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I comme I Am afraid to forget your face

Fiche technique

Synopsis : Éloigné de celle qu’il aime depuis quatre-vingt-deux jours, Adam est prêt à tout pour braver la distance qui les sépare.

Genre : Fiction

Durée : 15′

Pays : France, Egypte

Année : 2020

Réalisation : Sameh Alaa

Scénario : Sameh Alaa

Image : Giorgos Valsamis

Montage : Yasser Azmy

Production : Les Cigognes Films

Articles associés : la critique du film, l’interview du réalisateur

I am afraid to forget your face de Sameh Alaa

« Je crains d’oublier ton visage » : c’est autour de cette peur que ce court-métrage de Sameh Alaa, Palme d’or à Cannes 2020, est construit. Son précédent film Fifteen (2017) avait été sélectionné en première mondiale au Festival de Toronto 2017 (section Shorts Cuts). Le réalisateur égyptien nous livre à nouveau un film sobre, qui nous fait suivre le parcours d’Adam, bien décidé à rendre un dernier hommage à la femme qu’il aime.

Pour ce faire, comme le Céladon du roman d’Honoré d’Urfé – adapté au cinéma par Rohmer en 2007 –, il se déguise en femme. Au contraire de l’expérience vécue par Céladon, toutefois, celle d’Adam sera dépourvue de sensualité et du chatoiement des étoffes de l’Ancien Régime. Non, la facilité du personnage à se faire passer pour une femme est due à ces longs vêtements qu’en Occident nous appelons, faute de mieux, « voiles intégraux ». Le travestissement est signifié par un long travelling avant vers un lourd manteau noir qui occupe désormais l’intégralité du cadre. Lors du plan suivant, les yeux du personnage se détachent enfin, et nous les suivrons désormais, ainsi que cette étoffe lourde et noire, du début à la fin du film.

Ces yeux aimantent ceux des spectateurs tout au long du court-métrage. Nous les suivons dans la chambre mortuaire, dans la difficulté à se frayer une place dans la foule des « hommes » réduits eux-mêmes aux vêtements qu’ils portent. Nous découvrons alors une beauté à ces tissus sombres, aux lignes droites et dures, qui accompagnent avec douceur le déroulé du film qui contrastent élégamment avec la blancheur du linceul.

Symboles également d’intimité et d’intériorité, les plans sur ses yeux à peine visibles s’opposent aux bruits du dehors : roulis des voitures, coups de klaxon, cahots du bus, rumeur de la ville. La rencontre, tant attendue, avec la morte, se fera dans un silence de recueillement qui contraste, pour sa part avec les youyous qui attendent Adam à sa sortie. Tous les sons du film semblent avoir pour fonction de servir d’écrin aux silences. Les paroles sont peu nombreuses, soigneusement évitées, comme si elles risquaient de nous extraire de cette intimité. Un travail d’antithèse qui rappelle la discordance entre le mutisme du personnage de Fifteen et de l’agitation du Caire qui l’entoure.

L’action est tellement ténue que ce n’est finalement pas sur elle que portera notre attention : toute la séduction du film est portée par sa sobriété. Le transport du cercueil lui-même apparaît comme un à-côté superflu au regard du baiser silencieux qu’Adam aura déposé sur le front de sa bien-aimée. Le silence, l’obscurité et l’immobilité recueillent tout entier le deuil du personnage. Sameh Alaa a donc trouvé un ton bien à lui, amorcé déjà dans son film de fin d’études à l’EICAR, The Steak of Aunt Margaux.

Julila Wahl

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Article associé : l’interview du réalisateur

Pieter Coudyzer : « Pour moi, l’émotion d’un film vient de la forme »

Au dernier Festival d’Annecy, on a découvert Le Passant, un film belge de Pieter Coudyzer, sur la plateforme Court-Circuit d’Arte. Construit autour d’un travelling latéral, ce court-métrage croise deux destins : ceux de jeunes garçons habitant dans la même rue. L’un se rend à un rendez-vous avec une fille, l’autre enfourche son vélo pour récupérer du shit. Le premier se fait renverser par une voiture, le deuxième est témoin de l’accident. Visuellement et scénaristiquement, le film émouvant à souhait est un grand moment de cinéma. Le film n’est plus visible dans son intégralité en ligne aujourd’hui, mais nous sommes attentifs à sa rediffusion. À l’occasion de la programmation du Passant au Festival de Namur dans le cadre du focus flamand le jeudi 8 octobre 2020 (13h, Caméo 1), on en profite pour vous faire connaître son auteur originaire de Gand, Pieter Coudyzer, mais aussi ses rêveries courtes, son goût pour la pluie, la texture, la simplicité et les vrais personnages.

Format Court : Tu as étudié au KASK, l’une des meilleures écoles d’animation en Flandre. Qu’est-ce qui t’y a conduit  ?

Pieter Coudyzer : La réponse à cette question est assez simple. J’adore dessiner depuis que je suis enfant et j’adore le cinéma (rires) ! Et comme un et un font deux, j’ai décidé de me lancer dans l’animation, même si je ne suis pas particulièrement amoureux de l’animation. J’aime le cinéma dans son ensemble. J’apprécie les films d’animation qui sont plus texturés et étranges, comme ceux des frères Quay et de Youri Norstein. J’ai remarqué que les gens ont tendance à considérer l’animation comme un genre, au même titre que le western, la science-fiction ou encore le drame mais en réalité, l’animation est simplement une technique. En tant que cinéphile et personne qui adore dessiner, j’ai décidé de faire de l’animation. C’est un milieu qui est à peine plus vieux que la prise de vues réelles mais où pourtant il n’y a pas encore eu beaucoup de choses extraordinaires. L’animation permet d’énormes possibilités, de nouvelles propositions artistiques, mais je pense qu’elle coûte si chère à réaliser qu’on préfère souvent jouer la sécurité.

Ce qui m’intéresse le plus chez les animateurs que j’ai cités, c’est la texture de leur travail. Leur atmosphère m’attire particulièrement. Formellement, la manière dont les frères Quay et Norstein racontent leurs histoires, c’est quelque chose qui résonne assez fort en moi. Ce n’est pas que je n’aime pas les grandes animations hollywoodiennes, mais je les considère au même titre que des blockbusters, des Marvel versions animées. Elles sont très lisses, très faciles à assimiler et je les oublie rapidement. Elles manquent de texture, de vision, alors que lorsqu’on voit des films de Norstein par exemple, on sait que lui seul peut faire de tels films. Je suis donc attiré par ce genre d’auteurs.

Comment as-tu été amené à découvrir le travail d’un auteur comme Norstein ?

P.C. : J’ai été initié à l’école. J’aime bien ce qui est introverti. Je suis moi-même très introverti, j’adore la pluie par exemple et j’aime représenter cette matière dans mes films. J’aime le son qu’elle fait, son odeur, la froideur qu’elle peut projeter dans une ville. L’été est trop éclatant pour moi, bien trop bruyant, et trop chaud. Je sens une connexion avec ces auteurs.

Lorsque l’on voit pour la première fois ton court-métrage Le Passant, on peut être surpris voire gêné par le visage étrange des différents personnages, mais c’est une surprise qui s’efface rapidement devant un court métrage très cinématographique. Ton film aurait-il pu être une fiction ?

P.C. : Oui ! C’est quelque chose que j’ai toujours voulu créer. J’aime l’idée d’un monde où on a l’impression qu’il y aurait une caméra filmant tous ce qui se passe, rapportant tout ce qui s’y déroule. Quand on regarde la plupart des films d’animation, on voit des dessins prenant vie. Pour ce film, je souhaitais que mes dessins deviennent réels au cours du film, qu’ils enregistrent tout, tels une caméra, qu’ils donnent l’illusion de quelque chose de réel. Ce que je fais aussi et que ne font pas tous les réalisateurs d’animation, c’est retransmettre l’impression d’un temps réel. Que ce soit dans l’écriture ou dans le déroulement du temps, on a l’impression de voir un film en  live action. C’est quelque chose qui m’intéresse particulièrement.

Dans ton film, on peut distinguer une sorte de symétrie parfaite du temps, un découpage de 4 minutes autour des 4 aller-retour du jeune homme en vélo. Est-ce que tu as chronométré le film ?

P.C : Non pas vraiment, mais j’ai un fait décor entier donc en l’occurrence une rue. Le tempo est identique à chaque passage en vélo donc c’est plutôt normal de se retrouver avec ce temps divisé en parts égales. Comme on a l’impression que c’est une caméra qui enregistre, c’est un sentiment naturel.

Tu mentionnais au début de notre conversation que tu dessinais tout le temps. Que dessinais-tu ?

P.C : Je dessinais en permanence, des choses fantaisistes surtout (rires) ! J’ai d’ailleurs fait un roman graphique, L’Arborescent (Presque Lune Editions). L’une des raisons pour lesquelles je l’ai fait, c’est parce que l’animation est très lente et que son processus demande beaucoup de temps pour constituer tout le volume requis.

C’est amusant que tu mentionnes ton roman graphique. Il y a actuellement une nouvelle génération de jeunes gens qui font de la bande dessinée et des courts métrages d’animation et qui font des aller-retour entre ces deux univers à tel point que l’on peut voir que leurs BD adoptent les codes du cinéma. Les animateurs ont une activité diversifiée que ce soit dans la BD, l’illustration, le court-métrage, …. 

P.C : Quand j’étais jeune, il y avait encore quelques cinémas à Gand qui projetaient des courts métrages, et maintenant ils ne le font plus. Peut-être que les milieux s’entrecroisent même si je ne crois pas que mon roman graphique pourrait être reconstruit en tant que film d’animation malgré le fait que le livre commence d’une façon filmique. Je pense quand même que ce sont différents milieux.

Combien de temps as-tu pris pour le faire ?

P.C : À vrai dire je ne l’ai pas fait à plein-temps, j’y travaillais pendant mes week-ends. Je ne savais pas vraiment ce que ça allait donner ni le temps que j’allais y mettre. Je voyais ça comme une expérience.

Etudier dans une autre école qu’au KASK, c’est quelque chose que tu as envisagé ?

P.C : À l’époque, c’était l’une des seules écoles d’animation à Gand, en Belgique. C’était un choix évident. Je pense qu’à Bruxelles, les écoles étaient plus centrées sur l’aspect technique de l’animation. Le but était de former des animateurs. Moi, j’étais plus intéressé par la construction du film et c’était ce que proposait le KASK, où on nous apprenait à devenir des réalisateurs. Je ne pense pas que la différence soit encore aussi présente aujourd’hui entre les écoles mais c’est comme cela que ça fonctionnait à l’époque.

Quand as-tu fini tes études ?

P.C : En 2003, c’est comme si c’était hier. C’était agréable, je me suis rendu dans beaucoup de festivals. Je pense que même à l’époque, les gens me regardaient en se demandant : « Mais qu’est-ce qu’il fait ici, ce gars-là avec son style étrange ?». Je ne sais pas trop… J’ai toujours eu le sentiment que je me sentais un peu différent des autres étudiants. Ca peut paraitre prétentieux mais comme je te le disais, je ne m’intéressais pas tant à l’animation qu’aux films en eux-mêmes. Je voulais réaliser des films. L’année où j’ai eu mon diplôme, je suis allé voir un producteur pour commencer immédiatement un film.

Comment expliquerais-tu justement ce style étrange ?

P.C : D’un point de vue graphique, c’est quelque chose que j’ai développé. Je recherchais la texture, la matière. J’ai commencé en mélangeant du sable avec de la peinture et j’ai obtenu un effet qui me plaisait beaucoup et je n’ai jamais vraiment dévié depuis de cette technique. Je fais d’abord une surface, une fine couche de peinture et de sable pour obtenir une matière particulière. La plupart du temps, j’utilise une couleur sépia. Je laisse le tout sécher, et ensuite je peins sur cette surface avec de l’encre de Chine et de la peinture aquarelle.

