Tous les articles par Katia Bayer

Court-Circuit : Concours en ligne/films de fiction d’écoles francophones 2014

ARTE Court-circuit lance son nouveau concours de courts métrages de fiction destiné aux étudiants des écoles ou universités de cinéma et/ou d’audiovisuel francophones. Deux prix seront remis par un jury de professionnels, deux autres par un jury des internautes.

La date limite d’inscription est fixée au 5 janvier 2015.

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>> Télécharger le formulaire d’inscription

Le site du concours : ici !

Concours : Courts métrages d’Alain Resnais

Mardi 10 juin 2014, l’association Documentaire sur grand écran vous propose d’assister à son nouveau rendez-vous mensuel Doc&Doc au Forum des images : « Alain Resnais par l’entrée des artistes – carte blanche à Hervé Gauville ». À 19h et 20.45, (re)découvrez 11 courts métrages réalisés par Alain Resnais, soit ses premiers films tous centrés sur l’art, en présence de Hervé Gauville, critique d’art.

En partenariat avec Documentaire sur grand écran, Format Court vous offre 10 places gratuites (5 par séance) pour cette soirée.

Programmation

Programme 1 : 19h

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La bague, de Alain RESNAIS
Portrait de Henri Goetz, de Alain RESNAIS
Christine Boomeester, de Alain RESNAIS
Hans Hartung, de Alain RESNAIS
Domela, de Alain RESNAIS
Félix Labisse, de Alain RESNAIS
Lucien Coutaud, de Alain RESNAIS

Programme 2 : 20h45

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Les statues meurent aussi, de Alain RESNAIS & Chris MARKER
Paul Gauguin, de Alain RESNAIS
Van Gogh, de Alain RESNAIS
Guernica, de Alain RESNAIS & Robert HESSENS

Plus d’infos sur : http://www.docsurgrandecran.fr/evenement/doc-doc-juin-2014

Retour en images sur la séance de mai

À une semaine de notre dernière soirée Format Court de l’année, nous vous proposons de retrouver les photos prises par Laura Bénéteau lors de notre séance du mois de mai. Ce soir-là, deux équipes avaient fait le déplacement, celle de « Molii » et de « Peine perdue ». Le premier film était représenté par 3 des 4 co-réalisateurs : Yassine Qnia, Carine May, Mourad Boudaoud. Le second, récompensé du Prix Format Court à Brive était accompagné par Arthur Harari (réalisateur) Tom Harari (chef opérateur), Lucas Harari, Emilie Brisavoine (comédiens) et Nicolas Anthomé (producteur/Bathysphère Productions).

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L’équipe de « Peine perdue »

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L’équipe de « Molii »

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Soirée Bref n°155 / Mardi 10 juin 2014 : Désiller les regards

Pour mettre en scène leur point de vue sur le monde, nombre de cinéastes nous convient régulièrement à découvrir des modes de représentations, des variations optiques et sonores qui n’appartiennent qu’à eux. Patrick Bokanowski est l’un de ceux-là. Il poursuit, avec une belle constance depuis les années 1970, une œuvre particulièrement reconnaissable et en constante évolution. À l’occasion de son nouveau film, Un rêve, nous avons voulu rappeler que, pour être unique, son travail fait écho à d’autres expériences, qu’elles se conjuguent au passé (Jonas Mekas, Norman McLaren) ou au présent (Jacques Perconte, François Vogel, Lois Patiño).
Tenter de les enrôler sous une étiquette commune serait faire injure à ce qui justement fait leur force, leur beauté, leur sidération. Le cinéma peut être aussi cela, un jeu avec les matières, des manières inouïes d’agencer les couleurs et les sons, réinventer du sensible, dessiller nos regards. Jacques Kermabon

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ÁRVORE DA VIDA (MADEIRA) de Jacques PERCONTE /2013 / couleur / 11 min / projection numérique

Image : Jacques Perconte • Musique : Jean-Jacques Birgé • Production : Too Many Cowboys et Galerie Charlot.

Voilà un arbre dans la forêt. C’est de là que s’élève la vie éprise de sagesse. L’éveil d’une simple présence pour l’histoire d’une vie. D’un vert à l’autre, c’est tout un cycle qui s’annonce.

NOTES ON THE CIRCUS de Jonas MEKAS /États-Unis / 1966 / couleur / 12 min / projection numérique

Image et production : Jonas Mekas • Musique : Jim Kweskin, Jug Band.

Couleurs, mouvements et mémoires d’un cirque : le Ringling Bros. Dédié à Kenneth Anger.

RÉBUS de François VOGEL /2008 / couleur / 5 min / projection numérique

Scénario, animation et effets spéciaux : François Vogel • Son : Bruno Ginestet et François Vogel • Interprétation : Hélène, Simon et François Vogel • Production : Drosofilms.

De la cuisine au jardin, du jardin à la cuisine, les trois protagonistes de Rébus nous emmènent dans les méandres d’un espace distordu à la recherche des mots cachés dans l’image.

CAPRICE EN COULEUR de Norman MCLAREN et Evelyn LAMBART /Canada / 1949 / 8 min / projection numérique. Prix spécial au festival de Venise 1950

Scénario, animation et montage : Norman McLaren et Evelyn Lambart • Musique : Trio Oscar Peterson • Production : Office national du film du Canada.

Le trio Oscar Peterson interprète quelques pièces de son répertoire, alors que les cinéastes transcrivent ces sons avec, comme seuls guides, leur talent et leur libre imagination.

MONTAÑA EN SOMBRA de Lois PATIÑO /Espagne / 2013 / 14 min / projection numérique

Scénario, image, montage et production : Lois Patiño • Son : Miguel Calvo “Maiki” et Erik T. Jensen • Musique : Ann Deveria.

Vision poétique de la relation infinie de l’homme avec la nature. Nous observons, de loin, des skieurs qui évoluent sur une montagne enneigée.

Prix spécial du jury Labo au festival de Clermont-Ferrand 2014

UN RÊVE de Patrick BOKANOWSKI /2014 / couleur et noir et blanc / 30 mn / projection numérique

Scénario, image et montage : Patrick Bokanowski • Effets spéciaux : Olivier Esmein et Patrick Bokanowski • Son : Marie Massiani • Montage : Laure Budin • Musique : Michèle Bokanowski • Interprétation : Vincent July, Laurence Chable, Suleyman Bokanofsky et Bilal Bokanowski • Production : Kira B. M. Films.

Le train des souvenirs s’engouffre dans un rêve.

