Notre 4èmeFestival Format Court vous accueillera la semaine prochaine, du jeudi 13 au dimanche 16 avril, au Studio des Ursulines (Paris, 5). Pour info/rappel, nos 4 programmes de films en compétition seront évalués par nos 3 jurys (professionnel, presse et jeune) mais aussi par le public qui pourra voter à l’issue de chaque séance.
Voici les horaires des séances en compétition (+ la programmation dans son intégralité) :
Voici le détail des films projetés lors de la troisième compétition du festival, samedi 15 avril à 21h. La billetterie est accessible sur place mais aussi en ligne (conditions tarifaires en bas de page).
Programmation
Rapide de Paul Rigoux, fiction – 24’ – France – Le GREC – Prix du Public au Festival d’Angers 2023. En présence du réalisateur et des comédiens Edouard Sulpice, Mélodie Adda et Abraham Wapler
Jean est un « lent », il construit sa vie autour de ses angoisses, et se considère inadapté à la vie en société. Il vit en colocation avec Alex, qui lui, est un « rapide ». Passionné par l’aérodynamisme et l’eurodance, Alex vit vite, se pose le moins de questions possible. Un matin, il reçoit chez eux une amie « rapide », Lou, alors que Jean avait lui aussi prévu de recevoir une amie « lente », Caroline.
Binge loving de Thomas Deknop, fiction – 22’ – Belgique – DENZZO – Sélectionné au Palm Springs ShortFest 2022. En présence du réalisateur
Un détective privé bruxellois est chargé par une cliente de suivre son mari parce qu’elle soupçonne qu’il a une maîtresse dans la capitale. Lorsqu’elle se plonge de manière inattendue dans l’enquête, le détective est poussé hors de sa zone de confort.
Snow in september de Lkhagvadulam Purev-Ochir, fiction – 19’ – France, Mongolie – Aurora Films, Guru Media – Prix du meilleur court-métrage aux festivals de Venise et de Toronto 2022.
Davka est un adolescent qui vit dans les immeubles soviétiques délabrés de Oulan-Bator. Avec sa camarade de classe, Anuka, ils parlent de mangas et de sexe. Quand Davka rencontre une femme plus âgée, sa vision des rapports intimes et des relations amoureuses est forcée de changer.
Brandon Roi de Romain Jaccoud, fiction – 15’ – Suisse – Autoproduction – Sélectionné au Festival de Locarno 2022. En présence du réalisateur
Au cœur d’une vallée entourée par des montagnes, on entend gronder le moteur d’une moto. C’est Brandon, un lutteur qui se rend dans une carrière où travaille son ami Steve, un ancien combattant devenu ouvrier.
La Vie sexuelle de mamie d’Urška Djukić et Émilie Pigeard, animation – 14’ – France, Slovénie – Ikki Films, Studio Virc – César du meilleur court-métrage d’animation 2023. En présence de la réalisatrice Émilie Pigeard
Quatre femmes âgées réfléchissent à leurs souvenirs d’antan où elles étaient jeunes et à la différence des relations entre les hommes et les femmes entre leur époque et aujourd’hui. Leurs voix fusionnent en une seule voix, celle de la grand- mère Vera, qui raconte son histoire en détail. Un voyage dans la jeunesse de la grand-mère et les souvenirs de sa vie intime illustrent le statut des femmes slovènes dans la première moitié du XXe siècle.
En pratique
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
– Billetterie relative à cette séance sur place et en ligne (pour les autres séances, rdv ici)
– Tarifs : plein tarif : 8,50€, tarif réduit : 6,80€, – de 15 ans : 5€. Cartes UGC Illimité et cartes de fidélité des Cinémas Indépendants parisiens acceptées. Achats en ligne majorés de 0,40€ par place (frais de gestion)
Notre 4èmeFestival Format Court vous accueillera la semaine prochaine, du jeudi 13 au dimanche 16 avril, au Studio des Ursulines (Paris, 5). Pour info/rappel, nos 4 programmes de films en compétition seront évalués par nos 3 jurys (professionnel, presse et jeune) mais aussi par le public qui pourra voter à l’issue de chaque séance.
Voici les horaires des séances en compétition (+ la programmation dans son intégralité) :
Voici le détail des films projetés lors de la deuxième compétition du festival, vendredi 14 avril à 21h. La billetterie est accessible sur place mais aussi en ligne (conditions tarifaires en bas de page).
Programmation
Masques d’Olivier Smolders, documentaire – 23’ – Belgique – Le Scarabée ASBL – Sélectionné au Festival de Clermont-Ferrand 2022
À l’occasion de vacances à la campagne, un cinéaste évoque le deuil de ses parents. La perte de leur visage et plus particulièrement de leur regard est le point de départ d’une méditation sur les masques comme passeurs vers l’au-delà.
Tête de brique d’Alexis Manenti, fiction – 22’ – France – Artisans du Film – Sélectionné au Festival de Gand 2022. En présence du réalisateur
Dans une ville de l’Est, un jeune meneur de bande sème la terreur dans son quartier. Il oblige chacun à porter une brique à la main en signe de soumission. Un jour, un adolescent humilié par le tyran décide de se rebeller.
Ne pleure pas Halima de Sarah Bouzi, fiction – 15’ – France – Autoproduction – Grand Prix du Jury ex-aequo Festival d’Angers 2023. En présence de la réalisatrice, de la comédienne Mélissa Guers et de la productrice Johanna Makabi
Halima est une jeune femme qui ne passe pas inaperçue. En plus d’écrire de nombreux articles engagés sur son blog, elle travaille en tant que réceptionniste et fréquente sa bande de copines flamboyantes. Seulement, son visa étudiant expire bientôt. Gravitant autour d’univers qui lui paraissent hostiles, Halima tente de trouver sa place.
Riad de Yann Verburgh, fiction – 14’ – France – Apaches Films – Sélectionné à Un Festival C’est Trop Court (Nice) 2022. En présence des comédiens Talid Ariss, Claire Puygrenier
Riad, ancien légionnaire souffrant d’un syndrome de stress post-traumatique qui a détruit sa famille, retrouve son fils, Mehdi, après des mois de séparation, dans un espace rencontre enfants parents.
Sèt Lam de Vincent Fontano, fiction – 23’ – France – Dobro Films – Sélectionné au Festival de Clermont-Ferrand 2023. En présence du producteur Martin Mauvoisin
Dans le quartier d’une ville insulaire, au milieu d’un rituel de transe, une petite fille est tétanisée. Elle a peur de voir les siens se blesser ou disparaître. Sa grand- mère lui raconte alors l’étrange histoire d’Edwardo, le premier des leurs à avoir vu sa mort et à l’avoir affrontée. La petite fille est attentive, elle sent bien que sa grand-mère ne lui raconte pas cette histoire sans raison.
En pratique
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
– Billetterie relative à cette séance sur place et en ligne (pour les autres séances, rdv ici)
– Tarifs : plein tarif : 8,50€, tarif réduit : 6,80€, – de 15 ans : 5€. Cartes UGC Illimité et cartes de fidélité des Cinémas Indépendants parisiens acceptées. Achats en ligne majorés de 0,40€ par place (frais de gestion)
Lauréate du Meilleur Court-métrage lors de la dernière Cérémonie des César 2023, la réalisatrice Amélie Bonnin revient sur la genèse de son film Partir un jour et les apports significatifs du documentaire dans son approche de la fiction. Retour aux origines, nostalgie et monde rural, elle évoque aussi ses inspirations et sa collaborations avec Bastien Bouillon, parrain de la 4ème édition de notre Festival. Partir un jour sera diffusé ce jeudi soir dans le cadre de notre Focus Bastien Bouillon, en présence du comédien.
Format Court : Comment est venue cette envie de réaliser un film musical ? Est-ce que d’ailleurs tu le considères comme tel à l’instar des films de Jacques Demy ou de certaines comédies musicales américaines ?
Amélie Bonnin : En effet, il y a avant tout cette passion pour les comédies musicales, et à vrai dire pour les comédies musicales spectacles. J’ai grandi avec Starmania qui a beaucoup compté pour moi et la première fois que je suis allée à New-York, j’ai découvert les comédies musicales qui m’ont appris à aimer les films musicaux et finalement, Demy je l’ai découvert plus tard lors de mes études. C’est davantage les films de Christophe Honoré qui m’ont beaucoup influencée.
Les Chansons d’amour a été un vrai choc. Je me suis rendu compte qu’on pouvait faire un film contemporain et y glisser des chansons sans que cela devienne du Broadway qui donne cet effet un peu hors-sol. Dans Les Chansons d’amour, on a la sensation de quelque chose de très ancré, de très réaliste, il n’y a pas de costumes hauts en couleurs, ni de chorégraphies et je me suis dit : « c’est ça que j’ai envie de faire ! »
Tu évoquais Starmania, il y a justement dans le choix de tes morceaux un clin d’oeil évident aux générations des années 90-début 2000 avec les 2BE3, Ménélik ou Larusso. Comment as-tu arrêté ton choix sur ces morceaux ?
A.M. : À vrai dire, c’est quelque chose qui ne s’est pas vraiment décidé, c’est venu assez spontanément. Avec Dimitri Lucas, mon co-scénariste, on s’est demandé quels étaient les morceaux qu’on écoutait en boucle adolescents quand on faisait la fête ou quand on avait un chagrin d’amour… Nous avons vraiment pensé le film ensemble. J’ai fait l’image, mais l’histoire (comment la raconter et la forme qu’elle prenait à l’écrit), cela s’est pensé à deux.
Quels seraient donc les morceaux qui nous reviendraient en mémoire si on rentrait chez nous et que l’on replongeait dans l’adolescence ? Et puis les années 90, c’est aussi cette période improbable des boys-bands qui est assez unique dans l’histoire de la musique et cela a été très ludique et plaisant de pouvoir l’utiliser et de l’emmener ailleurs.
Quel a été l’accueil du projet par tes producteurs ? Comment se sont passés les échanges avec eux par la suite ?
A.M. : Ils ont été de vrais alliés tout au long de l’écriture. Ils sont trois à Topshot et l’un d’eux avait vu mon premier documentaire, La Mélodie du boucher. Il m’avait invitée à les contacter si je songeais un jour à faire de la fiction. Une fois le projet lancé, il y a tout de suite eu beaucoup de bienveillance et cette sensation d’avancer ensemble. Je n’avais jamais écrit de fiction donc toutes les remarques étaient bonnes à prendre et venant du documentaire, j’étais plutôt habituée à des budgets très bas et des équipes réduites. Le pendant négatif, c’est que je ne me rends pas toujours compte du coût des choses mais le positif, c’est que le manque de moyens n’est jamais un problème. On trouve toujours un moyen de faire autrement.
Quoi qu’il en soit, nous avions tous la même vision du film et nous l’avons senti très tôt. Dès qu’il y avait des remarques dans un sens ou dans l’autre, c’était pour s’approcher au plus près du film que nous avions tous envie de faire.
Peux-tu nous faire part de ton expérience dans le documentaire ? Qu’y as-tu appris ?
A.M. : En soi, Partir un jour n’est pas un passage à la fiction. Le documentaire, c’est quelque chose que je continue de faire. Je crois que cela m’a appris une certaine écoute, une certaine ouverture à des choses qui adviennent et qui n’étaient pas forcément prévues. Dans le documentaire, c’est même précisément ce qui nous intéresse ! À la caméra, on cherche à ce qu’il se passe des choses qui ne sont pas anticipées, et le miracle se produit à ce moment-là. Avec la fiction, tout était assez bordé et on a suivi le scénario mais les moments qui m’ont le plus marquée, ce sont justement les moments où ça a bougé.
Puis au casting, il y avait une envie de trouver des gens et des physiques qui soient crédibles et ancrés. Comme il s’agit de personnages qui vivent dans un petit village de campagne, il ne fallait pas qu’on ait l’impression que ce soient des parisiens déguisés. Comme j’ai grandi en milieu rural et que j’y ai beaucoup filmé, j’ai une idée des corps, des postures et de qui peut les interpréter. Tout cela, je l’ai eu par le documentaire.
Justement, comment es-tu rentrée en contact avec tes comédiens.nes ?
A.M. : François Rollin, nous avons vraiment écrit pour lui. Nous l’avions en tête dès l’écriture du dialogue, je lui ai écrit une lettre et il a accepté. Juliette Armanet aussi, c’est quelqu’un pour qui nous avons écrit. Nous nous étions rencontrées sur un projet et j’avais beaucoup apprécié sa personnalité. Elle a accepté dès la lecture du scénario. Enfin Bastien Bouillon et Lorella Cravotta, ce sont mes producteurs qui les connaissaient, et j’avais du mal à trouver quelqu’un pour le personnage de Julien. Il fallait quelqu’un de timide, mal à l’aise et à la fois crédible en parisien issu de province. On voit souvent Bastien casté pour des rôles de gendre idéal ou de personnage assez lisse, alors qu’il a une réelle fantaisie et une folie qu’il a su amener au personnage de Julien qui était assez plat. Il lui a donné une personnalité et un charme qu’il n’y avait pas à l’écriture.
Chez le personnage de Julien, on peut identifier ce phénomène social de transclasse : ces personnes issues d’un milieu modeste qui sont amenées à le quitter pour des raisons souvent professionnelles et s’ouvrent alors à eux de nouveaux cercles et de nouvelles réalités sociales. Tu es née à Châteauroux et tu vis maintenant en région parisienne. Est-ce qu’il y aurait quelques points de contact entre le personnage que tu as écris et ton histoire personnelle ?
A.M. : Oui, il y a certainement des liens. Lorsque je suis arrivée à Paris, je suis allée dans une école privée de relations presse et j’ai fait la rencontre de gens issus d’un milieu social qui était très éloigné du mien, dont je ne soupçonnais même pas l’existence. Plus tard et dans un milieu plus artistique cette fois, j’ai fait d’autres rencontres mais de personnes qui étaient déjà implantées dans le milieu depuis l’enfance, c’est-à-dire dont les parents étaient soit architectes, soit designers et qui avaient grandi dans des grandes villes. Moi, j’aimais les impressionnistes et je dessinais, donc il y avait forcément un clash… Et en même temps, j’étais très avide d’apprendre et de découvrir.
