GENERATOR. De la projection à la V.O.D. : la diffusion du court-métrage en question

Dans les couloirs et les salles de réunion de quelques institutions strasbourgeoises (Maison de la région Alsace, Pôle d’Arte, La Plage digitale, etc.), spécialement réquisitionnées pour accueillir GENERATOR, le Forum Audiovisuel de la Jeunesse, le silence habituel du week-end a laissé place au dynamisme de plusieurs centaines de participants venus de toute l’Europe, animés par plusieurs objectifs mais totalement dévoués à la réflexion et à la pratique du cinéma. On y croise de jeunes étudiants slovaques, des producteurs allemands et slovènes, des distributeurs polonais, des scénaristes bulgares, et d’autres membres de la génération 2.0., qui participent aux rencontres pour écouter les professionnels du secteur et investir ce domaine en mutation.

Pour y glaner des informations, des états d’esprit mais surtout la teneur des discussions, on se faufile dans le « Séminaire autour de la distribution et de la vente du court-métrage ». Sujet d’importance au vu de l’arrivée des nouveaux médias et des différences nationales dans ce domaine. Devant la foule des auditeurs multi-linguistiques – contraints pour l’occasion de se plier à l’anglais de communication – siègent des personnalités rarement présentes dans des rencontres publiques : Sabine Brantus (responsable des courts-métrages à Arte France), Dániel Deák (co-fondateur de Daazo.com), Alexandra Haneka (Département des ventes à KurtzFilmAgentur) et Sébastien Bailly (Festival Européen de Brive). Les deux questions combinées auxquelles la discussion doit répondre sont les suivantes : Comment utiliser les réseaux de distribution classiques ? Comment employer les nouveaux médias ?

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Un changement d’attitude et de génération

La distribution des courts-métrages est limitée. Tous les intervenants s’accordent à le dire, en pointant néanmoins le fait que les modes de diffusion télévisuelle (Arte, Canal +, France Télévisions, pour ne prendre que l’exemple français) et certains événements (comme le Festival de Brive et celui de Clermont-Ferrand) promeuvent le court-métrage sous toutes ses formes. Arte France, à travers son émission “Court-Circuit” et sa plage de diffusion des courts-métrages, donnent l’occasion à un potentiel large public (malgré les heures tardives de transmission) de découvrir ce format. Ces programmes se focalisent sur la fiction et l’animation, oubliant au passage la masse des courts-métrages documentaires et expérimentaux. Tout compte fait, il est impossible de parler d’une large diffusion depuis que les pré-programmes de courts ont été écartés des salles de cinéma, au profit de la publicité.

Deux points de vue, peut-être correspondant à deux générations, coexistent aujourd’hui : le premier tend à vouloir refaire des salles de cinéma un lieu dédié aux courts-métrages, tandis que le second semble utiliser Internet comme un espace légitime de diffusion du courts-métrages. Ces deux attitudes ne sont pas opposées. Elles cohabitent plutôt, par exemple à la KurtzFilmAgentur de Hambourg (équivalent allemand de l’Agence du court-métrage), où les actions mêlent l’organisation d’un festival, des actions auprès des cinémas (notamment pour remplacer les publicités par un pré-programme court) et l’ouverture vers la recherche de moyens de diffusions sur Internet (par la V.O.D.).

La question, même si elle ne peut pas s’y résoudre, est financière. La télévision rétribue les auteurs de films, là où Internet semble imposer le modèle de la gratuité généralisée. Les frais de diffusion doivent demeurer pour donner la possibilité aux créateurs de vivre de leur travail. La culture en Europe n’a pas changé depuis l’arrivée d’Internet ; l’idée est de diffuser les courts-métrages sur la chaîne de télévision, puis éventuellement de permettre une diffusion sur internet. Mais des signes montrent que la diffusion sur Internet peut être une manière de sélectionner de bons films, de juger du potentiel fédérateur de certaines œuvres. Par conséquent, les cultures numériques doivent être confirmées comme une plate-forme sérieuse et pertinente pour le court-métrage (ce qui signifie aussi payante pour les producteurs et les auteurs).

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Internet or not Internet

L’espace public qu’est internet ne peut pas remplacer l’intime salle de cinéma, disent certains. Internet est le futur de la diffusion, disent les autres. Adepte de cette dernière théorie, le hongrois Dániel Deák (fondateur de la plate-forme de diffusion Daazo.com) pense son site comme un « filtre » qui sélectionne les films de qualité (tout comme, sur d’autres niveaux, le font les festivals et les chaînes de télévision). Ce « filtre » signifie qu’une volonté de donner à voir les meilleurs films – c’est-à-dire porteur d’une ambition visuelle et humaine – sous-tend la démarche.

Avec Internet, le problème avec lequel il faut repenser la vente et la distribution se résume dans la notion de « disponibilité ». Que recouvre ce terme ? D’un côté, il signifierait la possibilité totale et gratuite d’offrir à voir les films sur Internet (idée développée par YouTube, par exemple). D’un autre côté, elle pourrait signifier que le film doit trouver une diffusion qui puissent rétribuer le travail important réalisé par une équipe de créateurs. Internet serait-il une « poubelle », demande un membre de l’assistance, ou bien un outil approprié à la diffusion ? L’avenir le dira, si tenté que les chaînes de télévision prennent le problème à bras le corps et que des solutions législatives puissent être trouvées.

Concernant le sujet brûlant de la distribution des courts-métrages, de nombreux espoirs naissent, notamment en Europe de l’est. Au-delà du débat autour d’internet, il apparaît important de mentionner l’émergence d’associations dédiées à la distribution des courts-métrages, comme Ad Arte (Pologne). L’enthousiasme de ces acteurs peut amener à trouver des formules nouvelles afin de combiner une large exposition des films à la (sur-)vie des créateurs.

Mathieu Lericq, envoyé spécial à Strasbourg

GENERATOR/NISI MASA

Comment les outils audiovisuels facilitent-ils les échanges d’expériences entre des jeunes et les encouragent-ils à être des citoyens européens plus actifs ? Que peut-on dire de l’avenir de l’audiovisuel en Europe ? Du 25 au 27 janvier, GENERATOR, le Forum Audiovisuel de la Jeunesse, organisé par NISI MASA, le réseau européen de jeune cinéma à Strasbourg, offre la possibilité de répondre à ces questions, aux côtés d’experts et de décisionnaires du secteur audiovisuel européen. Ces jours-ci, Mathieu Lericq, notre envoyé spécial à Strasbourg, vous propose d’en savoir plus sur le sujet.

Retrouvez dans ce Focus :

César 2013, les résultats du premier tour

Aujourd’hui, a eu lieu la conférence de presse d’annonce de nomination des César. Au terme du premier tour, sept films courts, chroniqués sur le site et projetés pour la plupart lors de nos soirées aux Ursulines, sont nominés. Découvrez-les avant le résultat final, au moment du deuxième tour, dévoilé le soir de la cérémonie de remise des César, le 22 février prochain.

Meilleur Film de Court Métrage

Ce n’est pas un film de cow-boys réalisé par Benjamin Parent produit par David Frenkel, Arno Moria

Ce qu’il restera de nous réalisé par Vincent Macaigne, produit par Jean-Christophe Reymond

Le Cri du homard réalisé par Nicolas Guiot, produit par Fabrice Préel-Cléach

Les Meutes réalisé par Manuel Schapira produit par Jérôme Bleitrach

La vie parisienne réalisé par Vincent Dietschy, produit par Alain Benguigui, Thomas Verhaeghe, Nicolas Leprêtre

Meilleur Film d’Animation

Edmond était un âne, réalisé par Franck Dion produit par Francine Langdeau

Oh Willy, réalisé par Emma de Swaef et Marc Roels produit par Nidia Santiago

Pour plus d’infos : télécharger toute la liste officielle des nominations pour les César 2013

GENERATOR 2013 — Inventer et promouvoir le jeune cinéma européen

Conçu comme un espace de rencontre des différents acteurs du cinéma en Europe, l’événement GENERATOR transformera du 25 au 27 janvier la ville de Strasbourg en un gigantesque champ d’expérimentation, de réflexion et d’interaction autour de la jeune création européenne. Loin de considérer le « cinéma européen » comme un slogan figé et formel, le réseau NISI MASA – à l’origine de cet événement – a inventé différentes formules aux intitulés intrigants (“Script Marathon”, “Kino Kabaret”, etc.), dont les objectifs sont les suivants : permettre aux jeunes cinéastes de présenter des projets et de réaliser des films, aller à la rencontre des acteurs institutionnels et industriels du secteur, et projeter divers courts-métrages produits sur le territoire européen. Nous vous proposons ici un panorama rapide de quelques-uns des événements-clés de GENERATOR 2013.

