Tous les articles par Katia Bayer

G comme Going South

Fiche technique

Synopsis : Martha Barlow est une enfant sauvage des hautes plaines qui aspire à s’échapper de son milieu rural. L’apparition inopinée d’un mystérieux étranger dans sa ferme l’amène à devoir prendre une décision : est-elle assez folle pour s’enfuir avec lui ?

Genre : Fiction

Durée : 15’

Pays : Canada, Etats-Unis

Année : 2013

Réalisation : Jefferson Moneo

Scénario : Jefferson Moneo, Emily Ragsdale

Image : Craig Trudeau

Montage : Fabiola Caraza

Musique : Michael Severson

Décors : Jennifer Marie Thomas

Interprétation : Shana Dowdeswell, John Brodsky, Sean Friel, Kenneth Heaton

Production : Columbia University, Prowler Pictures

Article associé : la critique du film

Lágy Eső (Bruine) de Dénes Nagy

Après nous avoir sidérés avec « Csicska » d’Attila Till, il y a deux ans, la Quinzaine des Réalisateurs propose cette année un nouveau court hongrois surprenant, « Lágy Eső » (bruine, en français). Un voyage en bateau, enveloppé d’une brume et d’une musique belle et déchirante à la fois, ouvre le film. Dani, un adolescent, filmé de dos, scrute l’horizon et l’eau calmes. Il se retrouve vite à fumer et à trinquer avec son nouveau père adoptif, prêt à accueillir un fils et de la main d’oeuvre gratuite à la ferme. Il faut bien s’occuper des cochons.

Embarquant pour une nouvelle famille et un nouvel environnement, Dani l’orphelin abandonne de ce fait sa maison de correction. De son ancienne vie, Dénes Nagy, le réalisateur, ne nous dit presque rien. Peu importe, son film s’intéresse au Dani d’aujourd’hui. Son protagoniste, en apparence insensible, isolé, froid et distant, est tour à tour calme (il regarde les porcins se faire charcuter, sans broncher) ou violent (il laisse éclater sa colère en classe). La seule émotion qu’il laisse transparaître est celle qu’il ressent pour Zsofi, une fille de sa classe, provocante, libre, sans attaches. Lui, l’esclave, le mal aimé, logé à la même enseigne que les parias, devient vite fasciné par cette jolie fille aussi énigmatique que lui.

Jouant au dur, essayant tant bien que mal de la séduire, il cherche à tout prix à attirer son attention. Pour l’impressionner, il en vient à mettre le feu au champ familial dans un geste d’amour radical. A cet instant, il se rapproche un tant soit peu de l’objet de son obsession. En même temps, son vice, son secret est dévoilé. La réponse du monde adulte, plutôt absent jusque là, intervient, sans tarder, de façon sidérante (« Les menteurs seront voués aux ténèbres éternelles »). La morale revenue, les règles rétablies, il ne reste plus qu’à renvoyer Dani à la case de départ.

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Entre tension palpable et mutisme ambiant, cette fiction très maîtrisée scrute le mal-être d’un adolescent ne pouvant compter que sur lui-même, confronté à l’amour et au désir, ne sachant comment éprouver ces sentiments autrement que par le biais de l’extrême. Souvent filmé de dos, parfois encadré par des barreaux (symbole d’enfermement un peu trop appuyé), le personnage de Dani réussit à intriguer le spectateur, à l’emmener dans un ailleurs peu reluisant où des images d’incendie côtoient des plans âpres, de sang et de chair d’animaux morts. Ces visuels pourraient passer pour des effets de style mais leur crudité assumée apporte autant au film que le jeu très sobre des deux comédiens principaux. Deux ans après « Csicska », la Hongrie nous offre un nouveau regard ciselé sur la société hongroise et sur son rejet de l’être faible. La marge nous intéresse, ce film aussi.

Katia Bayer

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Article associé : l’interview de Dénes Nagy

L comme Lágy Eső

Fiche technique

https://vimeo.com/65626576

Synopsis : Dans un village de l’est de la Hongrie, Dani, un adolescent qui a grandi à l’orphelinat, tombe amoureux de sa camarade de classe. Il essaie de se rapprocher d’elle mais ses tentatives sont obscènes et grotesques. Il ne comprend pas les règles du jeu de l’amour, personne ne les lui a jamais appris.

Genre : Fiction

Durée : 28’

Pays : Hongrie

Année : 2013

Réalisation : Dénes Nagy

Scénario : Dénes Nagy, Tamás Dobos

Image : Tamás Dobos

Son : Péter Benjámin Lukács, David Vranken, Mathieu Michaux, Philippe Charbonnel

Décor : Bence Kalmár

Montage : Nicolas Rumpl

Musique : Garth Knox, Sylvain Lemêtre

Interprétation : Zsófia Erdélyi, Dániel Keresztfalvi, László Léhi, Miklós Sass, Mária Dobosi, László Veress

Production : Campfilm Production

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Inseki to impotence de Omoi Sasaki

« Inseki to impotence » de Omoi Sasaki est présenté en compétition du Festival de Cannes. Ce court métrage japonais explore un thème assez rarement abordé, l’impuissance, et enrobe la narration autour d’un phénomène surnaturel, l’apparition d’une météorite dans le ciel nippon… De l’audace donc, dans cette création qui paraît atypique dans une pareille sélection !

S’ouvrant sur un corps organique pourri sur un fond blanc, le film déconcerte dès les premières secondes. Pour autant, le réalisateur bascule rapidement dans le coeur du sujet en nous faisant entrer dans l’univers quotidien d’un couple. Le décor est posé sobrement : la femme jeune, belle, nue sur le lit s’approche de son conjoint assis de dos, nu, sur une chaise dans la pièce attenante. Lorsqu’elle s’approche tendrement de lui, il l’éloigne. Elle part. Cut. L’image s’ouvre alors sur un plan large d’une ville dont le ciel est pour ainsi dire «mangé» par une immense météorite. Rien ne sera jamais explicité sur la présence de cette chose. Pour autant, au fur et à mesure des séquences, on peut supposer que le corps étranger est doté d’une force étrange incarnée sur terre par un mystérieux pizzaiolo au pouvoir sexuel exacerbé qui affole les femmes et qui comblera le manque sexuel de la jeune femme qui ne peut faire l’amour avec son conjoint impuissant.

