La Version du loup d’Ann Sirot et Raphaël Balboni

« Tire la chevillette et la bobinette cherra »

On connaissait déjà le penchant du tandem Sirot-Balboni pour l’étrange et le décalé. Mais si l’univers des deux artistes s’engouffrait dans les méandres d’un psychologisme angoissant dans « Dernière partie » et « Juste la lettre T », avec « La Version du loup », sélectionné en compétition nationale au Festival du court métrage de Bruxelles où il a remporté une Mention spéciale Prix BeTV, le ton change radicalement. Le film revisite joyeusement le célébrissime conte du « Petit chaperon rouge ».

On a tous plus ou moins grandi avec l’histoire du « Petit Chaperon rouge » comme livre de chevet. Ann Sirot et Raphaël Balboni le savent très bien et s’en amusent. Il existe d’innombrables adaptations du conte, certaines plus coquines que d’autres mais aucune ne semble vouloir donner la parole au loup. C’est que cet être velu à la langue pendante, aux dents aiguisées et capable de se travestir pour arriver à ses fins, a traumatisé des générations d’enfants. C’est sans compter la tendresse particulière que les artistes portent à l’animal auquel ils rendent justice dans une version un brin déjantée.

Avec ce troisième opus, le couple affirme sa volonté de faire un cinéma hybride et atypique, mêlant des affinités respectives, celles du cinéma pour lui et du théâtre pour elle. Ainsi, le récit se retrouve démystifié dès les premières images présentant un Petit Chaperon rouge bien plus espiègle que celui de Perrault. Ici, la fillette se rend en barque chez sa mère-grand et un dynamique Django Reinhardt vient donner le ton et la distance adéquate pour savourer cette fable réadaptée. C’est que 68 est passé par là et le loup se retrouve confronté à l’émancipation d’un Chaperon à l’accent ibérique qui, en quelques répliques bien senties, défie les envies du quadrupède poilu.

Délicieusement interprété par Jean-Jacques Rausin et Ana Cembrero Coca, dans un genre complètement assumé, proche de celui d’Abel et Gordon, les réalisateurs montrent l’envers du décor, les coulisses du cinéma où dans cette traduction burlesque la jeune fille enfile les habits de son « abuela » pendant que son comparse aux grandes dents se retrouve tout de rouge vêtu. Mais loin d’entretenir des rapports conflictuels, les deux protagonistes semblent au contraire nourrir de tendres sentiments l’un pour l’autre. Echanges de bons procédés et si le loup aspirait à une romance tout simplement ?

Marie Bergeret

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