Synopsis : Gabriel va mal, le monde va mal, tout va mal. Heureusement, des fois, les âmes en peine s’aimantent. Ainsi Margot embarque dans la nuit de Gabriel.
Présenté en séance spéciale à la Semaine de la Critique, Pleure pas Gabriel confronte deux voisins esseulés et déprimés : Gabriel (Dimitri Doré) et sa voisine Margot (Tiphaine Raffier). Mathilde Chavanne, la réalisatrice, avait signé un premier court Simone est partie, sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs en 2021.
L’impératif domine dans ce bas monde : pleure pas, lâche pas, maîtrise-toi. Gabriel, lui, ne va pourtant pas bien. Prof d’art plastique, il craque suite à un incident doublé d’une insulte d’un ado nommé Merlin. Son oeil en prend un coup, son moral aussi. Le soir, il avale quelques médocs et appelle les secours. En finir ? Non, pas vraiment. Plutôt mettre de côté sa solitude et attirer l’attention. « Pourquoi je suis tout seul, si seul ? », se met-il à chanter, avant d’être embarqué par les pompiers. Sa voisine du dessous, Margot, le croise à ce moment et l’accompagne, sur un coup de tête, aux urgences. Malgré les étages qui les séparent, ces deux-là se reconnaissent et se comprennent, le temps d’une nuit.
Simone est partie, le film précédent de Mathilde Chavanne abordait déjà la question de la solitude, sous l’angle de la vieillesse : des comédiens s’échangeaient des répliques des grands-parents de la réalisatrice, ils travaillaient leurs voix et leurs corps pour paraître bien plus vieux qu’ils n’étaient. Dans son nouveau film, elle aborde avec justesse, mélodie et humour le thème de la dépression et de la grande solitude avec ses deux comédiens : Tiphaine Raffier, également réalisatrice, auteur et metteur en scène, qu’on avait découvert avec son court La Chanson (Quinzaine des Réalisateurs 2018) et Dimitri Doré (foudroyant dans Bruno Reidal de Vincent Le Port).
On aime bien ce film pour plusieurs raisons. La déambulation dans un Paris nocturne, vide, l’intervention discrète et jolie de Blandine, la grand-mère de Margot (jouée par Martine Chevallier), la douceur et la tendresse du film, son mélange de chansons et de textes, la perception très fine de la solitude et de l’écart avec les autres. « Le monde brûle-t-il ? » apparaît à un moment sur une bannière d’écran télévisé. Peut-être que le monde va mal, mais heureusement, il reste encore quelques espoirs pour le raccommoder.
Pour la deuxième fois consécutive TikTok s’invite au Festival de Cannes. La plate-forme d’origine chinoise, qui s’est imposée dans le monde entier ces dernières années, ne cache plus son ambition d’atteindre les sphères artistiques. Le concours TikTok Short Film en est l’incarnation ; en partenariat avec le festival cannois, la plateforme met en place un concours en ligne qui récompensera les meilleurs films courts réalisés par les participants.
Le principe est simple, il suffit aux utilisateurs de poster un petit film racontant une histoire, de thème libre, en respectant cependant un format particulier : vidéo vertical, format court de plus d’une minute. Les participants doivent rendre leur contenu public et inscrire le hashtag #TikTokShortFilm dans la description en plus de remplir un formulaire en ligne. Ainsi, depuis janvier des dizaines de vidéos ont fleuri sur la plateforme, relevant de différents genres : horreur, thriller, romance, humour..
Trois prix seront décernés : le prix du « Grand Gagnant », suivi d’un chèque de 10.000 € et les prix secondaires du « Meilleur script » et de la « Meilleur réalisation » accompagnés tous deux d’un chèque de 5.000 €. Les lauréats seront ensuite invités à Cannes pour la cérémonie du TikTok Short Film ce mardi 23 mai. Les jurés devront choisir les gagnants parmi les participants représentant 44 pays dans le monde.
Cette initiative s’inscrit dans une politique de diversification et d’ouverture aux arts que la plate-forme, devenue ultra populaire, affiche depuis 2022 lors de la première édition du Short Film Festival et du lancement de la « TikTok Académie des créateurs » en partenariat avec l’école nationale supérieure Louis Lumière. La plateforme se caractérise justement par sa popularité aux deux sens du terme, son utilisation massive (1.7 milliards d’utilisateurs actifs dans le monde) en fait un média extrêmement puissant, mais qui reste de l’ordre du divertissement fait de manière « artisanale ».
Le rapprochement de TikTok avec le festival de Cannes se fait en même temps que l’annonce des cinéma MK2 de vouloir diffuser certains contenus présents sur YouTube. Il semble que la hache de guerre entre le cinema et les anciens modes de diffusion (salles de cinéma et télévisions) et les nouvelles plateformes (principalement les réseau sociaux et Youtube) soit enterrée et que l’heure soit à la réconciliation et à l’entre aide. Les différents supports ont visiblement choisi la collaboration dans le but d’apporter à l’autre ce qui lui manque: pour certain du crédit et de la reconnaissance et pour d’autre de la visibilité et une vague de fraîcheur.
Au-delà de la querelle des médias le « TikTok Short Film » représente une nouvelle démocratisation de l’art et de l’accès à la création. La plateforme a vraisemblablement l’intention de jouer sur son format court au rythme rapide et aux effets inventifs pour mettre en avant la plus-value d’une création artistique faite à partir de ses moyens. Comme Vine et Youtube avant elle, l’application entend montrer que la création filmique est accessible à tous. Longtemps portée par des initiatives individuelles et cantonnée à la récréation, la création sur TikTok se structure et tente de s’institutionnaliser, comme le démontre la création de sa propre académie et de son festival. Autant de démarches qui font miroiter une possible professionalisation des utilisateurs passionnés et inscrivent TikTok comme possible passerelle vers le 7eme art.
Synopsis : Entre toxicomanie, premières découvertes de la sexualité et état de guerre permanent, la cinéaste cherche sa jeunesse perdue en errant dans les rues de Jérusalem.
Via Dolorosa, c’est le chemin douloureux du Christ qui porte sa croix, mais aussi celui d’une jeune femme qui raconte son adolescence à Jérusalem : une route de souvenirs teintée de gris et de noir. Dans son court-métrage présenté à la 62ème Semaine de la Critique, la réalisatrice israélienne Rachel Gutgarts semble rendre hommage au passé tout en demandant un pardon particulier.
La confusion naît derrière des chuchotements et une image tremblante de lèvres agitées, qui demandent pardon de manière impérative. Au début du film, la distinction entre le passé et le présent est fine. Des personnages grisâtres veulent savoir ce que fait la réalisatrice : un « documentaire » sur sa jeunesse dans la ville.
Tout se mélange, et quand quelqu’un rappelle la mémoire d’un endroit, le spectateur plonge dans la vie de la nuit de Jérusalem il y a quelques années. La mémoire nous enveloppe et on se laisse emporter par la poésie incorrecte de la narratrice, comme lorsqu’elle urine dans les rues de Jérusalem et que nos yeux arrivent jusque sous sa jupe, où sa chatte se transforme progressivement en médaillon représentant la Vierge Marie et son fils.
La réalisatrice, spécialisée en sérigraphie animée, possède une identité graphique forte qui s’imprime dans la tête du spectateur. Cette image, sombre et tremblotante, donne autant l’impression d’archives de vieux films que de la frénésie de la fête. Sur fond de hard metal, motifs hallucinatoires et personnages au mouvement robotique, les drogues et le sexe sont abordés de manière subtile. On voit partiellement l’adolescente, qu’on suit dans la ville grâce à ses mains aux ongles vernis de noir et à la bouche remplie de bagues. L’ado agit, l’adulte parle, malgré l’importance de faire silence soulignée au début du film, ou plutôt celle de « se taire ».
L’animation prend alors l’allure d’un songe, parlant de lui-même sur cette jeunesse perdue et aux griffes de la violence. Rachel Gutgarts semble rendre une sorte d’hommage torturé à sa ville de jeunesse. On plonge dans les mémoires de boîtes de nuit, transports en commun ou encore monuments qui font la gloire de la ville, comme le mur des lamentations, auprès duquel on peut aussi bien pisser qu’arracher les mots coincés dans la pierre.
