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Laure Calamy : « C’est fascinant de voir à quel point au cinéma, on ne maîtrise rien. Au théâtre, c’est plus moi qui choisis la prise ! »

Si Laure Calamy est encore peu présente dans des longs-métrages, on ne peut que se souvenir d’elle dans les courts-métrages Ce qu’il restera de nous (Vincent Macaigne) ou encore Un Monde sans femmes (Guillaume Brac) tant son jeu passe aussi bien par le texte que par le corps. Dans La Contre-allée de Cécile Ducroq en compétition à la Semaine de la Critique, elle est Suzanne, une prostituée qui connaît la crise. Nous l’avons rencontrée à Cannes pour un échange tout en rires et en bonne humeur.

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Format Court : D’où t’est venue l’envie de devenir comédienne ?

Laure Calamy : Je crois que c’est vraiment toute petite que j’ai eu envie de devenir comédienne. Je me souviens avoir dit à ma mère que je voulais être « une dame de cirque » (rires) ! J’avais donc commencé à prendre des cours de théâtre et finalement mon père a voulu que j’arrête. Ça m’a beaucoup déçue si bien que j’ai mis du temps à me décider à vraiment être comédienne. Je suis allée à Paris et j’ai suivi un cours à la Courneuve. Ensuite, j’ai fait la Rue Blanche et le Conservatoire. Après ça, j’ai joué dans une pièce à la Comédie Française et c’est là que j’ai rencontré Denis Podalydès.

À la base, tu es une comédienne de théâtre. Qu’est-ce qui t’a poussé à aller vers le cinéma ?

L.C. : En fait, ce sont des propositions. Bien sûr, quand je suis arrivée à Paris à 18 ans, j’en avais envie. Je me rendais tout le temps au cinéma et j’adorais ça. J’allais rue des Écoles et je « grugeais » un peu pour voir encore plus de films ! À 20-22 ans, j’avais peu d’occasions de passer des castings, je ne pensais même pas pouvoir tourner.

Ça a plus été une question d’occasions, de rencontres. Par exemple, Denis a parlé de moi à son frère Bruno pour que je fasse des essais pour Bancs Publics (Versailles rive-droite) et j’y ai joué. Pareil pour Guillaume (ndlr : Brac, réalisateur d’Un Monde sans femmes). Vincent (ndlr : Macaigne), avec qui j’ai commencé à faire du théâtre puis tourné Ce qu’il restera de nous, le connaissait et lui a parlé de moi. En me rencontrant, Guillaume s’est dit que je correspondais au rôle.

On se souvient de cette scène dans Ce qu’il restera de nous dans laquelle tu te barbouilles le visage de rouge à lèvres ou des pièces mises en scène par Vincent Macaigne. Est-ce que tu te mets des limites dans ta façon de jouer ?

L.C. : A priori, non car j’aime aller le plus loin possible et je suis plutôt ouverte aux propositions de rôles aussi bien au cinéma qu’au théâtre d’ailleurs (rires). J’aime être dans l’instant, le plus possible. Sur Ce qu’il restera de nous en l’occurrence, on était presque dans un état de transe. Avec Vincent, on avait fait un labo ensemble et on devait partir à Orléans pour faire quelque chose autour d’Hamlet. Une fois à Orléans, Vincent a finalement décidé de tourner cette histoire et on a donc filmé.  On a écrit les scènes au fur et à mesure, en plus de faire de l’improvisation. Et puis, il y avait aussi des scènes écrites qu’on répétait et répétait comme si on était au théâtre.

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Lorsque tu rencontres un(e) réalisateur/rice, participes-tu à l’écriture ou au contraire, prends-tu le scénario tel quel, en pleine confiance ?

L.C. : C’est différent avec chacun en fait. Par exemple avec Guillaume, il y avait quelque chose de très écrit, sauf la scène des mimes qui était improvisées ou les scènes avec les comédiens non professionnels. Mais autrement, c’était assez précis. Par exemple, quand je repense à la scène sur la barrière avec Vincent justement, c’était très écrit et je n’ai rien rajouté ni modifié. En fait, j’aime bien quand il y a un mélange des deux : scènes écrites et improvisées. J’ai tourné avec Blandine Lenoir dernièrement et il y avait aussi un mélange de choses très écrites et de moments d’improvisations, avec des propositions de la part des acteurs.

Blandine Lenoir et Vincent Macaigne sont comédiens à la base au contraire de Guillaume Brac. Perçois-tu une différence dans la direction d’acteurs lorsque le réalisateur a été comédien ou pas ?

L.C. : Oui, il y a forcément une connaissance du métier. Ils savent ce qu’est le jeu. Du coup, il est vrai qu’il y a une aisance avec les acteurs-réalisateurs. Mais après, il y a surtout une différence entre la place de l’acteur au théâtre et au cinéma : au théâtre, c’est l’acteur qui est le pilier principal. C’est nous finalement qui faisons vivre la pièce, qui dirigeons le regard et qui maîtrisons le tout. On est moteur de ce qui se joue, là maintenant. Tandis qu’au cinéma, on peut ressentir quelque chose et faire un truc, mais si au montage, le réalisateur décide de ne pas le garder, on n’y peut rien. Je l’ai découvert il y a peu de temps finalement, mais c’est fascinant de voir à quel point au cinéma, on ne maîtrise rien. Au théâtre, c’est plus moi qui choisis la prise (rires) !

Comment s’est faite la rencontre avec Cécile Ducroq, la réalisatrice de La Contre-allée ?

L.C. : Son producteur, Stéphane Demoustier (Année Zéro Productions), qui avait produit un court-métrage de Julien Gaspar, Passe, où je jouais déjà une prostituée, a montré le film à Cécile et m’a appelé en me disant qu’elle voulait que ce soit moi, bien que je sois plus jeune que le rôle. À la base, elle cherchait une femme de 45 ans ou plus. Après, j’ai lu le scénario et je l’ai trouvé super.

Comment as-tu abordé le rôle ?

L.C. : Il se trouve que j’ai lu beaucoup de choses de Grisélidis Réal, une ancienne prostituée suisse qui a écrit des choses magnifiques et que j’adore. Du coup, j’avais l’impression qu’il y avait quelque chose de familier dans ma tête avec cette histoire. Quand j’ai lu ses textes, j’ai ressenti des choses très dures, mais aussi de vrais échanges, une relation de fidélité avec ses clients. Pour certaines prostituées, il faut savoir que c’est un métier qui permet aussi de vivre normalement, c’est quelque chose qui m’a touchée.

Comment s’est déroulé le tournage ? Les scènes un peu plus crues ou violentes ont-elles été faites en début ou en fin de tournage ?

L.C. : Plutôt à la fin. En fait, on a très peu répété, un peu plus avec les clients car, pour la plupart, ils n’étaient pas acteurs professionnels et on voulait les mettre plus à l’aise, surtout qu’il fallait quand même se mettre à poil ! Les deux premiers jours de tournage, on a commencé par les scènes hors de la chambre ; par exemple, le moment où Suzanne attend au café. En fait, le tournage a vraiment commencé au moment des prises pour les scènes avec les clients. À partir de là,  on était dans l’action, dans le concret des choses, là d’un coup, le tournage était parti car on avait besoin d’être confronté au sujet. En plus, personnellement, je n’ai aucune gêne avec ça. D’ailleurs, je n’avais qu’une envie, que l’on commence par ces scènes-là parce que c’était ça le rôle. C’est un film d’action pour moi !

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Pour ce genre de scènes un peu plus violentes et intimes, as-tu besoin d’une concentration particulière, d’être un peu isolée avant de tourner ?

L.C. : Pas du tout. Au contraire, j’aime bien être là, discuter avec les gens, être dans la vie, qui plus est dans ces scènes-là qui étaient justement très concrètes, avec beaucoup de vie. D’ailleurs, on a beaucoup improvisé. S’il y avait eu un texte très précis, ça aurait été horrible en fait. On aurait perdu le naturel de la situation. Par conséquent, on a passé beaucoup de temps à créer un climat de confiance.

Les films dans lesquels tu as joué ont souvent été sélectionnés dans de grands festivals tels que Clermont-Ferrand ou Brive, mais c’est ta première fois à Cannes.