NISI MASA Short Film Showcase

Les projections permettront de re-découvrir des courts-métrages montrés ou produits dans le cadre du réseau NISI MASA. Les deux programmes proposés se composent de films primés dans des événements tels que Encounters Short and Animation Film Festival (UK), Festival du Cinéma Brive (France), Kaliber35 (Germany) ou Polish Shorts (Poland), ou bien produits par les rencontres, les ateliers organisées par NISI MASA.

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© Ivan Salatic (Intro, Monténégro)

KINO KABARET

Le Kino Kabaret invite les participants à réaliser de manière totalement libre un film dans un espace-temps limité. Dans le cadre de GENERATOR 2013, le temps imparti est de 48 heures. L’objectif principal est d’offrir des environnements non-compétitifs de création où les réalisateurs peuvent mettre rapidement en forme leurs idées, échanger leurs connaissances, partager des ressources et expérimenter.

SCRIPTWRITING MARATHON

Le marathon du script, comme son nom l’indique, permet à 16 jeunes scénaristes européens de se rencontrer au sein d’un atelier de réécriture mené par Wim Vanacker, Jérôme Nunes (organisateurs du  European Short Pitch) et Nadja Dumouchel (ARTE Germany). L’idée est que chaque participant puisse développer son projet au fur et à mesure des sessions collectives de travail.

Au-delà des ces événements-phares, d’autres ateliers tels que Generazine (autour de la critique de films) ou le séminaire autour de la vente et de la diffusion des films en Europe, complètent le programme de GENERATOR 2013. Partenaire de l’événement, Format Court publiera prochainement un compte-rendu de l’événement ainsi que l’interview de certaines personnalités présentes.

Mathieu Lericq

Autour du court. Corps à corps, Jeune Création, Collège des Bernardins

À Format Court, nous suivons de près les initiatives en faveur de la diffusion du court. Dès février, le Collège des Bernardins (Paris, 5ème) relancera un cycle intitulé Jeune création. La première séance a lieu le lundi 4 février à 20h, avec une programmation « Corps à corps »de films interrogeant le geste chorégraphique avec les moyens du cinéma.

La connivence entre danse et cinéma se donne comme une évidence. Le cinéma, qui est, comme la danse, un art du mouvement, à essentiellement affaire à des corps. Cette rencontre entre le geste chorégraphique et la caméra met également en évidence que la danse est exercice du regard et qu’elle peut ouvrir notre attention à de nouvelles formes d’acuité. Les films de cette nouvelle séance du cycle Jeune création, envisagent la danse comme un moyen d’investir et de découvrir le monde, de s’y engager, au sens existentiel, mais également politique. Un corps à corps avec le monde.

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Films programmés :

La vie continuera sans moi d’Arnold Pasquier – 2010 – 16′ – vidéo
Synopsis : Dans un appartement, trois hommes et une femme cherchent quelque chose, qui manque.

Fragments du colonialisme en pays natal de Collectif Killmeway – 2010 – 30′ – Mini DV
Un triptyque panoramique, où l’on regarde la cité de la Noue à Bagnolet, le parc des Guilands à ses pieds, de l’autre côté, Paris depuis le parc.

Valse de Carole Contant – 2000 – 3’20 – S8/vidéo
Épanouissement de fleurs dans le métro parisien

Roc de Carole Contant – 2003 – 3’20 – S8/vidéo
Mystérieuse apparition nocturne trace d’un chantier immobilier et amoureux, le long du parc Monceau.

Marché de Carole Contant – 2008 – 3’20 – S8/vidéo
Marcher, place du Marché, l’argent et le sourire

Rue des petites Maries de Laurence Rebouillon – 2003 – 12′ – 35 mm
Les villes bombardées gardent en leurs murs les traces de la défaite. Johan, hanté par ses souvenirs, revient dans le quartier de son enfance à Marseille.

Living Chiaying de Gilles Delmas – 2010 – 14′ – 35 mm
Le portrait d’une danseuse contemporaine à Taïwan.

Séance en présence d’Arnold Pasquier, Carole Contant et Laurence Rebouillon.

Infos

Tarif Plein : 8 € Tarif Réduit : 6 €
Tarif réduit pour les demandeurs d’emploi, bénéficiaires des minima sociaux, moins de 26 ans (sur présentation d’un justificatif).

Collège des Bernardins
20 rue de Poissy
75005 Paris
http://www.collegedesbernardins.fr/

Événement Facebook : https://www.facebook.com/events/400192523393586/

GENERATOR, le Forum Audiovisuel de la Jeunesse, commence ce vendredi à Strasbourg

Nous vous l’annoncions déjà en novembre. Le réseau européen de jeune cinéma NISI MASA organise, à partir du 25 janvier, le Forum Audiovisuel de la Jeunesse (GENERATOR – Youth Audiovisual Forum) à Strasbourg. Pour participer à ce forum, NISI MASA a sélectionné 130 jeunes professionnels et étudiants, venant de 31 pays d’Europe, parmi 300 candidats.

Les participants, venus de différents secteurs de l’audiovisuel et de l’industrie cinématographique, se réuniront ainsi pendant 3 jours afin d’échanger leurs idées et développer de nouveaux projets ensemble, tout en ayant l’occasion de rencontrer des professionnels, acteurs du secteur audiovisuel venus de toute l’Europe : Sabine Brantus (responsable du département courts-métrages chez ARTE Strasbourg, France), Hannes Brühwiler Interfilm Distribution, Allemagne), Dániel Deák (Co-fondateur de Daazo.com, Hongrie), Ron Dyens (Sacrebleu Productions, France), Alexandra Heneka (Département des ventes chez KurzfilmAgentur Hamburg, Allemagne), Aviva Silver (chef de département, MEDIA Program, Commission européenne), Alain Bieber (Directeur d’ARTE Créative), Domenico La Porta (Rédacteur en Chef de Cineuropa), …

Format Court, proche des jeunes auteurs européens, est partenaire du projet GENERATOR. Si vous ne comptez pas vous rendre à Strasbourg à la fin de la semaine, retrouvez notre dossier spécial à l’issue de la manifestation.

Infos : http://generatornisimasa.wordpress.com/

Vincent Dietschy, Milo McMullen, Estéban : « La liberté est venue du fait qu’on était tous là pour la même raison : on avait envie de partager un moment ensemble et de faire ce film »

Cela fait presque un mois que l’interview de Vincent Dietschy, Milo McMullen et Estéban, respectivement réalisateur, comédienne et comédien du film « La Vie parisienne », lauréat du Prix Jean Vigo, nominé aux Lutins et aux César 2013, dort d’un sommeil profond dans l’ordinateur de Format Court. Après avoir récupéré d’un souci d’enregistrement, des fêtes de fin d’année et de l’anniversaire du site, la voici enfin en ligne. Entretien à cinq voix autour des écarts, du voltige, de la liberté et des photos floues.

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Milo, Estéban, « La Vie parisienne », a-t-elle été votre première expérience cinématographique à tous les deux ?

Estéban : Moi, j’ai mordu les fesses de Jerry Lewis quand j’avais 4 ans et j’ai joué avec Aldo Maccione à l’âge de 10 ans au Venezuela dans un film qui s’appelle « L’aventure extraordinaire d’un papa peu ordinaire » (1989). Le film parlait d’un père acteur à la recherche de son gosse. Boum, c’était moi, le gosse et Aldo, c’était mon papa. J’étais petit, je ne comprenais absolument rien à l’histoire !