Rachel Gutgarts n’inscrit pas seulement son action dans la ville, mais dans un contexte politico-religieux violent où les crimes quotidiens sont de plus en plus banalisés. Derrière les prières de rabbins se cachent les discussions entre des jeunes, bastons ou viols marqués d’abord par la surprise, puis le rire de certains. Le silence fait écho aux paroles de la narratrice. Sa recherche du temps perdu pourrait mal se digérer, mais donne la justesse d’un recueil de souvenirs personnels et douloureux. On découvre, à l’image du film, une jeunesse dont la couleur est absente, marquée par la fête et le conflit, ou plus justement l’insouciance et la violence.
Car Via Dolorosa serait à Jérusalem le chemin de la Passion du Christ, on peut imaginer que Rachel Gutgarts prendrait aussi un chemin désolé (celui des souvenirs) pour rendre hommage à sa ville. Le chemin ici est profondément humain, insistant autant sur le pardon que sur la faute (l’erreur de jeunesse), voire le blasphème – une double face donnant toute la profondeur à ce court-métrage .
Synopsis : Fanny est une jeune infirmière dans un grand hôpital public. Chaque nuit, elle sombre dans le même cauchemar obsessionnel où elle assiste à sa propre métamorphose en arbre. Son quotidien rodé et solitaire vacille à mesure que le rêve empiète sur la réalité.
Genre : Fiction
Durée : 40′
Année : 2023
Pays : Grèce, France
Réalisation : Manolis Mavris
Scénario : Manolis Mavris
Image : Manu Tilinski
Son : Panagiotis Papagiannopoulos, Stelios Koupetoris
Instant suspendu de la réalité, où s’exercent librement nos fantasmes et les méandres de notre imagination, le sommeil constitue cette porte, ce passage vers un au-delà proche et irréel. Ce voyage est si fragile qu’il s’arrête au moindre clignement de cils. Fanny, l’infirmière protagoniste de Midnight Skin, fait toutes les nuits, le même rêve étrange. Transportée dans une forêt trouble, elle se transforme petit à petit en arbre. L’obsession tourne au cauchemar, le cauchemar en réalité ; à son réveil, ce n’est pas le drap chaud qu’elle retrouve, mais de la terre, des branches et des racines. À ses pieds, dans sa bouche, poussant sur son dos. Présenté à la Semaine de la Critique 2023 en séance spéciale, Midnight Skin est un court-métrage de 40 minutes réalisé par le Grec Manolis Mavris.
Oscillant entre le drame, l’horreur et le fantastique, le réalisateur condense un fait surnaturel (une femme se transformant en arbre) dans une oeuvre organique, anxiogène et poétique. Les violons stridents dans les plans couverts de feuillages nous font douter du caractère inoffensif de ce sommeil dans lequel Fanny se plonge d’abord avec tant de facilité. Hypnotisante, la forêt pénètre en nous par son tronc devenu ventre respirant et par l’angoisse provoquée par la vue de Fanny, désorientée, en pyjama, errant dans les bois. La solitude est un thème se révélant particulièrement frappant dans ce court-métrage ; Fanny est seule, déambulant dans les couloirs de l’hôpital public où elle travaille ou encore dans sa cuisine froide où elle se cloître le soir.
Le tragique provient ainsi de l’impossibilité de se confier, d’être soutenue dans cette inexorable métamorphose qui la contamine de jour en jour. Midnight Skin est un magnifique hommage au genre même du fantastique, dans sa subtile sobriété ; le surgissement de l’extraordinaire dans la banalité d’un quotidien. La tension ne réside pas de la recherche d’une cause rationnelle, mais se creuse progressivement quant à l’incertitude du moment de ce surgissement ; étant infirmière, Fanny est au contact direct et vital avec les patients, alors même qu’elle porte la mort en elle. Et puis le cauchemar commence à contaminer la réalité, dans le lit, dans le corps, face à la table d’opération.
Cette perte d’identité avait déjà été développée dans le court-métrage de Manolis Mavris, Brutalia, Days of Labour, présenté à la Semaine de la Critique 2021. Si l’utilisation de split-screens et d’une voix off contraste avec le silence de Midnight Skin, Brutalia met en scène des jeunes filles travaillant sans relâche telles des abeilles dans une ruche où les liens entre l’organique et le psychique façonnent les thèmes obsessionnels plus tard retrouvés dans Midnight Skin.
Le rythme lent de la narration aggrave ce passage vers cette idée obsédante qui prend racine dans le dos de Fanny, à chaque fois qu’elle s’endort. Le film joue néanmoins sur des enjeux troubles, basculant subtilement dans un récit empreint de poésie dans ces plans de nuit où Fanny erre seule dans les rues festives de la ville ; l’absence de dialogue et la relation étrange entre le corps de Fanny et les éléments organiques environnants nous embarque dans un voyage onirique d’une grande justesse. De la toile menaçante du Cauchemar de Füssli à la Métamorphose de Daphné en laurier narrée par Ovide et sculptée par Bernini, Manolis Mavris rend hommage aux mythes littéraires et picturaux de l’Histoire par un court-métrage fantastique, dans tous les sens du terme.
Bien que le festival cannois soit usuellement associé aux paillettes et aux divas de la Croisette, l’évènement qui rassemble chaque année des milliers de festivaliers n’en demeure pas moins un bastion du cinéma français et international. Malgré un élitisme de plus en plus décrié, en s’éloignant un peu du vacarme éblouissant qui entoure le tapis rouge, nous découvrons des sélections qui se soucient de diversité des genres, des identités et des formats cinématographiques.
Le court-métrage est notamment mis à l’honneur dans plusieurs sélections : la Semaine de la Critique, la Quinzaine des cinéastes, la Selection officielle et la Cinef consacrée aux films d’écoles. Ces deux dernières catégories seront évaluées par un jury, présidé par la réalisatrice hongroise Ildikó Enyedi, qui récompensera les projets les plus aboutis ou les plus prometteurs. Car le festival est, au-delà de la consécration professionnelle qu’il représente pour la plupart, aussi un gage de promesse. En effet, beaucoup de réalisateurs.ices repérés par leurs courts reviendront à Cannes avec leurs longs.
Format Court s’intéressera, comme d’habitude, à ces premiers pas en vous délivrant ses coups de coeur parmi les courts-métrages et certains premiers longs présentés dans les différentes sélections.
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Après les films de la Quinzaine des Cinéastes annoncés hier, voici les courts retenus à la Semaine de la Critique, en compétition et en séance spéciale.
En compétition :
Arkhé, d’Armando Navarro (Mexique)
Boléro, de Nans Laborde-Jourdàa (France)
Contadores, d’Irati Gorostidi Agirretxe (Espagne)
Corpos Cintilantes, d’Inês Teixeira (Portugal)
I promise you Paradise, de Morad Mostafa (Égypte, France, Qatar)
Krokodyl, de Dawid Bodzak (Pologne)
Prava istina priče o šori (The Real Truth about the Fight), d’Andrea Slaviček (Croatie, Espagne)
La saison pourpre, de Clémence Bouchereau (France)
Via Dolorosa, de Rachel Gutgarts (France)
Walking With Her into the Night, de Hui Shu (Chine)
Séance spéciale :
Midnight Skin, de Manolis Mavris (Grèce, France)
Pleure pas Gabriel, de Mathilde Chavanne (France)
Stranger, de Jehnny Beth & Iris Chassaigne (France)
Jeune réalisateur britannique d’origine canadienne, Anthony Ing est l’auteur d’un film étonnant repéré cette année à Berlin. Jill, Uncredited est un film de montage centré sur une figurante, Jill Goldston, ayant tourné dans un nombre invraisemblable de films, pubs et séries TV. Le film qui lui rend hommage a été diffusé dans le focus que nous avons consacré à la Berlinale lors de notre Festival Format Court d’avril. Anthony Ing était présent pour l’occasion. Rencontre.
Format Court : Comment l’idée de Jill, Uncredited t’est-elle venue ?
Anthony Ing : J’ai commencé à travailler comme producteur sur le film d’un ami. A l’origine, je suis intéressée par la musique, l’utilisation de matériaux déjà existants, les samples. Et ça fonctionnait bien avec le film que je commençais à produire. J’ai appris à monter. J’ai étudié la philosophie à l’Université mais à cette époque j’essayais de voir ce que je pouvais créer avec des samples, de la musique ou des sons. C’est très proche du montage. Ça m’a aidé à penser les choses dans le bon sens. J’ai appris en autodidacte.