Mais lorsque tu rentres chez toi, on te reproche soudain d’être devenue très parisienne. Tu te retrouves un peu entre les deux et c’est quelque chose qui m’a beaucoup marquée. Rien de douloureux, mais c’est étonnant de voir comment ces différences sociales s’immiscent et comment, de par nos métiers, on est amené à ne plus fréquenter les mêmes milieux. Ça demande de petits ajustements pour pouvoir se trouver.
Ce que tu évoquais lors de ton discours à la remise des César, « Être une femme de presque 40 ans, avoir deux enfants et des cheveux blancs, et sentir qu’on est au commencement des choses », c’est une pression que tu as ressentie ?
A.M. : Quand j’étais en école d’art, j’avais une vingtaine d’années et j’ai découvert Egon Schiele qui a été un véritable coup de foudre. Il est mort à 24 ans et il a laissé derrière lui une oeuvre sublime et à l’époque, je me disais : « J’en ai 22 et je n’ai toujours rien fait ! Je ne vais jamais y arriver ! (rires) ».
Puis petit à petit, avec le temps j’ai relativisé. Aujourd’hui j’ai 38 ans et je n’y vois aucun problème. Et cette pensée que j’avais plus jeune colle très bien avec cette société capitaliste où il faut aller vite, où il faut réussir et avoir un vrai métier, gagner de l’argent… Tout ça n’a plus aucun sens pour moi aujourd’hui. C’est une forme de réussite qui vient aussi avec un certain « jeunisme », comme quoi ce serait plus sexy d’être jeune et de réussir. Je me souviens, c’était même un élément dans l’argumentaire des gens lorsqu’Emmanuel Macron s’est présenté aux élections pour la première fois. Jeune était devenu un argument ! Et c’est quelque chose que l’on retrouve aussi dans le cinéma. Après ce discours, j’ai reçu beaucoup de messages et j’ai réalisé en fait qu’on était très nombreuses et nombreux à vouloir entendre que l’âge n’est pas un problème.
Tu as un long-métrage en cours d’écriture. Quels sont tes projets ?
A.M. : J’ai toujours fait plusieurs métiers à la fois. En ce moment, je suis directrice artistique d’une revue féministe qui s’appelle La Déferlante, qui me passionne. J’ai réalisé quelques épisodes de la saison 3 de Parlement [série France TV créée par Noé Debré – NDLR]. Tout me va du moment que cela me permet de raconter des histoires qui me parlent.
Concernant l’écriture du long, on vient d’envoyer une version d’écriture à nos producteurs, on attend les retours. Cela reste très joyeux et passionnant de réinventer une nouvelle histoire.
J’ai eu un bref passage post-César où je me suis dit : « avoir une telle récompense au seuil d’une carrière, comment pouvoir faire mieux après ? ». Si tu fais exactement pareil, on va dire « Tiens, elle ne sait faire que ça ». Et si tu fais différent ce sera : « Ah ! Je préférais le truc d’avant. » Ça parait insurmontable mais à un moment, il faut juste se détacher et faire quelque chose qui nous fait vibrer. De toute façon, ce n’est pas vraiment entre nos mains, le fait que cela fonctionne ou pas.
Est-ce que la comédie romantique est un registre dans lequel tu aimerais persévérer ?
A.M. : C’est notre ton commun avec Dimitri Lucas, ce qui nous vient le plus spontanément. D’ailleurs, j’ai un autre projet qui est plus dramatique et ça me pose problème. C’est-à-dire qu’au quotidien, travailler sur un projet qui ne me fait pas rire, ce n’est pas une perspective évidente pour moi… Partir un jour m’a pris trois ans de ma vie, un thème trop dur ou trop dramatique, je ne suis pas sûre d’y arriver. Pour le moment, je souhaiterais conserver une certaine légèreté.
Le court-métrage est-il un format que tu as envie de continuer d’exploiter ?
A.M. : Je trouve qu’il y a des idées pour tous les formats, donc certaines idées ne sont pas pour des longs. Parfois, certains sujets méritent d’être développés en dix, quinze ou vingt-cinq minutes donc oui, dans ce cas-là, je n’aurai aurai aucun problème à refaire un court-métrage. Et puis, il y a un enjeu dont il faut tout de même parler, c’est que ce n’est pas viable économiquement, et c’est malheureux. On m’a souvent demandé si je ne voulais pas devenir court-métragiste, comme si le court-métrage ne servait qu’à faire du long ensuite. En l’occurrence, je ne trouve pas que ça serve qu’à faire du long, comme si c’était un choix de carrière. En revanche, tant qu’il n’y aura pas de court-métrages projetés avant les longs dans les salles de cinéma ou qui ne passeront pas davantage à la télévision, ce n’est pas un format dont on peut vivre et c’est un vrai sujet.
Notre 4èmeFestival Format Court approche à grands pas. Il aura lieu du jeudi 13 au dimanche 16 avril, au Studio des Ursulines (Paris, 5). C’est l’occasion de découvrir plein de courts en compétition mais aussi au détour de nos 3 séances thématiques.
Voici le détail des films projetés lors de la deuxième projection parallèle du festival, vendredi 14 avril à 19h, consacrée à la Ville de Paris. Cette séance se déroulera en présence de 3 réalisatrices (Brigitte Sy, Aurélia Morali et Jawahine Zentar) mais aussi de Ludivine Sagnier, comédienne et Présidente du fonds court-métrage (2018-2022), de Carine Rolland, adjointe à la Maire de Paris en charge de la culture et de la ville du quart d’heure, et d’Aurélie Filippetti, Directrice des affaires culturelles de la Ville de Paris.
Programmation
Focus Ville de Paris, vendredi 14 avril, 19h. Billetterie sur place et en ligne
L’Endroit idéal de Brigitte Sy, fiction – 30’ – France – Mezzanine Films – Sélectionné au Festival de Clermont-Ferrand 2009.En présence de la réalisatrice
Barbara, réalisatrice, se trouve mise en examen par la police pour avoir passé de l’argent à Michel, l’homme qu’elle aime et qui est en prison. Elle se confronte à la justice qui lui interdit de le revoir. Un an après les faits, elle épouse Michel.
Le Repas dominical de Céline Devaux, animation – 14’ – France– Sacrebleu Productions – César du meilleur court-métrage d’animation 2016
C’est dimanche. Au cours du repas, Jean observe les membres de sa famille. On lui pose des questions sans écouter les réponses, on lui donne des conseils sans les suivre, on le caresse et on le gifle, c’est normal, c’est le repas dominical.
L’Attraction des astres de Aurélia Morali, fiction – 20’ – France– Pitchaya Films, Elinka Films.En présence de la réalisatrice
Suite à une grosse décompensation, Pauline, trente-cinq ans, est hospitalisée plusieurs mois dans une clinique psychiatrique. L’Attraction des astres raconte la première permission qu’elle va passer seule avec son fils de sept ans, Arthur, hors de la clinique. Pauline va devoir dépasser ses angoisses et aider son fils à calmer les siennes pour redevenir une mère.
Sur la tombe de mon père de Jawahine Zentar, fiction – 24’ – Maroc, France– offshore, Mont Fleuri Production – Grand Prix au Red Sea Film Festival 2022.En présence de la réalisatrice
Maïne roule vers un village marocain accompagnée de sa famille et du cercueil de son père. Demain, les hommes l’enterreront et les femmes attendront à la maison. Mais la jeune fille ne l’entend pas de cette manière et compte bien accompagner son père jusqu’à la dernière minute.
En pratique
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
– Tarifs : plein tarif : 8,50€, tarif réduit : 6,80€, – de 15 ans : 5€. Cartes UGC Illimité et cartes de fidélité des Cinémas Indépendants parisiens acceptées. Achats en ligne majorés de 0,40€ par place (frais de gestion)
Notre 4èmeFestival Format Court vous accueillera la semaine prochaine, du jeudi 13 au dimanche 16 avril, au Studio des Ursulines (Paris, 5). Pour info/rappel, nos 4 programmes de films en compétition seront évalués par nos 3 jurys (professionnel, presse et jeune) mais aussi par le public qui pourra voter à l’issue de chaque séance.
Voici les horaires des séances en compétition (+ la programmation dans son intégralité) :
Voici le détail des films projetés lors de la première compétition du festival, jeudi 13 avril à 21h. La billetterie est accessible sur place mais aussi en ligne (conditions tarifaires en bas de page).
Programmation
Lino d’Aurélien Vernhes-Lermusiaux. Fiction – 28’ – France – Noodles Production – Sélectionné au Festival Côté Court 2022. En présence du réalisateur et du producteur Brice Ranvel
Côte atlantique, nuit du 31 décembre 2020. Un groupe de militaires est mobilisé suite à la découverte d’un obus sur la plage où ils attendent l’arrivée des démineurs. Parmi eux, Lino, un jeune soldat revenu d’une difficile mission à l’étranger semble ailleurs. Une intrusion soudaine va changer le cours de la nuit et celui de sa vie.
Écorchée de Joachim Hérissé. Animation – 15’ – France – Komadoli studio – Présélectionné au César du court-métrage d’animation 2023. En présence du réalisateur
Dans une vieille bâtisse perdue au milieu des marécages, vivent deux étranges femmes, siamoises par une jambe. La nuit, l’Écorchée fait de terrifiants cauchemars où elle voit les chairs de sa sœur recouvrir son propre corps.
Ville éternelle de Garance Kim. Fiction – 20’ – France – Autoproduction – Grand Prix du Jury ex-aequo au Festival d’Angers 2023. En présence de la réalisatrice
Jour férié, au milieu du 77 : Lili attend un bus pour aller à l’aéroport. Elle croise Thibault, ancien camarade de collège dont elle n’a aucun souvenir. Le bus ne passe pas et elle décide d’y aller à pied. Thibault l’accompagne malgré elle. Ils vont alors se rerencontrer et se lier.
La Première de Nadav Lapid. Expérimental – 8’ – France – Furyo Films – Sélectionné au Festival de Locarno 2022. En présence du réalisateur et de la comédienne Naama Preis
Quelque part dans le futur, une star se réveille le jour de sa fête, sa première à l’illustre festival. De la grandeur de l’écran ne reste que le petit téléphone. On peut donc faire un baiser d’adieu.
Sami la fugue de Vincent Tricon. Fiction – 25’ – France – Barney Production – Présélectionné au César du court-métrage de fiction 2023. En présence du réalisateur
C’est l’hiver en Franche-Comté. Sami est interné en centre psychiatrique. Un jour de visite, sa mère et sa petite sœur lui apprennent que leur cheval est mort.
En pratique
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
– Billetterie relative à cette séance sur place et en ligne (pour les autres séances, rdv ici)
– Tarifs : plein tarif : 8,50€, tarif réduit : 6,80€, – de 15 ans : 5€. Cartes UGC Illimité et cartes de fidélité des Cinémas Indépendants parisiens acceptées. Achats en ligne majorés de 0,40€ par place (frais de gestion)
Lors de la 45ème édition du Festival de Films de Femmes, tenu à Créteil, l’invitée d’honneur Agnès Jaoui, scénariste, actrice et réalisatrice, a donné une masterclass devant un public enjoué. À cette occasion, l’artiste récompensée est revenue sur son parcours et a évoqué la création dans l’industrie cinématographique en tant que femme.
Format Court : Est-ce la première fois que vous venez au Festival de Film de Femmes ? Que pensez vous d’un dispositif dédié au cinéma fait par des femmes ?
Agnès Jaoui : Non, ce n’est pas la première fois, j’étais déjà venue il y a quelques années pour présenter Aurore (de Blandine Lenoir, 2016). Je pense que ce genre de dispositif est nécessaire, aujourd’hui plus que jamais, mais je crois que dans l’idéal, ce festival, aussi bien soit-il, aura vocation à disparaitre. C’est parce que le cinéma féminin est invisibilisé qu’il est nécessaire aujourd’hui de prendre ce genre de mesure. Vous savez, je n’étais pas pour ce genre d’initiatives en premier lieu, mais en voyant que les choses ne changeaient pas, j’ai compris que c’était nécessaire.
Pensez-vous qu’il y a un problème de représentation dans l’industrie ?
A.J. : Oui, c’est sûr. Les chiffres sont parfois affligeants. Il y a des festivals où le jury est entièrement masculin et ce n’est qu’une fois qu’on le fait remarquer que les organisateurs s’en rendent compte. Mais évidemment c’est le principe du privilège : ne pas savoir qu’on en a. Sauf quand on nous l’enlève (rires) ! Par exemple, j’ai été frappée par la liste de noms des réalisateurs qui ont marqué le septième art qu’on projette à l’ouverture du Festival de Cannes. Il n’y avait qu’un ou deux noms de femmes sur des dizaines d’hommes cités. Je me suis alors rendue compte de l’invisibilisation des réalisatrices, qui sont pourtant là. Il y a plein de grands films fait s par des femmes mais dont on ne parle pas ou peu.
Pensez-vous qu’il existe un cinéma féminin ?
A.J. : Non, je n’aime pas beaucoup cette dénomination. Je crois que c’est assez enfermant de croire que toutes les femmes font la même chose ou qu’il y a des sujets réservés. Premièrement, un.e bon(ne) réalisateur.ice arrive toujours à donner une dimension universelle à ce qu’il/ elle raconte. Et puis je crois que c’est trop simplifié de considérer que si c’est une femme qui fait le film, il sera forcément progressiste. Il y a des hommes qui écrivent magnifiquement bien leurs personnages féminins et il y a des femmes misogynes qui auront complètement intégré les codes patriarcaux.
« Le Goût des autres »
Avez-vous rencontré des difficultés à faire produire vos films, en tant que réalisatrice ?
A.J. : Pas vraiment en tant que femme non. J’ai eu la chance, que je ne comprends toujours pas d’ailleurs, d’avoir eu énormément d’argent pour mon premier film (Le Goût des autres) mais je ressens qu’il y en a moins d’année en année. Il n’y a presque plus de fonds pour les films d’auteurs. Bien sûr, c’est dû à l’émergence des nouvelles plateformes. Les gens ne se rendent peut être pas compte, d’un point de vue extérieur, parce qu’il y a de super séries qui sont faites mais l’industrie est vraiment menacée.
Vous êtes metteuse en scène, scénariste, réalisatrice, actrice et chanteuse. Pourquoi avoir autant de casquettes ?