L.C. : Oui, mais je n’ai pas pu me rendre dans la majorité de tous ces festivals (rires) ! Enfin, si je suis allée à Belfort. Quant à ici à Cannes, ce n’est que du plaisir, sans vraiment de pression. C’est une super surprise en effet.

Et quel est ton programme après Cannes ?

L.C. : Je répète actuellement une pièce de théâtre à Avignon, Orlando ou l’impatience, une création d’Olivier Py, qui sera présentée pendant le festival.

Après, en août, je vais répéter avec Vincent (ndlr : Macaigne) qui va faire une re-création de L’idiot de Dostoïevski. Il l’avait déjà créé il y a 5 ans, mais je n’étais pas dessus à l’époque et il y aura trois reprises de rôles. Ce sera joué à la rentrée au Théâtre de la Ville (du 1er au 12 octobre 2014) et au théâtre Nanterre-Amandiers (du 4 au 14 novembre 2014). Sinon, j’ai aussi une scène dans Sous les jupes des filles d’Audrey Dana qui sort le 4 juin, mais je n’ai pas encore vu le film. J’ai aussi participé au dernier film de Lucie Borleteau, Fidelio, et au premier long-métrage de Blandine Lenoir, Zouzou, dans lequel j’interprète une institutrice très féministe.

Y a-t-il un rôle ou un personnage que tu rêverais d’incarner ?

L.C. : J’aime les rôles d’action, alors ça me plairait de jouer dans un western (rires) !

Propos recueillis par Camille Monin

Article associé : la critique du film

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Concours : 5 places à gagner/Reprise des courts/Quinzaine des Réalisateurs/Forum des images

À l’occasion de la reprise de la Quinzaine des Réalisateurs au Forum des images, Format Court vous offre 5 places pour le 2ème programme de courts métrages ayant lieu samedi 7 juin à 14h30.

Intéressé(e)s ? Contactez-nous !

Programmation

Trece si prin perete de Radu Jude (It can pass through the wall). Fiction, Roumanie, 17′, 2014. Mention spéciale – Prix illy du court métrage

« – J’ai peur, grand-père !… Tu entends ? […]
– C’est les gens de la maison qui pleurent, dit-il. Ils regrettent le mort, c’est pour ça qu’ils pleurent. »
(« Dans la remise » par Anton Tchekhov)

Jutra de Marie-Josée Saint-Pierre. Documentaire, Canada, 13′, 2014

Assemblant archives et séquences d’animation, Jutra est un portrait cinéphilique et astucieux du réalisateur de Mon oncle Antoine, le cinéaste québécois Claude Jutra. Avec ce film, Marie-Josée Saint-Pierre peaufine sa recherche d’une forme singulière de documentaire animé.

Fragmenty de Aga Woszczyńska. Fiction, Pologne, 25′, 2014

Anna et son conjoint ont des emplois bien rémunérés, une vie sexuelle intense et pratiquent le jogging matinal. Petit à petit, Anna sent s’effondrer le monde auquel elle s’accroche. Elle pourrit de l’intérieur.

Guy Moquet de Demis Herenger. Fiction, France, 32′, 2014. En présence du réalisateur

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Guy Moquet ou Guimo ou Guim’s a promis à Ticky de l’embrasser au crépuscule en plein milieu du quartier devant tout le monde. Peut-être pas si fou… mais peut-être pas si simple.

Deux illustrations de Gitanjali Rao, réalisatrice de « True Love Story », sélectionné à la Semaine de la Critique

Petite attention. Gitanjali Rao, la réalisatrice indienne de « True Love Story », sélectionné à la Semaine de la Critique, nous a envoyé deux dessins faits sur ordinateur réalisés au moment de la présentation de son film en France. En un clin d’oeil, voici ses deux amoureux animés, à Cannes & à Paris.

Salim et Kamala sur le tapis rouge

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Salim et Kamala devant la Tour Eiffel

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Retrouvez sur notre site la critique du film et l’interview de Gitanjali Rao

Pour information, « True Love Story » fait partie du 2ème programme des courts métrages, projeté le dimanche 8 Juin 2014, à 19h30, à la Cinémathèque française, dans le cadre de la reprise de la Semaine de la Critique

Jutra de Marie-Josée Saint-Pierre

Sélectionné cette année à la Quinzaine des Réalisateurs, le court-métrage documentaire animé “Jutra” semble poursuivre l’une des ambitions de sa réalisatrice Marie-Josée Saint-Pierre, quelques années après le remarqué “Les négatifs de McLaren” (2006) : faire dialoguer des archives traitées par le dessin avec l’œuvre d’un cinéaste. Le film se concentre en l’occurrence sur la trajectoire atypique du cinéaste québécois Claude Jutra. En détournant le matériau filmique, l’hommage tourne rapidement vers une forme d’auto-psychanalyse biographique pendant lequel Claude Jutra se parle à lui-même. Pris dans un jeu de questions-réponses un peu délirant, le spectateur est témoin de son existence, toujours instable et non-linéaire : jeunesse trouble, débuts prometteurs, succès cinématographiques, notoriété, maladie d’Alzheimer et suicide. Aussi le film apparaît-il comme la face inversée, enfouie, spectrale mais lucide, de l’oubli (auquel fait face Jutra les dernières années de sa vie). Comme si, au fond, l’esprit retors du réalisateur d’“À tout prendre” (1963) et de “Mon oncle Antoine” (1971) rôdait plus que jamais dans la mémoire vivante et colorée des jeunes cinéastes québécois.

Espace(s) cinématographique(s)

D’emblée, “Jutra” confronte plusieurs plusieurs sources filmiques. Il reprend des images d’archives des films de Claude Jutra, chronologiquement et successivement. On voit par exemple des extraits du court-métrage “Il était une chaise” (1957), puis de ses longs-métrages. Mais la structure du film se dessine à travers des archives montrant le cinéaste lui-même, assis ou marchant dans des lieux divers où il travaille et (se) parle, plans auxquels Marie-Josée Saint-Pierre a appliqué un traitement esthétique spécifique. On assiste ainsi à un documentaire d’un genre étrange, où Claude Jutra s’inscrit sur des décors devenus dessins en couleurs. Son corps en noir et blanc évolue dans des espaces presque imaginaires, toujours entouré par un halo mouvant. Combinant les différentes sources et les détournant, c’est tout le rapport électrique entre Claude Jutra et l’espace environnant qui est interrogé par Marie-Josée Saint-Pierre.

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Si ce rapport problématique entre le corps de Jutra et les espaces qu’il traverse trouve une dimension signifiante, c’est bien parce qu’il donne une épaisseur aux problèmes mentaux évoqués dans les propos de Claude Jutra (rendus présents dans des conversations atypiques où le cinéaste se parle à lui-même). L’oubli imposé par la maladie l’Alzheimer donne à l’être l’impression de planer hors de tout et d’évoluer en décalage de la réalité. Plus généralement, le court-métrage “Jutra” semble rendre compte d’une tentative incessante du cinéaste à s’intégrer dans l’espace social, un espace de normes où l’homme n’a jamais vraiment trouvé sa place. Problème qui explique en même temps sa capacité à parler mieux que quiconque des individus, de leurs désirs et de leurs travers.

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Le risque de (se) projeter

Si “Jutra” évite l’illusion biographique, c’est dans le rapport complexe qu’il définit entre la vie du créateur et la traduction cinématographique de celle-ci. Il est tentant pour un cinéaste, dans certains cas cela relève même d’une nécessité, d’aborder la création cinématographique comme une perpétuelle re-création de soi-même. Surtout quand l’aube de la carrière se situe à la fin des années 1950, moment de rupture où les réalisateurs s’autorisent à explorer la vie et leur regard sur elle, par exemple en racontant leur enfance (Truffaut) ou en cherchant l’origine de leur perception sur l’Autre (Rouch). Ce n’est pas un hasard si ce sont justement ces deux cinéastes français que Claude Jutra a rencontré à Paris, alors qu’il voulait se lancer dans la réalisation de films. Car il y a chez Jutra le désir premier et fécond de comprendre qui il est, processus sans doute consubstantiel d’une perte de repères et d’un rapprochement avec des formes de morbidité. Si, comme il le dit lui-même dans le film, « à cette époque-là, il était encore plus bizarre de vouloir devenir cinéaste que cosmonaute », il tentera pour exister d’éviter de planer pour au contraire planter les jambes du cinéma dans sa terre, le Québec, et d’y questionner sa place d’individu démuni.