On sent dans ton film un intérêt pour le montage, bien sûr, mais aussi pour les vieux films, comme dans ton film précédent, Day After Day. Pourquoi as-tu voulu y collecter tous les souvenirs de l’actrice Doris Day ?
A. I. : Au début, pour être honnête, je ne savais pas vraiment ce qui m’a amené là. Je n’avais vu aucun des films de Doris Day, sa carrière est intéressante parce qu’elle a travaillé constamment et ça s’est arrêté soudainement. Elle n’a pas beaucoup changé physiquement. Elle a fait des films d’un genre très spécifique, des films qu’on ne voit plus, assez conservateurs et américains. J’ai pensé que ce serait intéressant de voir quelqu’un aller de films en films. Quand j’ai vu la réaction au matériel et les thèmes qui revenaient encore et encore, ça a orienté le montage du film.
Ton travail m’a fait penser au film Staging death de Jan Soldat qui mêle archives et cinéma.
A. I. : Oui, j’ai vu ce film. Je suis toujours inquiet d’être trop influencé par des choses similaires, il faut essayer de cultiver quelque chose d’unique. Mais j’adore ce genre de films et je les regarde toujours.
Comment as-tu découvert Jill Goldston ? pourquoi as-tu voulu raconter quelque chose à son sujet ?
A.I. : Parfois, tu t’immerges dans ta recherche, dans ta création et tu espères qu’un jour ça te dise quelque chose. Il ne faut pas placer la forme avant le message mais parfois la forme est utile pour trouver le fond. J’avais cette idée de faire quelque chose avec un figurant il y a sept ans. J’ai abandonné cette idée, c’était une impasse, la tâche était immense.
Des années plus tard, je procrastinais en ligne. Je cherchais des vieux films et quelqu’un avait rempli sur IMDb les noms de personnes non créditées aux génériques de ces films. Il y a un forum en ligne, BritMovie, où des fans aiment identifier les figurants au second plan. Certains ont de l’intérêt pour l’industrie de l’époque. Des gens qui ont fait des petits rôlessont crédités. Jill Goldston était mentionnée sur ce site, il y avait quelques fans qui parlaient d’elle comme quelqu’un de très prolifique. J’ai discuté avec quelqu’un qui m’a donné son numéro. Je ne sais pas comment il l’avait. Je crois que les fans sont des gens obsessionnels, ils font des listes d’informations sur les acteurs. J’ai rencontré Jill et elle m’a donné une liste de tous les jobs qu’elle avait fait, il y avait presque 2000 lignes, de la TV, des pubs aussi. J’avais une liste avec des films identifiables à côté de beaucoup de choses plus obscures. J’ai cherché le matériel puis essayé d’identifier Jill dedans.
Comment as-tu pu accéder à ses films ? Comment as-tu enquêté et trouvé les images où elle apparaissait ?
A. I. : J’ai développé une méthode. Je ne regardais pas les films en etier, je passais rapidement et je regardais les scènes avec de la foule. Et dans ces scènes, j’avançais image après image. Ce qui est pratique avec Jill, c’est qu’elle a un visage reconnaissable. J’ai commencé à pouvoir la trouver même si elle était juste floue. Parfois, je devais vérifier avec elle, je lui envoyais une image et je lui demandais si c’était bien elle. Elle a fait tellement de petits rôles qu’elle a oublié ceux dans lesquels elle apparaît, pour la grande part, elle a été coupée au montage. Souvent, je regardais les films sans rien trouver.
Est-ce devenu une obsession ?
A. I. : Oh oui, c’est devenu une obsession ! C’était impossible de tout voir. Je ne savais pas exactement à quoi le film allait ressembler, je l’interviewais aussi. J’ai continué, c’est devenu une obsession de construire avec le plus de matériel possible. Je n’avais pas commencé à faire le film et pourtant, d’une certaine manière, je l’ai initié en collectant des images. Je ne savais pas si ça allait fonctionner ou pas mais je continuais en espérant qu’une fois avec suffisamment de matériel, je pourrais créer quelque chose.
Pourquoi était-ce important d’entendre le son du montage ?
A. I. : Ce que je voulais transmettre, surtout au début du film, c’est l’aspect tactile du processus de montage : couper les images, les ralentir, leur donner un autre sens. Au fur et à mesure du film, on devient plus familier avec elle, en connaissance, plutôt qu’avec l’idée simple d’une figurante qui apparaît au premier plan. On la connait, on découvre son histoire, et le film traite moins du processus. Tu penses d’abord au système du montage et, au fur et à mesure, à la personne.
Qu’as-tu appris à propos des figurants en faisant ce film ? Pour toi, ce sont des gens qu’on ne voit pas au début, mais que situés dans l’arrière-plan, ils permettent à ceux du premier plan d’exister.
A.I. : Ils sont tout à fait essentiels. Sans eux, le film n’existe pas. Une chose que j’ai apprise, c’est qu’ils sont bons pour la plus petite performance possible. Cette performance, on peut la considérer comme un premier rôle. Ce petit moment peut contenir beaucoup d’art. Quand j’ai discuté avec Jill de ses figurations, ce qui m’intéressait c’est qu’elle restait immergée. Quand elle jouait des scènes de fête, tout le monde célébrait cela et le moment était d’une authentique joie. Et c’est l’opposé lorsque c’est une tragédie. Jill a fait des scènes comme ça mais il y a quelques petites figurations qu’elle a refusé, pas à cause des conditions de tournage, mais surtout pour l’émotion de refaire une scène difficile. Les acteurs parlent de ça, c’est la même chose pour les figurants.
Jill a abandonné le cinéma maintenant. Pour une fois, elle est au centre d’un film. Tu as collecté les souvenirs de sa carrière. Quelle a été sa réaction devant ton travail ?
A. I. : Elle a vu le film à Londres, au London Film Festival. Elle a dit que c’était comme si elle voyait sa vie défiler devant ses yeux. Personne ne peut avoir l’expérience qu’elle a eu en voyant le film, elle connaît le contexte de chacune des scènes, les gens qu’elle a côtoyé, sont sur les images, ce sont ses amis. Elle a commencé vers les 17 ans et elle a arrêté à presque 70 ans. C’est toute une vie. Pendant la première du film, il y a une scène où elle est dans un cinéma. Je me suis tourné vers elle qui était dans un cinéma et qui se regardait être dans un cinéma. C’était surréaliste (rires) !
Quel est ton intérêt pour la création dans le court-métrage ?
A.I. : J’aime l’aspect du contenu dans le court. Certains sujets sont possibles en étant des courts parce que c’est le bon format. Quand j’ai commencé ce film, je ne savais pas quelle durée il pouvait avoir. Je l’ai pitché comme un moyen-métrage. Je ne savais pas encore ce que je faisais. Il y a des courts qui pourraient être des longs et des longs qui pourraient être des courts.
J’ai fait un peu de montage pour des reportages TV, j’ai aussi travaillé sur les archives de Charlie Chaplin. En ce moment, je travaille sur un projet qui est plus proche de l’exposition. D’une certaine manière, il y a des similitudes avec Jill, Uncredited. C’est une adaptation d’un roman anglais, oublié, des années 60. Je cherche à voir comment le sujet du roman peut s’appliquer de nos jours. Cette sensibilité se retrouve déjà dans Jill, Uncredited. Je sens que je ne vais pas arrêter les films d’archives mais je n’ai pas d’idée immédiate, pas de suite logique après Jill, Uncredited.
Pourquoi as-tu créé ta société Loop ? Pourquoi as-tu senti le besoin de produire tes films par toi-même, et de les distribuer ?
A. I. : Nous ne sommes pas vraiment faits pour l’aspect industriel du cinéma mais, à la base, on voulait mettre en place notre propre structure. On a commencé vers 2015, on a travaillé ensemble sur un film avant, on ne savait pas vraiment ce qu’on faisait mais c’était notre première collaboration. Nous avons apprécié travailler ensemble et on voulait avoir un espace pour créer les idées de chacun. On avait eu des expériences précédentes où il était difficile d’être créatif avec les autres entreprises. On a compris qu’il serait intéressant de fonder notre société. On échange les rôles, on fait beaucoup de choses nous-mêmes et on se débrouille, on trouve des moyens. ça crée un environnement de travail très sympa et surtout créatif.
Plusieurs de tes films, comme compositeur, réalisateur ou producteur, sont en ligne. Pourquoi ?
