Topo glassato al cioccolato de Donato Sansone

Donato Sansone avait déjà été repéré avec son animation précédente « Videogioco » qui avait fait le tour des festivals dont celui d’Anima. Il revient au Festival d’Animation de Bruxelles avec son nouveau court, « Topo glassato al cioccolato », une pépite audacieuse et ténébreuse.

Entièrement construite à partir de dessins au crayon noir, cette très courte animation en 2D présente une panoplie d’images en constante métamorphose, plus cauchemardesques qu’oniriques, sexuelles, parfois violentes et des associations tantôt claires tantôt obscures (un coup de balle éclate dans la tête d’un homme; une personne androgyne en sort; à son tour, celle-ci se divise en deux et déclenche une volée d’oiseaux qui se transforme en poissons; un mystérieux lapin observe toute la scène). Dans cette fantasmagorie décousue, abondant en « symboles de la métamorphose » à la Jung, la cohérence est assurée par la bande son. Austère et puissante, celle-ci conduit les différents détails visuels et les transitions des fois abruptes, notamment les passages entre les éléments de l’air, de l’eau et du feu.

Conforme à son pseudonyme entre pathologique et angélique, Milkyeyes (yeux opaques ou rêveurs, c’est selon), le jeune animateur italien aime manifestement provoquer. À l’instar du flip-book animé en volume qu’était « Videogioco », « Topo glassato » n’a rien d’innocent. Le titre non appétissant se traduit comme « souris glacée au chocolat », sous-entendant un jeu de mots emprunté de l’anglais entre mouse et mousse, mais défaillant autant en italien qu’en français. Au-delà d’un exercice de style, qu’il faut reconnaître comme très réussi, le film se prête à une lecture complexe : les identités plurielles, l’être fractionné, le cycle de la création, la mort et la renaissance… Sansone semble creuser au fond de lui-même pour nous livrer un portrait déroutant de la psyché collective.

Adi Chesson

Consultez la fiche technique du film

T comme Topo glassato al cioccolato

Fiche technique

Synopsis : Vision onirique, sombre et surréaliste dans laquelle les éléments s’emmêlent sur eux-mêmes et se poursuivent dans une scène sans fin.

Genre : Animation

Pays : Italie

Année : 2012

Durée : 2’30 »

Réalisation : Donato Milkyeyes Sansone

Scénario : Donato Milkyeyes Sansone

Image : Donato Milkyeyes Sansone

Son : Enrico Ascoli

Musique : Enrico Ascoli

Montage : Donato Milkyeyes Sansone

Animation : Donato Milkyeyes Sansone

Production : Donato Milkyeyes Sansone

Article associé : la critique du film

Festival Anima 2013 : Prix Format Court du meilleur film d’étudiants attribué à « I Am Tom Moody » de Ainslie Henderson

À l’occasion de la 32ème édition du festival d’animation de Bruxelles (Anima, 8-17 février 2013), Format Court a attribué son deuxième Prix Format Court, après « Tussilago », remis à Jonas Odell en 2011, dans la catégorie films professionnels.

Cette année, le Jury, composé d’Agathe Demanneville, Nadia Lebihen-Demmou et Géraldine Pioud, s’est intéressé à la compétition internationale des films d’étudiants.

À la clôture du Festival, qui s’est déroulée hier soir à Bruxelles, le Prix Format Court a été attribué à Ainslie Henderson pour son film, « I Am Tom Moody » (Edinburgh College of Art, Ecosse), « pour sa sensibilité, l’expressivité de ses marionnettes animées, et le travail de qualité effectué sur le son.

Les membres du Jury se sont laissé porter par l’habile jeu autour de la multiplicité des voix, celle de l’enfant, de l’adulte, ou de l’artiste angoissé, des voix qui les ont fait voyager dans le subconscient de Tom Moody, et qui les ont incitées à retourner chercher, tout comme lui, l’enfant et le rêveur qui sommeillent en chacun de nous ».

Ainslie Henderson bénéficiera d’un focus personnalisé sur le site ainsi que d’une projection de son film jeudi 09 mai 2013 dans le cadre des soirées Format Court, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème).

I Am Tom Moody, Ainslie Henderson , GB, 2012, 6’55’’

Synopsis : Une virée surréaliste dans le subconscient d’un musicien étouffé qui voudrait chanter.

Festival Anima 2013 : le palmarès

Ce dimanche 17 février 2013, s’est clôturé la 32e édition du Festival Anima, le festival international du film d’animation de Bruxelles. En voici le palmarès.

COMPETITION INTERNATIONALE

Prix décernés par le jury

Grand Prix Anima 2013 offert par la Région Bruxelles Capitale : « Feral » de Daniel Sousa

Prix Anima 2013 du meilleur court métrage, catégorie films professionnels : « Palmipedarium » de Jérémy Clapin

Mention spéciale: « The People Who Never Stop » de Florian Piento

Prix Anima 2013 du meilleur court métrage, catégorie films d’étudiants : « Pripad / The Case » de Martin Zivocky

Mention spéciale : « Soeur et frère » de Marie Vieillevie

Prix Anima 2013 du meilleur clip vidéo : Converse “Doyathing” de Jamie Hewlett

Prix Anima 2013 du meilleur film publicitaire : Russian Railways “175 years of Russian Railways” de Alexander Petrov et Dima Petrov