Infos pratiques

Mardi 10 juin 2014. Séance à 20h30
MK2 Quai de Seine – 14 Quai de la Seine – 75019 Paris
M° Jaurès ou Stalingrad – Tarif : 7,90 € (cartes illimitées acceptées)

Cambodia 2099 de Davy Chou

Après Le Sommeil d’or, bouleversant long métrage documentaire sorti il y a deux ans, le nouveau film de Davy Chou va cette fois-ci explorer les terres de la fiction, celles-là mêmes auxquelles il rendait un hommage saisissant dans son film sur l’âge d’or du cinéma cambodgien avant l’arrivée des Khmers rouges. Cambodia 2099 est un court léger et grave sur la jeunesse cambodgienne qui vient d’être présenté à la Quinzaine des Réalisateurs.

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À quoi rêvent les jeunes de Phnom Penh? Peut être à plus de liberté politique comme le suggère la scène d’ouverture qui situe l’action du film au cœur des élections législatives du pays à l’été 2013. Peut être à mieux maîtriser l’anglais pour draguer par sms les jeunes filles adeptes des emoticons et d’une certaine occidentalisation. D’autres rêvent littéralement de se retrouver propulsés en 2099 par un simple enchainement de mouvements réalisés … en pyjama rouge.

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Cambodia 2099 est traversé par ces vies rêvées, fantasmées. D’un ailleurs meilleur via l’écran ou aidé par de vieilles croyances. Deux amis échangent ainsi sur leurs rêves et leurs cauchemars, entrecoupés par leurs téléphones portables respectifs. L’un deux finit par être rejoint par sa petite amie pour une virée en scooter dans les rues de la capitale. Leur voyage est accompagné par la musique de Maurice Ravel, « La Pavane de la belle au bois dormant » choix extrêmement judicieux si l’on sait que cet air avait été écrit pour être joué par des enfants que Ravel n’avait pas. Ces jeunes gens, coincés entre l’enfance et l’âge adulte, jouent dans le film de Davy Chou une partition fragile et sensible. Une tentative de s’élever vers la beauté, de maîtriser leur destin. Le cinéaste filme Phnom Penh à la fois quotidienne et hors du temps et laisse dans son cinéma une place importante à l’étrange, l’insondable. Sa touche, très subtile et pourtant simple au premier abord imprègne le film d’une douceur mélancolique assez entêtante.

Amaury Augé

Consulter la fiche technique du film

C comme Cambodia 2099

Fiche technique

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Synopsis : Phnom Penh, Cambodge. Sur Diamond Island, joyau de modernité du pays, deux amis se racontent les rêves qu’ils ont faits la veille.

Genre : Fiction

Durée : 21’

Pays : France

Année : 2014

Réalisation : Davy Chou

Scénario : Davy Chou

Image : Thomas Favel

Son : Vincent Villa

Montage : Laurent Leveneur

Musique : Jérôme Harré

Interprétation : Kavich Neang, Sotha Kun, Sothea Vann

Production : Vycky Films

Article associé : la critique du film

Et que ça saute ! de Jeanne Delafosse

Fiction, 13′, France, 2013, L’Atelier documentaire

Synopsis : Trois jeunes femmes révoltées par le scandale de la crise financière décident de passer à l’action.

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Les pieds nickelés changent de sexe et partent à l’assaut du monde de la finance et de ses acteurs malhonnêtes dans ce court-métrage burlesque de Jeanne Delafosse. Un enchaînement de vignettes délicieusement satiriques, rythmé par une bande-son jazzy et truffé d’allusions directs aux événements et personnalités politiques contemporains pour un joyeux brûlot que n’aurait pas renier Antonin Peretjatko.

Marc-Antoine Vaugeois

L comme Leidi

Fiche technique

Synopsis : Leidi vit avec sa mère et son bébé. Le père de l’enfant, Alexis, n’est pas réapparu depuis quelques jours. Dehors, un ami lui dit qu’il a vu Alexis avec une autre fille. Elle ne rentrera pas à la maison tant qu’elle ne l’aura pas retrouvé.

Genre : Fiction

Durée : 15’

Pays : Colombie, Royaume-Uni

Année : 2013

Réalisation : Simón Mesa Soto

Scénario : Simón Mesa Soto

Image : Juan Sarmiento Grisales

Montage : Ricardo Saraiva

Interprétation : Alejandra Montoya Villa, Héctor Orrego

Production : The London Film School

Article associé : la critique du film

Leidi de Simón Mesa Soto

Le jury court-métrage du Festival de Cannes, présidé par Abbas Kiarostami, a remis il y a quelques jours la Palme d’or du court-métrage 2014 à « Leidi », film d’école de Simón Mesa Soto, jeune réalisateur colombien faisant ses études à la London Film School. Initalement sélectionné à la Cinéfondation, programme cannois consacré aux films d’écoles, « Leidi » s’est finalement retrouvé dans la tant convoitée sélection officielle.

Pour son premier film, Simón Mesa Soto a voulu montrer la condition de vie difficile des adolescentes qu’il a connues dans son pays natal, la Colombie. De retour chez lui, dans un territoire qu’il connaît bien, il est allé à la rencontre de nombreuses mères adolescentes colombiennes dont la jeune Alejandra Montoya Villa, dans un foyer spécialisé, et s’est imprégné de leurs histoires. La timidité et la douceur de cette fille-mère l’ont touché et c’est tout naturellement qu’il a choisie cette non-actrice pour jouer le personnage principal de son film. Proche de ce qu’elle a personnellement vécu, Alejandra Montoya Villa incarne le rôle de Leidi avec simplicité et justesse.

Le film suit une journée de Leidi, adolescente tout juste formée, peu de temps après la naissance de sa fille. Le père n’a pas fait signe de vie depuis plusieurs jours, il n’a peut-être même jamais vu sa fille. Leidi l’attend mélancoliquement en observant le ciel brumeux, courbée sur son balcon. Envoyée par sa mère chercher des plantains, elle croise une connaissance qui lui annonce qu’il a vu le père de l’enfant avec une autre fille. Leidi entreprend alors, sa fille dans les bras, une errance dans la ville à sa recherche, se faisant promener de personne en personne jusqu’à retrouver le père, adolescent d’une quinzaine d’années lui aussi, sur son lieu de travail.

Les personnages évoluent à Medellin, grande ville colombienne. Chaque cadre fait preuve d’une réelle composition mettant en valeur aussi bien les deux protagonistes que la ville, devenant alors un personnage à part entière.

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Le réalisateur ne cherche pas à dénoncer un phénomène avec ce film mais plutôt à dresser le portrait d’une jeune femme, qui peut en représenter tant d’autres. Il ne choisit pas la voie du sentimentalisme qui voudrait attendrir le spectateur en provoquant artificiellement ses émotions. Aucune musique extra-diégétique n’est rajoutée pendant le film, seuls les sons de la ville dans laquelle les personnages évoluent et les rares paroles qu’ils s’échangent se font entendre. Avec des longs plans fixes, Simón Mesa Soto prend le temps de suivre Leidi, la laissant évoluer au rythme qui est celui de la vie de ces jeunes mères colombiennes, dotées de responsabilités bien trop élevées pour leur âge. Le choix de tourner en 35 mm renforce le sentiment de réalité qui se dégage du film en proposant de belles couleurs contrastées.

