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Leonardo Brzezicki, Prix Format Court au festival IndieLisboa 2015

Toujours en quête de (bons) films venus d’ailleurs, Format Court a attribué pour la première fois un Prix Format Court à l’occasion de la dernière édition du festival IndieLisboa. La toute nouvelle section « Silvestre », regroupant des films à part et inattendus réalisés par de jeunes auteurs comme des cinéastes établis, contenait, parmi de nombreuses propositions, une curieuse pépite, un film à part, à la croisée des genres, drôle et mélancolique à la fois, traitant de l’amour, de la vie, de l’absurde, des rêves mais aussi des ruptures. Un film dans lequel on chante, on dit des choses insensées, on se cogne contre les poteaux, on aime (ou pas) l’art contemporain, on continue (ou pas) à jouer au tennis et à se lever le matin et où les chats ont (ou pas) trois yeux dans la nuit noire.

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« The Mad Half Hour » de Leonardo Brzezicki, un film dano-argentin, a réussi à séduire notre jury  et est vu attribuer notre Prix Format Court, une récompense que nous souhaitons associer à l’originalité, au talent et à la perception d’autres bons films, courts ou longs.

Dans le cadre du Prix Format Court, le film a été projeté le jeudi 14 mai dernier au Studio des Ursulines (Paris, 5è) lors d’une séance spéciale consacrée à quatre Prix Format Court (attribués à Angers, Brive, Go Short et IndieLisboa). Déjà auteur d’un long-métrage (« Noche »), Leonardo Brzezicki bénéficie également d’un DCP pour un prochain projet de court, doté par notre partenaire, le laboratoire numérique Média Solution. Cela tombe bien, le court intéresse et inspire cet auteur marqué par les relations humaines et les nouvelles histoires.

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Retrouvez dans ce dossier spécial :

– La critique du film

– L’interview de Leonardo Brzezicki

Leonardo Brzezicki : « Quel est l’intérêt de faire un film si on n’essaie pas d’offrir de nouvelles perspectives par rapport à ce qui a déjà été fait ? »

Lauréat du premier Prix Format Court à IndieLisboa et sélectionné au préalable à la dernière Berlinale, « The Mad Half Hour » est un court-métrage, noir, drôle, argentin, blanc, mélancolique et danois, réalisé par un ancien comédien, Leonardo Brzezicki, déjà auteur d’un long-métrage, « Noche », bien repéré sur la scène festivalière. En amont de la projection de son film que nous avons organisée en mai à Paris, nous avons rencontré Leonardo Brzezicki à Lisbonne pour un entretien autour du court, des non-professionnels, du cinéma français et des difficultés à se forger une filmographie en Argentine.

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Format Court : Ton film, « The Mad Half Hour » se présente comme une co-production entre le Danemark et l’Argentine. Quel est l’apport de chaque pays et ton lien avec Gudmundur Arnar Gudmundsson (ndrl. réalisateur de « Whale Valley » et « Artùn ») sur ce projet ?

Leonardo Brzezicki : Avec Gudmundur, on s’est rencontré lors du festival CPH : DOX, à Copenhague. Il y existe un programme, le « CPH : LAB », qui consiste à inviter des réalisateurs du monde entier à Copenhague pour participer à une sorte de labo pendant huit jours. Gudmundur et moi avons été choisis pour faire un film ensemble. Malheureusement à cette époque, il était sur le montage de son dernier film et venait de rentrer à la Résidence de Cannes, il n’avait donc pas beaucoup de temps pour s’investir dans ce programme. Je ne voulais pas postposer le projet un an plus tard car je suis pris par l’écriture d’un long, nous avons décidé ensemble que j’écrirais et réaliserais le film quand même et qu’il ferait figure de producteur exécutif. C’est comme ça qu’est né « The Mad Half Hour ». En fait, l’argent et la production viennent du Danemark mais le film a été tourné en Argentine, c’est pourquoi c’est un film dano-argentin.

Parfois, sur des co-réalisations, il y a des conflits d’idées. Parfois ça marche, parfois pas. Mes différentes expériences de co-réalisation ont été différentes en fonction du réalisateur sur lequel je suis tombé. Avec Gudmundur, nous nous sommes très bien entendus. Nous avons échangé quelques idées au départ, puis tout s’est passé très vite, il n’avait plus le temps et j’ai fini le film tout seul.

L’univers des films de Gudmundur est très différent du tien. As-tu une idée de la raison pour laquelle vous êtes-vous retrouvés ensemble sur ce projet ?

L.B. : Je ne sais pas. C’est comme un couple, plein de mystères. C’est peut-être lié au fait que mon précédent long-métrage, « Noche », parlait de dépression et de suicide. C’est l’histoire d’un groupe de six amis qui se rendent chez un homme qui s’était auparavant tué chez lui. Cet homme était designer sonore et a laissé derrière lui tous les sons sur lesquels il travaillait. Les jeunes se mettent à écouter les enregistrements et entrent dans une étrange ambiance de deuil et de réalité subjective. Hormis cela, je ne vois vraiment aucun lien entre mon travail et celui de Gudmundur.

Peux-tu me parler de toi et de ce que tu as fait avant ce court-métrage ?

L.B. : J’ai étudié le théâtre dramatique et le cinéma en même temps. Quand je suis sorti de l’école de cinéma, j’ai plus trouvé des emplois d’acteurs. J’ai enchainé les rôles, aussi bien au théâtre qu’au cinéma, dans des longs comme dans des courts. Au bout d’un moment, j’en ai eu assez. J’ai joué dans un film américain dont je n’aimais pas du tout le scenario. Je réécrivais les pages du scénario tous les matins et je me suis dis que je ne voulais plus faire ça, que je voulais juste faire mes propres films.

Toutefois, en Argentine c’est très difficile de faire son premier film. La différence est très forte entre les réalisateurs qui ont de l’argent et ceux qui n’en ont pas. Moi, je fais partie de la deuxième catégorie. J’ai donc pris deux ans pour faire mon premier film tout en travaillant comme serveur pour économiser de l’argent. J’ai donc fait mon premier film, un long, comme ça, avec mon propre argent.

Il n’y a aucune aide de la part de l’État argentin ?

L.B. : Il n’y a pas d’aide au développement et puis, c’est difficile d’obtenir une aide quand tu n’es pas connu. En plus, le type de film que je voulais faire n’aurait pas tellement intéressé les fonds d’aide. C’était un film très personnel, basé sur ma propre expérience. Je voulais dresser le portrait d’un état émotionnel et le film ne suivait pas du tout un scénario classique. Celui-ci était plus libre, plus ouvert. Le film a gagné au LAB films de Rotterdam, ce qui nous a permis de le finir et de payer tout le monde.

Aujourd’hui, je travaille sur un scénario bien plus narratif et j’ai besoin de plus d’argent. La situation est de plus en plus difficile en Argentine pour les longs-métrages car il y a moins de moins en moins d’argent pour le cinéma. La majorité des films réalisés en Argentine ne sortent pas ou s’ils sortent, ils ne restent pas plus d’une semaine à l’affiche. Personne ne va au cinéma.

Pourquoi es-tu passé du long au court-métrage ? Est-ce que cela te paraissait plus simple ?

L.B. : En fait, avec l’argent de programme danois, j’aurais pu faire aussi bien un long qu’un court, mais depuis le début, on s’est mis d’accord avec Gudmundur qu’on ferait un court-métrage. Je souhaite faire mon propre long avec d’avantage d’argent et de temps.

Qu’as-tu voulu raconter dans ton film ?