C’est quelque chose qu’on ne peut pas vraiment contrôler, c’est justement ce que j’aime. Je l’ai fait une fois, je me suis dit que je tenais là quelque chose d’intéressant. C’est quelque chose que je n’ai jamais arrêté de faire et je pense que je ne réaliserai pas de films sans avoir accès à cette technique.

Quand as-tu découvert cette technique et comment as-tu su qu’elle pouvait te plaire ?

P.C : Je pense que c’était avec mon film de fin d’études. Il n’y a pas beaucoup de couleurs, juste toutes sortes de nuances de marron. Pendant longtemps, je suis resté sur cette palette, puis j’ai fini par trouver le moyen d’inclure plus de couleurs. C’est un travail un peu désordonné, il n’a rien de propre si on peut dire. L’animation est en général faite par d’autres personnes parce que je ne suis pas un très bon animateur; je n’ai pas la patience ni peut-être le talent pour faire l’animation.

Un film comme Le Passant, cela a pris combien de temps ?

P.C : J’ai pensé que ça allait nous prendre 6 mois parce qu’au début, tout le monde me disait que ça allait être assez facile car il n’y a en soi qu’un seul plan. Mais on a fini le film plutôt après 12 ou 13 mois de travail. C’était un peu trop ambitieux.

Si ce film a pris le double du temps prévu, c’était peut-être aussi dû au fait de sa longueur car tes autres films font en général 4 à 6 minutes.

PC : Oui, tout à fait. Je les appelle mes « courts métrages rêveries », soit des petits films que je fais sur un week-end. Je les peins très rapidement. Ce sont juste des petites choses, j’ai l’idée et je fais le film qui n’est en général pas produit, je le réalise par moi-même. De l’autre côté, il y a les films narratifs que je fais avec mon producteur, qui sont forcément plus difficiles à réaliser et pour lesquels j’ai besoin d’être entouré pour l’animation et le montage son. Les rêveries, elles, sont très courtes, animées par un mouvement lent, et faites maison.

Dans tes films, on remarque en effet l’importance du son et de la musique. Tout à l’heure, tu parlais de la pluie et de son son particulier…

P.C : On peut dire que je suis pluviophile (rires) ! Oui, pour Le Passant par exemple, on a énormément travaillé sur la musique, on a probablement dû faire 12 versions différentes.

Pendant le confinement, j’imagine que tu as pu en profiter pour faire beaucoup de rêveries…

P.C : Oui, j’ai dû en faire 6 ou 7. Le format très court était idéal.

Ces rêveries, tu en fait quoi ? Tu les gardes pour toi ou tu les diffuses en ligne ?

P.C : En général, je les poste en ligne. Je ne pense pas qu’on puisse vraiment regarder ces films à la suite, mais plutôt à petite dose. Mais je pense aussi que si je fais des rêveries, c’est parce que je ne peux pas supporter l’idée de travailler pendant deux ans sur un seul projet. J’ai besoin de travailler, de faire des courts-métrages entre deux projets. En général, je ne propose pas mes rêveries en festival, parce que je pense qu’elles sont trop courtes pour les sélections, sauf si il y a des catégories spéciales. D’ailleurs, un de ces films a été sélectionné dans un festival qui ne prenait que des films « poétiques » !

La plupart de tes courts métrages ne sont pas des films narratifs. Du coup, est ce que Le Passant a été le tout premier à en être un ?

PC : Non, Le Passant n’était pas le tout premier film narratif que j’ai réalisé, j’en ai d’abord fait un qui s’appelle Beast. Le film est correct mais je ne préfère pas le montrer.

Pourquoi ?

P.C : Je n’y ai pas mis toutes mes tripes. J’ai eu une idée et la production était très longue. Et plus la production est longue, plus on est fatigué. L’idée initiale était de faire une satire de E.T. où le personnage d’Eliott serait un sans-abri mais au bout d’un moment, le film est devenu tout simplement E.T. Le film avait besoin d’être plus nerveux, mais il a fini par être trop lisse.

Comment as-tu su éviter ça avec Le Passant ? Quelle était la différence ?

P.C : La différence entre ces deux films, c’est que pendant la préproduction, pour construire le dossier je savais que si je décrivais le film seulement par des mots, ça ne marcherait pas car c’était trop ennuyeux. L’histoire, c’est juste celui d’un adolescent sur son vélo jusqu’à son accident. Le film est visuel, j’ai donc fait entièrement le film sur animatique, j’ai fait les images, les dialogues que j’ai enregistré moi-même et avec ma petite amie, j’y ai inclus de la musique, de façon à ce qu’on puisse voir le film. Le film était en soi pratiquement fini quand je l’ai présenté.

Est-ce que fréquent de proposer une animatique devant les Commissions ?

P.C : Ce n’est pas nécessaire, ils demandent en général un story-board pour introduire le film. Je suis en train de demander des fonds pour un nouveau film et c’est la même chose, ils m’ont demandé un scénario, mais j’ai tout de suite dit que si je demandais des fonds, je présenterais une animatique, en plus du scénario. C’est un procédé très formel, mais la façon dont l’histoire d’un film est racontée va jouer, je pense, sur les émotions ressenties.

Le nouveau projet, c’est un court métrage ?

P.C : Je ne sais pas encore. C’est presque un film impressionniste avec un personnage qui repense à sa vie passée, basé sur un roman d’un auteur flamand. Il fera 30 voire 40 minutes ou alors une heure. Pour ce nouveau projet, je rencontre le même problème qu’avec Le Passant : le fait qu’on ne puisse pas juste écrire sur feuille ce qu’il se passe. C’est un film à propos des sensations, de ce qu’on peut entendre, voir.

Qu’as-tu appris avec Le Passant, un film plus long, compliqué et risqué que par le passé ?

P.C : Plus long je ne pense pas car j’avais déjà fait du long avec Beast, et d’ailleurs je ne crois qu’un film plus long soit plus compliqué. Je veux que mes films ne soient pas que des courts métrages d’animation, mais bel et bien du cinéma. Je souhaite vraiment suivre un personnage plutôt que d’en voir la représentation. Je veux de vrais personnages et pas des personnages symboliques. J’ai donc besoin de plus de temps.

As-tu déjà pensé à faire des documentaires ? Quand on voit Le Passant, on pourrait justement croire à un documentaire. Est-ce que tu t’inspires de choses que tu vois dans ton quotidien ou plutôt de ton imagination ?

P.C : Concernant Le Passant, ce n’est pas mon imagination. C’est quelque chose que j’ai vu plus jeune, dans une rue très animée. Je partais de chez moi pour aller à l’école, je tournais au coin la de rue et j’ai vu l’accident. L’idée d’un itinéraire habituel vient de là.

Tu as mentionné comme modèles des animateurs du passé. Quel regard portes-tu sur l’animation d’aujourd’hui ?

P.C : Je vois beaucoup de films qui transmettent de nombreuses émotions mais qui sont au final des mauvais films ou des films triviaux. Tout comme je peux voir des films qui ne racontent pas d’histoires, mais qui sont excellents. Pour moi, l’émotion d’un film vient de la forme et c’est ce que je recherche. Si l’histoire est trop originale, trop spéciale ou a trop de puissance, alors le film n’a plus rien à dire à mes yeux. Je suis attiré par des histoires plus simples qu’extraordinaires. Pour répondre à la question, l’univers de Rémi Chayé qui vient de faire Calamity et Tout en haut du monde m’intéresse beaucoup.

Je pense que le monde est en train de changer et ça semble de plus en plus compliqué de proposer quelque chose de différent. Beaucoup de gens disent qu’il est plus facile que jamais de faire des films mais c’est l’exact opposé. Bien sûr qu’on peut faire un film sur YouTube, mais faire un vrai film, le montrer à une audience, c’est plus dur.

C’est quoi un vrai film pour toi ?

P.C : Pour moi, réaliser un vrai film demande un véritable niveau de professionnalisation qu’il faut atteindre. Je ne pense pas avoir atteint ce niveau, je suis encore en train d’apprendre, mais au moins ce que je fais est professionnel au niveau du son, du montage… Si on va sur YouTube et que l’on recherche des courts-métrages, il y a littéralement des milliers de films qui apparaissent et ça créé un nouveau type de problème. J’ai connu quelqu’un qui a fait un court métrage qui a été sélectionné au Festival de Cannes, qui était très bien fait, sublime. Deux ans après, il a posté son film sur YouTube et il n’a eu que 128 vues en un an, ce qui est dérisoire, alors que des films mauvais peuvent faire des millions de vues.

Pourquoi alors avoir publié certains de tes films sur YouTube ?

P.C : Parce que je veux que les gens puissent voir librement mes films. YouTube n’est pas la meilleure des plateformes, mais comment atteindre une telle audience sans ça ?

Pourquoi après toutes ces années avoir continué à travailler autour de la forme courte ? 

P.C : Pour être complètement honnête, au début quand j’ai commencé, je pensais que le format du court métrage était une passerelle vers le long. Pour les films en prise de vues réelles, c’est très souvent le cas, mais pour l’animation, c’est bien plus difficile. Pour moi, les courts métrages ne sont pas une catégorie à part, ce sont juste des films plus courts. Ca reste du cinéma.

Propos recueillis par Katia Bayer. Retranscription : Marguerite Stopin

Maalbeek de Ismaël Joffroy Chandoutis

Sélectionné à la Semaine de la Critique 2020, Maalbeek de Ismaël Joffroy Chandoutis vient de remporter le Bayard d’or du meilleur court-métrage au Festival de Namur (le FIFF pour les intimes) hier soir. Une première étape importante pour ce film qui démarre une très belle carrière en festival (Paris Courts Devant, FIFIB, FNC, …) en cette rentrée atypique. Il sera diffusé en octobre à la Cinémathèque française dans le cadre des projections hors les murs de la Semaine de la Critique et sera également projeté au Festival Format Court dans le cadre de notre programme cannois, en présence du réalisateur, fin novembre au Studio des Ursulines (Paris, 5ème).

À l’heure où un attentat a encore eu lieu il y a quelques jours seulement à Paris, le court-métrage Maalbeek vient de faire sa première à Namur ce dimanche 3 octobre 2020. Le film, terminé dans la journée, y a fait sensation, projeté à deux reprises, dans un programme de courts en compétition et en avant-programme de La Troisième guerre, le premier long – pas mal – de Giovanni Aloi (sujet à venir).

Ismaël Joffroy Chandoutis a étudié dans deux écoles belges, l’INSAS et Sint-Lukas. Il a poursuivi son cursus au Fresnoy, dans le nord de la France et a réalisé deux films qui continuent de bien marcher : Ondes noires et Swatted. Tous deux interrogent le pouvoir de l’image et la représentation et touchent autant à l’esthétique, aux faits réels qu’aux témoignages personnels et sincères.

Aujourd’hui, il y a Maalbeek.

Achevé le jour même de sa diffusion à Namur, le film est une expérience à part entière qui reste longtemps en mémoire. Le film nous fait revivre l’attentat à la bombe de la station de métro éponyme à Bruxelles, le 22 mars 2016. Sabine, une jeune femme, se trouvait dans la même rame que le terroriste, à quelques mètres de lui avant l’explosion. Elle a survécu sauf qu’elle a tout oublié. Elle n’a pas d’images auxquelles se raccrocher. Aucun souvenir, rien. Pour se reconstruire, elle scrute les images de caméras surveillance, cherchant du sens à tout cela, comme si il y en avait. Pour tenter de redevenir elle-même, Sabine (se) questionne. Elle a des échanges téléphoniques avec un pompier qui est arrivé rapidement sur les lieux et avec une jeune femme qui a partagé le même cours de sculpture et la même rame qu’elle, mais qui est sortie de la station à temps. Une solidarité dans le drame s’esquisse, une extrême solitude se ressent aussi.