Cette tranche de vie que Simón Mesa Soto nous présente aurait aussi bien pu être le début d’un long-métrage dans lequel on observerait comment une très jeune mère ferait pour élever son enfant, seule. « Leidi » est en tout cas, très probablement le début d’une carrière de cinéaste prometteuse pour son auteur.

Zoé Libault

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Voir également le film en ligne

Concours : 10 places à gagner pour la reprise des courts de la Semaine de la Critique à la Cinémathèque française

Comme tous les ans, La Cinémathèque reprend la sélection (courts et longs métrages) de la Semaine de la critique du Festival de Cannes. Pour accompagner cette reprise et vous permettre de voir les courts de Cannes, nous vous offrons 10 places pour les deux séances de courts métrages prévues le weekend prochain. Intéressé(e)s ? Contactez-nous !

A Ciambra

Programme de courts-métrages 1 : samedi 7 juin 2014 – 19h30. En présence des réalisateurs

Safari – Gerardo Herrero – Espagne – 15′
Boa Noite Cinderela – Carlos Conceição – Portugal – 30′
Une chambre bleue – Tomasz Siwiński – Pologne/France – 14′
Petit frère – Rémi St-Michel – Canada – 14′
La Contre-allée – Cécile Ducrocq – France – 29′

Programme de courts-métrages 2  : dimanche 8 juin 2014 – 19h30. En présence des réalisateurs

Crocodile – Gaëlle Denis – Royaume-Uni – 15′, Prix Canal+ du court métrage
Les fleuves m’ont laissée descendre où je voulais Laurie Lassalle – France – 38′
The Chicken – Una Gunjak – Allemagne/Croatie – 15′
True Love Story – Gitanjali Rao – Inde – 19′
A Ciambra – Jonas Carpignano – Italie/France – 16′, Prix Découverte Sony CineAlta du court métrage

Laure Calamy : « C’est fascinant de voir à quel point au cinéma, on ne maîtrise rien. Au théâtre, c’est plus moi qui choisis la prise ! »

Si Laure Calamy est encore peu présente dans des longs-métrages, on ne peut que se souvenir d’elle dans les courts-métrages Ce qu’il restera de nous (Vincent Macaigne) ou encore Un Monde sans femmes (Guillaume Brac) tant son jeu passe aussi bien par le texte que par le corps. Dans La Contre-allée de Cécile Ducroq en compétition à la Semaine de la Critique, elle est Suzanne, une prostituée qui connaît la crise. Nous l’avons rencontrée à Cannes pour un échange tout en rires et en bonne humeur.

© CM

Format Court : D’où t’est venue l’envie de devenir comédienne ?

Laure Calamy : Je crois que c’est vraiment toute petite que j’ai eu envie de devenir comédienne. Je me souviens avoir dit à ma mère que je voulais être « une dame de cirque » (rires) ! J’avais donc commencé à prendre des cours de théâtre et finalement mon père a voulu que j’arrête. Ça m’a beaucoup déçue si bien que j’ai mis du temps à me décider à vraiment être comédienne. Je suis allée à Paris et j’ai suivi un cours à la Courneuve. Ensuite, j’ai fait la Rue Blanche et le Conservatoire. Après ça, j’ai joué dans une pièce à la Comédie Française et c’est là que j’ai rencontré Denis Podalydès.

À la base, tu es une comédienne de théâtre. Qu’est-ce qui t’a poussé à aller vers le cinéma ?

L.C. : En fait, ce sont des propositions. Bien sûr, quand je suis arrivée à Paris à 18 ans, j’en avais envie. Je me rendais tout le temps au cinéma et j’adorais ça. J’allais rue des Écoles et je « grugeais » un peu pour voir encore plus de films ! À 20-22 ans, j’avais peu d’occasions de passer des castings, je ne pensais même pas pouvoir tourner.

Ça a plus été une question d’occasions, de rencontres. Par exemple, Denis a parlé de moi à son frère Bruno pour que je fasse des essais pour Bancs Publics (Versailles rive-droite) et j’y ai joué. Pareil pour Guillaume (ndlr : Brac, réalisateur d’Un Monde sans femmes). Vincent (ndlr : Macaigne), avec qui j’ai commencé à faire du théâtre puis tourné Ce qu’il restera de nous, le connaissait et lui a parlé de moi. En me rencontrant, Guillaume s’est dit que je correspondais au rôle.

On se souvient de cette scène dans Ce qu’il restera de nous dans laquelle tu te barbouilles le visage de rouge à lèvres ou des pièces mises en scène par Vincent Macaigne. Est-ce que tu te mets des limites dans ta façon de jouer ?

L.C. : A priori, non car j’aime aller le plus loin possible et je suis plutôt ouverte aux propositions de rôles aussi bien au cinéma qu’au théâtre d’ailleurs (rires). J’aime être dans l’instant, le plus possible. Sur Ce qu’il restera de nous en l’occurrence, on était presque dans un état de transe. Avec Vincent, on avait fait un labo ensemble et on devait partir à Orléans pour faire quelque chose autour d’Hamlet. Une fois à Orléans, Vincent a finalement décidé de tourner cette histoire et on a donc filmé.  On a écrit les scènes au fur et à mesure, en plus de faire de l’improvisation. Et puis, il y avait aussi des scènes écrites qu’on répétait et répétait comme si on était au théâtre.

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Lorsque tu rencontres un(e) réalisateur/rice, participes-tu à l’écriture ou au contraire, prends-tu le scénario tel quel, en pleine confiance ?

L.C. : C’est différent avec chacun en fait. Par exemple avec Guillaume, il y avait quelque chose de très écrit, sauf la scène des mimes qui était improvisées ou les scènes avec les comédiens non professionnels. Mais autrement, c’était assez précis. Par exemple, quand je repense à la scène sur la barrière avec Vincent justement, c’était très écrit et je n’ai rien rajouté ni modifié. En fait, j’aime bien quand il y a un mélange des deux : scènes écrites et improvisées. J’ai tourné avec Blandine Lenoir dernièrement et il y avait aussi un mélange de choses très écrites et de moments d’improvisations, avec des propositions de la part des acteurs.

Blandine Lenoir et Vincent Macaigne sont comédiens à la base au contraire de Guillaume Brac. Perçois-tu une différence dans la direction d’acteurs lorsque le réalisateur a été comédien ou pas ?