Milo : On a vu ce film sur TF1, on l’a beaucoup aimé et on a retrouvé Estéban !

E : Ensuite, il y a eu une grosse période creuse où j’ai été boudé des médias. Mon rôle dans le film était un peu subversif, je dois bien l’avouer ! Du coup, Vincent m’a redonné la chance de faire mon come-back, sur le grand et le petit écran. Merci Vincent (rires) !

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M : Moi, je me suis longtemps cherchée. Je suis une touche-à-tout. J’ai fait de la musique avec Arnaud Fleurent-Didier et j’ai tourné dans un court, « La Vie facile », de Julien Rouyet, juste avant ce film. Tous les films que je fais comportent étonnamment le mot « vie » dans leur titre !

Vincent, qu’est-ce qui t’a donné envie de tourner avec envie de tourner avec Milo, Estéban et Serge ?

Vincent : J’ai un double avantage : j’aime les personnages et les acteurs avec qui j’ai travaillés. Je connaissais Serge comme ami, pas comme acteur. J’ai voulu partir de Milo et voir les meilleurs écarts possibles. Il fallait que le spectateur soit à l’aise à l’intérieur de ce triangle, qu’il puisse avoir sa liberté d’imagination pour passer d’un acteur et d’un personnage à l’autre. Au moment des essais, on s’est effectivement rendu compte qu’il y avait beaucoup d’écarts entre chaque acteur.

Qu’est-ce qui t’a convaincu, Milo, d’accepter le rôle de Marion ?

M : Avec Vincent, on en avait parlé, c’était inné.

V : Ça m’a paru évident, j’avais envie de filmer Milo mais ce n’était pas évident parce qu’on se connaissait très bien et l’idée de travailler avec elle a été un cap que j’ai mis beaucoup de temps à franchir. La proximité n’aide pas forcément au travail, c’est difficile d’inclure quelqu’un qu’on connait très bien dans un projet professionnel. Il ne s’agit pas de faire quelque chose de trop privé. J’avais beaucoup aimé son travail sur « La Vie facile », réalisé par l’un de mes étudiants à Lausanne (ECAL) et ses performances sur scène avec Arnaud Fleurent-Didier. Ça m’a donné confiance, m’a décomplexé et donné envie de travailler avec elle. Milo est particulière et naturelle en même temps, elle a un registre très large. Son rôle dans « La Vie parisienne » n’était pas facile : elle est entre deux hommes et elle n’est ni dans la séduction ni dans la fausse ingénuité. Elle est vraiment dans un équilibre.

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Et pour Estéban et Serge (Bozon) ?

V : Estéban était une surprise pour moi, je l’ai rencontré le jour des essais. C’est chanteur, c’est un peu une star. Milo m’a montré des vidéos et des interviews promotionnels pour son groupe. Elle était morte de rire en le voyant ! Ce que je trouve très intéressant chez Estéban, c’est qu’il est très comique mais d’une façon originale. D’habitude, on associe la comédie au rythme et à la vitesse, lui, il est super lent. C’est un burlesque lent ! Il a son rythme particulier mais il est aussi très présent, très réactif. La vitesse chez lui vient d’une présence immédiate.

E : C’est ça, je suis lentement drôle !

V. : Quant à Serge, c’est l’inverse, il parle très, très rapidement. Dans la vie, il est extrêmement nerveux. Je l’ai souvent vu dans des rôles décalés. J’aime bien l’idée du contrepoint et ça me semblait drôle de le voir tenter de contrôler une situation qui allait lui échapper.

Le fait que Serge ait une plus grande expérience de la caméra en tant que réalisateur et comédien ne vous a pas posé de problèmes ?

E : C’est vrai qu’il a plus d’expérience, il n’arrêtait pas de nous donner des leçons ! Déjà quand il parle, il cite au moins 4 réalisateurs dans chacune de ses phrases et 6 titres de films ! Depuis, j’ai lu pas mal de bouquins.

M : Moi, je me suis inscrite à la médiathèque depuis le tournage !

V : Il était très pro, il a une connaissance du tournage, il comprend chaque détail de la scène.

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Serge, Milo et Estéban sont très différents. Vincent, en formant ce triangle amoureux, avais-tu conscience de leur individualité physique et de leur complémentarité ?

Vincent : Il y avait vraiment un désir très fort, de créer cette altérité. Il fallait qu’ils communiquent, qu’ils interagissent. Au début des tests, ils n’interagissaient pas, mais par le travail, on a trouvé des relations, une façon de communiquer, de s’écouter. Il y avait beaucoup d’écarts, après, il y a eu beaucoup d’interactions.

Tu les as beaucoup dirigés sur le tournage ?

V : Comme je filmais et que je les aime beaucoup, j’avais très peur de les réduire, de les rendre plus petits par rapport à ce qu’ils sont dans la vie. Je leur donnais des indications en même temps que je les filmais, et en voyant les rushes du film dans la chronologie, j’ai été assez vite rassuré car le résultat était meilleur au fur et à mesure de l’avancement du film.

M : Il dirige très bien. Il est super précis, il sait où il va.

V : Dis-le un plus fort parce que c’est gentil !

E : Vincent est à l’aise, tu l’écoutes plus quand tu te sens bien.

V : Quand tu connais bien le projet, que tu es en confiance avec les éléments, si l’acteur fait quelque chose qui va dans un sens qui te plait, tu as envie de le pousser encore plus loin, tu le laisses faire, improviser. Dans le trio, il fallait que chaque acteur ait la conscience de ses partenaires. Il ne fallait pas refermer le triangle. Même dans les scènes à deux, j’ai essayé de faire intervenir le troisième personnage, même si il n’était pas là, soit dans le texte soit dans la situation soit dans le jeu.

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Vous deux, comment avez-vous abordé vos rôles ?

M : Le film était très écrit. On a fait pas mal de lectures, il n’y a pas vraiment d’improvisation sur le tournage.

E : Il fallait connaître son texte sinon, on se faisait engueuler ! Sérieusement, le tournage était très réglé dans un esprit très libre.

La liberté d’action, c’était quelque chose d’important pour faire ce film ?

V. : Oui. En général, on est très contraint quand on fait un film. Quand on retrouve une liberté, on en profite car c’est rare d’en avoir. Là, j’avais la possibilité d’avoir un financement et de tourner avec les gens que je connaissais et que je voulais. Avant « La Vie parisienne », j’ai fait un film, un long-métrage, « Didine ». J’avais une équipe de 60 personnes et très peu de temps de tournage, je devais rentrer dans un planning extrêmement serré, je rencontrais beaucoup de contraintes.

Par la suite, j’ai voulu respirer un peu plus normalement, en m’entourant d’une petite équipe et en allant du côté du désir. « La Vie parisienne » comporte des plans sous la neige où Milo chante, des plans qui n’étaient pas du tout prévus au départ. J’étais en train de travailler, j’ai vu de la neige tomber par la fenêtre, j’ai appelé Milo, je lui ai demandé si elle était disponible pour qu’on se retrouve au square. En 30 minutes, on a tourné tous les plans où il neigeait. Tout s’est décidé en 5 minutes ; entre la prise de décision et le temps du tournage, deux heures seulement se sont écoulées. Une chose pareille sur un tournage classique, c’est impossible. La liberté est venue du fait qu’on était tous là pour la même raison : on avait envie de partager un moment ensemble et de faire ce film.

E : Oui, comme là, on a envie de faire un long, d’être à nouveau ensemble. Ça nécessite peu de choses sauf une grosse implication de notre part.

V : Je trouve que le trio marche bien, j’ai un scénario de long et j’aimerais poursuivre avec ces acteurs et ces personnages qui fonctionnent bien. Avec ce film-ci, je trouve qu’il y a quelque chose de très chouette mais d’un peu fragmentaire. Après, le projet a été conçu comme ça, comme un test, dans l’idée de travailler avec eux sur une durée plus longue.

E : Nous, ça nous botte ! Tu as envie d’en voir plus…

M : Toi, tu as envie de te voir plus à l’écran !