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Dans le film, le réalisateur s’intéresse aux rapports charnels et sexuels inexistants de ce couple en crise et aux solutions qui s’offrent à eux pour y remédier. Chacun de leur côté souffre et si l’homme tente de trouver une réponse à son problème physique de façon toute à fait rationnelle (chez un médecin aux méthodes quelque peu farfelues, certes), la femme va quant à elle être confrontée à une force extérieure, extra-terrestre, inexplicable, incompréhensible qui lui permettra de satisfaire ses envies (avec le pizzaiolo).

D’un point de vue formel, le film joue la carte du surnaturel, ici donné à voir comme un principe de base. En effet, le spectateur doit adhérer tout de suite à cette météorite pour pouvoir avoir accès au film, il s’agit là d’une condition sine qua non. La météorite n’est pas crédible mais pour autant, tout repose sur son existence. L’image de cette présence est très bien relayée par un travail sur le son qui émane de la pierre et qui enveloppe littéralement les actions des personnages. Ce bruit sourd fait passer le spectateur de l’oppression à la fascination au même titre que les protagonistes du film ont peur mais sont également attirés par la météorite.

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Et puis, il y a ces séquences purement symboliques du corps organique pourri qui se retrouvent à trois occurrences dans le film : en ouverture où la pourriture est naissante, après la séquence où l’homme rentre de son rendez-vous chez le médecin où les champignons poussent et enfin, lors du dernier plan du film où les champignons sont matures. Si la référence phallique est assez claire, voire peut-être trop appuyée, on saluera l’audace du réalisateur qui, par ces incursions inattendues dans la narration, fait de ce film une sorte d’essai expérimental.

« Inseki to impotence » est un court métrage surprenant et assez inédit quand au sujet qu’il aborde. Le réalisateur ne nous livre quasiment pas de clef de lecture face à cet objet qui se termine par un happy end aussi déroutant que le reste du film. En signant ce court métrage, Omoi Sasaki fait la promesse d’un cinéma à la marge et inspiré, même s’il peut paraître de prime abord difficile à lire, et qui ne saurait laisser personne indifférent.

Fanny Barrot

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Article associé : l’interview d’Omoi Sasaki

Pour information, « Inseki to impotence » sera projeté samedi 25 mai à 11h, salle Debussy, et à 17h, salle Buñuel, dans le cadre de la projection des courts métrages en compétition. Une projection est également prévue le jeudi 30/05, à 20h30, à Paris, au Cinéma du Panthéon lors de la reprise des courts métrages en compétition au Festival de Cannes 2013

I comme Inseki to impotence

Fiche technique

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Synopsis : L’énorme astéroïde qui a frôlé la Terre en 2013 continue son imprévisible trajectoire. Un homme a été incapable de faire l’amour à sa femme pendant des années. Lui qui a perdu toute confiance, sera-t-il capable d’être à nouveau à la hauteur ? Plus fort face aux cieux…

Pays : Japon

Genre : Fiction

Année : 2013

Durée : 10′

Réalisé par : Omoi Sasaki

Scénario : Omoi Sasaki

Montage : Omoi Sasaki

Image : Hiroshi Iwanaga

Musique : OPEN REEL ENSEMBLE

Son: Mikisuke Shimazu

Interprétation : Ruriko Hamano, Kuniaki Nakamura, Karia Nomoto, Minetaro Suzuki, Ryuichi Tsukub

Production : UNIJAPAN

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Pouco mais de um mês d’André Novais Oliveira

Cette année, la sélection des courts métrages à la Quinzaine des Réalisateurs offre à la fois un panorama de films très différents les uns des autres et des thèmes traités plutôt similaires. C’est le cas des courts « Solecito » d’Oscar Ruiz Navia, « Man kann nicht alles auf einmal tun, aber man kann alles auf einmal lassen » de Marie-Elsa Sgualdo et « Pouco mais de un mês »  d’André Novais Oliveira qui se penchent tous trois de manière intime sur la complexité des relations amoureuses. Qu’ils se déroulent au tout début d’histoires sentimentales ou au moment de la rupture, ils évoquent les réflexions et les différents tâtonnements qu’elles provoquent, le tout entre réalité et fiction, sans réelle frontière entre les deux.

Intéressons-nous au film brésilien, « Pouco mais de un mês ». André Novais Oliveira, son réalisateur, revendique pleinement le fait que sa vraie histoire se mêle avec la fiction. D’ailleurs, s’il a assumé ce film en intégralité (scénario, réalisation, production, interprétation), c’est tout simplement parce qu’il représente ce film. Face à celui-ci, le spectateur se retrouve pendant 23 minutes, quasiment en temps réel, au début de sa relation amoureuse, dans sa partie la plus intime et la plus crue, où Élida, son amie, et lui jouent leurs propres rôles, où ils se mettent eux-mêmes en scène. Ce qui permet au film d’atteindre une certaine sensibilité.

En filmant le réveil d’Élida et d’André, le réalisateur montre à quel point les débuts peuvent être synonymes à la fois de banalité et de gêne, les individus ne sachant quel sujet de discussion aborder, quel intérêt porter à l’autre sans paraître indiscret, quel comportement soi-disant naturel adopter, etc… surtout comme le titre l’indique, au bout d’à peu près un mois où l’on pense mieux se connaître tandis que l’on est toujours dans la découverte de l’autre.