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De ce risque de se montrer, et de montrer l’autre qui était en lui, “Jutra” donne une représentation plastique émouvante. Il se place au-delà de toute forme cinématographique reconnue. Néanmoins, il n’en fait pas moins acte de documentaire, au sens où le déplacement esthétique des sources favorise l’appréhension objective d’un être en prise avec une identité multiple et insaisissable. Tantôt représentant de la «révolution tranquille», tantôt explorateur de la ruralité profonde et de l’histoire du Québec, Claude Jutra est moins un être de la prudence qu’un artiste de la pudeur. Le court-métrage de Marie-Josée Saint-Pierre en dresse le portrait vivant, complexe et passionnant.

Mathieu Lericq

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12/06/14 : Soirée Format Court, spéciale Cannes

Pour son dernier rendez-vous de l’année, jeudi 12 juin 2014 à 20h30, Format Court vous invite à découvrir au Studio des Ursulines (Paris, 5è) cinq films issus de la Cinéfondation et de la sélection officielle du Festival de Cannes. La soirée fera l’objet d’une rencontre avec le sélectionneur Olivier Chantriaux et l’équipe de « Aïssa » de Clément Tréhin-Lalanne, lauréat d’une Mention spéciale au dernier festival.

Programmation

Aïssa de Clément Tréhin-Lalanne. Fiction, 8′, 2014, France, Takami ProductionsMention spéciale au Festival de Cannes 2014. En présence de l’équipe

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Synopsis : Aïssa est congolaise. Elle est en situation irrégulière sur le territoire français. Elle dit avoir moins de dix-huit ans, mais les autorités la croient majeure. Afin de déterminer si elle est expulsable, un médecin va examiner son anatomie.

Article associé : la critique du film

The Aftermath of the Inauguration of the Public Toilet at kilometer 375 de Omar el Zohairy. Fiction, 18′, 2014, Egypte, High Cinema Institute. Sélectionné à la Cinéfondation 2014

Synopsis : La peur est un instinct se trouvant sous la peau. Mais que faire s’il mute ?

Smafuglar de Rúnar Rúnarsson. Fiction, 15’15″, 2008, Islande, Zik Zak. En compétition officielle au Festival de Cannes 2008

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Synopsis : Une nuit d’été lumineuse où un groupe de jeunes adolescents passe de l’innocence à la dure réalité de l’âge adulte.

Articles associés : la critique du filml’interview de Rúnar Rúnarsson

Bishtar Az Do Saat (Plus de deux heures) d’Ali Asgari. Fiction, 15′, 2013, Iran, Khaneye 8 Film ProductionEn compétition officielle au Festival de Cannes 2013

Synopsis : 3 heures du matin. Un garçon et une fille errent dans la ville. Ils cherchent un hôpital pour soigner la jeune fille mais cela s’avère plus compliqué qu’ils ne pensent.

Articles associés : la critique du filml’interview d’Ali Asgari

Oh Lucy ! de Atsuko Hirayanagi. Fiction, 22′, Japon, Singapour, Etats-Unis, 2014, New York University, Tisch School of the Arts. Deuxième Prix de la Cinéfondation 2014

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Synopsis : Setsuko, 55 ans, employée de bureau célibataire à Tokyo, reçoit une perruque blonde et une nouvelle identité – Lucy – de son jeune professeur d’anglais non-conformiste. ‘Lucy’ réveille en Setsuko des désirs inconnus jusqu’alors. Quand son professeur disparaît, Setsuko doit faire face à ce qu’il reste : elle-même.

En pratique

Date, horaire : jeudi 12 juin 2014, à 20h30

► Durée de la séance : 78’

► Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris

► Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), BUS 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)

Entrée : 6,50 €

► Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com

J comme Jutra

Fiche technique

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Synopsis : Assemblant avec ingéniosité archives et séquences animées, Marie-Josée Saint-Pierre signe un portrait cinéphilique et astucieux du réalisateur de Mon oncle Antoine, le cinéaste Claude Jutra. Poursuivant la démarche amorcée en 2006 avec Les négatifs de McLaren, consacré à Norman McLaren, Saint-Pierre peaufine sa recherche d’une forme singulière de documentaire animé, synthétisant avec finesse et audace la vie et la carrière d’un autre géant du cinéma.

Genre : Documentaire animé

Durée : 13’

Pays : Québec

Année : 2014

Réalisatrice, scénariste, effets spéciaux : Marie-Josée Saint-Pierre

Animation : Brigitte Archambault

Montage : Oana Suteu

Design Sonore : Olivier Calvert

Bruitage : Lise Wedlock

Production : MJSTP Films Inc

Article associé : la critique du film

Demis Herenger. Ciel ouvert, petit miracle et contre-champs

À la Quinzaine des Réalisateurs, nous avons aimé cette année « Guy Moquet », une chronique sympathique sur le regard de l’autre et le désir de cinéma tournée dans la banlieue de Grenoble. À Cannes, Demis Herenger, son réalisateur, nous a parlé de son travail intérieur/extérieur. Rencontre.

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Avant « Guy Moquet », tu as fait des films en prison. Peux-tu m’en parler ?

Dans chaque prison, il y a une télévision locale. Cela fait à peu près dix ans que je fais des films en prison pour alimenter un canal interne. Dessus, il n’y a pas de publicités, on peut montrer des choses rares, c’est quelque chose d’intéressant quand on est réalisateur. Je dispose d’un espace de 15 m2 dans deux établissements où il n’y a rien, juste une camera, un enregistreur sonore et un peu de lumière.

Deux à trois fois par semaine, j’organise des ateliers auxquels peuvent participer les détenus qui le souhaitent. J’essaye d’être flou sur mes projets pour qu’ils n’aient pas d’a priori. On est entre hommes et je ne suis pas en prison pour parler de la prison. En parler serait obscène, ridicule, provocant, même vis-à-vis d’eux. Il y a d’autres murs à enfoncer. On n’a pas besoin de beaucoup d’imagination pour penser à la privation de liberté.

Comment as-tu été amené à travailler à l’extérieur, avec des jeunes, sur « Guy Moquet » ?

J’interviens régulièrement dans une école d’art à Grenoble. Un professeur m’a proposé de faire un court métrage en banlieue, à Villeneuve. En 2010, il y avait eu des émeutes là-bas et un projet de faire un film avec les habitants était prévu, avec les membres de l’association locale Vill9lasérie. La donne, c’était de faire un film avec des habitués, des non professionnels. Il y avait une équipe, un réseau de personnes qui avaient envie de jouer et c’était l’occasion pour moi de faire une fiction à ciel ouvert.

Chacun s’est approprié le projet. Je me suis servi du langage des jeunes, de leur créativité. Je leur ai exposé la situation, l’enjeu, les positions. Je leur ai expliqué mon film pour qu’ils se réapproprient les choses. Je voulais rester dans quelque chose de spontané, on n’a fait que 3-4 prises à chaque fois et je ne gardais que les premières. Pour moi, ce ne sont pas des non professionnels, ce sont des acteurs dont ce n’est pas le métier. N’importe qui pouvait être Guy Moquet. En réalité, ça a été le premier corps qui est arrivé (Teddy Lukunku). Il était stagiaire à Villeneuve et très motivé.

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Dans cette fiction, le ciel est peut-être ouvert mais les mentalités sont plutôt fermées.

J’ai grandi en Savoie, je n’avais pas une gueule de Savoyard. Il y avait un esprit de village, comme en banlieue. Tout le monde se connaissait, les critiques et les jugements étaient monnaie courante. Quand je suis allé à Villeneuve, j’ai vu que les gens fumaient des joints, gueulaient devant tout le monde, … Il y avait beaucoup de démonstration acceptée, je me disais que ça cachait peut-être un contre-champ, quelque chose de fort qu’on n’aurait pas le droit de faire. C’est pour ça que dans mon film, il y a un personnage différent qui prendre le risqué d’être jugé par les autres.

