L’information est tombée ce matin. La réalisatrice, productrice et scénariste néo-zélandaise Jane Campion présidera le Jury du prochain Festival de Cannes (14-25 mai), succédant ainsi à Steven Spielberg l’an passé. Seule réalisatrice à s’être vu décerner la Palme d’or pour « La Leçon de Piano », en 1993, Dame Jane, comme l’appelle Gilles Jacob, n’a pas reçu une mais bien deux Palmes d’Or (la première lui a été remise pour son court métrage « Peel » en 1986) – cas unique dans l’histoire du Festival de Cannes.
L’année passée, elle présidait le Jury de la Cinéfondation et des courts métrages à Cannes. Acceptant très peu d’interviews, elle avait pris le temps de nous parler de ses premiers films, de « Top of the Lake » (la série qu’elle a réalisé pour la BBC2), des nouveaux auteurs et du numérique. À l’occasion de l’annonce de Cannes, nous vous proposons de retrouver son interview sur notre site.
Dans le cadre des cartes blanches à Kazak production, Jean-Christophe Reymond et Amaury Ovise présenteront ce jeudi 9 janvier à 20h30, une sélection de court-métrages : « Comédie décalée » (dont Comme des lapins de Osman Cerfon et Double mixte de Vincent Mariette). La séance sera suivie d’un débat en présence des réalisateurs.
Actif sur la Toile depuis 2009, Format Court fête son cinquième anniversaire ce mois-ci. Depuis sa création, le magazine en ligne promeut le court métrage sous toutes ses formes (fiction, animation, documentaire, expérimental). Présente en Belgique et en France, son équipe de rédaction n’a de cesse de repérer de nouveaux auteurs et de nouveaux films, sans critères de durée, de genre ou de nationalité. Depuis quelques années, Format Court s’intéresse également à la diffusion mensuelle de films courts en salles à Paris (les projections Format Court au Studio des Ursulines) et à Bruxelles (les séances Short Screens au cinéma Aventure). Conçue par Katia Bayer et Nadia Le Bihen-Demmou, cette carte blanche offre un panorama éclectique de la jeune création française et européenne à travers six films de fiction et d’animation repérés et primés en festivals.
Programmation
Tussilago de Jonas Odell. Suède / 2010 / couleur / 15 mn / projection numérique. Production : Filmtecknarna F. Animation.Prix Format Court au Festival Anima de Bruxelles 2011
Le terroriste ouest-berlinois Norbert Kröcher fut arrêté à Stockholm le 31 mars 1977. Il était à la tête d’un groupe qui avait pour projet de kidnapper la politicienne suédoise Anna-Greta Leijon. Un certain nombre de suspects furent arrêtés, dont l’ex-petite amie de Kröcher, “A”. Voici son histoire…
Chemin de traverse d’Ahllem Bendroh. France / 2013 / couleur / 8 mn / projection numérique.Production : OMJA (Office municipal de la jeunesse d’Aubervilliers).Prix Cinébanlieue 2013
Ali et son fils tombent en panne au milieu d’une campagne perdue. Ils sont condamnés à attendre et à se supporter alors qu’habituellement ils ne partagent que des relations conflictuelles.
Flow d’Hugues Hariche / 2012 / couleur / 22 min / projection numérique / Production : Kazak Productions.Prix “révélation” du festival européen du film court de Brest 2012
John, un jeune bodybuilder, se prépare jour après jour pour une compétition, les NPC Georgia Bodybulding Championships. Sa vie est un rituel, une mécanique parfaitement réglée. Concentré sur son objectif, il ne lâche rien, espérant atteindre sur scène cet instant de bonheur unique : le flow.
The Pub de Joseph Pierce /Royaume-Uni / 2012 / noir et blanc / 7 mn / projection numérique. Production : Fifty Nine Productions. Meilleur film d’animation aux festivals de Melbourne et Leeds 2012
Une journée dans la vie d’un pub glauque du nord de Londres.
Les Brigands d’Antoine Giorgini/ France, Belgique / 2013 / couleur / 16 mn / projection numérique. Production : Petit Film. Prix du meilleur réalisateur au festival Curtacinema de Rio de Janeiro 2012
Après avoir commis des vols sur un parking, Jimmy et Limo, deux jeunes voyous, se réfugient dans la forêt pour semer leurs poursuivants. Sur leur chemin, ils vont croiser un sanglier blessé par balle. Jimmy s’ordonne la mission folle de sauver l’animal.
Vivre avec même si c’est dur de Marion Puech, Pauline Pinson et Magali Le Huche /France / 2004 / couleur / 7 mn / projection numérique / Production : École supérieure des Arts décoratifs de Strasbourg. Prix du rire Fernand-Raynaud du festival de Clermont-Ferrand 2006
Une parodie d’émission de téléréalité nous présente une dizaine de petits reportages qui racontent les difficultés de l’existence d’animaux aux complexes drôles et absurdes.
Infos pratiques
Mardi 14 janvier, séance à 20h30
MK2 Quai de Seine
14 Quai de la Seine
75019 Paris
M° Jaurès ou Stalingrad
Tarif : 7,90 € (cartes illimitées acceptées)
Tondre l’herbe. Ramasser les poubelles. Laver des chaussures. Sourire devant un appareil photo. Tant de gestes banals reproduits par des anonymes. Et pourtant. Des gestes accomplis dans un lieu loin d’être anodin : les camps de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau.
Tondre l’herbe, belle couverture verte dissimulant l’ancienne et humiliante boue. Ramasser les poubelles des visiteurs multinationaux. Laver les chaussures des déportés. Sourire devant un appareil photo, comme si on voulait provoquer l’actualité dans l’odeur lointaine de la mort passée. Des mouvements devenus si étranges lorsqu’ils sont produits dans un contexte où l’autorité des uns sur les autres faisaient autrefois de la faim, de l’épuisement physique, de l’humiliation morale et de l’extermination, une norme quotidienne.
Ce sont ces mouvements répétés que le réalisateur polonais Łukasz Konopa décide d’exposer dans « After » (2012), présenté au festival Filmer à tout prix. Un court-métrage documentaire à la puissance insoupçonnée dont chaque geste-image, plutôt chaque réflexe d’être humain contemporain, fait se retourner l’histoire sur elle-même.