E : Non (rires). Moi, j’ai envie d’en savoir plus sur les personnages, sur leur développement, sur le point de départ et d’arrivée.

Milo, comment as-tu perçu le travail en petite équipe ?

M : C’est bien plus intéressant de tourner dans un film où on est plus impliqué, ça m’amuse plus. Le film précédent dans lequel j’ai joué, « La Vie facile », disposait d’un très gros budget. 40 personnes gravitaient autour du plateau. Il y avait beaucoup de monde, d’argent, d’idées, de lumières, de décors. Ce n’est pas très drôle surtout quand on tourne peu et qu’on s’ennuie en attend son tour.

Vincent, d’où te vient ton intérêt pour les écarts ?

V. : Dans mon premier long métrage, « Julie est amoureuse », j’avais fait jouer des acteurs professionnels et amateurs. La femme de ménage de mes parents y jouait un des rôles principaux. Elle était incroyable, elle donnait la réplique à un comédien de théâtre extrêmement puissant et précis et ça créait des étincelles. C’est cette expérience qui m’a donné envie de travailler sur des écarts.

« La Vie parisienne » est aussi construit sur des écarts maximums entre les acteurs bien évidemment, mais aussi entre les intempéries impromptues et le texte écrit à la virgule, entre des chansons qui sont très réglées et un son direct un peu pourri par moments. Pour le prochain film, j’envisage aussi le décalage, y compris dans la forme et la temporalité.

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Vous avez tourné avec quel support « La Vie parisienne » ?

V. : Une petite caméra, très mobile. Il n’y avait pas de décors, d’installations lourdes. Je pouvais vraiment voltiger avec la caméra, être au plus près des comédiens.

Qu’est-ce que vous a apporté le cinéma ?

E : Moi, je kiffe. Je voulais revenir par la grande porte et Vincent me l’a permis ! Le scénario était vraiment sympa, bien barré, avec une empreinte à la fois burlesque et d’auteur. Je ne trouvais pas ça éloigné d’une certaine réalité et je me reconnaissais bien dans les dialogues.

V : Milo est allé chercher Estéban. Elle a fait son travail de casting, en plus d’être maquilleuse, costumière et interprète.

E : Je tiens tout de même à dire que j’ai été chef chorégraphe. C’est moi qui ai trouvé les chorégraphies ! Qu’on ne me le vole surtout pas !

V. : Moi, je me suis retrouvé à l’IDHEC à 18 ans, je fréquentais plus l’école buissonnière que les cours, mais j’ai quant même découvert plein de réalisateurs dont je n’avais jamais entendu parler. Depuis, je me sens engagé dans quelque chose qui est très présent. C’est une passion, un mouvement. On est toujours en vie, en mouvement grâce au cinéma. On ne peut pas s’arrêter.

Propos recueillis par Katia Bayer et Géraldine Pioud


La course des courts aux Oscars 2013

La cérémonie des Oscars 2013 aura lieu dans un peu plus d’un mois. Découvrez les 15 nominés relatifs aux trois catégories récompensant le court métrage : le documentaire, l’animation et la fiction.

Documentaire

Inocente de Sean Fine & Andrea Nix Fine

Kings Point de Sari Gilman & Jedd Wider

Mondays at Racine de Cynthia Wade & Robin Honan

Open Heart de Kief Davidson & Cori Shepherd Stern

Redemption de Jon Alpert & Matthew O’Neill

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Animation

Adam and Dog de Minkyu Lee

Fresh Guacamole de PES

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Cliquer sur l'image pour visionner le film en ligne

Head over Heels de Timothy Reckart & Fodhla Cronin O’Reilly

Maggie Simpson in « The Longest Daycare » de David Silverman

Paperman de John Kahrs

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Fiction

Asad de Bryan Buckley & Mino Jarjoura

Buzkashi Boys de Sam French & Ariel Nasr

Curfew de Shawn Christensen

Death of a Shadow (Dood van een Schaduw) de Tom Van Avermaet & Ellen De Waele

Henry de Yan England

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3ème édition du Festival Poindoc du 13 janvier au 13 février

La 3ème édition du Festival Pointdoc, le premier festival en ligne de films documentaires, a démarré dimanche. 

Gratuit, visible à n’importe quel moment et partout dans le monde, le festival met à l’honneur pendant un mois, du 13 janvier au 13 février 2013, 20 films d’auteurs aux sensibilités et aux regards différents sur son site internet : www.festivalpointdoc.fr

Pour cette nouvelle édition, Pointdoc s’est entouré d’un jury de professionnels : Christian Rouaud (producteur et réalisateur), Françoise Tourmen (chef monteuse), Olivier Pierre (programmateur de festivals)
 pour la catégorie « Première création » et Emmanuel Ethis (Chercheur et sociologue), Fleur Albert (réalisatrice) et Yves Billon (producteur et réalisateur) pour « les films jamais diffusés ».

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Le public pourra également voter pour ces films en remettant un coup de coeur par catégorie. Comment voter ? Il suffit de vous rendre sur la page des films qui vous ont plu. Vous pouvez donner jusqu’à 3 coups de coeur par catégorie en choisissant par ordre de préférence 3 films par catégorie.

A partir du 20 janvier et jusqu’au 7 février, vous pourrez échanger avec les réalisateurs des films sélectionnés sous forme de tchat dans la soirée.

Films en lice dans la catégorie Première création

Heureusement que le temps passe de Ferhat Mouhali

Cet homme-là (est un mille-feuilles) de Patricia Mortagne

Hard to say de Ana Candela

La plaine de Sodome de Yael Perlman

Les corps patients de Jonathan Ricquebourg

Mémoire close de Morgane Nataf et Georges Harnack

City of lights, Portraits d’une génération perdue de Dorothée Lorang et David Beautru

Elles sont belles comme ça de Gaëlle Rio

Fort Intérieur de Chris Pellerin

Voukoum de François Perlier

Films en lice dans la catégorie Films jamais diffusés

Miel et magnésie de Elléonore Loehr

Le Mur de Lancelot Bernheim

La main dans le chapeau de Aleksandra
 Szrajber

Michel de Blaise Othnin-Girard

Tout se passera dans 24 heures de Xavier Claudon

Les gens d’ici de William Denayre et Sébatien Rastoix

Welcome to Thaïland de Jérôme Javelle

Le monde est derrière nous de Marc Picavez

Jour de poussière de Jérémie Reichenbach

NAC, Nos Attirances Complexes de Célia Döring

Bruz. Courts d’écoles

La compétition de films de fin d’études du Festival National du Film d’Animation de Bruz a été l’occasion pour nous de découvrir les talents de demain. Cette compétition a révélé la diversité des médiums et des sensibilités parmi la jeune génération de réalisateurs de films d’animation, avec de l’animation 3D, du dessin et de la peinture animés, ou encore des marionnettes, des figurines et d’autres volumes animés. Les écoles représentées étaient nombreuses cette année avec des écoles comme Supinfocom, l’ENSAD et Emile Cohl très largement représentées. Une fois de plus, ce festival a bien montré que le format court est un espace de recherche et d’expérimentation. Images poétiques, politiques ou hypnotiques, voici quelques exemples qui nous ont interpelés.

La sole, entre l’eau et le sable d’Angèle Chiodo (L’ENSAD)

Sous le regard attendri du public, Angèle Chiodo raconte la lente mutation de la sole et son évolution dans les fonds marins. Fait de bric et de brocs, le film interpelle par l’ingéniosité d’une animation simple mais inventive, pleine de ressources. Parallèlement, alors que la jeune réalisatrice se met en scène en train de réaliser son film, se crée une autre histoire, celle de la relation qui unit cette jeune femme à sa grand-mère, mi-amusée, mi-perplexe face aux expériences saugrenues que mène sa petite fille. « La sole, entre l’eau et le sable » se démarque par son originalité et par l’émotion qu’il dégage, prétextant un cours de science naturelle sur la sole pour évoquer une autre évolution, celle des relations familiales, artistiques et intergénérationnelles. La démarche, non dénouée d’humour et de légèreté, fait appel à notre sensibilité de spectateur, et ouvre les portes d’un monde où l’exploration n’a pas de limite, au-delà des murs de l’appartement dans lequel se déroule le film.