L.C. : Oui, il y a forcément une connaissance du métier. Ils savent ce qu’est le jeu. Du coup, il est vrai qu’il y a une aisance avec les acteurs-réalisateurs. Mais après, il y a surtout une différence entre la place de l’acteur au théâtre et au cinéma : au théâtre, c’est l’acteur qui est le pilier principal. C’est nous finalement qui faisons vivre la pièce, qui dirigeons le regard et qui maîtrisons le tout. On est moteur de ce qui se joue, là maintenant. Tandis qu’au cinéma, on peut ressentir quelque chose et faire un truc, mais si au montage, le réalisateur décide de ne pas le garder, on n’y peut rien. Je l’ai découvert il y a peu de temps finalement, mais c’est fascinant de voir à quel point au cinéma, on ne maîtrise rien. Au théâtre, c’est plus moi qui choisis la prise (rires) !

Comment s’est faite la rencontre avec Cécile Ducroq, la réalisatrice de La Contre-allée ?

L.C. : Son producteur, Stéphane Demoustier (Année Zéro Productions), qui avait produit un court-métrage de Julien Gaspar, Passe, où je jouais déjà une prostituée, a montré le film à Cécile et m’a appelé en me disant qu’elle voulait que ce soit moi, bien que je sois plus jeune que le rôle. À la base, elle cherchait une femme de 45 ans ou plus. Après, j’ai lu le scénario et je l’ai trouvé super.

Comment as-tu abordé le rôle ?

L.C. : Il se trouve que j’ai lu beaucoup de choses de Grisélidis Réal, une ancienne prostituée suisse qui a écrit des choses magnifiques et que j’adore. Du coup, j’avais l’impression qu’il y avait quelque chose de familier dans ma tête avec cette histoire. Quand j’ai lu ses textes, j’ai ressenti des choses très dures, mais aussi de vrais échanges, une relation de fidélité avec ses clients. Pour certaines prostituées, il faut savoir que c’est un métier qui permet aussi de vivre normalement, c’est quelque chose qui m’a touchée.

Comment s’est déroulé le tournage ? Les scènes un peu plus crues ou violentes ont-elles été faites en début ou en fin de tournage ?

L.C. : Plutôt à la fin. En fait, on a très peu répété, un peu plus avec les clients car, pour la plupart, ils n’étaient pas acteurs professionnels et on voulait les mettre plus à l’aise, surtout qu’il fallait quand même se mettre à poil ! Les deux premiers jours de tournage, on a commencé par les scènes hors de la chambre ; par exemple, le moment où Suzanne attend au café. En fait, le tournage a vraiment commencé au moment des prises pour les scènes avec les clients. À partir de là,  on était dans l’action, dans le concret des choses, là d’un coup, le tournage était parti car on avait besoin d’être confronté au sujet. En plus, personnellement, je n’ai aucune gêne avec ça. D’ailleurs, je n’avais qu’une envie, que l’on commence par ces scènes-là parce que c’était ça le rôle. C’est un film d’action pour moi !

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Pour ce genre de scènes un peu plus violentes et intimes, as-tu besoin d’une concentration particulière, d’être un peu isolée avant de tourner ?

L.C. : Pas du tout. Au contraire, j’aime bien être là, discuter avec les gens, être dans la vie, qui plus est dans ces scènes-là qui étaient justement très concrètes, avec beaucoup de vie. D’ailleurs, on a beaucoup improvisé. S’il y avait eu un texte très précis, ça aurait été horrible en fait. On aurait perdu le naturel de la situation. Par conséquent, on a passé beaucoup de temps à créer un climat de confiance.

Les films dans lesquels tu as joué ont souvent été sélectionnés dans de grands festivals tels que Clermont-Ferrand ou Brive, mais c’est ta première fois à Cannes.

L.C. : Oui, mais je n’ai pas pu me rendre dans la majorité de tous ces festivals (rires) ! Enfin, si je suis allée à Belfort. Quant à ici à Cannes, ce n’est que du plaisir, sans vraiment de pression. C’est une super surprise en effet.

Et quel est ton programme après Cannes ?

L.C. : Je répète actuellement une pièce de théâtre à Avignon, Orlando ou l’impatience, une création d’Olivier Py, qui sera présentée pendant le festival.

Après, en août, je vais répéter avec Vincent (ndlr : Macaigne) qui va faire une re-création de L’idiot de Dostoïevski. Il l’avait déjà créé il y a 5 ans, mais je n’étais pas dessus à l’époque et il y aura trois reprises de rôles. Ce sera joué à la rentrée au Théâtre de la Ville (du 1er au 12 octobre 2014) et au théâtre Nanterre-Amandiers (du 4 au 14 novembre 2014). Sinon, j’ai aussi une scène dans Sous les jupes des filles d’Audrey Dana qui sort le 4 juin, mais je n’ai pas encore vu le film. J’ai aussi participé au dernier film de Lucie Borleteau, Fidelio, et au premier long-métrage de Blandine Lenoir, Zouzou, dans lequel j’interprète une institutrice très féministe.

Y a-t-il un rôle ou un personnage que tu rêverais d’incarner ?

L.C. : J’aime les rôles d’action, alors ça me plairait de jouer dans un western (rires) !

Propos recueillis par Camille Monin

Article associé : la critique du film

Consulter la fiche technique du film 

Concours : 5 places à gagner/Reprise des courts/Quinzaine des Réalisateurs/Forum des images

À l’occasion de la reprise de la Quinzaine des Réalisateurs au Forum des images, Format Court vous offre 5 places pour le 2ème programme de courts métrages ayant lieu samedi 7 juin à 14h30.

Intéressé(e)s ? Contactez-nous !

Programmation

Trece si prin perete de Radu Jude (It can pass through the wall). Fiction, Roumanie, 17′, 2014. Mention spéciale – Prix illy du court métrage

« – J’ai peur, grand-père !… Tu entends ? […]
– C’est les gens de la maison qui pleurent, dit-il. Ils regrettent le mort, c’est pour ça qu’ils pleurent. »
(« Dans la remise » par Anton Tchekhov)

Jutra de Marie-Josée Saint-Pierre. Documentaire, Canada, 13′, 2014

Assemblant archives et séquences d’animation, Jutra est un portrait cinéphilique et astucieux du réalisateur de Mon oncle Antoine, le cinéaste québécois Claude Jutra. Avec ce film, Marie-Josée Saint-Pierre peaufine sa recherche d’une forme singulière de documentaire animé.

Fragmenty de Aga Woszczyńska. Fiction, Pologne, 25′, 2014

Anna et son conjoint ont des emplois bien rémunérés, une vie sexuelle intense et pratiquent le jogging matinal. Petit à petit, Anna sent s’effondrer le monde auquel elle s’accroche. Elle pourrit de l’intérieur.