L.B. : Je commence toujours par une image, après une chose en entraîne une autre. J’avais l’image de ce garçon qui voulait soudainement arrêter de jouer au tennis, je voulais aussi explorer les rôles que chacun joue dans une relation amoureuse sous différents angles, fantaisiste, fantastique, absurde et existentialiste.

Le film emprunte différentes directions. La première partie est absurde et très drôle tandis que la deuxième adopte un côté plus sombre.

L.B. : Oui, sombre et incertaine. Je voulais finir le film avec un sentiment d’incertitude. J’ai le sentiment que parfois dans les relations amoureuses, on oublie ce qu’on veut vraiment, ce que chacun désire et qu’on est seulement obnubilé par l’amour.

C’est marrant mais je pense qu’au fond, le film est très mélancolique. Je ne voulais pas explorer ces sentiments sérieusement mais en même temps, il y a toujours une certaine forme de mélancolie dans mon travail, même quand j’essaie d’être drôle.

Mon prochain projet parlera d’amour aussi, mais je vais traiter d’une relation plus complexe, celle de deux hommes ayant une fille. Il s’agira d’un long-métrage, ce sera donc différent. Ce que je souhaite le plus en faisant du cinéma, c’est de pouvoir offrir un nouveau point de vue sur un sujet. Quel est l’intérêt de faire un film si on n’essaie pas d’offrir de nouvelles perspectives par rapport à ce qui a déjà été fait ?

Sur « The Mad of the Hour », tu as travaillé avec des non-professionnels. Comment s’est passée la direction d’acteurs ?

L.B. : C’était génial ! J’ai choisi ces personnes parce qu’elles possédaient en elles les qualités que je cherchais, leur jeu était donc très naturel. Ma nièce, par exemple, joue dans mon film. Elle n’est pas actrice, elle n’avait jamais joué avant. Le casting est l’élément le plus important pour moi. Pour mes prochains projets, j’investirai d’ailleurs plus de d’ailleurs dans le casting.

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L.B. : À quoi ressemble le scénario de ton film ? Est-il très écrit ou as-tu laissé une grande part à l’improvisation ?

C’était écrit, il n’y avait pas d’improvisation. Les scènes étaient écrites mais en rediscutant avec les acteurs, je les ai réécrites en fonction de leurs remarques.

Tes références de films sont-elles plutôt européennes ou américaines ? Où vois-tu les films ? Sortent-ils en Argentine ?

L.B. : Les films ne sortent pas mais je vais les voir à la Cinémathèque et je les télécharge. Je suis un grand fan des films français. Ceux-ci offrent vraiment des nouveaux regards, notamment sur les relations humaines. J’adore les dialogues et la manière dont les acteurs jouent. Ils jouent beaucoup sur les émotions mais en même temps, il est possible de percevoir l’artifice de leur jeu. Ce n’est pas la réalité, on sent un réalisateur derrière. Je pense que ce que j’aime aussi dans le cinéma français, c’est que généralement ce ne sont pas des films à gros budgets. Ils ne sont pas loin de mon univers et de moi-même.

Tu as produit « Noche » et « The Mad Half Hour », tu travailles fréquemment avec des amis. Comment perçois-tu l’étape supérieure, la professionnelle, associée au long-métrage ?

L.B. : Les gens avec qui je travaille sont des professionnels et je n’ai pas tellement envie de changer mon style de production. J’aimerais avoir plus d’argent pour développer et faire des films, mais je ne sais pas si je suis fait pour en avoir trop car ça pourrait changer le type de film que j’aime faire. De plus, je pense que vraiment profitable de travailler avec la même équipe car on se connaît de plus en plus et on arrive à un point où on n’a même plus besoin de se parler pour se comprendre.

Aujourd’hui, tu prépare un long-métrage, penses-tu revenir un jour au court-métrage ?

L.B. : Faire du cinéma, c’est super mais un court n’est pas plus facile qu’un long. Faire un film pour moi, c’est faire un film. C’est pareil.

Propos recueillis par Katia Bayer. Retranscription : Sukriti Syal. Traduction : Zoé Libault

Article associé : la critique du film

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Concours : 10 places à gagner pour la reprise des courts de la Semaine de la Critique à la Cinémathèque

Comme tous les ans, la Cinémathèque reprend la sélection (courts et longs métrages) de la Semaine de la critique du Festival de Cannes. Pour accompagner cette reprise et vous permettre de voir les courts de Cannes, nous vous offrons 5 places pour chaque séance de courts métrages prévues le weekend prochain. Intéressé(e)s ? Contactez-nous !

Programme de courts métrages 1 : samedi 6 Juin 2015 – 17h30

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Too Cool for School de Kevin Philips/Etats-Unis/2014/11′
Boys (Pojkarna) de Isabella Carbonell/Suède/2014/19′
Varicella de Fulvio Risuleo/Italie/2014/14′. Prix Découverte Sony CineAlta
Le Renard exploite la force du tigre (The Fox exploits the Tiger’s Might) de Lucky Kuswa/Indonésie/2014/25′
La Fin du dragon de Marina Diaby/France/2014/26′

Programme de courts-métrages 2  : dimanche 7 juin 2014 – 14h30

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Jeunesse des loups garous de Yann Delattre/France/2014/22′
Love Comes Later de Sonejuhi Sinha/Etats-Unis/2014/10′
Command Action de João Paulo Miranda Maria/Brésil/2014/14′
Alles wird gut de Patrick Vollrath/Allemagne-Autriche/2014/30′
Ramona de Andrei Cretulescu/Roumanie/2014/20′. Prix Canal +

Coup de pouce DCP, le premier prix offert par Média Solution

Afin de donner plus de visibilité aux jeunes talents du court métrage francophone, le laboratoire numérique Média Solution, le partenaire de nos Prix Format Court, a lancé en mars dernier le Coup de pouce DCP.

Le principe de ce concours est simple : permettre à un réalisateur ou une réalisatrice de voir son court-métrage diffusé en salle de cinéma et en festival en lui offrant le DCP de son film (encodage au format Cinéma Numérique).

Mourir oui mais au son des violons

Jeudi 28 mai 2015, un jury de professionnels s’est réuni au siège parisien de Média Solution pour visionner et départager les films en lice pour la finale de la première édition du Coup de pouce DCP.

Parmi les 45 films reçus, le jury a décidé de récompenser « Mourir, oui mais au son des violons tsiganes » d’Isabelle Montoya. La réalisatrice remporte ainsi un encodage DCP de son film, offert par Média Solution.

Pour en savoir plus : http://mediasolution.fr/blog/

La prochaine édition du Coup de Pouce DCP aura lieu du 26 juin au 31 août avec délibération du jury le 24 septembre 2015.

Séquence court-métrage, appel à films

Du 18 au 22 novembre 2015, le festival Séquence court-métrage fêtera sa 24ème édition à Toulouse et en région Midi-Pyrénées à travers 5 jours de temps forts à travers des compétitions internationales et programmes thématiques, des rencontres, et une nuit du court métrage.

Via une formule singulière, l’association propose en amont 3 phases de présélections pendant l’année. 18 films sont ainsi soumis aux votes pour concourir aux finales du Prix du Public et du Jury pendant le festival.

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L’appel à films (fictions, animations et documentaires terminés après janvier 2013, d’une durée maximum de 25 minutes) est ouvert jusqu’au 3 juillet 2015 sur filmfestplatform.com. Les formats acceptés sont le DCP de préférence, le Blu-Ray ou le DVD le cas échéant.

Pour plus d’informations sur le festival :
www.sequence-court.com
www.facebook.com/sequence.court

Prochaine Soirée Format Court, spéciale Vendôme !