A.J. : À mon sens c’est parce que j’ai eu très tôt le besoin de m’exprimer, par tous les moyens. J’ai vite compris que notre passage sur terre était court, même très bref, et j’ai cherché à laisser une trace d’une manière ou d’une autre. Quand j’étais petite, je tenais un journal, j’avais été très marquée par la visite de la maison d’Anne Frank voyez-vous, et je me disais que si je ne faisais rien de ma vie qui soit remarquable, il y aurait toujours ce journal pour garantir ma postérité (rires) !
Quels sont les thèmes récurrents de vos films, les sujets qui vous obsèdent ?
A.J. : Je crois que presque tous nos films (avec Jean-Pierre Bacri) étaient sur le changement, la capacité ou l’incapacité à changer. J’aime aussi parler de la famille, d’une manière générale, je m’intéresse aux gens. Je me suis beaucoup analysé et c’est en partant de ça que je me suis intéressé aux gens, peut-être que voir leurs défauts me rassure sur les miens (rires) !
Vous vous intéressez à l’importance du rythme dans le jeu à propos de la comédie. Pensez-vous que cette nécessité est restreinte à ce genre là ?
A.J. : Non, pas du tout. Tout est une question de rythme. Il y a des comédies dans lesquelles on se fait chier au bout de 10 minutes et des films sérieux très longs dans lesquels il ne se passe pas grand-chose et pourtant, on ne voit pas le temps passer. Je me rends compte que la musique et la pratique du chant m’ont permis de développer un sens du rythme et une vraie attention aux sons. Il y a des sons qui relèvent du détail dans une mise en scène mais qui peuvent beaucoup me perturber. Par exemple, il y avait une sonnette sur un tournage qui devait tenir lieu de sonnette de maison et le son qui en sortait me semblait complètement artificiel, pas du tout réaliste, et je n’arrêtais pas de le faire remarquer mais personne ne semblait voir de problème (rires) !
Comment s’est passée la réalisation de votre premier film Le Goût des autres (2000) ?
A.J. : Le premier tournage en tant que réalisatrice a été très intense. Premièrement, le processus est très fatiguant, et puis je me suis trouvée un peu dépassée car le film avait une certaine ampleur, il y avait beaucoup d’argent en jeu. Mais tout s’est bien passé parce que j’avais bien choisi mon équipe. Je m’étais entourée de personnes avec qui je m’entendais bien, ce qui a facilité mon travail de direction.
Avez-vous l’impression que votre pratique du jeu vous fait diriger autrement les acteurs ?
A.J: Oui je pense que ça change beaucoup de choses. On est forcément plus compréhensifs et attentifs aux acteurs.ices. Je crois même que tous les réalisateurs.ices devraient avoir expérimenté un peu de tous les corps de métiers auxquels ils sont confrontés sur un plateau. Il faudrait que chacun expérimente ce que fait l’autre ne serait-ce qu’une journée, à mon sens c’est vraiment nécessaire.
Le fait que vous soyez passé à la réalisation après avoir commencé le jeu très tôt, est-ce que cela traduit une envie de contrôle ? Une envie de se donner le rôle qu’on nous a pas écrit, par exemple ?
A.J. : Oui, tout à fait. Comme je l’ai dit, j’avais besoin de m’exprimer par tous les moyens donc multiplier les supports m’a paru naturel. Mais il est vrai que du point de vue des rôles donnés aux femmes au cinéma, on est encore surpris de voir le nombre de films qui ne passent pas le test de Bechdel. Il y a peu de rôles féminins approfondis et qui ne tournent pas autour de la séduction. L’impératif de la séduction est quelque chose que j’ai ressenti au théâtre aussi. On demandait aux actrices de prendre des voix caressantes par exemple. J’ai le sentiment d’avoir un peu échappé à tous les rôles très sexualisants dans lesquels certaines de mes amies ont été enfermées. Peut-être que je n’avais pas le je-ne-sais-quoi qu’il fallait, mais cela m’a permis d’être autre chose.
Ça y est ! Voici le détail des séances de courts-métrages qui seront diffusés dans le cadre du Festival Format Court 2023. Les projections auront lieu au Studio des Ursulines (Paris 5e) du jeudi 13 avril au dimanche 16 avril, en présence d’une cinquantaine d’invités (jurys & équipes).
Consultez le programme de l’événement disponible en ligne. Découvrez près de 30 pages détaillant l’intégralité de la programmation du festival pour repérer, en un coup d’œil, les séances à ne pas manquer.
4 programmes en compétition ainsi que 3 séances thématiques composent cette quatrième édition parrainée par Bastien Bouillon. Une soirée d’annonce du palmarès et une projection d’une sélection de films récompensés ponctueront le festival.
Toutes les informations relatives à cette semaine de festival (programmes, infos) seront publiées régulièrement sur nos réseaux sociaux.
Partir un jour d’Amélie Bonnin, fiction – 24’ – France – Topshot Films – César du meilleur court-métrage de fiction 2023
Moha de Bastien Bouillon, fiction – 21’ – France – Topshot Films – Prix du Jury, Festival du film franco-arabe de Noisy-le-Sec 2021. En présence du réalisateur
Jeudi 19 de Raphaël Holt, fiction – 9’ – France – ENS Louis-Lumière – Sélectionné au Festival de Clermont-Ferrand 2012
Jour et nuit de Mélanie Matranga, fiction – 13’ – France – Misia Films – Sélectionné au Festival de Clermont-Ferrand 2021. En présence de la réalisatrice et de la productrice Violeta Kreimer
Hors-saison de Francescu Artily, fiction – 14’ – France – Mouvement – Sélectionné au Festival de Clermont-Ferrand 2023. En présence du réalisateur
Lino d’Aurélien Vernhes-Lermusiaux, fiction – 28’ – France – Noodles Production – Sélectionné au Festival Côté Court 2022. En présence du réalisateur et du producteur Brice Ranvel
Écorchée de Joachim Hérissé, animation – 15’ – France – Komadoli studio – Présélectionné au César du court-métrage d’animation 2023. En présence du réalisateur
Ville éternelle de Garance Kim, fiction – 20’ – France – Autoproduction – Grand Prix du Jury ex-aequo au Festival d’Angers 2023.En présence de la réalisatrice
La Première de Nadav Lapid, expérimental – 8’ – France – Furyo Films – Sélectionné au Festival de Locarno 2022.En présence du réalisateur et de la comédienne Naama Preis
Sami la fugue de Vincent Tricon, fiction – 25’ – France – Barney Production – Présélectionné au César du court-métrage de fiction 2023. En présence du réalisateur
En présence de Ludivine Sagnier, comédienne et Présidente du fonds court-métrage (2018-2022), de Carine Rolland, adjointe à la Maire de Paris en charge de la culture et de la ville du quart d’heure, et d’Aurélie Filippetti, Directrice des affaires culturelles de la Ville de Paris
L’Endroit idéal de Brigitte Sy, fiction – 30’ – France – Mezzanine Films – Sélectionné au Festival de Clermont-Ferrand 2009. En présence de la réalisatrice
Le Repas dominical de Céline Devaux, animation – 14’ – France– Sacrebleu Productions – César du meilleur court-métrage d’animation 2016
L’Attraction des astres de Aurélia Morali, fiction – 20’ – France– Pitchaya Films, Elinka Films. En présence de la réalisatrice
Sur la tombe de mon père de Jawahine Zentar, fiction – 24’ – Maroc, France– offshore, Mont Fleuri Production – Grand Prix au Red Sea Film Festival 2022. En présence de la réalisatrice
Masques d’Olivier Smolders, documentaire – 23’ – Belgique – Le Scarabée ASBL – Sélectionné au Festival de Clermont-Ferrand 2022
Tête de brique d’Alexis Manenti, fiction – 22’ – France – Artisans du Film – Sélectionné au Festival de Gand 2022. En présence du réalisateur
Ne pleure pas Halima de Sarah Bouzi, fiction – 15’ – France – Autoproduction – Grand Prix du Jury ex-aequo Festival d’Angers 2023.En présence de la réalisatrice et de la productrice Johanna Makabi
Riad de Yann Verburgh, fiction – 14’ – France – Apaches Films – Sélectionné à Un Festival C’est Trop Court (Nice) 2022
Sèt Lam de Vincent Fontano, fiction – 23’ – France – Dobro Films – Sélectionné au Festival de Clermont-Ferrand 2023. En présence du producteur Martin Mauvoisin
En présence d’Anna Henckel-Donnersmarck, responsable de Berlinale Shorts
« Les Chenilles » de Michelle Keserwany et Noel Keserwany
One Thousand and One Attempts to Be an Ocean de Yuyan Wang, documentaire, expérimental – 11’ – France – Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains – Sélectionné en compétition internationale à la Berlinale en 2021
Easter eggs de Nicolas Keppens, animation – 14’ – Belgique, France, Pays-Bas – Animal Tank, Miyu Productions, Ka-Ching Cartoons– Présélectionné au César du meilleur court-métrage d’animation 2022
Jill, Uncredited d’Anthony Ing, documentaire – 18’ – Royaume-Uni, Canada– Loop – Sélectionné à la Berlinale 2023. En présence du réalisateur
Les Chenilles de Michelle Keserwany et Noel Keserwany, fiction – 30’ – France – Dewberries Films, La Biennale de Lyon – Ours d’or du meilleur court-métrage à la Berlinale 2023. En présence de Michelle Keserwany et de la productrice Marine Vaillant
« La Vie sexuelle de mamie » d’Urška Djukić et Émilie Pigeard
Rapide de Paul Rigoux, fiction – 24’ – France – Le GREC – Prix du Public au Festival d’Angers 2023. En présence du réalisateur et des comédiens Edouard Sulpice, Mélodie Adda et Abraham Wapler
Binge loving de Thomas Deknop, fiction – 22’ – Belgique – DENZZO – Sélectionné au Palm Springs ShortFest 2022. En présence du réalisateur
Snow in september de Lkhagvadulam Purev-Ochir, fiction – 19’ – France, Mongolie – Aurora Films, Guru Media – Prix du meilleur court-métrage aux festivals de Venise et de Toronto 2022. En présence de la productrice Katia Khazak
Brandon Roi de Romain Jaccoud, fiction – 15’ – Suisse – Autoproduction – Sélectionné au Festival de Locarno 2022. En présence du réalisateur
La Vie sexuelle de mamie d’Urška Djukić et Émilie Pigeard, animation – 14’ – France, Slovénie – Ikki Films, Studio Virc – César du meilleur court-métrage d’animation 2023. En présence de la réalisatrice Émilie Pigeard
Aaaah ! d’Osman Cerfon, animation – 4’ – France – Miyu Productions – Sélectionné au Festival de Berlin (Génération) et à Clermont-Ferrand 2023
Maria Schneider, 1983 d’Elisabeth Subrin, documentaire – 24’ – France – 5A7 Films – César du meilleur court-métrage documentaire 2023. En présence de la productrice Helen Olive
Scale de Joseph Pierce, animation – 15’ – France, Angleterre – Melocoton Films, Bridge Way Films, endorfilm, Ozú Productions – Sélectionné à la Semaine de la Critique2022
Trois Grains de gros sels d’Ingrid Chikhaoui, fiction – 26’ – France – Les Films Norfolk – Sélectionné au Festival de Clermont-Ferrand 2022. En présence de la réalisatrice
Les Grandes vacances de Valentine Cadic, fiction – 25’ – France – Les Filmeuses – Présélectionné au César du court-métrage de fiction 2023. En présence de la réalisatrice
Soirée Palmarès, remise des prix par les jurys et projection d’une sélection des courts primés, dimanche 16 avril, 19h. Séance gratuite !
En pratique
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
– Billetterie sur place et en ligne
– Tarifs : plein tarif : 8,50€, tarif réduit : 6,80€, – de 15 ans : 5€. Cartes UGC Illimité et cartes de fidélité des Cinémas Indépendants parisiens acceptées. Achats en ligne majorés de 0,40€ par place (frais de gestion)
Enfin ! Des mois ont passé et nous voici enfin prêts – et impatients – à vous retrouver en salle pour la quatrième édition du Festival Format Court, organisé du jeudi 13 au dimanche 16 avril prochain au Studio des Ursulines (Paris, 5e). Cette année encore, l’on portera aux nues le court dans toute sa diversité ; de l’animation à l’expérimental en passant par la fiction et le documentaire. Le court se décline et ne se ressemble jamais. Le détail de notre programmation 2023 est à retrouver sur notre site et nos réseaux. D’ores et déjà, vous pouvez bloquer nos dates dans votre agenda et venir très nombreux, nombreuses !
* Coup d’envoi ce jeudi 13 avril à 19h au Studio des Ursulines (Paris 5e) pour la soirée d’ouverture en compagnie de l’acteur et réalisateur Bastien Bouillon, parrain de l’édition 2023 ! Aperçu dans La Guerre est déclarée de Valérie Donzelli, Le Beau Monde de Julie Lopes-Curval, Jumbo de Zoé Wittock, Debout sur la montagne de Sébastien Betbéder, il travaille également plusieurs fois avec Dominik Moll, dans Seules les bêtes en 2019, puis pour le rôle principal de La Nuit du 12, rôle pour lequel il a obtenu récemment le César du meilleur espoir masculin. Habitué du court-métrage, il a réalisé en 2020 son premier court-métrage, Moha.
Partir un jour d’Amélie Bonnin. Fiction – 24’ – France – Topshot Films – César du meilleur court-métrage de fiction 2023. Prix du Jury, Festival du film franco-arbe de Noisy-le-Sec 2021
Le bac en poche, Julien a quitté sa ville natale pour se construire une vie plus grande à la capitale, laissant ses souvenirs derrière lui. Et puis un jour, il faut revenir, et ce jour-là ses souvenirs lui sautent au visage, entre deux paquets de pépitos.
Moha de Bastien Bouillon. Fiction – 21’ – France – Topshot Films – En présence du réalisateur
Moha et Lucie ont vécu un grand amour. Aujourd’hui, ils sont séparés. Moha ne sait pas comment survivre à cette rupture. Parfois, il suit Lucie, qui a rencontré Martin.
Jeudi 19 de Raphaël Holt. Fiction – 9’ – France – ENS Louis-Lumière – Sélectionné au Festival de Clermont-Ferrand 2012
C’est son anniversaire, vingt-trois ans, Bastien a le cafard. Il est passé se changer dans l’appartement où il vit avec sa grand-mère, Martine. Il semble qu’elle cache quelque chose, elle tourne en rond dans le petit appartement parisien. Bastien se referme, travaillé par ses soupçons sur une lettre qui lui était adressée dans une enveloppe sans timbre. Une lettre qui pourrait réouvrir des blessures et déverser les torrents du passé.
