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Retour sur les courts présentés au Festival d’Aubagne

Si le Festival d’Aubagne ne fait pas forcément partie des premiers festivals auxquels on pense lorsqu’il s’agit de courts-métrages, il est grand temps de rétablir la vérité. Avec 72 courts-métrages en compétition cette année ainsi que de nombreuses sélections parallèles hors compétition, il n’est pas peu dire que le court-métrage est largement mis à l’honneur dans la ville d’Aubagne.

Pour introduire la sélection en compétition, l’équipe du festival parle du court-métrage comme étant « un immense champ des possibles, faisant des propositions audacieuses, créatives et surprenantes ». D’un autre côté, les quatre garçons (plein d’avenir) qui constituaient le Jury court cette année, autrement dit Nicolas Cazalé (comédien), Christian Volckman (réalisateur), S.c.r.i.b.e (scénariste) et Franck Lebon (compositeur) ont noté que beaucoup de films étaient assez obscurs et austères. Comme un pied de nez à la morosité, ils ont d’ailleurs remis le Grand Prix à l’une des rares comédies de la sélection. « Discipline » de Christophe M. Saber (Suisse) montre l’emballement de tous les clients d’un supermarché suite à la claque donnée par un père à sa fille. Et malgré la noirceur de nombreux courts, les quatre membres du jury se sont mis d’accord sur le fait que la sélection proposée était de grande qualité et que le court-métrage, lieu d’expérimentation, rendait les imperfections de chaque film dignes d’intérêt.

Pour se faire un avis, nous nous sommes rendus à quelques séances du festival. Passons les films déjà évoqués ou bien qui tellement vus et connus que nous ne nous pencherons pas plus amplement dessus comme par exemple « Solo Rex » de François Bierry qui en est à plus de 15 sélections dans les plus grands festivals, tout comme « Essaie de mourir jeune » de Morgan Simon. Parmi les valeurs sûres qui plaisent aux sélectionneurs, on notera la présence du documentaire expérimental « Daphné ou la belle plante » de Sébastien Laudenbach et Sylvain Derosne, » Bye bye mélancholie » de Romain Laguna, « Journée d’appel » de Basile Doganis, « Brame » de Sophie-Charlotte Gautier et Anne Loubet ou encore les films d’animation « Man on the chair » de Dahee Jeong, « Le Sens du toucher » de Jean-Charles Mbotti Malolo, Prix Format Court au dernier Festival de Villeurbanne, et « 8 balles » de Frank Ternier. Même si on a certainement déjà – trop – vu et revu la plupart de ces courts-métrages cités ci-dessus, il faut bien avouer qu’ils ont les qualités pour faire partie de cette programmation.

Ceci étant, la sélection de courts-métrages du Festival d’Aubagne est principalement constituée de courts inédits (ou presque) en provenance des quatre coins de la planète et plus particulièrement de l’Europe, proposant une grande diversité de sujets. L’amour reste toujours un thème à la mode, au même titre que la famille ou l’amitié. Le travail également, est un sujet qui intéresse les auteurs, surtout lorsqu’il s’agit de parler de personnages qui luttent pour en avoir. La vie est loin d’être rose comme en témoignent la grande majorité de ces films, mais une lueur d’espoir règne.

Parmi les petites pépites qui ont retenu notre attention, on citera « La Nuit autour » de Benjamin Travade (France). Dans ce premier film, le réalisateur nous fait littéralement voyager. On se retrouve à sillonner le long des rues chics du 16e arrondissement de Paris puis le Bois de Boulogne et Saint-Cloud pour suivre une jeune femme en plein jour. Mais le voyage est également intérieur. La voix off de la jeune femme interprétée par la magnifique et talentueuse Erika Sainte nous entraîne complètement dans le récit de sa nuit avec ses voisins et on embarque alors pour un voyage dans notre imaginaire. Tout est d’une finesse incroyable, merveilleusement bien écrit, sans aucune vulgarité et pourtant, l’excitation est à son summum en écoutant la jeune femme raconter cette aventure. Le noir et blanc velouté du film, la voix lente et posée de la jeune femme accompagnée d’une musique jazzy rendent le film intemporel ; de la même manière qu’Erika Sainte fait penser à Anne Wiazemsky, on pourrait alors s’imaginer dans un film de Bresson ou Godard, avec un sujet finalement universel : les relations humaines, l’amour, la sensualité.

Dans la lignée des films en noir et blanc de la sélection, un autre court nous a intéressés : « 1639 Letourneux » de Dominic Lavoie-Laprise (Québec), filmé à la manière d’un polar américain des années 70 dans une voiture avec le bruit du train sifflant en arrière-plan. L’histoire est celle d’Alex et de son beau-frère Thomas qui préparent un coup, sans qu’on en devine réellement la nature, au 1639 rue Letourneux. Un sourire apparaît parfois devant ces deux bras cassés qui mêlent l’élaboration de leur coup à leurs affaires personnelles et une certaine tension monte parallèlement à leur discussion jusqu’à une chute quelque peu fantasmagorique.

Autre film plaisant, « De Smet » de Thomas Baerten et Wim Geudens (Belgique/ Pays-Bas). Trois frères s’entraident à vivre chacun une vie de célibataire aussi conforme que possible. Tous les trois sont voisins, habitant dans des maisons similaires, ayant la même voiture et portant tous les jours des chemises à carreaux. La mise en scène et la direction artistique de ce film sont maîtrisées au détail près, et si les trois frères ne sourient jamais, ils ont le don de nous faire rire. Leur quotidien est très calculé, comme par exemple les cigarettes qu’ils s’appliquent à fabriquer méthodiquement ensemble, jusqu’au jour où une femme séduisante emménage dans la maison d’en face. L’humour noir est au rendez-vous de ce film pour notre plus grand plaisir.

Au sol-Alexis-Michalik

Dans un style très différent, le film d’Alexis Michalik, « Au sol » (France), est très réussi. Il a d’ailleurs remporté le Prix Beaumarchais-SACD lors de cette édition du Festival d’Aubagne. Le réalisateur filme un couple et leur bébé s’apprêtant à prendre l’avion pour se rendre à Londres, à l’enterrement de la mère de la femme sauf qu’ils ont malheureusement oublié les papiers d’identité de l’enfant. Commence alors une course contre la montre pour récupérer le livret de famille et réussir à monter dans l’avion. Cela fonctionne puisque le spectateur est tenu en haleine du début à la fin de ce court. Le réalisateur, plus connu pour son travail de metteur en scène au théâtre, prouve avec ce projet qu’il maîtrise la jauge de stress cinématographique des films à suspense en semant d’embûches le parcours de cette femme et son bébé.