Motha d’Emilie Robin (ENSAD)

Autre film qui nous a pris au dépourvu : « Motha » d’Emilie Robin, subversif et détonnant. Porté par des couleurs roses criardes, tel un bonbon, le film n’a pourtant rien d’une douceur. Il met en scène des personnages « zombifiés », cruels, sous le regard triste de Motha, un jeune garçon traumatisé par le rejet de sa mère et obsédé par la poitrine féminine et le lait auquel il n’a jamais pu gouter. Nourri par une succession de dessins qui rappellent des sitcoms américaines à l’humour acerbe tels que « Family Guy » ou « American Dad », des écritures semblables à des publicités américaines des années 1950, des sons agressifs de téléviseurs et des voix robotisées, « Motha » semble être inspiré des travaux du pop art, évoquant une société gangrénée par la télévision, la dépendance et la surconsommation. Pour info, les dessins ont été réalisés à l’encre de chine, puis animés à l’aide de Photoshop, Flash et After Effect, et le film a remporté la mention spéciale Arte Creative au festival de Bruz.

Caverne de Boris Labbé (EMCA)

La programmation de films de fin d’études de cette année a fait également la part belle aux films expérimentaux, avec notamment deux films de Boris Labbé qui avait déjà obtenu une mention spéciale l’an dernier pour son film « Kyrielle ». Cette année, il a présenté « Cinétique » et « Caverne ». Ce dernier, lauréat du Prix Arte Creative, offre une chorégraphie de formes lumineuses projetées sur des murs. Chaque forme, de même que l’angle de prise de vue, varie en fonction de la musique et évolue au rythme de ses vibrations. Les images projetées évoquent des radiographies, passant d’une forme de squelette à celle d’une mosaïque, et leur enchainement semble dicté par le son caverneux de Zeff in the box, composé par Didier Malherbe. Le film ressemble à une sorte de rituel, à une chorégraphie inquiétante par laquelle il faut se laisser emporter, au risque de se laisser hypnotiser. Une fois de plus, Boris Labbé travaille sur une boucle, une répétition de mouvements où le son joue un rôle fondamental dans la perception des images, et nous invite à effectuer un véritable voyage sensoriel.

Agathe Demanneville

Consulter les fiches techniques de « La sole, entre l’eau et le sable », « Motha » et « Caverne »

C comme Caverne

Fiche technique

Synopsis : Quelque part sous terre, des murs accueillent une étrange chorégraphie de lumière.

Réalisation : Boris Labbé

Genre : Animation, Expérimental

Durée : 6’40 »

Pays : France

Année : 2011

Scénario : Boris Labbé

Image : Boris Labbé

Musique : Didier Malherbe

Animation : Boris Labbé

Montage : Boris Labbé

Production : EMCA

Article associé : notre reportage sur les films d’écoles au festival de Bruz

S comme La Sole, entre l’eau et le sable

Fiche technique

Synopsis : Au cours de l’évolution, la sole est devenue asymétrique. Aujourd’hui, personne ne sait exactement comment cela s’est passé. En 2010, une équipe de chercheurs a tenté de percer ce secret.

Réalisation : Angèle Chiodo

Genre : Animation

Durée : 15′

Année : 2011

Pays : France

Scénario : Angèle Chiodo

Image : Angèle Chiodo

Animation : Angèle Chiodo

Musique pré-existante : Maurice Ravel

Musique : Julien Carton

Mixage : Christian Phaure

Interprétation : Colette Macret

Voix : Angèle Chiodo

Production : ENSAD

Articles associés : notre reportage sur les films d’écoles au festival de Bruz, notre reportage sur les 35èmes Rencontres Henri Langlois

Format Court à la recherche de petites mains et de grandes idées

Depuis déjà quatre ans (eh oui), Format Court fonctionne selon un modèle bénévole. Aujourd’hui, nous faisons appel à vous. Que vous soyez bénévole, stagiaire ou volontaire, si vous avez une bonne connaissance du court métrage, un peu de temps, des qualités humaines (curiosité, ouverture, …) et professionnelles à consacrer à notre projet, nous vous proposons de nous rejoindre et de participer au développement de Format Court. N’attendez plus, faites-vous remarquer !

Nos besoins : de nouveaux auteurs

Afin de donner toujours plus de visibilité aux films et aux festivals, de couvrir au mieux l’actualité riche et constante du court, notre équipe rédactionnelle souhaite s’agrandir et recruter de nouveaux rédacteurs, étudiants en cinéma, critiques en herbe ou « simples » cinéphiles.

Dites-nous pourquoi vous souhaitez écrire pour le site, faites-nous part de vos qualifications, centres d’intérêt et/ou expériences personnelles en lien avec votre candidature, et envoyez-nous la critique d’un court métrage que vous avez aimé.

Nos besoins : un(e) chargé(e) de communication

Pour communiquer autour du site, des Prix et des soirées Format Court au Studio des Ursulines, nous sommes à la recherche d’une personne sociable, autonome, intéressée par le cinéma et sa diffusion, jouissant d’une bonne expression écrite, de compétences informatiques (Photoshop, Indesign, WordPress) et d’une expérience préalable dans le secteur de la communication. Les tâches recouvrent la recherche de partenariats, la rédaction et l’envoi de newsletters et de communiqués de presse, la mise à jour de la mailing list, la création de visuels (bannières, logos, affiches), etc.

Nos besoins : un(e) chargé(e) de financements

L’activité de Format Court est aujourd’hui reconnue par les professionnels et le public du court métrage. Dans l’optique d’un élargissement de ses financements (pour le site internet, les séances/rencontres au Studio des Ursulines, le développement de nouvelles actions autour du court métrage), Format Court recherche une personne qui pourra s’investir dans la recherche de partenaires financiers, institutionnels ou mécènes. Il s’agira notamment d’identifier les partenaires potentiels, de préparer des dossiers de demande de soutien et de démarcher diverses entreprises, associations, institutions culturelles en mesure de soutenir Format Court.

Intéressé(e) par l’une ou l’autre de ces propositions ? Contactez-nous : info@formatcourt.com

Tal Yehoudai : « Je parle de la solitude, de la difficulté de la vie adulte, de la vie de femme, de ce qui se passe quand on grandit »

Sélectionné pour concourir dans la compétition internationale aux 35èmes Rencontres Henri Langlois, « A Year After » est un film troublant qui parle de la difficulté de se reconstruire après un deuil. La solitude y est dépeinte comme une longue peine dont le personnage principal décide de s’extraire à force de volonté et d’expériences nouvelles.

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© FB

« A Year After » a été réalisé dans le cadre des études de Tal Yehoudai à l’école Minshar for Art de Tel Aviv. Très dynamique dans le domaine de l’audiovisuel, cet établissement promeut et encourage l’action artistique dans son environnement social et politique (voir notre ancien focus sur les écoles israéliennes).  Avec son film, Tal Yehoudai propose une réalisation en totale cohérence avec l’éthique de son école. Elle pose son regard sur un fait de société – le veuvage, le deuil – et l’ancre, en toile de fond, dans le contexte politique complexe qui oppose Israël et Palestine. Le point de vue de cette très jeune réalisatrice sur la mort, ou plutôt sur son contrepoint, ceux qui restent, est incarné à l’écran par un personnage central, une femme sexagénaire nommée Neomi.

Après la mort de son mari, cette femme se retrouve isolée, ses enfants sont partis. Elle n’est plus ni vraiment mère ni vraiment femme et doit se reconstruire. Tal Yehoudai filme au plus près Neomi dans ce long processus qu’est le sien pour retrouver du sens à sa vie. Le film dépeint en vingt minutes l’évolution de cette femme. Tout commence par le constat qu’elle fait de sa propre solitude qui s’est insinuée doucement pendant sa première année de veuvage, le temps du deuil sans doute. Démunie mais consciente, elle provoque les choses et se provoque pour avancer et se retrouver autonome dans sa vie. On assiste à une belle transformation où la veuve cherche à redevenir femme même si cela lui en coûte. Tal Yehoudai filme avec beaucoup de pudeur une scène où Neomi passe à l’acte avec Salar, un homme palestinien qui à lui aussi perdu sa famille. Même si cet acte ne lui apporte pas le réconfort escompté, Neomi peut alors commencer sa nouvelle vie, elle se sent capable d’accomplir des choses pour elle et par elle-même. Le film se conclut par une séquence où Neomi apparaît non plus comme une femme éplorée mais comme une sexagénaire battante au regard fier. Interview.