Jour et nuit de Mélanie Matranga. Fiction – 13’ – France – Misia Films – Sélectionné au Festival de Clermont-Ferrand 2021. En présence de la réalisatrice et de la productrice Violeta Kreimer
Quatre jeunes gens, Bastien, Théo, Jeanne et Han, se retrouvent dans un restaurant chinois. Jeanne parle beaucoup, surtout d’elle, Han, jeune immigrée chinoise, cherche encore un endroit où dormir, mais n’en laisse rien paraître. Les deux garçons se toisent, observent les filles…
Hors-saison de Francescu Artily. Fiction – 14’ – France – Mouvement – Sélectionné au Festival de Clermont-Ferrand 2023. En présence du réalisateur
Un caméraman réalise des images de cartes postales pour le compte d’une société de production audiovisuelle. Abîmé par son absence de désir dans le vide d’une routine tenace, il traverse en solitaire des paysages à la recherche du meilleur panorama. Un voyage où l’image se transforme en protagoniste d’une quête existentielle.
En pratique
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
– Billetterie sur place et en ligne
– Tarif plein : 8.50€, tarif réduit : 7€ Carte UGC illimité,carte des Cinémas Indépendants Parisiens + toutes les contremarques acceptées par le cinéma. Achats en ligne majorés de 0,40€ par place
Après avoir annoncé la semaine passée le Jury professionnel de notre festival (13-16 avril, Studio des Ursulines), voici la composition de notre Jury presse qui aura pour mission de décerner le Prix de la presse à l’un des films en compétition.
Ex-rédactrice en cheffe de la rubrique cinéma de Maze.fr, Diane Lestage est journaliste et critique pour Maze et FrenchMania. Membre du Syndicat de la critique de cinéma, elle est animée par l’émergence artistique et s’intéresse de près aux premiers films et à celle.eux qui les font.
Raphaël Clairefond est rédacteur en chef du magazine SOFILM, pour lequel il travaille depuis sa création en 2012. En 2017, il coécrit De sas en sas, premier long-métrage de Rachida Brakni (Capricci production/distribution). Il est également coauteur de Un détective à Hollywood, documentaire 26′ réalisé par Marc Cortès (diffusion Ciné+) et participe au comité court-métrage de la Mairie de Paris.
Marie Misset a commencé sa carrière en 2008 à Radio Nova où elle a présenté plusieurs émissions autour de la culture, du futur et des nouvelles technologies entre 2012 et 2019 avant d’en prendre la direction en chef en 2019. Elle a également participé et réalisé la revue de presse dans la matinale d’Edouard Baer Plus près de toi en 2016 et 2017.
De 2018 à 2021, elle a repris la présentation et l’animation du podcast Vieille Branche où elle s’entretenait avec des personnes âgées et reconnues dans leur domaine pour évoquer avec eux leur parcours et leur rapport à la vieillesse. Depuis août 2021, elle est directrice de la rédaction de Konbini.
David Bola est journaliste, producteur et animateur à Radio Nova, il prend l’antenne chaque jour de la semaine de 9h à 12h dans Alpha Beta Nova et signe l’émission documentaire hebdomadaire La Traque, réalisée par Melvin Schlemer, qui examine les lieux qui ont accompagné l’histoire de la musique.
Après des études de cinéma et de journalisme culturel à Paris 3, Quentin Grosset devient journaliste à Trois Couleurs, le mensuel de cinéma édité par mk2, et pige à TRAX, biannuel nuits et cultures alternatives.
La 95ème cérémonie des Oscars a eu lieu cette nuit. Sur les 15 titres retenus en fiction, animation et documentaire, 3 courts-métrages ont été distingués par l’Académie.
Oscar du meilleur court-métrage de fiction : An Irish Goodbye de Tom Berkeley et Ross White (Irlande)
Oscar du Meilleur court-métrage documentaire : The Elephant Whisperers de Kartiki Gonsalves (Inde, Etats-Unis)
Oscar du Meilleur court métrage d’animation : The Boy, the Mole, the Fox and the Horse de Peter Baynton et Charlie Mackesy (Royaume-Uni)
Mention Spéciale à Berlin 2023, It’s a Date est un film ukrainien de 5 minutes. Tourné à Kiev dans des conditions particulières, il s’inspire du court C’était un rendez-vous de Claude Lelouch, tout en s’ancrant dans l’actualité de la guerre. Sa réalisatrice Nadia Parfan vient du documentaire, son film raconte en quelques minutes le chemin parcouru en moto d’une femme cherchant à retrouver son amoureuse, à travers la ville et malgré le conflit, dans l’urgence du présent et l’incertitude du lendemain. Lors de notre échange, Nadia Parfan, évoque sa responsabilité de cinéaste en temps de guerre et son travail de programmatrice en ligne.
Format Court : Le court-métrage de Claude Lelouch s’appelle C’était un rendez-vous, il se conjugue à l’imparfait, et le tien, It’s a Date, est actuel. Qu’est-ce qui vous a intéressé dans le film de Lelouch et donné envie de lui rendre hommage ?
Nadia Parfan : Son film date de 1976. Quand je l’ai vu pour la première fois il y a longtemps, je l’ai juste aimé, il m’a beaucoup impressionnée. Après, quelque chose s’est passé : mon mari et producteur Ilia (Gladshtein) a acheté une motocyclette. Moi, je ne conduis pas, je n’ai pas mon permis. Un jour qu’il conduisait, en étant sur le siège passager, j’ai observé la ville et l’expérience était magnifique, très cinématographique et très novatrice. A moto, on est au centre de la route et on n’a pas de cadre. Dans une voiture, on a les fenêtres, mais à deux roues, c’est comme une immersion à 360º dans la ville.
J’ai toujours aimé Kiev, c’est ma ville, mais j’ai vu sa beauté d’une façon très spéciale en étant à moto. J’étais vraiment impressionnée, c’était comme aller au cinéma, et j’ai commencé à y penser il y a 6 ans. Je me suis souvenue du film de Lelouch. J’ai commencé à me dire que je voulais filmer une histoire du même genre à Kiev. J’ai parlé à tous les techniciens que je connaissais, mais il est devenu vraiment compliqué de tourner un film de ce genre en Ukraine. Quand l’invasion à grande échelle, ce qu’on appelle « la grande guerre » a commencé, je me suis rendue compte que peut-être il n’y aura plus de films en Ukraine, Peut-être que je ne pourrai plus tourner, que je devrai devenir soldate, infirmière, ou faire quelque chose de complètement différent. Avant ça, je voulais vraiment réaliser ce film car c’était mon rêve. J’ai réévalué mon rapport avec Kiev qui était quasiment occupée. On pouvait la perdre. Cette ville est très importante pour moi, mon premier tatouage (elle montre son bras) lui est dédié. Je me suis rendue compte que j’étais très enracinée dans cet espace. C’est de là que vient mon inspiration du film de Lelouch.
« C’était un rendez-vous »
Son film est tourné dans un Paris vide, très tôt le matin. Connaissais-tu ses conditions de tournage ?
N.P. : Je connais très bien le film, je l’ai étudié très attentivement ! Un documentaire a été fait dessus. Je pense que toute mon équipe sait exactement comment Lelouch a fait le son, comment il a conduit, quelle caméra il a utilisée. Nous avons fait des recherches. Il conduisait lui-même une voiture de sport. Je crois qu’il a eu une amende pour excès de vitesse, il était censé aller en prison parce qu’il avait enfreint les règles, mais le policier l’a reconnu, il était déjà célèbre à l’époque, et il n’a pas été inquiété.
Est-ce que cette idée d’enfreindre les règles est quelque chose qui résonne en toi ?
N.P. : Pas exactement. Nous aussi, on a enfreint les règles, ce n’était pas complètement légal de tourner mais pour notre film, on a dû collaborer avec la police. Nous ne l’avons pas fait dans son intégralité mais des policiers nous ont aidés et quelques routes ont été bloquées pour le tournage. Pour moi, le film de Lelouch est un classique du XXème siècle sur un homme très masculin, aventureux, pressé, attendu par une belle blonde. Mon film remet en question cette envie parce qu’aujourd’hui, les gens qui sont en guerre et entre la vie et la mort n’ont pas la possibilité de sortir avec leurs amoureux.ses. Ils ne se voient pas depuis des mois, une année et le principe de la rencontre est très important. Ils ont très peu de temps aussi. La guerre fonctionne à différents niveaux et elle vole ton temps, elle vole ta vie. Un rendez-vous normal entre un homme et une femme à Paris, c’est une chose. Mais il faut imaginer la précipitation qu’il peut y avoir en Ukraine, spécialement pour des rendez-vous entre personnes queer qui sont sur la ligne de front, comme je le montre dans mon film. Pour moi, c’était ça le sujet et pas la question de la conduite vu que je ne conduis même pas.
Concrètement, nous avons commencé à faire beaucoup d’essais et de répétitions à « l’heure bleue », une heure très spécifique à l’aube. C’était vraiment compliqué parce qu’on est dans un contexte de guerre, on a un couvre-feu, on ne peut pas être dans la rue entre 23h et 5h. On devait donc se réveiller pile à l’heure, pas plus tôt parce que ce n’est pas autorisé, et pas plus tard à cause de la lumière et de la circulation. Nous ne pouvions pas bloquer les routes pendant le temps nécessaire du tournage. J’ai passé un mois entier à me réveiller très tôt le matin pour faire des essais. On a testé la route, la caméra, les objectifs, les axes, la vitesse, les intersections,… Ca a représenté beaucoup de préparation pour un film de 5 minutes !
« It’s a Date »
Dans ton film, on voit Kiev. Ca fait du bien de voir la ville.
N.P. : Oui. Paris est un point de repère. Tout le monde en Ukraine sait à quoi ressemble Paris. Avant même d’y aller, les gens connaissent la ville grâce au cinéma. Je pense que Kiev est aussi une ville très charismatique avec un charme à part. La ville est magnifique et mérite d’être montrée à l’écran, c’était ça mon intention en montrant, sur le passage de la moto, les églises, le paysage, les collines verdoyantes.
Comment la culture continue-t-elle d’exister, de rester vivante dans le pays ?
N.P. : En 2014, au moment de la Révolution, les gens ont perdu la vie au nom de la démocratie. Nous sommes une jeune nation et nous avons dû nous battre pour notre identité, menacée. Après 2014, la culture ukrainienne a commencé à s’épanouir. Nous avons eu beaucoup de nouvelles productions cinématographiques brillantes, c’était à la hausse jusqu’à l’invasion. Malheureusement, la production elle-même s’est arrêtée, mais certains films qui ont été produits plus tôt sortent maintenant, alors nous continuons à nous nourrir des années précédentes. Il y a des films ukrainiens à Cannes, distribués en France, ce qui est important car la France est un acteur important. Ce qui se passe maintenant, c’est que les grandes productions de films de fiction se sont arrêtées. Des productions indépendantes à plus petite échelle continuent toujours, comme des courts-métrages et des documentaires, ce qui est naturel car nous avons devant nous des histoires qui se déroulent mais que nous ne pouvons pas scénariser.
Il est très important pour nous, en tant que programmateurs, de montrer des films, de vivre une vie normale et de donner aux gens la possibilité de faire la même chose. Tout ce qui est normal, tout ce qui est décent est une victoire. Les Russes veulent que nous mourions, que nous souffrions, mais aussi que nous n’ayons pas une vie normale. L’Ukraine est un pays, traversé par la culture, plein de hipsters, d’amateurs de musique et de cinéma. Quand les cinémas ont rouvert en mai-juin, trois mois après l’invasion, après le départ des troupes russes et que nous nous sommes stabilisés, ça a été une bénédiction. Les gens étaient si heureux de se retrouver. Je pense que c’était un peu similaire à l’expérience post-Covid, mais en Ukraine ça n’a pas été si dur, les gens n’ont jamais été tant isolés que ça.
Nous voyons donc cela comme notre mission de montrer des films et de fournir un espace pour que les gens réfléchissent, se rassemblent. Cela a eu un effet cathartique d’autant plus que c’était une période très difficile et stressante pour tout le monde.
Où projetez-vous ces films ?
N.P. : Actuellement, je suis chargée du cinéma en ligne Takflix. C’est la plus grande collection de films ukrainiens. Nous ne programmons que des films à valeur artistique, pas des films commerciaux.
Tu parlais de catharsis collective.
N.P. : Ilia a un petit cinéma à Kiev qui s’appelle Kino42. Parfois, on fait appel à des programmateurs. On organise des événements ensemble à Kiev et dans d’autres villes. Les salles indépendantes fonctionnent en capacité réduite. Elles s’adaptent à la réalité, aux coupures d’électricité. Dans le cinéma de Llia, il y a des groupes électrogènes, les films ne s’arrêtent donc pas pendant les ruptures de courant. Le lieu est au sous-sol, il fonctionne comme un abri. C’est un espace sécurisé. C’est incroyable parce qu’on est dans un espace où les missiles russes ne nous frappent pas. On a de l’énergie électrique et on peut voir de beaux films. On peut avoir un rencard, rencontrer des gens… Plusieurs militaires, notamment certains de mes amis qui sont sur la ligne de front à des postes très durs, me disent : « La première chose que je ferai quand je serai à Kiev, c’est d’aller dans ton cinéma et de regarder un film ». Je leur réponds qu’ils sont les bienvenus et ils viennent !
Tu évoques les histoires inspirées par le réel. En même temps, quand on est englué dans un moment difficile comme une guerre, c’est nécessaire de s’éloigner. Ce n’est pas si simple de tourner comme ça, de créer une histoire, d’avoir un point de vue, une certaine distance avec son sujet.