À l’intérieur du dehors
« After » se compose d’une série de plans fixes, principalement filmés à l’extérieur dans les allées du camp d’extermination d’Auschwitz II-Birkenau et de quelques plans intérieurs du musée aujourd’hui situé dans l’ancien camp de concentration d’Auschwitz I. N’usant d’aucun commentaire, le film de Łukasz Konopa ne se donne pas pour tâche d’expliquer; il montre comment ce lieu “vit” dans le temps présent. La mise en scène insiste d’abord sur la propreté et le rangement : les employés du mémorial tondent l’herbe, lavent les tas d’objets exposés (lesquels étaient appelés « Canadas » dans l’argot du camp) et remplacent les poubelles. En somme, les gestes répondent aux normes sanitaires aujourd’hui en vigueur. Ne seraient-ils pas également un étrange écho à l’illusoire rhétorique de l’ordre et de l’hygiène développée par les Nazis dès 1933 ? Aussi ces opérations ritualisées sont-elles autant de rappels inversés de la saleté et du désordre réels qui régnaient en ces mêmes lieux entre le 14 juin 1940 et le 27 janvier 1945.
Puis, la mise en scène se pose sur les visages des visiteurs, ceux que les agences de voyages nomment “touristes”, venus de tous les continents. Ceux-ci écoutent, marchent (parfois drapés dans des symboles nationaux), s’arrêtent devant l’allée principale pour se faire prendre en photo. Là, on s’arrête et on sourit comme si on était devant la Tour Eiffel ou le temple de Louxor. On entend crépiter les flashs. Or, rien dans ce lieu — où moururent 1,1 million d’êtres humains — ne prête à l’exaltation. Une nouvelle fois, l’histoire se retourne : aux mouvements ordonnés et ininterrompus des déportés (partant quotidiennement pour le labeur ou pour les chambres à gaz), se substitue la présence sporadique, parfois statique, et éclatée des visiteurs. Preuve que du temps a passé. Preuve que la mémoire n’est plus aussi retenue par l’horreur. Preuve également, sans doute, d’un rapport virtualisé à la réalité.
Il semblerait qu’à partir de ces sourires photographiques, on aperçoive un renversement de comportements : la valeur de la “visite” en soi apparaît plus importante que la valeur d’“exploration” et de “mémoire”. Se prendre en photo signifie donner une preuve d’un passage, même si le lieu restera à tout jamais qu’une surface aux traits vagues dans la tête de celui qui est pris, mais non le signe d’une appropriation, voire — dans le cas précis d’Auschwitz — d’une épreuve. L’histoire du lieu, ce qui a pu se passer là quelques décennies plus tôt, tend à s’estomper au profit d’une objectivation touristique — ou une symbolisation (le lieu doit être lavé, chaque objet bien mis à sa place d’objet-témoin, des objets au sens si figé qu’il n’est plus saisissable, niant par là même le temps) — autant que d’une délocalisation de l’expérience, faisant du moment de la prise du cliché le point du souvenir (et non l’approche lente du sens de l’espace environnant). C’est ce qu’on pourrait nommer la virtualisation du témoignage; signe d’une auto-démonstration écranique destinée à évoquer sans questionner, à surprendre sans vraiment déstabiliser. L’archivage photographique ne semble plus servir à témoigner du passé mais à donner aux êtres contemporains la certitude d’être vivants.
Néanmoins, se refusant à toute caricature, « After » montre aussi que les camps demeurent un lieu de recueillement indispensable. On voit, par exemple, de jeunes israélites prier en souvenir des disparus. De plus, le lieu retrouve une certaine solennité quand les allées se vident, que le silence se fait à nouveau.
Nous ne vieillirons pas ensemble
Cela dit, le temps a du mal à passer, même si les centaines de milliers d’êtres tués et exterminés dans les camps d’Auschwitz continuent de faire entendre leurs précieuses voix à travers ceux qui ont survécus. Łukasz Konopa montre dans « After » qu’on a probablement dépassé un cap dans la manière de considérer l’histoire des camps. La structure globale du film semble une ronde autour de l’idée de conservation : du maintien des espaces verts et la conservation des objets, on passe à la conservation des visages — non pas de ceux qui sont morts mais de ceux qui, bien vivants, visitent les lieux de l’extermination. L’être contemporain se conserve dans l’image, se publie, autant qu’il oublie et qu’il s’oublie. Visiter Auschwitz serait-il devenu « cool »? Cela ferait trop plaisir aux institutions du loisir, prêtes à tout pour déchirer l’intimité évidente qui relie un territoire et l’histoire des hommes qui le traversent. Donnant la primauté au silence et à l’observation, le court-métrage « After » donne à voir un « présent-après » étrange, diurne et ritualisé, un monde éclatant où tout de même quelque part résonne un cri, à la fois familier et presque inaudible. Un cri sans fin.
Synopsis : De l’aube à la tombée de la nuit, After dépeint le théâtre de la vie quotidienne aux alentours d’Auschwitz. La caméra observe de près, mais sans jamais s’imposer, ce qui se passe à l’intérieur et à l’extérieur du camp. Chaque scène est un monde de silence et de solitude soigneusement composé, où résonnent des émotions et des mots inexprimés. Le passé et le présent s’entremêlent dans un cadre où le temps s’arrête.
Genre : Documentaire
Durée : 6’
Pays : Royaume-Uni
Année : 2011
Réalisation : Łukasz Konopa
Image : Pawel Chorzepa
Son : Filipe Paszkiewicz
Montage : Carmela Landoli
Production : National Film and Television School (NFTS)
Début 2014, Format Court attribuera un nouveau prix à l’un des 22 films européens sélectionnés au festival d’Angers dans la catégorie « Plans Animés ». Le Jury Format Court (composé de Amaury Augé, Katia Bayer, Agathe Demanneville, Camille Monin, Xavier Gourdet et Marc-Antoine Vaugeois) élira le meilleur film de la compétition. Le court métrage primé bénéficiera d’un focus spécial en ligne et sera programmé lors d’une séance Format Court organisée au Studio des Ursulines (Paris, 5ème).
Films en compétition
Bestia Madre de Julianna Gal, Hongrie
Cesta (The Trip) de Ondřej Dolejší, République tchèque
Electric Soul de Joni Männistö, Finlande
Fear of Flying de Conor Finnegan, Irlande
Fellows in the Woods de Laura Carton, France
Im Rahmen (Framed) de Evgenia Gostrer, Allemagne
Jacinto de Elise Bruno, Antoine Legendre et Clélia Nguyen, France
Kaltė (Guilt) de Reda Tomingas (f. Bartkute), Lituanie
La Tâche de Chloé Alliez, Belgique
Last Autumn de Sofiya Ilieva, Bulgarie
L’Étrange disparition de Mr Walter Werner de Caroline Murrell, France
Lwas de Mathilde Vachet, France
Mimikry de Klara Brichakova, République tchèque
Rabbitland de Ana Nedeljkovic et Nikola Majdak Jr, Serbie-Monténégro
Safari Heat de Antti Laakso et Simo Ruotsalainen, Finlande
Snezhinka (Snowflake) de de Natasha Chernishova, Russie
Sukkavartaanaktu 8 (Sock Skewer Street 8) de Elli Vuorinen, Finlande
The Cowboy – In Color de Trygve Nielsen, Norvège
The Kiosk de de Anete Melece, Suisse
The Magnificent Lion Boy de de Ana Caro, Royaume-Uni
Things Don’t Fit de de Tim Divall, Royaume-Uni
Trespass de Paul Wenninger, Autriche
Sacha Feiner et son bras droit, Chloé Morier, nous parlent de leur premier film « Un Monde meilleur » qui a été projeté au dernier Festival européen du film court de Brest après avoir écumé les festivals aux quatre coins du globe et remporté notamment le prix du meilleur réalisateur au HollyShorts Film Festival de Los Angeles.