On est tenté de te poser la question du choix du titre…

C’est une référence à Sarkozy et une blague du chef op qu’on a gardée. Quand tu as 15 ans et que le Président de la République incite les professeurs à lire une lettre de Guy Moquet en classe et que ça fout le bordel dans les médias, tu retiens ce nom, tu t’en sers. Ça devient banal, autre chose, un surnom.

Ça m’a intéressé de me servir de quelque chose d’instrumentalisé, de le mettre en images dans les quartiers. De plus, mon personnage est aussi en résistance par rapport aux valeurs de ses frères.

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Le film parle à la fois d’amour et de désir de cinéma.

Le film dit des choses sur l’amour mais pour moi, il n’y en a pas vraiment, le personnage reste quand même très seul. Si j’étais arrivé devant les jeunes en disant que l’un allait embrasser l’autre, ça n’aurait pas marché. Le projet aurait été considéré comme mièvre. Ils avaient le choix entre se montrer ou participer à un film. Le désir partagé était de faire du cinéma. Je leur disais qu’au final, ce serait la honte ou un petit miracle (sourire).

Est-ce que tu souhaites poursuivre la réalisation à ciel ouvert ?

Carrément ! En expérimentant des outils avec un oeil pédagogique, j’ai réalisé qu’on pouvait obtenir des choses très riches ailleurs qu’en prison. Ça m’a donné confiance, je me sens d’attaque à refaire des films en extérieur, quelque soit le genre et la durée. « Guy Moquet » fait 32 minutes. Je ne défends ni le genre ni la durée. Le cinéma qui m’intéresse fait 3 minutes ou 3 heures. Ce qui compte, c’est l’histoire et la durée nécessaire.

Propos recueillis par Katia Bayer

Article associé : la critique du film

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Pour information, « Guy Moquet » sera projeté, en présence de Demis Herenger, dans le cadre du programme des courts métrages 2, samedi 7 juin à 14h30 lors de la reprise de la Quinzaine des Réalisateurs, au Forum des images.

My Face is in Space de Tom Jobbins

Animation, 10′, Royaume-Uni, 2012, National Film and Television School (NFTS)

Synopsis : 1977, la Nasa envoie un vinyle d’or dans l’espace. Il contient les plus belles œuvres de l’humanité, ainsi que quelques portraits. Celui de Larry en fait partie. Cet événement lui fait espérer devenir ambassadeur de la terre. Il parvient à convaincre son entourage que cela va devenir réalité, mais une personne n’est pas dupe, sa petite amie. Elle lui pose un ultimatum : c’est moi ou l’espace !

« My Face is in Space » est le fantasme intergalactique d’un anti-héros attachant. Face à ce film inventif et drôle, on se laisse emporter par le grain de folie de ce récit qui relate les rêves de grandeur d’un homme ordinaire et son cruel retour à la réalité. Tom Jobbins utilise ici différentes techniques de stop-motion et rassemble des photographies, des images d’archives de la NASA ainsi que des maquettes et constructions étonnantes pour un résultat délirant.

Agathe Demanneville

La Bête Humaine

Parmi les films présentés cette année en compétition nationale et internationale au Brussels Short Film Festival, trois d’entre eux, arbitrairement réunis par notre liberté associative de spectateur, semblent dialoguer implicitement. En proie à un isolement délétère, une absence de repères, leurs personnages sont en lutte face à un système qui les dépasse et se débattent comme ils peuvent. Constat sombre d’une condition humaine démunie, presque animale.

« Red Hulk » – Asimina Proedrou (Grèce)

En compétition internationale, « Red Hulk », de la réalisatrice Asimina Proedrou repose sur un parti pris surprenant : il dépeint la naissance d’un pion du mouvement fasciste grec dans une perspective bien plus analytique que dénonciatrice. L’Aube Dorée n’est jamais mentionnée directement dans le film. Le sujet est si actuel et la Grèce si tristement associée à son effondrement économique et aux violences idéologiques engendrées, qu’il n’est pas besoin de pointer du doigt, d’étiqueter, l’esquisse suffit. Ce positionnement donne à la réalisatrice son angle d’approche, sa compréhension du processus. « Red Hulk », c’est le personnage de Giorgos, étudiant supposé qui ne suit plus ses cours depuis longtemps. Il travaille dans une industrie plâtrière et appartient à un groupe de supporters de football. Il a aussi déjà mis un pied dans un autre type d’appartenance, l’endoctrinement néonazi. Un pied seulement… pour l’instant. Le film traite de ce moment charnière, du retrait encore possible. La violence meurtrière a sauté au visage de Giorgos, et le retient dans son élan. C’est un temps de suspension, d’hésitation mais pris dans un rythme syncopé, avec une caméra embarquée, de nombreux jump cuts et des plans courts, collants à l’angoisse étouffante du personnage. Il ne répond plus aux appels téléphoniques du chef de bande, la parole ne peut être forcée et le silence s’affirme en forme de résistance passive résiduelle. Les sonneries de téléphone ne s’en font pas moins pressantes et de plus en plus rapprochées. Son club de foot le rejette, lui reprochant ce pied mis là où il ne faudrait pas. Le frère de la réalisatrice incarne le personnage de Giorgos. Sa palette de jeu est toute en nuances, entre violence ressentie et violence exprimée, force et vulnérabilité. Giorgos est muré dans son silence. Au travail, les poussières de plâtre lui enfarinent le visage. Sa face toute blanche rappelle celle du pantomime. Giorgos est un corps en surface, en représentation et en errance. La fumée de sa cigarette toujours au bec lui sert d’écran, de second masque. La visite chez ses parents offre un court moment d’accalmie, une pause dans la montée en tension. Assez vite, avec l’apparition du père tyrannique, la famille n’est plus un refuge. Sa maltraitance orale vient nourrir le mutisme du fils. Une certaine douceur et un reste d’enfance affleurent encore chez Giorgos. Jusqu’à la position fœtale qu’il prend sur son lit d’étudiant… Mais l’acharnement régulier sur le punching ball s’oppose en contre-point à cette fragilité. La colère prendra le dessus.

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Le film se clôt sur l’émergence d’une vraie violence : son regard hagard a pris en rage et détermination. Au dernier plan, Giorgos et les autres défilent dans l’escalier, tous habillés de noir, tous identiques, forts de leur assimilation au groupuscule idéologique. Leur incursion dans la lumière de la rue, le claquement de la porte résonnent en coup final. Il signe l’enrôlement implacable et une fin terriblement pessimiste.

Giorgos nous apparaît tout sauf monstrueux. Si le film propose la clé de l’isolement, du rejet social ou de la violence subie comme source au basculement fasciste, cette clé n’est pas pour autant une justification. Le leitmotiv de la place sociale acquise par le travail et de la quotidienneté des échanges avec un collègue bienveillant ouvre une brèche, une échappatoire possible. Une autre voie est balisée régulièrement, le long de la trajectoire de Giorgos. Elle n’est pas une réponse toute faite puisque le travail n’est plus rémunéré depuis plusieurs mois, mais elle renvoie le personnage à sa responsabilité. Là est toute la justesse du regard porté par Asimina Proedrou.

« Canada » – Sophie Thouvenin et Nicolas Leborgne (France)

« Canada » de Sophie Thouvenin et Nicolas Leborgne soulève une problématique semblable, celle de destins qui s’effondrent sans retour possible, de vies brisées. C’est une innocence fauchée en plein vol. Un jeune couple, tout juste sorti de l’adolescence, projette de partir vivre outre-atlantique. Sami a commis un petit larcin pour réunir l’argent manquant. Jessica se rend au parloir. De la prison, il ne sera montré que ces brèves rencontres, cette interface entre intérieur et extérieur. Le film se construit en deux temps. Le premier repose sur la construction d’un monde intermédiaire, celui des femmes de prisonniers, qui se serrent les coudes autour de Simone, figure maternelle et rassurante. L’illusion d’une possible solidarité, d’une niche face à l’adversité s’élabore progressivement et méthodiquement. Le spectateur est aussi dupe que Jessica, et se laisse bercer par un mensonge si bien ficelé. Il suffit d’une phrase lâchée (ou plutôt à peine soufflée) au parloir, entre deux caresses. La vitre teintée de la première partie éclate brusquement en mille morceaux. Et révèle l’envers du décor. On entre dans le deuxième temps, celui de la déconstruction. Pour Jessica la descente aux enfers peut commencer. La solidarité n’existe que pour mieux resserrer les mailles du filet. Celui d’un sombre chantage.