N.P. : Je ne peux parler que de mon point de vue. Les gens ont des approches différentes à ce sujet. Pour moi, c’est très difficile de faire des films en temps de guerre parce que tu es complètement éloignée et affectée par tout ce qui se passe. Pour réaliser, il faut être calme et stable, mais tu es tellement perturbée que tu n’arrives pas à faire quoi que ce soit. Etrangement, j’ai fait un rêve prophétique où une force étrange m’a envoyé un film qui s’appelle I Did Not Want to Make A War Film. Ca a été thérapeutique pour moi de faire ce film et d’acquérir cette distance à travers les objectifs de la caméra. C’est un film très intime, un journal, le genre de film que je ne ferais jamais. Avant la guerre, je me serais dit : « Quoi ? Un film portrait, un journal intime ? Tu n’es pas une réalisatrice ? Fais quelque chose de plus fort ». Je me suis en fait rendue compte que la guerre ne te donne pas le choix, alors je me suis sentie dans l’obligation de faire ce film. J’ai choisi de faire un film très intime et, à travers cette expérience, j’ai voulu raconter quelque chose d’universel sur la façon dont la guerre influence ton quotidien. C’était cela mon choix – les histoires personnelles – parce que cela touche tout le monde. Il n’y a personne en Ukraine qui n’est pas affecté par cette guerre. Je voulais le montrer avec mes merveilleux collègues qui font des films magnifiques. Beaucoup de monde filmait déjà avant le 24 février (2022, le début de l’offensive russe en Ukraine), mais la guerre a dramatiquement changé les récits. Au début, tu es choquée et stressée, mais, en tant que cinéaste, c’est ton instinct et aussi ta mission de documenter cette réalité parce qu’il faut témoigner des crimes de guerre. Il y a beaucoup de propagande russe qui est très sophistiquée, qui fonctionne auprès des intellectuels. Les Russes manipulent de façon extraordinaire, ils dépensent énormément d’argent dans ce but. Nous, les Ukrainiens, nous faisons beaucoup, mais parfois nous avons besoin du pouvoir de l’art pour raconter la vérité. C’est notre mission. C’est toujours difficile de garder l’équilibre, mentalement et physiquement. Je peux te dire que c’est un cauchemar d’organiser la production d’un film avec des coupures électriques.
Beaucoup de gens sont paralysés, beaucoup font du bénévolat comme personnel médical par exemple. Tout le monde a trouvé son chemin parce que ça fait un an maintenant que la guerre a débuté. Beaucoup de nos collègues sont partis à la guerre, quelques uns sont décédés. Viktor Onysko, un excellent monteur ukrainien, est mort, son surnom à l’armée était Tarantino. Le protagoniste de mon premier film est mort aussi. Ils ont défendu mon existence et aussi mon droit de faire des films, alors il faut que j’en fasse pour les honorer.
C’est la deuxième fois qu’Azadeh Moussavi a présenté l’un de ses courts-métrages au Festival de Clermont-Ferrand. 48 Hours date de 2022, The Visit a été réalisé en 2020. Cette cinéaste passée par le documentaire parle de ce qu’elle connaît : la prison, la séparation, la souffrance au sein d’une même famille. Ses films s’inspirent de sa vie et du passé de son père journaliste emprisonné en Iran quand elle n’était encore qu’une enfant. Au moment de notre rencontre, le cinéaste Jafar Panahi venait de commencer une grève de la faim (depuis, il a été libéré). De passage en France, Azadeh Moussavi défend comme son aîné la jeunesse, la société, les femmes et le courage.
Format Court : Tes films sont très autobiographiques..
Azadeh Moussavi : Mes films sont liés à moi. Quand j’avais 3 ans, mon père, qui était journaliste, est allé en prison à cause de ses articles. A ce moment-là, la situation en Iran était compliquée, il y avait beaucoup d’exécutions et un enfant qui commence à connaître ses parents sent des choses. Nous étions très inquiets pour mon père. Il a été en prison durant deux années mais, pour moi, ça n’a pas duré que ce temps-là car ça continue de nous impacter aujourd’hui. De mon ressenti, une personne allant en prison, surtout un prisonnier politique, ce n’est pas juste quelqu’un d’emprisonné. C’est toute une famille qui est impactée par cela. C’est le cas pour la nôtre. Par cela, j’avais envie de raconter cette situation qui me préoccupe et qui agit comme une thérapie. J’ai écrit trois histoires et j’ai réalisé pour l’instant les deux premières (The Visit et 48 Hours). La troisième suivra. Quand j’ai commencé à écrire le scénario de 48 Hours, je me suis demandé si je devais faire ce film car il s’agissait de mon histoire et qu’elle était liée à la révolution qui a fait de l’Iran une République islamique, je me suis dit que ça pouvait être un sujet déjà ancien. Je me suis rendue compte qu’il était encore très présent dans notre société iranienne.
Actuellement, ma génération parle de politique en souhaitant simplement une société libérée, mais nous sommes considérés comme des protagonistes sur le plan politique. Aujourd’hui, c’est la première fois que je participe à un festival international sans foulard et je ne sais pas si dès mon retour en Iran, j’aurais des problèmes à cause de ce geste social. Ça me rappelle la situation de mon père, je suis là pour agir et faire ma politique tout en risquant potentiellement des conséquences qui me porteront préjudice.
Avant 48 Hours, tu as réalisé The Visit. Dans ces deux films, on s’intéresse à un moment précis, presque ordinaire, d’une tranche de vie entre une mère et sa petite fille qui doivent faire face à l’incarcération de leur mari et père. Pourquoi ce choix de centrer le film autour de ce lien très fort ?
A.M. : La personnalité de ma mère était comme ça. Elle pensait que, quoiqu’il arrive, pour les enfants, tout devait être comme si de rien n’était. On pourrait la comparer aux personnages du film La vita è bella de Roberto Benigni qui se passe dans les camps mais où il s’agit de terrains de jeu pour l’enfant. Il y a des histoires, des choses qui arrivent dans notre vie et qui ont un impact très fort. La prison, pour moi, c’était cela. Mon père était en prison et il y a eu tellement de choses émotionnelles qui sont arrivées à notre famille, à moi-même et à ma mère, que ça perdure encore aujourd’hui.
« 48 Hours »
Dans quelle mesure cela peut encore avoir des conséquences ?
A.M. : Ma mère me dit à chaque fois : “on a commis des actes qui ont eu un impact sur notre vie; ton père est allé en prison, essaye de ne pas faire ce genre de choses”. Et si on me pose la question en tant qu’artiste vivant dans une société où la loi règne, on sait que si on commet un délit on peut aller en prison. En Iran, il n’y a pas de règles, on ne sait pas à quel moment on touche le gouvernement iranien et si c’est répréhensible ou non. En tant qu’artiste, je me pose tout le temps la question pour savoir si je peux faire ceci ou parler de cela car je n’ai pas envie de faire revivre la même chose à ma famille. C’est pour ça que c’est toujours là, avec moi.
Tu as fait du documentaire avant de réaliser des courts-métrages de fiction. Qu’est-ce que ce genre a pu t’apprendre, comment a-t-il formé ton regard ?
A.M. : Aujourd’hui, même si je fais de la fiction, toutes mes idées viennent du documentaire. C’est pour moi très important de garder ce lien avec la société et de me ressourcer dans des problématiques qui lui appartiennent. Je suis activiste bénévole dans plusieurs ONG et toutes mes histoires, mes écrits et mes réalisations, viennent d’histoires vraies. Je me sens toujours documentariste.
Est-ce que tu envisages de réaliser un long-métrage par la suite ? Est-ce que tu penses déjà à la manière dont tu pourrais récupérer des fonds pour le faire ?
A.M. : Oui, ça fait quelques années que j’envisage de faire deux scénarios de longs-métrages, mais je sais qu’aujourd’hui, en Iran, ce n’est pas possible car la situation de la société est très tendue. J’attends que ça se calme un peu. C’est pour ça que j’attends pour réaliser mes films, notamment ma troisième idée pour ma trilogie. Et pourquoi pas réaliser des documentaires jusqu’au moment où je pourrais constater que la situation est bonne pour réaliser mon film dans la continuité de mes courts-métrages.
Es-tu en contact avec la nouvelle génération qui souhaitent raconter la société iranienne d’aujourd’hui ou d’hier ?
A.M. : Je crois beaucoup en cette génération. C’est même elle qui a lancé le mouvement de “Femme, Vie, Liberté” en Iran. Ce sont des gens qui n’ont pas peur comme nous avons pu avoir peur. Je suis très optimiste pour l’avenir du cinéma et de la société iranienne. Il faut soutenir le cinéma indépendant iranien parce que le gouvernement met tout en œuvre pour étouffer les nouvelles voix.
« The Visit »
Est-ce que cet engagement n’est pas parfois trop lourd à porter au regard, par exemple, d’un Occidental qui peut t’identifier dès lors comme une porte-parole alors que ce n’est pas forcément ta revendication première ?
A.M. : Les revendications de la jeune génération en Iran, surtout vis-à-vis des femmes iraniennes, sont l’une de mes préoccupations. Mes films sont des préoccupations sur la société iranienne, c’est pour ça que je parle de ces sujets. Je pense que c’est le moment de dire ouvertement que ce sont des choses qui nous touchent et qu’on a envie d’en parler librement.
Tahereh Saeedi a récemment, dans une lettre destinée à son mari Jafar Panahi, témoigné de l’emprisonnement et de la difficulté de vivre la prison au quotidien. Comment as-tu accueilli cette lettre étant donné que tu traites d’aspects similaires dans ton cinéma ?
A.M. : Dans les deux films que j’ai pu faire, je n’ai jamais parlé directement de prisonniers mais de leurs familles, des femmes qui vivent avec eux. Cette lettre est bouleversante, c’est à ce moment-là qu’on voit la vie de ceux qui vivent avec les prisonniers, c’est un moyen de les mettre en lumière. J’ai toujours voulu faire des documentaires sur les gens qui sont en dehors des prisons, de m’intéresser à ceux qui sont impactés par ce départ-là.
La journaliste, ayant publié pour la première fois la photo de Mahsa Amini, et qui a par la suite déclenché le mouvement “Femme, Vie, Liberté”, est aujourd’hui en prison. Sa sœur jumelle, avec qui elle était très proche, est désormais un peu perdue dans la société et j’ai de ce fait l’envie de faire des films sur elle et cette situation. Le temps m’a manqué car tout va très vite lorsque quelqu’un est incarcéré, mais si je pouvais le faire je ne ferais que des documentaires sur ces gens-là.
Notre quatrième édition approche à grands pas : le Festival Format Court aura lieu du 13 au 16 avril prochain au Studio des Ursulines (Paris 5). L’intégralité de la programmation sera dévoilée d’ici peu. Voici d’ores et déjà la composition de notre jury professionnel qui évaluera les 20 films en compétition.
Guslagie Malanda est actrice et commissaire d’exposition indépendante.
Elle a fait ses débuts au cinéma dans le long-métrage Mon amie Victoria de Jean Paul Civeyrac pour lequel elle obtient le premier rôle.
En 2023, elle est nommée dans la catégorie « Meilleur Espoir Féminin » pour la 48ème cérémonie des César pour son rôle de Laurence Coly dans Saint Omer d’Alice Diop. Rôle qui lui vaut également d’être nommée au London Critics’ Circle Film Awards de la même année.
Romane Gueret, après des études de cinéma à la Sorbonne, fait ses premiers pas vers la réalisation en tant qu’assistante réalisatrice, assistante casting ou cadreuse.
En 2014, elle se rencontre Lise Akota à l’occasion du casting d’un long métrage, pour lequel elles auditionnent plus de 4 000 jeunes comédiens non professionnels pendant plusieurs mois.
En 2015, elles réalisent ensemble le court-métrage Chasse Royale, primé dans plusieurs festivals et qui remporte le prix Illy à la Quinzaine des Réalisateurs en 2016. Le film est ensuite nommé pour le César du meilleur court-métrage en 2017.
En 2018, elles co-réalisent le documentaire Allez garçon ! pour la collection Hobbies, diffusée en 2019 sur Canal+.
En 2020, leur web série Tu préfères, 10 épisodes de 7 minutes, est diffusée sur Arte puis sélectionnée au festival de Sundance.
C’est à l’été 2021 qu’elles réalisent leur premier long métrage, Les Pires, tourné à Boulogne-sur-Mer et qui remporte le Grand Prix Un Certain Regard au festival de Cannes 2022.
Valentin Hadjadj a composé la musique de plusieurs longs métrages tels que Close (Grand prix Cannes 2022, nommé aux Oscar et Golden Globes) et Girl de Lukas Dhont (Caméra d’or au Festival de Cannes en 2018), Rialto de Peter Mackie Burns et Un Monde Plus Grand de Fabienne Berthaud (tous deux sélectionnés à la Mostra de Venise en 2019), le film d’animation Avril et le Monde Truqué (Cristal du meilleur film à Annecy 2015), ainsi que pour une vingtaine de courts métrages.
Parallèlement au cinéma, Valentin multiplie les collaborations artistiques en composant pour des ballets (pour plusieurs créations du chorégraphe Jérémy Tran), des ciné-concerts (compositions sur les films de Méliès jouées récemment à l’Opéra de Lyon), des projets de réalité-virtuelle, des documentaires. Ces dernières années, Valentin a régulièrement été nommé et récompensé pour ses musiques dans les grands festivals et évènements européens : Les World Soundtrack Awards, le Monstra Lisbon FF, les Ensor, les Prix UCMF, les Prix France-Musique.
Hakim Mao est né et a grandi à Agadir, sur la côte Atlantique marocaine. Il a étudié le montage avant d’intégrer l’École Nationale Supérieure Louis Lumière en section Cinéma où il se forme à la lumière, au cadre, et où il écrit et réalise plusieurs courts métrages.
À la sortie, il développe un long métrage à l’atelier d’écriture Méditalents (Maroc), et travaille également comme intervenant en développement et consultant en écriture sur des courts et longs métrages au sein de la société Initiative Film.
Il a réalisé deux courts métrages, Babtou Fragile (2020) et Idiot Fish (2022) qui sera diffusé sur Arte dans Court-Circuit courant 2023 et développe actuellement son premier long-métrage.
Bruno Quiblier débute après des études de cinéma à l’université de Lyon, en 2006, comme assistant programmation court métrage au Festival Cinéma Tout Écran à Genève pour ensuite devenir responsable de la programmation court métrage en 2010.
Cette même année, il devient directeur de l’association lausannoise Base-Court qui œuvre à la distribution et la promotion du court métrage en Suisse. Base-Court organise différents évènements liés au court métrage comme la Nuit du Court de Lausanne ou le Court du Mois dans les cinémas de cinéma en Suisse. Depuis 2010, Base-Court organise Regards Neufs, programmation dans toute la Suisse de films en audiodescription et sous-titrage pour les personnes malvoyantes ou malentendantes. Il participe aussi à différentes commissions de sélection, Locarno (2013-2018), commission de sélection court métrage des César (2015-2020) ou lors du Short Film Corner au Festival de Cannes (2010-2019). Bruno Quiblier est membre fondateur de l’association suisse Proshort pour la défense du court métrage.