Qu’est-ce qui vous a amenés tous les deux à faire des films ?
Sacha : J’ai commencé à étudier la communication et le graphisme dans une école d’art à Bruxelles, La Cambre. Pendant mon cursus, j’ai expérimenté des choses et commencé à mêler le graphisme et d’autres formes. Puis, j’ai fait de petites animations interactives, parallèlement à ce que je bricolais déjà chez moi à l’époque. Je me suis intéressé à l’animation et j’ai fait un stage dans ce domaine.
Par la suite, j’ai montré mon travail de fin d’études aux organisateurs du Festival BIFFF en 2007 et ça leur a plu. Je leur ai proposé de projeter des petits films en avant-programme pendant le festival. Comme c’était très accessible, ils ont accepté. J’ai fait ces avants-programmes trois années d’affilée.
Chloé : Pour ma part, je suis dentiste, donc pas du tout dans le cinéma ! Quand Sacha et moi nous sommes mis en couple, j’ai commencé à lui donner un coup de main sur le Gremlins fan film. Je l’ai aidé le soir ou après le travail à animer les marionnettes, à bouger le fond bleu, etc. Pour ses projets, Sacha fait toujours participer ses proches : son père, son grand-père ou sa grand-mère, en gros tous ceux qui ne peuvent pas dire non !
Puis sur le projet Unsafe, j’ai remplacé au pied levé le co-réalisateur sur les derniers jours de tournage. On s’est rendu compte qu’on aimait bien travailler ensemble, qu’on se complétait bien. Je comprenais rapidement ce que Sacha voulait et j’ai fini par travailler sur chacun de ses projets de façon naturelle. Quand il a eu un dossier de financement pour son film « Un Monde meilleur », il a voulu qu’on travaille ensemble et que je sois son bras droit. Là, ça ne concernait plus les soirs et les weekends. J’ai choisi de faire une pause dans mon travail. Je travaille maintenant à plein temps sur les films de Sacha, je fais un peu de tout.
Sacha : On a fait aussi ensemble les re-takes [ndlr : les prises de vues supplémentaires après tournage] et toutes les maquettes que l’on a construites et filmées ensemble. Chloé m’a aidé, elle a fait tout ce que je n’avais pas eu le temps de faire.
Sacha, qu’est-ce qui t’a donné envie de te mettre au court métrage ?
Sacha : Il s’agit d’une envie que j’ai depuis toujours et je suis à peine en train de m’y frotter vraiment. Au départ, je faisais des films matériellement possibles à mon échelle et qui pouvaient bénéficier d’un minimum de visibilité. Je ne voulais pas me lancer dans un long métrage avec une mini-DV !
Comment s’est passée la transition entre la petite chambre où a été tourné « Unsafe » et le studio où a été tourné « Un Monde meilleur » ?
Sacha : La transition ne s’est pas vraiment faite d’un point de vue matériel. « UnSafe » ne nous a pas permis de véritablement préparer « Un Monde meilleur ». Un producteur avait vu mon travail et avait envie de produire un de mes courts depuis un moment. J’ai écrit ce scénario, mais il n’y avait pas de lien direct si ce n’est dans la thématique.
J’aime bien mettre dans mes films des petites allusions à mes courts précédents. Je fais ça pour moi, ça m’aide à rester cohérent et à savoir ce qui est possible dans ce monde que je continue d’explorer. C’est peut-être aussi grâce à ce parcours-là que « Un Monde Meilleur » possède ce côté artisanal. Les effets spéciaux manuels sur le plateau, en image par image, correspondent à ma culture cinéma : j’avais envie de tester à ma manière des techniques qui ont fait les films que j’aime.
Au générique de tes films, ton nom apparaît souvent. C’est étonnant de voir autant de tâches accomplies par le réalisateur. Comment as-tu pu techniquement apprendre tous ces postes ?
Sacha : À vrai dire, ce sont des postes que j’ai envie de faire moi-même. Tant que c’est à cette échelle-là, c’est faisable. Je me donne les moyens de les faire. Et puis, à chaque fois, il y a un peu d’expérimentation et d’échec avant d’y arriver.
À ce stade, j’aime bien me prouver qu’il y a des choses que j’arrive à faire tout seul. J’en tire plus de satisfaction, et pour un projet comme celui-là, sans beaucoup d’argent, j’ai des scrupules à demander aux autres de travailler pour moi. Finalement, faire moi-même les choses, c’est une solution de facilité.
Chloé : Sacha a aussi un niveau d’exigence assez élevé, c’est quelqu’un d’assez carré. Pour « Un monde meilleur », on a dû s’entourer d’une équipe parce que la production l’exigeait et voulait que Sacha se mette à travailler en groupe, à collaborer et à déléguer certaines tâches. Cela a été extrêmement difficile, notamment lorsqu’il a fallu confier certains travaux de décoration alors que Sacha avait des idées très claires depuis l’écriture du film. Tout avait déjà été planifié. Ça a été très dur pour lui, la décoration du film ne prenait pas toujours la forme qu’il avait imaginée.
Sacha : Oui, j’ai refait le plafond d’un des décors la nuit précédant le début du tournage parce que ça ne correspondait pas à ce que j’avais demandé. Je suis conscient d’être atteint du syndrome de la « perfectionite aiguë » mais j’ai agi ainsi parce que je savais que c’était possible. Il n’y avait quasiment qu’un seul acteur tout le temps, le plan de travail était bien maîtrisé. C’était donc tout à fait faisable.
Peux-tu nous parler de tes références pour « Un Monde meilleur »? Quels réalisateurs ou quels films ont pu t’inspirer ?
Sacha : Il y a plein de références à ce film et tout cela s’entrecroise plus ou moins : « Brazil » de Terry Gilliam, mais aussi Stanley Kubrick dans mon obsession de vouloir faire des plans bien symétriques, Jacques Tati également avec notamment « Playtime ».