Notre dernière soirée Format Court de l’année, organisée le jeudi 11 juin à 20h30 au Studio des Ursulines (Paris, 5ème), est consacrée au Festival de Vendôme, une manifestation de premier plan ayant malheureusement disparu en janvier dernier après 23 ans de bons et loyaux services en faveur du cinéma français et européen de qualité.

Partenaires du festival depuis plusieurs années, nous y avons attribué 4 Prix Format Court dont nous vous proposons de découvrir le dernier lauréat, « Tourisme International » de Marie Voignier, accompagné de 3 autres films sélectionnés à la dernière édition de Vendôme.

À l’occasion de cette séance, venez rencontrer Émilie Parey, la déléguée générale du festival et deux équipes de films, et découvrir non pas une mais deux expositions de dessins et croquis préparatoires organisées autour des films d’animation programmés. En guise de bonus sympa, la séance sera suivie d’un verre offert.

Programmation

Tourisme International de Marie Voignier (France, Documentaire, 48′, 2014, Bonjour Cinéma). Prix Format Court, Festival de Vendôme 2014. En présence de l’équipe

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Syn : Comment une dictature se présente à ses touristes ? Quel récit, quels acteurs, quelle mise en scène mobilise-t-elle ? Tourisme International a été tourné comme la captation d’un spectacle à l’échelle d’un pays, la Corée du Nord. Musées, ateliers de peinture, studios de cinéma ou usine chimique nous sont présentés par des guides dont on n’entendra jamais les voix.

Article associé : la critique  du film

Beach Flags de Sarah Saïdan (Animation, 13′, France, 2014, Sacrebleu, Folimage). Prix du meilleur film au Festival Anime Award de Tokyo 2015

Syn. : Vida est une jeune nageuse sauveteuse iranienne. Favorite dans son équipe, elle est décidée à se battre pour décrocher une place dans une compétition internationale en Australie. Mais, avec l’arrivée de Sareh, aussi rapide et talentueuse qu’elle, elle va être confrontée à une situation inattendue.

Article associé : la critique du film

Cambodge 2099 de Davy Chou (Fiction, France, 21′, 2014, Vycky Films). Grand PrixFestival de Vendôme 2015, Sélection à la Quinzaine des Réalisateurs 2014. En présence du réalisateur

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Syn. : Phnom Penh, Cambodge. Sur Diamond Island, joyau de modernité du pays, deux amis se racontent les rêves qu’ils ont faits la veille.

Article associé : la critique du film

Oripeaux de Sonia Gerbeaud et Mathias Panafieu (Animation, 10′, France, 25 Films, Ambiances…asbl). Sélection aux festivals d’Annecy et de Clermont-Ferrand 2014

Syn : Dans un village isolé, une petite fille se lie d’amitié avec une meute de coyotes. Les villageois mettent brutalement fin à cette relation sans se douter du soulèvement qui les guette.

En pratique

– Jeudi 11 juin 2015, à 20h30, accueil : 20h. Durée de la séance : 92′
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
Entrée : 6,50 €
Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com
Participez à l’événement sur Facebook

Cinéma de poche/Cinémathèque : reprise de la Cinéfondation 2015 aujourd’hui et demain

Cannes, encore…  Aujourd’hui et demain soir, la Cinéfondation, la section consacrée aux films d’écoles, débarque à la Cinémathèque française au détour du cycle Cinéma de poche. L’occasion de découvrir les films des réalisateurs sélectionnés cette année, en présence de Georges Goldenstern et Dimitra Karya (représentants de la Cinéfondation).

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Programmes détaillés ici : http://www.cinematheque.fr/fr/dans-salles/rendez-vous-reguliers/fiche-cycle/cinema-poche-2014-2015,606.html

Tarifs : 6€50 Plein tarif, 5€50 Tarif réduit, 3€ pour les moins de 18 ans. 4€50 avec le Forfait Atout Prix.

Entrée libre avec le Libre Pass

Maureen Fazendeiro : « Comment rend-t-on visible la mémoire d’une vie entière ? »

De la danse au cinéma en passant par la distribution ou l’édition, Maureen Fazendeiro est une grande voyageuse de cinéma. Elle nous livre un premier film, « Motu Maeva », qui est lui-même un voyage, celui d’une passagère du siècle. Entre deux aller-retours portugais où elle travaille avec Miguel Gomes, elle revient pour Format Court, sur son film qui a remporté le Grand Prix Europe au dernier Festival de Brive.

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Tu travailles dans le cinéma depuis un moment et « Motu Maeva » est ton premier film. Quel fut le déclic pour faire de Sonja André ton personnage principal ?

Maureen Fazendeiro : Pour une raison très simple : Sonja est très âgée et je me suis dit que ses histoires allaient disparaître avec elle sans laisser de traces. Personne d’autre que moi n’allait les connaître si je ne faisais pas quelque chose maintenant. Ça a été impulsif quand j’ai décidé de faire ce film. J’ai senti qu’il fallait le faire à cette étape de mon désir de cinéma tout autant que pour elle.

Comment as-tu rencontré Sonja ?

Je connaissais Sonja depuis longtemps, et cela faisait des années que j’allais dans son jardin en Bourgogne, celui qu’on voit dans le film. J’allais la voir au début pour lire, me reposer, discuter et passer du temps avec elle. C‘était un endroit où je ne me sentais pas du tout en France, aujourd’hui. On y trouve une végétation luxuriante, des bambous partout, des objets ramenés de Tahiti et des masques africains. J’ai projeté beaucoup de choses dans ce jardin qui réveillait mon imaginaire de littérature, de cinéma. Je m’étais donc dit que filmer Sonja revenait à filmer ce lieu qu’elle avait créé et montrer comment elle réinventait sa vie. Ça a été le départ du film.

Comment as-tu décidé de faire se répondre images d’archives et images du présent ?

Dès le départ, j’avais l’idée que ce jardin serait un « ici et ailleurs ». Aussi, je souhaitais jouer avec cette idée de proche et de lointain. Le contraste se situait entre la solitude extrême de Sonja dans son jardin et toutes ces personnes qu’elle avait rencontrées et qui sont présentes avec elle en souvenirs et en traces enregistrées qu’elle avait accumulées au fil du temps. Elle ne se sentait donc jamais seule.

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Comment s’est passé le montage ?

On a monté en deux semaines à Lisbonne et quand on est revenu à Paris, on a travaillé plus précisément que dans le premier montage les archives que Sonja avait retrouvées dans son jardin. Les images dataient de 1956 à 1976 environ. Sonja et Michel, son mari, avaient filmé dans tout les pays où ils sont allés, en Afrique, à Tahiti, en Asie.

Comme j’avais 18h d’archives et pas les moyens de tout numériser, j’ai fait le montage à la colleuse (NDR : petit appareil mécanique pour découper et assembler les éléments de pellicule cinéma) et je n’ai numérisé que les moments qui m’intéressaient. A la visionneuse (NDR : Appareil doté d’une loupe rétro éclairée permettant de voir le film sur pellicule sur un petit écran), image par image, on doit couper le film original et choisir ce qui va être intégré au film. Je réfléchissais donc beaucoup à chaque coupe. Je faisais toujours de nombreux tests avant de couper et c’était vraiment très différent de ce que l’on fait de nos jours, en montage virtuel, avec Final Cut. Cela a duré plus d’un mois, mais pour retrouver un autre temps, c’était très juste de travailler comme ça.

La voix-off de Sonja sert un peu de fil d’Ariane dans ces passages du passé au présent. Comment l’as-tu élaborée ?