Prix Anima 2013 du meilleur court métrage, catégorie films pour jeune public  (jury Radio Bobo) : « The Fantastic Flying Books of Mr Morris Lessmore » de William Joyce et Brandon Oldenburg

Mention spéciale : « L’Automne de Pougne » de Pierre-Luc Granjon et Antoine Lanciaux

Prix décernés par le public

Prix Fluxys du meilleur court métrage : « Fear of Flying » de Conor Finnegan

Prix du public pour le meilleur court métrage, catégorie films pour jeune public : « L’Automne de Pougne » de Pierre-Luc Granjon et Antoine Lanciaux

Prix du public du meilleur court métrage de la nuit animée : « Oh Sheep! » de Gottfried Mentor

Prix du public du meilleur long métrage, parrainé par FedEx : « Le Voyage de Monsieur Crulic » de Anca Damian

Prix du public du meilleur long métrage jeune public : « Tad l’Explorateur. A la recherche de la cité perdue » d’Enrique Gato

Prix décernés par les partenaires

Prix BeTV du meilleur long métrage : « Le Voyage de Monsieur Crulic » de Anca Damian

Prix Format Court du meilleur court métrage, catégorie films d’étudiants : « I am Tom Moody » de Ainslie Henderson

COMPETITION NATIONALE

Prix décernés par le jury

Grand Prix de la Fédération Wallonie -Bruxelles : « Deux Îles » d’Eric Lambé, Adrien Cellieres, Nicolas Debruyn, Florian Guillaume, Guillaume Franck, Sarah Heinrich, Lucile Martineau, Gilles Pirenne, Valery Vasteels

Prix de la SACD : « Oh Willy… » de Emma de Swaef et Marc James Roels

Prix de la Sabam : « De Wake »  de Pieter Coudyzer

Prix TVPaint du meilleur court métrage étudiant belge : « Deux Îles » d’Eric Lambé, Adrien Cellieres, Nicolas Debruyn, Florian Guillaume, Guillaume Franck, Sarah Heinrich, Lucile Martineau, Gilles Pirenne, Valery Vasteels

Mention spéciale du jury de la compétition nationale : « Betty’s Blues » de Rémi Vandenitte

Prix décernés par les partenaires

Prix BeTv : « Maintenant il faut grandir » de Bruno Tondeur

Prix RTBF – La Trois : « Betty’s  Blues » de Rémi Vandenitte

Prix Cinergie :  « Oh Willy… » de Emma de Swaef et Marc James Roels

Nicolas Jacquet : « À l’inverse de l’animation classique qui joue sur les contours et sur les formes, je cherche l’animation à l’intérieur du sujet animé. Je veux qu’on sente un poids, qu’il y ait une existence palpable, un défaut »

Film d’anticipation d’une noirceur troublante sur les difficultés de la survie en temps de crise, le film « Peau de Chien » était ces derniers jours en compétition dans le programme national du 35ème Festival de Clermont-Ferrand. L’auteur, Nicolas Jacquet, nous parle de son travail, un cinéma d’animation en photos découpées.

nicolasjacquet

Peux-tu nous parler de ton parcours personnel ?

J’ai d’abord commencé aux Beaux-Arts à Nantes. Mais en fait j’étais surtout intéressé par les installations vidéo, ce qui à l’époque se faisait assez peu. Je suis donc entré à l’école des Gobelins à Paris où j’ai suivi une excellente formation technique. Il faut dire qu’à cette époque, la formation n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui, et, à la fin de mes études, quand j’ai commencé à faire des courts métrages, j’ai dû apprendre pas mal de choses tout seul. Ensuite, j’ai beaucoup travaillé dans les studios à Paris où je gagnais bien ma vie, mais je me sentais loin de mes ambitions créatives. Je suis alors allé à Laval où il n’y avait pas de travail. Ca m’a obligé à aller au fond de ce que je voulais faire. Je m’étais mis en danger et il fallait m’en sortir. C’est ce qui m’a amené à trouver des projets, des financements et à me réaliser.

Tes films sont réalisés en photos découpées. Peux-tu nous parler de la façon dont tu procèdes techniquement ?

J’écris mes histoires et ensuite, à partir du storyboard, je fais un découpage technique. Je focalise d’abord mon travail sur les personnages et le storyboard me permet de voir tout ce dont je vais avoir besoin : les tailles de personnages, les angles de prise de vue, les dimensions, les détails. Je cherche autour de moi les gens qui m’intéressent. Je fonctionne beaucoup à l’affectif, et en général, les gens que je photographie sont des personnes que je connais et que j’aime bien. Ensuite, un peu comme cela se fait en 3D pour imprimer du volume, je photographie mes modèles sous tous les angles pour avoir la gamme de position de regards ou de bouches nécessaire. Après ça, je découpe mes photos et j’anime sur un banc-titre avec des baguettes. Le travail sur les décors et les fonds vient après en jouant avec des codes et des repères que tout le monde connaît. Pour le moment j’aime bien travailler sur les détails. Un peu comme dans les films d’Hitchcock, j’aime bien glisser des indices discrets dans l’image. Par exemple dans « Peau de Chien », à la fin du film, le rideau du boucher est en dentelle mais on pourrait presque voir des petites têtes de mort mexicaines à l’intérieur. De même, quand le chien arrive devant la maison du boucher, les fils électriques dans la rue forment comme une toile d’araignée. Je n’ai pas forcément envie que ces détails se voient, mais ça m’amuse beaucoup d’en parsemer l’image.