Pour ce film, j’ai eu l’impression de mettre en scène un film d’animation sans référence particulière. Je voyais les personnages comme des marionnettes, c’était très découpé, très fixe, ça s’accordait avec l’univers, mais j’avais l’impression de faire de l’animation avec des acteurs live.
J’ai déjà expérimenté beaucoup de choses dans un univers « orwellien ». Ce qui m’intéressait, avec ce film, c’était de raconter une histoire dans ce genre d’univers mais uniquement en prenant du recul par rapport à mes premiers essais.
La plupart des films de science-fiction qui se passent dans une dictature parlent souvent de l’histoire d’une personne voulant sortir du système et luttant pour en sortir. Ça m’a semblé intéressant d’essayer de faire l’inverse en arrêtant le système et en montrant le parcours de la seule personne voulant y rester. Cela correspond à ce que j’ai le plus envie de montre et de dénoncer dans le monde actuel, c’est ce qui me parle le plus, qui m’inspire, qui me fait réagir et involontairement rire le plus.
On est très surpris des réactions des gens devant le film. Tout le monde ne voit pas le film de la même manière. On a montré « Un Monde meilleur » dans plusieurs festivals en Europe et les gens réagissaient peu et souriaient parfois, sans plus. Aux Etats-Unis, le film a été projeté au festival HollyShorts et les gens l’ont vu complètement différemment. Ils ont ri du début à la fin, comme au cirque, à chaque fois qu’il y avait quelque chose à remarquer. Ils ont vraiment perçu le film de la manière dont je l’avais écris.
Comment s’est passé le travail avec Vincent Kohler qui joue le personnage de Henry ?
Chloé : Le casting s’est fait assez naturellement puisque Vincent est mon oncle ! Il est acteur en Suisse, il est assez connu dans son pays, il fait beaucoup de spectacles, d’émissions de radio et de télévision. Il est très à l’aise avec l’improvisation et est capable de jouer dans des registres très différents. Avec Sacha, ils se sont très vite trouvés tant humainement qu’artistiquement.
Sacha : Ceux qui ont vu le film disent que le personnage était fait sur mesure pour Vincent. Ça ne correspond pas du tout à ce qu’il fait habituellement dans ses spectacles ou au théâtre. En commençant à écrire le film, je n’avais pas spécialement pensé à lui, puis, au moment du story-board, je me suis rendu compte que c’est lui que je dessinais. Cela s’est fait assez naturellement. Après, il en a bavé, la mise en scène était vraiment au millimètre et je ne l’ai pas épargné. J’ai obtenu ce que je voulais et il était content d’avoir quelqu’un qui savait ce qu’il voulait.
Avez vous des projets en cours ?
Sacha : Nous venons d’obtenir une subvention de la commission du cinéma de Belgique pour un petit projet d’animation. C’est une histoire qu’il n’était pas possible de raconter avec des acteurs, il y aura des décors en cartons et ce sera en noir et blanc.
J’ai aussi un projet plus ambitieux de long métrage dont je viens de commencer l’écriture. Le film va parler des problèmes institutionnels et des mouvements séparatistes belges et de la façon dont un pays si minuscule veut être encore plus petit. Pour évoquer tout le potentiel de destruction que cela véhicule, j’aimerais faire apparaître un monstre géant ! C’est tellement l’inverse du film belge type que cela ne peut qu’intriguer.
Grâce à mon « Gremlins Fan Film », les créateurs des marionnettes originales des Gremlins, Rick Baker et Chris Walas (qui a eu un Oscar pour « La Mouche » de Cronenberg), me soutiennent. Ils sont d’accord pour créer le monstre de mon film. Ces gars étaient mes idoles quand j’étais gosse, maintenant ils m’invitent à déjeuner, grâce à ce petit film que j’ai fait dans ma cave !
Depuis quatre ans, nous vous proposons notre Top 5 des meilleurs courts métrages de l’année, à l’instar des revues et des sites dédiés au long métrage. Voici les films courts de l’année qui ont compté pour l’équipe de Format Court.
Amaury Augé
1. Silence Radio de Valéry Rosier, Belgique, France
2. Noah de Walter Woodman et Patrick Cederberg, Canada
3. Gambozinos (Dahus) de João Nicolau, France, Portugal
4. Les oliviers de Joël Brisse, France
5. Arekara, La vie d’après de Momoko Seto, France
1. Pride de Pavel G. Vesnakov, Bulgarie, Allemagne
2. Bishtar Az Do Saat de Ali Asgari, Iran
3. Ion de Olivier Magis, Belgique
4. Mijn ouders et moi de Stéphane Bergmans, Belgique
5. Pour faire la guerre de Cosme Castro et Léa Forest, France
1. Stufe Drei de Nathan Nill, Allemagne
2. Hvalfjordur de Gudmundur Arnar Gudmundsson, Islande
3. Pandy de Matus Vizar, République tchèque, Slovaquie
4. Il est des nôtres de Jean-Christophe Meurisse, France, Pologne
5. Zygomatiques de Stephen Cafiero, France
Camille Monin
1. 37°4S de Adriano Valerio, France
2. Little darling d’Igor Mirkovic, Croatie
3. Les Brigands d’Antoine Giorgini, France
4. Océan d’Emmanuel Laborie, France
5. Rodri de Franco Lolli, France
Julien Savès
1. Solipsist d’Andrew Thomas Huang, États-Unis
2. Social Kids – Le Sac de Mike Zonnenberg, France
3. Mecs Meufs de Liam Engle, France
4. Topo glassato al cioccolato de Donato Sansone (aka Milkyeyes), Italie
5. Reverie de Valentin Gagarin, Shujun Wong et Robert Wincierz, Allemagne
1. Monsieur Lapin de Pascal Cervo, France
2. Andorre de Virgil Vernier, France
3. Pour la France de Shanti Masud, France
4. Coda de Ewa Brykalska, Belgique
5. Simon et Suzanne, Ninon de François Guignard, France
Synopsis : Apiyo Amolo, d’origine kenyane, vit à Zürich depuis plusieurs années. Ce personnage fantasque et fascinant, d’une énergie débordante, qui partage son temps entre chanson, animation radio, quand elle n’est pas actrice ou modèle, n’hésite pas à aborder de manière frontale et hirsute les sujets qui la touchent. C’est ce qu’elle fait dans ce film de deux minutes qui traite de la position particulière de la double culture.
Les questions d’immigration et d’intégration sont rarement aussi efficacement abordées que par le ‘subalterne’ lui-même. C’est exactement ce genre de document de première main que nous livre Apiyo Amolo dans son film « Not Swiss Made », sélectionné en compétition internationale à Filmer à tout prix cette année.