Si cette scène plutôt banale génère autant de gêne chez les deux personnages principaux, c’est justement parce qu’il s’agit de leur « vraie » réalité filmée ici. Qui plus est, on devine que la nuit qu’ils viennent de passer n’a pas été des plus chaudes puisque le jeune homme raconte qu’il n’a pas réussi à trouver le sommeil aux côtés d’Élida et qu’il a dû déambuler dans l’appartement, cherchant une quelconque distraction.

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Trois moments matinaux sont en réalité présentés dans « Pouco mais de un mês ». Tout d’abord, le réveil dans l’obscurité presque totale de la chambre où l’on découvre les personnages par le simple son de leur voix. Puis, le petit déjeuner où l’on prend en compte l’apparence physique des personnages dont les déplacements dans cet appartement étroit semblent timides et compliqués. Enfin, l’attente de l’autobus dans la rue. C’est finalement le seul moment où Élida et André parlent d’eux, évoquent leur relation et un éventuel chemin ensemble. Leur discussion prend une tournure suffisamment importante pour laisser passer un premier bus, jusqu’à l’arrivée du suivant où ils se laissent enfin aller à un baiser à la fois maladroit et plein d’affection, qui mettra fin à la conversation, donnant une réponse favorable à leurs questionnements. S’ensuit une scène épilogue, relativement inutile. À nouveau, l’obscurité de la chambre se déploie, prouvant que le jeune homme est revenu chez son amie. En réalité, le baiser précédent suffisait à conclure le film, lui offrant même une ouverture encore plus grande.

Le ton employé est si juste et si empli de pudeur qu’on se prend à être réellement touché par ces deux êtres qui s’apprivoisent assez difficilement, sans échapper à la comparaison avec nos propres débuts d’histoires. Ceci, malgré une scène d’ouverture au rythme assez lent en caméra obscure qui aurait tendance à distraire plus d’un spectateur. Fort heureusement, toute la force de ce film réside dans cette aisance à rendre si réelle cette situation, lorsque deux personnes qui se connaissent pourtant si peu, acceptent de dévoiler leur fragilité de la même manière qu’ils conservent une certaine distance, histoire de se protéger face à l’inconnu.

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André Novais Oliveira a bel et bien réussi à mettre en images ce moment unique et si délicat à raconter qu’est le début des relations amoureuses. En cela, le travail du réalisateur brésilien se rapproche légèrement de celui d’Abbas Kiarostami, avec cette faculté à filmer des scènes du quotidien de manière la plus réaliste possible, en n’oubliant jamais que la durée engendre l’intimité.

Camille Monin

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P comme Pouco mais de um mês d’André Novais Oliveira

Fiche technique

Synopsis : André et Elida sont ensemble depuis peu de temps. Dans la vraie vie et dans la fiction.

Genre : Fiction

Durée : 23′

Pays : Brésil

Année : 2013

Réalisation : André Novais Oliveira

Scénario : André Novais Oliveira

Image : Burno Risas, Gabriel Martins

Montage : Gabriel Martins

Son : Bruno Vasconcelos

Décors : Tati Boaventura

Interprétation : André Novais Oliveira, Élida Silpe

Production : André Novais Oliveira, Gabriel Martins, Maurilio Martins, Thiago Macêdo Correia

Article associé : la critique du film

Exil de Vladilen Vierny

Les errances d’un exilé en 4/3

Sélectionné à la Cinéfondation au Festival de Cannes, le court métrage « Exil » dépose des traces. Les traces d’un homme échoué sur une plage, contraint à une errance infinie, défait des origines et dans l’incertitude de l’après. Il n’est pas question ici de récit ou même de développement d’une trajectoire. Seulement de quelques murmures, de bruissements, de temporalités rompues, et de mouvements aléatoires. Vladilen Vierny, jeune cinéaste d’origine russe ayant habité en Belgique avant d’étudier à la Fémis à Paris, sait ce que signifie le détachement. Il en fait ici le thème central de ce film aux accents expérimentaux, donnant l’exemple d’une maîtrise formelle étonnante et d’un souffle cinématographique unique.

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Laissant déjà planer une atmosphère de doutes, le titre du film n’en va cependant pas par quatre chemins : exil. Évitant tout rappel vers une origine désormais perdue, ainsi que toute perspective évidente, le court métrage tient de l’exposition : une plage, un homme, une nécessité de survie. L’entame d’un exil que l’image dissèque dans ses micro mouvements, presque sans paroles. De cet homme qui nage, noir de peau et de vêtements, qui s’approche, mû par des gestes incertains, qui marche, puisqu’il ne lui reste plus rien d’autre à faire, on ne sait presque rien. Et on n’en saura pas plus, car c’est cela qu’il s’agit de montrer : les errances d’un homme sans origines mais pas sans raisons d’être, un individu perdu mais poussé par une quête d’idéal. L’univers musical concourt également au frissonnement de l’incertitude, installant une atmosphère de contemplation suspendue.

Dans « Exil », seul le cadre est posé : souvent de loin, parfois proche du personnage mais toujours derrière lui, laissant systématiquement apparaître l’horizon. Dans chaque plan, une géométrie calibrée, capable de restituer le sentiment d’insécurité d’un être dans un contexte abrupte et inhospitalier. Mais Vladilen Vierny ne s’en tient pas à montrer l’exil, il souhaite en faire émerger le sentiment; révélant la présence des tentes des vacanciers, il dresse le portrait des êtres peuplant la plage, tous ces visages dont le plaisir apparaît comme le contre-point à la solitude contrainte vécue par l’exilé. Si derrière chaque visage il se trouve un monde, à regarder et à comprendre, l’exilé n’a presque pas le droit au visage. Lui, il n’est qu’un corps qui traverse l’écran en format 4/3, comme si l’accès à la totalité horizontale lui était interdit, le format 16/9 ayant été créé pour les paysages de cowboys, sûrs de leur liberté et de leur pouvoir.