Comme c’était mon premier film, j’ai tout fait de manière intuitive. Pendant une bonne semaine, je suis passée la voir tous les jours et j’enregistrais 2 à 3 heures de nos discussions afin de la faire parler. En ce sens là, « Motu Maeva » est un documentaire et à la fin, j’avais donc une douzaine d’heures de son.

Ce n’est qu’au montage que j’ai réécouté tout ce que j’avais enregistré. J’avais un tableau et j’isolais des phrases qui m’intéressaient, des bribes d’histoires. Je ne voulais pas faire un film à la structure chronologique, je savais que ça ne serait pas très explicatif. Ce que je cherchais, c’était plutôt des impressions, quelque chose qui ressemble à de la mémoire.

Mon film est donc constitué de fragments. J’avais isolé plusieurs fragments de sons. J’avais tout retranscrit et avec la monteuse, chaque matin, on relisait le texte. On montait l’image, mais ce n’est pas le son qui a dicté l’image, ça s’est vraiment fait de manière très organique. L’image amenait une lumière, une émotion, que le son venait rejoindre mais il a fallu se poser la question : « comment rend-t-on visible la mémoire d’une vie entière ? ». On a construit comme ça une voix. Ensuite, une fois que le montage image était fait, j’ai travaillé avec un monteur son portugais, Miguel Martins qui est aussi le monteur son de Miguel Gomes et de João Nicolau.

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Comment as-tu choisi d’intégrer l’émouvante lettre sonore de la mère de Sonja qu’on entend à la fin du film ?

La lettre, j’y tenais beaucoup. Il y avait beaucoup d’images d’archives mais aussi beaucoup d’archives sonores, près de 200 cassettes de musique enregistrée avec des messages que les deux époux se laissaient l’un à l’autre.

Après le tournage, j’ai passé beaucoup de temps à écouter et quand je suis tombée sur cette lettre de sa mère, je l’ai trouvée déchirante et j’ai pleuré. Et puis, Sonja avait l’habitude de raconter sa vie comme un conte de fée et elle l’a fait pour transformer toute sa souffrance en quelque chose de meilleur. Dans le film, il y a des moments comme des contrepoints à ce qu’elle raconte, d’où la lettre.

C’est un élément qui n’est pas très expliqué dans le film. Rien ne l’est vraiment, rien n’est évident. Je sais que tout est à la fois et fragmentaire et mystérieux mais ce rapport mère/fille est important dans la vie de Sonja. On voit dans les archives qu’elle a une fille et pourtant elle vit seule sur une île comme si elle était la dernière descendante d’une famille qui n’existe plus.

Comment as-tu décidé que le film aurait la durée d’un moyen-métrage ?

À nouveau, ça s’est fait au montage, de manière organique. Je savais que le film se construirait sous la forme d’une journée avec Sonja. On commence à l’aube et on finit à la nuit tombée en ayant parcouru toute une vie.

Ramener toute une vie à une journée, c’était travailler avec des lumières et des émotions différentes. Le temps du film, sa durée, s’est basée sur les étapes émotionnelles qu’on voulait mettre en avant, comme la joie ou la solitude, l’éloignement de sa mère, la tristesse, etc…

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Vous avez été deux à filmer, pourquoi ?

On avait essentiellement une caméra, une Beaulieu 1008 XL. Je décidais avant le plan qui allait filmer. Les plans de Sonja, c’est moi qui les ai tous filmés à cause du rapport personnel que j’essayais d’établir avec elle. Pour chaque autre plan, on décidait avec mon acolyte Isabelle Paglai qui allait filmer.

J’avais l’idée que raconter une histoire, c’était un mouvement. Aussi, à l’image, il fallait chercher ce mouvement. Les déplacements dans le jardin nous ont pris beaucoup de temps. Ça a été une sorte de territoire de jeux et aussi un espace qu’on a voulu explorer.

Le premier plan du film est aussi le premier que j’ai filmé en arrivant là-bas. Je savais que je voulais explorer ce jardin, comme j’allais explorer la vie de Sonja, comme elle- même avait exploré le monde. C’est pour ça qu’on était deux à filmer, avec Isabelle.

Et puis, j’avais une deuxième caméra plus légère, une petite Canon, sans aucune option ou réglage. C’est la monteuse du film qui me l’avait offerte avant que je parte en tournage. Elle m’avait dit : « Ça sera ton stylo ». C’était pour attraper certaines choses au vol sans avoir à rassembler l’équipe ou prévenir qui que ce soit, histoire de ne rater aucun instant. Il y a un arc-en-ciel dans le film que j’ai attrapé comme ça.

Maintenant que le film semble avoir sa vie propre, quels sont tes projets ?

J’ai continué à filmer régulièrement en Super 8 cette année. Je suis passé au 16mm et j’ai appris à développer moi-même mes films pour être autonome. Je ne filme pas des images pour qu’elles intègrent un film, je les filme pour que ça devienne une pratique quotidienne. Les écrivains, quand ils ne sont pas en train d’écrire un roman, ils écrivent quand même plein de choses. Je trouve que c’est important de pratiquer quotidiennement en tant que cinéaste. Certains ne le font pas et le vivent très bien mais pour moi, c’est important de filmer.

Je me suis installée à Lisbonne et j’y travaille, j’aimerai filmer cette ville. Peut-être que le Portugal, c’est un peu comme l’île de Sonja pour moi. Elle y a mis tout le monde qu’elle a traversé et a fait un endroit imaginaire qui regroupe tout ce qu’elle a connu.

Je ne suis pas originaire du Portugal, je n’y suis pas née, mais j’ai des origines portugaises et pour ma famille, ce pays représente l’idée du bonheur. C’est un endroit où je projette beaucoup de choses, par l’histoire de ma famille justement, le cinéma portugais que j’aime beaucoup et par la lumière qu’on y trouve. C’est ce pays que j’ai envie de filmer, notamment dans les villages portugais où la tradition orale est préservée. Les Portugais ont une manière particulière de raconter les histoires, ils ont une grande tradition du conte. Ça me plaît.

Propos recueillis par Georges Coste

Article associé : la critique du film

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5 pass à gagner pour le festival Le Court en dit long 2015 !

Le 23ème festival Le Court en dit long, dont Format Court est partenaire cette année, aura lieu du 1er au 6 juin prochain. Ce festival compétitif de courts métrages produits ou coproduits en Belgique francophone programme pendant plusieurs jours, au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris, 44 courts métrages belges francophones ou franco-belges en compétition, répartis en sept programmes thématiques.

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Chaque soir à 19h45, le public pourra participer au Forum avec les équipes de films et rencontrer les réalisateurs, scénaristes, acteurs, techniciens et producteurs.

Le samedi 6 juin, le festival propose également deux programmes hors compétition : une séance spéciale à 16h avec des films d’animation pour enfants (dont certains réalisés par des enfants) et à 17h une séance de courts métrages documentaires d’école (INSAS, IAD et La Cambre).

Enfin, en clôture à 19h30, après la remise des prix, le Festival vous propose de découvrir en avant-première le premier long métrage de Vania Leturcq, « L’Année prochaine » (sortie nationale le 24 juin 2015), en sa présence.

Bonne nouvelle : Format Court vous propose de gagner 5 pass pour assister à l’intégralité du festival. Intéressé(e)s ? Contactez-nous !

Le site du festival : http://www.cwb.fr/programme/23e-festival-le-court-en-dit-long

Presente Imperfecto d’Iair Said

L’apparition d’un curieux présent lors d’une soirée d’anniversaire est à l’origine des questionnements hétéronormatifs et identitaires déployés dans « Presente Imperfecto », nouvel opus de l’Argentin Iair Said, ayant brigué ces jours-ci la convoitée Palme d’Or du court métrage au festival de Cannes. Comédien à la base et déjà reconnu pour son premier film « 9 Vacunas » (2013), toujours présent dans le circuit des festivals, Said apparaissait cette année comme le seul représentant latino-américain de la compétition officielle.

