toi, Giacomo, comment t’es-tu greffé au festival ?

Giacomo Hug : Moi, je suis tessinois, j’ai grandi près d’ici. J’ai connu le festival il y a longtemps. J’ai été dans le jury jeune, ensuite, j’ai fait des études de cinéma à Lausanne et à Londres. Puis, je suis rentré en Suisse et j’ai commencé à travailler au bureau de programmation des longs-métrages. C’était en 2014. Depuis l’an passé, je suis responsable du bureau de programmation des courts-métrages. Je ne fais pas de sélection. Je m’occupe de coordonner le comité de sélection et d’organiser tout ce qu’il y a autour.

Dans votre comité court, il y a plusieurs réalisateurs. Est-ce que leur présence offre un autre regard et a une influence sur les films retenus ?

C.C. : C’est vrai que dans notre comité, certains sont réalisateurs ou donnent des cours et d’autres programment dans d’autres festivals. Je trouve ça très bien parce qu’être cinéaste à plein temps, ce n’est pas forcément possible, ça permet de chercher d’autres moyens de parler de cinéma. Si il n’y avait que des réalisateurs dans ce comité, je pense que ça ne marcherait pas, mais là, dans le cas présent, c’est bien d’avoir des personnes variées en termes d’expériences professionnelles et de perspectives.

Pourquoi et comment le festival continue-t-il à s’intéresser au court-métrage ?

C.C. : À Locarno, la Sala est la salle principale consacrée au court métrage. Elle fait 900 places, c’est un espace important pour les courts. Le festival accorde une certaine importance au court puisqu’on en sélectionne une trentaine dans la compétition internationale et une dizaine dans la compétition nationale : ça représente quand même une compétition importante.

G.H. : Locarno, c’est un festival de recherche et découverte. Comme les courts-métrages sont souvent faits par des jeunes réalisateurs et des étudiants, c’est très intéressant de les repérer très tôt, en amont. C’est la fonction principale de la compétition des courts-métrages, des Pardi di Domani qui signifie en français « les Léopards de demain ». L’idée est de découvrir des auteurs qui reviendront peut-être dans le futur avec des longs-métrages.

Comment se fait-il que le festival soit associé à cette image de léopard ?

G.H. : Tu vois le symbole de la ville, de la mairie ? C’est un pardo, un animal mythique qui se situe entre un lion et un léopard.

C.C. : Dans la mythologie suisse (rires) ?!

Le symbole de la vile est donc devenu celui du festival ?

G.H. :  Oui.

Comment arrivez-vous à créer votre identité entre les deux gros festivals que sont Cannes et Venise ?

C.C. : Cette année, on a reçu 3.000 films et le nombre d’inscriptions a augmenté par rapport aux autres années. Ce qui a joué, c’est qu’on se soit beaucoup déplacé en festival. Je me suis rendue au Festival de Clermont-Ferrand avec Giacomo. On est allé sur le marché à la rencontre des producteurs, des réalisateurs, des vendeurs et des institutions de plusieurs pays.

Venise a une limite de temps de 20 minutes pour les courts, la compétition principale des courts-métrages de Cannes prend des films de 15 minutes maximum. Nous, on accepte les films jusqu’à 59 minutes.

Il y a des spécificités en termes d’éligibilité qui sont différentes des autres festivals. Après, effectivement, c’est difficile. Les publics ne sont pas les mêmes. À Locarno, on accepte des formes peut-être différentes, on peut s’intéresser à des artistes qui sont liés à la vidéo, qui sont pris dans les musées. C’est comme ça qu’on arrive par exemple à se démarquer.

G.H. : Ce qu’on essaye aussi de faire par rapport aux autres festivals que tu as mentionnés, c’est qu’on ne s’intéresse pas nécessairement aux films qui sont complètement aboutis, parfaits. On peut être sensible aussi aux propositions qui ne sont peut-être pas encore là mais à des réalisateurs qui ont pris des risques.

Dans les films que j’ai vus, j’ai le sentiment qu’il y a une idée de brouiller les pistes, les codes. Parfois, on ne sait pas trop à quel genre les films appartiennent. C’est quelque chose que vous souhaitez défendre dans votre sélection ? Par ailleurs, si vous vous êtes déplacés des gens en festivals, c’est parce que vous aviez le sentiment que les gens ne vous repéraient pas suffisamment ?

C.C. : Je pense qu’ils connaissaient Locarno mais on leur a apporté des précisions par exemple concernant les frais, les délais et les moments d’inscription. Cette année, j’ai beaucoup répondu à des réalisateurs qui me demandaient quel type de films on pouvait chercher. Je pense que ça les a beaucoup aidés sur ce qu’on attendait par rapport à d’autres festivals.

Quant à la sélection, toutes les formes sont montrées sur l’écran, il n’y a pas une seule forme ou unité en termes esthétiques. On va aller vers des films expérimentaux comme narratifs, plus classiques.