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Finalement, si « Exil » dépose des traces, c’est n’est pas le cas de son personnage principal. Ce dernier poursuit sa route hors du cadre sans que rien n’atteste de sa présence. Les deux derniers plans du film montrent des monceaux de sel et des outils de décomposition, évoquant sans doute la dissolution des traces ou bien encore le processus permanent d’ordonnancement et de remplacement. À travers une mise en scène sûre et précise, sont exposés autant de signes décrivant l’intimité agitée des êtres qui fuient. Pareille à celle du vent.

Mathieu Lericq

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E comme Exil

Fiche technique

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Synopsis : Premières heures d’un jeune migrant africain sur une plage européenne.

Genre : Fiction

Année : 2013

Durée : 16′

Réalisation : Vladilen Vierny

Interprétation : William Edimo

Scénario : Vladilen Vierny, Nora Jaccaud, François Peyroux

Image : Amine Berrada

Son : Tristan Pontécaille

Assistant son : Jean-Charles Bastion

Montage : Avril Besson

Musique : Jean-Charles Bastion, Romain Poirier

Production : La Fémis

Article associé : la critique du film

Festival de Cannes 2013

Le court à Cannes ou les confins étincelants des origines

Modération et tempérance ne sont habituellement pas les qualificatifs attribués au Festival de Cannes. Au contraire, l’événement prend ses quartiers dans les apparences les plus foisonnantes. Tout est prévu pour attirer et séduire. Le long tapis rouge est installé devant le palais. Les longs métrages réalisés par de grands cinéastes recouvrent la plupart des écrans, diamants officiels attendus par des centaines de spectateurs attroupés dans des fils interminables. Les longues robes aguicheuses des actrices se déploient sous les regards affamés des photographes. Les longues soirées divertissantes s’enchaînent dans les hôtels cinq étoiles et les villas côtières. Et les longues averses taquinent parfois les festivaliers, pour le plus grand plaisir des vendeurs à la sauvette.

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Mais il ne faut pas trop se fier aux apparences. Outre ce spectacle de grandeur et de débauche, le Festival de Cannes offre à sa manière un espace non négligeable à la concision et à l’expérimentation. Chaque section — Compétition Officielle, Cinéfondation, Quinzaine des Réalisateurs et Semaine de la critique — partagent le point commun de présenter une sélection de courts métrages. Et oui, les films de courte durée, ces pierres précieuses et exigeantes, ont aussi droit à leurs honneurs.

Objets surprenants de genres divers, tantôt développant une dramaturgie classique, tantôt proposant une forme novatrice, voire dérangeante, ces films parviennent ainsi aux yeux du public. Il s’agit des premières lumières de potentiels réalisateurs de la longueur, des rayons audacieux et fragiles qui alimentent — certainement pas dans la lumière, plutôt subrepticement, dans l’ombre, sans même que la majorité s’en aperçoive — les feux de la rampe.

Désireuse d’ouvrir des discussions autour de ces puissantes étincelles, l’équipe de Format Court vous invite à suivre le Festival de Cannes en tournant les regards vers la brièveté en clair-obscur. Histoire de prendre part aux festivités non depuis le centre de la confirmation, mais depuis les marges de la tentation. En somme, depuis les confins des origines.

Mathieu Lericq

Retrouvez dans ce Focus :

Les interviews

Eduardo Williams et Amaury Ovise, réalisateur et co-producteur de « Que je tombe tout le temps ? » (France, Quinzaine des Réalisateurs)

Gudmundur Arnar Gudmundsson, réalisateur de «  Hvalfjordur » (Le Fjord des Baleines), (Islande, Compétition officielle)

Oscar Ruiz Navia et de Guillaume de Seille, réalisateur et co-producteur de « Solecito » (Colombie, Danemark, France, Quinzaine des Réalisateurs)

Annarita Zambrano, réalisatrice de « Ophelia » (France, Compétition officielle)

Sarah Hirtt & Jean-Jacques Rausin, de la cinéphilie à la professionalisation (Belgique, Cinéfondation)

“ L’Aurore boréale ” par Keren Ben Raphaël, Rémi Bertrand, Ana et Hippolyte Girardot, Delphine et Élise Benroubi

Hu Wei et Julien Féret, réalisateur et producteur de « La Lampe au beurre de Yak » (Chine, France, Semaine de la Critique)

Ali Asgari, réalisateur de « Bishtar Az Do Saat » (« More than two Hours ») (Iran, Compétition officielle)

Omoï Sasaki, réalisateur de « Inseki + Impotence », et Yuko Nobe, en charge de la promotion internationale des courts métrages japonais (Japon, Compétition officielle)

Jane Campion, Présidente du Jury de la Cinéfondation et des courts métrages

Adriano Valerio, réalisateur de « 37°4S »(France, Compétition officielle)

Dénes Nagy, réalisateur de « Lágy Eső » (Hongrie, Belgique, Suisse, Quinzaine des Réalisateurs)

Les reportages

Les critiques de films

Le Quepa sur la Vilni ! de Yann Le Quellec (France, Quinzaine des Réalisateurs)

– « Hvalfjordur » (Le Fjord des Baleines) de Gudmundur Arnar Gudmundsson (Danemark, Islande, Compétition officielle)

« Solecito » de Oscar Ruiz Navia (Colombie, Danemark, France, Quinzaine des Réalisateurs)

« Bishtar Az Do Saat » (Plus de deux heures) d’Ali Asgari (Iran, Compétition officielle)

« La Lampe au beurre » de Yak de Hu Wei (Chine, France, Semaine de la Critique)

« En attendant le dégel » de Sarah Hirtt (Belgique, Cinéfondation)

« Ophelia » d’Annarita Zambrano (France, Compétition officielle)