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Quel est ton rapport avec la matière photographique ?

J’aime beaucoup le travail des photographes et des cinéastes surréalistes parce qu’ils se positionnent entre le réel et l’imaginaire. Avec la photo, je ne veux pas trop m’éloigner du réel, du témoignage, du vivant. J’interviens doucement sur les photos parce qu’ensuite, le travail d’animation s’effectue à l’intérieur. À l’inverse de l’animation classique qui joue sur les contours et sur les formes, je cherche l’animation à l’intérieur du sujet animé. Je veux qu’on sente un poids, qu’il y ait une existence palpable, un défaut. Je cherche vraiment l’efficacité en essayant d’animer la psychologie.

Dans « Peau de Chien » comme dans ton film précédent « Le vol du poisson », le personnage du chien est construit avec des photos de toi…

C’est intéressant de voir qu’à l’époque où tout le monde est connecté sur les réseaux sociaux, il y a comme une forme de surexposition de l’identité, une extension de l’identité. Mais au delà de ça, avec « Peau de Chien » je me sentais très concerné par le personnage du chien. Moi, je suis français, mais mes grands-parents ne l’étaient pas. Prendre mes yeux et ma peau pour le chien me paraissait honnête car je me sens assez proche de lui. C’est une manière de me reconnaître.

As-tu une fascination pour le personnage du boucher que tu avais déjà mis en scène dans ton film « Tueurs Français » ?

Le boucher est un peu symbolique dans la société. Tout comme le prêtre, le psy ou le médecin, c’est un métier qui est en contact avec une forme d’intimité, en l’occurrence avec le corps. C’est un métier étrange qui tourne autour de la mort et du corps mort. Il y a là comme un mystère, car sur l’étal du boucher, on voit la viande mais pas le mort.

L’univers de « Peau de Chien » est très sombre, voulais-tu avec ce film, faire une critique sociale ?

Je sais que les histoires que j’écris n’ont rien à voir avec la société dans laquelle je vis. Il n’y a pas de rapport de miroir direct où l’on puisse reconnaître la réalité, mais j’aime exagérer au maximum, forcer le trait. Pendant que je faisais le film, Sarkozy voulait faire passer une loi où les gens accueillant des sans-papiers devenaient susceptibles d’être mis en prison. Je me rendais bien compte que cela n’était pas réaliste, que c’était anecdotique. Mais petit à petit, les idées passent. C’est comme les négationnistes de l’Holocauste. Il ne faut pas oublier tout ça, il faut le rappeler sans cesse, c’est très utile.

Tu travailles beaucoup de façon solitaire ?

C’est vrai que dans l’animation c’est assez courant. L’animation permet à l’artiste de s’accaparer toutes les phases du travail, ce qui est impossible en fiction. Dans mon cas, il est vrai aussi que je travaille seul car cela relève d’un engagement. Je ne suis jamais sûr de faire un autre film après, alors je m’engage tout entier dans mes projets, et j’ai beaucoup de mal à demander à d’autres d’y adhérer. Je suis aussi le producteur de mes films, mais ça je ne le recommande à personne, c’est trop schizophrène.

Et pour le son ?

Quand le film a été fini, il était silencieux. J’avais enregistré moi-même des voix mais ce n’est pas mon métier et le résultat était catastrophique. J’ai commencé à chercher quelqu’un, mais je ne voulais pas de musique et je pensais qu’il serait difficile de trouver quelqu’un qui aille dans le même sens que moi. Je me suis alors tourné vers les gens de la fiction et j’ai rencontré Renaud Bajeux avec qui ça s’est très bien passé. Comme le film est à la lisière de la fiction, il fallait que le son soit assez réaliste, presque documentaire, tout en étant très perturbant. Renaud a très bien compris tout ça, et il a amené de la poésie en approchant la bande son de manière assez autonome. Je voulais qu’il puisse raconter l’histoire de son côté. Il ne fallait pas que le son illustre l’image, il fallait plutôt qu’il l’incarne.

Quelle est la carrière de ton film ?

Il a été sélectionné au Festival de Vendôme, de Bruz et maintenant de Clermont-Ferrand. C’est la première fois que je viens à Clermont et j’avoue que je suis enthousiaste. Ici, les salles sont pleines et le public participe beaucoup. Quand vous entrez dans un café, vous croyez que tout le monde travaille dans le cinéma, mais en fait, vous rencontrez des spectateurs qui s’intéressent au court métrage. Ici, il y a une vraie culture du court métrage.

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Qu’est-ce qui te plaît dans le court métrage ?

Le court métrage croise les idées et invente des formes, ce qui est rarement le cas du long. Moi, j’ai fait un film qui est glauque, intrusif et désagréable. Je n’aime pas mettre les gens à l’aise. Quand je vais au cinéma, je n’aime pas être à l’aise. Je ne viens pas digérer ma journée. J’aime qu’on me surprenne.

Propos recueillis par Xavier Gourdet à Clermont-Ferrand

Article associé : la critique du film

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Le film était programmé au Festival de Clermont-Ferrand dans le cadre du programme national F7

Si j’étais un homme de Margot Reumont

Film d’école issu de la Cambre, Si j’étais un homme s’est fait remarquer notamment au FIDEC (Huy), où il a reçu le Prix Queer, et au Festival Media 10-10 (Namur), où il a remporté le Prix de la Meilleure Animation. En compétition belge à Anima (Bruxelles) cette année, ce court allègre de Margot Reumont offre un beau moment de divertissement tout en suscitant une réflexion sur la notion des genres aux yeux de la jeunesse d’aujourd’hui.