Tal, pouvez-vous expliquer pourquoi vous avez choisi de traiter le sujet du deuil pour votre film d’études ?

En fait, je crois qu’il y a plusieurs sujets dans le film. Je parle de la solitude, de la difficulté de la vie adulte, de la vie de femme, de ce qui se passe quand on grandit. Cela m’a pris du temps pour comprendre pourquoi j’avais choisi ces thèmes pour mon film et pourquoi je les avais traités à travers le regard d’une veuve d’une soixantaine d’années. Mais au final, je crois que ces thèmes sont communs à tous. Il s’agit là d’une femme âgée mais le personnage principal aurait également pu être une jeune femme comme moi. Le fait est que nous sommes tous à la recherche d’une personne qui nous aimera et nous apportera un certain confort et de l’attention.

Dans le film, il est question d’un passage, d’un grand changement de vie pour cette femme qui se retrouve seule après la mort de son mari et dont les enfants sont partis depuis longtemps. Elle était femme et mère et doit, après ce deuil, se retrouver en tant qu’individu, se reconstruire dans sa vie. Je pense que ce sujet est assez universel.

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Dans le film, on voit en effet cette femme qui éprouve une grande difficulté à trouver un nouveau sens à sa vie mais qui malgré tout tente de changer…

Elle a vécu toute sa vie selon un même mouvement, s’est mariée très jeune, a eu des enfants, et maintenant tout le monde est parti et elle doit trouver un nouveau sens à sa vie. Elle choisit, pour se prouver quelque chose sans doute, d’aller voir un autre homme. Salar, le personnage de l’homme palestinien, pourrait être quelqu’un qui l’aiderait car il se retrouve lui aussi dans une situation de veuvage et dans une solitude similaire. Pourtant, elle ne trouvera pas de réelle solution dans cette relation charnelle, mais un début d’ouverture sur une nouvelle vie.

Pouvez-vous revenir sur la dernière séquence du film où la femme se retrouve à table avec ses enfants qui récitent une prière ? Son regard semble perdu dans une réflexion lointaine.

Cette séquence est assez ouverte, il peut y avoir plusieurs interprétations je pense. Pour moi, il s’agirait plutôt d’une sorte de conclusion, une marque du changement qui s’est opéré pour la femme après la relation qu’elle a eue avec Salar. Maintenant, elle sait qu’elle peut mener sa propre vie. Sa famille reste importante, mais maintenant elle sait qu’elle peut faire des choses par elle-même et pour elle, même si cela n’est pas simple.

La séquence où la femme se regarde et détaille son corps dans le miroir de sa chambre est très touchante, on sent tout le mal-être du personnage qui s’incarne dans ce corps flétri et débordant…

Je pense que pour les femmes, il est plus difficile d’accepter leur apparence que pour les hommes. Toute notre vie, nous tentons de montrer littéralement le meilleur de nous. Dans le film, la femme a toujours essayé d’être une bonne femme et une bonne mère, mais aujourd’hui elle est vieille et son corps reflète le temps qui a passé.

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Le rôle de la femme est central dans le film, la narration tourne autour d’elle, comment avez-vous travaillé avec la comédienne ?

Ce fut un long processus, nous avons beaucoup parlé. Pendant le casting, je n’ai pas voulu faire jouer aux comédiennes un texte particulier. J’ai plutôt discuté avec chacune d’elles à la recherche d’une sorte de connexion. Quand j’ai trouvé ma comédienne, le travail a été assez long et difficile car dans la vie elle est exactement l’opposé de la femme qu’elle joue dans le film ! La scène de sexe a aussi été très difficile à tourner pour elle.

Dans votre façon de filmer, on sent que vous portez une grande attention au cadre…

Oui, j’ai cherché à montrer l’isolement et la solitude de la femme à travers l’image. Dans le film, elle est souvent bord cadre comme si elle était presque extérieure au monde qui l’entoure. Mais quand elle commence à «s’intéresser» à elle, son corps revient au centre de l’image comme dans la scène devant le miroir ou lorsqu’elle est avec Salar.

Quels sont vos projets ?

J’ai écrit un synopsis pour un long métrage. Pour l’instant, je suis à la recherche de fonds pour écrire le scénario.

Propos recueillis par Fanny Barrot

Consulter la fiche technique du film

Les Lutins du court métrage, les nominations 2013

Les Lutins du court métrage ont fait connaître leurs nominations 2013 : 25 films sont concernés dont 16 films de fiction, 4 films documentaires et 5 films d’animation. Si vous désirer participer au vote public ou au vote professionnel et recevoir le coffret DVD 2013 réunissant tous ces films, rendez vous sur le site des Lutins. Pour info, les nominés sont exclus du vote.

Fictions

Boro in the Box de Bertrand Mandico

Ce n’est pas un film de cow-boys » de Benjamin Parent

Ce qu’il restera de nous de Vincent Macaigne

– Deux inconnus de Christopher Radcliff et Lauren Wolkstein

Fais croquer de Yassine Qnia

– Jean-Luc Persécuté de Emmanuel Laborie

– Je sens le beat qui monte en moi de Yann Le Quellec

Junior de Julia Ducornau

– La tête froide de Nicolas Mesdom

La vie parisienne de Vincent Dietschy

Le Cri du homard de Nicolas Guiot

– Le Monde à l’envers de Sylvain Desclous

– Les chiens verts de Mathias Rifkiss et Colas Rifkiss

Les Meutes de Manuel Schapira

Sur la route du paradis d’Uda Benyamina

Vilaine fille mauvais garçon de Justine Triet

Documentaires

– ABCDEFGHIJKLMNOP(Q)RSTUVWXYZ de Valérie Mrejen et Bertrand Schefer

Jeunesses françaises de Stéphan Castang

La source de Mirabelle Fréville

– Retour aux sources de Bernard Blancan

Animations

Edmond était un âne de Franck Dion

Fleuve rouge, Song Hong de Stéphanie Lansaque, François Leroy

Kali le petit vampire de Regina Pessoa

Oh Willy d’Emma de Swaef et Marc Roels

Tram de Michaela Pavlátová

Joyeux Anniversaire, le site !

Et voilà, Format Court a quatre ans (= noces de cire) depuis le 9 janvier 2013. Chaque année, à cette période, au moment de rédiger l’édito, j’ai pour habitude de revenir en arrière et de relire le tout premier article du genre, celui qui a officialisé les débuts du site. Le 9 janvier 2009, l’édito s’appelait « édito » (un titre comme un autre !) et ne se concevait pas comme un site exhaustif sur le court ni comme un annuaire ou un portail d’actualité, mais comme un regard critique et personnel sur le cinéma bref. En cliquant, j’ai retrouvé notre tout premier visuel. Points de vue, recherches formelles, originalité, nouvelles images, inventivité, brièveté, fantaisie : nous avions terriblement envie de parler de tout cela à la fois. En quatre ans, j’espère que nous avons pu un peu nous rapprocher de ces mots-clés en vous faisant découvrir des oeuvres et des auteurs importants à nos yeux.

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© Gwendoline Clossais

Le premier « numéro » de Format Court proposait entre autres d’en savoir plus sur le FIDEC et le festival Média 10-10, deux festivals de courts métrages belges, que nous avons continué à couvrir, édition après édition. Avec le temps et les nouveaux contributeurs, les sujets se sont multipliés. Le site compte aujourd’hui plus de 700 actualités et 700 fiches techniques, près de 400 critiques de films, plus de 150 interviews et près de 130 focus consacrés aux festivals et personnalités du court métrage.