A. I. : Oui, c’est la vie des films. Les gens regardent les films qu’on fait. Après la carrière des films en festival, le plus important c’est surtout l’accessibilité pour tout le monde.
Synopsis : Un détective privé bruxellois est missionné sur la filature d’un homme soupçonné d’infidélité par sa femme. Mais lorsque la cliente s’immerge de manière inattendue dans l’enquête, le détective sort de sa zone de confort.
Genre : Fiction
Durée : 22′
Pays : Belgique
Année : 2021
Réalisation : Thomas Deknop
Scénario : Davey Snoek, Thomas Deknop
Image : Jonathan Wannyn
Son : Jeroen De Meyer
Montage : Jérôme Bartholomeüs
Musique : Annemie Hendrickx
Interprétation : David Mutamba, Sofie Decleir, Jobst Scnibbe, Priscilla Adade
Dans une épicerie, un homme achète de nombreuses sucreries pour une petite fête. On découvre que le but de son achat est de les manger pendant qu’il observe quelqu’un. Otis, détective privé, a été engagé par Kathleen pour en savoir plus sur les occupations de son mari. Le professionnel passe sa journée à le suivre, à l’observer et à prendre des photos. Et pendant ses longues attentes, il mange. Binge Loving joue avec des genres différents : le policier, le romance, la comédie. L’enquête du détective privé compose la proposition initiale de son récit, qui gagne en profondeur en explorant sa relation avec la nourriture, les sentiments d’une femme trompée, et le rapprochement entre le professionnel et sa cliente. Au dernier Festival Format Court, Thomas Deknop a récolté les fruits de son pari en remportant les prix du public, du jury étudiant et du jury presse.
Le réalisateur belge propose un univers visuel délicieux. La texture granuleuse de l’image avec l’usage des néons et des vitres procure à un quartier industriel un charme urbain entre le moderne et le vintage. La représentation des lumières de la ville et la bande musicale évoquent l’esthétique de Taxi Driver (1976). Les cadres sont précis, les personnages sont bien au milieu de l’écran. Le travail de profondeur de champ est aussi un point fort de l’esthétique du film. La caméra fixe, les zooms ainsi que les mouvements discrets du protagoniste accompagnement visuellement la douce musique jazz en arrière-plan.
La création sonore contribue à la cohérence de l’univers de Deknop en tous ses aspects, les ambiances les plus étonnantes étant la mastication et le grondement du ventre d’Otis. La musique jazz apaisante dialogue avec le rythme général du film, lent, tranquille et silencieux, tout comme le métier d’Otis, qui consiste à attendre calmement qu’un événement se déroule. Le principal avantage du protagoniste en tant que professionnel est sa discrétion. Il le dit lui-même : « être là sans être vu, c’est mon talent ».
Le mélange de différents genres cher au réalisateur crée un résultat original, qui traverse sans efforts la comédie, le drame, la solitude et le romance. Le charisme du personnage principal (David Mutamba) ajoute au charme du court-métrage. L’acte de manger dans cette histoire dépasse la volonté de satisfaire la faim. Il est un plaisir, une compagnie, un symbole dans la relation, soit par Otis qui rêve de frites, comme des étoiles, dans le ciel ou par Kathleen, qui associe l’affection aux repas pris à deux.
À l’issue de la 73e édition de la Berlinale, la cheffe opératrice Hélène Louvart a remporté prix de la meilleure photographie pour le film Disco Boy, réalisé par Giacomo Abbruzzese. Elle avait également travaillé pour Agnès Varda, Wim Wenders ou encore Leos Carax. Le cinéaste italien s’est d’ailleurs inspiré des courses effrénées de Mauvais sang pour son propre film, son premier long-métrage.
Comme dans ses précédents court-métrages (I Santi, Stella Maris), Giacomo Abbruzzese ose mêler des touches surréalistes voire fantastiques à son récit réaliste et social. L’hybridité des genres et la qualité visuelle des plans donne un effet hypnotique au film duquel il est difficile de détacher ses yeux pendant 1h32.
Le premier long-métrage de Giacomo Abbruzzese, Disco Boy, aborde le thème de la guerre et de la quête d’identité à travers deux points de vue. Le film nous plonge dans l’exil d’un biélorusse, Aleksei (Franz Rogowski), alors qu’il quitte son pays en bus. Il s’engage dans la légion étrangère en espérant ainsi obtenir au bout de cinq années la nationalité française. En parallèle, le dirigeant d’un groupe terroriste nigérien, Jomo (Mutamba Kalonji), mène une lutte révolutionnaire contre les dirigeants de compagnie pétroliers de son pays. Le montage du film alterne les deux parcours qui se croisent lorsque Aleksei est envoyé au Niger. L’un est en quête d’identité par les armes, à l’inverse l’autre défend la sienne par les armes.
Le réalisateur confronte les points de vue deux hommes sans jugement ni manichéisme. Le regard est sublimé par l’image onirique de l’œil doré de Jomo qui continuera de hanter Aleksei tout au long du film. Les nombreux gros plans sur le visage du protagoniste montre son évolution entre premier espoir d’une vie meilleure, et traumatismes suite à son expérience d’exilé et de militaire.
Le réalisateur prend le parti d’une esthétique envoûtante qui tranche avec l’aspect naturaliste du film. Le récit est rythmé par les scènes de danse, d’abord celle de Jomo dans la jungle, le « disco boy » qui rêverait, dans une autre vie, d’être DJ ; puis dans un tout autre style, celles de la boîte de nuit dans laquelle Aleksei est submergé par ses souvenirs douloureux. Giacomo Abbruzzese mêle avec brio onirisme ensorcelant et drame à travers l’esthétique de la photographie.
Le film nous transporte dans un périple à travers l’Europe et le Niger qui mène à une longue désillusion. Le final du film illustre le dépouillement des espoirs et rêves des personnages à travers la mise à nu d’Aleksei par ses collègues. Malgré l’aspect dramatique du film, le réalisateur parvient cependant à nous séduire et captiver avec des images de danse et de combats sur fond de musique électro. Visible en salle dès ce 3 mai 2023, Disco Boy est à voir sur grand écran pour profiter pleinement de sa qualité visuelle.
Après le visionnage de 4 288 films, 11 courts métrages seront présentés cette année en compétition, issus des 12 pays suivants : l’Argentine, la Colombie, l’Espagne, les États-Unis, la France, la Hongrie, l’Indonésie, l’Islande, la Norvège, la Pologne, le Royaume-Uni et l’Ukraine. La Palme d’or du court métrage sera remise par le Jury composé de Ildikó Enyedi, Ana Lily Amirpour, Charlotte Le Bon, Karidja Touré et Shlomi Elkabetz, le samedi 27 mai lors de la cérémonie du Palmarès du 76e Festival de Cannes.
Courts-métrages en compétition officielle
LA PERRA de Carla Melo Gampert – Colombie & France – 14′
AS IT WAS de Anastasia Solonevych & Damian Kocur – Pologne & Ukraine – 15′
TITS de Eivind Landsvik – Norvège – 12′
27 de Flóra Anna Buda – Hongrie & France – 11′
LE SEXE DE MA MÈRE de Francis Canitrot – France – 14′
AUNQUE ES DE NOCHE de Guillermo García López – Espagne & France – 14′
BASRI & SALMA IN A NEVER-ENDING COMEDY de Khozy Rizal – Indonésie – 15′
POOF de Margaret Miller – États-Unis – 10′
NADA DE TODO ESTO de Patricio Martínez & Francisco Canton – Argentine & Espagne – 15′
FÁR de Gunnur Martinsdóttir Schlüter – Islande – 5′
La sélection de la Cinef
Pour sa 26e édition, La Cinef a sélectionné 14 fictions et 2 animations, réalisées par 10 réalisatrices et 7 réalisateurs, parmi les 2 000 courts métrages présentés par des écoles de cinéma du monde entier. 13 pays issus de quatre continents y sont représentés avec une première participation du Maroc. Les trois Prix de La Cinef seront remis par le Jury présidé par Ildikó Enyedi, lors de la cérémonie précédant la projection des films primés, le jeudi 25 mai en salle Buñuel.