Guy Moquet de Demis Herenger. Fiction, France, 32′, 2014. En présence du réalisateur

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Guy Moquet ou Guimo ou Guim’s a promis à Ticky de l’embrasser au crépuscule en plein milieu du quartier devant tout le monde. Peut-être pas si fou… mais peut-être pas si simple.

Deux illustrations de Gitanjali Rao, réalisatrice de « True Love Story », sélectionné à la Semaine de la Critique

Petite attention. Gitanjali Rao, la réalisatrice indienne de « True Love Story », sélectionné à la Semaine de la Critique, nous a envoyé deux dessins faits sur ordinateur réalisés au moment de la présentation de son film en France. En un clin d’oeil, voici ses deux amoureux animés, à Cannes & à Paris.

Salim et Kamala sur le tapis rouge

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Salim et Kamala devant la Tour Eiffel

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Retrouvez sur notre site la critique du film et l’interview de Gitanjali Rao

Pour information, « True Love Story » fait partie du 2ème programme des courts métrages, projeté le dimanche 8 Juin 2014, à 19h30, à la Cinémathèque française, dans le cadre de la reprise de la Semaine de la Critique

Jutra de Marie-Josée Saint-Pierre

Sélectionné cette année à la Quinzaine des Réalisateurs, le court-métrage documentaire animé “Jutra” semble poursuivre l’une des ambitions de sa réalisatrice Marie-Josée Saint-Pierre, quelques années après le remarqué “Les négatifs de McLaren” (2006) : faire dialoguer des archives traitées par le dessin avec l’œuvre d’un cinéaste. Le film se concentre en l’occurrence sur la trajectoire atypique du cinéaste québécois Claude Jutra. En détournant le matériau filmique, l’hommage tourne rapidement vers une forme d’auto-psychanalyse biographique pendant lequel Claude Jutra se parle à lui-même. Pris dans un jeu de questions-réponses un peu délirant, le spectateur est témoin de son existence, toujours instable et non-linéaire : jeunesse trouble, débuts prometteurs, succès cinématographiques, notoriété, maladie d’Alzheimer et suicide. Aussi le film apparaît-il comme la face inversée, enfouie, spectrale mais lucide, de l’oubli (auquel fait face Jutra les dernières années de sa vie). Comme si, au fond, l’esprit retors du réalisateur d’“À tout prendre” (1963) et de “Mon oncle Antoine” (1971) rôdait plus que jamais dans la mémoire vivante et colorée des jeunes cinéastes québécois.

Espace(s) cinématographique(s)

D’emblée, “Jutra” confronte plusieurs plusieurs sources filmiques. Il reprend des images d’archives des films de Claude Jutra, chronologiquement et successivement. On voit par exemple des extraits du court-métrage “Il était une chaise” (1957), puis de ses longs-métrages. Mais la structure du film se dessine à travers des archives montrant le cinéaste lui-même, assis ou marchant dans des lieux divers où il travaille et (se) parle, plans auxquels Marie-Josée Saint-Pierre a appliqué un traitement esthétique spécifique. On assiste ainsi à un documentaire d’un genre étrange, où Claude Jutra s’inscrit sur des décors devenus dessins en couleurs. Son corps en noir et blanc évolue dans des espaces presque imaginaires, toujours entouré par un halo mouvant. Combinant les différentes sources et les détournant, c’est tout le rapport électrique entre Claude Jutra et l’espace environnant qui est interrogé par Marie-Josée Saint-Pierre.

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Si ce rapport problématique entre le corps de Jutra et les espaces qu’il traverse trouve une dimension signifiante, c’est bien parce qu’il donne une épaisseur aux problèmes mentaux évoqués dans les propos de Claude Jutra (rendus présents dans des conversations atypiques où le cinéaste se parle à lui-même). L’oubli imposé par la maladie l’Alzheimer donne à l’être l’impression de planer hors de tout et d’évoluer en décalage de la réalité. Plus généralement, le court-métrage “Jutra” semble rendre compte d’une tentative incessante du cinéaste à s’intégrer dans l’espace social, un espace de normes où l’homme n’a jamais vraiment trouvé sa place. Problème qui explique en même temps sa capacité à parler mieux que quiconque des individus, de leurs désirs et de leurs travers.

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Le risque de (se) projeter

Si “Jutra” évite l’illusion biographique, c’est dans le rapport complexe qu’il définit entre la vie du créateur et la traduction cinématographique de celle-ci. Il est tentant pour un cinéaste, dans certains cas cela relève même d’une nécessité, d’aborder la création cinématographique comme une perpétuelle re-création de soi-même. Surtout quand l’aube de la carrière se situe à la fin des années 1950, moment de rupture où les réalisateurs s’autorisent à explorer la vie et leur regard sur elle, par exemple en racontant leur enfance (Truffaut) ou en cherchant l’origine de leur perception sur l’Autre (Rouch). Ce n’est pas un hasard si ce sont justement ces deux cinéastes français que Claude Jutra a rencontré à Paris, alors qu’il voulait se lancer dans la réalisation de films. Car il y a chez Jutra le désir premier et fécond de comprendre qui il est, processus sans doute consubstantiel d’une perte de repères et d’un rapprochement avec des formes de morbidité. Si, comme il le dit lui-même dans le film, « à cette époque-là, il était encore plus bizarre de vouloir devenir cinéaste que cosmonaute », il tentera pour exister d’éviter de planer pour au contraire planter les jambes du cinéma dans sa terre, le Québec, et d’y questionner sa place d’individu démuni.

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De ce risque de se montrer, et de montrer l’autre qui était en lui, “Jutra” donne une représentation plastique émouvante. Il se place au-delà de toute forme cinématographique reconnue. Néanmoins, il n’en fait pas moins acte de documentaire, au sens où le déplacement esthétique des sources favorise l’appréhension objective d’un être en prise avec une identité multiple et insaisissable. Tantôt représentant de la «révolution tranquille», tantôt explorateur de la ruralité profonde et de l’histoire du Québec, Claude Jutra est moins un être de la prudence qu’un artiste de la pudeur. Le court-métrage de Marie-Josée Saint-Pierre en dresse le portrait vivant, complexe et passionnant.

Mathieu Lericq

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12/06/14 : Soirée Format Court, spéciale Cannes

Pour son dernier rendez-vous de l’année, jeudi 12 juin 2014 à 20h30, Format Court vous invite à découvrir au Studio des Ursulines (Paris, 5è) cinq films issus de la Cinéfondation et de la sélection officielle du Festival de Cannes. La soirée fera l’objet d’une rencontre avec le sélectionneur Olivier Chantriaux et l’équipe de « Aïssa » de Clément Tréhin-Lalanne, lauréat d’une Mention spéciale au dernier festival.