Cinq filles se mettent devant la caméra de Margot Reumont et se laissent emporter par l’hypothèse évoquée dans le titre. La réalisatrice démarre son film avec des plans frontaux en live-action, choix inhabituel pour un film d’animation, mais on comprend vite qu’il s’agit des coulisses de l’animation. En effet, sitôt que les interlocutrices expriment leurs pensées franches et intimes, Reumont se met à gommer les prises de vue réelles par son dessin dextre et épuré. En illustrant le discours imaginaire, elle y ajoute tout un métadiscours autour des idées projetées. Le médium de l’animation vient compléter la narration verbale, qu’il porte plus loin. Avec une originalité qui relève du génie, la réalisatrice mélange les genres, le monde du réel représenté par la live-action et l’imagination féminine montrée par le biais du dessin en 2D. Parfaite synergie entre forme et fond.

Le contenu des monologues est en lui-même fascinant et interpellant, remarquablement perspicace et en même temps très naturel. Des stéréotypes d’une masculinité vigoureuse et sans failles, insouciante et nonchalante, jusqu’au fantasme d’un homme-à-femmes sensible : les témoignages rendent compte de la complexité de la construction de genres à nos jours, fort libérée par rapport à nos aïeux mais toujours ancrée dans des clichés. Reumont puise dans l’iconographie (Serge Gainsbourg, la figure du père, le bûcheron, …) pour incarner ces différentes facettes de la virilité perçue. En même temps, les représentations que se font les filles de ce qu’est un homme sont révélatrices des « problèmes de base » propres à la féminité : les craintes et les insécurités du « sexe faible » et le statut subalterne que même les sociétés les plus évoluées ne se privent pas d’inculquer tacitement.

Adi Chesson

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S comme Si j’étais un homme

Fiche technique

Synopsis : Marie Brune, Mouna, Florence, Emilie et Sabrina décrivent tour à tour la personne qu’elles seraient si elles étaient un homme.

Genre : Animation

Pays : Belgique

Année : 2012

Durée : 5’05 »

Réalisation : Margot Reumont

Son : Matthieu Roche

Musique : Cédric Castus

Mixage : Matthieu Roche

Animation : Margot Reumont

Cadre: Mathilde Reumont

Voix : Marie Brune de Chassey, Mouna Yantour, Florence Minder, Emilie Maquest, Sabrina Lucot

Production: ENSAV – Atelier de Production de La Cambre

Article associé : la critique du film

Mediation (Ausgleich) de Matthias Zuder

Mario et Clemens pourraient être deux amants. « Mediation » (Ausgleich) de l’Allemand Matthias Zuder, présenté à Clermont-Ferrand ces jours-ci, commence dans le métro et s’y termine dans des circonstances assez troubles. Au début du film, Mario prend l’escalator pour prendre le métro. Il se sait suivi par Clemens quelques mètres plus loin. Et si Mario a la mâchoire contractée, rien dans son comportement n’exprime une colère, une peur ou une envie de se soustraire à la filature que lui impose Clemens. Un peu comme dans les films d’Atom Egoyan, nous comprenons que les deux protagonistes sont liés par un secret ou une intimité indécelable à l’œil nu. Alors, si nous voulons en savoir davantage, il nous faut continuer à les regarder et monter dans la rame de notre propre voyeurisme.

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Dans les faits, la relation entre les deux hommes se résume à leur rencontre dans le métro et à l’agression de l’un (Clemens) par l’autre (Mario). « Mediation » alterne crescendo des scènes où la victime suit celui qui l’a agressé avec d’autres où les deux hommes, assis autour d’une table, entreprennent une médiation en présence d’un homme plus âgé, modérateur et bienveillant.

Le thème de la médiation dans ce film surprend : le médiateur ressemble davantage à un prêtre ou à un travailleur social qu’à un juge ou un avocat, et sa pratique est peu courante voire inexistante en France. Or, ici, celle-ci semble établie. Après une agression, agresseur et victime peuvent donc se retrouver calmement autour d’une table. Un peu trop beau pour être vrai ?

Aussi volontaires que soient les deux hommes, entre Mario, l’agresseur, et Clemens, la victime, il y a une impasse : la restitution de la mémoire de « l’événement » ( l’agression). Produire poliment son mea culpa tel un élève appliqué, par oral et par écrit, c’est bien. Mais, pour cela, encore faut-il se rappeler des faits, les détailler et les assumer devant la mémoire. Or, entre le traumatisme de Clemens et l’amnésie de Mario, la mémoire de l’événement se balade entre les deux hommes, devenant une partie de poker voire une séance de spiritisme dont les règles échappent au médiateur. Entre mensonge et mysticisme, la violence de l’agression échappe aux bonnes intentions avancées. Clemens, obsédé/aliéné par son besoin de savoir, rappelant alors le mari endeuillé du long métrage « L’Homme qui voulait savoir » de Georges Sluizer, se met alors à suivre Mario à la trace dans le métro. Là où tout a commencé.