En revanche, face aux films programmés, quelques petites déceptions surgissent comme avec « Simiocratie » de Nicolas Pleskof (France). Le film raconte une vengeance, celle d’une femme en 1770, dupée par Louis XV et humiliée par le Baron de Fontanelle et son petit singe rapporté des Indes. Lors de la lecture publique du scénario au Festival Premiers Plans d’Angers il y a deux ans, tout laissait à croire que ce film allait être un ovni (comme l’était d’ailleurs le film précédent du jeune réalisateur, « Zoo ») ou en tout cas, un film audacieux, certes compliqué à réaliser, mais très prometteur. Malheureusement, malgré un travail considérable du côté de la direction artistique, le résultat n’est pas exactement à la hauteur de nos attentes. Autant, le ton hautain de la noblesse de l’époque est utilisé à juste titre autant la morale qui tend à prouver la supériorité de la femme et de l’animal sur l’homme apparaît comme un peu trop impérieuse.

Par ailleurs, quelques films vus à Aubagne sont intéressants, mais la récurrence des thèmes qu’ils traitent ou leur manque de rythme empêchent de les apprécier à leur juste valeur. C’est le cas par exemple de « Have sweet dreams » de Ciprian Suhar (Roumanie) qui raconte l’histoire de deux frères issus d’un milieu très modeste, face à leur père alcoolique. L’ambiance est bien sûr sombre et pessimiste, mais on se lasse surtout des multiples allées et venues des frères partant récupérer leur père au bar sans qu’il se passe grand chose. Il en va de même pour « Somand » de Gabriel Tzafka (Danemark) où un marin tâche de retrouver son amour de jeunesse. La scène de sexe lors de leurs retrouvailles trente ans après semble interminable tant elle apporte peu de choses au propos du film. Le ton, lui, est tellement obscur que l’aspect poétique de cette histoire est malheureusement totalement effacé.

Parallèlement à la compétition, la programmation du Festival d’Aubagne compte d’autres séances où l’on peut voir des courts-métrages. Tout d’abord, la Nuit du court-métrage dédiée aux super-héros et anti-héros avec presque quatre heures de films courts dont « Le petit dragon » de Bruno Collet. Autre séance de courts-métrages, les Courts de l’Huveaune (NB : l’Huveaune est un petit fleuve dans la région d’Aubagne) qui permettant de voir ou revoir des films européens primés et distingués ces dernières années dont « Figures » de Miklos Keleti (Belgique), « Betty’s Blues » de Rémi Vandenitte (France/ Belgique) ou encore « Hjonabandssela » de Jorundur Ragnarsson (Islande).

Enfin, Aubagne maintient au fil des années la séance des Courts qui rendent heureux, une sélection de films à ondes positives. Il y a neuf ans, le producteur Philippe Braunstein qui choyait particulièrement le format du court a constaté que bien souvent, les jeunes réalisateurs exprimaient leur talent à travers des films sombres et tristes. Pour y remédier, il a décidé de concocter chaque année une nouvelle sélection de courts-métrages proposant une vision optimiste de la vie et prouvant ainsi que les réalisateurs talentueux se trouvaient aussi du côté de la comédie. Force est d’avouer que la sélection de cette année est malgré tout un peu décevante comparée à celles des années précédentes puisqu’elle comprend uniquement des films français et, pour la plupart, déjà vus tels que « La virée à Paname » de Carine May et Hakim Zouhani ou des films assez grossier comme « Baby rush » de Tigran Rosine.

Restent « Pim-Poum le petit panda » du déjà cité Alexis Michalik qui, loin d’être un grand film, nous fait toujours autant rire aux éclats et « Superman n’est pas juif (… et moi un peu) » de Jimmy Bemon qui avoue à la manière d’un joli conte, son lien complexe à la religion juive. Cette séance n’en reste pas moins un moment phare du Festival d’Aubagne (trois salles remplies) et fort sympathique.

Camille Monin

Devenez lauréat de la Fondation Jean-Luc Lagardère !

L’audiovisuel vous intéresse ? Jeune professionnel, vous souhaitez développer un projet personnel et avez besoin d’un coup de pouce ? Cette info est pour vous : la Fondation Jean-Luc Lagardère vient de lancer sa campagne d’appel à candidatures !

Chaque année, la Fondation Jean-Luc Lagardère attribue des bourses pour aider de jeunes professionnels dans les domaines de l’écrit, de l’audiovisuel, de la musique et du numérique.

Décernées par des jurys prestigieux depuis 1990, ces bourses, par leur montant et la diversité des disciplines concernées, font de la Fondation Jean-Luc Lagardère l’un des premiers mécènes de la jeune création française. Elles offrent aux lauréats non seulement des moyens financiers mais aussi le temps nécessaire pour réaliser un grand projet, celui qui leur permettra de s’affirmer dans leur domaine de prédilection. Elles sont enfin un véritable tremplin pour leur avenir professionnel.

fondation-lagardere

Dans le domaine de l’audiovisuel, quatre bourses sont attribuées chaque année :

– Auteur de documentaire : 25 000€

Vous êtes un jeune auteur de 30 ans au plus, ayant déjà réalisé un documentaire diffusé à la télévision, dans des festivals ou au cinéma, vous avez un projet de documentaire quel que soit le format (série de 26 mn, unitaire de 52 ou 90 mn), et votre projet est un documentaire à caractère social, économique, politique, scientifique ou culturel ;

– Auteur de film d’animation : 30 000€

Vous êtes un jeune auteur de 30 ans au plus, ayant déjà réalisé un film d’animation à titre professionnel ou dans le cadre de vos études, vous avez un projet de court-métrage ou souhaitez réaliser le pilote d’un long-métrage ou d’une série (que ce soit en 2D, 3D, en images de synthèse, avec des marionnettes…), votre projet est un film d’animation adapté à une diffusion pour la télévision ou le cinéma ;

– Producteur cinéma : 50 000€

Vous avez 30 ans au plus et vous souhaitez produire un film de fiction de long-métrage ;

– Scénariste TV : 20 000€

Vous êtes un jeune scénariste de 35 ans au plus, ou vous faites partie d’une équipe d’auteurs (scénariste et dialoguiste, co-scénaristes, co-dialoguistes), vous avez déjà obtenu un contrat d’option ou une convention d’écriture passée avec un producteur (TV ou cinéma, toute durée, que le projet ait abouti ou non), vous avez un projet de scénario pour la télévision (téléfilm, sitcom, série, mini-série, short, utilisant des images traditionnelles ou des images de synthèse) ;

Rendez-vous sur www.fondation-jeanluclagardere.com pour télécharger le dossier de candidature de votre choix.