Ismaël Joffroy Chandoutis aurait pu se trouver dans le métro ce jour-là 22 mars 2016. Il doit son salut et sa vie à la fatigue : il demande en effet à la réalisatrice avec qui il avait rendez-vous de décaler leur entrevue à une heure plus tardive car il rentrait la veille d’un voyage en Roumanie. Il se souvient du réveil, des nombreux messages de proches inquiets en allumant son portable et des camions de la presse internationale, installés en bas de chez lui, qui ne faisaient que répéter en boucle les mêmes éléments par manque d’informations. Il se souvient qu’il faisait beau, ce jour-là. Petit à petit, il va s’interroger sur la place des images et refuser le spectacle médiatique qui s’organise sous ses yeux. Il cherche. « Ce qui motive l’idée de faire un film, c’est la rencontre », vous dit-il. Le geste documentaire l’anime, on créé du coup le mot-clé sur Format Court car les étiquettes sont faites pour être décollées !

Pour illustrer son film et la quête de souvenirs de Sabine dont le témoignage a participé à la concrétisation de ce projet, le réalisateur fait appel à la voix mais aussi aux images du métro tel qu’on le connaît à Bruxelles. Les détails sont précis : le dessin de la station affiché sur les murs de la station, le petit jingle de la STIB (la RATP belge), les portiques de métro. Maalbeek enregistre aussi les cris, les voix des journalistes annonçant le drame, les sirènes d’ambulances, la fumée, la panique, le visage flou, cicatrisé et pixellisé de Sabine, les archives d’Internet, les photos et vidéos de la rame et des survivants que nous, spectateurs, avons refoulés ou pas voulu voir. À l’écran, la souris d’ordinateur du réalisateur fait des zooms avant, arrière, scrute, cherche. Entre le trop plein d’images et son absence cruelle, où faut-il placer le curseur ?

Entre 2016 et 2020, plusieurs années se sont écoulées. Le projet a mis du temps à se faire, le sujet était lourd et compliqué à mettre en place. En quelques années, il a mûri cependant pour donner lieu à un projet-quête personnelle passionnant.

Ce qui fait la force de ce film, c’est bien évidemment sa thématique terrible, universelle, émotionnelle, mais pas seulement. La forme compte pour beaucoup. Documentaire, fiction, animation, expérimental ? Un peu de tout à la fois. Le court fonctionne en effet aussi pour sa dimension multi-sensorielle, ses flous pixellisés, ses images au ralenti, ses temps silencieux et son trop plein de bruits. Le son est alternativement étouffé, silencieux et musical avec comme finale une Lettre à Elise de Beethoven, jouée en reverse et composée par Sergio Baietta, adéquate à ce film beau, dur, résistant et nécessaire.

Katia Bayer

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Article associé : l’interview du réalisateur

Nouvelle projection Short Screens, le 8.10 à Bruxelles !

Pour cette nouvelle projection, l’équipe de Short Screens vous emmène dans un fabuleux tour du monde. Amazonie, Cercle Arctique, Afrique, Mongolie, Océanie : ce voyage en cinq courts métrages explore cinq continents différents qui abordent le réchauffement climatique, les réfugiés, les histoires d’amour, la lutte pour l’indépendance, à travers de fabuleuses rencontres humaines.

Projection prévue le jeudi 8 octobre à 19h30, au Cinéma Aventure, Galerie du Centre 57 (accès via rue des Fripiers 17), 1000 Bruxelles

Visitez la page Facebook de l’événement ici ! Billets disponibles là.

Programmation

Adrift de Frederik Jan Depickere, Belgique, 2012, documentaire, 9′. En présence du réalisateur

Un réfugié africain erre dans une petite localité située à 150 km au-delà du cercle arctique.

Bird Songs from Amazonia de Harry Bracho, Royaume-Uni / Venezuela, 2016, fiction, 25′ – En présence du réalisateur (sous réserve mesures Covid).

Une biologiste de Londres se rend en Amazonie pour étudier la flore locale. On lui conseille de ne pas s’approcher sans guide de l’Autana, une montagne considérée comme sacrée par les tribus locales. Elle fera exactement le contraire.

Il pleut sur Ouaga de Fabien Dao, France, 2017, fiction, 24’38’’

C’est la saison des amours, le pays se reconstruit après la révolution. Alpha s’apprête à rejoindre sa bien-aimée en France. Mais sa rencontre avec Leïla lui ouvre les yeux.

Wantoks : Dance of Resilience in Melanesia de Iara Lee, Îles Salomon / Etats-Unis / Bulgarie, 2019, documentaire, 20′

Dans le Pacifique Sud, au Festival des arts et de la culture mélanésiens, des artistes utilisent leurs talents pour célébrer la culture locale et attirer l’attention internationale sur le sort de leurs îles, confrontés aux luttes pour leur indépendance et à l’élévation du niveau de la mer qui menace d’avaler à la fois la terre et la tradition.

Water ! de Yi Zhong, Chine, 2017, fiction, 20′

Un jeune couple de citadins s’est installé dans les steppes de Mongolie. Un matin, leur puits est à sec et leurs 300 animaux attendent d’être abreuvés. La course à l’eau commence.

M comme Maalbeek

Fiche technique

Synopsis : Sabine est à la recherche d’une image manquante : un jour qui a laissé une marque indélébile et dont tout le monde se souvient, sauf elle. Mais n’est-ce pas cette absence qui lui permet d’aller de l’avant ?

Genre : Geste documentaire

Durée : 15′

Pays : France

Année : 2020

Réalisation : Ismaël Joffroy Chandoutis

Scénario : Ismaël Joffroy Chandoutis, Perrine Prost

Image : Ismaël Joffroy Chandoutis, Pierre De Wurstemberger

Son : Martin Delzescaux, Lucas Masson

Montage : Ismaël Joffroy Chandoutis, Maël Delorme

Production : Films Grand Huit, Films à Vif

Articles associés : la critique du film, l’interview du réalisateur

ACID Cannes : « Hors les murs »

Cette année, l’ACID (Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion) lance une programmation “Hors les murs”, un moyen de donner de la visibilité aux films qui n’ont pu être montrés au Festival de Cannes.

« Malgré les circonstances, nous avons choisi de conserver les critères habituels de la programmation ACID Cannes à savoir nous engager sur le soutien d’autant de films que d’habitude, neuf longs métrages, avec la même attention particulière accordée aux films sans distributeur et aux premiers longs » ont déclaré les 13 cinéastes, sélectionneurs de cette année 2020.

Au programme : 9 films (5 fictions et 4 documentaires) :

– Les Affluents (Coalesce) – Jessé Miceli
– Funambules (Tightrope Walkers) – Ilan Klipper
– Les Graines que l’on sème (The Seeds We Sow) – Nathan – Nicholovitch
– Il Mio Corpo – Michele Pennetta
– The Last Hillbilly – Diane Sara Bouzgarrou & Thomas Jenkoe
– Loin de vous j’ai grandi (Far From You I Grew) – Marie Dumora
– Si le vent tombe (Should the Wind Fall) – Nora Martirosyan
– La Última Primavera (Last Days of Spring) – Isabel Lamberti
– Walden – Bojena Horackova

Retrouvez le programme avec les horaires détaillée ici.

La tournée démarre dès aujourd’hui à Paris au Louxor, et ce jusqu’au 29 septembre,  puis se poursuivra dans d’autres villes de France telles que Lyon, Nantes, Marseille…

Venise 2020, notre compte-rendu

La 77e édition de la Mostra de Venise s’est achevée samedi dernier, consacrant Nomadland, de la réalisatrice américaine Chloe Zhao : un film sur les « van dwellers » (« habitants des caravanes ») aux antipodes du Joker de l’an dernier. Une inflexion vers le film social ? Un palmarès ancré dans la réalité sociale ?

Côté courts-métrages, en tout cas, les films primés de la sélection Orizzonti, présidée par Claire Denis, semblent confirmer cette analyse. Ainsi, le Prix du court-métrage du cinéma européen est revenu à The Shift, réalisé par la Portugaise Laura Carreira. Nous y suivons Anna, une jeune femme qui cherche désespérément les prix les plus bas au supermarché avant d’apprendre, par un simple coup de téléphone, qu’elle perd son emploi. Brutalement, ces produits bon marché deviennent trop chers. Un gros plan sur la bascule entre précarité et pauvreté qui fait écho à son court-métrage précédent, Red Hill (nommé aux BAFTA Scotland Awards en 2019), qui filmait cette fois le passage à la retraite d’un ancien mineur. Quant au Prix du Meilleur court-métrage, il a été attribué au très beau Entre tu y milagros, de la colombienne Mariana Saffon. Un conte sur les rapports mère-fille et l’entrée dans l’adolescence à travers le personnage de Mili.

Notons toutefois que, si The Shift repose essentiellement sur le jeu, tout en douleur intériorisée, de son actrice principale (et presque unique) Anna Russell-Martin, Entre tu y milagros nous embarque dans une Colombie où la nuit et le jour, la fête et la mort, la jungle et la ville se succèdent sans solution de continuité. Aussi faut-il saluer le travail de la lumière qui parvient à estomper les frontières entre clarté et obscurité avec une délicatesse qui nous emporte délicieusement.

Nos coups de cœur

D’autres films de la sélection auraient mérité quelque attention. Ainsi en est-il du seul film d’animation franco-italien nommé, Sogni al campo, de Magda Guidi et Mara Cerri : grâce à une subtile animation au crayon de couleur et acrylique, nous suivons les pérégrinations d’un chat à travers le regard de son jeune propriétaire, un petit garçon d’une dizaine d’années. Le film parvient à mêler une esthétique réaliste, quand il s’agit de l’enfant et des humains, à un style plus onirique quand il s’agit du le chat, sans perdre le spectateur ni plaquer côté à côte de façon artificielle ces deux univers. Le pelage roux du chat, notamment, devient caverne ou flamme au fil des quelques minutes que dure le court-métrage, transformant le monde qui nous entoure en un paysage de légende et de conte de fées. Les deux réalisatrices avaient déjà travaillé ensemble sur Via curiel 8, sélectionné au Festival international du Film d’animation de Stuttgart en 2012.

De son côté, le film indien Anita, de Sushma Khadepaun, qui interroge les modes de vie indien et américain, vaut surtout par sa très belle mise en scène, avec des intérieurs aux allures de toiles flamandes renaissantes (des couleurs sobres, des lignes droites et des miroirs qui nous font des clins d’œil malicieux) qui donnent à l’Inde contemporaine une réalité nouvelle. N’oublions pas non plus l’inquiétant Workshop, du néo-zélandais Judah Finnigan, où une étrange psychologue enseigne à des adolescents en survêtements marine à « se confronter à leurs parents toxiques ». Les plans rapprochés sur les visages des uns des autres, en très légère contre-plongée quand il s’agit de la psychologue, filment avec justesse le déploiement de l’emprise.

Il ne saurait enfin être question de courts-métrages cette année sans mention de The Return of the tragedy de Bertrand Mandico. Ce nouveau film, présenté hors compétition, nous surprend encore par son esthétique de programme télé des années 1990, ses allures faussement « new wave », ses flics tamponnés mauvais feuilleton et ses cris orgasmiques. Quant à l’histoire, l’immixtion de la police dans un rituel qui consiste à extraire du ventre d’une jeune femme d’interminables intestins qui accèdent progressivement au rang de sujets autonomes, elle semble surtout un prétexte à la succession de scènes toujours déjantées, qui relient entre eux des mondes a priori irréconciliables.

Si The Shift et Entre tu y milagros, les films primés par le jury, sont incontestablement maitrisés, peut-être le palmarès aurait-il pu aussi rendre davantage hommage à la diversité et à l’originalité des films sélectionnés.

Julia Wahl

Reprise des séances Short Screens, ce vendredi 28.8 à Bruxelles !