Chanteuse, actrice et réalisatrice ne sont que quelques titres que possède cette artiste à plusieurs facettes, Suissesse d’origine kényane. En choisissant une forme épurée, ostensiblement en contraste avec son exubérance, Apiyo Amolo réussit un film à la lisière des genres documentaire et expérimental. Se basant sur sa propre vie d’immigrée – plus de treize ans de vie exemplaire en Suisse, une intégration impeccable, une menace d’expulsion suite à son divorce… – elle dresse un autoportrait singulier en deux minutes.
L’auteure s’exprime à l’aide de ce langage universel qu’est la musique, même si une compréhension des textes chantés se révèle utile pour saisir pleinement la signification et l’humour du film, qui se compose de deux airs folk très connus et culturellement typiques. Le premier, Jambo Bwana, est un chant tribal kényan (faussement attribué par leurs fans à Boney M.), accueillant le visiteur avec chaleur et amitié dans le pays de Hakuna Matata. L’autre, symbole même de l’Helvétique, est un yodel populaire sur l’identité suisse nommé Mein Vater ist ein Appenzeller (mon père vient d’Appenzell). Apiyo parvient ainsi à cristalliser sa double identité, ce parcours courageux et unique, à la fois exigé et critiqué.
À l’image, un gros plan constant traduit bien la complexité et l’insaisissabilité du sujet, jonglant entre coquetterie et austérité, mais ne virant jamais vers le ridicule ou le pathétique. Ce pari minimaliste osé est relevé grâce à la présence majestueuse de la cinéaste et par l’aisance avec laquelle elle passe de rires empruntés aux pleurs affectés. Le travail du montage est des plus basiques (plan séquence principalement fixe, avec quelques jump cuts maladroits et de légers effets de zoom) surlignant la simplicité et l’éloquence de la démarche.
Racontée avec étonnamment peu de moyens, l’histoire personnelle de ce ‘mouton noir’ donne lieu à un message social et politique d’une grande portée. Un véritable coup de poing !
Après avoir réalisé deux courts métrages d’études, « Dropping the night » et « Quand vient l’hiver », remarqués notamment dans les plus prestigieux festivals portugais, Jorge Jácome réalise un film assez fascinant, à la frontière de l’expérimental. Son étrange « Plutão » était présenté en compétition lors du dernier festival du film court de Brest.
Le présent : le scientifique et David
Ouverture pop sur une image noire avec en son centre un gros point lumineux bleu. Jorge Jácome prend le parti d’immerger immédiatement son spectateur dans une sorte d’hypnose lancinante. Les vibrations lumineuses de ce point isolé surprennent le regard et interrogent sur la nature de l’objet devant lequel nous sommes. La clé de ce mystère est assez rapidement donnée : cette masse ronde n’est autre que la représentation imagée de la planète Pluton.
À partir de là, très rapidement, le réalisateur expose frontalement les bases du récit, sans doute pour ne pas s’embarrasser d’amas de figures de style dans un film déjà très complexe et foisonnant de propositions tant visuelles qu’attrayantes au récit.
Dans les premières minutes, on comprend que l’on a affaire à deux protagonistes, l’un étant incarné par une voix off masculine, l’autre étant un jeune homme, David, filmé face caméra dans une posture fixe. Le dispositif du film ainsi exposé, le réalisateur déroule son récit sous une forme d’entretien, presque formel, entre les deux hommes : la voix interroge et s’interroge, là où David répond et se replonge dans une histoire d’amour passée.
Le passé : Pluton et Joana
Le principe étant ainsi posé, le réalisateur tricote une histoire qui entremêle deux désespoirs. Celui du narrateur-voix off, un scientifique qui a travaillé tout sa vie pour mieux connaître Pluton mais dont tous les espoirs ont été déchus un jour d’août 2006 où la planète a perdu son existence en étant déclassée par la communauté scientifique; et celui de David qui a aimé et partagé un long temps de sa vie avec Joana, son ancienne petite amie.
Jorge Jácome traite en parallèle ces deux vies dont les chemins coïncident en un sentiment commun : une profonde déception. Il s’agit là d’une crise de confiance en soi, du constat du caractère faillible de la mémoire et des souvenirs. Ici, cette crise est incarnée dans le ressenti exprimé par David et la voix off. Une planète, qui n’en est plus une, se confond avec le souvenir d’une amante perdue, et ces deux entités deviennent petit à petit des inconnues qui perdent leurs substances.
Face à un sujet aussi cinématographique que la mémoire, déjà si brillamment traité par des maîtres du cinéma, Jorge Jácome prend en quelque sorte un contre-pied en choisissant de se focaliser non sur le souvenir mais bien sur la volonté d’oubli. Les personnages acceptent que les choses ne soient plus. Oublier est ici une solution pour quitter un état de déception et de tristesse.
À l’image, quand le personnage de David évoque les souvenirs qu’il a de sa relation avec Joana, le réalisateur opère des choix de mise en scène assez prégnants qui appuient sur l’expression des souvenirs de David. Avant qu’il ne rencontre Joana, il est plongé dans l’obscurité, enfermé dans le cadre et filmé à travers des vitres, comme emprisonné dans un aquarium. À l’inverse, les apparitions de Joana apportent la lumière et sont une ouverture sur le monde. Jorge Jácome oppose aux images solaires et vives du récit de l’amour, des impressions visuelles de pénombre, d’isolement, de trouble quant il s’agit de la fin de leur histoire. Les lignes sont plus fuyantes, les couleurs ternies.
Plusieurs fois dans le récit, le réalisateur passe, sans réelle transition, entre ces moments de souvenirs d’amour de David aux souvenirs du scientifique sur Pluton. On passe alors en vue subjective sur un bureau qui porte les traces du travail de toute une vie sur Pluton.
Le futur : Tabula rasa
Le film se termine ainsi sur l’abandon des marques du passé. Les gestes sont les mêmes pour le scientifique que pour l’amoureux : là où l’un constate la disparition d’une planète sur les manuels et les cartes du ciel, l’autre se sépare des photos du sujet de son amour. Les deux ont été ébranlés dans leurs certitudes, et confrontés au changement.
La voix off résumera ce passage d’un état à un autre : « Les affiches des salles de classe et des boutiques des musées ont été remplacées, de nouveaux objets comme Pluton continueront à apparaître. Nous allons nous habituer à cette idée, comme s’estompe peu à peu de la mémoire celle d’un ancien amour. Le temps passe et nous espérons aller vers de nouveaux horizons ».
« Plutão » laisse une impression de vides à combler, celle d’un film à maturer pour bien comprendre le propos dense et un peu confus qui nous est exposé. Pour autant, il se produit au visionnage une impression forte, une sensation de toucher à quelque chose d’assez universel. Un moment de cinéma à part, peut-être un peu fragile dans la réalisation, mais qui laisse apercevoir le talent de ce jeune réalisateur attiré par les étoiles.