Les dossiers sont à renvoyer à la Fondation avant le 13 juin 2015.

A Piscina de Iana et Joao Viana

Fiction, expérimental, 16′, Portugal, 2004, Suma Filmes

Synopsis : Au Portugal, une piscine et des gens autour.

« A Piscina » est une pure œuvre d’inspiration poétique, dont le pari réside dans la mise en scène d’une circulation de plusieurs motifs le temps d’un plan-séquence orchestré dans l’espace d’une piscine. Les déplacements de la caméra épousent le rythme d’une bande-son composée de musiques et autres éléments sonores que les cinéastes tressent avec les actions des multiples personnages. Les mouvements libres et lyriques de ces derniers évoquent un sentiment rendu tout à fait palpable : ce sentiment de l’été, des vacances récréatives qui portent ces figures réunies dans un huis-clos à ciel ouvert plus inquiétant qu’il ne paraît. Un geste de cinéma bouleversant qui valut à ses auteurs de remporter entre autres le grand prix du court métrage de la Biennale de Venise en 2004.

Marc-Antoine Vaugeois

Festival du Film de Femmes de Créteil, notre compte-rendu

Il y a quelques jours se clôturait le 37ème Festival du Film de Femmes de Créteil. Dédié aux réalisatrices, l’événement fait la part belle aux courts métrages en proposant une compétition de seize films parmi lesquels le public a élu un grand prix national « Sol Branco » (parmi quatre films cette année) et un international « The Chicken » (sur douze films). L’Université de Paris-Est Créteil a décerné également un prix au meilleur film européen « Schoolyard » et une mention à « Endemic’s greed » (parmi six films).

Une compétition éclatée

À Créteil, les programmes ne distinguent pas les films par nationalité ni même par format, les courts sont majoritairement présentés en avant-programme d’un long. De la sorte, chaque spectateur peut se laisser aller à la découverte de courts métrages même s’il n’est pas coutumier du format et voter pour le film court de son choix.

La compétition de courts métrages de Créteil est hétéroclite sans pour autant être hétérogène. On a ici une belle occasion de voir ou revoir des productions remarquables de l’année. S’il présente quelques perles peu ou pas encore projetées en France comme le déroutant « Iranian Ninja » de Marjan Riahi, le festival propose également des films ayant déjà connu un beau succès dans des festivals aussi prestigieux que Cannes, Sundance ou encore Berlin. On pense ici évidemment à deux des films les plus poignants de la compétition déjà mis en avant à Cannes en mai dernier : « The Chicken » de Una Gunjak à la Semaine de la Critique et « The Execution » de Pettra Szöcs en compétition officielle. Une séance de rattrapage en quelque sorte pour un public qui n’aura pas toujours eu l’occasion de voir ces petites perles cinématographiques.`

L’explosion des genres et l’envie de cinéma

Si les sélectionneuses du festival ont comme premier critère de sélection des films réalisés par des femmes, leurs contraintes en termes artistiques semblent assez peu formatées, chose plutôt positive.

Ici, se côtoient des films de tous genres cinématographiques. On apprend avec du documentaire de création en visionnant le très juste « La Gran aventura » de Cassandra Olivieira (Cuba) où est filmée de très près la réalisation d’un biopic radiophonique sur la vie de Camille Claudel. On est presque subjugué par l’ingéniosité et la maîtrise technique de Momoko Seto qui réalise un film d’animation catastrophe à l’esthétique léchée, « Planet Sigma » (France), primé au dernier festival de Berlin et on flirte avec l’expérimental avec « Schoolyard » de Rinio Dragasaki (Grèce).

washingtonia

La compétition est très ouverte en terme de genres, mais au-delà de cette diversité, le plus remarquable est sans doute la présence de nombreux films de grande qualité et de beaucoup d’envies de cinéma. C’est peut-être d’ailleurs devant « Washingtonia » de Konstantina Kotzamani que l’on a le plus affaire avec un univers cinématographique singulier. Le film mise tout sur un panaché d’émotions et de sensations. Pari risqué quand on part avec une idée scénaristique qui tient simplement sur une envie de faire ressentir le battement de cœur des girafes… Si on peut rester hermétique à l’univers proposé par la réalisatrice, ceux qui admettront son postulat de départ auront sans aucun doute fait un beau voyage sensoriel, fait de chaleur et de fragilité et mis en évidence par une photographie très soignée.

Place aux jeunes (…mais pas seulement) !

Les jeunes réalisatrices sont ici bien représentées, notamment avec la présence de Cristèle Alves Meira qui signe avec « Sol Branco » son premier court métrage de fiction, après un passage par le documentaire, le théâtre et les arts graphiques. On retrouve d’ailleurs un peu de tout cela dans cette réalisation, primée par le public de Créteil. C’est la touche particulière qu’insuffle la réalisatrice à son film, une recette à base de paysages estivaux graphiques, une direction d’acteur réussie (avec deux adolescentes), le tout inscrit dans un voyage initiatique bien ficelé même si quelque peu incroyable.

Du côté des auteurs plus aguerris, le film « Prends-moi » (Canada), co-réalisé par André Turpin et Anaïs Barbeau-Lavalette – connue pour avoir réalisé le long métrage «Le Ring » en 2007 – surprend par son sujet. Il s’agit du malaise ressenti par un aide soignant lorsqu’on lui demande d’aider mécaniquement un jeune couple handicapé à faire l’amour. Pas de jugement dans le regard des réalisateurs, juste la mise à jour d’une réalité peu connue. La mise en scène est classique mais le traitement laisse une grande place à la réflexion autour d’un sujet encore tabou.

Par les femmes mais pas pour les femmes

Loin de se contenter d’aborder des sujets dits « de femmes » ou « féministes », les réalisatrices en compétition semblent avoir des préoccupations tout à fait universelles. On aborde le thème de la guerre, avec un regard détourné, sans jamais voir les armes en direct (on les entend dans « The Chicken », on les joue dans « The Execution »). On parle de violence physique mais surtout morale, avec des personnages complexes comme celui d’une mère névrosée et obnubilée par son physique vieillissant qui oublie jusqu’à la date d’anniversaire de son fils pourtant en demande d’amour dans « Washingtonia », ou encore dans « Schoolyard » où l’ambiance studieuse d’une école se transforme en champ de bataille. On traverse les étapes du désir, de la séduction timide de « Oh Lucy ! » (Japon, de Atsuko Hirayanagi) à la drague animale dans l’animation « Endemic’s Greed » (Pologne, de Natalia Dziedzic).