Le premier long-métrage de Valentina Maurel, Tengo Sueños Eléctricos, sort en salles le 8 mars avec Geko Distribution. Un film qui nous plonge dans les errances adolescentes de la jeune Eva et qui fut repéré en 2022 à Locarno, où il a décroché les Prix de la Meilleure Réalisation, de la Meilleure actrice (Daniela Marín Navarro) et du Meilleur Acteur (Reinaldo Amien Gutiérrez).
Eva a seize ans et des parents en plein divorce. Sa mère profite de l’héritage d’une vieille tante pour reconstruire sa vie autour d’un nouvel appartement, tandis que son père, éternel adolescent, squatte chez un ami en attendant mieux, ce qui ne vient jamais. Eva, bien entendu, préfère passer du temps avec ce « copain » pas si vieillissant qu’avec une mère aimante, mais ferme.
À partir de ce fil conducteur à première vue ordinaire, la caméra de Valentina Maurel nous entraîne avec conviction et précision dans les émois adolescents de cette Eva. Attentive au détail et à la vérité de son image, la cinéaste la filme au plus près, en plans très rapprochés. Le jeu sobre, sans pathos ni lyrisme inutile, de Daniela Marín Navarro qui incarne la jeune fille, permet aux spectateurs et spectatrices de se fondre en Eva. Les changements d’émotions de l’adolescence – colère, tristesse – sont joués avec simplicité, comme s’ils ne faisaient que glisser sur la jeune fille.
Car Eva, c’est avant tout une jeune fille qui, si elle est capable de révolte contre sa mère qui la surveille d’un peu trop près ou contre son père qui se débarrasse de son chat, semble avant tout suivre le cours de sa vie sans trop d’états d’âme. Ce jeu en mode mineur s’accorde à merveille avec l’esthétique globale du film, où la lumière laisse peu de place à l’éclat ou à la romantisation de cet âge difficile. La justesse, notamment, avec laquelle Valentina Maurel rend à l’écran la masturbation adolescente est à saluer : aucun romanesque dans cette recherche de satisfaction, aucun voyeurisme dans la façon de la filmer, un simple constat, sans commentaire. Cette attention simple à la réalité triviale et concrète de la sexualité féminine et adolescente fait de Tengo Sueños Eléctricos un excellent exemple de female gaze.
Ce choix est d’autant plus important qu’Eva connaît, dans le film, sa première fois avec un ami de son père. La tentation eût été forte, dès lors, de filmer cet événement comme un rite de passage, comme une histoire sordide ou un amour caché. Il n’en est rien : Eva accepte le rapport comme elle fait toute chose, avec une grande économie de mots et d’émotions apparentes.
La sobriété de l’actrice comme de la caméra ne s’accompagne nullement de froideur ou d’ennui. Bien au contraire, elle permet aux détails du quotidien, qui font la réalité d’un sentiment ou d’un acte, de s’incarner véritablement. Dès lors, l’identification au personnage, qui s’ancre dans cette trivialité, devient plus aisée.
Le female gaze ne se loge pas que dans ce refus de romantisation. Il définit l’intégralité du personnage d’Eva, déterminée face à ses premières injustices. Cette héroïne de tous les jours permet d’aborder, sans jamais sombrer dans le pathos ou dans le film à thèse, des questions d’actualité comme l’inceste, les rapports hommes-femmes ou la violence intra-familiale.
Ces thèmes et cette esthétique étaient déjà à l’œuvre dans les deux courts-métrages de Valentina Maurel, Paul est là (2016) et Lucia en el limbo (2018).
Le premier est son film de fin d’études de l’INSAS (Institut National Supérieur des Arts du Spectacle et des techniques de diffusion de la Fédération Wallonie-Bruxelles). Il s’intéresse également aux relations entre père et fille et à leurs potentielles dérives incestuelles à partir de la figure de Paul (Bart Cambier), qui débarque sans crier gare dans la vie de sa fille. ≠ court d’argent, il n’a d’autre choix que de se tourner vers son enfant qu’il avait perdue de vue. Comme dans Tengo Sueños Eléctricos, les relations entre parent et enfant sont par instants inversées, avec ce père à la dérive qui n’a d’autre bouée que sa progéniture. Les dialogues sont rares mais justes et le visage de Sarah Lefevre, qui joue la fille, s’impose également avec évidence. Remarqué à l’époque, Paul est là a reçu en 2017 le Premier Prix de la Cinéfondation au Festival de Cannes.
La filiation entre Tengo Sueños Eléctricos et Lucia en el limbo est plus évidente encore. Dans les deux films, nous suivons une jeune fille qui cherche à grandir hors des injonctions des adultes. Une difficulté se présente toutefois à la protagoniste de Lucia en el limbo, sélectionné à la Semaine de la Critique en 2019 : en dépit de ses seize ans, son cuir chevelu grouille de poux. Comment entrer dans le monde adulte quand sa tête est recouverte de parasites infantiles ? C’est là le problème, pas si anecdotique que cela, auquel est confrontée Lucia, tiraillée entre une mère qui cherche sans succès des remèdes aux poux et des amies qui lui enjoignent de coucher enfin avec un garçon pour entrer dans le monde des grandes. Comme dans Tengo Sueños Eléctricos, la jeune fille semble au premier abord traverser les événements avant, sans conflit aucun, de mener sa barque comme elle l’entend. Ana Camila l’incarne avec précision, tandis que Reinaldo Amien Gutiérrez, qui joue le père d’Eva dans Tengo Sueños Eléctricos, joue un voyeur de passage.
Il ressort de ces trois films une réalisatrice qui offre un regard singulier sur l’adolescence, dénué de poncifs et de pathos. Son absence de romantisation, sa précision et son sens du détail mènent à des films forts que l’on suit avec attention.
Le premier long-métrage de José Miguel Ribeiro, distribué par Urban Distribution, sort le 8 mars et nous plonge dans l’histoire terrible de l’Angola. Avec une animation magnifique et une histoire touchante, le réalisateur portugais signe un film saisissant sur la guerre civile qui a secoué le pays pendant près de 25 ans.
Nayola commence par un rêve, un homme nu court dans une forêt sombre et luxuriante, épuisé, il disparaît lentement dans la boue et, de son corps, pousse un grand mulemba. Les racines puissantes de l’arbre poussent du cadavre de la guerre et ses branches s’élèvent au ciel avec espoir.
Yara est la petite-fille de Lelena et la fille de Nayola. L’histoire de la guerre civile parcourt l’histoire de cette famille de femmes. En effet, Nayola n’est jamais revenue de la guerre où elle était partie à la recherche de son mari disparu. Malgré la paix, son périple parmi les atrocités de la guerre ne l’a pas épargnée et le retour n’est plus possible. Elle laisse seules sa mère et sa fille, Yara, jeune adolescente qui ne tient pas sa langue dans sa poche. Avec son rap, elle lutte contre le régime autoritaire qui gangrène le pays. Dans ce film, le passé et le présent se croisent sans cesse et font sens de l’histoire collective comme des histoires individuelles.
Le film propose une réflexion intelligente à propos de la guerre civile dans des dialogues poétiques sur la résistance ou dans des scènes fortes en significations. Les luttes dont nous venons, celles de nos parents, celles de nos grands-parents, coulent dans nos veines. Tragiquement les douleurs aussi, en témoignent des scènes de rêve poignantes que Yara raconte. La famille réunit avant tout, que ce soit par amour ou par discipline – en témoigne une scène du film où un neveu et son oncle se retrouvent mais dans des camps différents. Malgré la séparation, Nayola et Yara ont tout en commun, leur soif de liberté, de justice, leur énergie rebelle, leur goût de la musique.
Nous sommes entraînés par l’énergie folle de ces personnages féminins dans des décors tout aussi fous. L’animation de José Miguel Ribeiro ne manque pas d’envergure. Le réalisateur était déjà célèbre pour ses courts-métrages d’animation où son audace pour des images innovantes avait marqué les esprits. Dans Sortie de dimanche, les personnages d’une famille étaient de toutes les formes et en 3D. Alors que dans Fragments, le réalisateur aborde un style plus sobre pour un sujet plus grave : il utilise le dessin et la prise de vue réelle pour raconter la souffrance d’anciens soldats. Dans nombreux de ses courts-métrages, le réalisateur excellait en stop-motion. José Miguel Ribeiro a expérimenté tous les styles graphiques et il use de cette expérience dans Nayola.
De grands aplats de couleurs vives et intenses et de textures riches font revivre les paysages de l’Afrique de l’Ouest à l’écran. Le film ne laisse pas de répit, tantôt nous sommes dans le rêve angolien, tantôt dans les ravages de la guerre civile. Les paysages urbains ne manquent pas d’ampleur non plus, Nayola est plongé dans les dédales des villes détruites. Le pays est à démolir et à reconstruire, comme ces façades en azulejos qui racontent la vie des peuples noirs du pays, vestiges de la colonisation portugaise que Nayola détruit avec rage. Dans cette folie, seule la nature semble garder sa puissance. Les grands mulemba sont des refuges pour le cœur de ceux qui ont perdu leur famille et leur pays. Le périple de Nayola aboutit dans le désert de Namibie, lieu magique et guérisseur.
La mise en scène impressionnante ne nous épargne pas sur l’épouvante des combats, pourtant le film raconte la guerre civile avec de la douceur. Les dessins du réalisateur, les personnages forts et tendres et surtout la musique rythment le film. Avec une animation magnifique, une musique inspirante et une histoire touchante, ce film est un hommage à la résistance humaine et aux luttes politiques pour la liberté.
Enfin, au cœur du film, la musique accompagne les personnages. Elle adoucit les peines, réconcilie les cœurs autant qu’elle véhicule la résistance et permet la lutte. Les musiciens David Zé, Mário Rui Silva et surtout, le célèbre Bonga qui chante pour son enfant poursuivi, “mona mona muene” dans le titre Mona Ki Ngi Xica dont la mélancolie nous rappelle que la lutte n’est jamais terminée, qu’elle se transmet de mère en fille et qu’elle nous accompagne dans l’amour et la peine. Nayola nous apprend que la lutte pour la liberté n’est pas la seule à couler dans nos veines de générations en générations, la musique, elle aussi, nous est portée par nos ancêtres, pour nous guider.
Le deuxième long-métrage de Lukas Dhont, Close, lauréat du Grand Prix au festival de Cannes, multi-primé aux Magritte et nommé aux Oscars 2023, est sorti aujourd’hui en DVD, édité par Diaphana. Le premier long-métrage du réalisateur belge, Girl, avait déjà connu un grand succès public et critique, et s’était vu récompensé par de nombreux prix dont la Caméra d’or au festival de Cannes en 2018. Lukas Dhont se focalise ici sur le passage de l’enfance à l’adolescence à travers une amitié entre deux garçons, Léo (Eden Dambrine) et Rémi (Gustav De Waele) qui font leur entrée au collège.
Dans un entretien disponible dans les compléments du DVD, le réalisateur se confie sur la peur qu’il ressentait adolescent, à se montrer trop tendre ou intime envers d’autres garçons à cause du regard des autres. Dans Close, Lukas Dhont dénonce avec subtilité la manière dont la société est régie par les diktats de genre. La sensibilité et tendresse que peuvent avoir les deux garçons l’un pour l’autre est mal perçue par leurs nouveaux camarades et suscitent des remarques de part et d’autre. Le thème du harcèlement est abordé ici avec finesse, les moqueries restent en apparence « légères » et sont constituées principalement de questions maladroites, mais impactent les personnages et changent radicalement la nature de l’amitié entre Léo et Rémi malgré la volonté de ce dernier.
Lukas Dhont met en lumière cette difficulté pour deux garçons d’exprimer leur affection dans un univers patriarcal où la notion de masculinité n’est pas compatible avec douceur et sensibilité. Le réalisateur parvient à nous faire ressentir le mal-être des deux garçons. Les longs plans-séquences où les regards et silences priment parfois sur les dialogues nous immergent complètement dans le récit et le ressenti des personnages. On est d’emblée plongé dans l’amitié entre Léo et Rémi pour suivre ensuite l’évolution et la dégradation de leur relation. Le jeu très touchant d’Eden Dambrine nous émeut particulièrement durant tout le film. Le drame qui frappe Léo n’est pas exprimé à travers des pleurs et des cris mais plutôt à travers le visage très expressif du jeune acteur.
Lukas Dhont traite également le thème du deuil, particulièrement avec la phase du déni qui constitue certainement les moments les plus émouvants du film. La contradiction entre les moments de rires et de jeux, et la brutalité de la réalité est saisissante. Le ton dramatique contraste également avec la beauté et la douceur de la campagne fleurie. Lukas Dhont fait la part belle à la Belgique et aux paysages de son enfance en filmant les champs de fleurs, la patinoire dans laquelle Léo tente se raccrocher à la virilité dictée par la société en jouant au hockey sur glace, et à travers le glissement des deux langues, entre flamand et français.
Avec ce deuxième long-métrage, le réalisateur démontre à nouveau les conséquences désastreuses d’une société trop conservatrice qui enferme les individus dans des schémas qui ne leur conviennent pas. Lukas Dhont fait preuve de nuance et de justesse en présentant l’entourage scolaire de Léo et Rémi comme des jeunes gens davantage ignorants que méchants, eux-même victimes des stéréotypes de genre et de l’herméticité du système. Le film mêle avec brio douceur et violence, et mériterait d’être visionné le plus possible pour sa participation à la déconstruction d’une société trop genrée.
Sélectionné à la Berlinale, le film d’école suisse Ours est un court-métrage documentaire réalisé à partir d’images d’archives du cinéaste amateur Urs Amrein, qui change de direction en cours de route. En regardant les cassettes, la réalisatrice découvre des films d’ours en milieu sauvage, de fleurs et d’oiseaux… et de femmes dont les images ont été volées. Entre passion pour la nature et images voyeuristes, le film part à la rencontre de l’autre en abordant la question du regard, notamment du male gaze. Rencontre avec sa réalisatrice Morgane Frund.
Format Court : Qu’est ce qui t’a donné envie de faire du cinéma ?