Franck Unimon

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Article associé : l’interview de Matthias Zuder

Le film était programmé au Festival de Clermont-Ferrand dans le cadre du programme international I10

M comme Mediation (Ausgleich)

Fiche technique

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Synopsis : Un soir, dans le métro, Clemens, un homme d’une trentaine d’années, s’est fait agresser par Mario. Les deux hommes se retrouvent face à face en présence d’un médiateur. Cette médiation doit permettre à Mario de faire son Mea Culpa, d’éviter peut être la prison, et à Clemens de comprendre ce qui s’est passé.

Genre : Fiction

Durée : 9’09 »

Pays : Allemagne

Réalisation : Matthias Zuder

Année : 2011

Dialogues : Ralph Thiekötter

Interprétation : Enno Trebs, Alexander Wüst, Tilo Werner

Image : Jürgen Kemmer

Sound Design : Thekle Demelius

Production : Hambourg Media School

Articles associés : la critique du film, l’interview de Matthias Zuder

Le Livre des Morts d’Alain Escalle

Près de dix ans après « Le conte du monde flottant » où il abordait le drame d’Hiroshima, Alain Escalle revient cette année dans le programme national du Festival de Clermont-Ferrand avec un nouveau film d’animation de 35 minutes. Version apocalyptique du Bardo Thödol tibétain, « Le Livre des Morts » est une œuvre troublante qui raconte le voyage métaphysique d’un homme au crépuscule de sa vie, confronté aux démons de sa mémoire. Quelque part entre la Russie et la Pologne, l’homme fait face aux souvenirs traumatiques de la déportation et de l’extermination concentrationnaire nazie dans une cérémonie expiatoire, comme une purge de la mémoire, où il exhume les fantômes de l’Holocauste pour s’en libérer.

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Certes le thème est lourd, et d’entrée de jeu, Alain Escalle nous plonge dans l’univers sombre et inquiétant d’une ville en ruine, comme le symbole d’une mémoire en lambeau et une référence évidente au ghetto de Varsovie. Dans le souffle froid de bourrasques hivernales, un livre tourne ses pages laissant apparaître comme autant de destins, des listes de noms numérotés par matricules. Une voix off sortie d’outre-tombe révèle en russe les secrets du livre alors que des murmures inaudibles accompagnent des chants d’enfants russes. Des visages fantomatiques tordus de douleur apparaissent en surimpression entre les pages, alors que des plans de coupe nous montrent dans des cadres de photo en noir et blanc des portraits d’hommes et d’enfants souriant et des icônes de la vierge. Entre la multitude de rats envahissant les rues et le cri sinistre des corbeaux, l’homme referme le livre dans une valise et, comme pour répondre à un appel intérieur, quitte la ville pour un pèlerinage rédempteur vers les spectres de son passé.


Avec un esthétisme graphique très poussé où se mélangent des images en prises de vues réelles travaillées en rotoscopie et une 3D qui se joue des pesanteurs, Alain Escalle pose un univers visuel impressionnant où le fantasmé s’imbrique dans un réalisme brutal. La narration se déstructure autour de tableaux oniriques et cauchemardesques où se confondent le froid parcours d’un homme sur la fin de sa vie, et le voyage intérieur et quasi mystique qui le confronte aux souvenirs de l’abomination finale. Le thème du corps décharné, torturé, sert comme une récurrence à passer de l’un à l’autre, reliant l’aspect charnel de la souffrance à celui de l’esprit dans une mise à nu symbolique. Entre mouvements symphoniques et dissonances calculées, la musique de Flemming Nordkrog attise parfaitement l’ambiance dramatique du film, tout comme les chants en russe et la tonalité du violoncelle lui confèrent l’accent grave et déchirant des âmes slaves martyrisées.

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« Le Livre des Morts » nous met face à l’un des pans les plus atroces de l’histoire de l’humanité. Les trains de la honte, les camps, les chambres à gaz et les charniers, tout y est. Mais au-delà d’un film sur les horreurs de la Shoah, « Le Livre des Morts » est une œuvre qu’on peut percevoir de façon plus intime. Tout comme le livre tibétain du même nom, Alain Escalle aborde surtout ici la question de l’affranchissement de l’âme de ses corps de souffrance, et le cheminement spirituel vers la libération au moment de la mort.

Xavier Gourdet

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L comme Le Livre des Morts

Fiche technique

Synopsis : Dans le quartier en démolition d’une ville d’un pays de l’Est, Micha est aux prises avec les fantômes du passé et des visions voilées, images meurtries d’un camp de concentration qui se révèle peu à peu.

Genre : Animation

Durée : 35’

Pays : France

Année : 2012

Réalisation : Alain Escalle

Scénario : Alain Escalle

Image : Florian Kuhn, Alain Escalle, Stephen Barcelo

Son : Alain Escalle

Musique : Flemming Nordkrog

Montage : Guilain Depardieu , Nicolas Schmerkin , Alain Escalle , Romain Boileau

Animation : Cyril Cohen, Alain Escalle, Matthieu Cantat, Clément Goffinet

Interprète : Michel-Ange Iriti

Voix : Gabriel Levchine, Oleg Mokchanov

Effets spéciaux : Alain Escalle

Production : Autour de Minuit

Article associé : la critique du film

Vie et mort de l’illustre Grigori Efimovitch Raspoutine de Céline Devaux

Tout le monde a déjà entendu parler de ce bon vieux Raspoutine, conseiller du Tsar de Russie que l’on qualifia bien souvent de sorcier. Mais connaissez-vous réellement son histoire ? C’est en tout cas celle-là que souhaite nous conter le narrateur de Vie et mort de l’illustre Grigori Efimovitch Raspoutine, film de fin d’études de Céline Devaux, récompensé du Prix du Meilleur Film d’Animation francophone (S.A.C.D.) au dernier Festival de Clermont-Ferrand et présenté ces jours-ci au Festival Anima à Bruxelles. Celui-ci commence non pas par une image mais par une voix qui s’exprime en vers, celle du conteur. Cette voix profonde interpelle le spectateur. « Bienvenue à toi » nous dit-elle, et, interpellé par cette invitation chaleureuse et par un décor plongé dans le noir au sein duquel seuls apparaissent des yeux, on s’installe et se prépare à entrer dans la sombre vie de Grigori Efimovitch Raspoutine.

