Binge Loving de Thomas Deknop

Dans une épicerie, un homme achète de nombreuses sucreries pour une petite fête. On découvre que le but de son achat est de les manger pendant qu’il observe quelqu’un. Otis, détective privé, a été engagé par Kathleen pour en savoir plus sur les occupations de son mari. Le professionnel passe sa journée à le suivre, à l’observer et à prendre des photos. Et pendant ses longues attentes, il mange. Binge Loving joue avec des genres différents : le policier, le romance, la comédie. L’enquête du détective privé compose la proposition initiale de son récit, qui gagne en profondeur en explorant sa relation avec la nourriture, les sentiments d’une femme trompée, et le rapprochement entre le professionnel et sa cliente. Au dernier Festival Format Court, Thomas Deknop a récolté les fruits de son pari en remportant les prix du public, du jury étudiant et du jury presse.

Le réalisateur belge propose un univers visuel délicieux. La texture granuleuse de l’image avec l’usage des néons et des vitres procure à un quartier industriel un charme urbain entre le moderne et le vintage. La représentation des lumières de la ville et la bande musicale évoquent l’esthétique de Taxi Driver (1976). Les cadres sont précis, les personnages sont bien au milieu de l’écran. Le travail de profondeur de champ est aussi un point fort de l’esthétique du film. La caméra fixe, les zooms ainsi que les mouvements discrets du protagoniste accompagnement visuellement la douce musique jazz en arrière-plan.

La création sonore contribue à la cohérence de l’univers de Deknop en tous ses aspects, les ambiances les plus étonnantes étant la mastication et le grondement du ventre d’Otis. La musique jazz apaisante dialogue avec le rythme général du film, lent, tranquille et silencieux, tout comme le métier d’Otis, qui consiste à attendre calmement qu’un événement se déroule. Le principal avantage du protagoniste en tant que professionnel est sa discrétion. Il le dit lui-même : « être là sans être vu, c’est mon talent ».

Le mélange de différents genres cher au réalisateur crée un résultat original, qui traverse sans efforts la comédie, le drame, la solitude et le romance. Le charisme du personnage principal (David Mutamba) ajoute au charme du court-métrage. L’acte de manger dans cette histoire dépasse la volonté de satisfaire la faim. Il est un plaisir, une compagnie, un symbole dans la relation, soit par Otis qui rêve de frites, comme des étoiles, dans le ciel ou par Kathleen, qui associe l’affection aux repas pris à deux.

Bianca Dantas

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