Mais le sujet le plus présent, presque en fil rouge de tous les films, reste celui des relations humaines. Les réalisatrices mettent en scène des situations où la femme est au centre de préoccupations qui souvent la dépassent. Dans « Capture » (Israël, de Tamar Rudoy)une jeune femme se fait rattraper par son image devenue publique à son insu par le biais des réseaux sociaux et d’un photographe qui l’expose en grand format. Dans « L’hiver et la violence » (Canada, de Sophie Dupuis)le personnage féminin principal fait face à la trahison pour la première fois. Dans « Lavashak » (Allemagne, de Narges Kalhor) l’héroïne est confrontée au deuil. Et les exemples pourraient se suivre pour chaque film de la sélection. Les femmes s’intéressent aux grands questionnements de la condition humaine et font le choix de les incarner autour de personnages féminins forts.

La compétition de courts métrages du Festival de Films de Femmes est bien riche et soulève sans aucun doute de nombreux débats. Si la maîtrise technique et la narration peuvent parfois paraître un peu classiques, certains films sortent largement du lot et révèlent le talent de femmes cinéastes. On regrettera par contre l’absence de comédies. Pour autant, les quelques films qui sortent des sentiers battus « Planet sigma », « Oh Lucy! », « Sol Branco » ou encore « Washingtonia » font oublier qu’on n’aura pas beaucoup ri en regardant cette compétition.

Fanny Barrot

Prochaine Soirée Format Court, spéciale Arte, jeudi 9/4 !

Nouveauté ! À l’occasion de notre prochaine séance Format Court, le jeudi 9 avril prochain au Studio des Ursulines (Paris 5ème), nous accueillons la chaîne Arte pour une soirée spéciale consacrée aux films d’écoles et aux premiers films. De la création à la diffusion, venez découvrir cinq films français et belges soutenus par Arte, dont les deux récents lauréats du concours en ligne de courts métrages de fiction d’écoles francophones. La soirée fera l’objet d’une rencontre avec Hélène Vayssières, responsable des courts à Arte France, et deux équipes de films programmés.

Programmation

Solo Rex de François Bierry (Fiction, 22’40, 2014, France, Belgique, Offshore). Prix du jury au Festival du film francophone de Namur 2014, Prix du meilleur court métrage international au Festival du Film d’amour de Mons 2014

Synopsis : Erik est un bucheron solitaire. Kevin est un jeune conducteur de la fanfare cycliste du village. Erik ne sort jamais sans sa vieille jument. Kevin a le béguin pour la clarinettiste. Mais Erik ne sait pas donner. Et Kevin ne sait pas draguer. Ils devront apprendre à deux.

Julia de Nora Burlet et Maud Neve (Fiction, 14’, Belgique, 2014, Institut des Arts de Diffusion). Deuxième prix du jury, concours Arte de courts métrages de fictions d’écoles 2015

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Synopsis : Une maison en hiver. « Un ami de ta maman. » Du fromage blanc et du Nutella. Julia guète un sourire chez sa sœur. Attente du retour. Est-ce possible ?

Errance de Peter Dourountzis (Fiction, 21’21, 2014, France, Année Zéro). Prix du meilleur court métrage au Festival International du Film d’Amiens 2014. En présence de l’équipe

Synopsis : Djé vient passer son week-end sur Paris, mais personne ne l’attend. Anonyme parmi les ombres, il erre au hasard des rues pour tromper son ennui. Caméléon et marginal, il galère ou socialise, s’alcoolise et dérive.

Bang Bang ! de Julien Bisaro (Animation, 12’, 2014, France, Caïmans Production). Sélectionné aux César 2015, Prix du meilleur film au Festival Anime Award de Tokyo 2015

Synopsis : Bang ! Bang ! C’est l’ouverture de la chasse. Et aussi l’anniversaire d’Eda : 25 ans. Pour fêter ça, son père lui offre un appartement. La route, La pluie. Eda bouleversée, roule vite, trop vite. Quand un chien rose surgit dans ses phares, c’est l’accident. Effrayée par l’étrange animal, elle fuit et s’engouffre dans la forêt où son père mène la chasse. Proie parmi les proies, Eda n’a pas d’autre choix que de se confronter à lui…

La route du bout du monde d’Anaïs Le Berre et Lucille Prin (Fiction, 13’40, 2015, France, Université Sorbonne Nouvelle, Paris 3). Premier prix du jury, concours Arte de courts métrages de fictions d’écoles. En présence de l’équipe

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Synopsis : Un photographe est envoyé en Patagonie pour faire un reportage sur des pêcheurs mais se retrouve confronté à une région étrangement vide, qui le renvoie à ses propres questionnements. Sa rencontre avec Carlos va bousculer son regard de photographe…

En pratique

Jeudi 9 avril 2015, à 20h30. Accueil : 20h
– Durée de la séance : 83’
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton
Entrée : 6,50 €
Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com

Palmarès de la 7ème édition du Festival International du Film Documentaire Millenium

Objectif d’Or – Grand Prix du Meilleur Film Documentaire
Toto et ses soeurs, d’Alexander Nanau

Prix du Meilleur Message pour le Développement
The Chinese Mayor, de Hao Zhou

Prix du Meilleur Message pour les Droits de l’Homme
Do You Believe In Love, de Dan Wasserman

Prix Spécial des Droits de l’Homme
L’homme qui répare les femmes, de Thierry Michel et Colette Braeckman

Prix Spécial du Jury
My Love Don’t Cross That River, de Jin Mo-Young

Prix de la Trois (RTBF)
My Love Don’t Cross That River, de Jin Mo-Young

Prix du Public
L’homme qui répare les femmes, de Thierry Michel et Colette Braeckman

Prix de la Compétition « Travailleurs du Monde »
Race To The Bottom, de Poul-Erik Heilbuth et Georg Larsen

Prix de la compétition « Vision des Jeunes »
En quête de sens, de Nathanaël Coste et Marc de la Menardiere

COMPETITION WEB-DOC MEETINGS

Prix du jury 
Connected Walls, de Wielemans Sébastien, Fernandez Valeria, Enriquez Fidel, Gutiérrez Irène et Drissi Youssef

Prix du Journal Le Soir
Are Vah!, de Micha Patault et Sarah Irion

Prix du public
Copa para quem ? – Les dessous de la coupe du monde, de Maryse Williquet

Palmarès et reprise du Festival International de Films de Femmes de Créteil

Le Festival International de Film de Femmes de Créteil s’est terminé il y a quelques jours. Voici les 3 courts-métrages primés par le jury professionnel.