Synopsis : Pluton n’est plus considérée comme une planète. Les posters dans les salles de classe et les boutiques des musées ont été remplacés et de nouveaux objets semblables à Pluton continueront à apparaître. Avec le temps, nous nous habituerons à cette idée tout comme nous oublions nos anciens amants et rêvons de nouveaux horizons.
Genre : Fiction
Durée : 29’17’’
Pays : Portugal
Année : 2013
Réalisation : Jorge Jácome
Scénario : Jorge Jácome, Marta Simões
Image : Marta Simoes
Son : Luis Giestas, Michel Cipriano
Interprétation : David Cabecinha, Ines Vaz, Joana de Verona, Luis Henriques, Nuno Galopim, Vera Barreto
Surprenant film du jeune réalisateur berlinois Bryn Chainey, « Moritz Und Der Wadlschrat » (Moritz et le farfadet), qui a récemment obtenu une mention spéciale du jury jeune au Festival Européen du Film Court de Brest, nous plonge dans le sombre univers d’une famille recluse sur elle-même, rongée de l’intérieur par la maladie du plus jeune des deux fils.
Interprété avec justesse, Moritz est un frère aîné qui porte à bout de bras une famille dont les parents ne parviennent pas à cacher leur inquiétude. Chaque matin, il donne un peu de son sang à son frère Adam. La forêt semble être la seule échappatoire pour cet enfant qui n’en est plus vraiment un. La maladie et le sentiment d’injustice qui l’accompagne ont emporté avec eux l’innocence du jeune Moritz.
Dans la forêt, Moritz est interpellé par un farfadet coincé dans un tronc d’arbre. En échange de son aide, l’enfant à le droit à un souhait. C’est avec horreur et indignation que l’on découvre le souhait du garçon, espérant aussitôt qu’il ne se réalisera pas : que son frère disparaisse à jamais.
Dans cette fable du quotidien, le fantastique surgit soudainement sous la forme d’une créature issue du folklore français. Tout comme le lutin ou l’elfe, le farfadet, tout du moins dans la psychanalyse, est associé à l’enfance, à « l’enfant intérieur » qui sommeille en chaque être, une part de l’être qui relève de l’instinct, et révèle parfois les aspects les plus sombres de l’être, une part de la psyché qui ne se connaît pas elle-même.
Cette facette sombre de l’enfant, qui surgit soudainement tout comme surgit le fantastique dans le récit, fait renouer Moritz avec son enfance, et la cruauté qui bien souvent la caractérise. Trop de responsabilités et d’attentes pesaient sur lui, et alors qu’il libère le farfadet de son piège, c’est lui-même qu’il tente de sauver. L’enfant suscite peine et dégoût, tout comme la maladie qui ronge sa famille à petit feu. Alors, la nature reprend ses droits, et devient intimement liée à l’enfance, à la fois belle et cruelle.
Ce lien qui unit l’enfant et la nature est illustré dès les premières scènes du film de Bryn Chainey. « Moritz Und Der Waldschrat » s’ouvre sur des plans de forêt, où les arbres imposants et majestueux sont traversés par la lumière, qui se faufile et circule à travers les branches. Dans la séquence suivante, c’est le sang qui circule entre les deux frères, tel la sève qui aliment les arbres. Plus tard, alors que Moritz fend ces branches d’arbres de sa hache, il rompt le lien qui le lie à son frère, et par là même, les liens qui le raccrochent à la vie.
Bryn Chainey, un talent à suivre de près, n’en est pas à son premier essai. Déjà, ses précédents courts métrages évoquaient la famille et les liens qui unissent les parents aux enfants. Dans « Jonah and the Vicarious Nature of Homesickness » (2010), un homme se laissait dériver sur un vaisseau spatial de fortune et ne parvenait à communiquer avec sa famille que par messages sur répondeurs interposés. Dans « Film for the Boxed » (2007), un enfant pas comme les autres, doté d’un écran de télévision à la place de la tête, s’inventait des images de son père, dont sa mère trop protectrice refusait de lui parler.
Peut-être est-ce pour cette volonté d’aborder la complexité des relations qui unissent l’enfant et l’adulte que « Moritz Und Der Waldschrat » a plu au jury jeune du festival de Brest. On y perçoit le tiraillement entre les responsabilités qui incombent à l’adulte, et le désir de rester un enfant, illustré par des personnages qui demeurent impuissants face à une nature à la fois somptueuse, insondable et menaçante.
Synopsis : Moritz est un garçon perdu entre les mondes de la vie et la mort. Son combat contre la maladie de son petit frère l’amène à s’éloigner de plus en plus de sa famille. Alors qu’il se promène seul en forêt, il rencontre une créature ancestrale qui lui propose un marché macabre.
Genre : Fiction
Durée : 20’
Pays : Allemagne
Année : 2013
Réalisation : Bryn Chainey
Scénario : Bryn Chainey
Image : Marc Achenbach
Montage : Courtney O’Brien-Brown
Son : Johannes Peters
Interprétation : Kai Oliver Böhne, Anna Thalbach, Tim Sander, Ben Litwinschuh, Jens Winter
Du 12 au 17 novembre dernier, le 28ème Festival européen du film de court de Brest a une fois encore fait la part belle aux films courts venus de tous les horizons européens. On savait déjà que les programmateurs de ce festival haut en couleurs n’hésitaient pas à regarder du côté du genre, des genres, mais cette cuvée 2013 fut particulièrement inspirante en matière de bizarre et de magique.
Du côté des compétitions, en parallèle à la traditionnelle compétition européenne (42 films issus de 24 pays), la sélection française proposait un aperçu encore plus fourni qu’auparavant (3 programmes cette année contre 2 en 2012) de productions de jeunes réalisateurs.
Quant à la toute nouvelle section OVNI, qui remplace désormais le programme Cocotte minute, elle semblait s’intéresser de près à des films… inclassables tant dans leurs formes que dans leurs fonds.
Dense et culottée, la programmation 2013 du festival breton nous a fait voyager et découvrir quelques coups de coeur tous neufs que nous vous faisons découvrir aujourd’hui à travers ce focus spécial. Et pour information, Format Court organisera, comme l’an passé, une séance spéciale autour du festival de Brest, le jeudi 13 mars 2014 au Studio des Ursulines, à Paris.
À l’occasion du Jour le plus court, le 21 décembre 2013, Agnès Varda offre l’accès gratuit pour voir ou revoir ses courts métrages ainsi que ceux réalisés par Jacques Demy. Retrouvez tous ces films sur les chaînes « Agnès Varda » et « Jacques Demy » tout au long des 24 heures de cette (courte) journée sur la plateforme myskreen.