Programmation

Aïssa de Clément Tréhin-Lalanne. Fiction, 8′, 2014, France, Takami ProductionsMention spéciale au Festival de Cannes 2014. En présence de l’équipe

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Synopsis : Aïssa est congolaise. Elle est en situation irrégulière sur le territoire français. Elle dit avoir moins de dix-huit ans, mais les autorités la croient majeure. Afin de déterminer si elle est expulsable, un médecin va examiner son anatomie.

Article associé : la critique du film

The Aftermath of the Inauguration of the Public Toilet at kilometer 375 de Omar el Zohairy. Fiction, 18′, 2014, Egypte, High Cinema Institute. Sélectionné à la Cinéfondation 2014

Synopsis : La peur est un instinct se trouvant sous la peau. Mais que faire s’il mute ?

Smafuglar de Rúnar Rúnarsson. Fiction, 15’15″, 2008, Islande, Zik Zak. En compétition officielle au Festival de Cannes 2008

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Synopsis : Une nuit d’été lumineuse où un groupe de jeunes adolescents passe de l’innocence à la dure réalité de l’âge adulte.

Articles associés : la critique du filml’interview de Rúnar Rúnarsson

Bishtar Az Do Saat (Plus de deux heures) d’Ali Asgari. Fiction, 15′, 2013, Iran, Khaneye 8 Film ProductionEn compétition officielle au Festival de Cannes 2013

Synopsis : 3 heures du matin. Un garçon et une fille errent dans la ville. Ils cherchent un hôpital pour soigner la jeune fille mais cela s’avère plus compliqué qu’ils ne pensent.

Articles associés : la critique du filml’interview d’Ali Asgari

Oh Lucy ! de Atsuko Hirayanagi. Fiction, 22′, Japon, Singapour, Etats-Unis, 2014, New York University, Tisch School of the Arts. Deuxième Prix de la Cinéfondation 2014

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Synopsis : Setsuko, 55 ans, employée de bureau célibataire à Tokyo, reçoit une perruque blonde et une nouvelle identité – Lucy – de son jeune professeur d’anglais non-conformiste. ‘Lucy’ réveille en Setsuko des désirs inconnus jusqu’alors. Quand son professeur disparaît, Setsuko doit faire face à ce qu’il reste : elle-même.

En pratique

Date, horaire : jeudi 12 juin 2014, à 20h30

► Durée de la séance : 78’

► Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris

► Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), BUS 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)

Entrée : 6,50 €

► Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com

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Fiche technique

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Synopsis : Assemblant avec ingéniosité archives et séquences animées, Marie-Josée Saint-Pierre signe un portrait cinéphilique et astucieux du réalisateur de Mon oncle Antoine, le cinéaste Claude Jutra. Poursuivant la démarche amorcée en 2006 avec Les négatifs de McLaren, consacré à Norman McLaren, Saint-Pierre peaufine sa recherche d’une forme singulière de documentaire animé, synthétisant avec finesse et audace la vie et la carrière d’un autre géant du cinéma.

Genre : Documentaire animé

Durée : 13’

Pays : Québec

Année : 2014

Réalisatrice, scénariste, effets spéciaux : Marie-Josée Saint-Pierre

Animation : Brigitte Archambault

Montage : Oana Suteu

Design Sonore : Olivier Calvert

Bruitage : Lise Wedlock

Production : MJSTP Films Inc

Article associé : la critique du film

Demis Herenger. Ciel ouvert, petit miracle et contre-champs

À la Quinzaine des Réalisateurs, nous avons aimé cette année « Guy Moquet », une chronique sympathique sur le regard de l’autre et le désir de cinéma tournée dans la banlieue de Grenoble. À Cannes, Demis Herenger, son réalisateur, nous a parlé de son travail intérieur/extérieur. Rencontre.

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Avant « Guy Moquet », tu as fait des films en prison. Peux-tu m’en parler ?

Dans chaque prison, il y a une télévision locale. Cela fait à peu près dix ans que je fais des films en prison pour alimenter un canal interne. Dessus, il n’y a pas de publicités, on peut montrer des choses rares, c’est quelque chose d’intéressant quand on est réalisateur. Je dispose d’un espace de 15 m2 dans deux établissements où il n’y a rien, juste une camera, un enregistreur sonore et un peu de lumière.

Deux à trois fois par semaine, j’organise des ateliers auxquels peuvent participer les détenus qui le souhaitent. J’essaye d’être flou sur mes projets pour qu’ils n’aient pas d’a priori. On est entre hommes et je ne suis pas en prison pour parler de la prison. En parler serait obscène, ridicule, provocant, même vis-à-vis d’eux. Il y a d’autres murs à enfoncer. On n’a pas besoin de beaucoup d’imagination pour penser à la privation de liberté.

Comment as-tu été amené à travailler à l’extérieur, avec des jeunes, sur « Guy Moquet » ?

J’interviens régulièrement dans une école d’art à Grenoble. Un professeur m’a proposé de faire un court métrage en banlieue, à Villeneuve. En 2010, il y avait eu des émeutes là-bas et un projet de faire un film avec les habitants était prévu, avec les membres de l’association locale Vill9lasérie. La donne, c’était de faire un film avec des habitués, des non professionnels. Il y avait une équipe, un réseau de personnes qui avaient envie de jouer et c’était l’occasion pour moi de faire une fiction à ciel ouvert.

Chacun s’est approprié le projet. Je me suis servi du langage des jeunes, de leur créativité. Je leur ai exposé la situation, l’enjeu, les positions. Je leur ai expliqué mon film pour qu’ils se réapproprient les choses. Je voulais rester dans quelque chose de spontané, on n’a fait que 3-4 prises à chaque fois et je ne gardais que les premières. Pour moi, ce ne sont pas des non professionnels, ce sont des acteurs dont ce n’est pas le métier. N’importe qui pouvait être Guy Moquet. En réalité, ça a été le premier corps qui est arrivé (Teddy Lukunku). Il était stagiaire à Villeneuve et très motivé.

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Dans cette fiction, le ciel est peut-être ouvert mais les mentalités sont plutôt fermées.

J’ai grandi en Savoie, je n’avais pas une gueule de Savoyard. Il y avait un esprit de village, comme en banlieue. Tout le monde se connaissait, les critiques et les jugements étaient monnaie courante. Quand je suis allé à Villeneuve, j’ai vu que les gens fumaient des joints, gueulaient devant tout le monde, … Il y avait beaucoup de démonstration acceptée, je me disais que ça cachait peut-être un contre-champ, quelque chose de fort qu’on n’aurait pas le droit de faire. C’est pour ça que dans mon film, il y a un personnage différent qui prendre le risqué d’être jugé par les autres.