Palmarès

Meilleur court métrage étranger : The Chicken de Una Gunjak (Allemagne, Croatie)

Meilleur court métrage français : Sol Branco de Cristèle Alves Meira (France, Portugal)

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Meilleur court-métrage européen : Schoolyard de Rinio Dragasaki (Grèce)

Bonne info : 4 films primés cette année au festival (dont « The Chicken » et « Schoolyard ») seront présentés ce lundi 30 mars à 20h00 et 22h00 au Luminor Hôtel de Ville (20 rue du Temple, 75004 Paris).

Regards Libres de Romain Delange

Documentaire, 11′, 2005, France, Les Films du Cygne

Synopsis : Des enfants observent, critiquent et commentent un tableau.

Dans ce documentaire, Romain Delange filme des enfants à tour de rôle. Ceux-ci commentent un tableau. Encore emplis de leur spontanéité enfantine, ils n’ont pas leur langue dans leur poche et laissent aller les mots. Le spectateur, lui, ne voit que l’arrière de la toile en amorce du cadre. Ce dispositif très simple donne libre cours à l’imagination du spectateur qui se laisse porter par les différentes interprétations que les enfants font de ce tableau. En donnant la parole à des enfants, Romain Delange réalise un film très fort sur l’enfance et sa liberté de penser, encore affranchie de tous préjugés ainsi que sur l’art et ses multiples possibilités de réception.

Zoé Libault

San Siro de Yuri Ancarani

Présenté dans la compétition internationale des courts-métrages du festival Cinéma du Réel, « San Siro », de Yuri Ancarani, nous propose une immersion au cœur du célèbre stade milanais. Néanmoins, le sujet de ce court métrage n’est pas l’action sportive que les footballeurs offriront à leurs spectateurs. Ce qui intéresse le cinéaste italien, ce sont les étapes qui précèdent l’événement, les différentes tâches à accomplir au sein de l’édifice avant que la représentation ne soit possible. Le stade est filmé tel un organisme au sein duquel chaque travailleur a sa fonction. Les différents corps de métier, que l’on découvre au fil des images, œuvrent en amont, afin d’assurer le bon déroulement de la rencontre. Après une trilogie sur la notion de travail (« Da Vinci » (2012), « Il Capo » (2010) et « Piattaforma Luna » (2011)), Yuri Ancarani continue de sublimer le quotidien des hommes à l’ouvrage.

Les premières scènes nous dévoilent un univers de béton, baigné de pluie. Un univers gris où contrastent, par touches de couleurs vives, le manche d’un marteau, les lacets d’une chaussure ou les imperméables jaunes des travailleurs. Ce savant jeu d’opposition révèle l’un des enjeux du documentaire : rendre visibles, grâce à l’objectif de la caméra, les travailleurs de l’ombre. Par une succession de plans fixes, le cinéaste porte notre attention sur leurs gestes, leurs actions. Les plans se resserrent sur leurs mains, leurs pieds, les objets qu’ils manipulent. Un homme tire un long câble d’une trappe aux battants métalliques, un second l’assiste et, dans un geste précis, lent et esthétique enroule ce même câble sur lui-même. Le plan, très serré autour de l’objet, permet de ressentir toute l’harmonie de cet enchainement circulaire. La caméra, là encore en plan fixe, nous montre ensuite la valse de barrières métalliques, déplacées par des hommes en imperméables jaunes. L’enchainement des barreaux verticaux qui se croisent et s’entremêlent, produit l’effet d’une chorégraphie urbaine. Les images sont épurées, les plans longs et fixes, ce qui permet de mettre en exergue l’esthétisme que peuvent recouvrir les actions des personnages.

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Ces scènes, de même que toutes celles qui suivront, sont dépourvues de dialogues. Ce sont les bruits ambiants, ceux des gouttes de pluie percutant le sol, des câblages remontés à la surface, des barrières métalliques crissant sur le béton, qui constituent les seuls éléments sonores du film. Ils sont intensifiés, bruts et sourd, ils viennent perturber la calme de l’ouvrage méticuleux des travailleurs. Mais bientôt, nous quittons la grisaille mélancolique, pour, au plan suivant, observer l’étendue verte de la pelouse et un homme dont le rôle est d’allumer des pétards afin de faire battre en retrait une horde de pigeons.

Après cet intermède assez humoristique, le film ne sera plus qu’alternance. Une alternance de plans longs et courts, larges ou rapprochés, normaux ou en plongée. Mais également de calme et d’effervescence, de foule et de silence. C’est là que se situe toute la réussite du film de Yuri Ancarani. Le balancement d’un plan à l’autre, d’un sujet à l’autre, l’oscillement du calme à l’agitation, à mesure que l’heure de la rencontre sportive approche, crée, chez le spectateur un état d’attente. L’étude minutieuse de tous les petits évènements qui préparent celui tant attendu accentue l’anticipation à mesure qu’approche l’instant T, celui de la rencontre entre les joueurs.

Paola Casamarta

Consulter la fiche technique du film

S comme San Siro

Fiche technique

Synopsis : Une immersion au cœur du célèbre stade milanais peu avant un match. Cette étude méticuleuse de San Siro et des hommes qui y travaillent créé, par un savant jeu de contrastes, une anticipation de plus en plus intense à mesure que l’heure de l’entrée des sportifs approche.

Genre : Documentaire

Durée : 26’

Année : 2014

Pays : Italie

Réalisation : Yuri Ancarani

Image : Yuri Ancarani

Montage : Yuri Ancarani

Son : Mirco Mencacci

Production : Studio Ancarani

Article associé : la critique du film

A festa e os cães de Leonardo Mouramateus

Cette année, à la 37ème édition du Cinéma du Réel, un film nous montre que, contrairement au proverbe, une image ne vaut pas mille mots. L’image ne dit rien du tout, elle est muette. Pour faire comprendre tout ce que l’on voit, elle a besoin d’une légende, d’un contexte, et devenir ainsi explicite et captivante. « A festa e os cães » (La fête et les chiens), court métrage du jeune cinéaste brésilien Leonardo Mouramateus, propose un monde où les images seront uniquement des photos et leurs légendes seront les voix du réalisateur, Leo, et ses amis.