Pour célébrer le retour des séances de courts-métrages « Short Screens », les mystères du Cosmos seront mis en avant avec une série de films et de chants, poèmes et musiques interprétés en live par 3 artistes, Yan Vandenbroucke, Emi Aomatsu et Stéphanie Mouton, ce vendredi 28 août à 20h30, au Cinéma Aventure, Galerie du Centre, Rue des Fripiers 57, 1000 Bruxelles.

PAF : 15€

Programmation

LA LUNE A UN METRE de Georges Méliès, France, 1898, fiction, 3’10″

Un astronome voit apparaître un diablotin et une noble dame. Des corps célestes s’animent sur un tableau noir, ses meubles disparaissent, et alors qu’il souhaite regarder la Lune avec un immense télescope, celle-ci lui apparaît à un mètre devant lui. Accompagnement piano en live par Stéphanie Mouton.

MY ROOM AT THE CENTRE OF THE UNIVERSE de Guy Spiller, Afrique du Sud, 2016, docu-fiction, 10’

Poussé par le souvenir de sa grand-mère, Elvirdo (16 ans) part à la recherche de réponses. Du Grand Télescope Sud-Africain (SALT) aux peintures rupestres ancestrales, il ramène ses découvertes dans sa chambre, où il relie l’archéologie et l’astronomie à l’art, et à la compréhension de la vie, de son héritage africain et de l’univers.

LE PRINCIPE D’INCERTITUDE de Salma Cheddadi, France, 2018, fiction, 20’

L’hypersensibilité de Jara lui fait percevoir d’autres possibles et l’éloigne peu à peu de Thor. Pour tenter de freiner l’érosion de leur couple, ils consultent un docteur, un docteur en philosophie et astrophysique des particules, pour tenter de comprendre ensemble où sont ces univers parallèles et comment gérer cette ubiquité.

THE MUSIC OF THE SPHERES de Jon Bougher et Kohl Threlkeld, Etats-Unis, 2016, documentaire, 5’20”

Grâce à un processus qui convertit les données scientifiques en sons, Wanda Diaz-Merced, astrophysicienne aveugle de Porto Rico, étudie l’univers en écoutant les étoiles. Comme elle le dit, « Si nous ne voyons qu’avec nos yeux, notre perception est très étroite. »

SUNDAYS de Mischa Rozema, Pays-Bas, 2015, fiction, 14’50’’

Dans un monde post-apocalyptique, Ben a la mémoire d’une vie passée qui ne lui appartient pas. Quand il se souvient d’Isabelle, son seul amour, commence alors une descente existentielle dans la confusion et le besoin désespéré de découvrir la vérité.

BEAUTY IN NUMBERS: Pi / 3.14 de Rebecka Taule, Norvège, 2016, animation, 4’10”

Film d’animation explorant les mystères du nombre infini pi. Utilisant des concepts mathématiques comme source d’inspiration, le film emmène le spectateur dans un voyage où le nombre infâme apparaît dans la nature.

The Big Shave de Martin Scorsese

Avec plus d’une vingtaine de longs métrages, de multiples nominations et de nombreuses récompenses, Martin Scorsese s’est imposé comme l’un des plus grands réalisateurs du cinéma américain de notre époque. D’origine sicilienne, le réalisateur de 77 ans a profité du confinement et du temps soudainement retrouvé, pour se recentrer sur lui-même et réaliser un tout nouveau court métrage particulièrement personnel, commandé par la chaîne BBC, et diffusé dans l’émission Lockdown Culture with Mary Beard, et que l’on peut facilement retrouver en ligne.

L’occasion de revenir sur l’un des courts métrages les plus marquants et significatifs des débuts de sa carrière, The Big Shave. Réalisé en 1967, soit 9 ans seulement avant son long métrage Taxi Driver qui lui vaudra la Palme d’Or du meilleur film, ce court métrage de 6 minutes présageait déjà plusieurs thématiques chères au cinéma de Scorsese.

Le film s’ouvre sur la présentation d’une salle de bain propre, à la blancheur éclatante, sur fond sonore d’une musique de jazz entraînante. La caméra s’attarde longuement sur différents éléments de la salle de bain ; toilettes, robinets, évier, l’unique brosse à dents ou encore l’armoire à pharmacie, tout est scruté avec attention. Entre ensuite un homme brun (Peter Bernuth), la trentaine, au tee-shirt blanc et au physique sculpté et parfait.

L’homme sort son rasoir et commence ce qui semble être son rituel matinal. Ses gestes sont précis et nets, il se montre méticuleux et obtient un rasage irréprochable. Mais voilà qu’il réitère un second rasage, et se coupe une première fois sans y prêter attention, du sang coule doucement le long de son cou. C’est alors que chaque nouveau coup de rasoir porté à son visage provoque une nouvelle plaie et entraîne un flot de sang inépuisable. La scène se termine sur un dernier geste suicidaire, la main tranchant finalement la gorge alors que la musique s’arrête, le sang s’est depuis répandu dans l’évier, de son torse jusqu’à ses pieds… Un écran, rouge sang lui aussi, finira par lancer le générique de fin.

The Big Shave. Un court métrage d’une violence extrême due à l’abondance de sang ainsi qu’à l’automutilation douloureuse à regarder, mais aussi due aux nombreux contrastes qui font naître un profond sentiment de malaise et de mal-être. En effet, un des contrastes les plus insupportables est certainement celui qui se joue entre la scène sanglante et l’impassibilité du personnage. Pas un cri, pas une larme, pas une once de douleur, le personnage reste de marbre et continue de regarder fixement, imperturbable, son reflet. Autre contraste des plus perturbants : cette musique jazz rythmée et gaie, signée par Bunny Berigan en 1937, « I can’t get started » et l’ambiance sanglante et meurtrière de la scène.

Ce qui dénote aussi tout particulièrement dans The Big Shave, c’est l’impression de l’irréalité de la scène. Rien qu’en ce qui concerne la première partie du court métrage qui ne compte que la présentation de la salle de bain et l’homme se rasant normalement, tout est trop parfait pour être réaliste.

La représentation de la scène pourrait presque être assimilée à celle d’un spot publicitaire. L’homme est charmant, il incarne le type même de l’américain de classe moyenne et la caméra se focalise volontairement sur l’action de la lame ainsi que sur les produits utilisés en différents gros plans. L’aspect publicitaire est accentué par la perfection de la scène. Une perfection qui dérange : la blancheur immaculée de la salle de bain, l’absence d’objets personnels ou encore le physique grec de l’homme sont autant d’élément qui pèsent et paraissent être de mauvais augures.

Le court métrage créé un suspense haletant où l’on pressent aisément que tout est trop parfait, trop lisse, pour demeurer ainsi. Ce tableau, pur en tout point, ne peut qu’être taché et tourner à l’horreur.

En 1967, lorsqu’il réalise son court métrage, Scorsese n’a que 25 ans, et cela fait déjà plusieurs années que la guerre du Vietnam fait rage. Un contexte qui a marqué profondément la jeunesse américaine ainsi que celle du réalisateur, à tel point qu’il est possible de considérer The Big Shave comme une prudente métaphore de la guerre du Vietnam.

Initialement, Martin Scorsese avait prévu de nommer son court métrage VIET’ 67 et d’en faire la représentation d’une Amérique saignée à blanc par les massacres engendrés en Asie. Le film aurait notamment dû inclure à sa fin des images d’archives témoignant des violences perpétuées et de l’horreur ambiante de la guerre. Il ne gardera de ses idées que la discrète mention « Viet’ 67 » à la signature de fin du court métrage.

Si le réalisateur a choisi d’amoindrir la dimension politique de son court métrage, il est toujours possible d’y voir une représentation symbolique de l’époque. Le soudain retournement de situation d’un rasage précis à un bain de sang semble référer à la chronologie du conflit. Ce qui ne devait être qu’une intervention mineure pour les États-Unis s’est révélée être un désastre sanguinaire. De même, la mutilation du protagoniste peut notamment renvoyer à la politique autodestructrice et frénétique des États-Unis qui condamne aveuglément ses soldats. Sacrifice barbare d’une jeunesse…

Une thématique qu’il reprendra et approfondira bien des années plus tard dans Taxi Driver. Le protagoniste, Travis Bickle, est homme déboussolé et profondément traumatisé par les horreurs de la guerre du Vietnam, qui finira lui aussi par sombrer dans la violence et le sang.

Plus qu’une métaphore du Vietnam, The Big Shave se veut être la vision personnelle de Scorsese de la Mort elle-même. Sans nier la part politique, le réalisateur soulignera quelques années après, qu’il voulait surtout représenter le profond désespoir qu’il traversait à cette époque précise de sa vie.

Marguerite Stopin

Consulter la fiche technique du film

T comme The Big Shave

Fiche technique 

Synopsis : Un homme se rase méticuleusement, peu à peu il se coupe. Un bain de sang finit par se répandre dans cette salle de bain d’une blancheur éclatante.

Genre : Fiction

Durée : 5’’ 10

Pays : États-Unis

Année : 1967

Réalisation : Martin Scorsese

Scénario : Martin Scorsese

Musique : Bunny Berigan “I can’t get started”

Interprétation : Peter Bernuth

Article associé : la critique du film

Theodore Ushev : « L’art et le cinéma trouvent toujours une façon de sortir »

Récompensé en juin dernier du Cristal d’Annecy ainsi que du Prix FIPRESCI avec son court métrage Physique de la tristesse, Theodore Ushev revient sur son parcours, sa collaboration avec Xavier Dolan, son rapport au temps et sa vision du court-métrage.

Format Court : On vous retrouve huit ans après notre première interview pour le webzine où vous aviez parlé des Journaux de Lipsett ainsi que de la forme du court métrage que vous décriviez comme plus libre et moins contraignante financièrement que dans la réalisation qu’un long métrage. Est-ce que vous avez encore la même vision du court métrage aujourd’hui ?

Theodore Ushev : Oui, tout à fait. Mon avis sur le court métrage n’a pas changé du tout, au contraire quand je pense à tout ce qu’il se passe autour de nous avec le confinement et les fermetures des salles de cinéma, le court métrage reste la forme d’art cinématographique la plus appropriée à ce moment pour être vue et produite. Pour nous, la crise ça n’existe presque pas, le court métrage continue d’être produit, dans une façon artisanale bien sûr, mais ça continue, du coup la forme du court métrage reste la plus pertinente.

Vous allez continuer d’en faire ?

T.U. : Pendant la période du confinement, j’ai fait trois films de court-métrage expérimental. Bien sûr j’ai commencé d’autres courts métrages plus élaborés, narratifs et moins expérimentaux, donc non je n’ai jamais arrêté. Un confinement, ça ne peut pas m’arrêter c’est juste une autre façon de continuer. Et vous savez, avec tous les festivals en ligne, même si la touche humaine des festivals nous manque, dans un certain aspect, le court métrage a profité de cette crise.

En quoi justement ?

T.U. : Par exemple, en juin, le festival d’Annecy qui accueille beaucoup de monde a mis en place une version en ligne plus ouverte au grand public. Plus de gens n’ayant jamais entendu parler de ce festival ont pris des accréditations et sont allés voir certains courts métrages.

Je pense que cela a sûrement été plus profitable pour les courts métrages de ce festival en ligne que pour les longs métrages car plus de monde ont regardé les formats courts. C’est ainsi que je vois les choses.

Du coup pour rebondir sur Annecy, vous avez reçu le Cristal d’Annecy avec Physique de la tristesse. Vous aviez déjà participé au festival il y a longtemps. Votre carrière a démarré là-bas, c’est bien ça ?