À nos débuts, nous ne pouvions prévoir notre parcours en courts, le développement des Prix et des coups de cœur Format Court remis en festivals (Anima/Bruxelles, Vendôme, Paris Courts Devant, Média 10-10/Namur, Court Métrange/Rennes) ou encore l’existence des soirées Format Court, chaque deuxième jeudi du mois au Studio des Ursulines, un cinéma indépendant parisien du 5ème (pour vous faire une idée de la dernière séance, celle de notre anniversaire, cliquez ici).

L’année écoulée nous permet de vous proposer un beau bilan : nous avons rejoint le Comité Court Métrage de l’Académie des Arts et Techniques du Cinéma, nous sommes devenus partenaires du concours de courts organisé par l’émission Libre Court (France 3), et nous avons initié de nouveaux prix Format Court, l’un au festival de Brest, l’autre au festival Silhouette.

Ce début d’année s’annonce tout aussi intéressant. Nous serons partenaires du Forum Audiovisuel de la Jeunesse (GENERATOR) proposé par le réseau européen de jeune cinéma NISI MASA à Strasbourg à la fin du mois et en février, et nous retrouverons après un an d’absence le festival Anima pour un nouveau Prix Format Court (dans la catégorie films d’écoles européens, cette fois).

Entre les deux, nous couvrirons, dans le cadre d’un partenariat média privilégié, la prochaine édition du festival de Clermont-Ferrand, la 35ème, à travers un focus en ligne renouvelé plusieurs fois par jour. À Clermont, toujours, nous serons proches de la SRF (Société des Réalisateurs de Films) puisque nous modérerons un débat le 5 février autour de la diffusion européenne des œuvres de court métrages. Tous ces évènements ne manqueront pas d’être explicités sur le site, n’hésitez donc pas à revenir régulièrement sur vos pas à cet effet.

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© Alexei Alexeev

Après les chiffres et les projets, place aux remerciements. Format Court, nous le rappelions encore à notre dernière projection, est un projet collectif. Si le site a eu (et a encore) droit à un bon anniversaire, ses rédacteurs et ses petites mains ont eux aussi tout autant droit à tous vos encouragements. Merci donc, encore et toujours, à Marie Bergeret, Adi Chesson, Amaury Augé, Fanny Barrot, Julien Beaunay, Marion Cécinas, Agathe Demanneville, Dounia Georgeon, Xavier Gourdet, Nadia Lebihen-Demmou, Mathieu Lericq, Camille Monin, Géraldine Pioud, Julien Savès et Franck Unimon pour leur goût du court et leur chouette lien à Format Court !

L’année prochaine, Format Court aura 5 ans et fêtera, si tout va bien, ses noces de bois. D’ici là, les « formatcourtois » vous souhaitent à toutes et à tous une belle et heureuse année 2013, riche en audace, en innovation et en courts (bien évidemment) !

Katia Bayer
Rédactrice en chef

Rencontres Henri Langlois, il était une fois une sole et un puma

Cette année, les Rencontres Henri Langlois de Poitiers ont innové en proposant aux spectateurs d’assister aux délibérations du Jury du Syndicat Français de la Critique. Entre argumentaire cinématographique acerbe et échange de points de vue personnels, les trois jurés, Marie-Pauline Mollaret, Francis Gavelle et Bernard Payen, ont su captiver pendant plus d’une heure les courageux festivaliers qui s’étaient levés tôt un samedi matin. Retour sur ce moment critique.

Edition 2012 : les tendances de la saison

Au delà de l’anecdotique décor récurrent qui tire son épingle du jeu annuellement – cette année c’était la piscine, vide dans « Non-Swimmers » du Tchèque Jakuk Smid, pleine dans « Swimming Pool » de Puangsoi Aksornsawang (Thaïlande), avec ou sans nageurs – les deux tendances majeures de la sélection étaient sans aucun doute la forte représentation de l’animation et des films réalisés par des écoles d’Amérique du Sud.

En effet, plusieurs films d’animation avaient marqué la sélection par leur traitement ambitieux et original tant en termes de forme que de fond comme « Anomalies » de Ben Cady (Royaume-Uni) qui surprend par un minimalisme formel d’une intensité déroutante. D’autre part, le cinéma dit « latino » a occupé une bonne place dans les films présentés cette année et était assez remarquable par sa qualité. Comme l’année précédente, un long métrage était en compétition et cette année, il s’agissait d’un film mexicain « Entre la noche y el dia » de Bernardo Arellano. Cette tendance est visible au-delà du festival puisque le cinéma mondial est impacté par les nouvelles propositions sud-américaines.

Les tops 3 des critiques : de la difficulté d’extraire 3 films d’une sélection de 40 courts métrages (+ un long)…

En amont des délibérations, chaque critique a élaboré sa propre pré-liste qu’il confronte pendant l’exercice à celles des deux autres jurés. Pour Marie-Pauline Mollaret, critique pour le magazine Ecrannoir.fr, un trio de tête apparaît (« Letargo » de Sebastian Palominos (Chili), « La sole entre l’eau et le sable » d’Angèle Chiodo (France), « Pude ver un puma » d’Eduardo Williams (Argentine) et quatre films en plus sont remarquables (« Men of the Earth » d’Andrew Kavanagh (Australie), « Swimming Pool » de Pusansoi Aksornsawang (Thaïlande), « Après guerre » Valentin Kemner et Sophie Reinhard (Suisse), « So It Goes » de Anti Heikki Pesonen (Finlande).

Bernard Payen, responsable de programmation à la Cinémathèque française et fondateur du webmag Objectif Cinéma, à la recherche d’une rencontre entre le spectateur et le film, privilégie « La sole entre l’eau et le sable » d’Angèle Chiodo (France), « Pude ver un puma » d’Eduardo Williams (Argentine) et « Neige tardive » (Utan Snö) de Magnus von Horn (Pologne). Il garde des films en plus pour leur intérêt formel ou leur sujet : « Terra » de Piero Messina (Italie), « Dusty Night » d’Ali Hazara (France, Aghanistan), « Toucher l’horizon » d’Emma Benestan (France) et « Le fils du blanc » de Maxence Robert (Belgique).

Francis Gavelle, producteur à Radio Libertaire et sélectionneur des courts métrages à La Semaine de la Critique entre 2001 et 2011, oriente son choix vers les films de la contamination, ceux qui traitent à priori d’un sujet léger ou simple mais finissent par porter le spectateur vers un thème plus dense. Dans son top 3, se côtoient « La sole entre l’eau et le sable » d’Angèle Chiodo (France), « Anomalies » de Ben Cady (Royaume-Uni) et « Letargo » de Sebastian Palominos (Chili). Il retient comme films supplémentaires « Cuerda al aire » de Marcel Beltran (Cuba) et« Kuhina » de Joni Männistö (Finlande).

Dès cette phase de pré-sélection, les membres du jury furent assez d’accord sur les films à retenir et sur lesquels discuter. Ce premier tour mettait en évidence l’accord unanime sur le film d’Angèle Chiodo « La sole entre l’eau et le sable » qui apparaissait dans le top 3 de chaque juré. Pour autant, un autre film créa le débat chez les jurés : « Pude ver un puma ». Le film captiva complètement Marie-Pauline Mollaret et Bernard Payen mais laissa Francis Gavelle « en réflexion » selon ses propres termes.

Les idées sur le puma…

Si le film d’Eduardo Williams rassembla les suffrages des trois critiques sur la question de la maîtrise technique, un point de désaccord fut soulevé par Francis Gavelle qui vit dans « Pude ver un puma » un film qui « joue sur l’épate ». L’épate d’un décor magnifique qui accroche forcément et facilement le spectateur. L’épate d’une mise en scène qui montre tout ce que le réalisateur sait faire comme avec la scène d’ouverture où plusieurs protagonistes évoluent sur les toits terrasses en sortant du cadre, rentrant de nouveau et ce de façon très bien menée à l’image. Pour lui, la proposition cherche à impressionner le spectateur. Ce qui l’a laissé extérieur au film…

A contrario, pour Bernard Payen, « Pude ver un puma » est un film qui offre des pistes de narration multiples, on peut y saisir plusieurs grilles de lecture. C’est un film très sensible, qui touche physiquement et happe le spectateur. On a l’impression que le film a commencé avant que l’on arrive, le spectateur est là comme « à l’improviste ». L’univers créé par Eduardo Williams est extrêmement personnel, esthétiquement très réussi. Le climat apocalyptique est bien amené. Pour Marie-Pauline Mollaret, c’est un film qui apporte de la nouveauté et un point de vue très personnel, et qui est inscrit dans un cinéma du ressenti. Qui plus est, elle pointe un autre aspect du film qui joue sur la difficulté pour ces jeunes de communiquer dans ce monde, c’est un sujet très actuel à ses yeux.