Morgane Frund : Quand j’étais ado, ça m’intéressait de faire des films et je savais que je voulais aller dans cette direction. Après le lycée, j’ai essayé de rentrer dans des écoles de cinéma mais ça n’a pas marché. Je pense que c’était vraiment trop tôt pour moi et que les écoles l’ont senti. Je me suis inscrite à l’université en lettres comme plan B au départ, avec des branches liées au cinéma. Je pensais faire une année avant de retenter des concours ailleurs, sauf que ça m’a beaucoup plu d’étudier le cinéma par la théorie, donc j’y suis restée trois ans ! L’université m’a beaucoup aidé pour la suite de mes études, car je savais déjà ce que je voulais raconter et les outils que je voulais qu’on m’apporte.
Qu’est-ce-que tu as décidé de faire du cinéma après ?
M.F. : À la fin de ma licence, je me suis dit que je n’avais plus envie d’être dans un milieu très académique et de me tourner vers la pratique, mais je ne savais pas trop comment faire. J’ai tenté des concours que j’ai à nouveau ratés. Puis, j’ai fait un stage au festival des Journées de Soleure, très important pour le cinéma suisse. Tous les films de diplôme des écoles y sont envoyés. J’ai vu des films de la Haute Ecole d’Art de Lucerne qui est un département documentaire et expérimental, c’est-à-dire tout sauf de la fiction. Un film m’a énormément touchée et même fait pleurer, c’est Hamama & Caluna d’Anouk Meles (2018), qui suit et accompagne réellement des réfugiés à la frontière suisse. Je me suis rendue compte du potentiel du documentaire et je me suis décidée à passer les concours là-bas : j’ai été prise.
« Hamama & Caluna »
Après cette révélation, tu t’es directement mise au documentaire, ou tu voulais essayer de faire autre chose ?
M.F. : Avant mon école, j’étais plus intéressée par la fiction, mais la formation que j’ai reçue m’a amenée vers la forme documentaire. Je ne sais pas ce qui va se développer pour la suite, mais je pense que le réel joue toujours un grand rôle dans ce que je crée.
Tu expliques dans ton court-métrage Ours que c’est le cinéaste, Urs Amrein, qui a contacté ton école afin que quelqu’un puisse faire un projet d’études avec ses films. Comment t’es-tu retrouvée dessus ?
M.F. : Je me suis d’abord beaucoup intéressée au documentaire animalier. En première année, j’ai fait un court-métrage sur un centre pour des chevaux à la retraite. La question de filmer des animaux m’intéressait beaucoup, alors quand Urs a contacté l’école à propos d’ours, je me suis dit que c’était une bonne opportunité, surtout que je n’ai pas vraiment l’occasion de filmer des animaux sauvages, mais qu’il avait déjà les images, alors pourquoi pas ! Il a une collection de cassettes immense.
Toutes ces cassettes, c’est un peu comme les archives d’une vie. Qu’est-ce que ça t’a fait de te retrouver face à tout ce matériel, et comment tu as appréhendé le montage ?
M.F. : J’ai regardé pas loin de 200 cassettes, ça faisait 142 heures en tout. Comme notre école nous déconseille très fortement d’apporter plus de vingt heures de matériel à nos monteur.s.es, j’ai tout visionné et réduit à 10 heures d’archives. J’ai classé ces images avec des catégories « ours, aigle baleine phoque », puis avec tous les autres thèmes, pour qu’on s’y retrouve dans le montage. J’ai travaillé pendant six semaines avec ma monteuse, Selin Dettwiler.
Est-ce-que tu avais une idée particulière de montage ou est-ce-que c’est venu naturellement, avec un mélange d’images d’archives et d’entretiens ?
M.F. : Pendant longtemps, j’ai cru que nous ne pourrions pas combiner les deux et qu’on ne travaillerait qu’avec l’archive. J’ai beaucoup parlé avec Samuel Röösli, mon chef opérateur, sur la manière de filmer pour ensuite combiner les deux matériaux. Au fur et à mesure qu’on filmait, je faisais des montages tests, ce qui m’a beaucoup aidé dans le processus.
Tu as d’abord eu l’idée d’un documentaire animalier. Est-ce-que tu pensais déjà te mettre en scène dans ta recherche, ou cela t’est venu après ?
M.F. : Pour tous les projets que j’ai fait avant, j’étais déjà en voix-off. Ma subjectivité est toujours très présente dans mes projets. Être vraiment devant la caméra, c’est venu après. Faire un pas devant la caméra et initier une discussion qui n’est pas forcément préparée, ça a été quelque chose qui m’a beaucoup effrayée. Mais c’était nécessaire pour le film et sans doute l’une des décisions les plus importantes qu’on ait prises. Je ne me voyais pas juste braquer ma caméra sur Urs et lui faire des reproches ou lui poser des questions. Par rapport à ce que j’essaie de déconstruire, ça aurait été vraiment contradictoire. La solution, c’était de nous mettre tous les deux à l’écran pour que je m’expose tout autant que lui, et que je fasse ce projet avec lui même dans la démarche. Ce qui était aussi intéressant, c’est de voir ces moments où je n’arrive pas à parler avec lui, quand je dis que ces images me dérangent un petit peu, alors qu’elles me dérangent beaucoup.
Comment t’y es-tu prise pour arriver devant Urs et lui dire que tu allais parler de ses images voyeuristes, et pas de ses prises de vue animalières ?
M.F. : On savait qu’on voulait filmer la première fois qu’on parlerait dans la salle de montage, le deuxième jour du tournage. Pour moi, c’était important de jouer cartes sur table le plus tôt possible et de ne pas commencer à filmer des choses avec lui sans qu’il ne sache vraiment de quoi il était question. Je ne lui en avais pas parlé avant ce moment-là.
Quand tu l’as confronté à ces images, tu savais déjà que tu allais faire un court-métrage sur ce thème, ou c’était encore un peu flou ?
M.F. : Je savais que j’allais en parler dans le film, mais pendant longtemps, je pensais que la question du regard sur les animaux resterait aussi. Au début, je me demandais plutôt : pourquoi filme-t-on les animaux, pourquoi les regarde-t-on ? Il y avait déjà cette question du regard. Assez vite, on s’est rendu compte que si on faisait un parallèle de manière trop évidente entre les deux sujets, ça amenait à des simplifications qui n’étaient pas forcément très constructives. C’est un peu plus subtil de ne pas mettre les deux à la même hauteur.
D’où est venue l’idée d’aller au musée pour parler de la question du regard ?
M.F. : Avant le tournage, je me demandais encore comment ouvrir la discussion sur le sujet, comment le thématiser plus comme un système historique et pas un cas individuel. J’ai beaucoup regardé de documentaires d’Agnès Varda qui se passaient dans des musées, donc c’est possible que cela m’ait un peu inspirée. En temps normal, dans un documentaire, on n’emmène pas un protagoniste dans un espace qui n’a rien à voir avec lui. Urs n’avait jamais été dans un musée d’art, alors quand je lui ai dit qu’on tournait là-bas, il m’a dit que ce n’était pas son monde. Je lui ai dit que c’était mon monde à moi, et qu’il fallait y aller. En réalité, je pense que c’est la scène du film où on s’est le plus écoutés, et où il y aussi peut-être le plus de complicité, ce qui peut un peu surprendre. Ce changement d’espace a amené une autre forme de dialogue.
Tu abordes beaucoup dans ton court le sujet du regard masculin, est-ce que tu pourrais aussi nous parler du regard féminin et essayer de le définir ?
M.F. : Ma définition va être très influencée par l’essai d’Iris Brey, The Female Gaze. Pour moi, ce n’est pas tant la question du genre de la personne derrière la caméra, mais plutôt une manière de filmer. Par female gaze, j’entends une réponse au male gaze, une manière différente de regarder. Le problème du male gaze, c’est qu’on ne fait que regarder quelqu’un comme un objet et non comme un sujet. La subjectivité de cette personne, ce qu’elle fait ou ce qu’elle pense, n’a pas de place dans l’image. Le female gaze éviterait donc ce phénomène, en laissant cet espace et en amenant aussi une idée d’accompagnement et de participation.
Est-ce que tu essaies de donner à voir ce female gaze dans ton court ?
M.F. : Le plus possible. Cela m’est venu après coup en regardant les images . Par exemple, moi comme mon protagoniste, nous ne sommes presque jamais filmés de face. Moi-même, je suis un peu de dos, et du coup le spectateur voit aussi ce que je regarde, ce qui donne une certaine place à mon regard.
Peux-tu nous parler de la réception du film, tant par le protagoniste que par le public en général ?
M.F. : Pour Urs, il y avait quand même de la déception en voyant la version finale, car ce n’était pas le film qu’il voulait à l’origine. Il a su que cela prenait une autre direction pendant le tournage, mais il avait encore ce rêve de film d’ours, et je n’ai pas pu lui donner ce film-là. Il a quand même trouvé que les discussions étaient équitables, et même s’il n’est toujours pas d’accord avec moi, il est d’accord avec le fait que cette discussion existe et qu’elle soit montrée. C’est une situation un peu particulière où nos opinions divergent mais nous sommes d’accord sur le fait de faire ce film. Pour le public, je crois que mon film a vraiment généré des discussions après les projections. On vient me parler, mais c’est parfois lourd de porter sa position après le visionnage : il y a une limite à ma responsabilité.
Ours est ton projet d’études, mais est-ce-que tu sais ce que tu souhaites pour la suite ? Sera-t-il encore question de féminisme ?
M.F. : Je suis au tout début d’écriture pour – probablement – un long-métrage documentaire sur une biologiste marine. C’est une protagoniste peut-être un peu plus proche de moi au niveau des idées, mais je dois encore voir vers où cela évolue. Je pense que les questions de féminisme et de rapports de force m’habitent et seront toujours là.
Pour sa 38eme édition, le festival de Clermont-Ferrand a consacré un focus mettant à l’honneur Taïwan à travers une rétrospective de courts-métrages qui, malgré la diversité de genres et supports, s’interrogent tous sur l’identité du pays et questionnent des problèmes sociétaux. Objet de propagande sous contrôle de l’État pendant plusieurs décennies, le cinéma taïwanais s’est réinventé dans les années 1980 pour donner une vision authentique de l’île. On s’intéresse ici à la manière dont trois court-métrages, héritages de cette Nouvelle Vague, représentent et explorent une idée de leur pays, parmi animation, fiction et documentaires.
Last Year when the train passed by, Pan-Chuan Huang (2018)
Contempler les paysages à travers la vitre d’un train ou d’une voiture prête souvent à la rêverie. Les habitations qui défilent sous nos yeux nous paraissent toujours intrigantes. On ne peut s’empêcher de projeter notre curiosité sur les habitants de ces maisons : Qui sont-ils ? Que font-ils en ce moment même, entre ces murs que je longe à une vitesse folle ?
Dans ce court-métrage documentaire, lauréat du Grand Prix international du festival de Clermont-Ferrand en 2019, le réalisateur Pan-Chuan Huang cherche à répondre à ces questions en allant à la rencontre des habitants de la campagne taïwanaise qui vivent près des rails. Le cinéaste apporte à ces derniers une photographie de leur maison, date et heures notées, prise depuis la vitre du train, et leur pose la question suivante : « Souvenez-vous de ce que vous faisiez lorsque j’ai pris cette photo ? »
Le court-métrage mêle différents supports entre photographie argentique et prises de vue réelles filmées en caméra super 8. L’image crépitante dont on peut percevoir les grains et « ratés » de la pellicule provoque un ton mélancolique qui renvoie aux souvenirs contés par les habitants. Ces derniers sont filmés en caméra portée, tout comme leurs maisons et quartiers, et nous paraissent plus proches que jamais. Les récits des habitants s’entremêlent avec l’identité du pays, certains évoquent leur enracinement à travers les générations, d’autres chantonnent un chant militaire propagandiste qui évoque le passé de Taïwan, colonisé par le japon jusqu’en 1945, puis régi par la loi martiale du parti nationaliste jusqu’en 1987.
Les profils interrogés sont des hommes, souvent assez âgés, qui reviennent sur leurs vies passées, leurs occupations, leurs familles, leurs quotidiens et parfois leurs rapports au passage du train. Les premiers mots entendus sont toujours illustrés par une photo de la maison prise depuis le train, donnant cette impression qu’on écoute leurs histoires depuis notre siège. La vidéo pénètre ensuite davantage dans l’intimité des personnages en nous montrant l’intérieur des maisons, les visages, les alentours et une multitude de détails filmés par l’œil perçant du réalisateur. Le réalisateur nous plonge également dans l’intimité du pays à travers ces images en apparence prosaïques.
Un plan retient particulièrement l’attention : celui d’un homme assis sur une chaise en osier dans son salon, situé à gauche du cadre. Il explique que la chaise similaire en osier, vide, qu’on observe à droite du cadre, était celle de sa femme décédée un an plus tôt. Cependant, ni le ton employé de l’homme, ni le montage du film, n’est dramatique ou larmoyant. L’émotion ressentie réside plutôt dans la sincérité et simplicité par laquelle il nous livre son témoignage.
Les touches d’humour sont également présentes, notamment grâce à la relation entre filmeur et filmé que Pan Chuan Huang décide de faire paraître. Ce dernier ne montre jamais son visage, mais laisse entendre sa voix et établit un dialogue avec les hommes, plus ou moins marqué selon les profils. Une complicité apparaît parfois et apporte à la fois légèreté et profondeur au film.
Les échanges sont séparés par des vidéos de paysages filmés depuis le train. Le film se confond alors en un voyage, où Pan Chuan Huang prend le temps de faire plusieurs arrêts pour immortaliser des détails, histoires et souvenirs qui forment une archive précieuse sur la mémoire de Taïwan.
Ces passages transitoires sont accompagnés par la musique de Lim Giong, talentueux compositeur taïwanais de Millenium Mambo réalisé par Hou Hsiao-Hsien dont la mélodie mélancolique accentue l’aspect poétique du court-métrage.
Noon, Cindy Yang (2015)
Après avoir voyagé dans le paysage rural de Taïwan, le court-métrage d’animation Noon réalisé par Cindy Yang nous plonge dans l’atmosphère urbaine de Taipei. Ici, la ville s’éveille au rythme des stands de nourriture. On commence tranquillement avec la préparation des plats, puis quand le curry est servi, tout s’accélère. Le montage extrêmement dynamique des plans serrés sur les assiettes, les rames de métros bondées ou les visages animés retranscrivent la vitesse effrénée de la matinée. Cependant, un personnage contraste avec cette agitation : la figure d’une jeune fille endormie dans sa chambre qui offre un moment de suspension hors du temps, une respiration avant le retour de la course urbaine.