Avec une économie de moyens admirable et une simplicité narrative qui aborde un sujet potentiellement très complexe de façon directe et efficace, Said nous met devant Martín, un jeune homme d’une trentaine d’années, interprété par lui-même, recevant une étonnante jupe violette à fleurs comme cadeau d’anniversaire. Le problème à ses yeux ne se rapporte cependant pas au fait d’avoir reçu un vêtement théoriquement et socialement reconnu comme « féminin », mais il aborde plutôt des questions bien plus intéressantes au niveau de l’esthétique et de l’identification personnelle. « Ce n’est pas ma taille, ce n’est pas mon style », dit Martín. « La personne qui me l’a offerte ne me connaît pas du tout », « J’aurais aimé savoir en quoi cette jupe lui a fait penser à moi », se plaint-il encore. Il y a ainsi une claire acceptation de la jupe comme possible accessoire masculin, ce qui nous plonge d’une façon très subtile dans une histoire qui se détache des conventions habituelles du monde d’aujourd’hui et qui propose au spectateur une réalité où il serait normal pour un homme de porter une jupe.

La compréhension de ce changement de valeurs présenté dans cette première partie deviendra fondamentale pour bien comprendre tout ce qui se déroule après. Vu que le cadeau sort rapidement des catégories « masculin » et « féminin », il devient le point de départ de la deuxième partie qui montre la belle rencontre entre Martín et la vendeuse d’un magasin. Toutefois, ce serait trop facile de dire que l’histoire est tout simplement celle d’un homme qui rencontre une femme par le biais d’un présent qu’il veut échanger. Le vrai postulat du film repose sur une claire subversion de l’ordre des choses qui peut pourtant passer inaperçue : le fait de ne pas avouer l’hétéronormativité du monde d’aujourd’hui est une tentative pour justement l’interroger, l’attaquer et bien sur défendre un autre point de vue. Un paradigme différent, si l’on veut.

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La proposition de Said est mise en scène à partir d’une quinzaine de plans fixes et de dialogues soigneusement élaborés qui articulent les 15 minutes du film. La caméra immobile du chef-opérateur Julián Ledesma fixe Martín au centre de chaque plan et relègue le reste à un flou constant. Ainsi, tout tourne autour de Martín et uniquement ce qui est à côté de lui apparaît net. La maîtrise entre la dichotomie du montré et du réel contribue en même temps à créer une distanciation avec le spectateur qui peut se laisser emporter par le naturalisme que suscitent les images et par la relation qui se construit petit à petit et plan par plan entre le protagoniste et la jeune vendeuse. Les courtes conversations qui s’échangent entre eux vont suffire pour entrevoir leurs émotions, leurs envies, leurs désirs et leurs motivations. La présence des comédiens au cadre, de même que leurs gestes et mouvements, accorde à cette histoire potentiellement absurde un coup de véracité et de cohérence impeccable.

L’harmonie que l’on trouve tout au long du film entre le récit et les images fait de « Presente imperfecto » une belle réussite où chaque séquence compte pour elle-même et chaque mot a une place bien établie. Le spectateur aura donc la possibilité de questionner l’actuel état de choses et de se demander s’il est peut-être le plus… normal.

Julián Medrano Hoyos

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P comme Presente Imperfecto

Fiche technique

Synopsis : L’anniversaire de Martin. Un cadeau confus va le faire réfléchir et examiner à la façon dont les autres vous voient.

Genre : Fiction

Durée : 15’

Année : 2015

Pays : Argentine

Réalisation : Iair Said

Scénario : Iair Said

Image : Julián Ledesma

Montage : Flor Efrón

Son : Jesica Suárez

Interprétation: Iair Said, Katia Szechtman, Vladimir Durán, Agostina López

Production : Laura Huberman, Iair Said

Article associé : la critique du film

L’autre Palme d’or

Plus de mystère. La Palme d’or des courts métrages du Festival de Cannes a été attribuée hier soir à Waves’98, du metteur en scène libanais Ely Dagher.  Le film a été choisi par Abderrahmane Sissako et son jury parmi les 9 films sélectionnés (7 fictions et 2 animations) sur les 4.550 courts-métrages soumis cette année au festival.

Waves’98 de Ely Dagher (Animation, 15, Liban, Qatar, Beaver & Beaver Studio)

Syn . : Désenchanté par sa vie dans la banlieue isolée de Beyrouth, les errances d’Omar l’amènent dans les profondeurs de la ville. Immergé dans un monde familier mais étrange à sa réalité, il se retrouve en lutte pour sauvegarder ses attaches.

Les films primés à la Cinéfondation 2015

Le Jury de la Cinéfondation et des courts métrages présidé par Abderrahmane Sissako et composé de Cécile de France, Joana Hadjithomas, Daniel Olbrychski et Rebecca Zlotowski, a décerné ce vendredi les prix de la Cinéfondation lors d’une cérémonie salle Buñuel, suivie de la projection des films primés.

La sélection comprenait 18 films d’étudiants en cinéma choisis parmi 1 593 candidats en provenance de 381 écoles dans le monde.

Premier Prix : Share réalisé par Pippa Bianco – AFI’s Directing Workshop for Women, États-Unis

Syn. : Une jeune fille de 15 ans retourne à l’école après que quelqu’un a partagé une vidéo d’elle des plus explicites sur Internet.

Deuxième Prix : Locas Perdidas réalisé par Ignacio Juricic Merillán – Carrera de Cine y TV Universidad de Chile, Chili

Syn. : En 1996, Rodrigo (18 ans) est arrêté dans la boîte de nuit où il travaille comme transformiste, lors d’une perquisition filmée par la télévision. Il rentre chez lui, inquiet d’être vu aux infos par la famille. Pendant que tout le monde se prépare pour une fête, il décide de s’enfuir avec son amant, le coiffeur et ami de la famille.

Troisième Prix ex aequo :

– The Return of Erkin réalisé par Maria Guskova – High Courses for Scriptwriters and Film Directors, Russie

Syn. : Erkin est sorti de prison et tente de revenir à son ancienne vie. Mais tout a changé et il ne sait pas s’il peut vivre comme un homme libre.

– Victor XX réalisé par Ian Garrido López – ESCAC, Espagne

Syn. : Que se passerait-il si vous n’étiez pas à l’aise avec votre corps ? Si vous décidiez d’une expérience sur votre genre ?

Les prix sont accompagnés d’une dotation de 15.000 € pour le premier, 11.250 € pour le deuxième et 7.500 € pour le troisième. La lauréate du Premier Prix a également l’assurance que son premier long métrage sera présenté au Festival de Cannes.

Short Screens #50 : Corps

Enveloppe charnelle, à la fois fragile et résistante, aussi bien sublimée et idéalisée que maltraitée et humiliée. Le corps comme moyen d’expression, comme vecteur d’émotions ou comme outil de séduction est en perpétuelle évolution. Souvent libérateur de l’inertie grâce au mouvement, il peut au contraire se révéler comme étant la plus ingrate des prisons. Ce mois-ci, Short Screens s’est penché sur la question de sa représentation avec des courts métrages qui traitent de la chair comme source d’inspiration.

En présence de Laura Wandel, réalisatrice des Corps étrangers.

Un projet à l’initiative de l’asbl Artatouille et Format Court.com

Rendez-vous le jeudi 28 mai à 19h30, au cinéma Aventure, Galerie du Centre, Rue des Fripiers 57, 1000 Bruxelles – PAF 6€

Visitez la page Facebook de l’événement ici.