« Que je tombe tout le temps ? » d’Eduardo Williams (France, Quinzaine des Réalisateurs)

« The Opportunist » de David Lassiter (États-Unis, Semaine de la Critique)

« Pátio » d’Aly Muritiba (Brésil, Semaine de la Critique)

« 37°4S »  d’Adriano Valerio (France, Compétition officielle)

– « Swimmer » de Lynne Ramsay (Royaume-Uni, Quinzaine des Réalisateurs)

« Olena » d’Elżbieta Benkowska (Pologne, Compétition officielle)

« Océan » d’Emmanuel Laborie (France, Semaine de la Critique)

« Going South (Vers le Sud) » de Jefferson Moneo (Canada/USA, Cinéfondation)

« Lágy Eső » (Bruine) de Dénes Nagy (Hongrie, Belgique, Suisse, Quinzaine des Réalisateurs)

« Inseki to impotence » de Omoi Sasaki (Japon, Compétition officielle)

« Pouco mais de um mês » d’André Novais Oliveira (Brésil, Quinzaine des Réalisateurs)

« Exil » de Vladilen Vierny (France, Cinéfondation)

Les actus

Cannes, la Palme d’Or du court métrage & les deux Mentions Spéciales

Le palmarès de la 16e édition de la Cinéfondation

Quinzaine des Réalisateurs, Prix Illy du court métrage

52ème Semaine de la Critique, le palmarès des courts

Cannes 2013, les 9 courts métrages en compétition officielle

Quinzaine des Réalisateurs : les neuf courts retenus

Semaine de la Critique, la sélection courte 2013

Cannes 2013 : la sélection de la Cinéfondation

1ème édition du Festival BD6Né, autour de la BD & du cinéma

La 1ère édition du Festival BD6Né aura lieu du 31 mai au 2 juin 2013 au Nouveau Latina à Paris et au Cinéma Les Lumières à Nanterre. Organisé par Collectif Prod, BD6Né est un festival entièrement consacré aux apports de la BD dans le cinéma et à toute la richesse des échanges entre ces deux Arts. Projections de courts métrages, conférences, concours de scénarios, combats de dessinateurs et autres animations sont prévus pendant ces 3 jours.

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Vendredi 31/05 à 20h au Nouveau Latina et et samedi 1/5, à 14h au Cinéma Les Lumières à Nanterre, 9 neuf films courts en compétition, mêlant BD et cinéma, seront projetés au Nouveau Latina.

Pour le jury de la compétition courts métrages, Collectif Prod a fait appel à :

– Florent RUPPERT & Jérôme MULOT, dessinateurs, réalisateurs de films d’animation
– Chloé MAZLO, réalisatrice de films d’animation
– Katia BAYER, rédactrice en chef du Webzine Format Court
– Rurik SALLÉ, journaliste spécialisé, rédacteur en chef du magazine Metaluna.

Deux conférences donneront un aperçu des passerelles possibles entre le 7ème et le 9ème art :

– Le Découpage comme art séquentiel au Cinéma et dans la Bande Dessinée, en présence de Florent RUPPERT & Jérôme MULOT – David LE BOZEC – Marie EYNARD – Loïc Nicoloff, le dimanche 2 juin, à 12h au Nouveau Latina

– L’Adaptation de la Bande Dessinée au Cinéma, en présence de Nicolas DUVAL – Marc SYRIGAS – Julien MOKRANI – un représentant de la SACD, le 1er juin à 12h au Nouveau Latina

Pour plus d’informations, retrouvez le programme complet en ligne

Prix Jean Vigo 2013 remis à Jean-Charles Fitoussi & Yann Le Quellec

Le prix Jean-Vigo est une récompense cinématographique française décernée depuis 1951, créée par Claude Aveline, en hommage au réalisateur Jean Vigo. Attribué par un jury constitué de critiques, d’exploitants et d’anciens lauréats, il vise à encourager un auteur d’avenir et distingue « un réalisateur français pour son indépendance d’esprit et son originalité de style ». Il existe depuis 1960 un palmarès distinct pour les longs métrages et pour les courts métrages.

Le Prix Jean Vigo 2013 du long métrage a été remis la semaine passée à Jean-Charles Fitoussi pour « L’Enclos du temps », « film poétique et lumineux, l’art cinématographique dans toute sa pureté », selon les jurés.

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Le prix du court métrage récompense, lui, Yann Le Quellec (réalisateur du dansant « Je sens le beat qui monte en moi ») pour « Le Quepa sur la Vilni » dont « la liberté de ton et le goût du burlesque font penser à la fois à Jacques Tati, Luc Moullet et Jacques Rozier », selon le jury. Pour information, ce film est sélectionné à la prochaine Quinzaine des Réalisateurs et fera partie de notre focus imminent sur le Festival de Cannes.

Lors de la remise des prix Jean Vigo, un prix d’honneur a également distingué le cinéaste Léos Carax pour l’ensemble de son oeuvre.

Short Screens #26 : Portraits de famille

Aimée ou détestée, la famille, c’est un peu les amis que l’on n’a pas choisis… Pour sa séance du mois de mai, Short Screens vous livre 6 courts métrages témoignant de l’évolution de l’institution familiale, 6 portraits à la fois sensibles, touchants et cyniques sur les relations tantôt tendres tantôt conflictuelles, qui entourent les liens de parenté.

Jeudi 30 mai à 19h30

Aventure Cinéma
Galerie du Centre 57, 1000 Bruxelles

PREMATUR
Gunhild Enger
Norvège / 2012 / fiction / 17′

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Prematur narre l’histoire d’un Norvégien, Martin, et de sa petite amie espagnole, Lucia, qui est enceinte. On suit le couple pendant leurs quinze premières minutes ensemble sur le sol norvégien, et notamment la rencontre de Lucia avec cette nouvelle culture, et surtout sa belle-famille.