On est tenté de te poser la question du choix du titre…

C’est une référence à Sarkozy et une blague du chef op qu’on a gardée. Quand tu as 15 ans et que le Président de la République incite les professeurs à lire une lettre de Guy Moquet en classe et que ça fout le bordel dans les médias, tu retiens ce nom, tu t’en sers. Ça devient banal, autre chose, un surnom.

Ça m’a intéressé de me servir de quelque chose d’instrumentalisé, de le mettre en images dans les quartiers. De plus, mon personnage est aussi en résistance par rapport aux valeurs de ses frères.

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Le film parle à la fois d’amour et de désir de cinéma.

Le film dit des choses sur l’amour mais pour moi, il n’y en a pas vraiment, le personnage reste quand même très seul. Si j’étais arrivé devant les jeunes en disant que l’un allait embrasser l’autre, ça n’aurait pas marché. Le projet aurait été considéré comme mièvre. Ils avaient le choix entre se montrer ou participer à un film. Le désir partagé était de faire du cinéma. Je leur disais qu’au final, ce serait la honte ou un petit miracle (sourire).

Est-ce que tu souhaites poursuivre la réalisation à ciel ouvert ?

Carrément ! En expérimentant des outils avec un oeil pédagogique, j’ai réalisé qu’on pouvait obtenir des choses très riches ailleurs qu’en prison. Ça m’a donné confiance, je me sens d’attaque à refaire des films en extérieur, quelque soit le genre et la durée. « Guy Moquet » fait 32 minutes. Je ne défends ni le genre ni la durée. Le cinéma qui m’intéresse fait 3 minutes ou 3 heures. Ce qui compte, c’est l’histoire et la durée nécessaire.

Propos recueillis par Katia Bayer

Article associé : la critique du film

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Pour information, « Guy Moquet » sera projeté, en présence de Demis Herenger, dans le cadre du programme des courts métrages 2, samedi 7 juin à 14h30 lors de la reprise de la Quinzaine des Réalisateurs, au Forum des images.

My Face is in Space de Tom Jobbins

Animation, 10′, Royaume-Uni, 2012, National Film and Television School (NFTS)

Synopsis : 1977, la Nasa envoie un vinyle d’or dans l’espace. Il contient les plus belles œuvres de l’humanité, ainsi que quelques portraits. Celui de Larry en fait partie. Cet événement lui fait espérer devenir ambassadeur de la terre. Il parvient à convaincre son entourage que cela va devenir réalité, mais une personne n’est pas dupe, sa petite amie. Elle lui pose un ultimatum : c’est moi ou l’espace !

« My Face is in Space » est le fantasme intergalactique d’un anti-héros attachant. Face à ce film inventif et drôle, on se laisse emporter par le grain de folie de ce récit qui relate les rêves de grandeur d’un homme ordinaire et son cruel retour à la réalité. Tom Jobbins utilise ici différentes techniques de stop-motion et rassemble des photographies, des images d’archives de la NASA ainsi que des maquettes et constructions étonnantes pour un résultat délirant.

Agathe Demanneville

La Bête Humaine

Parmi les films présentés cette année en compétition nationale et internationale au Brussels Short Film Festival, trois d’entre eux, arbitrairement réunis par notre liberté associative de spectateur, semblent dialoguer implicitement. En proie à un isolement délétère, une absence de repères, leurs personnages sont en lutte face à un système qui les dépasse et se débattent comme ils peuvent. Constat sombre d’une condition humaine démunie, presque animale.

« Red Hulk » – Asimina Proedrou (Grèce)

En compétition internationale, « Red Hulk », de la réalisatrice Asimina Proedrou repose sur un parti pris surprenant : il dépeint la naissance d’un pion du mouvement fasciste grec dans une perspective bien plus analytique que dénonciatrice. L’Aube Dorée n’est jamais mentionnée directement dans le film. Le sujet est si actuel et la Grèce si tristement associée à son effondrement économique et aux violences idéologiques engendrées, qu’il n’est pas besoin de pointer du doigt, d’étiqueter, l’esquisse suffit. Ce positionnement donne à la réalisatrice son angle d’approche, sa compréhension du processus. « Red Hulk », c’est le personnage de Giorgos, étudiant supposé qui ne suit plus ses cours depuis longtemps. Il travaille dans une industrie plâtrière et appartient à un groupe de supporters de football. Il a aussi déjà mis un pied dans un autre type d’appartenance, l’endoctrinement néonazi. Un pied seulement… pour l’instant. Le film traite de ce moment charnière, du retrait encore possible. La violence meurtrière a sauté au visage de Giorgos, et le retient dans son élan. C’est un temps de suspension, d’hésitation mais pris dans un rythme syncopé, avec une caméra embarquée, de nombreux jump cuts et des plans courts, collants à l’angoisse étouffante du personnage. Il ne répond plus aux appels téléphoniques du chef de bande, la parole ne peut être forcée et le silence s’affirme en forme de résistance passive résiduelle. Les sonneries de téléphone ne s’en font pas moins pressantes et de plus en plus rapprochées. Son club de foot le rejette, lui reprochant ce pied mis là où il ne faudrait pas. Le frère de la réalisatrice incarne le personnage de Giorgos. Sa palette de jeu est toute en nuances, entre violence ressentie et violence exprimée, force et vulnérabilité. Giorgos est muré dans son silence. Au travail, les poussières de plâtre lui enfarinent le visage. Sa face toute blanche rappelle celle du pantomime. Giorgos est un corps en surface, en représentation et en errance. La fumée de sa cigarette toujours au bec lui sert d’écran, de second masque. La visite chez ses parents offre un court moment d’accalmie, une pause dans la montée en tension. Assez vite, avec l’apparition du père tyrannique, la famille n’est plus un refuge. Sa maltraitance orale vient nourrir le mutisme du fils. Une certaine douceur et un reste d’enfance affleurent encore chez Giorgos. Jusqu’à la position fœtale qu’il prend sur son lit d’étudiant… Mais l’acharnement régulier sur le punching ball s’oppose en contre-point à cette fragilité. La colère prendra le dessus.

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Le film se clôt sur l’émergence d’une vraie violence : son regard hagard a pris en rage et détermination. Au dernier plan, Giorgos et les autres défilent dans l’escalier, tous habillés de noir, tous identiques, forts de leur assimilation au groupuscule idéologique. Leur incursion dans la lumière de la rue, le claquement de la porte résonnent en coup final. Il signe l’enrôlement implacable et une fin terriblement pessimiste.