T.U : Oui, je pense que ça a été l’un des premiers festivals ayant sélectionné mes films quand ils étaient encore vraiment moches, pas bons et très courts. Je faisais des films pour Internet à l’époque, ma première participation au festival date 2002, c’était mon premier voyage pour Annecy et depuis presque tous mes films ont été sélectionnés au festival, j’ai été chanceux. J’ai depuis gagné presque tous les prix qui existent au festival : Prix de la presse FIPRESCI, Prix du Jury, Prix étudiant, Mention spéciale, …. J’ai donc une collection de petits cristaux et celui qui me manquait, c’était juste le grand Cristal. J’étais heureux de le recevoir cette année, je suis vraiment ravi. Pour moi, gagner un Cristal d’Annecy, c’est la plus grande récompense qu’il existe dans le monde concernant les films d’animation, il n’existe rien de plus gratifiant. J’étais plus excité que pour la nomination des Oscars.

D’ailleurs, presque tous les films qui ont gagné le Cristal d’Annecy – et j’espère que ce sera le cas avec mon film – sont restés dans l’histoire du cinéma d’animation. Ces films ont été imprégnés de la renommé du festival et sont restés des incontournables à quelques exceptions près.

Pour revenir à Physique de la tristesse, comment en êtes-vous venu à découvrir le livre qui a inspiré le film, “Physique de la mélancolie” de Guéorgui Gospodinov ?

T.U : C’était tout à fait par hasard. J’ai acheté le livre pendant mes vacances en Bulgarie. Je l’ai finalement lu chez moi. Ca m’a pris juste une nuit pour le lire entièrement, j’étais fasciné parce que j’ai retrouvé mon histoire dedans. C’est un livre plein d’empathie et qui n’est pas vraiment autobiographique mais dans lequel certaines générations peuvent retrouver très facilement leur propre histoire. Cette écrivaine, Guéorgui Gospodinov, est par la suite devenue une amie.

Est-ce que parce que vous vous êtes reconnu dans ce livre qu’il vous a autant plu ? Est-ce pour ça que vous avez choisi de l’adapter ?

T.U : Oui peut-être, ça me touchait beaucoup, j’y ai vu mon histoire vraiment. J’ai contacté l’auteure et elle était d’accord que je m’en inspire et j’ai posé la condition que j’écrirais le scénario et que je changerais ce qui avait besoin d’être changé. Je travaille depuis longtemps avec un producteur très doué, Marc Bertrand de l’ONF, l’Office National du Film, qui m’a dit : « Vas-y, on va le faire ». Il a beaucoup aimé le projet. Ca fait presque 9 ans que j’ai commencé ce film, parce que la réalisation du court métrage a pris 8 ans à être dessiné. Ce fut un long parcours. Je n’ai jamais fait un film pendant aussi longtemps que celui-là.

Comment expliquez-vous le temps que ça a pris ? Est-ce que c’était lié à la difficulté de l’animation (l’encaustique) ou bien à des raisons personnelles ?

T.U : On peut dire les deux. Quand j’ai commencé, c’était très intéressant parce que les premiers pas étaient très faciles. J’ai écrit le scénario en un ou deux mois, pas plus, j’ai voulu me mettre à l’animation très vite et tout a très bien démarré. J’ai dit à mon producteur que je voulais faire le film à l’encaustique, c’était le concept initial et je lui ai dit que je connaissais parfaitement cette technique-là, ce qui n’était pas vrai (rires) ! J’avais déjà touché un petit peu à cette technique, mais je ne la connaissais pas vraiment. Le premier dessin était un désastre. Pendant les deux premiers mois je n’y arrivais pas, je ne trouvais pas le moyen d’animer les dessins, je me suis dit : “Maintenant vraiment, je suis dans la merde”.

Celui qui m’a aidé, c’est mon père qui était peintre, il m’a donné une recette artisanale pour produire la peinture avec laquelle dessiner parce qu’au début, j’avais essayé avec de la peinture commerciale. Tout d’un coup, j’ai compris comment la faire fonctionner, c’était très facile après avec cette recette. Vers la fin de la production du film, je faisais autour de 50 dessins par jour, ce qui est une quantité énorme. Mais je ne voulais pas finir le film, je me disais que je ne voulais pas arrêter, que je pourrais continuer et en faire un long métrage.

Votre père vous a aidé à réaliser le court métrage et votre fille aussi y a pris part dans une moindre mesure. Le film réunit du coup trois générations. Pourquoi intégrer justement les dessins de votre fille ?

T.U : C’était ça l’histoire, le concept, cette capsule du temps que je voulais créer, et ma fille participe dans cette histoire de façon très importante. Je lui ai demandé de me dessiner des portraits et des dinosaures. Elle aussi m’a aidé avec ces dessins. C’est bel et bien trois générations qui coexistent dans ce film.

Dans vos films, vous traitez beaucoup de la question du temps qui passe, du passé, du futur. Quelle vision avez-vous du temps ? Est-ce que vous le voyez plutôt de manière linéaire ou cyclique ?

T.U : Merci pour cette question (rires) ! La question du temps a commencé avec mon film précédent avec Guéorgui Gospodínov, Vaysha, l’aveugle, dans lequel une fille est capable de voir dans le passé et dans le futur.

La notion de temps pour moi est très intéressante. Pendant les temps de crises comme celle que nous vivons, il y a toujours une explosion de nostalgie. Les gens commencent à se tourner davantage vers le passé car leur présent n’existe plus et qu’ils ont peur de regarder vers le futur car il est trop abstrait. Tout le monde se tourne donc nostalgiquement vers son passé, va rechercher des photos, des souvenirs d’un autre temps.

Pour moi, le temps n’est pas du tout linéaire. Il existe comme un tableau devant nous, un tableau à 360° où la question est tout simplement de regarder dans la bonne direction et de trouver ce que l’on cherche. A mes yeux le plus important, c’est ce que nous sommes en train de vivre maintenant, ce n’est ni le futur ni le passé. On doit profiter de ce qu’on est en train de vivre en ce moment-même. Mais le passé nous apporte des leçons, il nous aide à prendre des décisions. C’est vraiment comme une capsule de temps dans lequel on a enterré tous nos objets, nos histoires, mais qu’on a enterré pour les générations futures. Il ne faut pas ouvrir trop souvent cette boîte. Moi j’ai créé cette boîte du temps dans mon film et j’espère qu’elle restera comme le témoignage d’une capsule de temps d’une mémoire particulière et pas de la Mémoire. Finalement, c’est mieux d’être dans le présent. Le temps ne peut pas être linéaire mais quelque chose en 4 ou 3 dimensions. Comme disait Einstein, le temps est relatif.

Justement dans Vaysha l’aveugle, on a l’impression que le passé est l’endroit rassurant et le futur est effrayant alors que pourtant les deux sont apocalyptiques et que le présent serait l’endroit où il faudrait être mais il se révèle finalement inaccessible.

T.U : C’est le manque de présent qui nous pose problème aujourd’hui. C’est le problème qui se pose pendant les moments de crise, en temps de guerre, sous les régimes totalitaires, pendant les crises politiques. Les gens sentent vraiment la difficulté de vivre dans le présent. C’est aussi ça que je voulais raconter avec mon film par le côté mélancolique et nostalgique ; la structure du passé nous aide à survivre, comme une structure architecturale très solide, dans laquelle on peut toujours se cacher. Mais le problème est que si on reste trop de temps dans cette structure-là, on va avoir de la difficulté à s’en sortir. Le passé est rassurant, trop rassurant.

Et du coup vous, vous faites des courts-métrages qui aborde cette notion du temps. Est-ce que ça a un effet cathartique, thérapeutique sur vous ? Cela vous aide-t-il de faire ces courts métrages ?

T.U : Physique de la tristesse est une recherche dans le temps, une recherche de moi-même, de mes racines, de mon passé, de mon futur. Dans ce cas-là, c’est vraiment thérapeutique et pas juste à cause de la mémoire ou de mes histoires que j’ai insérées dans le film, en plus de celles de l’auteure, ou encore de celles de mes amis que j’ai “volées”. Ce film, c’est tout un mélange que j’ai réalisé comme un moyen thérapeutique bien sûr.

Ce qui m’intéresse c’est de raconter des histoires personnelles, mais qui pourraient toucher tout le monde, je pense que c’est ça la nouvelle tendance multiculturelle aujourd’hui, des histoires particulières qui sont très attachées au vrai, presque au documentaire. C’est de ça dont on a eu besoin jusqu’à maintenant, mais ensuite qu’est-ce qui va se passer, dans quelle direction le cinéma va nous emmener, je ne sais pas.

On peut rapprocher assez facilement l’idée de fin du monde qu’aborde votre film avec la période de confinement qu’on a vécu, avec en quelque sorte la “fin” du cinéma, des festivals. Comment avez vous vécu cette période par rapport à la sortie de votre film ?

T.U : Quand le confinement a commencé, j’ai cru que c’était la fin de mon film. En voyant l’annulation de tous les festivals, j’étais désespéré et je ne croyais pas du tout en la version online des festivals, je pensais que c’était moche, plat, que personne ne regarderait les films. Mais petit à petit, on s’est rendu compte qu’on pouvait pas arrêter la vie ; l’art et le cinéma trouvent toujours une façon de sortir.

Xavier Dolan prête à sa voix dans Physique de la tristesse, et ce n’est pas la première fois que vous collaborez avec lui, puisqu’il avait déjà participé à votre court métrage Les Journaux de Lipsett. Comment décririez-vous votre relation avec lui ?

T.U : Je respecte beaucoup ce qu’il fait et je pense que c’est réciproque et que l’on s’influence mutuellement. Je vais vous confier un secret, ce n’est pas le dernier film qu’on va faire ensemble. Et ce n’est pas nécessairement lui qui va participer à l’un de mes films, ça pourrait être le contraire.

C’est un homme d’une grande intelligence, qui comprend dans l’immédiat mes intentions, je ne dois même pas lui parler, je lui montre un cadre et il comprend tout de suite ce que je veux faire. C’est rare, une telle connexion, d’ailleurs pendant un certain temps je me suis dit que c’était trop facile de travailler avec lui, qu’il me comprenait trop bien. Le plus grand compliment que j’ai eu sur ce film-là, c’est lorsque je l’ai invité à une projection spéciale qu’on a faite une fois le film fini à la Cinémathèque québécoise et qu’il m’a dit : « Moi je suis jaloux, je ne peux pas faire un tel film ». Recevoir un tel compliment d’un des cinéastes les plus intéressants de notre temps, c’est quand même quelque chose. A ce moment-là, je me suis dit que j’avais peut-être réussi mon film.

Xavier Dolan traite beaucoup de la thématique mère/fils dans ses films et vous aussi, dans Les Journaux de Lipsett par exemple, est-ce une raison pour laquelle vous vous êtes rapprochés ?

T.U : C’est une très bonne observation. Vous savez, il était très jeune quand il a fait “J’ai tué ma mère”, c’était une première observation du conflit fils/mère. Une des premières raisons pour lesquelles je l’ai choisi, c’est que Xavier Dolan est quelqu’un qui a réussi avec son premier film, lorsqu’il avait 19 ans, qui était l’âge de Lipsett quand il a réalisé son plus bon film Very nice very nice. Je lui ai dit qu’il allait avoir beaucoup de problèmes, car son premier film allait peut-être être le meilleur et il m’a dit qu’il connaissait le risque. Très souvent quand un premier film est très bon, ça amène un blocage dans la réception du public, imaginez-vous, vous avez 19 ans, et après qu’est-ce que vous faites ?

Dans votre filmographie, il y a énormément de rouge. Qu’est-ce que cette couleur représente pour vous ?

T.U : C’est vrai ? Je n’ai jamais remarqué (rires) ! Mais oui, j’aime le rouge, c’est vrai. C’est plutôt un choix intuitif. J’ai vécu dans un pays des derniers communistes dans lequel le rouge était omniprésent, comme une couleur de propagande. Le rouge symbolise dans ma tête la fermeture, le manque de liberté, le totalitarisme, l’agressivité d’Etat.