L’accord unanime et le consensus

Finalement, le choix du prix du Jury du Syndicat de la Critique aura été plutôt simple à décider puisqu’un film, et un seul, faisait l’unanimité dès le départ : « La sole entre l’eau et le sable ». Un film plébiscité pour son côté culotté, atypique et déroutant. Pour Francis Gavelle, ce film qu’il qualifie « de la contamination » est intéressant dans sa bascule d’un sujet anodin, le poisson, à un thème plus intéressant, la grand-mère, qui vient petit à petit parasiter le premier sujet. Le film n’est pas sérieux mais ne tombe pas non plus dans la boutade. Il est très touchant.

Mais après avoir passé la plus grande partie de la délibération à débattre autour du film « Pude ver un puma », comment ne pas le valoriser dans la remise des prix ? Chose pratique pour tout bon jury qui se respecte : l’appel à la mention !

Fanny Barrot

Ali Hazara : « À travers les trois hommes de mon film, c’est toutes les personnes qui veulent voir changer l’Afghanistan que je montre, et j’en fais partie »

Présenté en compétition internationale aux 35èmes Rencontres Henri Langlois, « Dusty Night » d’Ali Hazara, un film documentaire qui traite de la condition sociale actuelle en Afghanistan, y a remporté le prix Amnesty International. Il fait partie de ces films dont on a entendu parlé sans les voir faute d’écrans suffisamment audacieux pour proposer du court métrage documentaire et ce malgré un grand prix du court métrage au festival Cinéma du Réel en 2012. Alors, le voir programmé aux Rencontres Henri Langlois provoque autant de plaisir que de respect pour les sélectionneurs. Le film a été réalisé dans le cadre des ateliers Varan en Afghanistan. Si ceux-ci sont connus pour former au cinéma documentaire en France, on sait peut être moins que, depuis le début, ils existent également à l’étranger et depuis 2006 à Kaboul. Il est suffisamment rare de voir l’Afghanistan au cinéma pour que ce seul sujet suscite l’intérêt du spectateur, mais au-delà de cela, « Dusty Night » est un film politique où le réalisateur pointe du doigt un pays qui n’arrive pas à se reconstruire et subit les affres des économies souterraines.

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© DR

Ali, pourquoi avez-vous fait le choix de filmer trois hommes-balayeurs en Afghanistan pour votre film d’études ?

En réalité, ces trois hommes représentent plus que trois individus isolés, ils figurent une communauté. Les trois personnages du film sont un père et ses deux fils. J’ai choisi de filmer ces hommes comme des ombres. Ces personnages veulent en quelque sorte nettoyer les choses autour d’eux. Ces hommes-balayeurs souhaitent rendre leur pays « propre » au sens propre comme au figuré. A travers ces trois hommes, c’est toutes les personnes qui veulent voir changer l’Afghanistan que je montre, et j’en fais partie.

Le fait de balayer le sable, la poussière semble être un acte vain, presque sisyphéen. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce mouvement, sur cette matière que les balayeurs chassent et qui revient inexorablement ?

J’ai vécu pendant dix ans en Afghanistan et pendant toute cette période les gens parlaient sans cesse des changements qui devaient se produire dans le pays mais rien ne se passait vraiment. Le sable, la poussière qui revient toujours, c’est un peu le symbole de cette immutabilité. Même si les balayeurs tentent d’ôter la matière, elle revient toujours… Et puis, dans la culture afghane on dit que les hommes sont faits de sable. Il existe un vrai antagonisme entre deux états du sable : la matière qui crée la vie dans l’imaginaire traditionnel et aussi celle qui tue la population dans la réalité. Le sable est également le symbole de l’aveuglement dans le film. Quand cette matière se mêle au vent, il se crée une sorte de « fog » qui empêche les hommes de voir. C’est un peu la représentation pour moi de la société afghane actuelle, tout y est trouble.

Il y a quelque chose de très tranché dans la mise en scène du film entre l’ouverture sur un paysage désertique ou règne la quiétude et la ville bruyante et sale. Cette opposition semble souligner la différence de condition de vie des hommes entre le désert et la ville.

En fait, il ne s’agit pas du désert mais d’un cimetière. J’ai filmé cet endroit comme le souvenir d’un lieu qui n’existe plus. À l’inverse, les nouveaux espaces existants sont ceux de la ville. Les balayeurs y sont dépeints comme des fantômes, filmés en contre-jour, ce ne sont que des ombres dans l’univers urbain. Paradoxalement, dans le cimetière ces personnages sont heureux et vivants, les enfants jouent, la vie bat son plein…

Le film est assez taiseux, seuls deux moments sont ponctués de voix off et il n’y a qu’un seul dialogue, celui où le père évoque la question du travail avec ses fils. Quelle est la place du travail dans la société Afghane ? Est-ce la dernière valeur sur laquelle compter pour survivre ?

C’est exactement ça. Les enfants afghans n’ont plus vraiment d’enfance. Dans le film, le père explique à ses fils qu’ils n’iront pas à l’école d’une part car ils n’en auront pas les moyens, mais également car leur père ne le souhaite pas. Pour survivre il faut travailler, s’éduquer ne sert à rien à ses yeux. Les enfants doivent faire comme les adultes : travailler très jeunes pour survivre. C’est comme cela en Afghanistan.

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Dans le film, une part importante est dédiée au pétrole, au gaz, des ressources naturelles abondantes en Afghanistan, pourquoi ?

En fait, géographiquement l’histoire se déroule autour d’une station-service qui fait en quelque sorte vivre la ville. Je souhaitais montrer toute l’importance de cette énergie dans l’économie afghane. Le pétrole organise la vie économique et de fait la vie sociale. Bien entendu, les sources d’énergie sont importantes dans chaque pays mais en Afghanistan elles sont la cause de la destruction du pays.

Qu’en est-il de la musique et des sons dans « Dusty Night » ?

Les sons représentent réellement 50% du film à mon sens. Dans la ville, j’ai construit l’ambiance sonore comme s’il s’agissait d’une vague. On peut saisir le mouvement de cette vague dans le geste des balayeurs mais également dans la circulation automobile qui créée un son comme le flux et le reflux de l’océan. C’est ce qui donne le rythme du film.

Les femmes sont totalement absentes des lieux que vous filmez, pourquoi ?

En Afghanistan, les femmes ne sont pas censées apparaître en public, c’est pour ça que j’ai choisi de ne pas montrer de femmes dans mon film. Et la réalité, c’est qu’une fois la nuit tombée, aucune femme ne sort plus dans la rue. Elles sont en danger en Afghanistan et si les talibans reviennent, ils ne chercheront jamais à négocier quoi que ce soit autour de leurs conditions de vie.

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Vous avez tourné ce film il y a environ un an. Etes-vous retourné depuis en Afghanistan ?

Non, pas depuis la fin de tournage du film. En revanche, le film a été montré là-bas, mais le public vit la situation décrite au quotidien et n’a donc pas eu de réaction particulière après la projection.

Avez-vous des projets de réalisation?

Je travaille sur une série de quatre films dont « Dusty Night » fait partie, c’est le premier. Dans la culture afghane, le monde est représenté autour de quatre éléments : la terre, l’eau, le vent et le feu. Vous avez vu le sable/la terre, les trois autres suivront. Le prochain film sera axé autour de l’eau.

Propos recueillis par Fanny Barrot

Consulter la fiche technique du film