Programmation

AÏSSA de Clément Tréhin-Lalanne/France/ 2014/ fiction/ 8’21

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Aïssa, une jeune Congolaise en situation irrégulière, est appréhendée par la police. Elle affirme avoir 17 ans, mais les autorités la croient majeure. Afin de déterminer si elle est expulsable, un médecin va l’examiner.

Article associé : la critique du film

CHOROS de Michael Langan & Terah Maher/États-Unis/ 2011/ expérimental/ 12’44
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Syn. : Une danseuse donne vie à une ribambelle de figures féminines dans ce « pas de trente-deux » surréaliste.

Article associé : le dossier consacré au film dans le cadre du Prix Format Court au festival Silhouette 2012

HE’S THE BEST de Tamyka Smith/États-Unis/ 2014/ fiction/ 6′

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Syn. : Pour se préparer à sa soirée avec Ryan, Clare accomplit avec soin tous les gestes qui s’imposent – détartrage, hydratation, rasage intégral. Regard intime et franc sur une femme et ses gestes de beauté.

STREET FIGHT de Julien Goudichaud/France/ 2014/ documentaire/ 6′

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Syn. : Portrait de Jacques, un sans-abri parisien passionné de bodybuilding.

CONTRACUERPO d’Eduardo Chapero-Jackson/Espagne/ 2005/ fiction/ 17′

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Syn. : Obsédée par son image, une jeune femme fait un voyage dans le labyrinthe de sa propre perception. Avec son corps, elle crée une prison exposée au monde et vit le rêve autodestructeur de devenir ce qu’elle n’est pas.

LES CORPS ÉTRANGERS de Laura Wandel/Belgique/ 2014/ fiction/ 15′

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Syn. : Lors de sa rééducation dans une piscine municipale, un homme doit apprendre à faire face à son nouveau corps, alors qu’il n’est pas prêt à l’assumer. En présence de la réalisatrice

HOLE de Martin Edralin/Canada/2014/fiction/15′

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Syn. : Billy, un handicapé d’âge moyen, vit seul mais se sent tout aussi isolé lorsqu’il sort et qu’il est en public. Tout ce qu’il connaît en guise d’amitié, ce sont les visites quotidiennes de l’aide-soignant. Aspirant à l’intimité d’une relation dans sa vie solitaire, Billy erre dans la ville en quête d’une aventure…

Quinzaine des Réalisateurs, Prix Illy du court métrage 2015

Même si la Quinzaine des Réalisateurs est une section non compétitive, certains de ses partenaires attribuent des prix lors de la cérémonie de clôture, ayant eu lieu hier soir. Sur les 4 prix remis, l’un est consacré au court métrage via la marque de café Illy.

Le jury composé cette année de Lolita Chammah, Peter Debruge, Sophie Reine, Marc Sanchez et présidé par Olivier Jahan a distingué « Rate Me » du jeune réalisateur Fyzal Boulifa parmi les 11 films sélectionnés. Il y a trois ans, le jeune réalisateur anglais d’origine marocaine avait obtenu la même récompense pour le très beau « The Curse » que nous avions diffusé lors de l’une de nos premières séances Format Court à Paris. Le réalisateur d’avant-garde autrichien Peter Tscherkassky obtient, lui, une mention pour « The Exquisite Corpus ».

Pour info et rappel, toute la sélection de la Quinzaine (courts et longs) fera l’objet d’une reprise au Forum des images du 28 mai au 7 juin prochain.

Prix illy du court métrage : Rate me de Fyzal Boulifa (Royaume-Uni, Maroc, Too True Films)

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Synopsis : Portrait d’une escort girl adolescente : Coco.

Mention : The Exquisite Corpus de Peter Tscherkassky (Autriche, Prod. : Peter Tscherkassky)

The Exquisite Corpus-Peter Tscherkassky

Synopsis : The Exquisite Corpus est construit à partir de divers films érotiques ainsi que d’extraits de publicités. Je joue à la manière du «cadavre exquis» utilisé par les surréalistes, inventant une constellation de créatures magiques à partir de morceaux de corps. D’innombrables fragments s’entremêlent en un rêve sensuel, humoristique, macabre et extatique.

R comme Le Repas dominical

Fiche technique

Synopsis : C’est dimanche. Au cours du repas, Jean observe les membres de sa famille. On lui pose des questions sans écouter ses réponses, on lui donne des conseils sans les suivre, on le caresse et on le gifle. C’est normal, c’est le repas dominical.

Genre : Animation

Durée : 14’

Pays : France

Année : 2015

Réalisation : Céline Devaux

Scénario : Céline Devaux

Animation : Céline Devaux

Musique : Flavien Berger

Montage : Chloé Mercier, Céline Devaux

Voix : Vincent Macaigne

Production : Sacrebleu Productions

Articles associés : la critique du film, l’interview de la réalisatrice

Le Repas dominical de Céline Devaux

Drolatique + mélancolique à souhait, Le Repas dominical de Céline Devaux fait partie des 9 entrées sélectionnées au menu officiel du Festival de Cannes 2015. Demain, le jury présidé par Abderrahmane Sissako déterminera si ce film d’animation français remportera la Palme, une Mention spéciale ou rien du tout.

La réalisatrice n’est pas une inconnue dans le monde adulte de l’animation : Vie et mort de l’illustre Grigori Efimovitch Raspoutine, son film de fin d’études, avait révélé cette ancienne étudiante de l’École Nationale des Arts Décoratifs de Paris, aujourd’hui illustratrice (en dernière page) de la revue Le 1.

Un synopsis ? C’est dimanche. Au cours du repas, Jean observe les membres de sa famille. On lui pose des questions sans écouter les réponses, on lui donne des conseils sans les suivre, on le caresse et on le gifle, c’est normal, c’est le repas dominical.

Porté par une partition extrêmement bien ficelée (signée Flavien Berger) et une voix reconnaissable entre tous (celle, cassée, de Vincent Macaigne, décidément de tous les coups/courts), Le Repas dominical démarre noir, jaune, vert, musical, sifflotant, alcoolisé, hurlant. C’est parti pour 14 minutes ininterrompues de voix, de sons, de dessins en tous genres. L’anti-héros, Jean, se rend donc comme chaque semaine au repas familial où les invariables et inégalables convives ordinaires (ses parents, ses vieilles tantes vierges et sa grand-mère) passent leur temps à picoler et à commenter son homosexualité vécue comme un « curieux mélange de défaite et d’exotisme ». Les ennuis ne tardent pas à se pointer en même temps que les éternelles questions fâcheuses (études, logement, vie perso et sexuelle).

D’un verre à l’autre, le particulier devient collectif et chacun se met à commenter la vie, le monde, les lampadaires, les taxes, etc. Là, tout s’emballe, le film, Macaigne, l’animation, la couleur, la musique, …. : ça hurle, ça s’agite, ça s’excite dans tous les sens, les voix se font écho, provoquant ici et là des sourires, des rires, des surprises et des clins d’œil au film précédent (cf. les fantasmes de la mère) ou à un peintre admiré (Magritte, par exemple).

Et puis, le film prend une toute autre tournure : des silences s’installent, la voix se calme en même temps que la musique. Jean commence à observer sa mère délurée qu’il aime et son père taciturne qu’il aime tout autant et referme à un moment la porte. Il sait bien qu’il reviendra dimanche prochain, que le même cirque recommencera et que l’observation de/par ses pairs reprendra comme à chaque fois.