Je n’ai jamais réalisé qu’il y avait autant de rouge dans mes films, mais maintenant que j’y réfléchis, oui vous avez raison, dans chaque film que je fais il y a beaucoup de rouge. J’imagine que ça représente que je veux me battre contre le rouge qui symbolise l’agressivité. Je dis ça parce que maintenant je travaille sur la pré-production de mon premier long-métrage qui sera en prise de vues réelles. Dans le décor, il va y avoir beaucoup de rouge, je m’en suis déjà fait la réflexion !

Vos films mettent souvent en scène la machine, les rouages, l’industrie. Cela représente-t-il le futur pour vous ?

T.U : Ou le passé. Ça représente plutôt la dominance de l’industrie envers les humains. On pense souvent qu’on contrôle l’industrie, les machines et la technologie mais en fait, c’est plus souvent la technologie qui nous contrôle. Je pense souvent que ça nous échappe et qu’on recrée par hasard un Frankenstein et que petit à petit, cette chose va nous tuer. C’est comme le fils qui veut tuer son père, c’est assez étrange comme comparaison…

Vous vous inspirez très souvent de biographies, de mythologie grecque, vous venez de citer Frankenstein. Est-ce qu’il y a des auteurs qui vous ont particulièrement marqué ?

T.U : Lacan. C’est pour moi mon point de départ, dans Lipsett. Je me souviens que beaucoup de mes films sont inspirés de livres sociopolitiques. Gloria Victoria, j’en ai eu l’idée, après avoir lu La Fin de l’histoire et le dernier homme de Francis Fukuyama. J’aime lire les livres qui ne sont pas de la fiction. Récemment, j’ai lu beaucoup Boris Cyrulnik, j’adore ses théories de résilience. Mais Lacan est toujours présent, je fais le lien avec la théorie du miroir.

Votre projet de long métrage est en prise de vues réelles. Que pouvez-vous nous en dire ?

T.U : J’ai déjà fait un court-métrage en prise de vues réelles, c’est ce qui m’a donné envie de continuer. C’était intéressant de changer la perspective. J’aime le défi, les aventures. Cela va être un vrai défi de tourner le film dans ces conditions. J’espère que ça va bien marcher. On a tous les moyens pour faire un film intéressant, je pense. Mais je ne vais pas abandonner le film d’animation. Le prochain sera peut-être fait en France. Je veux faire un film sur le livre d’une écrivaine russe, un classique du XXème siècle…

Je travaille toujours sur 3-4 projets en même temps car si jamais un projet s’arrête, la machine bouge, continue toujours. Et chaque projet influe sur les autres, c’est pour ça qu’il y a beaucoup de liens entre mes films. Parfois, j’oublie même dans quel film je travaille (rires) !

Propos recueillis par Marguerite Stopin et Manon Guillon

Les courts de Venise 2020

Le festival de Venise (2-12 septembre 2020) a annoncé sa sélection ce mardi. Côté courts, 14 films ont été retenus : 12 sont en compétition et 2 en hors-compétition.

En compétition

A fleur de peau de Meriem Mesraoua (Algérie/France, 14 min, Fiction, 2020)

Anita de Sushma Khadepaun (Inde, 17 min, Fiction, 2020)

BMM – Being My Mom de Jasmine Trinca (Italie, 11 min, Fiction, 2020)

Das Spiel de Roman Hodel (Switzerland, 17 min, Documentaire, 2020)

Entre tú y Milagros de Mariana Saffon (Colombie, 20 min, Fiction, 2020)

Mây nhưng không mưa (Live in Cloud Cuckoo Land) de Vu Minh Nghia, Pham Hoang Minh Thy (Vietnam, 19 min, Fiction, 2020)

Miegamasis rajonas (Places) de Vytautas Katkus (Lituanie, 11 min, Fiction, 2020)

Nattåget de Jerry Carlsson (Suède, 14 min, Fiction, 2020)

Sogni al campo de Magda Guidi, Mara Cerri (Italie/France, 8 min, Animation, 2020)

The Shift de Laura Carreira (Portugal/Royaume-Uni, 8 min, Fiction, 2020)

Was wahrscheinlich passiert wäre, wäre ich nicht zuhause geblieben. de Willy Hans (Allemagne, 20 min, Fiction, 2020)

Workshop de Judah Finnigan (Nouvelle-Zélande, 16 min, Fiction, 2020)

Hors compétition

Sì de Luca Ferri (Italie, 19 min, Documentaire, 2020)

The return of tragedy de Bertrand Mandico (France, 24 min, Fiction, 2020)

Festival de Locarno 2020, les films en compétition

43 courts issus de 34 pays ont été retenus au prochain Festival de Locarno, sur 2200 films soumis : 31 sont en compétition internationale et 12 en compétition suisse. Pendant la durée du festival (5-15 août), les films internationaux seront disponibles dans le monde entier, gratuitement, sur une plateforme VOD dédiée. En revanche, la plupart des films suisses ne seront visibles en ligne qu’en Suisse. Les billets gratuits devront être réservés sur le site internet du festival, 24 heures avant la projection en ligne, et seront disponibles à partir de la fin du mois de juillet. Les films seront également projetés en salles à Locarno et Muralto ultérieurement.

Compétition internationale

1978, de Hamza Bangash – Pakistan – 2020
An Act of Affection, de Viet Vu – Portugal/Vietnam – 2020
Aninsri daeng (Red Aninsri; Or, Tiptoeing on the Still Trembling Berlin Wall), de Ratchapoom Boonbunchachoke – Thaïlande – 2020
Bethlehem 2001, de Ibrahim Handal – Palestine – 2020
Digital Funeral: Beta Version, de Sorayos Prapapan – Thaïlande – 2020
Ekti ekgheye film (A Boring Film), de Mahde Hasan – Bangladesh – 2020
Fish Bowl, di Ngabo Emmanuel –Rwanda – 2020
Giòng sông không nhìn thấy (The Unseen River), de Phạm Ngọc Lân – Vietnam/Laos – 2020
Gramercy, de Pat Heywood e Jamil McGinnis – Etats-Unis – 2019
Here, Here, de Joanne Cesario – Philippines – 2019
History of Civilization, de Zhannat Alshanova – Kazakhstan – 2020
I ran from it and was still in it, de Darol Olu Kae – Etats-Unis – 2020
Icemeltland Park, de Liliana Colombo – Italy/Royaume-Uni – 2020
Kako sam pobedio lepak i bronzu (How I Beat Glue and Bronze), de Vladimir Vulević – Allemagne/Serbie – 2020
Life on the Horn, de Mo Harawe – Somalie/Autriche/Allemagne – 2020
Memby, de Rafael Castanheira Parrode – Brésil – 2020
Nour (Noor), de Rim Nakhli – Tunisie – 2020
O Black Hole!, de Renee Zhan – Royaume-Uni – 2020
Pacífico Oscuro, de Camila Beltrán – France/Colombie – 2020
Parcelles S7 (Land Lot S7), de Abtin Sarabi – Sénégal/Iran/France – 2020
Play Schengen, de Gunhild Enger – Norvège – 2020
Retour à Toyama (Return to Toyama), de Atsushi Hirai – France – 2020
Spotted Yellow (Zarde khaldar), de Baran Sarmad – Iran – 2020
Statul Paralel (The Parallel State), de Octav Chelaru – Roumanie 2019
Szünet (Break), di Levente Kölcsey – Hongrie – 2020
Ta cong an chu lai (Cloud of the Unknown), de Gao Yuan – Chine – 2020
The Chicken, de Neo Sora – Etats-Unis – 2020
The End of Suffering (A Proposal), de Jacqueline Lentzou – Grèce – 2020
Thiên đường gọi tên (A Trip to Heaven), de Linh Duong – Vietnam/Singapour – 2020
Thoughts on the Purpose of Friendship, de Charlie Hillhouse – Australie – 2020
Where to Land, de Sawandi Groskind – Finlande – 2020

Compétition suisse

Bugs, de David Shongo – Democratic Republic of the Congo/Suisse – 2019
Ecorce (Peel), de Samuel Patthey and Silvain Monney – Suisse – 2020
Espiritos e Rochas: um Mito Açoriano (Spirits and Rocks: an Azorean Myth), de Aylin Gökmen – Suisse/Portugal/Belgique/Hongrie – 2020
Grigio. Terra bruciata (Burnt. Land of Fire), de Ben Donateo – Suisse/Italie – 2020
Lachsmänner (Salmon Men), de Veronica L. Montaño, Manuela Leuenberger and Joel Hofmann – Suisse – 2020
Megamall, de Aline Schoch – Switzerland – 2020
Menschen am Samstag (People on Saturday), de Jonas Ulrich – Suisse – 2020
Nha Mila, de Denise Fernandes – Portugal/Suisse – 2020
Push This Button If You Begin To Panic, de Gabriel Böhmer – Royaume-Uni/Suisse – 2020
The De Facto Martyr Suite, de Justine de Gasquet – Suisse – 2020
Trou Noir (Black Hole), de Tristan Aymon – Suisse – 2020
Um Tordo Batendo As Asas Contra o Vento (A Thrush Flapping Its Wings Against the Wind), de Alexandre Haldemann – Suisse – 2020

Festival d’Annecy : nos coups de cœur parmi les films de fin d’études

L’édition 2020 du Festival d’Animation d’Annecy, qui s’est déroulée entièrement en ligne du 15 au 30 juin, peut se targuer d’avoir été un véritable succès. Avec plus de 15.500 spectateurs, le festival a su attirer un très large public et ainsi réussir son pari en ligne.

« The Fox and the Pigeon »

Une version virtuelle qui a notamment profité au format du court métrage et qui a aussi permis de mettre en avant le talent des jeunes réalisateurs encore étudiants. Aujourd’hui, Format Court a le plaisir de vous partager ses coups de cœur et de vous faire un compte rendu entièrement dédié aux films de fin d’études.

Pour commencer en beauté cette sélection, nous avons été marqués par le court métrage japonais de Isaku Kaneko, The Ballon Catcher. Un personnage au corps humain ayant une hache à la place de la tête mène une triste vie emplie de solitude dans une ville peuplée d’hommes à tête de ballons.

Alors que le personnage ne demande qu’à être intégré voire aimé, les hommes ballons sont tous effrayés par la menace que représente sa tête tranchante pour leur vie. Isolé et victime de préjugés, il se retrouve malgré lui impliqué un jour dans une sombre histoire d’agression et se retrouve injustement accusé. Va alors s’ensuivre une course poursuite entre des hommes ballons et notre héros au visage de hache pour sauver sa vie mais surtout pour s’affranchir d’un monde qui le rejette.

Cette courte narration dessinée à la main et animée par ordinateur dépeint une histoire sublime visuellement d’une profonde tendresse ainsi que d’une simplicité désarmante. Autour de son personnage qui en appelle à notre empathie et à notre compassion, le réalisateur dénonce avec puissance mais aussi avec bienveillance les opinions infondées encore trop nombreuses qui concernent les minorités et offre une célébration de la différence.

The Balloon Catcher nous transporte dans un monde fantastique dont les imperfections et les injustices sont le reflet de celles de notre actuelle société, mais il nous fait aussi aspirer à un monde meilleur en montrant que la bonté réside souvent derrière la menace de l’inconnu.

Dans une atmosphère plus poétique, le fascinant court métrage Portret Kobiecy (en français « Portrait d’une Femme ») de Natalia Durszewicz est résolument sorti du lot.

S’inspirant de la poète Wisława Szymborska, Prix Nobel de littérature en 1996, la jeune réalisatrice polonaise, qui est sélectionnée pour la deuxième fois au Festival d’Annecy, propose une illustration animée de cinq minutes d’un de ses poèmes. Le court métrage dépeint en une riche et intense déclinaison de rouge, le portrait d’une femme par le prisme de ses émotions et des épreuves qu’elle traverse tout au long de sa vie.