LA PETITE DAME
Elisabeth Silveiro
Belgique / 2012 / documentaire / 8′

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À travers une discussion banale dans un café, entre une dame très âgée et une amir plus jeune, la solitude qui pèse sur ces deux personnes apparaît au grand jour. Ces deux dames ne s’écoutent pas vraiment, et pourtant, elles restent ensemble.

ON THE BEACH
Marie-Elsa Sgualdo
Suisse / 2012 / fiction / 17′

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C’est l’été, mais la vie est bien compliquée pour Sara, quinze ans. Son petit frère sur le dos, la voilà expédiée chez sa mère pour les vacances. Son père y tient, même s’il s’est fait larguer. Sa mère, elle crèche dans une caravane, au camping. Drôle d’endroit pour refaire sa vie! Heureusement, il y a la plage et les garçons. Encore faudrait-il qu’elle se laisse vivre, Sara…

LIVING JUKE BOX
Thomas Freteur
Belgique / 2013 / documentaire XP / 8′

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Le duo musical « Les Anchoises », c’est un peu un juke-box vivant. Il suffit de choisir un titre… et la musique est! Il suffit que la musique soit pour que s’éveille un cortège de souvenirs. C’est ainsi qu’est née chez « Les Anchoises » l’envie de rendre visite à leurs grands-parents respectifs avec pour fil rouge un mot-clé: partage.

LE CRI DU HOMARD
Nicolas Guiot
Belgique / 2012 / fiction / 30′

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D’origine russe et installée depuis peu en France avec ses parents, Natalia, six ans, attend impatiemment le retour de son frère, Boris, parti combattre en Tchétchénie. Le grand jour est arrivé, mais la fillette doit rapidement déchanter. Cet homme est-il vraiment le frère qu’elle a connu ?

A FAMILY PORTRAIT
Joseph Pierce
Royaume-Uni / 2009 / animation / 5′

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Un portrait de famille tourne mal à mesure que jalousie et soupçons se font jour, sous le regard implacable du photographe. Le malaise règne à la fin de la séance, laissant présager une journée mémorable.

PAF : 6 euros
Une initiative de l’asbl Artatouille et Format Court

Comme des lapins de Osman Cerfon

Présenté lors de la dernière édition du festival Silence on Court !, le court métrage d’animation « Comme des lapins » d’Osman Cerfon a reçu des mains du jury le troisième prix de la compétition. L’occasion de revenir sur ce petit bijou d’humour noir à l’univers graphique riche et soigné qui révèle un jeune réalisateur plus que prometteur.

Après « Pas de peau pour l’ours » en 2010, « Comme des lapins » est le deuxième chapitre d’une série de courts métrages d’animation, réalisé par Osman Cerfon, intitulée « Chroniques de la Poisse ». La Poisse en question est un personnage d’homme à tête de poisson, protagoniste principal de chaque film dont on suit l’itinéraire chaotique le menant d’un décor à un autre pour vivre de nouvelles aventures. Ici, la Poisse arrive dans un parc d’attractions au thème singulier : les lapins. Le voici confronté à une faune hostile et malveillante : celle des humains pervers venus moins pour profiter des festivités que pour se laisser aller à leurs déviances les plus sadiques.

Comme les personnages de Charlie Chaplin ou de Buster Keaton, la Poisse déplace son corps burlesque à l’intérieur du cadre et devient l’élément perturbateur à l’origine des catastrophes physiques. Il lui suffit en effet d’une simple contrariété pour laisser s’échapper de sa bouche une «bulle de malheur» qui dérive au gré du vent avant de s’arrêter au-dessus de la tête d’un autre personnage, qui subira à son tour les foudres de la malchance. Et les conséquences sont souvent désastreuses : chute d’une montgolfière, accident de voiture, enfant assassiné (clin d’oeil savoureux à M le Maudit de Fritz Lang), … . C’est un spectacle d’une grande désolation que nous offre Osman Cerfon. Heureusement, pour qui goûte l’humour noir, le film offre son lot de scènes et de détails comiques qui provoquent le rire et établissent une distance salutaire avec la noirceur des événements qui sont dépeints.

Utiliser le cinéma d’animation pour raconter les aventures de la Poisse permet au réalisateur de déployer un univers graphique riche et cohérent où l’on devine l’influence de grands auteurs de comics contemporains. On pense beaucoup à Winshluss (auteur de bandes-dessinées et réalisateur entre autres de « Il était une fois l’huile », produit par la même boîte de production, Je Suis Bien Content) ou encore au dessinateur Charles Burns. Des références prestigieuses jamais écrasantes tant le jeune cinéaste parvient à trouver sa propre singularité et à développer un univers personnel en l’espace de deux films. Il va s’en dire que la suite des « Chroniques de la Poisse » est attendue avec impatience !

Marc-Antoine Vaugeois

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Fiche technique

Synopsis : Second volet des Chroniques de la Poisse. L’homme à tête de poisson poursuit sa balade mélancolique dans une fête foraine, distribuant aux hasard, ses bulles de malheurs.

Pays : France

Année : 2012

Durée : 8′

Réalisation : Osman Cerfon

Création graphique : Osman Cerfon

Décors : Darshan Fernando, Benoit Audé

Animation : Grégory Duroy, Osman Cerfon

Son : Julien Baril

Montage : Nazim Meslem

Producteur : Je Suis Bien Content

Article associé : la critique du film

Retour sur la 6e édition de Silence on court !

Silence on court !, ce festival organisé par des étudiants, présentait cette année 24 courts métrages pour une compétition très éclectique et surprenante. Six salles parisiennes, dont une sur une péniche, ont accueilli les projections sous le parrainage avisé de Bertrand Bonello.