Le court-métrage, aussi dense qui la ville qui est dépeinte, ne dure que trois minutes. On voyage cette fois-ci à travers une expérience sensorielle créée par les bruitages urbains (ici de l’huile qui frit dans une poêle ou le grondement du métro) ainsi que par des visuels, comme des vapeurs qui s’échappent de plats alléchants. Les dialogues n’existent pas ; à l’inverse de Last year when the train passed by, on ne se concentre pas sur la profondeur des personnages mais davantage sur des sensations pour seulement retenir l’atmosphère de la ville.
La diversité des deux courts métrages nous permet d’explorer à travers des expériences et ressentis différents l’idée qu’un réalisateur souhaite nous transmettre de son pays ou de sa ville, (exploration d’identité à travers des habitants ou la densité d’une ville à travers l’omniprésence de la nourriture).
Séance familiale, Cheng-Chui Kuo (2008)
Lorsqu’une émission de télé réalité française sonne à la porte d’une famille taïwanaise en leur proposant de filmer leur routine pour gagner 10.000 euros dans un concours, celle-ci accepte malgré leur inconfort avec la caméra. Pourtant l’appareil devient peu à peu un objet de confidence pour les différents membres de la famille. Derrière l’union et les personnalités comiques du cercle familial, on découvre peu à peu que la fugue d’un fils homosexuel causée par l’intolérance des parents (ou que la fugue d’un fils causé par l’homophobie des parents) pèse sur le foyer.
Après l’humour et la légèreté apparente des premières minutes du film, un mal-être émerge progressivement du fleuve tranquille familial par l’intermédiaire de la caméra. Le beau tableau s’écroule et on est d’autant plus touché par la révélation finale que la proximité créée par la forme de télé-réalité nous avait rendu la famille sympathique et familière. Les personnages semblent s’adresser directement à nous, spectateurs, à travers la caméra subjective, brisant ainsi toute forme de distance. Le couple auquel on s’est attaché nous paraît soudain monstrueux. Le réalisateur mêle différents genres, entre comédie et drame, avec virtuosité et parvient à manipuler le spectateur.
Malgré cette révélation, on ne peut s’empêcher d’être touché par les remords et la souffrance des parents. La figure de la mère révèle la contradiction d’une société homophobe, se présentant d’abord comme la plus intransigeante, puis laissant exploser sa douleur.
Tout comme dans le premier court-métrage, on est à nouveau plongé dans l’intimité d’un foyer taïwanais, à travers, cette fois-ci, une fiction qui interroge la société et ses tabous. On retrouve également l’importance des repas, thème déjà omniprésent dans Noon, sacralisés autour de rituels et notion de partage primordiale dans la culture asiatique.
Vous avez entre 18 et 25 ans et vous êtes passionné.e de cinéma (et surtout de courts-métrages !) ? Devenez membre du Jury Jeunes de la 4ème édition du Festival Format Court (13-16 avril 2023), parrainé par Bastien Bouillon ! Vous aurez l’occasion de découvrir notre festival, de visionner les 20 films de notre compétition et de décerner un prix à l’un d’entre eux, en salle, au Studio des Ursulines, lors de la cérémonie de clôture le 16 avril prochain.
Pour postuler, envoyez-nous un petit mail pour vous présenter et nous faire part de votre désir de participer à notre festival. Vos candidatures peuvent nous parvenir à l’adresse suivante : coordinationformatcourt@gmail.com
Grand Prix International du Festival de court-métrage de Clermont Ferrand, Will My Parents Come to See Me ? est un court-métrage réalisé par Mo Harawe. Originaire de Somalie et vivant à Vienne, celui-ci se livre sur le processus de création de son court-métrage traitant avec sobriété et puissance, du thème de la peine de mort par la perspective d’un condamné, et de la gardienne chargée de l’amener à sa fin, nous amenant dans une introspection existentielle dans la psyché des personnages.
Format Court : Dans votre film, Will My Parents Come to See Me ?, nous suivons la perspective de celui qui est condamné à mort, et de celle qui l’accompagne dans cette destinée, en représentant l’institution policière. Comment l’idée de confronter ces deux points de vue vous est-elle venue ?
Mo Harawe : Je pense que ce qui m’intéressait le plus était l’attitude des gens. Tout le monde est au courant de cela, mais tout le monde agit comme si ça n’existait pas, parce que c’est plus simple comme ça. Pour moi, cette femme représente toute la population, qu’importe comment les gens sont liés à ce thème, comment cela les affecte physiquement et personnellement. En général, elle incarne chaque individu dans le monde. On entend toujours parler de la peine de mort, il existe de nombreux films et livres qui traitent de ce sujet, mais surtout de la seule perspective du condamné à mort. Le plus intéressant pour moi était d’explorer l’attitude des gens moyens, du conflit qu’il existe entre les pro et les anti-peine de mort, de l’impuissance de notre situation face à la peine de mort, mais également face à d’autres situations avec lesquelles nous ne sommes pas d’accord. Comment vivre avec cela ?
Dans le lourd débat sur la peine de mort, les opinions sont souvent très tranchées. La question de la culpabilité ou de l’innocence d’un condamné est centrale. Néanmoins, dans votre court-métrage, elle n’est jamais mentionnée, comme s’il s’agissait d’un détail dans l’engrenage du système.Le crime du condamné n’est jamais évoqué, alors même qu’il ne semble montrer aucune émotion. Nous nous retrouvons juste devant une situation sans espoir, un néant.
M.H : En effet, la question de sa culpabilité m’importait peu. A la fin, que la personne soit coupable ou non, elle va quand même mourir. Qu’elle soit coupable ou non, on ne peut justifier ce qui lui arrive. Ce qui m’intéressait le plus, c’est comment les gens réagissent à son sort, comment nous détournons le regard face à quelque chose d’injustifiable. On décide d’ignorer la chose comme si elle n’existait pas. Mais si tout le monde détourne le regard, qu’est-il dit sur l’être humain ? Quand nous allons dehors et que nous voyons un SDF devant notre porte, le plus simple est de fermer les yeux et de passer à autre chose. Avec la peine de mort, les sociétés du monde entier font la même chose. C’est pour cela que la question de sa culpabilité était peu importante ; d’ailleurs, cela arrive si souvent en Somalie que je n’avais pas de réelle inspiration artistique pour explorer ce thème. Ça fait partie de la vie quotidienne, même si les gens désapprouvent cette pratique, tout le monde choisit de fermer les yeux.
À la fin de votre film, la femme part de la scène d’exécution en voiture, laissant les individus derrière elle. Cela peut être compris comme sa réalisation qu’elle ne peut supporter l’insupportable. Néanmoins, elle ne quitte pas son travail. Elle reste à sa place originelle. Entre révolte et passivité, qu’incarne-t-elle dans la société somalienne ?
M.H : Je pense qu’elle désapprouve ce qui se passe. C’est son dilemme, parce que c’est son travail. Elle choisit la solution de facilité, mais elle reste dans ce conflit intérieur d’une chose qu’elle ne peut supporter, qu’elle ne peut regarder, mais qu’elle doit continuer à effectuer parce qu’elle ne peut survivre sans cet emploi. C’est un véritable dilemme. Si on prend de la distance, c’est exactement ce qu’il se passe dans cette société. Détourner le regard relève presque de l’instinct de survie. La seule chose que cette femme peut faire, est de s’enfuir de la scène d’exécution. C’est la seule option qu’elle peut choisir pour elle-même. En même temps, il s’agit aussi de se questionner sur notre propre confort, permis par de nombreuses autres vies exploitées dans d’autres pays. Certes, on peut être d’accord avec des principes, mais est-on vraiment prêts à abandonner ce qu’on possède pour lesdits principes ? Cette femme n’est que le reflet de cette attitude.
Ce thème est en effet central dans Will My Parents Come to See Me ? , mais également dans Life On The Horn, un de vos courts-métrages réalisé en 2020. Les individus tentent de survivre dans une misère absolue, créée par une catastrophe chimique sur laquelle ils n’ont aucun contrôle. Tous deux sont tournés en Somalie, un pays dont vous êtes originaire mais où vous ne vivez plus. Comment se passa le tournage ?
M.H : En réalité, c’était plutôt facile, car nous avions beaucoup de temps et que les gens nous ont beaucoup aidés, même si le pays ne possède pas d’infrastructures cinématographiques. Le cinéma est moins considéré que la poésie ou la littérature, qui sont plus importants en Somalie. 90% des gens, dans les deux films, jouaient pour la première fois de leur vie dans un court-métrage. Tous les gens derrière la caméra étaient présents sur les deux tournages, et la plupart n’appartenaient pas au milieu du cinéma. Une fois que nous avions tout rassemblé, tourner s’est révélé assez simple, Dieu merci (rires) !
Tous vos acteurs sont non-professionnels. Saviez-vous les acteurs que vous vouliez, ou avez-vous organisé des castings ?
M.H : Nous n’avons pas fait de casting traditionnel. En Somalie, les gens ne comprennent pas ce concept, car ils n’ont pas la vocation de devenir acteurs. On a fait une sorte de “street-casting”, où j’ai contacté des connaissances en leur disant ce que je recherchais, et ces gens connaissaient d’autres gens susceptibles d’être intéressés… C’est nous qui sommes venus vers les gens, et on s’est arrangés après coup. Parfois ils déclinent, parfois ils acceptent. Trouver le casting est une aventure. Je pense que la moitié du travail du film s’opère à travers les acteurs. Si leur jeu ne fonctionne pas, rien ne fonctionne.
Vous dites que le travail d’acteur n’est pas vu comme une voie d’avenir pour les Somaliens. Pensez vous que l’émergence et la visibilité croissante du cinéma des pays africains sur la scène internationale va changer la donne ?
M.H : J’espère bien ! Mais on verra comment les choses évoluent. Je ne pense pas que quelques films de Somalie vont changer énormément de choses, mais j’espère que des gens vont les voir et se dire qu’ils veulent être acteurs, ou du moins qu’ils veulent entrer dans le milieu du cinéma.
Une question plus technique : dans Life On The Horn et Will My Parents Come to See Me ?, il y a beaucoup de lumière naturelle, qui façonne les formes et la texture des éléments. La lumière naturelle peut se révéler très compliquée sur un tournage, car elle est très instable. Comment avez-vous géré cela ?
M.H : Nous avions beaucoup de temps, donc nous pouvions attendre. Dans Life On The Horn, nous tournions moins de quatre heures par jour pendant des mois. Nous pouvions vraiment choisir à quelle heure nous voulions tourner, et je pouvais choisir où placer exactement la caméra, les acteurs… Grâce au temps que nous disposions, les éléments se sont unis dans un tout. Travailler avec de la lumière naturelle, même si on est restreints, nous offre d’autres opportunités. Ça fait beaucoup réfléchir sur ce qui vraiment important dans un film. Le plus important, c’est le sentiment qui s’en émane, cette fusion entre les acteurs, la lumière, les petits détails dans le cadre. Tout ça donne une sorte d’émotion qui n’est pas rationnelle, qu’on ne peut décrire avec des mots. Plus on a de temps, plus on peut prioriser certaines choses. En parlant de lumière, je n’ai peut-être pas besoin de voir le visage, les yeux de la personne, parce que je comprends déjà l’émotion derrière. En travaillant avec une autre lumière, j’aurai peut-être choisi le choix le plus normal, d’éclairer les visages. Dans Will My Parents Come To See Me ?, quand la femme part en voiture à la fin, il y a ce plan de profil. On ne voit pas réellement ses yeux, et je me souviens qu’on avait tourné au coucher de soleil. On n’avait pas besoin de lumière, car on savait ce qu’elle ressentait au moment qu’elle partait du lieu d’exécution.
La musique, in et off, a une place très importante, même si elle est plus présente dans Life On the Horn que dans Will My Parents Come To See Me ?. Comment la considérez vous ?
M.H : La musique est très importante pour moi ; elle induit des émotions et rythme la narration. Parfois, j’ai l’impression que mes films en deviennent presque des films musicaux. Certes, il n’y a pas de partition précise, mais la musique donne parfois des émotions que je ne veux pas exprimer dans une scène. Je ne veux pas que les spectateurs se sentent détruits, tristes par une scène, alors j’opère une musique allant à contre-courant des émotions attendues.
Vos personnages traversent une crise existentielle, et se retrouvent face à des situations absurdes, dans un décor désolé de fin du monde. Quelle relation entretenez-vous avec ce sentiment d’absence de sens dans le monde, ces questionnements mélancoliques ?
M.H : Ils font partie de la vie. Quand on prend de la distance par rapport à beaucoup de situations de la vie quotidienne, on réalise qu’elles n’ont aucun sens. Deux personnes qui discutent ensemble sont absurdes, quand on les regarde de près avec toute notre conscience. Je n’ai pas vraiment de prise de position sur ça, c’est un questionnement qui me vient naturellement. Le comportement des Hommes est absurde. Si on met une caméra dans un café et qu’on regarde les vidéos, rien ne fait sens. Mais sur le moment, que l’instant soit triste ou mélancolique, ça a du sens pour les personnes qui sont dans ce café. Tout est une question de perspective.
Est-ce que l’art apporte ce sens ? Avons-nous même besoin de ces significations ?
M.H : Je ne sais vraiment pas. C’est différent pour tout le monde, mais je suppose qu’à la fin, tout a un sens pour celui qui observe de l’intérieur. La personne qui crée doit trouver du sens dans ce qu’elle crée. Faire des films doit avoir un sens, qu’il soit abstrait, ou qu’on ne le comprenne même pas.
Vous avez dit que pour Will My Parents Come To See Me ?, vous avez collecté des histoires de condamnés à mort pour créer le récit du protagoniste. Comment avez-vous récolté ces fragments ?
M.H : Il s’agissait plus d’écouter les gens qui furent confrontés à cela, qui eux-mêmes connaissaient des histoires… Je parlais avec eux, je les écoutais, pour créer cette histoire universelle.
Après avoir gagné le Grand Prix international du Festival de Clermont-Ferrand, qu’est-ce qui changera pour vous et quels sont vos projets futurs ?
M.H : Je n’en ai aucune idée ! En réalité, j’espère que peu de choses vont changer dans ma vie (rires) ! Je suis satisfait de ma situation actuelle. Je vais réaliser un long-métrage cette année, on croise les doigts, c’est mon projet !