Les concepts de mouvement et de corps sont omniprésents et littéralement au cœur du court métrage. En effet, sur fond de musique délicate, le corps de la femme s’anime avec grâce, il danse avec volupté et l’on insiste sur ses différentes parties ; son visage fermé, son corps nu recouvert par la végétation ou encore ses yeux qui s’emplissent de larmes… C’est dans un tourbillon fantastique et sensuel que le court métrage rend hommage à la Femme en représentant par les différentes étapes de sa vie à la fois ses désirs, ses peurs et ses angoisses.

Véritable quête d’identité, de réappropriation du corps mais aussi de liberté, Portret Kobiecy représente avec puissance et poésie le parcours d’une femme vers son émancipation.

Pour continuer, l’adorable court métrage The Fox and the Pigeon de Michelle Chua, récompensé du Prix YouTube, remis pour la toute première fois au Festival d’Annecy a lui aussi attiré notre attention.

Un narrateur raconte, tout en rimant, les aventures invraisemblables d’un Renard et d’un Pigeon rivalisant l’un contre l’autre pour la possession d’une glace. Les pages se tournent, les mots se décomposent et les lettres s’envolent au fur et à mesure que le conte est narré. Mais voilà que les deux animaux finissent par se rebeller contre ce narrateur autoritaire, qui prend un malin plaisir à leur faire endurer les plus terribles souffrances. Les deux compères contestent le pouvoir du narrateur, sortent du livre et finissent par prendre en main leur propre histoire pour vivre librement leur amitié.

Ce court métrage nous offre là une fable digne de celles de Jean de La Fontaine à la fois contemporaine, presque parodique avec le choix de présenter un pigeon, mais surtout transgressive pour deux principales raisons. La première est que dans les fables de La Fontaine, le renard est généralement associé à un animal rusé et menaçant, capable des pires trahisons. Pourtant dans ce court, le renard refuse de s’en prendre au pigeon si bien que le réel « méchant » de l’histoire se révèle finalement être le narrateur lui-même. The Fox and the Pigeon est ensuite transgressif puisqu’il prend le parti de briser les codes du genre. En effet, si les fables de La Fontaine sont encore aujourd’hui apprises par cœur au mot près, la réalisatrice prend un tout autre tournant en allant à l’encontre du narrateur jusqu’à complètement l’effacer de sa fiction et ainsi minimiser l’importance du récit écrit.

Ce film court est alors un conte amusant aux couleurs éclatantes et au twist final joyeusement surprenant qui nous refait voyager avec plaisir dans les enchantements de l’enfance.

Un autre court métrage qui nous a particulièrement frappé est celui de la réalisatrice française Héloïse Ferlay, étudiante à l’ENSAD : À la mer poussière.

Ce film en stop motion, composé de personnages en laine met en scène les moments difficiles que traversent une famille sous un soleil d’été écrasant. Un frère et une sœur, Malo et Zoé, tentent tous les deux d’attirer en vain, l’attention de leur mère. Les pleurnichements de l’un tout comme les provocations et les méchancetés de l’autre résonnent comme des appels désespérés adressés à leur mère qui les ignore et les laisse à l’abandon. Cette mère apparaît comme insensible mais finit par se révéler être une femme épuisée, brisée par le départ de son mari et surtout incapable d’endosser son rôle maternel.

Le court métrage explore avec brio la complexité des relations familiales lorsque les liens se détériorent et interroge les rôles que chaque membre d’une famille se doit de jouer ; la mère qui se doit d’être dévouée à ses enfants, l’aînée censée être responsable ou encore le benjamin qui devrait devenir autonome.

Ce film narratif parvient à démonter progressivement ces cases sociales en montrant que ses personnages avant de faire partie d’une famille sont avant des individus avec leurs propres émotions et moments de faiblesse.

En se terminant sur une fin touchante qui amène ses personnages sur le chemin de la réconciliation, À la mer poussière parvient à nous émouvoir par sa triste tendresse et par la représentation d’une tragédie familiale aussi douce que brutale.

Pour finir, notre tout dernier coup de cœur de la compétition des films étudiants s’est porté sur le sublime court métrage russe Airship of Unknown Direction d’Alexandra Galitskova.

L’histoire est courte et simple. Un personnage ayant pour tête un nuage pluvieux incarne la Pluie elle-même et souhaite apprendre à voler. En l’espace de cinq minutes, cet homme fait de pluie s’élance avec obstination et vaillance vers son objectif sans jamais tomber dans le désespoir.

Comme dans une tempête agitée, des créatures fantastiques, des pages manuscrites tachées d’encre ou encore des paysages urbains peuplés d’immenses ballons dirigeables se mêlent aux multiples tentatives du personnage pour prendre son envol. La musique accompagne avec force ce court métrage dessiné à partir d’une encre aux couleurs terreuses qui finalement fonctionne comme un récit initiatique où les pages se tournent et où le personnage principal évolue jusqu’à apprendre à apprivoiser aussi bien son corps que son monde.

Plus qu’une simple narration, Airship of Unknown Direction est un véritable ravissement pour les yeux qui propose avant tout un voyage poétique nous transportant dans un imaginaire intemporel et irréel.

Marguerite Stopin

Nouvelles dates du Festival Format Court : 18-22 novembre 2020 !

Petit rappel. Le 13 mars passé, à la veille du confinement, nous avions annoncé avoir choisi de décaler les dates de notre 2ème jeune Festival Format Court prévu à l’origine du 22 au 26 avril 2020 au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). 3 jours plus tard, nous avons publié la liste des 25 courts-métrages retenus en compétition (la première) et devant être évalués par 2 jurys, pro et presse.

Nous avons imaginé plusieurs pistes et avons finalement retenu les dates du mercredi 18 au dimanche 22 novembre prochain pour que le festival tel que nous l’imaginions en avril ait lieu en salle, aux Ursulines – en espérant que les choses aillent mieux à cette période (on croise les doigts).

Pour info, la sélection des 25 films reste inchangée. Elle sera montrée en salle, nous l’espérons, au même titre que les programmes parallèles déjà prévus. Nous ne manquerons pas de vous tenir informés de tout changement si il devait y en avoir. En attendant, vous pourrez retrouver dans les prochaines semaines sur nos réseaux des sujets courts et filmés liés à l’édition à venir.

Portez-vous (toujours) bien.

L’équipe de Format Court.

Festival Côté Court : Nos Coups de Coeur !

Cette année, le Festival Côté Court s’est déroulé en ligne du 17 au 27 juin. Il présentait cinq programmes dont trois compétitions. Voici nos 6 coups de coeur, les films retenus étant issus de différentes sections. 3 films font partie de la compétition “Fiction”, 3 autres font partie des programmes parallèles.

Sole mio de Maxime Roy, en compétition officielle à Côté Court ouvre le bal. Il vient de remporter le Prix de la jeunesse et est aussi sélectionné à notre Festival Format Court décalé en novembre prochain.

Sur la musique éponyme O Sole Mio du chanteur d’opéra Luciano Pavarotti, le court métrage nous entraîne dans une relation père-fils où l’amour a toutes ses chances face à la différence. Le père est sur le point de se faire opérer pour changer de sexe et devenir une femme. Le problème, c’est que la mère, avec laquelle il est séparé depuis quatre ans, n’est absolument pas au courant de cette initiative. Par lâcheté, peut-être, le père n’ose pas le lui dire. Un jour, elle le découvrira, sans qu’il n’ait à le lui dire, chose subtilement amenée en fin de narration, les mots seraient de trop, les gestes et les regards, simplement, nous disent tout. Le film nous entraîne dans une relation intrafamiliale en période de conflit, ou plutôt de désaccord, où le fils se retrouve bloqué entre la volonté de dire la vérité à sa mère et celle de ne pas trahir son père, il est la passerelle entre les deux. La transformation du père vient ajouter un contraste à son métier de chauffagiste qu’il exerçait avec son fils. On oscille toujours entre deux mondes ici, d’une part celui de la mère mise à l’écart, dans l’incompréhension en opposition avec celui du père, vivant sa nouvelle vie. Et d’autre part un monde féminin dans lequel le père s’affirme, notamment avec sa perruque, sa robe ou encore son maquillage, en opposition à son monde d’avant, celui dans lequel il avait une femme et un métier plutôt masculin. L’histoire ici porte en premier lieu sur la tolérance et l’amour, qui subsiste aux changements, peu importe le sexe, l’important étant d’abord de s’aimer soi.


Pour continuer à parler d’amour et de sexualité, revenons sur Miss Chazelles, de Thomas Vernay, en compétition officielle, un court-métrage portant sur une thématique bien connue au cinéma : l’amour impossible.

Mais cette fois-ci, nous ne le découvrons qu’à la fin, et le réalisateur nous tient en haleine tout au long du film ne nous donnant que quelques indices par-ci par-là. Dans une petite commune de la France, à Chazelles en Charente, c’est le jour de l’élection de la Miss du village, illustration parfaite des rêves de gloire, à la Little Miss Sunshine. Deux univers s’affrontent, entre un monde de fantaisie avec les paillettes, les belles robes des deux Miss en compétition, Marie et Clara et leur bandes d’amis respectives, clopes au bec, scooters jetés au sol et langage vulgaire. Le récit se déroule sur fond de douceur avec les routes de Provence dans la nuit et une musique galactique faisant résonner toute la douceur d’une histoire d’amour que dissimule toute cette mascarade. Nous nous retrouvons très souvent face à Clara, plongés dans son regard, nous dévoilant toutes ses émotions et la solitude qu’elle ressent en compagnie de ses amis.

Les deux bandes de potes, ennemis jurés s’affrontent plusieurs fois, créant ainsi une barrière invisible entre les deux jeunes filles. Réussiront-elles à se retrouver malgré les tabous qui les en empêchent ? Ce qui est plus sûr, c’est que les deux Miss, nous offrent un tableau très réussi d’un Disney 2.0, contemporain, avec deux jolies princesses et nul besoin de prince.


Et pour finir côté compétition, un récit plus noir avec Massacre de Maïté Sonnet. Deux jeunes soeurs doivent déménager de leur île favorite, la vie y est devenue trop chère pour leurs parents à cause du tourisme.

Très vite un contraste s’installe entre l’univers girly des filles (maquillage, vidéos tutos beauté et paillettes) et les nombreux symboles, (oiseaux morts, plages désertes) plus sombres glissés tout au long du film, accompagnés d’une musique angoissante. Nous sommes au plus proche de la grande soeur, son visage est très souvent face à la caméra, ce qui nous laisse découvrir ses émotions à travers ses regards incisifs. Ces gros plans sont alternés avec des plans fixes de la nature, de la plage, du paysage, comme pour symboliser le calme avant la tempête. Les touristes débarquant sur l’île sont dévisagés par les soeurs mais aussi par le spectateur, nous sommes partis prenante de l’embuscade en les visualisant de haut en bas, suivant les mouvements de caméra. Ils sont la cause de notre malheur, du départ des jeunes filles et elles vont le leur faire payer. Avec une froideur assez effrayante d’ailleurs. Un mélange de tristesse et de haine poussera les héroïnes à agir, deux émotions parfois si proches, c’est un acte de désespoir.


Pour revenir à un thème plus joyeux, découvrons une animation, de la section Panorama, mettant en avant de nouvelles créations contemporaines. Montagne, de Louise Cailliez, est un court de 18 minutes, il met en scène trois adolescents partis camper à la montagne.

À première vue, c’est un beau séjour qui se profile, mais très vite, l’ambiance se gâte, le temps s’agite, il pleut et les garçons ne semblent pas s’apprécier tant que ça.