Le tour de force de Céline Devaux est bel et bien de jouer sur les deux tableaux, le déluré et le mélancolique et de bien s’entourer (une production, Sacrebleu, en phase avec l’anim’ de qualité, un compositeur, Flavien Berger qui collabore à tous ses projets sans jamais avoir vraiment travaillé dans le cinéma, et un comédien, Vincent Macaigne qu’on n’attendait pas sur un projet pareil, animé donc). Visuellement, le film en jette, chaque plan faisant preuve d’originalité, de délire, lié autant à l’alcoolémie des sujets qu’à leur inconscient, et tout cela colle au tempo du film très bien rythmé.

Le film précédent, Vie et mort de l’illustre Grigori Efimovitch Raspoutine était déjà porté par une voix-off , des décors en noir et blanc, la transformation des corps, un subtil mélange entre son et image et une petite dose d’humour. Seulement, ce projet de fin d’études n’allait pas toujours au bout des choses. Dans le cas présent, Devaux se lâche, tord ses personnages, règles ses comptes au passage avec quelques repas de famille douloureux, s’éclate, et chose intéressante, manie avec brio la couleur, la folie, les parti-pris (le son pluridirectionnel par exemple) et les variations musicales d’une séquence à l’autre. Souffle de liberté, transition nécessaire, étape professionnelle ? Le film est une sacrée réussite et devrait rallier bon nombre de convives à sa table, tant du côté des sélectionneurs que des spectateurs.

Katia Bayer

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Article associé : l’interview de la réalisatrice

# Cannes 2015

Cannes s’achève, les paillettes rentrent chez elles, le quotidien reprend ses droits. Voici notre focus évolutif autour des courts repérés et primés dans le festival le plus médiatique de la planète.

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Retrouvez dans ce dossier :

La critique de « Kung Fury » de David Sandberg (Suède, Quinzaine des Réalisateurs)

La critique de « Copain » de Jan et Raf Roosens (Belgique, compétition officielle)

Concours : 10 places à gagner pour la reprise des courts de la Semaine de la Critique à la Cinémathèque française

Cinéma de poche/Cinémathèque : reprise de la Cinéfondation 2015 aujourd’hui et demain

La critique de « Presente Imperfecto » d’Iair Said (Argentine, compétition officielle)

L’autre Palme d’or

Les films primés à la Cinéfondation

– Quinzaine des Réalisateurs, Prix Illy du court métrage 2015

La critique de « Le Repas dominical de Céline Devaux » (France, compétition officielle)

Les courts primés à la Semaine de la Critique

Semaine de la Critique 2015, les 10 courts et moyens sélectionnés

Quinzaine des Réalisateurs 2015, les 11 courts-métrages sélectionnés

Cannes 2015 : la sélection de la Cinéfondation

Cannes 2015, les 9 courts métrages en compétition officielle !

Abderrahmane Sissako, Président du Jury de la Cinéfondation et des courts métrages au prochain Festival de Cannes

Les courts primés à la Semaine de la Critique

En attendant de découvrir le palmarès de l’officielle cannoise demain soir, les différentes sections annoncent leurs palmarès personnels. Commençons avec la Semaine de la Critique qui a dévoilé hier ses deux prix liés aux courts sélectionnés. Pour info et rappel, toute la sélection (courts et longs) fera l’objet d’une rétrospective à la Cinémathèque française du 3 au 8 juin.

Palmarès

Prix Découverte Sony CineAlta : Varicella de Fulvio Risuleo (Fiction, 14′, 2015, Italie, REVOK S.r.l.)

Synopsis : La varicelle est inoffensive pour un enfant, mais elle peut être très dangereuse pour un adulte. Quand Maman l’apprend, elle s’inquiète pour son petit Carlo, qui ne l’a pas eue. Il grandit rapidement et il faut donc agir immédiatement. Elle doit trouver le moyen de le rendre malade. Mais qu’en pense Papa?

Prix Canal + : Ramona de Andrei Crețulescu (Fiction, 20′, 2015, Roumanie, KINOSSEUR PRODUCTIONS)

Synopsis : Une fille. Une voiture. Une nuit. Aucune coïncidence.

Héloïse Pelloquet : « Je voulais raconter dans mon film la naissance d’une individualité à l’intérieur d’un groupe d’enfants, élaborer un parcours pour quitter le protagoniste sur un geste d’émancipation »

En avril dernier, Format Court a décerné un prix au moyen-métrage « Comme une grande » lors de la dernière édition du festival de Brive. Cette chronique adolescente simple et émouvante, projetée jeudi dernier lors de la séance Format Court, avait convaincu notre jury par l’élégance de sa mise en scène et la révélation d’une jeune actrice pleine d’énergie et de fantaisie, Imane Laurence. Rencontre avec Héloïse Pelloquet, la réalisatrice du film, et son actrice.

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© Marion Mirou-Sirot

Héloïse, comment es-tu arrivée au cinéma ?

Héloïse Pelloquet : Mes parents font du théâtre. Mon père est metteur en scène et je l’accompagnais souvent sur ses répétitions quand j’étais petite. Je crois que mon goût pour le jeu et la fiction est né de là. En grandissant, je suis partie faire des études littéraires à Paris, avec l’envie d’intégrer la Fémis par la suite. Je pense que j’ai voulu intégrer la section montage à cause de mes souvenirs du club vidéo au lycée où l’on bricolait des films en groupe et où l’étape du montage était toujours un peu délaissée car elle nécessitait beaucoup de patience. Moi, j’adorais ça, alors je m’y suis mise et j’ai commencé à me passionner pour ce travail et à observer plus attentivement le montage dans les films.

La Fémis a pour grande qualité de donner à ses étudiants la possibilité d’explorer plusieurs disciplines. J’ai pu donc y réaliser des films en même temps que j’y apprenais le montage. Je me suis rendue compte que la réalisation me plaisait tout autant car cette activité enrichissait mon travail de monteuse et inversement. Aujourd’hui, je ne veux pas me poser de question de statut, et j’aimerais pouvoir continuer à travailler en tant que monteuse sur les projets d’autres cinéastes tout en continuant à réaliser mes propres films.

Le cœur de ton film de fin d’étude « Comme une grande » semble être la personnalité d’Imane, sa singularité étant le principal moteur de la fiction dans le film. Comment vous-êtes vous rencontrées et à quel moment as-tu décidé de réaliser un film dont elle serait l’héroïne ?

H.P. : Imane est la fille d’amis de la famille. Je l’ai connue alors qu’elle était toute petite, j’étais sa baby-sitter. Pour ce court-métrage, j’avais envie de filmer l’adolescence, de raconter une fiction autour de cet âge et de l’inscrire dans le cadre de la ville de Noirmoutier. Je savais qu’Imane avait envie d’être comédienne depuis ses sept ans, et l’idée de lui faire jouer le premier rôle s’est rapidement imposée à moi. Pas seulement parce que je la connaissais très bien, mais parce que j’ai perçu chez elle un appétit pour le jeu, une disponibilité et une liberté dans sa façon de communiquer avec les adultes qui faciliterait le dialogue et nous permettrait de construire un personnage ensemble.

De fait, son parcours et sa personnalité ont croisé ceux du personnage du film. La campagne pour devenir représentante de sa région, par exemple, est un épisode qu’Imane a réellement vécu. Je trouvais que tous ces éléments rendaient sa personnalité singulière et correspondaient au caractère que je recherchais pour le personnage, celui d’une fille téméraire, impatiente de grandir et avant tout battante, résolue.

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Comment avez-vous construit le personnage et son itinéraire à l’intérieur du film ?