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Il s’agit du deuxième court métrage de Mouramateus à être sélectionné au Cinéma du Réel après « Mauro em Caiena » (Mauro à Cayenne) qui y a remporté le Prix du Court Métrage en 2013. Celui-ci, contrairement à « A festa » qui est plutôt un dialogue entre les personnages, est un monologue du réalisateur sur Mauro, son oncle émigré illégalement en Guyane Française, avec qui sa mère le compare parfois. Un film où la parole et les images s’articulent harmonieusement pour révéler une confluence entre le passé et le présent.

Ce rapport passé-présent se retrouve également au centre de « A festa e os cães ». Composé principalement de différentes photographies prises par le réalisateur au cours d’une année avec un petit appareil jetable, le film se construit à partir des souvenirs des personnages. Les clichés qui montrent surtout des jeunes dans diverses soirées et des chiens qui sont soudainement arrivés dans le quartier de Leo, une banlieue de Fortaleza, au nord-est du Brésil, seront la matière primordiale du film. Au fur et mesure que ces photos apparaissent à l’écran, on entend le dialogue entre Leo et ceux qui ont été photographiés : Geane, Clara, Kevin et Júnior. On comprendra rapidement que chaque voix correspond à la personne qu’on est en train de voir sur la photo, pour assembler ainsi un récit qui se construit petit à petit avec la participation de chacun, mené par ses propres souvenirs. La parole nous permet donc de voir ce qui est latent dans l’image, ce qui reste caché. Comme si d’une certaine façon, on assistait au processus de développement des images, où Mouramateus essaie de montrer ce qu’il a vu et de faire entendre ce qu’il a entendu.

Les photos défilent sous nos yeux, l’une après l’autre, mais on peut se rendre compte que la mise en scène va plus loin que cet apparent minimalisme. Les plans fixes qui nous permettent de voir une photo dans sa totalité deviennent parfois des plans rapprochés sur les visages ou les corps. Le rapprochement de la caméra crée l’illusion d’afficher certaines images en leur totalité, quand en réalité elle n’en filme qu’un tiers ou une petite partie. Ce dispositif qui s’achève avec la vitesse de défilement des photos (des fois fortuitement trop vite, des fois commodément trop lent) nous impose le regard du cinéaste. Le spectateur n’échappera jamais à ce point de vue qui deviendra le fil narratif du film.

Nous sommes devant un documentaire qui met en évidence le rapport entre trois mécanismes différents : la parole, la photographie et l’image-mouvement. La parole, bien qu’elle forme une relation immanente avec ce que l’on voit, reste détachée des images et échappe au champ visuel en nous emmenant au-delà du passé et du présent des personnages. Pourtant, la photographie, qui nous tient dans cette réalité commune créée par les histoires des protagonistes, et l’image-mouvement, qui n’apparaît qu’à la fin avec une coda puissante et cathartique, s’entrecroisent avec elle de façon structurée et unifiée. Le résultat est un court métrage réussi et équilibré qui culmine avec tension, intensité et complicité chez le spectateur.

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« A festa e os cães », flux narratif de cinq courants de conscience semblables, est un film qui explore les concepts d’individualité, de communauté, d’adolescence et de la vie au Brésil. Bien que chaque personnage soit distinct, il participe à un tout qui va au-delà de la somme de ses parties et de la somme de ces photos pour construire un récit, un discours, un destin commun.

Julián Medrano Hoyos

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Concours Arte/Fictions d’écoles : le palmarès

Récemment, nous vous avons parlé du concours online de courts métrages de fiction d’écoles francophones mis en place par la chaîne Arte, et organisé cette année avec différents partenaires : Format Court, le Festival du court métrage de Clermont-Ferrand, le magazine Bref, l’éditeur Châlet Pointu et Arte Boutique.

Pas moins de 121 films d’écoles ont été inscrits à ce concours. Ils sont tous visibles sur le site d’Arte.

Le concours vient de se terminer. En voici les résultats.

Les deux lauréats du Prix ARTE (décerné par un jury de professionnels dont Format Court) sont :

– 1er Prix du jury Arte : La route du bout du monde de Anaïs Le Berre et Lucile Prin (Université Sorbonne Nouvelle Paris 3, France)

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– 2ème prix du jury ARTE : Julia de Nora Burlet et Maud Neve (Institut des Arts de Diffusion, Belgique)

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Ces deux films seront projetés jeudi 9 avril à 20h30 au Studio des Ursulines à Paris, dans le cadre de la Soirée Format Court, spéciale Arte.

Les deux lauréats du Prix des internautes sont :

– 1er prix des internautes : On rentre demain de Manon Gaurin et Louve Dubuc Babinet (ESRA, France)

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– 2ème prix des internautes : Le Pattern de Ludovic Bontemps (Collège Cardinal Mercier, Belgique)

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F comme A festa e os cães

Fiche technique

Synopsis : À Fortaleza, au Brésil, aimer, boire et chanter. Rentrer chez soi en bravant les chiens errants. Et photographier, jusqu’à ce que l’appareil en plastique acheté en 2013 ait rendu l’âme.

Genre : Documentaire

Durée : 25′

Année : 2015

Pays : Brésil

Réalisation : Leonardo Mouramateus

Image : Juliane Peixoto

Montage : Luciana Vieira et Leonardo Mouramateus

Son : Pedro Diógenes

Production : Praia à Noite

Article associé : la critique du film

Hunger de Petra Zlonoga

Petra Zlonoga n’est plus une débutante. « Hunger » est son cinquième film en huit ans et, bien qu’elle soit graphiste, elle prend le contre-pied d’une grande partie de ses semblables lorsqu’ils en viennent au cinéma en évitant soigneusement d’animer directement sur ordinateur. Son dernier film, présenté au dernier Festival d’Angers, est en effet d’abord fait main, peint et dessiné selon des techniques traditionnelles avant d’être numérisé. Cela revêt une importance certaine car « Hunger » est d’abord un film intime et sur l’intimité. Il aurait été difficile et dommage d’utiliser des méthodes artificielles quand le toucher, le tracé et le mouvement sont aussi prégnants.