G.H. : C’est un peu la tradition de Locarno d’inclure dans la même compétition du documentaire, de la fiction, de l’animation, des projets qui sont de l’art vidéo. Cette année, on a aussi montré de la réalité virtuelle. Les gens de l’art vidéo connaissent peut-être Locarno mais ne savaient pas qu’ils pouvaient y participer. C’est pour ça qu’on fait un travail de recherche.

Ca a donc joué sur le nombre de films reçus. Et que réponds-tu, Charlotte, quand on te demande quel type de films recherchez-vous ?

C.C. : En général, ce que je dis, c’est qu’on cherche des films qui vont nous surprendre par leur forme esthétique ou par leur construction narrative et qui traitent aussi de sujets qu’on peut voir à l’écran. Il n’y a pas un format atypique pour être sélectionné à Locarno. On peut tout à fait prendre des films qui vont avoir une histoire très simple et qui vont susciter une émotion très forte. Il n’y a pas de règle précise là-dessus. Si vraiment on sent que le réalisateur a une sensibilité particulière et qu’il arrive à nous émouvoir, ça peut nous intéresser. J’aime beaucoup ce genre de films aussi.

G.H. : Le courage nous intéresse également.

Sur 3.000 films, vous recevez quand même beaucoup de films qui ne se démarquent pas des auteurs. Est-ce que vous avez le sentiment que les réalisateurs manquent de courage, ne vont pas au bout de leurs intentions ?

G.H. : Je pense que oui. Il y a beaucoup de films qui se ressemblent, qui sont tous pareils, qu’on a l’impression d’avoir déjà vus.

Dans le passé, il y a eu beaucoup de courts documentaires « coups de poing », très forts, des histoires très personnelles sélectionnés au festival. Vous accordez une attention particulière à ce genre ?

C.C. : On s’intéresse autant au documentaire qu’à la fiction. Parfois, je ne sais pas à l’avance si ça va être de la fiction ou du documentaire !

G.H. :  C’est intéressant parce que cette année, dans la sélection, on a un documentaire qui ressemble à de la fiction, Vader (Isabel Lamberti, Pays-Bas), et un projet de fiction qui ressemble à un documentaire, El hacedor de muebles (David Avilés, Cuba) !

« El hacedor de muebles « 

Plusieurs moyens-métrages figurent dans votre sélection. Vous acceptez des films allant jusqu’à 59 minutes. Ce sont des durées qui prennent de la place dans une grille de programmation…

C.C. : Cette année, dans la compétition internationale, il y a un film de 35 minutes. Je crois que c’est le plus long, mais on avait repéré des moyens-métrages effectivement. Comme on a ouvert seulement depuis cette année la compétition aux films allant jusqu’à 59 minutes (avant, ça se limitait à 45), il y a des films qu’on a considérés jusqu’à la fin. Après, c’est en termes de durée qu’on organise les programmes et c’est vrai qu’un film de 59 minutes va prendre la place de deux ou trois films un peu plus courts. Mais après, on est très ouvert, si il y a un moyen-métrage qu’on aime beaucoup, on va prendre le risque de le prendre dans un programme.

Oser prendre un film plus long, c’est envoyer aussi un message à des auteurs qui tentent des histoires plus longues et qui ont besoin de cette durée-là pour raconter ce qu’ils veulent.

C.C. : Oui. Il faut aussi s’adapter aux réalités des pays. Par exemple, j’ai appris qu’il n’y a pas une si grosse production de courts-métrages au Japon, mais que par contre, beaucoup de moyens-métrages se faisaient là-bas. L’année prochaine, j’aimerais bien du coup voir des moyens-métrages japonais qui font entre 45 et 59 minutes.

Comment se fait-il qu’au Japon, il y ait plus de moyens-métrages que de courts ?

C.C. : Les étudiants font des courts à l’école, ils s’exercent avec ce format, mais les films restent dans l’école, ils ne sont pas envoyés en festival. À leur sortie, les réalisateurs font des moyens, le format étant les plus proche des longs.

Quel est pour vous finalement l’intérêt du court-métrage ?

C.C. :  Comme Giacomo, je pense que le court permet de lancer la carrière d’un réalisateur, d’avoir une carte de visite, notamment dans les écoles. Le court, avec son économie plus réduite, permet de connaître les étapes de fabrication d’un film, d’intéresser des producteurs et des festivals pour s’orienter après vers le long. C’est une forme de tremplin pour accéder au long.

G.H. : C’est aussi un format qui permet à nouveau de prendre des risques plus facilement qu’un long car ça coûte moins cher, et c’est juste plus court.

Est-ce que les films de Locarno peuvent être vus en dehors du festival ?

G.H. : Oui, on a créé l’an passé un programme en VOD sur notre site internet. Pendant un mois, de février à mars, on a passé chaque jour un court-métrage précédemment sélectionné. On va le refaire. Ca a très bien marché. On a diffusé 27 films, soit presque la sélection complète. Ca permet de sortir de Locarno et des festivaliers.