Films d’écoles en lice
DAROONE POUST de Shafagh Abosaba & Maryam Mahdiye – Karnameh Film School – Iran – 16′
KILLING BORIS JOHNSON de Musa Alderson-Clarke – NFTS – Royaume-Uni – 24′
NEHEMICH de Yudhajit Basu – FTII – Inde – 23′
IMOGENE de Katie Blair – Columbia University – États-Unis – 19′
AL TORAA’ de Jad Chahine – High Cinema Institute – Égypte – 12′
A BRIGHT SUNNY DAY de Yupeng He – Columbia University – États-Unis – 20′
HOLE de Hwang Hyein – KAFA – Corée du Sud – 24′
LA VOIX DES AUTRES de Fatima Kaci – La Fémis – France – 30′
ELECTRA de Daria Kashcheeva – FAMU – République Tchèque – 27′
TRENC D’ALBA de Anna Llargués – ESCAC – Espagne – 28′
NORWEGIAN OFFSPRING de Marlene Emilie Lyngstad – Den Danske Filmskole – Danemark – 44′
OSMÝ DEN de Petr Pylypčuk – FAMU – République Tchèque – 20′
THE LEE FAMILIES de Seo Jeong-mi – Korea National University of Arts – Corée du Sud – 25′
Déjà remarqué à Clermont-Ferrand dans un format de 30 minutes sous le titre Grand Paris Express, Martin Jauvat présente son premier long-métrage, Grand Paris, au Festival de Cannes 2022 dans le cadre de l’ACID.
Dès l’apparition, aux premiers plans, de la célèbre Tour hertzienne TDF de Romainville, dite « Tour des Lilas », ceux qui connaissent le travail de Martin Jauvat comprennent d’emblée que le réalisateur est resté fidèle à ses affections : la banlieue est de l’Ile-de-France. Visible depuis Paris comme depuis Chelles, ville natale du réalisateur qui a constitué les décors successifs de ses trois premiers courts-métrages, cette tour vient ici comme une jonction. Un point de liaison entre le Paris intra-muros et la banlieue lointaine que le projet du Grand Paris tend à réunir depuis de nombreuses années. Cette zone intermédiaire entre le fourmillement attractif de la capitale et l’inertie parfois pesante de sa périphérie qui est souvent méconnue.
C’est dans cet entre-deux que Martin Jauvat décide d’ancrer l’intrigue de Grand Paris, et plus précisément dans les méandres de ses lignes de RER et autres itinéraires de bus à trois chiffres.
Aussitôt, nous suivons le personnage de Leslie (interprété par Mahamadou Sangaré) investi d’une mission plutôt courante dans ces banlieues : se rendre à l’autre bout de la ville pour réaliser une transaction « frauduleuse » au nom d’un certain Leroy, qui n’apparaitra jamais. Dans sa course, il embarque le jeune Renard (Martin Jauvat) et face à l’échec du rendez-vous, les deux acolytes se mettent à errer jusqu’à tomber par hasard sur un artefact enfoui dans un chantier du Grand Paris Express.
À l’instar de son dernier court-métrage (Le Sang de la veine) où Rayan et Zoé, se rencontrant via l’application Tinder, finissaient par s’embrouiller au terme de leur « date », Martin Jauvat introduit ce phénomène accidentel, puis s’en empare pour dérouter ses personnages et occasionner un virage à 90° dans la narration de son histoire.
De là, le film prend ses distances avec les dimensions sociales généralement allouées aux films dits de « banlieues » et se profile alors une sorte de road-trip urbain aux quatre coins de la Petite Couronne. Persuadés de la valeur ésotérique voire pécuniaire de leur découverte, Leslie et Renard vont croiser toute une galerie de personnages et de situations jusqu’au bout de la nuit qui les amènera à reconsidérer leur condition de banlieusards. Ensemble, ils passent de la garden party où ils s’incrustent pour quelques bières jusqu’à une exploration souterraine et clandestine aux allures d’enquête électro-pop digne de Stranger Things. Ici, Martin Jauvat assume ses influences et télescope ses aspirations personnelles dans son personnage, fan de pyramides et de science-fiction, prêtant au mystérieux artefact des valeurs extra-terrestres. En apercevant d’ailleurs la Tour de Romainville, on peut même songer en souriant à la fin de Men in Black où la galette suspendue se transforme alors en soucoupe volante ! Et bien, Martin Jauvat transforme l’essai dans une fin surprenante complètement barrée (c’est le mot!) et concrétise ainsi une esthétique propre dans un mélange des genres inattendu et convaincant.
Fidèle à ses premiers collaborateurs, on retrouve dans Grand Paris ceux qui ont jalonné jusqu’à maintenant son parcours de réalisateur. On revoit William Legbhil et Anaïde Rozam (Le Sang de la veine), Erwin Aureillan, Georges Pillegand et Sébastien Chassagne, compagnons des débuts ainsi que son chef opérateur attitré Vincent Peugnet (Les Vacances à Chelles, Mozeb). Ainsi, on sent que le jeune Martin Jauvat trouve progressivement sa famille de cinéma, aussi bien dans l’artistique que dans la production, accompagné de producteurs persévérants et indépendants avec Ecce Films.
Il est même enrichissant d’appréhender Grand Paris dans la continuité de la production de Martin Jauvat, où on sentait en germe dans les réalisations précédentes des lignes personnelles et un tâtonnement stylistique que le passage au long n’a fait que renforcer. Un match de ping-pong, un traitement saturé de l’image, ou même un cadre : le plan final de Grand Paris reprend visuellement le dernier plan des Vacances à Chelles. Ainsi, le premier long fait un clin d’oeil au premier court.
À travers l’errance de ces personnages attachants, Martin Jauvat dresse en creux le portrait d’une jeunesse qui grandit à l’écart, habituée à ses 2h30 de transports pour aller travailler ou simplement rejoindre la capitale pour se divertir. Grand Paris trouve ses racines dans cette expérience quotidienne des transports en commun, dans ce rapport au temps lisse et plat qui conditionne le long trajet des riverains et riveraines des banlieues lointaines.
Ce temps qui est en fait géographique, apparaît dans tout son contraste ville/banlieue et témoigne de cette impression d’ennui, de non-productivité de ce temps à une heure où Paris s’étend pour devenir une hyper-métropole du XXIème siècle à l’instar de Londres ou Tokyo…
De cela résulte un sentiment de solitude. Déjà en filigrane dans Les Vacances à Chelles, le personnage interprété par Sebastien Chassagne rendait compte de cette sorte de spleen 2.0 qui trouve son réconfort dans la rencontre avec l’Autre, dans un moment partagé avec un compagnon de route.
C’est ce qui réunit Leslie et Renard, puis la quête à deux devient une quête à quatre jusqu’au milieu de la nuit, où les deux autres (William Leghbil et Erwin Aureillan), rattrapés par leur vie professionnelle, sont contraints d’abandonner les deux compères. Décalage ainsi renforcé qui amène le personnage de Leslie a faire cet aveu désarmant : « Faut se dire la vérité ! On fait quoi tous les jours ? On se voit, on fume, on mange, on fume, on fume, hop ! un p’tit tour de RER et quoi ? ». Que faire de ce temps qui défile et qui se perd dans cette société qui avance et qui progresse, là où ce fameux projet de Grand Paris prétend créer du lien entre le centre et les territoires marginalisés.
Martin Jauvat ne se prend pas au sérieux et surtout il ne se refuse rien, il prend à bras le corps les moyens imaginaires du cinéma pour construire sa patte, et il se fait plaisir et nous embarque avec lui. Pour paraphraser Amin (livreur loufoque interprété par William Leghbil) qui à son tour paraphrase Nietzsche, Martin devient ce qu’il est.
Cette semaine, est sorti le premier long-métrage de la réalisatrice des courts-métrages Tchau Tchau et Invisel Heroi, Cristèle Alves Meira. Véritable succès l’an dernier à la Semaine de la Critique à Cannes, Alma Viva montre sans concession la vie d’un petit village portugais où les sorcières existent encore. Alors que la petite Salomé est en vacances chez sa grand-mère, celle-ci meurt. Elle hérite alors d’étranges pouvoirs pour venger sa grand-mère. Dans cette fiction aux décors et aux acteurs naturalistes, la réalisatrice parvient à la lumière. Elle raconte dans notre interview sa relation avec le village et les acteurs – dont sa fille, Lua Michel – et ses inspirations, entre naturalisme et mysticisme.
Format Court : Est-ce que tu peux me parler un peu de l’origine du film. D’où vient cette envie ? Quel est le désir qui t’a poussée à monter ce projet, à raconter cette histoire ?