L’idée est simple et belle, parfaitement résumée par le pitch : « Tout ce qui est en vie a faim ; la graine a faim de lumière ; l’oiseau a faim de hauteurs, l’homme a faim du toucher de l’autre. Le germe du désir pousse dans tout ce qui nous nourrit. » C’est donc un film sur la faim, non sur l’éternel appétit pour la nourriture et notre survie mais sur cette faim qui fait germer en chacun de nous un désir, une envie. « Hunger », c’est encore un paysage abstrait, aussi bien visuel que sonore, qui tend petit à petit vers la figuration, comme naissance de quelque chose. Si le film parvient à rendre cette atmosphère palpable, c’est aussi grâce à l’apport d’Andrea Martignoni. Le sound-designer et musicien italien, connu pour ses performances en direct avec Pierre Hébert et pour sa collaboration aux univers urbains de Blu, propose une bande sonore minimaliste et antinaturaliste qui résonne comme un éternel écho.

Pendant que sur un fond quasi uni, des formes simples se plient, se métamorphosent et se révèlent au monde, un cœur bat et des bruits indistincts participent à la création d’un lieu connu mais différent de ce que nos sens ont l’habitude de nous faire percevoir. De l’espace noirâtre et souterrain de la graine et des racines, émerge la blancheur et la délicatesse de branches qui composent l’intérieur d’un corps humain. Et pendant que deux mains, l’une noire, peinte et sans contour, l’autre blanche, figure à peine esquissée, se rencontrent à la faveur d’un œuf, un oiseau prend forme à l’intérieur de ce dernier. Puis, il s’envole d’un second corps et se nourrit des fruits du premier.

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« Hunger » c’est le rapprochement et l’union de deux mondes graphiques complémentaires. Celui, plein, de la peinture, et l’autre, vide, du trait crayonné. Malgré leur fixité apparente, dans ces deux corps sommeillent un désir que les mouvements des animaux et des plantes grandissantes font émerger. L’un ne peut aller sans l’autre et c’est dans un dernier vol qu’ils s’unissent alors que les pulsations du cœur redoublent et que les ailes battent plus fort que jamais.

Nicolas Thys

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H comme Hunger

Fiche technique

Synopsis : Tout ce qui est en vie a faim ; la graine a faim de lumière ; l’oiseau a faim de hauteurs, l’homme a faim du toucher de l’autre. Le germe du désir pousse dans tout ce qui nous nourrit.

Genre : Animation

Durée : 6′09

Année : 2014

Pays : Croatie

Réalisation : Petra Zlonoga

Scénario : Petra Zlonoga

Design : Petra Zlonoga

Animation : Petra Zlonoga et Jelena Oroz

Compositing : Stjepan Milas

Son : Andrea Martignoni

Montage : Iva Kraljević

Production : Bonobostudio

Article associé : la critique du film

Festival d’Aubagne, le palmarès 2015

La 16e édition du Festival International du Film d’Aubagne s’est achevée ce weekend après 6 jours de projections, trois ciné concerts, des master class, des rencontres entre réalisateurs, scénaristes, producteurs et compositeurs de musique de film.

Voici les 7 courts qui y ont été primés sur les 72 œuvres en compétition par le jury attitré : Nicolas Cazalé (comédien), Christian Volckman (réalisateur), S.C.R.I.B.E (auteur réalisateur) et Franck Lebon (compositeur).

Palmarès

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* Meilleur film de fiction : « Discipline » de Christophe M. Saber (Suisse)
* Meilleur film d’animation : « Beach Flags »  de Sarah Saïdan(France)
* Meilleur documentaire : « Brame » de Sophie-Charlotte Gautier, Anne Loubet (France)
* Prix Spécial du jury : « Journée d’appel » de Basile Doganis (France)
* Mention spéciale pour la meilleure interprétation féminine à Katharina Behrens dans « Wo Wir Sind » de Ilker Catak (Allemagne)
* Mention spéciale pour la meilleure interprétation masculine : John Arnold dans « Service compris »de Stéphan Castang (France)

Autres prix

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* Prix Beaumarchais-SACD :« Au sol » de Alexis Michalik (France)
* Prix du Public  : «De Smet » de Thomas Baerten, Wim Geudens (Belgique/Pays Bas)
* Prix des délégués culturels : « Luciano » court métrage de Dani de la Orden – Cyprien Clément-Delmas (Espagne)
*18è Bourses du Sirar (Site Régional d’Aide à la Réalisation) : scénarios lauréats
– 1er Prix : Bourse pour la réalisation d’un 1er court métrage : « Jours intranquilles » par Latifa Saïd
– 2ème Prix : Aide technique :« Et quand vient le soir » par Lou Séité
– 3ème Prix : invitation au Marathon d’écriture du Festival des scénaristes de Valence : « La chasse au dahu » par Anaïs Leclerc

Rino Stefano Tagliafierro : « L’histoire prime sur la technique car elle est pourvoyeuse d’émotions »

« Beauty » est un film déconcertant à bien des égards. Ni réellement en prise de vue réelle ni vraiment animé de manière habituelle, ce kaléidoscope enchaînant des reproductions de tableaux classiques pendant près de 10 minutes a fait son chemin remarqué en festival, toujours dans les marges, autant à Annecy qu’à Clermont-Ferrand. Nous avons rencontré l’auteur de « Beauty », un jeune graphiste italien, Rino Stefano Tagliafierro, qui nous en dit un peu plus sur l’origine de son film et sa méthode de travail.

Rino-Stefano-Tagliafierro

Tu as fait une école de design et beaucoup d’installations impliquant l’art vidéo. Tu as aussi réalisé des vidéoclips. En ayant autant de cordes à ton arc, comment choisis-tu tes projets ?

En général, j’ai en tête un projet et un message. Après, ça ne compte pas pour moi de savoir comment je l’exprime. Du coup, je n’attache pas d’importance au fait que ce soit de l’animation classique, hybride ou de la prise de vue réelle. À certains moments de ma vie, j’ai envie d’expérimenter certaines techniques, mais ce n’est pas le plus important. Je veux transmettre des émotions, je choisis donc une technique en conséquence. L’histoire prime car elle est pourvoyeuse d’émotions.

Dans tes clips, tu animes des formes avec de la musique. Comment fais-tu le lien entre elles ?

C’est ma passion de lier les deux. Dans chacune de mes vidéos, je fais très attention au sound design. Je travaille souvent avec mon ami compositeur Enrico Ascoli qui me comprend très bien. Il sait ce que j’ai en tête et m’aide à l’appréhender. Il y a une forme de symbiose entre nous.

Pour mon film musical « My Super8 », retenu à Annecy en 2013, j’ai d’abord monté les images sans musique. Enrico a créé la musique à partir de la vidéo brute et de mon idée. J’ai ensuite rajusté les images avec la musique.