Films d’Agnès Varda
Elsa la rose, Salut les cubains, Le Lion volatil, Les demoiselles ont eu 25 ans, T’as de beaux escaliers, tu sais, Les dites cariatides, Une Minute pour une image Ulysse, Plaisir d’amour en Iran, Réponse de femmes, Ydessa, les ours et etc…, Black Panthers, Uncle Yanco, Salut les cubains, Les Fiancés du pont MC Donald, Ô saisons, ô chateaux, L’Opéra mouffe, Du côté de la côte.
Ce samedi 21 décembre, le Festival de Cannes participe au Jour le plus Court. Pendant 24h, visionnez en exclusivité, sur le site du festival, la Palme d’or du court métrage et les films d’écoles primés à la Cinéfondation en 2013.
Safe réalisé par Moon Byoung-gon (Corée du Sud), Palme d’Or
N’est-ce pas TROP prudent?
Needle réalisé par Anahita Ghazvinizadeh (Etats-Unis). Premier Prix de la Cinéfondation
La jeune Lilly va se faire percer les oreilles. Une dispute entre ses parents envenime la situation qui prend une tout autre tournure…
Une fratrie désunie se retrouve lors d’un déménagement. L’ambiance est électrique. Valéry, Victor et Vincianne prennent la route sans se douter que des embûches vont parsemer leur voyage… Le film interroge l’évolution d’une mésentente fraternelle au cœur d’une situation critique et décalée.
În Acvariu (In the Fishbowl) réalisé par Tudor Cristian Jurgiu (Roumanie). Troisième Prix ex-aequo de la Cinéfondation
George et Christina font de leur mieux pour rompre mais ils semblent avoir un peu de mal à y parvenir.
Pandy réalisé par Matúš Vizár (République Tchèque/Slovaquie). Troisième Prix ex-aequo de la Cinéfondation
Ils sont le produit de millions de générations précédentes et doivent pourtant se débrouiller tout seuls dans la forêt. Un jour un primate bien trop actif, l’être humain, les trouve et ils deviennent vite une source de jeu pour l’homme.
Apiyo Amolo, la réalisatrice de « Not Swiss Made », est un phénomène en soi. Boulimique de projets artistiques en tous genres, actrice, top model, chanteuse, animatrice d’une émission radio et réalisatrice, cette touche-à-tout hyperactive s’est posée un moment à la cantine du festival Filmer à tout prix pour nous parler de son parcours.
Originaire du Kenya, tu vis et travailles à Zurich, en Suisse. Tu animes une émission de radio, tu chantes et tu réalises des films. On peut dire que tu es une artiste complète ?
Comme tu l’as dit, je viens du Kenya, d’une famille de chanteurs. J’ai appris à chanter très tôt. J’ai vécu en Suisse avec mon ex-mari qui était y était originaire. J’ai commencé à chercher du travail. Au Kenya, j’avais étudié la médecine et l’économie mais ce n’est pas facile de trouver du travail en Suisse quand on n’a pas étudié dans le pays. J’ai dû passer une homologation, pendant ce temps-là, je travaillais dans un casino en tant que croupier. Je me suis rendu compte que j’adorais l’échange avec les gens. Puis, après avoir travaillé quatre ans dans une clinique où cela ne s’est pas très bien passé, j’en ai eu marre et j’ai décidé de retourner vers mes anciennes amours : la musique. J’ai appris le yodel, le chant traditionnel suisse allemand.
Pourquoi avoir opté pour ce genre de musique ? Etait-ce une manière de t’intégrer davantage dans la société et la culture suisses ?
Oui, tout à fait. Un dicton de chez moi dit : « Si tu veux que quelqu’un t’écoute et te donne toute l’attention, tu dois parler la même langue que lui ». J’ai pensé que si je montrais de l’intérêt pour la langue allemande et les coutumes, les Suisses me donneraient une chance. L’ironie du sort, c’est que j’aime vraiment ce type de chant. Certains disent même qu’il proviendrait d’Afrique, ce qui ne m’étonnerait qu’à moitié. Les Maasaï du Kenya ont un chant similaire.
Tu es présente au festival Filmer à tout prix, parce que ton film « Not Swiss Made » y a été sélectionné. Ton film est assez dense. En trois minutes, il parle de sujets aussi brûlants que l’identité, le racisme, l’immigration,… Comment t’est venue l’idée de le réaliser ?
Je vis en Suisse depuis 13 ans maintenant. Je me suis mariée avec un Suisse et comme je te l’ai dit, j’ai ressenti le besoin de m’intégrer complètement dans la société suisse en apprenant la langue et le yodel. La seule chose que je ne pouvais pas faire était de me peindre en blanc. Après neuf ans de mariage, mon ex-mari m’a demandé le divorce parce que j’étais devenue trop suisse, parce que je n’étais plus assez exotique pour lui. Trois ans après, les autorités suisses m’ont demandé de rendre mon passeport suisse. J’allais devenir apatride en somme. En apprenant cela, j’ai eu une telle colère, une telle rage en moi qu’il m’a fallu l’exprimer d’une manière ou d’une autre. À l’époque, je travaillais à la radio et je suis tombée sur une affiche publicitaire pour un festival de films qui proposait de faire des films de trois minutes traitant de la vie interculturelle en Suisse. J’ai foncé sur l’opportunité et j’ai décidé de réaliser « Not Swiss Made » pour qu’il y ait au moins une personne qui connaisse mon histoire. Et cette personne serait le sélectionneur de ce festival.
Comment s’est passée la réalisation? Tu as tout fait toute seule ?
Je venais de terminer l’école de journalisme à Luzer (Die Schweizer journalistschule), je me suis renseignée mais cela coûtait trop cher de louer un cameraman, du coup j’ai décidé de tout faire moi-même. J’ai loué une caméra. Je me suis alors posée la question de savoir comment j’allais pouvoir transmettre mon message en 3 minutes. J’ai tout de suite pensé à la musique. La musique est un langage universel, il fallait que tout le monde puisse comprendre sans passer par trop de dialogues. Il fallait que ce soit visuel aussi. J’ai donc mêlé deux chansons traditionnelles qui touchaient à mes deux identités, la kenyane et la suisse. La première est ce que l’on chante aux étrangers, au Kenya, pour leur souhaiter la bienvenue. La seconde est la première chanson que j’ai apprise en allemand, elle parle de quelqu’un dont la mère est suisse, et dont le père, suisse aussi, possède la force d’un vrai homme suisse. Une chanson typique connue par tous les Suisses allemands. L’idée était de chanter cela en yodelant. Je suis allé jusqu’à peindre le drapeau suisse sur ma figure pour montrer ma volonté de m’intégrer, en vain.