Son innocence ne la rend pas moins forte, elle casse la gueule de Simone, elle rend les coups portés à Sami. Œil pour œil. Mais la mécanique imparable du chantage a des rouages bien huilés. Jessica a beau tenir tête, elle reste impuissante. Elle est la proie de son propre cœur face à cet étau inhumain qui se resserre et la broie. Tout comme Giorgos, son regard a fini par changer, à présent dur et fixe. La microsociété carcérale est aussi écrasante et pervertie que l’univers dépeint dans Red Hulk. Le travail se dessine ici aussi comme une bouée de sauvetage, malheureusement bien inutile : la protection quasi paternelle du patron de Jessica n’est pas suffisante pour contrer celle vicieuse de Simone…

« Labyrinthe » – Mathieu Labaye (Belgique)

Nos rapprochements subjectifs nous amène à considérer le nouveau film d’animation de Mathieu Labaye, « Labyrinthe », comme le pendant archétypal des deux autres. Son synopsis est lui-même on ne peut plus lapidaire : « 6m² à vie… » Ou comment raconter le quotidien d’un homme soumis à l’enfermement à perpétuité, à la claustration physique et mentale jusqu’à l’aliénation à travers l’utilisation d’un noir et blanc tranché, sur base de prises de vue réelles.

L’ouverture est simple et schématique : un labyrinthe crétois se trace progressivement à partir d’une croix initiale, et le dessin terminé ressemble étrangement à un cerveau humain. D’emblée le parallèle est annoncé, tout est là. Un homme seul dans sa cellule est soumis à la répétition de ses gestes, et à leur vacuité. Ils sont l’expression d’une attente, amorces de mouvements inutiles, pris en plein vol, fractionnés. L’homme n’apparaît déjà pas unifié, il module dans un genre de positif/négatif du noir et blanc. Progressivement la scansion du rythme s’accélère et se désagrège vers une épilepsie généralisée. L’image se décompose, l’encre envahit tout. Les sons extérieurs de la prison se fondent en sons intérieurs, corporels, puis musicaux Sur une pulsation électronique répétitive, le personnage s’emballe. Pris dans une transe compulsive, il détruit le peu d’objets qui l’entourent. Le spectateur est piégé dans cette temporalité carcérale, il se crée chez lui, petit à petit, grâce à la durée et à la répétition, une forme d’endurance, de détachement mental. Les boucles infinies concourent au phénomène hypnotique. Coincé dans un labyrinthe cérébral. Et c’est précisément là qu’intervient la bascule et qu’un taureau envahit l’espace exigu de la cellule. Il se confronte au personnage devenu matador malgré lui, dans un face à face immobile. Il devient ensuite son double, son reflet dans le miroir, jusqu’à ne faire plus qu’un seul et même corps. La figure du minotaure convoque alors tout un lexique symbolique de l’animalité, de la monstruosité mais aussi de la perte identitaire, de la faille. Le minotaure est à la fois monstre et victime, menaçant et dissimulé, tortionnaire et prisonnier de son labyrinthe. Le morcellement, la métamorphose de l’homme mais aussi des images et du son, tout se précipite dans une déflagration finale, laissant la pièce vide. Le calme est revenu, un son de radio anecdotique recouvre tout. La perte est totale, la folie a laissé place au néant…

Dans ces trois films, chaque personnage a sa part de bête traquée. Giorgos a même une allure de taureau, le corps massif, la tête rentrée dans les épaules, la respiration forte et pesante. Chacun sombre, après avoir marché en funambule au bord du précipice. Ils nous laissent face à un gouffre béant, une forme d’effroi devant l’irréparable, la fêlure définitive. Et ils continuent de nous glacer encore quelques temps, laissant traîner en nous un écho inquiet et troublant…

Juliette Borel

Consultez les fiches techniques de « Red Hulk », « Canada » et « Labyrinthe »

C comme Canada

Fiche technique

Synopsis :  Jessica traîne sa solitude et la rage de ses 20 ans entre son travail à la supérette et ses visites au parloir de la prison de Brest. Elle y retrouve Sami, son amoureux, emprisonné pour un petit larcin. Il sortira un jour, bientôt, pour l’emmener au Canada. Jessica a du courage. Elle en aura besoin lorsqu’elle tombera dans les griffes de Simone…

Genre : Fiction

Durée : 16′

Pays : France

Année : 2013

Réalisation : Sophie Thouvenin, Nicolas Leborgne

Interprètes : Agathe Schlencker, Sophia Leboutte, Adélaïde Leroux, Pierre Lottin

Photographie : Alfredo Altamirano

Son : Renaud Duguet

Montage : Noël Fuzellier

Production : karine blanc , michel tavares / Takami Productions

Article associé : la critique du film

R comme Red Hulk

Fiche technique

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Synopsis : Giorgos vit seul à Athènes. Il est censé être aux études, mais a besoin de travailler pour subvenir à ses besoins. Il manque de confiance en lui, d’identité et d’acceptation. Il comble le vide en étant le « Red Hulk », comme il est connu dans son équipe de football… Mais il tombebientôt dans la violence axiale, ce qui lui but de nouveaux ennuis.

Genre : Fiction

Durée : 28’

Pays : Grèce

Année : 2013

Réalisation : Asimina Proedrou

Interprètes : Frixos Proedrou, Nestoras Fanaras, Christos Kontogeorgis

Photographie : Christina Moumouri

Son : Vasiliki Poulou, Saifentin Salim, Kostas Varybopiotis

Montage : Saifentin Salim

Production : Asimina Proedrou

Article associé : la critique du film

M comme Man kann nicht alles auf einmal tun, aber man kann alles auf einmal lassen (On ne peut pas tout faire en même temps mais on peut tout laisser tomber d’un coup)

Fiche technique

Synopsis : Tout commença sur un canapé. Il la regarda enlever ses vêtements et ils firent l’amour pour la première fois.

Genre : Fiction

Durée : 15′

Pays : Suisse

Année : 2013

Réalisation : Marie-Elsa Sgualdo

Scénario : Marie-Elsa Sgualdo

Image : Marie-Elsa Sgualdo, Archives de la radio télévision suisse

Son: Yannick Gerber

Montage : Marie-Elsa Sgualdo

Musique : Yannick Gerber

Interprétation : Julia Perazzini

Production : Salaud Morisset Production

Articles associés : la critique du film, l’interview de Marie-Elsa Sgualdo

P comme La Part de l’ombre

Fiche technique

Synopsis : Le 7 février 1944, jour du vernissage d’une importante exposition de ses œuvres, le photographe hongrois Oskar Benedek, disparait.Plus de soixante ans plus tard, une enquête révèle son étrange destin.

Genre : Fiction, documentaire

Durée : 28′

Pays : Belgique

Année : 2013

Réalisation : Olivier Smolders

Scénario : Olivier Smolders et Thierry Horguelin

Image : Jean-François Spricigo

Son: Marc Bastien

Montage : Olivier Smolders

Musique : Ismaël Joffroy Chandoutis et Marc Bastien

Interprétation : Benoît Peeters, Marie Lecomte, Tatiana Nette, Bouli Lanners, Marcel Moreau, Pierre Lekeux, Joseph Fallnhauser, Anaël Snoeck,…

Production : Les films du Scarabée

Articles associés : la critique du film, l’interview d’Olivier Smolders

Ces images qui nous parlent

Parmi les nombreux films sélectionnés au dernier Brussels Short Film Festival, « Man kann nicht alles auf einmal tun, aber man kann alles auf einmal lassen » (On ne peut pas tout faire en même temps mais on peut tout laisser tomber d’un coup) de Marie-Elsa Sgualdo et « La Part de l’ombre » d’Olivier Smolders s’attachent à recréer un récit à partir d’images qu’ils n’ont pas tournées.