Pour prétendre à la compétition de Silence on court !, il faut avoir moins de 30 ans, du moins lors de la réalisation du film (le plus dur restant de le prouver). Une compétition regroupant des jeunes gens donc, parfois inconnus au bataillon des festivals (Rémi Gendarme, les frères Denis) ou bien déjà primés ailleurs (Franco Lolli, Osman Cerfon, Jan Czarlewski).

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Malheureusement (et aussi logiquement), certains films sélectionnés se révèlent moins engageants et prometteurs. C’est le cas de « Les compliments d’amour » de Marie Madinier, petite bluette assez fade sur la difficulté de l’enfance malgré la justesse de l’enfant qui en tient le rôle principal. Même chose pour « Snail trail » (Philipp Artus) et « Pièce à nouer » (Ornella Macchia), deux films d’écoles assez mineurs qui aussitôt vus sont déjà oubliés.

Il est intéressant de noter que le comité de sélection du festival est composé de pas moins de treize membres (chiffre hautement symbolique en passant) ce qui complexifie énormément le processus de choix, pouvant aussi brouiller la ligne éditoriale souvent plus claire lorsque l’on a à faire à un comité réduit. Toutefois, les compromis et les concessions sont assez rares, semble-t-il, tant le comité privilégie les films risqués et empreints d’une certaine marginalité face au courant principal. Souhaitons que ce type d’initiative, libre et engagée mais à l’économie frêle, puisse continuer et se transmettre à une nouvelle génération d’étudiants prompts à défendre une certaine idée du court métrage.

Amaury Augé

Soirée Bref demain soir, carte Blanche au Festival Côté court

Demain soir, la revue Bref propose au MK2 Quai de Seine une carte blanche au Festival Côté court de Pantin. Côté court est l’un des plus importants festivals de court métrage en France. Depuis 22 ans, le festival découvre, sélectionne et soutient les talents de demain à travers les compétitions. Il explore et partage les territoires du cinéma, notamment ceux où il se frotte singulièrement à d’autres formes ou expressions artistiques. Ainsi musique “live”, performances et installations trouvent naturellement leur place au sein de la programmation. Cette sélection de films vous propose un avant-goût de la programmation de la 22e édition, qui aura lieu du 5 au 15 juin 2013. Venez découvrir les films de Jacques Perconte, Pierre Creton ou Thomas Bertay et Pacôme Thiellement, invités de la prochaine édition, et une sélection thématique autour de Jean-Luc Godard.

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Programmation

Une saison de Pierre Creton. France, 2002, couleur, 15 mn, 35 mm

Réalisation et scénario : Pierre Creton • Interprétation : Catherine Pernot et Yves Edouard • Production : Atlante productions

Une histoire impossible à filmer, impossible à narrer, sauf par quelqu’un d’autre.

Quod Erat Demonstrandum de Fabrice Aragno. Suisse, 2012, couleur, 26 mn, DCP

Réalisation et montage : Fabrice Aragno • Scénario : Jean-Luc Godard • Production : SRG SSR

Avec son esthétique filmique radicale, Jean-Luc Godard est l’un des réalisateurs qui a le plus marqué le cinéma, et ce bien au-delà des années 1960. Co-fondateur de la Nouvelle Vague, il a rompu avec les canons cinématographiques pour créer un langage filmique expérimental qui lui est propre. Il a personnellement écrit le scénario de ce film documentaire de la série CINEMAsuisse, produit par la Radio Télévision Suisse (RTS).

Le dispositif 50 – Le manège cosmique du Dieu-Peur de Thomas Bertay & Pacôme Thiellement. France, 2011, couleur / noir et blanc , 21 mn, DVD

Réalisation : Thomas Bertay & Pacôme Thiellement • Production : Sycomore films

Ou comment le peuple des hommes reconstitués, sous l’impulsion de leur représentant, l’homme derrière le masque, transforma la Terre en un seul grand plateau de télévision et tous les êtres qui la peuplaient en résidus psychiques.
Mais dans le manège cosmique du Dieu-Peur, rien n’est jamais définitivement joué, et la Terre s’est peut-être encore retournée, c’est très possible !

La Chinoise 115, 2e de Jacques Perconte. France, 2013, couleur, 5 mn, DCP.

D’après les films de Jean-Luc Godard : La chinoise, 1967 et One+one, 1968

“Réminiscences plastiques des 68 et lignes de front contre l’impérialisme numérique. Jacques Perconte explore et tresse la matière de deux films de JLG de 1967 et 1968, qui tant esthétiquement qu’économiquement représentaient des « viet-nam » au sein de l’industrie du cinéma, pour en faire surgir le potentiel plastique labile dans le numérique aujourd’hui. Formes et couleurs rebelles sont émues par la grâce des femmes de Godard.” Bidhan Jacobs

Puissance de la parole de Jean-Luc Godard. France, 1988, couleur, 25 mn, BETA SP

Réalisation et montage : Jean-Luc Godard • Image : Pierre-Alain Besse • Son : Marc-Antoine Beldent • Interprétation : Lydia Andrei, Jean Bouise, Laurence Côte et Jean-Michel Irribaren • Production : France Télécom

Après la rupture du couple, un homme tente de joindre la femme aimée au téléphone. En miroir, un couple d’anges dialogue à propos de la puissance matérielle de la parole. Des images de la Terre, références à la création du monde et à l’Apocalypse, se mêlent à des tableaux de Max Ernst, Francis Bacon, Picasso. Jean-Luc Godard accole de multiples références picturales, cinématographiques, littéraires, musicales.

Infos pratiques

Mardi 14 mai. Séance à 20h30

MK2 Quai de Seine
14 Quai de la Seine
75019 Paris
M° Jaurès ou Stalingrad
Tarif : 7,90 € (cartes illimitées acceptées)

Soirée Format Court, jeudi 09 mai : les photos !