Cristele Alves Meira : Le point de départ, c’est un sentiment d’injustice que j’ai ressenti au moment du décès de ma grand-mère maternelle. Je suis née en France de parents portugais. Cette grand-mère vivait dans le village où j’ai filmé Alma Viva, son décès a entraîné des crises familiales. Je n’étais pas une enfant comme Salomé dans le film, j’étais déjà adulte et j’ai assisté à de violentes disputes et notamment par rapport à la pierre tombale. Pendant deux ans, ma grand-mère est restée sans sépulture. Dans la culture portugaise, la question du tombeau, de la maison d’après la vie, est très importante. Je me souviens de ma grand-mère qui m’avait montré de son vivant où elle voulait reposer. Elle avait déjà acheté son terrain au cimetière. Quand j’ai assisté à ces crises-là, j’ai trouvé ça vraiment injuste. C’est alors devenu une obsession d’essayer de comprendre ma famille. J’ai d’abord commencé à écrire à partir de l’histoire de ma famille mais très vite, j’étais face à ma propre subjectivité. La fiction s’est alors imposée. Les personnages ont commencé à se dessiner, ils étaient plein de choses à la fois, plein de personnes réelles, de souvenirs, de détails physiques qui m’inspiraient et m’aidaient à leur donner de l’ancrage.
Ce film aborde la question des vivants et des morts et de la relation entre cette petite fille et sa grand-mère, de ce qu’elle va lui transmettre, ses croyances et au-delà de ça, d’un langage, d’une façon de vivre, d’un rapport au monde. Mais c’est aussi avant tout un film qui dresse le portrait des familles de nombreux Portugais divisées entre ceux qui sont partis et ceux qui sont restés. Il est vrai que dans le paysage du cinéma, il n’y a pas encore beaucoup de cinéastes comme moi qui ont cette double culture. Même si le cinéma portugais est très riche et dynamique, les cinéastes issues de l’émigration ne sont pas encore très nombreux.
En essayant de comprendre les nœuds de ma propre famille, j’ai pointé plus largement des problématiques liées à l’immigration, à une réalité économique et sociale. Ça faisait longtemps que j’avais envie de poser une caméra dans mon village maternel que je connais très bien – j’y retourne plusieurs fois par an. J’ai un lien très intime avec ce territoire. J’avais envie de filmer ces visages, ces paysages qui me sont familiers. J’ai fait ce film pour que ma mère arrête d’avoir honte de son milieu populaire, de la précarité dans laquelle a été élevée. Mes parents ont toujours été impressionnés par les Français, ils ne sont jamais sentis à la hauteur, ils étaient toujours vu comme les étrangers. Quand on grandit en France avec des parents portugais, il y a un besoin, une nécessité de s’intégrer, de faire comme les Français, de cacher ses origines pour ne pas trop se faire remarquer, une façon presque de nier d’où on vient. J’ai moi-même ressenti cette honte, ce film m’aide à assumer et à ne pas oublier d’où je viens.
Ton désir, c’était surtout de parler de ton ressenti, de ce qui s’est passé dans ta vie et de ton village. Tu as quand même choisi de passer par la fiction, pour raconter ça. Pourquoi ? Comment écrire de la fiction avec des matériaux réels ?
C. A. M. : J’ai filmé avec un besoin de croire et de faire croire à l’histoire que je raconte. J’avais l’obsession d’être le plus crédible possible, le plus proche d’une certaine authenticité, d’une sincérité dans le portrait que je voulais dresser de cette communauté. J’ai travaillé avec des acteurs qui sont, pour la plupart, non professionnels, des gens que j’ai choisis pour ce qu’ils sont, pour le lien qu’ils ont avec les décors, avec l’histoire, avec les traditions qui sont racontées. C’est une approche presque naturaliste et pourtant tout est fictionnel. Ça veut dire que tout est extrêmement mis en scène, provoqué. Il fallait créer les conditions pour que surgisse cette vitalité, cette énergie de la vie, avec des scènes de groupe, les vibrations de la nature, et ça passe aussi par la place qu’on laisse aux imprévus. On cherche à montrer des situations très réalistes, très ordinaires et pourtant, il y a un scénario, avec des dialogues, un découpage très précis, une mise en scène technique très chorégraphiée.
Ça implique une façon de travailler particulière, surtout de mettre les acteurs au centre. Tous les acteurs que j’ai choisis avaient des choses à me proposer, au niveau des dialogues, de leur vision du monde, de la situation de leur personnage. Pendant la préparation et les répétitions, le scénario s’enrichissait et se transformait avec nos échanges. C’est vraiment un travail de terrain et d’observations. Le plus gros du travail, c’était d’observer pour ensuite retranscrire dans un cadre, avec une lumière, un mouvement de caméra particulier. Avec Rui Poças, le chef opérateur, et Julien Michel, le conseiller artistique, on voulait que tout paraisse naturel, que les sources de lumière et les effets spéciaux ne se voient pas. On a essayé d’écarter ce qui faisait « effet » ou qui était trop spectaculaire. Il fallait être minimaliste dans notre approche pour laisser les acteurs, les corps au centre de l’image.
J’avais Jean Rouch comme prof de cinéma à la fac, j’ai fait mes premiers pas dans le cinéma avec une approche anthropologique et une observation nécessaire du terrain. Je pense que dans Alma Viva, il y a encore des traces de ça, d’une envie d’être proche d’un lieu, avec ces coutumes, tout en en injectant une part de merveilleux, de fantastique. Je cherchais ce mélange entre naturalisme et surnaturel, pour raconter une histoire qui se rapprochent du conte et de la fable. Pour aller voir au-delà du visible.
Dans ton film, il y a quelque chose de magique admis dans la réalité. Il y a comme un parti pris naturaliste d’admettre que le monde magique existe dans ton film.
C. A. M. : Salomé et sa grand-mère croient aux sorts, à la magie et aux forces dangereuses que ça génère. Elles vivent la sorcellerie comme une réalité qui a des effets directs sur leur vie. C’est un film qui se met du côté des croyants même si d’autres personnages livrent une explication rationnelle aux événements du film. Je n’impose pas au spectateur de croire comme Salomé. Je n’avais d’abord pas en tête de mettre en avant la figure féministe de la sorcière. J’ai découvert plus tard avec le livre de Mona Chollet cette approche. Dans Alma Viva, on aborde la sorcellerie du côté des pouvoirs, de ce qui échappe à la raison, à la théorie, du côté de l’irrationnel. On découvre les rapports de violence que génère la sorcellerie dans les communautés qui la pratique. J’avais besoin d’avoir de la tendresse pour chacun de mes personnages même ceux qui sont censés être méchants. J’ai eu besoin de trouver une raison à la malveillance de l’ennemie de la grand-mère. Alors j’ai imaginé que derrière cette guerre de sorcière, il y avait une histoire de tromperie amoureuse, c’est aussi simple que ça. Salomé hérite soi-disant d’un pouvoir qui serait plutôt bénéfique, pourtant elle est possédée par un démon qui était sa grand-mère adorée. Elle se retrouve malgré elle à devoir agir, à devoir venger cette grand-mère malgré elle. Elle ne peut pas échapper à son héritage de sorcière, un peu pesant. Même si son regard final face caméra est plein d’espoir et de ce lien invisible qu’elle a avec « l’âme vivante » de sa grand-mère, « l’Alma viva ».
Est-ce que cette tendresse que tu as pour tes personnages vient de la tendresse que tu as pour ceux qui jouent les personnages ? Comment s’est passé le tournage alors que tu filmais des acteurs non professionnels que tu connaissais, que tu avais déjà filmés, dans le village, un lieu que tu connais très bien ?
C. A. M. : C’était important d’être proche de mon sujet, de mes décors, des acteurs. Dans mes courts-métrages, j’ai filmé souvent des gens de ma famille. Mon premier film, c’était ma petite cousine et moi-même. Ma famille a également participé à Alma Viva, y compris ma fille. Ce sont des gens que je connais bien et que j’admire. Ils m’inspirent et c’est naturel de vouloir les filmer. Je suis toujours très émue de voir la confiance qu’ils me portent et la générosité avec laquelle ils se livrent à la caméra. Il y a le noyau dur familial et la famille élargie du cinéma qui s’est construite au fil des courts-métrages. J’ai besoin de créer un lien amical avec les gens avec qui je travaille, pas seulement les acteurs, mais aussi avec les techniciens et les collaborateurs artistiques. Faire un film c’est tellement difficile, c’est important de se sentir en confiance, entouré de personnes bienveillantes. Quand on filme quelqu’un, il ne s’agit pas simplement de le regarder, il faut l’amener à se laisser regarder et ça ne se commande pas. Il y a un petit miracle qui se produit lorsque le lien est là et que la confiance circule alors tout devient possible. Il est important pour l’acteur et le réalisateur de ne pas avoir peur de l’autre. J’attache vraiment beaucoup d’importance aux relations que j’ai avec mes collaborateurs.