L’image, soudain, s’éclaircit, et voici un loup de Russie ! Le récit commence, et le tout, image et voix, s’accompagne d’une musique intrigante qui évoque les heures sombres d’un Est lointain. Cette création musicale est l’œuvre originale de Flavien Berger, et accompagne chaque image et chaque mouvement des personnages en créant une atmosphère juste, tantôt légère, tantôt inquiétante. Raspoutine, quant à lui, se meut parfaitement dans ce décor en noir et blanc. Il s’agit d’un personnage filiforme qu’on nous présente avec une liste d’adjectifs aussi longue que le titre du film, aussi longue que le personnage est grand.

Pour Vie et mort de l’illustre Grigori Efimovitch Raspoutine, Céline Devaux joue sur les formes, les transformations des corps, les apparitions et disparitions du personnage dans le décor. La silhouette de Raspoutine se tord constamment, se courbe devant le Tsar, se pavane devant les femmes et se faufile devant l’ennemi, à l’instar du personnage qui parvient à intégrer la cour et à séduire toute la Russie, suscitant par la même occasion passions et jalousies. Les corps se transforment à l’image selon le texte et les situations, alliant parfaitement le son et l’image dans une maîtrise avérée de l’expression par le mouvement.

Le film est une animation de peintures sur celluloïd, une matière plastique qui a servi à la production de pellicules pour l’industrie cinématographique. On ressent dans le travail de Céline Devaux une envie de rendre hommage au cinéma comme à la peinture. Le choix du support, du noir et blanc, ainsi que du panneau annonçant le titre rappellent les films muets du cinéma des premiers temps, tandis que le graphisme évoque des influences picturales variées. Les dessins, très détaillés, sont composés de multiples formes géométriques qui foisonnent à l’écran, sous forme de damiers ou de mosaïques. Ces riches toiles de fond, la partition occasionnelle de l’écran en plusieurs parties et les formes mouvantes et abstraites font de cette œuvre un objet cinématographique très riche dans lequel se livre une véritable danse des corps et des formes, le tout savamment alimenté par une musique originale et un texte non dépourvu d’humour.

Agathe Demanneville

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V comme Vie et mort de l’illustre Grigori Efimovitch Raspoutine

Fiche technique

Synopsis : Au début du XXème siècle, un moine errant arrive à la cour des derniers Tsars de Russie : Raspoutine. Négligé et lubrique, le moujik s’introduit néanmoins dans le cénacle fermé de la famille impériale. Ce qui n’est pas au goût de certains aristocrates…

Genre : Animation

Durée : 10′

Pays : France

Année : 2012

Réalisation : Céline Devaux

Scénario : Céline Devaux

Montage : Céline Devaux

Musique : Flavien Berger

Voix off : Yves Dufournier

Production : Ensad, École Nationale des Arts Décoratifs

Article associé : la critique du film

R comme Rossignols en décembre

Fiche technique

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Synopsis : Et si les rossignols travaillaient au lieu de chanter et de voler vers le Sud ? Il n’y a pas de rossignols en décembre ? Ce qui reste n’est que l’histoire de notre commencement et de notre fin.

Genre : Animation

Pays : Canada

Année : 2011

Durée : 3′

Réalisation : Theodore Ushev

Scénario : Theodore Ushev

Animation : Theodore Ushev

Musique : Spencer Krug

Son : Olivier Calvert

Production : Festival du nouveau cinéma de Montréal

Article associé : la critique du film

Rossignols en décembre de Theodore Ushev

Après « Les Journaux de Lipsett », le Canadien Theodore Ushev revient avec son nouvel opus tant attendu, une fiction expérimentale cette fois-ci, nommée « Rossignols en décembre ». Lyrismes cinématographique et musical vont de pair dans cette animation ensorcelante qui connaît déjà du succès dans les grands festivals dont Anima et Clermont-Ferrand (ce dernier doit par ailleurs son affiche 2013 à l’artiste).

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S’ouvrant sur la citation culte des Quatre Quatuors de T S Eliot : « En mon commencement est ma fin », le récit assume d’emblée une dimension philosophique. À travers les yeux d’un jeune visage fin et androgyne, des images défilent rapidement – comme aperçues à partir d’un train en mouvement – et se métamorphosent pour dévoiler scènes de guerre et autres atrocités. Des hommes-rossignols se battent et s’entretuent dans un univers glauque où l’humanité déchue semble dépouillée de toute bienveillance. Ces plans expressionnistes sont en contraste marqué avec le visage fébrile et impressionniste de la jeune personne, qui est en quelque sorte le seul repère narratif du film. Petit à petit, apparaît la prémisse d’Ushev, basée sur l’hypothèse suivante : et si les rossignols étaient des hommes et faisaient comme nous ? Corollaire : et si nous étions encore à l’état naturel et n’avions pas perdu tout notre humanisme ?