Il y a cette affiche politique du parti UDC (Union démocratique du centre) à la fin. Pourquoi l’avoir mise ?
Certains ne comprennent pas pourquoi j’ai décidé de la mettre. Et pourtant, c’était clair, pour moi, c’est le parti le plus raciste de Suisse, il est très populaire et possède toujours des affiches qui créent la polémique tant elles sont discriminatoires. Je me suis littéralement sentie comme le mouton noir que les moutons blancs rejettent.
Es-tu consciente que derrière l’envie d’exprimer ta colère d’un évènement de ta vie personnelle, tu renvoies un message politique ?
Je n’en n’étais pas consciente au début, je voulais simplement exprimer ma rage mais je m’en suis rendu compte par la suite quand le film a été rejeté par la plupart des festivals suisses pour son message politique et que j’ai vu les réactions des gens qui ont vu le film. Beaucoup m’ont écrit me disant qu’ils vivaient la même chose. Je me suis tout à coup senti moins seule dans la bataille.
Le cinéma documentaire comme revendication politique, tu y crois ?
Oui, si j’aime le documentaire, c’est avant tout parce qu’il parle de la réalité qui nous entoure. Vivant en Suisse, je sais que je peux percevoir différemment certains évènements à cause de mes origines africaines. C’est un plus pour moi. En ce sens, je suis plus proche du documentaire, effectivement. Mais j’ai des projets de fiction aussi.
Dis-nous en plus.
J’ai terminé un livre autobiographique et certains veulent l’adapter au cinéma. Ce serait en quelque sorte la version longue de « Not Swiss Made » et ce serait une fiction. Je travaille aussi sur un projet de grande envergure à la radio. L’idée est de créer une émission interculturelle qui s’appellerait « Couleurs d’Afrique » et qui mêlerait des artistes africains et suisses.
Short Screens a le plaisir de vous annoncer sa dernière séance pour l’année 2013 ! Venez découvrir une programmation éclectique, avec des films d’hier et d’aujourd’hui, fruits de la créativité d’auteurs belges et étrangers. Rendez-vous ce 26 décembre à 19h30, au Cinéma Aventure, au 57 Galerie du Centre à 1000 Bruxelles. PAF 6€.
Un projet à l’initiative de l’asbl Artatouille et FormatCourt.com.
Contra el mar de Richard Parkin Mexique / 2011 / Fiction / 19′
Contre la volonté de sa femme, Hector passe son temps à plonger dans la mer pour pêcher de quoi nourrir sa famille et pour garder son bateau. Mais après un accident en mer, Hector est obligé de se confronter aux dangers de sa profession qui posent la question de sa responsabilité envers sa famille.
Lève la tête d’Isabelle Mayor Suisse / 2013 / Fiction / 12′
Une comédie romantique qui fait la critique de la génération Facebook, par elle-même.
Quelques miettes pour les oiseaux de Nassim Amaouche France / 2005 / Documentaire / 28’30 »
En Jordanie, le dernier village avant la frontière irakienne, un petit bar, des entraîneuses, des hommes qui vendent des jerrycans de carburant au bord de la route. Lorsque la police arrive, hommes et femmes se dispersent comme une volée d’oiseaux traqués.
Pan de Frédéric Bayer Azem France / 2013 / Fiction / 9’33 »
3 femmes et une poubelle. Pan..
King Crab Attack de Grégoire Sivan France / 2008 / Fiction / 7′
Trouville-sur-mer, petite station balnéaire sans histoire. Basile, garde-côte, est le témoin d’événements étranges. Et si tout cela n’était que l’avant-goût d’une tragédie à l’ampleur catastrophique ?
Tous les deux ans, le festival de Bruxelles Filmer à Tout prix propose une programmation riche et hétéroclite de documentaires de création. Entre approches multiples des problématiques du réel et souci esthétique de l’expression cinématographique, Format Court s’est penché avec un œil curieux sur la compétition des programmes courts pour y dénicher quelques perles. Parmi les premiers films internationaux, nous avons remarqué « Escenas Previas », le film de la réalisatrice polonaise Aleksandra Manciuszek, qui nous plonge dans le huis clos intime d’une masure cubaine pour une émouvante triangulaire transgénérationnelle entre un père, sa fille et son petit-fils.
Dès les premières images, le décor se pose. Un couloir coloré qui traverse la maison, puis une salle de bain décrépie où l’on retrouve trois générations de personnages dans une scène quotidienne de vie familiale. Le jeune enfant pleure des douleurs qui lui tordent les intestins, la mère tente de le réconforter, et le grand-père à moitié nu s’occupe du linge. Entre eux, s’échangent des propos habituels et anodins d’où transpire une certaine inquiétude quant à la santé et aux conditions de vie alimentaire de l’enfant. Les tableaux se succèdent alors dans une série de plans fixes magnifiquement photographiés, où l’on découvre les relations entre ces trois protagonistes. Le vieil homme, atteint d’une maladie respiratoire qui semble devoir l’emporter très prochainement, passe ses journées entre sa fille et son petit-fils avec lesquels il partage sa vie.
On aurait tort de chercher dans « Escenas previas » une quelconque analyse de fond sur Cuba. Le cadre cubain est finalement peu développé et sert surtout de contexte social et culturel sans importance réelle face à l’universalité de la thématique développée. Car « Escenas previas » s’attache surtout à mettre en lumière une intimité, un regard sur le sens de la famille et sur les notions de présence et d’accompagnement entre les générations. Au centre du film, brillent les yeux d’un enfant, comme brillent aussi ceux d’un grand-père, alors que la mère, elle, semble tout irradier de son rire et de sa force de vie. Réflexion sur la famille et sur la transmission, le film d’Aleksandra Mancuiszek nous amène à nous interroger sur le temps qui passe et sur la valeur de ce qu’on y laisse. Le temps, voilà la toile de fond. Le présent, le passé, l’avenir, tout se mêle dans « Escenas previas » pour une recherche de sens qui n’est pas sans rappeler les propos du poète Ronsard : « ce n’est pas le temps qui passe, c’est nous ». Que restera-t-il quand le temps aura passé sur cette maison délabrée ? Que restera t-il à cet enfant qui vient d’y naître ? Que rester- t-il de ce vieil homme au crépuscule de sa vie ? Que restera t-il à cette femme qui va perdre son père et élever son enfant seule ? L’émotion se cache dans chaque plan et parle à tous d’une humanité universelle. L’image est somptueuse, et les cadres parfaitement composés jouent de la distance, des lumières et des couleurs pour faire écho à l’atmosphère du film et placer le spectateur face à une intensité émotionnelle de toute beauté.