Ce jeudi 09 mai, l’équipe de Format Court vous donnait rendez-vous au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) pour une nouvelle séance de courts métrages. Cinq films (trois animations, deux fictions) furent projetés lors de cette soirée marquée par la présence de Chen Chen, Yan Volsy (réalisateur et compositeur de “M’échapper de son regard”), Denis Eyriey, Guillaume Dreyfus (comédien et producteur de “Fille du calvaire” de Stéphane Demoustier), Emilia Giudicelli et Emmanuel Deruty (danseuse et designer sonore de “Sonata” de Nadia Micault). Présent(s) ou non à cette séance, découvrez-en les instantanés – pris comme des papillons – par Julien Ti.i.Taming.

Prochaine séance (dernière de l’année !) : jeudi 13 juin 2013, soirée spéciale Quinzaine des Réalisateurs (réservations : soireesformatcourt@gmail.com)

L’âge adulte de Eve Duchemin

Récompensé d’une Mention aux Rencontres du moyen-métrage de Brive, « L’âge adulte » de Eve Duchemin dresse le portrait cinglant d’une jeunesse à la dérive en manque de repères existentiels et sociaux. Tout comme dans son précédent film documentaire « Avant que les murs tombent », Eve Duchemin récidive avec une thématique qu’elle connaît bien, celle des difficultés de survie sociale d’une génération en proie à l’insécurité et à l’instabilité face à la faiblesse des modèles d’inclusion. Chronique de la galère, « L’âge adulte » nous plonge en immersion dans une année de la vie de Sabrina, jeune fille de 20 ans qui tente d’échapper à la précarité en multipliant petits boulots de jour et un emploi de nuit comme strip-teaseuse dans une boîte du Vieux Port de Marseille. Caméra à l’épaule, Eve Duchemin crée un rapport intime avec les difficultés de Sabrina pour mieux interroger la nature d’une société qui semble avoir oublié la nécessité de sa propre reproduction générationnelle dans son modèle de développement humain et ses fondements affectifs, psychologiques et matérialistes.

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Dès la première scène du film, on découvre Sabrina à moitié nue se dandinant gaiement avec une candeur juvénile dans une chambre sans meubles remplie de peluches d’enfant. D’entrée, Eve Duchemin choisit de montrer le corps de cette femme-enfant pour poser la question qui traverse son film, celle du passage à l’âge adulte et de la frontière toute métaphysique entre l’innocence et la responsabilité. Comme la marque de la proximité entre les deux femmes, le corps de Sabrina est cadré très étroitement par la réalisatrice pendant les 56 minutes du film et devient très vite un vecteur de questionnement pour le spectateur, particulièrement dans sa dimension psychologique. Symbole du déni de soi-même, le corps de Sabrina apparaît rapidement comme désacralisé, instrumentalisé et martyrisé. Une désacralisation qui s’exprime ouvertement comme dans la scène où elle montre avec un cynisme plein d’humour les mouvements caricaturaux qu’elle exécute lorsqu’un client s’isole avec elle pour un show privé. D’ailleurs, le discours de Sabrina est très clair sur ce sujet, et on n’est pas surpris de l’entendre dire : « Si je dois montrer mon cul pour de l’argent, je le fais ».

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Pour autant, Sabrina n’est certainement pas strip-teaseuse par vocation et la trop grande proximité du métier avec la prostitution hante l’acceptation qu’elle a d’elle-même. Il lui faut alors s’abîmer dans des quantités terrifiantes d’alcool pour arriver à assumer cette situation. Un rapport au sexe et à l’alcool en complet déséquilibre qui s’exprime parfaitement dans une scène filmée dans les vestiaires de la boîte de nuit où, ivre de colère, elle détruit symboliquement l’image d’elle-même en dénigrant impitoyablement devant le miroir tout les défauts qu’elle trouve à son corps, ce corps qu’elle n’aime pas, pas plus qu’elle n’aime ce que la recherche d’argent rapide la pousse à faire avec. Car Sabrina voudrait autre chose pour elle-même, et au milieu de cette vie chaotique, elle tente de préparer un concours d’entrée dans une école d’aide-soignante. Ce qu’elle voudrait c’est un emploi, un revenu, une stabilité, gravir une marche vers cet âge adulte idéal qui semble tellement loin, presque inaccessible.

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Le film de Eve Duchemin est une mine de questionnements pour celui qui cherche à comprendre notre époque, et le destin de Sabrina peut apparaître emblématique de celui de cette jeunesse amère et désenchantée minée par la rage, la dépression et l’absence de sens. Car si l’on peut lire en filigrane l’effondrement des modèles d’intégration par le travail, l’école ou la famille au profit de schéma simple d’utilitarisme individuel et consumériste à court terme, « L’âge adulte » nous adresse surtout une piqûre de rappel douloureuse où la place de l’espoir, de la tendresse et de l’amour est dramatiquement mis en question.

Xavier Gourdet

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A comme L’âge adulte

Fiche technique

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Synopsis : Vivant en colocation dans une maison inachevée, Sabrina, 20 ans, enchaîne les petits boulots non qualifiés pour essayer de garder la tête hors de l’eau. Inscrite à une formation pour tenter de reprendre l’école et avoir un jour un diplôme, elle commence parallèlement la nuit un job de strip-teaseuse, sur le Vieux Port de Marseille. Vouloir « devenir adulte » n’est ni une quête vaine, ni chose facile. Mais personne ne pourra lui dire que 20 ans, c’est le plus bel âge de la vie.

Genre : Documentaire

Pays : Belgique, France

Durée : 56′

Année : 2011

Réalisation : Eve Duchemin

Image : Eve Duchemin

Avec : Sabrina Himeur et Loïc Guiraud

Montage Image : Joachim Thome

Montage son: Jean-François Levillain

Mixage : Aline Gavroy

Musique : Dez Mona (Belgique)

Production : Les Films grain de sable, Eklektik Productions

Article associé : la critique du film