L’image séduit autant qu’elle effraye. Sublimée, elle est partout, démultipliée, projetée sur tous les murs des villes, elle nous envahit et vient nourrir notre inconscient imaginaire.

Cette fascination pour l’image, Marie-Elsa Sgualdo et Olivier Smolders l’ont bien comprise au point d’en faire la matière brute de leur dernier court métrage respectif. Quand l’une puise dans les archives de la RTS (Radio Télévision Suisse) pour raconter un pan de son histoire familiale, l’autre s’approprie les photographies de Jean-François Spricigo et les porte à l’écran dans un film sombre et poétique. Derrière chacune de ces œuvres se cache la volonté de mettre en lumière la fragilité de la vérité face à la reconstitution du souvenir. À mi-chemin entre la tromperie et la révélation, les films sont tous deux une expérience cinématographique envoûtante.

Dans « Man kann nicht alles auf einmal tun, aber man kann alles auf einmal lassen », présenté en compétition internationale, Marie-Elsa Sgualdo avoue avoir voulu « donner vie à des rumeurs sans s’obliger à toujours dire la vérité ». Parce que la vérité est chose inaccessible pour celui qui veut la retrouver, il est encore plus vrai de la recréer à sa façon, se dit-elle.

Aussi, dans un found-footage édifiant, découpe-t-elle son récit en six étapes cruciales de la vie de sa grand-mère (le canapé/la machine à laver/le twist/deux temps, trois mouvements/la punition/l’entretien) illustrant l’histoire d’une femme qui, à une époque où cela ne se faisait pas, décide de tout quitter pour vivre sa vie. On retrouve l’intérêt de la réalisatrice de « On The Beach » pour la féminité, et le thème de la séparation vu par le prisme de l’enfance et de l’adolescence.

Man kann nicht alles auf einmal tun, aber man kann alles auf einmal lassen, de Marie-Elsa Sgualdo

Les images anonymes et ancrées dans une certaine époque n’empêchent pas le spectateur d’intégrer l’histoire et de la comprendre avec ses propres références. Le décalage volontaire entre le récit raconté et les images montrées, loin de révéler une certaine absurdité, renforcent au contraire l’universalité de ces dernières. Parler de soi avec les images d’autrui. Toute l’ambiguïté du statut de ces archives est mise à jour lorsque la réalisatrice montre un extrait où l’on aperçoit Brigitte Bardot, icône d’une époque et d’un style, mettant à mal la véracité des faits ou plutôt affirmant la volonté de fausser les pistes.

Le commentaire et la musique apportent le rythme au récit et le ton enjoué de la narratrice, interprétée par Julia Perazzini, permet de créer un lien complice avec le spectateur devenu confident même quand il s’agit de dévoiler des secrets honteux. Bien différent des films précédents, « Man kann nicht alles auf einmal tun, aber man kann alles auf einmal lassen » apparaît comme un exercice de style à la fois personnel et universel, une traversée dans le temps et l’espace qui représenterait la face cachée de sa réalité.

Avec « La Part de l’ombre », Olivier Smolders offre, quant à lui, un film qui se situe entre un cinéma classique et un cinéma d’avant-garde. En se réappropriant les photos de Jean-François Spricigo, le cinéaste belge recrée un récit fascinant nourri de fantasmes liés à l’horreur de l’histoire.

La frontière entre le vrai et le faux est un fil ténu volontairement variable car Smolders est avant tout un conteur d’images qui s’intéresse davantage au processus qu’au produit final, un philosophe stimulé par la réflexion plus que par son résultat, un cinéaste fasciné par le pouvoir que les images exercent sur l’inconscient individuel et collectif.

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S’il décide de retracer le destin d’Oskar Benedek, un photographe hongrois disparu en février 1944, à Budapest, le jour du vernissage d’une importante exposition de ses œuvres c’est pour mieux nous parler de la faillibilité de la mémoire, du souvenir impossible à retrouver, thème récurrent dans ses œuvres. Comme le héros de « La Jetée » de Chris Marker, Smolders serait à la recherche d’une image qui l’aurait marqué dans son enfance. Car si l’image révèle, si elle est témoin de l’histoire qui permet d’embaumer le temps qui passe, pour Benedek, le héros de Smolders, elle tue. Derrière ce mystère s’ajoute un récit haletant parfaitement mené, une sorte de documentaire d’investigation plongeant le spectateur dans une spirale dont il ne sortira pas indemne.

À nouveau, la voix du narrateur et la musique donnent le rythme à ce film dense aussi bien dans sa forme que dans son contenu. La question de savoir si ce que l’on nous raconte est vrai ou faux reste secondaire tant la réflexion sur la manipulation et sur l’art prend le dessus. Dans un monde où l’image est partout où la violence dont elle peut faire preuve est banalisée, il est intéressant de découvrir un film qui touche juste, qui pose question sur la représentabilité de l’horreur, sur sa mise en scène et sur la fascination qu’elle fait naître en chacun de nous.

Marie Bergeret 

Consultez les fiches techniques de « Man kann nicht alles auf einmal tun, aber man kann alles auf einmal lassen » et de « La Part de l’ombre »

Concours : 20 places à gagner pour la reprise de Cinéfondation à la Cinémathèque française

La Cinéfondation, créée en 1998 par le festival de Cannes, soutient les nouvelles générations de cinéastes. Dans le cadre de ses séances « Cinéma de poche », la Cinémathèque française, reprend cette année pour la première fois l’intégralité des courts et moyens sélectionnés par la Cinéfondation au Festival de Cannes.

Les 4 programmes compétitifs de la Cinéfondation 2014 projetés à Cannes feront l’objet de 4 séances les jeudi 29 et vendredi 30 mai à 18h30 et 20h30.

En partenariat avec la Cinémathèque française, Format Court vous offre 5 places par séance. Vous souhaitez découvrir l’un ou l’autre de ces programmes ? Contactez-nous rapidement ! 

REPRISE DE LA COMPÉTITION 2014

PROGRAMME 1 (92′) : Jeudi 29 Mai 2014 – 18h30 – SALLE JEAN EPSTEIN

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SKUNK d’Annie SILVERSTEIN (16′) – Etats-Unis

PROVINCIA de György Mór KÁRPÁTI (21′) – Hongrie

LIEVITO MADRE (Sourdough) de Fulvio RISULEO (17′) – Italie

SOOM (Breath) de KWON Hyun-ju (38′) – Corée Du Sud

PROGRAMME 2 (84′) : Jeudi 29 Mai 2014 – 20h30 – SALLE JEAN EPSTEIN

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LES OISEAUX-TONNERRE (Thunderbirds) de Léa MYSIUS (24′) – France

OH LUCY! d’Atsuko HIRAYANAGI (22′) – Singapour

THE BIGGER PICTURE de Daisy JACOBS (7′) – Royaume-Uni

LETO BEZ MESECA (Moonless Summer) de Stefan IVANČIĆ (31′) – Serbie

PROGRAMME 3 (88′): Vendredi 30 Mai 2014 – 18h30 – SALLE JEAN EPSTEIN

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THE AFTERMATH OF THE INAUGURATION OF THE PUBLIC TOILET AT KILOMETER 375 de Omar EL ZOHAIRY (18′) – Egypte

OUR BLOOD de Max CHAN (26′) – Etats-Unis

UNE VIE RADIEUSE (A Radiant Life) de Meryll HARDT (17′) – France

NIAGARA de Chie HAYAKAWA (27′) – Japon

PROGRAMME 4 (77′) : Vendredi 30 Mai 2014 – 20h30 – SALLE JEAN EPSTEIN

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STONE CARS de Reinaldo Marcus GREEN (14′) – Etats-Unis

THE VISIT de Inbar HORESH (27′) – Israël

HOME SWEET HOME de Pierre CLENET, Alejandro DIAZ, Romain MAZEVET, Stéphane PACCOLAT (10′) – France

LAST TRIP HOME de HAN Fengyu (26′) – Singapour

Brussels Short Film Festival 2014

Du 24 avril au 3 mai, le Brussels Short Film Festival célébrait sa 17ème édition avec pas moins de 300 courts métrages belges et étrangers montrés dans 3 compétitions compétitives (belges, internationales et Next Generation) et dans de nombreux programmes parallèles comblant ainsi les amateurs du format court.