L’histoire porte sur des amitiés, celles de deux copains qui se jalousent la place du meilleur ami avec le troisième. Le garçon tant convoité est placé sur un piédestal, au centre de toutes les attentions, et il en joue. L’un réclame une amitié exclusive tandis que l’autre, un peu d’attention, mais au final, ils ont tous les deux la même peur, celle de l’abandon. C’est dans une explosion de couleurs, un langage parfois vulgaire, et la mélodie de la pluie que Louise Cailliez entraîne le spectateur dans un périple moins fun que prévu. La narration du film ainsi que les dialogues des personnages nous plongent doucement dans une atmosphère sombre, toujours en contraste avec les dessins très colorés, à la manière d’un coloriage dont est fait le court-métrage.


Parlons maintenant poésie, avec Ailleurs, de Théo Gottlieb, de la programmation “Carte blanche de Dominique Frot”. La comédienne, a composé une sélection de 5 courts-métrages, elle a choisi des films reflétant la vie et sa lenteur, des films qui se cherchent, comme chaque être humain se cherche sans savoir où il va réellement.

Ailleurs a ce quelque chose de lent, de réfléchi et aussi d’inachevé, ce qui n’enlève rien à la beauté de ce film. Il s’impose comme un souffle doux et amer, la lumière est apaisante et un jeu d’ombres vient s’additionner à la mélodie du piano qui résonne tout au long du court.

L’histoire porte sur deux soeurs et leur mère, elles vivent loin de l’effervescence de la ville, pour leur mère c’est l’occasion de développer leurs dons. Charly a un don, elle sait mettre en lévitation des objets, mais Romy, elle, tarde à découvrir le sien. Et peut-être aurait-elle préféré ne pas en avoir finalement.

Tout en voix off, raconté par Romy, à la voix douce et cassée, elle nous fait découvrir à travers ses mots, une ôde à la mère, décrite tel un guide, c’est celle qui nous pousse à trouver notre voix. Il est fort probable de devoir se séparer de la mère pour prendre son envol, et ce film nous le raconte, de manière très poétique.


Notre 6ème coup de coeur, tout en restant dans un univers très sensible, porte sur 1998-2018, de Sigrid Bouaziz est un court métrage tiré du journal intime de la réalisatrice et actrice. À l’époque, elle n’a que 13 ans et s’adresse à sa meilleure amie, Sarah, qui ne lui répond pas, ce qui nous laisse penser que c’est une amitié à sens unique ou du moins qui l’est devenu.

La caméra nous promène dans une propriété du sud, en province, sûrement dans la maison de la jeune fille, pendant qu’elle lit ses lettres, en voix off. La nature a une place importante ici, le chant des cigales accompagne ses paroles.

Dans ses lettres, Sigrid se remémore les moments passés avec Sarah, alternant description du quotidien, allant de l’olivier visible à l’écran et récit de ses émotions. Dans un langage courant, criant de sincérité, la réalisatrice nous dévoile ses blessures, sans artifice. Le monologue résonne comme un poème à la fois doux et nostalgique. Dans cette narration autobiographique on retrouve des photographies datant de son enfance venant se coller à des gros plans sur des arbres ou des fleurs. Le zoom et le zoom arrière sont utilisés sur ces captations de la flore, ce qui lui donne un aspect sauvage et parfois même, inquiétant. C’est d’ailleurs ce que retranscrivent les mots de la jeune fille, à travers ses lettres, on ressent énormément d’amour pour son amie mais aussi beaucoup d’inquiétude quant au silence de celle-ci. Ce qu’on voit à l’image nous apparaît toujours comme les restes d’une vie passée, sans personnage, seulement les pièces de la maison, les objets qui traînent, comme si les personnes avaient disparu, laissant un vide immense. Le spectateur prend alors toute la place qu’il veut, s’identifie ou bien se laisse bercer par les mots et les paysage qui défilent.

Pendant 25 minutes Sigrid Bouaziz nous convie dans son intimité, le film démarre sur le portail de la maison s’ouvrant pour nous, et se termine sur une fenêtre grande ouverte, nous laissant découvrir le jardin au-dehors, nous incitant à continuer de rêver.

Manon Guillon

Cinéfondation, la sélection 2020

Après vous avoir présenté la sélection officielle des courts de Cannes 2020, voici celle de la Cinéfondation, la section dédiée aux écoles de cinéma du monde entier.

Cette année, pour sa 23e édition, le comité de sélection dirigé par Dimitra Karya a choisi 17 films (13 fictions et 4 animations), réalisés par onze hommes et huit femmes, et sélectionnés parmi les 1952 œuvres qui ont été présentées par l’ensemble des écoles de cinéma. Les pays représentés sont Israël, le Royaume-Uni, l’Argentine, la Hongrie, la Roumanie, l’Inde, la Suisse, les États-Unis, la Corée du Sud, la France, la Pologne, le Portugal, l’Allemagne ainsi que la Slovénie, dont un film est sélectionné pour la première fois.

Films sélectionnés

Shaylee ATARY – NEURIM – The Steve Tisch School of Film & Television, Tel Aviv University – 30’ – Israël

Toby AUBERG – PILE – Royal College of Art – 4’ – Royaume-Uni

Santiago BARZI – MURALLA CHINA – Universidad del Cine – 17′ – Argentine

Márk BELEZNAI – AGAPÉ – Budapest Metropolitan University – 16′ – Hongrie

Lucia CHICOS – CONTRAINDICATII – UNATC « I. L. CARAGIALE » – 19′ – Roumanie

Tzor EDERY & Tom PREZMAN – TAMOU – Bezalel Academy of Arts and Design – 10′ – Israël

Ashmita GUHA NEOGI – CATDOG – Film and Television Institute of India – 21′ – Inde

Sarah IMSAND – LE CHANT DE L’OISEAU – HEAD Genève – 19′ – Suisse

Matjaž JAMNIK – NIHČE NI REKEL, DA TE MORAM IMETI RAD –
UL AGRFT – 18′ – Slovénie

KEFF – TAIPEI SUICIDE STORY – NYU Tisch School of the Arts – 45′ – États-Unis

KIM Min-Ju – SEONGINSIK – Soongsil University – 22′ – Corée du Sud

Timothée MAUBREY – CARCASSE – La Fémis – 33′ – France

Yelyzaveta PYSMAK – JA I MOJA GRUBA DUPA – The Polish National Film School in Lodz – 10′ – Pologne

Afonso & Bernardo RAPAZOTE – CORTE – Escola Superior de Teatro e Cinema – 28′ – Portugal

Elsa ROSENGREN – I WANT TO RETURN RETURN RETURN – DFFB – 32′ – Allemagne

Mitchelle TAMARIZ – EN AVANT – La Poudrière – 4′ – France

ZHANG Linhan – DOU ZEOI GU SI – NYU Tisch School of the Arts – 14′ – États-Unis

P comme Physique de la tristesse

Fiche technique

Synopsis : Ce film retrace la vie d’un inconnu naviguant à travers ses souvenirs de jeunesse en Bulgarie, lesquels le ramènent à la mélancolie et au déracinement croissants qui plombent son existence d’adulte au Canada.

Genre : Animation

Durée : 27’

Pays : Canada

Année : 2019

Réalisation : Theodore Ushev

Animation : Theodore Ushev

Scénario : Theodore Ushev

Musique : Shitty City et Yesterday’s fire de Moonface ; Hungarian Quick March de Franz Liszt ; The Safety Dance de Men Without Hats ; Fuga de Kottarashky ; The Hebrides op. 26, Figals caves de Felix Mendelssohn ; Symphony No. 8 in B minor, D 759 de Franz Schubert ; Tous les garçons et les filles de Françoise Hardy

Son : Olivier Calvert

Montage : Serge Verreault

Interprétation : Xavier Dolan

Production : ONF

Article associé : la critique du film

Physique de la tristesse de Theodore Ushev

Theodore Ushev, réalisateur et dessinateur québécois d’origine bulgare, est depuis plusieurs années un habitué incontesté du Festival d’animation d’Annecy où il a été récompensé à de multiples reprises. Pour cette édition en ligne 2020, le cinéaste a été élu grand gagnant du festival en remportant à la fois le prix FRIPESCI et pour la première fois de sa carrière le Cristal du court métrage avec son dernier film Physique de la tristesse.

Véritable œuvre d’art, Physique de la tristesse est le tout premier court métrage d’animation réalisé entièrement à l’encaustique. Ancienne technique de peinture à la cire fondue principalement utilisée durant l’Égypte ancienne, l’encaustique a la fâcheuse particularité d’être particulièrement difficile à manier dû à la rapidité de son séchage. De quoi représenter un défi colossal pour le réalisateur, qui a commencé à penser ce projet en 2011 et pour qui il aura fallu sept longues années de travail, de peinture et de photographies pour en achever la production.

Une fiction que Theodore Ushev s’est réappropriée et a rattachée à sa propre histoire pour offrir finalement un film très personnel. Comme son personnage, le réalisateur est lui aussi d’origine bulgare et a migré pour Montréal, à ces similarités s’ajoute sa propre relation avec son père. Le réalisateur découvre et apprend grâce à son père l’encaustique et ils commencent à travailler ensemble sur ce film. Le décès de ce dernier avant la fin du court métrage rend le processus particulièrement difficile pour le cinéaste.

Ce court métrage de 27 minutes, inspiré du roman bulgare Physique de la mélancolie de Guéorgui Gospodinov, retrace les souvenirs et les évènements de la vie d’un homme inconnu empreint de tristesse et de mélancolie. Narré par Xavier Dolan, le film raconte l’histoire d’un individu mais aussi l’Histoire de l’Humanité, toutes les deux accompagnées par leurs mythes et leur obscurité.
Né en 1968, le narrateur voit sa jeunesse marquée par quelques émois amoureux, mais essentiellement par les instabilités politiques, notamment par la guerre froide. On découvre ainsi par un récit fragmenté, son enfance affligée par la perte de l’être aimé, sa jeunesse à l’armée, puis finalement son départ pour le Canada et sa vie d’adulte vide de sens.

Dans Physique de la tristesse, le narrateur se retrouve tiraillé tout au long de sa vie entre sa propre individualité et cette mémoire universelle qui s’impose à lui tel un gouffre. Perdu dans son propre labyrinthe de souvenirs, il est défini uniquement par le passé et est incapable de concevoir sa propre identité. Le court métrage représente la crise identitaire déchirante et la profonde détresse du personnage et raconte ainsi la destinée d’un homme qui ne peut être sauvé de lui-même. En ce sens, il est intéressant de noter comment la technique de l’animation rend compte à merveille du trouble qui imprègne la vie du narrateur, puisque l’encaustique, ne pouvant mettre l’accent sur les détails, a l’avantage de mettre en exergue le flou et l’indistinct.

Ensuite, le court métrage montre comment le temps s’écoule inexorablement et qu’avec lui rien ne dure. Les objets d’une vie se perdent, les personnes qui ont un jour compté dans notre existence s’éloignent et il ne reste plus que quelques minces souvenirs auxquels se rattacher. La thèse ainsi défendue et illustrée avec un sombre réalisme par ce court métrage est que le temps implique nécessairement l’abandon de notre passé, de notre jeunesse et finalement d’une part de notre identité. Lorsque le narrateur migre pour le Canada, il expérimente cette séparation avec une partie de lui-même.

Déraciné de sa propre existence, le narrateur ressent une profonde lassitude à vivre si bien que la mélancolie finit par l’envahir pleinement. Theodore Ushev peint là le tableau déchirant d’un homme habité par la solitude et la tristesse qui ne trouvera jamais du réconfort auprès des autres, que ce soit dans le mariage ou dans la paternité.

Physique de la tristesse est un court métrage qui réussit à explorer avec sagesse et surtout avec une incroyable sensibilité des concepts complexes comme l’Identité, le Temps ou encore l’Existence. Sondant le désespoir et l’accablement qu’un homme peut éprouver au cours de sa vie, Théodore Ushev offre ici un court métrage bouleversant qui nous immerge dans la fin d’un individu et sa propre fin du monde.

Marguerite Stopin

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