C’était très beau de tourner dans mon village, avec des gens qui m’ont vu grandir. J’étais très excité de voir ce village se transformer en décor de cinéma. Nous étions comme des grands gamins pendant les répétitions, c’était une aire de jeu où on s’amusait à faire semblant, à se raconter des histoires. C’est étonnant de voir à quel point les gens se sont révélés pendant le tournage. Il y avait des vieilles dames, des actrices non professionnelles qui avaient vingt jours de tournage. Elles se sont découvert un talent. C’est impressionnant de voir la capacité des acteurs non professionnels à rentrer dans le rythme de travail et à comprendre comment ça se passe de façon assez intuitive, parce qu’il n’y a pas d’école. Ils jouent leur rôle comme des grands enfants. Faire un film, c’est aussi revenir à des situations aussi primitives que ça, du jeu et de la représentation.
Ça me fait penser à Jean Rouch et à son film Les Maîtres Fous. Qu’est-ce qu’ils font ? Ils jouent à être les colonisateurs, ils portent le masque de l’oppresseur pour se guérir. Le rituel du jeu les libère. J’ai un peu ce rapport-là au jeu et au plateau. Il y a quelque chose d’extrêmement sacré pour moi sur un plateau avec la mise en place des accessoires, les équipes qui font le silence, les acteurs qui se concentrent, l’attention portée à pleins de petits détails. Ce qui est génial, c’est qu’on a tout préparé pendant des années, des mois, le moindre angle de caméra, on a tout prévu, et puis en fait, ce qui fait la force des plus belles scènes, c’est justement quand l’imprévu – des choses qui nous échappent complètement – surgit, et après on ne recherche plus que ça. Et quand ça ne vient pas, on est un peu triste. On cherche à faire émerger l’extraordinaire, à sortir de l’ordinaire de ce qu’on avait prévu. Même si parfois on est plus ou moins capables de sentir ces moments-là. Faire un film, c’est tellement stressant, ça va tellement vite parfois qu’on ne voit pas sur le moment que quelque chose advient, parce qu’on est parasité par d’autres choses. Le tournage d’Alma Viva a été très difficile. Je pense qu’il y a toujours des tournages plus ou moins difficiles, mais dans notre cas, le sujet de la sorcellerie était assez lourd à aborder. Il y a eu une série de catastrophes sur le tournage qui nous ont vraiment fatigués et mis sous pression. Pourtant c’était très étonnant de voir à quel point l’équipe s’est soudée face à l’adversité, c’était très beau à voir.
J’ai tourné avec ma fille et il fallait la protéger des difficultés du tournage. J’avais peur d’être trop dure avec elle à cause de mon stress. Je ne voulais pas que le travail abîme notre relation. Parce que ce n’est pas naturel de travailler avec sa propre mère ou moi-même avec ma propre fille. Il fallait créer une relation professionnelle entre mère et fille et c’est passé par un cadre assez rigide. J’ai pu observer que souvent, quand c’est moi qui lui parlais, je pouvais un peu l’énerver – c’est normal, la maman énerve. Il fallait éviter de trop lui parler alors on avait une personne médiatrice entre nous (Manon Garnier). On avait aussi décidé que quand je rentrais le soir à la maison, je ne parlais plus de boulot pour qu’elle puisse retrouver sa maman qui n’était pas la réalisatrice. Ça s’est plutôt bien passé. Enfin, moi, j’étais vraiment très admirative et très respectueuse de tout ce qu’elle nous donnait. C’était vraiment une collaboratrice incroyable. Elle avait plein d’idées, elle était très douée en improvisation et elle avait un sens du plateau, du rythme et de la justesse des situations. Il y a des scènes que j’ai réécrites parce qu’elle me disait : « mais là, elle ne peut pas dire ça ». Lua a une intelligence émotionnelle et du récit qui est vraiment étonnante, d’une grande maturité. Je la considérais vraiment comme une actrice et chaque idée qu’elle proposait, je l’entendais. De l’impliquer dans le travail, c’était importante pour elle, elle était créatrice et du coup, elle nous donnait beaucoup. C’était très beau à voir vraiment. Elle est incroyable et c’est vraiment une aventure hors norme que nous avons vécue.
Tu as mentionné que vous avez conjuré le sort en faisant le film, peux-tu nous en dire plus ?
C. A. M. : Oui, faire le film, c’était une façon de conjurer le sort. En fait, il a étonnamment permis une réconciliation entre mes oncles et mes tantes. Quand ils ont vu le film, ils ne pouvaient pas ne pas voir qu’il y avait un lien avec notre propre histoire au sujet de la pierre tombale qu’ils ont refusé de payer pour ma grand-mère. Et puis, c’était une façon surtout de rendre hommage à la puissance des femmes, ma mère, mes tantes, ma grand-mère, à leur façon d’être avec leur excentricité, leur marginalité, leur vulgarité. Je les trouve incroyables parce qu’elles sont hors normes ! Je me souviens qu’au scénario, on reprochait souvent que les personnages étaient trop vulgaires, qu’on ne pouvait pas s’exprimer de cette façon. Mais je trouve justement que toute leur beauté est là ! Elles se comportent comme des hommes, elles parlent mal, elles n’ont peur de rien et ces vieilles dames, elles ont une puissance incroyable. Elles m’ont beaucoup inspirée. Elles méritaient vraiment un film !
Julien Rejl, Délégué général de la Quinzaine des Cinéastes, a dévoilé ce matin la composition de la 55e édition. Plusieurs premiers films dont partie de la sélection des longs-métrages retenus par le comité de sélection. Nous aurons l’occasion d’y revenir. Voici en attendant les courts-métrages de cette nouvelle Quinzaine.
Dans la tête un orage, de Clément Pérot
Il compleanno di Enrico (L’anniversaire d’Enrico), de Francesco Sossai
The House Is on Fire, Might as Well Get Warm (La maison brûle, autant se réchauffer), de Mouloud Aït Liotna
J’ai vu le visage du diable, de Julia Kowalski
Lemon Tree, de Rachel Walden
Margarethe 89, de Lucas Malbrun
Mast-del, de Maryam Tafakory
Oyu, de Atsushi Hirai
The Red Sea Makes Me Wanna Cry, de Faris Alrjoob
Talking to the River, de Yue Pan
La quatrième édition du festival Format Court s’est achevée ce dimanche 16 avril 2023 au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) avec une cérémonie de clôture en présence de notre parrain, l’acteur et réalisateur Bastien Bouillon, nos jurés et des lauréats.
Cette semaine, nous avons mis à l’honneur la forme courte dans sa grande et belle diversité à travers 7 séances : 4 compétitives et 3 thématiques. 33 films ont été programmés au festival, en présence de plus de 600 spectateurs.
Les 20 films sélectionnés cette année en compétition officielle ont été évalués par nos trois jurys. Un Prix du public a également été attribué par les spectateurs qui ont voté à l’issue de chaque séance pour leur film favori.
Le film Scale du réalisateur britannique Joseph Pierce remporte le Grand Prix Format Court de cette édition 2023. De son côté, Binge Loving du cinéaste belge Thomas Deknop glane 3 prix : le Prix de la presse, celui du Jury étudiant et celui du public. Ces deux films ont été diffusés à l’issue de la remise des prix.