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Retrouvez dans ce focus :

Le reportage « La bête humaine »
Le reportage « Ces images qui nous parlent »
Le palmarès 2014
La sélection internationale

Meryll Hardt : « Étudier au Fresnoy a été l’occasion d’explorer des écritures parallèles à celles de la fiction traditionnelle, de tenter d’innover, de faire un nouveau cinéma »

Meryll Hardt est née en 1984 dans l’Est de la France et finit bientôt ses études au Fresnoy. Contrairement à beaucoup d’auteurs de sa génération, elle veut prendre le temps d’explorer et de se poser pour mieux créer. C’est ce qu’on ressent lorsqu’on découvre son court-métrage « Une vie radieuse », sélectionné à la Cinéfondation : un voyage et une réflexion à travers plusieurs disciplines artistiques, au fil de plusieurs époques. Rencontre avec la réalisatrice sur la terrasse du Palais du Festival, un jour de grand vent.

Meryll Hardt

© CM

D’où est venue l’idée d’ « Une vie radieuse » ?

En 2011, lorsque j’étais à l’École de Recherche Graphique (ERG) de Bruxelles, j’ai réalisé mon mémoire de fin d’études sous forme d’un essai documentaire sur l’artiste Bas Jan Ader. Pour se faire, j’ai été amenée à lire Les Écrits français de Piet Mondrian. Je cherchais à mettre en image un chapitre abordant l’Habitat, la rue, la Cité, et plus particulièrement la notion de Nouvel Eden défini par Mondrian comme un éden moderne. Je suis alors tombée sur une photo de la Cité Radieuse de Marseille, un peu cachée par le feuillage d’un arbre.
La Cité Radieuse m’a intéressée parce qu’elle incarnait un acte architectural visant à inclure des masses dans un certain idéal moderniste. Contrairement à la maison Schröder de Gerrit Rietveld (ndlr: architecte néerlandais qui a conçu une maison sans murs), la Cité Radieuse est un habitat collectif. Les premiers habitants étaient définis comme des cobayes. J’ai lu le témoignage de la doyenne en ligne sur le site Internet et je me suis dit qu’il fallait faire une fiction à partir de matériaux documentaires.

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Peux-tu nous parler de la construction du film ? Tu y mélanges différentes disciplines artistiques : film d’architecture, film de danse, film documentaire, fiction, film expérimental, …

Je n’avais pas en tête un film d’architecture ni de danse en écrivant mon projet, mais je pensais plus volontiers à Jacques Tati, à Buster Keaton et à la comédie musicale en général. Au niveau de la construction du film, j’ai écrit le scénario suite à une grosse recherche documentaire sur Le Corbusier, sur sa vie, son œuvre, ses collaborateurs. C’était nécessaire avec un tel sujet. Une photo de Charlotte Perriand de la chaise LC4 (ndlr : chaise lounge designée par Le Corbusier) m’a également inspiré la scène finale. Puis, j’ai visité fréquemment la Fondation Le Corbusier à Paris, je suis allée voir son appartement rue Nungesser et Coli (Paris) et la Cité Radieuse de Briey-en-Forêt. C’est seulement à la fin de mes recherches que je suis allée à Marseille. J’ai passé deux jours sur place en exploration. J’ai dormi à l’hôtel, dans une petite chambre en couloir avec toilettes sur le palier, la cellule typique du Corbusier, un genre de cellule de moine à 70 euros la nuit !

En tant que touriste, j’ai filmé, photographié le lieu et moi-même dans cet espace, en imprimant mon corps dans celui-ci, testant des scènes au travers d’improvisations. J’ai rencontré des habitants, visité des appartements. À l’issue de ce voyage, j’ai monté une vidéo d’une trentaine de minutes, un genre de « reportage repérage » qui projetait mes intentions pour créer ensuite la fiction.

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Si on observe ton travail, on remarque que tu utilises assez souvent les images d’archives. Quelle est ta perception de l’art contemporain? Le vois-tu comme une revisitation du passé ?

Étudier au Fresnoy a été l’occasion d’explorer des écritures parallèles à celles de la fiction traditionnelle, de tenter d’innover, de faire un nouveau cinéma. En réalité, je ne conçois pas le retour dans le passé comme une fin en soit mais plutôt comme un moyen de construire l’avenir. C’est un peu comme une machine à voyager dans le temps que l’on emprunterait afin de tenter de changer le cours des événements. Mon utilisation d’images d’archives vient d’un désir de mettre en avant des objets existants dont on n’a pas suffisamment parlé et que l’on regarde toujours de la même manière.

Pourquoi avoir décidé d’occuper la majorité des postes sur ce film ? Pour mieux maîtriser le résultat final, pour compléter une démarche artistique ou pour des raisons de temps et de finances ?

Si j’avais plus délégué, il n’aurait plus été question d’un tournage à Marseille, mais à Briey-en-Forêt ou dans une autre Cité Radieuse plus proche, plus facile d’accès. Mais c’était nécessaire que ce soit là-bas puisque c’était la première cité de ce genre à avoir été construite : le « paquebot flottant sur l’après-guerre ». Par conséquent, j’ai fait ce que je savais faire et ce que je ne maitrisais vraiment pas, je l’ai délégué tout naturellement.

Nous avons tourné en effectif documentaire quelque chose qui était du domaine de la fiction, avec une variété de lieux, de formes de mises en scène et de techniques. L’incrustation dans des photographies est venue suite à une impossibilité pour nous, de tourner dans les parties communes.

Pour la musique, j’avais demandé à un ami compositeur Felix Kubin et à son frère Max Knoth, de m’aider mais faute de temps et d’argent, cela n’a malheureusement pas été possible. Par conséquent, j’ai réalisé la bande son, je me suis débrouillée pour faire ce que j’avais en tête avec mes propres bases.

J’ai l’habitude de travailler seule mais j’aurais tout de même aimé déléguer un peu plus, ne serait-ce qu’avoir un assistant-réalisateur sur qui me reposer de temps en temps. Dans l’équipe, on a tous été polyvalents et au final, et il y a eu beaucoup d’improvisations.

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En voyant « Seule », l’un de tes premiers travaux, puis « Une vie radieuse », tu proposes un message assez fort sur la condition de la femme et la société individualiste. Considères-tu que tu fais des films artistiques avec un message engagé ?

« Seule » et « Une vie radieuse » abordent en effet tous les deux le sujet de la solitude féminine. Dans le premier qui est un petit essai vidéo, c’est vraiment le sujet du film. J’ai tourné dans une grande maison complètement vidée et désertée sans raison. Dans le deuxième, au contraire, on sait pourquoi la maison est telle quelle et la solitude s’installe comme la conséquence d’un programme qui ne fonctionne pas. On ignore comment cette femme s’appelle d’ailleurs, contrairement à son mari. Elle est seule parce que coupée de son mari et d’elle-même. Il faut savoir que, dans son projet architectural, Le Corbusier disait qu’il voulait faire en sorte que la mère puisse se délester de ses enfants et le mari de sa femme. C’est malheureux mais il ne parle pas de l’envie de la femme de se délester de son mari.

On sous-entend toujours qu’une femme seule, ce n’est pas normal. Si elle n’est pas avec son mari, c’est qu’elle est avec ses enfants ou bien qu’elle tricote, qu’elle s’occupe ou qu’elle voit des amies, des voisines, qu’elle va au marché. Mais quand elle erre sur le toit-terrasse, sans but, seule, ça paraît alors bizarre. Pourtant pour beaucoup de ces femmes, c’était le seul endroit où échouer puisqu’on ne pouvait pas aller au-delà. Ce que j’ai mis dans ce film s’inspire d’histoires vraies, du vécu des doyennes de la Cité Radieuse dont certaines ont fondé la vie associative de l’édifice. Le rapport de la femme à l’espace fait partie de mes questionnements.

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Peux-tu nous donner ton point de vue sur l’œuvre du Corbusier ?