Postulat cynique, en effet, mais exprimé avec une grande poésie caractéristique de l’auteur. Ceux qui connaissent ses autres courts ont surement pu y discerner cette qualité, qui provient d’une symbiose parfaite entre image et bande-son. Élément indispensable dans la démarche du cinéaste, la musique est toujours soigneusement construite (ou choisie lorsqu’il s’agit de compositions existantes). Celle-ci permet à Ushev d’entraîner le spectateur dans une émotion accrue que seul le quatrième art peut susciter. La partition de « Rossignols », signée Spencer Krug (Sunset Rubdown), est marquée par une agitation dramatique qui apporte une dimension quasi épique. Comme pour faire contrepoids au pessimisme intransigeant de l’image, la musique évolue au fil du récit, d’une tonalité sombre et funeste vers une résolution lumineuse, se terminant sur des harmonies diatoniques édifiantes, clôturant ainsi le film sur une note d’espoir.

Adi Chesson

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Article associé : l’interview de Theodore Ushev

Festival Anima, les films en compétition nationale

Le Festival Anima projette jusqu’à dimanche le meilleur des courts belges. Voici la liste des films en compétition.

Betty’s Blues, Rémi Vandenitte
Cache-cache, Dia’ Azzeh
La Chute, Gwenola Carrère, Alexia Cooper, Hélène Loridant, Laura Marchant, Giorgi Kabourofski, Florie Goffette, Carolina Aleixo Ramos, Camille Gervais
Cogitations, Sébastien Godard, François d’Assise Ouedraogo, Arzouma Mahamadou Dieni, Moumouni Jupiter Sodré
Deux îles, Eric Lambé, Adrien Cellieres, Nicolas Debruyn, Florian Guillaume, Guillaume Franck, Sarah Heinrich, Lucile Martineau, Gilles Pirenne, Valery Vasteels
Do You Have Your Ticket ?! Antoine Goethals, Christopher Helin
Eentje voor onderweg, Lander Ceuppens
Fallen, Jochem Van Gool
Flesh and Bones, Manon Brûlé
History Of Pets, Kris Genijn
Maintenant il faut grandir, Bruno Tondeur
Norman, Robbe Vervaeke
Oh Willy, Emma de Swaef et Marc Roels
Once Upon a Time, Christopher Bolland, David Collet, Morgane Delcourt, William Denis, Mathieu Godet, Pieter de Poortere, Antoine Tack, Jonas Wimart
Satan la bite, Jeanne Boukraa
Si j’étais un homme, Margot Reumont
De Wake, Pieter Coudyzer

Festival Anima, les courts-métrages professionnels en compétition internationale

Au Festival Anima de Bruxelles, la forme courte est répandue, en compétition ou non, qu’il s’agisse de films d’écoles, de films pros, de panorama belge, de clips, de pubs. Ces jours-ci, Format Court repère le meilleur du court dans ces sections et vous propose de découvrir la liste des courts-métrages professionnels en compétition internationale.

Le Banquet de la concubine, Hefang Wei (F-CDN-CH)
Bydlo, Patrick Bouchard (CDN)
Chase, Adriaan Lokman (NL-F)
Chemin faisant, Georges Schwizgebel (CH)
Chinti, Natalia Mirzoyan (RUS)
Columbos, Kawai+Okamura (J)
A Different Perspective, Chris O’Hara (IRL)
Dozhd Idyot / It’s Raining, Anna Shepilova (RUS)
Edmond était un âne », Franck Dion (CDN-F)
Fear of Flying, Conor Finnegan (IRL)
Feral, Daniel Sousa (USA)
Fleuve Rouge, Song Hong, Stéphanie Lansaque/François Leroy (F)
Hi-No-Youjin, Katsuhiro Ôtomo (J)
How Dave & Emma got pregnant, Joost Lieuwma (NL)
How to Eat Your Apple, Erick Oh (ROK)
Itsihitanantsu, Natalia Ryss (RUS)
Junkyard, Hisko Hulsing (NL-BE)
Kali le petit vampire, Regina Pessoa (CDN-F-P)
Kaspar, Diane Obomsawin (CDN)
Kolmnurga Afäär / The Triangle Affair, Andres Tenusaar (EST)
Monsieur l’Assassin X, Lynn Devillaz/Antonio Veiras (CH)
Palmipedarium, Jérémy Clapin (F)
The People Who Never Stop, Florian Piento (F-J)
Le Printemps, Jérôme Boulbes (F)
RE:AX aka Peace Starts With Me, Max Hattler (GB)
Rew Day, Svilen Dimitrov (BG)
Rossignols en décembre, Theodore Ushev (CDN)
TOM & Die Bienenkönigin, Andreas Hykade (D)
Topo Glassato Al Cioccolato, Donato Sansone (I)
Tram » de Michaela Pavlátová (F)
Tunnel, Maryam Kashkoolinia (IR)
Villa Antropoff, Vladimir Leschiov (EST-LV)
Some Actions Which Haven’t Been Defined Yet In The Revolution, Xun Sun (PRR)

Anima 2013

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Le rendez-vous belge incontournable du film d’animation a inauguré sa 32ème édition le weekend dernier. Jusqu’au dimanche 17 février, les spectateurs de tous âges et de tous horizons pourront déguster le meilleur du cru 2013. Côté court, figurent au programme, les immuables compétitions (nationale, internationale et film d’études), mais aussi une pléthore de rétrospectives alléchantes : « Animazioni al dente » (animation italienne), « Giants’ First Steps » (les courts des grands), « Indian Animation Today » (films issus du National Institute of Design en Inde), « Au cœur de l’Europe » (se passe d’explication), « Ciné Grand Lux » (l’animation provenant du Grand Duché), etc.