H.P. : Pour moi, l’adolescence est un âge où l’on se définit beaucoup par rapport aux autres. Je voulais raconter progressivement la naissance d’une individualité à l’intérieur d’un groupe d’enfants, élaborer un parcours pour finalement quitter le protagoniste sur un premier geste d’émancipation. J’ai donc assez rapidement eu besoin de constituer une bande d’amis autour du personnage d’Imane, et elle m’a présenté ses quatre camarades que j’ai trouvé superbes, chacun avec sa personnalité bien distincte. Nous avions déjà élaboré la trame du personnage d’Imane à ce moment là, et nous l’avons enrichie de tout ce que pouvaient apporter les personnages secondaires pour qui les rôles étaient écrits sur mesure.

Nous avons mélangé différents profils pour constituer le casting du film : les parents d’Imane jouent leurs propres rôles, le personnage de la cousine est interprété par ma sœur qui est comédienne, un des professeurs de l’école est campé par un acteur alors que c’est leur vraie professeur de musique qui apparaît dans le film, … J’avais envie que les personnages secondaires aient tous leur place à part entière, que l’on prenne le temps de les regarder de la même façon que le personnage principal. J’y accordais une attention particulière, car les enjeux du film se dessinent à travers le regard qu’Imane pose sur les autres, la manière dont elle se positionne par rapport à son entourage, ce qu’elle projette chez les uns et chez les autres.

La narration du film est ponctuée de courtes séquences enregistrées sur différents supports, comme la webcam ou la caméra du téléphone portable. Elles interviennent comme autant d’instantanés qui documentent le quotidien des personnages et nourrissent le récit. Quelle est la nature exacte de ces vidéos et à quel moment avez vous décidé de les intégrer au film ?

Imane Laurence : J’avais réalisé certaines vidéos qui apparaissent dans le film des années avant le début du tournage, comme la première séquence où j’imite Hanna Montana devant ma webcam. J’avais pris l’habitude depuis mes dix ans de tourner des vidéos, seule ou avec mes amis, sans penser qu’un jour elles seraient utilisées dans un film de cinéma. Pour d’autres vidéos, Héloïse nous donnait des indications en nous demandant de jouer des scènes avec nos propres mots.

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H.P. : Là aussi, tout est un peu mélangé. Certaines vidéos sont préexistantes au film, d’autres ont été mises en scène au moment du tournage. J’ai passé aussi commande aux acteurs de vidéos entre les différents moments du tournage. Je ne voulais pas m’imposer de dogme moral quant à l’authenticité de ces séquences au fort aspect «documentaire». Pour moi, ces instantanés font partie intégrante de la fiction, il ne fallait pas avoir peur de jouer avec au moment de leur conception.

Ces vidéos nous ont beaucoup aidés au moment de l’écriture dans un premier temps pour élaborer le récit, puis essentiellement au moment du montage. Je m’étais un peu égarée au début du processus, en essayant de les intégrer de manière un peu artificielle dans chaque séquence. Elles ont trouvé leur place lorsque j’ai décidé d’en faire des séquences à part entière, ce qui m’a permis de donner au film une forme plus fragmentaire et elliptique. Ces vidéos fonctionnent comme des leviers de discontinuité, elles permettent de créer des ruptures de rythme et surtout de basculer à la première personne en nous invitant dans la subjectivité d’Imane.

Comment s’est déroulée la direction d’acteur au moment du tournage ?

I.L. : Nous n’avions pas de texte à apprendre, Héloïse nous donnait juste une direction avec les sujets qu’il fallait aborder dans les scènes en nous laissant les transformer avec nos mots. Je pense que c’était une façon pour elle de nous rendre plus naturels face à la caméra, de nous mettre à l’aise.

H.P. : J’ai recherché d’emblée un jeu assez naturaliste et la direction d’acteur s’est précisée au fur et à mesure du tournage qui s’est étalée sur quatre saisons et s’est déroulé dans la chronologie. La mise en place des séquences impliquait toujours un canevas assez précis, tout en conservant la possibilité de s’ajuster et d’intégrer les accidents et les imprévus provenant du jeu des acteurs ou des aléas du tournage. Les acteurs découvraient le scénario au fur et à mesure et vers la fin du tournagen on avait trouvé une méthode assez efficace : je leur donnais à tous rendez-vous une heure avant l’équipe sur les décors et je leur faisais répéter les scènes que l’on présentait ensuite à l’équipe. Cela nous permettait de régler la technique et d’être très précis dans le découpage sans perdre pour autant la spontanéité de leur jeu. 17130

« Comme une grande » s’inscrit dans un genre très codifié, celui de la chronique adolescente dont le modèle canonique serait « À nos amours » de Maurice Pialat, avec ce dispositif qui consiste à révéler un acteur ou une actrice débutante et à raconter sa découverte d’un nouvel âge en même temps que sa découverte du jeu. Ce qui émeut dans ton film, c’est qu’on a la sensation d’assister véritablement à la naissance d’une actrice car Imane s’amuse avec le rôle et donne énormément de sa personne. Avais-tu des références conscientes, en amont du tournage ou pendant son déroulement ?

H.P. : Je pense que je suis pétrie de références, mais elles ne m’influencent pas lorsque je suis en tournage. Néanmoins, certaines de ces références nous ont été utiles lors de la préparation. Avec mon chef-opérateur, Augustin Barbaroux, on a par exemple visionné certaines scènes des films de Pialat, notamment la scène de repas en extérieur de «Loulou» pour comprendre comment on met en scène l’énergie d’un groupe, comment on chorégraphie ça. Je suis très sensible à l’énergie que dégagent les acteurs, et chez Pialat cette qualité de jeu est éclatante.

Je n’ai pas un goût spécialement prononcé pour le naturalisme, je ne réfléchis pas en terme de genre lorsque j’imagine un film. Là, je prépare un nouveau court-métrage qui ira plus franchement du côté de la fable, du romanesque et où l’on se concentrera sur un autre adolescent découvert dans la bande d’amis de « Comme une grande ». Je souhaite tout de même conserver ce type de jeu dit « naturaliste », car je travaille avec des acteurs non-professionnels et que je préfère m’ajuster à eux plutôt que de les manipuler.

Peux tu nous en dire un peu plus sur ce futur court-métrage ?

H.P. : Il sera à nouveau tourné à Noirmoutier. J’adore ce cadre et je pense qu’il y a encore beaucoup de choses à faire avec ses espaces. Je voudrais exploiter plus en profondeur l’aspect insulaire de ce décor en suivant un personnage principal qui sera campé par Mattis, l’un des enfants du groupe d’amis de « Comme une grande ». Imane sera aussi de la partie, elle jouera dans le film un rôle récurent. Comme je l’ai déjà dit, je souhaite aller plus loin dans la fable et assumer encore plus la fiction dans les parti-pris de mise en scène. Je commence également l’écriture du scénario d’un film plus long.

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Imane, on t’a découverte comme actrice dans le film, mais on a également remarqué ton envie de filmer, de te mettre en scène à travers toutes ces vidéos que tu réalises toi-même. Vas-tu continuer à jouer, et éventuellement chercher à réaliser tes propres films ?

I.L. : Se mettre en scène dans des vidéos, c’est quelque chose que l’on fait tout le temps avec mes amis, c’est dans l’ère du temps. Je le fais sans me poser de questions, je n’envisage pas particulièrement de réaliser des films de façon plus travaillée, j’ai très envie de continuer à jouer, et je vais prendre des cours de théâtre au lycée pour perfectionner mon jeu. J’aimerais beaucoup continuer à jouer pour le cinéma, avec Héloïse ou d’autres réalisateurs.

Propos recueillis par Marc-Antoine Vaugeois

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