Propos recueillis par Katia Bayer

Article associé : Locarno 2019, notre compte-rendu

César 2020, les 12 courts-métrages d’animation en lice !

Les 20 membres du Comité Animation de l’Académie des Arts et Techniques du Cinéma ont sélectionné les 12 films de court métrage qui vont concourir au César 2020 du Meilleur Film d’Animation (Court Métrage) :

Bavure de Donato Sansone
Ce magnifique gâteau ! d’Emma de Swaef et Marc James Roels
Egg de Martina Scarpelli
Flow d’Adriaan Lokman
Guaxuma de Nara Normande
Je sors acheter des cigarettes d’Osman Cerfon
Make it Soul de Jean-Charles Mbotti-Malolo
Mémorable de Bruno Collet
Mon juke-box de Florentine Grelier
La nuit des sacs plastiques de Gabriel Harel
Riviera de Jonas Schloesing
Roughhouse de Jonathan Hodgson

Voir aussi : la liste des 24 courts-métrages en lice pour le Cesar 2020 du Meilleur Film de Court Métrage

César 2020, les 24 courts métrages en lice

Les 26 membres du Comité Court Métrage de l’Académie des Arts et Techniques du Cinéma viennent de sélectionner les 24 films de court métrage qui vont concourir au César 2020 du Meilleur Film de Court Métrage. Voici les titres retenus :

2 ou 3 choses de Marie Jacobson d’Anne Azoulay
Air comprimé d’Antoine Giorgini
Beautiful Loser de Maxime Roy
Braquer Poitiers de Claude Schmitz
La chanson de Tiphaine Raffier
Le chant d’Ahmed de Foued Mansour
Chien bleu de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh
Côté cœur d’Héloïse Pelloquet
D’un château l’autre d’Emmanuel Marre
Daniel fait face de Marine Atlan
De la joie dans ce combat de Jean-Gabriel Périot
Le discours d’acceptation glorieux de Nicolas Chauvin de Benjamin Crotty
La distance entre le ciel et nous de Vasilis Kekatos
Entre les lignes de Frédéric Farrucci
Nefta Football Club d’Yves Piat
Odol Gorri de Charlène Favier
Pauline asservie de Charline Bourgeois-Tacquet
La Persistente de Camille Lugan
Pile poil de Lauriane Escaffre et Yvonnick Muller
Pollux de Michael Dichter
Roberto le canari de Nathalie Saugeon
La traction des pôles de Marine Levéel
Souvenir inoubliable d’un ami de Wissam Charaf
Ultra pulpe de Bertrand Mandico

Voir aussi : la liste des 12 courts-métrages d’animation en lice pour le Cesar 2020

2 projets de Céline Tricart, tout juste primée à Venise, en ligne !

Céline Tricart est une réalisatrice française vivant à Los Angeles. Elle vient de remporter à Venise le Prix de la meilleure réalité virtuelle pour son court-métrage interactif de 20 minutes, « The Key », co-produit par Lucid Dreams Productions et Oculus VR For Good, qui a également été primé au Tribeca Film Festival, plus tôt cette année.

💥Si il est encore bien compliqué de voir des films en VR (sans casque et sélection en festival spécialisé, c’est tout bonnement impossible), il est possible de voir 2 de ses travaux courts, tous deux disponibles en ligne :

– « Red », un clip représentant une femme en état de choc après les attentats du 13 novembre et dont les méandres du cerveau sont restituées en images virtuelles.

– « Lapse of Time », un film conçu en 3D à la base, s’intéressant à la perception et l’arrêt du temps d’un enfant devenu jeune homme.

Pour ces deux projets – mais aussi pour « The Key » , Céline Tricart a travaillé avec Julie Roué, une compositrice et chanteuse dont le travail nous intéresse à Format Court (allez voir et écouter « Perdrix », le premier long-métrage d’Erwan Le Duc !), rencontrée alors qu’elles étaient toutes deux étudiantes à l’Ecole nationale supérieure Louis-Lumière, l’une en image, l’autre en son, et dont nous aurons l’occasion de reparler !

Katia Bayer

Venise 2019, le palmarès des courts

Bien moins visibles que les longs, les courts existent aussi à la Mostra de Venise. Voici les films primés dans la section Orizzonti pour le court-métrage et dans la compétition VR (réalité virtuelle) que nous avons découverts également au festival (reportage à venir).

Palmarès

Prix Orizzonti du meilleur court-métrage : Darling de Saim Sadiq (Pakistan, Etats-Unis)

Nomination pour les European Film Awards 2019 : Cães que ladram aos pássaros de Leonor Teles (Portugal)

Prix Venice Virtual Reality de la meilleure réalité virtuelle : The Key de Céline Tricart (Etats-Unis)

Prix Venice Virtual Reality de la meilleure expérience en réalité virtuelle : A Linha de Ricardo Laganaro (Brésil)

Prix Venice Virtual Reality de la meilleure histoire racontée en réalité virtuelle : Daughters of Chibok de Joel Kachi Benson (Nigéria)