Format Court, proche de l’évènement depuis 4 ans, le couvre ces jours-ci, pour son tout nouveau Prix Format Court (révélé à la clôture du festival, dimanche) mais aussi pour les autres films programmés.

Retrouvez dans ce focus :

L’interview de Benjamin Renner, réalisateur et membre du jury Anima 2013

La critique du DVD Best of 8, le Best of d’Anima en 2012

L’interview de Sekhar Mukherjee, directeur du National Institute of Design (Inde) et membre du jury Anima 2013

La critique de « Topo glassato al cioccolato » de Donato Sansone (Italie)

La critique de « Si j’étais un homme » de Margot Reumont (Belgique)

La critique de « Vie et mort de l’illustre Grigori Efimovitch Raspoutine » de Céline Devaux (France)

– La critique de « Rossignols en décembre » de Theodore Ushev (Canada)

Festival Anima : Prix Format Court du meilleur film d’étudiants attribué à “I Am Tom Moody” de Ainslie Henderson

– Le palmarès

Festival Anima, les films en compétition nationale

Festival Anima, les courts-métrages professionnels en compétition internationale

Festival Anima 2013 : Prix Format Court du meilleur film d’école en compétition internationale

Avant que de tout perdre de Xavier Legrand

Une maison de quartier résidentiel, un supermarché, des personnages plus vrais que nature, une bonne dose de tension, tels sont les ingrédients réunis ici pour créer Avant que de tout perdre, véritable film à suspens, réalisé par Xavier Legrand et récompensé du Grand Prix National, du Prix du Public, du Prix de la Jeunesse et du Prix de la Presse Télérama au tout dernier Festival de Clermont-Ferrand.

Le film débute paisiblement par un plan fixe d’une maison familiale d’où sort le jeune Julien, au cours d’une journée ensoleillée. L’enfant, cartable sur le dos, se rend à l’école. Mais cette stabilité apparente n’est là, semble-t-il, que pour mieux tromper le spectateur.

Alors que ses enfants font semblant d’aller à l’école, Miriam, employée de supermarché, s’empresse de les récupérer et se rend sur son lieu de travail pour expliquer la situation à son emloyeur, et son départ précipité. Faire diversion, éviter à tout prix les soupçons : on comprend qu’une menace pèse sur cette femme et sur ses deux enfants. Tous les employés du supermarché s’unissent pour lui venir en aide et un réseau de solidarité se crée autour de l’héroïne, interprétée par Léa Drucker.

À table, les collègues et les enfants de Miriam plaisantent au sujet de la chef que tout le monde dans le supermarché surnomme Robocop, une occasion pour Julien d’évoquer innocemment cette scène où son père a braqué un fusil de chasse sur sa mère. La violence est sous-jacente aux images et se dévoile progressivement; elle ressort à travers les paroles innocentes de l’enfant, les regards angoissés qu’échangent les femmes, et les hématomes qui recouvrent le corps de Miriam, forçant ses collègues à détourner le regard avec horreur. Tous ces éléments suffisent à imaginer la violence qui règne au sein du foyer familial. Soudain, celui qui en est l’auteur débarque à l’improviste dans le supermarché, tandis que les employées mettent tout en œuvre pour protéger Miriam. Les mains et voix tremblantes de ces femmes trahiront-elles leurs intentions ?

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Issu du théâtre, Xavier Legrand réussit avec Avant que de tout perdre, son premier film, une œuvre réussie en matière de suspens. Le parcours des personnages est une course contre la montre qui laisse peu de répit au spectateur. Tout est fait pour que ce dernier craigne le père au moins autant que sa famille, et cela avant même qu’il n’apparaisse à l’écran. Pour obtenir la tension narrative, le récit adopte le point de vue de la victime et la caméra suit de très près les trois personnages. En scrutant attentivement l’apparition du père, les doigts crispés sur les genoux, on se laisse porter par le rythme effréné de ce film angoissant à la mise en scène efficace.

Agathe Demanneville

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Article associé : l’interview de Xavier Legrand

A comme Avant que de tout perdre

Fiche technique

Synopsis : Julien a dix ans. Il fait mine de se rendre à l’école mais se cache sous un pont, son cartable rempli de vêtements. À quelques kilomètres, Joséphine, 15 ans, fait de même et attend le bus.

Genre : Fiction

Durée : 30′

Pays : France

Année : 2012

Réalisation : Xavier Legrand

Scénario : Xavier Legrand

Image : Nathalie Durand

Montage : Yorgos Lamprinos

Son : Julien Sicart, Vincent Verdoux

Décors : Jérémie Sfez

Interprétation : Léa Drucker, Anne Benoît, Claire Dumas, Eric Borgen , Brigitte Barilley , Miljan Chatelain , Mathilde Auneveux ,Stéphane Schoukroun , Denis Menochet , Catherine Lefroid , Christian Benedetti

Production : KG Productions

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