Je pense que Le Corbusier avait un rapport à l’ordre ambigu. Il pouvait être assez contradictoire entre son œuvre artistique et ses plans d’architecture. Il dessinait par exemple souvent des courbes tandis que ses édifices faisaient l’éloge de la ligne droite. Idem pour ses photographies et films personnels, et ce qu’il fait réaliser pour mettre en image son architecture. Il y a un écart entre Le Corbusier tentant de créer librement, et Le Corbusier décidant, planifiant, construisant un idéal qu’il s’est imposé et va proposer à autrui de manière radicale.

À ce propos, peux-tu nous parler de l’importance de l’architecture dans ton travail ? Est-ce un moyen de construire tes films, un rapport entre le corps, l’espace et l’art ?

À la différence du cinéma, l’architecture implique un passage à l’acte durable dans l’espace public. Le Corbusier avait besoin de faire exister son architecture en images. Ces images sont révélatrices de l’importance d’un idéal architectural. Elles questionnent la place de celui qui regarde. On se demande où va aller le corps, qui va être le modèle et si ce sera habitable au-delà du temps de pose de la photographie. Le corps décide, il quitte ou demeure dans l’architecture, il peut la détruire ou mieux, la réaménager.

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De manière générale, quelle est ta démarche artistique ? Vers quoi souhaites-tu aller ensuite ?

Mon but a toujours été de faire du cinéma ou quelque chose qui aille au-delà du cinéma. Godard est passé au Fresnoy, il nous a dit : « Le cinéma, maintenant, c’est fini, il faut passer à autre chose ». Il n’a pas tout à fait tort, mais je reste persuadé que le cinéma n’est pas mort. Je suis certes passée par une école d’art, l’École de Recherche Graphique de Bruxelles, mais c’était pour enrichir mon cinéma et ne pas faire un cinéma trop classique, en tout cas, un cinéma qui n’abandonne pas la recherche plastique et narrative au profit du sujet. Aujourd’hui, mon but est d’écrire et de réaliser un long-métrage. Cette année, je n’ai pas fait de deuxième court au Fresnoy. Après ce film-ci, j’ai eu besoin de prendre le temps de regarder l’œuvre avant d’enchaîner la suivante. Il faut laisser le temps à celle-ci d’exister pour qu’une prochaine arrive en bonne santé. On vit à une époque où le temps de sortie en salle des films diminue alors il faut brûler la chandelle doucement.

Quelle sensation te procure ta sélection à Cannes, à la Cinéfondation ?

C’est un honneur ! Je ne m’y attendais pas du tout. C’est une grande sensation d’aboutissement qui donne envie de revenir.

Propos recueillis par Camille Monin

Article associé : la présence des écoles françaises à la Cinéfondation 2014

Consulter la fiche technique du film

Pour information, « Une vie radieuse » sera projeté à la Cinémathèque française, dans le cycle « Cinéma de poche », le vendredi 30 Mai 2014, à 18h30, à l’occasion de la reprise de la sélection de la Cinéfondation 2014

Reprise des courts-métrages en compétition à Cannes, ce soir au Cinéma du Panthéon

Le Festival de Cannes et Le Cinéma du Panthéon vous convient ce soir à la reprise des courts métrages en compétition cette année au festival. La soirée sera marquée par la présence des réalisateurs et des membres du jury (selon leurs disponibilités). La projection sera suivie d’un cocktail.

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Infos

Mardi 27 Mai à 20h30 au Cinéma du Panthéon, 13 rue Victor Cousin, 75005 Paris.

Tél : 01 40 46 01 21
www.cinemadupantheon.fr

Ouverture de la billetterie à 19h30
Tarif unique : 6.50€ / Cartes illimitées UGC et Le Pass non acceptées

Gitanjali Rao : « L’Inde fait partie de mon histoire et m’inspire. Si j’essaye de m’y échapper, j’y reviens toujours »

Découvert sur un DVD, « Printed Rainbow » nous a charmés il y a quelques années pour sa poésie, sa palette graphique et ses petites boîtes d’allumettes, synonymes d’invitations à l’évasion. Vu en salle il y a quelques jours, « True Love Story » nous a touchés également pour son mélange d’émotions, de sons et de couleurs. Huit ans séparent ces deux films tous les deux sélectionnés à la Semaine de la Critique et réalisés par l’illustratrice et animatrice indienne Gitanjali Rao, auteur d’autres courts (« Blue », « Orange ») que nous vous invitons à découvrir. Cette semaine, nous avons rencontré Gitanjali Rao à Cannes. L’occasion d’en savoir plus sur son travail, son média, ses difficultés et son identité.

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Peinture animée

L’animation est un média qui m’a toujours intéressée. Cela fait vingt ans que je mélange la peinture et l’animation. Comme je prends beaucoup de temps pour m’améliorer, je continuer à faire des courts métrages. Je cherche à ce que mon style soit proche de la réalité. Dans mes films, on ne vole pas mais on voyage entre le réel et la fantaisie. L’animation favorise réellement l’évasion à différents niveaux.

Poésie visuelle

J’utilise très peu de parole dans mes films. Pour moi, l’expression passe par la peinture, par la poésie visuelle. Même à l’écrit, il m’est difficile de présenter un scénario. Une seule image peut raconter une histoire. Pourtant, avec le temps, j’apprends à raconter les choses, à être un peu moins dans le visuel. Les gens n’ont pas besoin de tout voir, je laisse leur imagination marcher.

L’importance du détail

Les gens qui connaissent l’Inde et Bombay comprennent dans mes films des choses différentes que ceux qui ne connaissent pas mon pays. C’est pour ça que mes films sont si détaillés. C’est comme pour une peinture, chacun y voit ce qu’il veut.

Forme & fond

Mes peintures et mes illustrations répondent aux questions que je me pose. Seulement, les histoires que j’ai envie de raconter ne sont pas originales. Seules la forme et la manière de raconter sont intéressantes. Grâce à l’animation, un média “frais”, je sens que je peux emmener les spectateurs dans des émotions différentes telles que le bonheur, la tristesse ou la colère.

Inspiration

Mes films sont fortement liés à mon pays. Je viens de là, j’y vis. L’Inde fait partie de mon histoire et m’inspire. Si j’essaye de m’y échapper, j’y reviens toujours.

Bollywood

Quand je présentais « Printed Rainbow » à l’étranger, on me demandait souvent pourquoi Bollywood était si différent de la réalité. Je répondais qu’en Inde, on ressentait le besoin de s’éloigner du quotidien et que le cinéma offrait précisément cela : une évasion, une possibilité d’oublier les problèmes rencontrés dans un pays pauvre. Le cinéma indien propose justement cela, des rêves. Pour nous, le cinéma n’a pas la même image qu’en France, à nos yeux, c’est de la fantaisie et les stars de Bollywood sont apparentées à des dieux.

Couleurs

On me dit souvent que mes films sont très colorés mais on oublie qu’il s’agit d’animation. On peut tout se permettre. L’Inde est très colorée et j’ai envie de refléter cela dans mes films.Si faisais de la fiction, mes images seraient plus ternes.

Petits budgets

Je ne reçois pas d’aides du gouvernement pour faire mes films. Il n’y a pas de profit pour les courts métrages. On doit chercher nous-mêmes des aides privées mais c’est très difficile pour des courts d’animation qui par nature coûtent très chers.

Je continue à faire des courts car j’aime ça mais c’est difficile, et ça l’est encore plus pour le long-métrage. J’auto-finance mes projets, j’ai des aides extérieures (l’Aide aux cinémas du monde, Les Films d’Ici), mais je n’ai pas de co-producteurs indiens. En Inde, très peu de producteurs font confiance aux projets indépendants, ils financent plutôt des gros films commerciaux dont la portée artistique est malheureusement bien faible.

TrueLoveStory Trailer from Gitanjali Rao on Vimeo.

True Love Story

Chaque jour, j’ai plein d’idées, mais je les garde dans un coin de ma tête.  J’ai mis deux ans pour raconter « True Love Story », une histoire de 19 minutes. « True Love Story » est un fragment, une partie d’un projet de long qu’on espère faire financer. Si on ne trouve pas d’argent, il existera en tant que tel, en tant que court métrage. On espère beaucoup que la sélection à Cannes donnera un coup de pouce au projet et intéressera de potentiels financiers à nous rejoindre sur le long.

Propos recueillis par Katia Bayer

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