Giorgos nous apparaît tout sauf monstrueux. Si le film propose la clé de l’isolement, du rejet social ou de la violence subie comme source au basculement fasciste, cette clé n’est pas pour autant une justification. Le leitmotiv de la place sociale acquise par le travail et de la quotidienneté des échanges avec un collègue bienveillant ouvre une brèche, une échappatoire possible. Une autre voie est balisée régulièrement, le long de la trajectoire de Giorgos. Elle n’est pas une réponse toute faite puisque le travail n’est plus rémunéré depuis plusieurs mois, mais elle renvoie le personnage à sa responsabilité. Là est toute la justesse du regard porté par Asimina Proedrou.

« Canada » – Sophie Thouvenin et Nicolas Leborgne (France)

« Canada » de Sophie Thouvenin et Nicolas Leborgne soulève une problématique semblable, celle de destins qui s’effondrent sans retour possible, de vies brisées. C’est une innocence fauchée en plein vol. Un jeune couple, tout juste sorti de l’adolescence, projette de partir vivre outre-atlantique. Sami a commis un petit larcin pour réunir l’argent manquant. Jessica se rend au parloir. De la prison, il ne sera montré que ces brèves rencontres, cette interface entre intérieur et extérieur. Le film se construit en deux temps. Le premier repose sur la construction d’un monde intermédiaire, celui des femmes de prisonniers, qui se serrent les coudes autour de Simone, figure maternelle et rassurante. L’illusion d’une possible solidarité, d’une niche face à l’adversité s’élabore progressivement et méthodiquement. Le spectateur est aussi dupe que Jessica, et se laisse bercer par un mensonge si bien ficelé. Il suffit d’une phrase lâchée (ou plutôt à peine soufflée) au parloir, entre deux caresses. La vitre teintée de la première partie éclate brusquement en mille morceaux. Et révèle l’envers du décor. On entre dans le deuxième temps, celui de la déconstruction. Pour Jessica la descente aux enfers peut commencer. La solidarité n’existe que pour mieux resserrer les mailles du filet. Celui d’un sombre chantage.

Son innocence ne la rend pas moins forte, elle casse la gueule de Simone, elle rend les coups portés à Sami. Œil pour œil. Mais la mécanique imparable du chantage a des rouages bien huilés. Jessica a beau tenir tête, elle reste impuissante. Elle est la proie de son propre cœur face à cet étau inhumain qui se resserre et la broie. Tout comme Giorgos, son regard a fini par changer, à présent dur et fixe. La microsociété carcérale est aussi écrasante et pervertie que l’univers dépeint dans Red Hulk. Le travail se dessine ici aussi comme une bouée de sauvetage, malheureusement bien inutile : la protection quasi paternelle du patron de Jessica n’est pas suffisante pour contrer celle vicieuse de Simone…

« Labyrinthe » – Mathieu Labaye (Belgique)

Nos rapprochements subjectifs nous amène à considérer le nouveau film d’animation de Mathieu Labaye, « Labyrinthe », comme le pendant archétypal des deux autres. Son synopsis est lui-même on ne peut plus lapidaire : « 6m² à vie… » Ou comment raconter le quotidien d’un homme soumis à l’enfermement à perpétuité, à la claustration physique et mentale jusqu’à l’aliénation à travers l’utilisation d’un noir et blanc tranché, sur base de prises de vue réelles.

L’ouverture est simple et schématique : un labyrinthe crétois se trace progressivement à partir d’une croix initiale, et le dessin terminé ressemble étrangement à un cerveau humain. D’emblée le parallèle est annoncé, tout est là. Un homme seul dans sa cellule est soumis à la répétition de ses gestes, et à leur vacuité. Ils sont l’expression d’une attente, amorces de mouvements inutiles, pris en plein vol, fractionnés. L’homme n’apparaît déjà pas unifié, il module dans un genre de positif/négatif du noir et blanc. Progressivement la scansion du rythme s’accélère et se désagrège vers une épilepsie généralisée. L’image se décompose, l’encre envahit tout. Les sons extérieurs de la prison se fondent en sons intérieurs, corporels, puis musicaux Sur une pulsation électronique répétitive, le personnage s’emballe. Pris dans une transe compulsive, il détruit le peu d’objets qui l’entourent. Le spectateur est piégé dans cette temporalité carcérale, il se crée chez lui, petit à petit, grâce à la durée et à la répétition, une forme d’endurance, de détachement mental. Les boucles infinies concourent au phénomène hypnotique. Coincé dans un labyrinthe cérébral. Et c’est précisément là qu’intervient la bascule et qu’un taureau envahit l’espace exigu de la cellule. Il se confronte au personnage devenu matador malgré lui, dans un face à face immobile. Il devient ensuite son double, son reflet dans le miroir, jusqu’à ne faire plus qu’un seul et même corps. La figure du minotaure convoque alors tout un lexique symbolique de l’animalité, de la monstruosité mais aussi de la perte identitaire, de la faille. Le minotaure est à la fois monstre et victime, menaçant et dissimulé, tortionnaire et prisonnier de son labyrinthe. Le morcellement, la métamorphose de l’homme mais aussi des images et du son, tout se précipite dans une déflagration finale, laissant la pièce vide. Le calme est revenu, un son de radio anecdotique recouvre tout. La perte est totale, la folie a laissé place au néant…

Dans ces trois films, chaque personnage a sa part de bête traquée. Giorgos a même une allure de taureau, le corps massif, la tête rentrée dans les épaules, la respiration forte et pesante. Chacun sombre, après avoir marché en funambule au bord du précipice. Ils nous laissent face à un gouffre béant, une forme d’effroi devant l’irréparable, la fêlure définitive. Et ils continuent de nous glacer encore quelques temps, laissant traîner en nous un écho inquiet et troublant…

Juliette Borel

Consultez les fiches techniques de « Red Hulk », « Canada » et « Labyrinthe »

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Fiche technique

Synopsis :  Jessica traîne sa solitude et la rage de ses 20 ans entre son travail à la supérette et ses visites au parloir de la prison de Brest. Elle y retrouve Sami, son amoureux, emprisonné pour un petit larcin. Il sortira un jour, bientôt, pour l’emmener au Canada. Jessica a du courage. Elle en aura besoin lorsqu’elle tombera dans les griffes de Simone…

Genre : Fiction

Durée : 16′

Pays : France

Année : 2013

Réalisation : Sophie Thouvenin, Nicolas Leborgne

Interprètes : Agathe Schlencker, Sophia Leboutte, Adélaïde Leroux, Pierre Lottin

Photographie : Alfredo Altamirano

Son : Renaud Duguet

Montage : Noël Fuzellier

Production : karine blanc , michel tavares / Takami Productions

Article associé : la critique du film