Palmarès
Jury Professionnel
Composition : Guslagie Malanda (actrice, commissaire d’exposition indépendante), Valentin Hadjadj (compositeur), Romane Gueret (réalisatrice), Hakim Mao (réalisateur, scénariste) et Bruno Quiblier (programmateur)
Grand Prix : Scale de Joseph Pierce
Prix du scénario :Trois grains de gros sel de Ingrid Chikhaoui
Prix de l’image : Vadim Alsayed pour Sèt Lam de Vincent Fontano
Prix de la création sonore : Tomaž Grom pour La Vie sexuelle de Mamie de Urška Djukić et Émilie Pigeard
Prix d’interprétation : Idir Azougli pour Sami la fugue de Vincent Tricon
Mention spéciale du Jury : Rapide de Paul Rigoux
Jury presse
Composition : Diane Lestage (FrenchMania), Raphaël Clairefond (So Film), Marie Misset (Konbini), David Bola (Radio Nova), Quentin Grosset (Trois Couleurs)
Mention spéciale : Les grandes vacances de Valentine Cadic
Prix de la presse : Binge Loving de Thomas Deknop
Jury étudiant
Composition : Bianca Dantas (Paris, 8), Tommy Boulet (La Fémis), Mathilde Canet (Paris 3), Najat Naidi (Kourtrajmé) et Dylan Librati (Paris 3)
Prix du Jury étudiant : Binge Loving de Thomas Deknop
Notre 4èmeFestival Format Court vous accueillera la semaine prochaine, du jeudi 13 au dimanche 16 avril, au Studio des Ursulines (Paris, 5). Pour info/rappel, nos 4 programmes de films en compétition seront évalués par nos 3 jurys (professionnel, presse et jeune) mais aussi par le public qui pourra voter à l’issue de chaque séance.
Voici le détail des films projetés lors de la quatrième et dernière compétition du festival, dimanche 16 avril à 16h. La billetterie est accessible sur place mais aussi en ligne (conditions tarifaires en bas de page).
Programmation
Aaaah ! d’Osman Cerfon, animation – 4’ – France – Miyu Productions – Sélectionné au Festival de Berlin (Génération) et à Clermont-Ferrand 2023
Aaaah! c’est des cris de douleur, la surprise, l’effroi, la joie, des chants, des râles, des rires, la colère… Aaaah! c’est l’expression avec laquelle les enfants, ces êtres primaires et innocents, font l’expérience de la vie en collectivité, bien encadrés par les coups de sifflets des adultes.
Maria Schneider, 1983 d’Elisabeth Subrin, documentaire – 24’ – France – 5A7 Films – César du meilleur court-métrage documentaire 2023. En présence de la productrice Helen Olive
En 1983, Maria Schneider donne une interview pour l’émission de télévision Cinéma Cinémas. La conversation prend une tournure inattendue lorsque l’actrice conteste les pratiques de l’industrie cinématographique et qu’on lui demande de parler du film controversé Le Dernier Tango à Paris (1972).
Scale de Joseph Pierce, animation – 15’ – France, Angleterre – Melocoton Films, Bridge Way Films, endorfilm, Ozú Productions – Sélectionné à la Semaine de la Critique2022. En présence de Nathan Pauleau, chargé de production
Sur l’autoroute, Will perd le sens de l’échelle et fait une embardée. Alors que son addiction aux psychotropes s’amplifie de jour en jour, sa vie de famille est au bord du désastre. Will, face à ses démons, tente de terminer sa thèse et de remonter le fil des événements qui l’ont amené à cette lente déchéance.
Trois Grains de gros sels d’Ingrid Chikhaoui, fiction – 26’ – France – Les Films Norfolk – Sélectionné au Festival de Clermont-Ferrand 2022. En présence de la réalisatrice
Deux sœurs de 8 et 5 ans traînent seules à la maison, en pleine campagne. Elsa avale trois grains de gros sel, Judith lui annonce que cela la condamne à une mort par dessèchement. Il ne lui reste que quelques heures à vivre quand le retour de leur mère, au comportement ardent et fébrile, fait basculer le destin de la famille.
Les Grandes vacances de Valentine Cadic, fiction – 25’ – France – Les Filmeuses – Présélectionné au César du court-métrage de fiction 2023. En présence du comédien Hélio Pu et de la chef opératrice Coline Coste
Blandine passe ses vacances seule dans un petit camping au pied des montagnes. Elle est rapidement envahie par le bruit, la foule et la pluie qu’elle cherchait à fuir le temps d’un été. Au bord du lac, Blandine rencontre Helio un jeune journaliste local.
En pratique
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
– Billetterie sur place et en ligne
– Tarifs : plein tarif : 8,50€, tarif réduit : 6,80€, – de 15 ans : 5€. Cartes UGC Illimité et cartes de fidélité des Cinémas Indépendants parisiens acceptées. Achats en ligne majorés de 0,40€ par place (frais de gestion)
Notre 4èmeFestival Format Court approche à grands pas. Il aura lieu du jeudi 13 au dimanche 16 avril, au Studio des Ursulines (Paris, 5). C’est l’occasion de découvrir plein de courts en compétition mais aussi au détour de nos 3 séances thématiques.
Voici le détail des films projetés lors de la troisième projection parallèle du festival, samedi 15 avril à 21h, consacrée à la Berlinale. Après Cannes et Locarno, nous nous intéressons cette année à un nouveau festival de type A, en présence d’Anna Henckel-Donnersmarck, la responsable de Berlinale Shorts, mais aussi d’Anthony Ing, le réalisateur de Jill, Uncredited, de Michelle Keserwany, la co-réalisatrice du film Les Chenilles (Ours d’or du meilleur court-métrage à la Berlinale 2023), accompagnée de sa comédienne Masa Zaher et de sa productrice Marine Vaillant.
Programmation
FocusBerlinale Spotlight : Berlinale Shorts, samedi 15 avril, 19h. Billetterie en ligne
One Thousand and One Attempts to Be an Ocean de Yuyan Wang, documentaire, expérimental – 11’ – France – Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains – Sélectionné à la Berlinale 2021
One Thousand and One Attempts to Be an Ocean correspond avant tout à un rythme, une résonance hypnotique qui fait déborder les images de leur contenu pour devenir sensation et énergie. Il est constitué de micro-événements provenant de la catégorie dite des satisfying video qui pullulent sur Internet. Sans début ni fin, le récit abstrait se développe sur le mode de l’emprunt en faisant référence à la fois à la transe et à la musique minimale. Les images incarnent jusqu’à l’épuisement ce désir d’une vague sans fond, expression d’un sentiment océanique artificiel mêlée à l’inexorable entropie de nos sociétés de l’information.
Easter eggs de Nicolas Keppens, animation – 14’ – Belgique, France, Pays-Bas – Animal Tank, Miyu Productions, Ka-Ching Cartoons– Présélectionné au César du meilleur court-métrage d’animation 2022
Le restaurant chinois est vide. Monsieur Ping est parti. La cage des oiseaux exotiques est grande ouverte. Personne ne sait ce qui s’est passé. Deux amis, Jason et Kevin, y voient une excellente occasion d’attraper les oiseaux et de les vendre pour une grosse somme d’argent. Mais attraper les oiseaux n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît.
Jill, Uncredited d’Anthony Ing, documentaire – 18’ – Royaume-Uni, Canada– Loop – Sélectionné à la Berlinale 2023. En présence du réalisateur
L’une des actrices de fond les plus prolifiques au monde occupe le devant de la scène dans ce portrait unique de Jill Goldston, une vétérane du cinéma et de la télévision britannique de cinquante ans. Construit entièrement à partir des performances de Jill – capturé fugitivement à la périphérie de toute oeuvre, de Mr Bean à The Elephant Man – ce film est à la fois la célébration d’une œuvre cinématographique singulière, un voyage lyrique à travers un demi-siècle de culture populaire, et une étude obsédante d’une vie vécue hors de propos.
Les Chenilles de Michelle Keserwany et Noel Keserwany, fiction – 30’ – France – Dewberries Films, La Biennale de Lyon – Ours d’or du meilleur court-métrage à la Berlinale 2023. En présence de Michelle Keserwany, de la comédienne Masa Zaher et de la productrice Marine Vaillant
Asma et Sarah, deux femmes originaires du Levant, travaillent dans le même restaurant à Lyon, en France. Elles portent toutes deux le poids d’une vie qu’elles ont été contraintes de quitter. D’abord méfiantes l’une envers l’autre, elles découvrent peu à peu le fil qui les relie, remontant à l’époque où la route de la Soie joignait Lyon à leurs terres natales. Au sein de ces migrations forcées, peut-on surmonter nos rancœurs et trouver du réconfort les uns auprès des autres ?
En pratique
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
– Tarifs : plein tarif : 8,50€, tarif réduit : 6,80€, – de 15 ans : 5€. Cartes UGC Illimité et cartes de fidélité des Cinémas Indépendants parisiens acceptées. Achats en ligne majorés de 0,40€ par place (frais de gestion)