Quand je travaille, j’écoute de la musique comme beaucoup de gens. C’est la même chose quand je tourne, je demande à l’assistant de mettre de la musique sur le plateau. Ça crée une même ambiance pour toute l’équipe et c’est important surtout quand on travaille sur un film où la musique compte.

Est-ce le cas de « Beauty » ? Que souhaitais-tu montrer avec ce film ?

« Beauty » a été plus conçu comme un « trip émotionnel ». Je souhaitais que le spectateur se laisse transporter et ne pense pas pendant le film. Le but était de créer une histoire à l’intérieur du spectateur, une histoire qui aille au-delà de son regard et implique tout son corps en faisant des montées et des descentes d’émotions. J’aimerais que le public se perde dans mes films, un peu comme s’il était en transe. Dans « Beauty », la musique et l’enchainement des peintures donnent le rythme et orientent l’histoire.

Je pense avoir créé une vidéo qui parle à tout le monde car j’essaye de montrer les émotions majeures que chacun peut ressentir au cours de sa vie. Il y est question de la crainte de la naissance, de la mort ou de l’amour. Au travers de ces peintures, je cherche un langage universel.

Pourquoi as-tu choisi ces peintures-là, exclusivement classiques et figuratives, et comment les as-tu travaillées ?

Quand je me trouve à Rome, je ne manque jamais d’aller voir mes peintures préférées de Caravage. J’aime aussi le classicisme français et William Bouguereau. Pour ce film, j’ai commencé par choisir les peintres que j’aimais. J’ai ensuite choisi des peintures d’artistes similaires dans la technique ou les symboles. J’ai volontairement exclu les artistes après le XIXè siècle et les impressionnistes.

Pour « Beauty », il y a 118 peintures, mais j’en ai choisi beaucoup d’autres. En réalité, j’en ai animé énormément et un bon nombre d’entre elles ne se trouvent pas dans le montage final. Je les ai effacées et mises dans un film alternatif dont je ferai peut-être un bonus un jour.

J’ai également souhaité conserver la touche originale des peintures que j’ai animées en ajoutant seulement un petit mouvement, sans les dénaturer. Cela m’a pris beaucoup plus de temps que ce que j’avais imaginé et je me suis retrouvé à travailler sur ce projet pendant les week-ends et les vacances.

As-tu passé beaucoup de temps dans les musées ?

Je n’ai pas vu la plupart des peintures qui sont montrées dans mon film. Certaines sont dans des collections privées. J’ai pris beaucoup de notes et ai surtout passé du temps à choisir certaines peintures plutôt que d’autres. J’ai aussi passé beaucoup de temps sur Internet pour compléter mon film.

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Sur un écran d’ordinateur ou un téléviseur, ton film semble utiliser l’écran pour en faire un tableau alors qu’en salle, les personnages des tableaux apparaissent souvent plus grands que les spectateurs. Était-ce délibéré, sachant que ton travail profite beaucoup de la diffusion sur le Net ?

Peut-être qu’un grand écran, au cinéma, finit par être trop grand, même si cela va dans le sens que je cherche et qu’il accroit l’émotion. Les personnages sont vraiment grands, c’est vrai, c’est étrange, mais je ne pense pas qu’il y ait un meilleur média que la salle pour mes vidéos.

La peinture originale reste le meilleur média mais l’important, à nouveau, c’est l’histoire. Je ne pense pas que l’image parfaite soit un but en soi, même si j’attache toujours de l’importance au grain et à la patte personnelle. De plus, je me considère plus comme un artiste utilisant le graphisme que comme un animateur à proprement parler.

Propos recueillis par Georges Coste

Article associé : la critique du film

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Concours de scénario 5×2

La Cinémathèque de Grenoble et le Grec organisent depuis 1998 un concours de scénario de court-métrage dans le cadre du Festival du film court en plein air de Grenoble. Depuis 2014, ce concours propose la réalisation de 5 x 2 minutes par un même auteur dans un même lieu.

Le lauréat du concours réalise son projet grâce à une bourse du Conseil Général de l’Isère et un préachat de France 2. Le Grec en est le producteur. Les trois premiers lauréats bénéficient d’un stage de réécriture à Grenoble, dirigé par Christophe Loizillon, parrain du concours pour la deuxième année consécutive.

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Le film du lauréat sera diffusé lors du Festival du Film Court en plein air de Grenoble, et dans Histoires courtes sur France 2. Il sera également mis en ligne sur les sites internet de France 2, de la Cinémathèque de Grenoble et du Grec.

Date limite de candidature : 24 avril 2015.

Télécharger le dossier d’inscription

Infos : http://www.grec-info.com/concours.php

L’Amie d’Amélie de Clémence Diard

Sélectionné dans la compétition internationale des courts-métrages de la nouvelle édition du Cinéma du Réel, le documentaire « L’Amie d’Amélie » de Clémence Diard nous plonge dans l’intimité d’une relation entre deux sœurs. L’une est la réalisatrice elle-même et l’autre l’Amélie du titre, jeune femme atteinte d’autisme et dont la prise en charge par sa sœur le temps d’une semaine constitue le prétexte d’un tournage élaboré dans son plus simple appareil : une caméra numérique, la filmeuse d’un coté et la filmée de l’autre. La jeune cinéaste, ancienne étudiante de la Fémis issue du département montage, livre un film de fin d’études étonnant dont l’épure et l’apparente simplicité du dispositif parviennent à reposer et éclairer les enjeux du cinéma documentaire.

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La séquence d’ouverture du film nous emmène dans un premier temps en terrain connu : un montage d’images d’archives extraites de bandes VHS sur lesquels sont enregistrés les jeux d’enfants de la réalisatrice et de sa fratrie nous est présenté, et succinctement commenté par une voix-off nous plaçant d’emblée dans la confidence. La voix est celle de Clémence, et les quelques mots qu’elle pose sur ces images livrent l’essentiel des informations dont nous aurons besoin pour appréhender le récit à venir, ou tout du moins son point de départ : celui de sa relation avec sa sœur Amélie, diagnostiquée autiste à la naissance et dont la cinéaste confesse de «ne pas avoir pardonné le handicap durant son enfance». L’on pourrait craindre à cet instant que le film réduise son champ à celui d’une frontière délimitée par le handicap, et que l’ambition qui en découle nous amène sur le terrain rebattu d’un léger bousculement de notre zone de confort vis-à-vis de ce sujet et de sa représentation.

La réalisatrice résout assez vite cette question dès lors que nous entrons dans l’espace-temps de cette semaine où elle garda sa sœur, profitant de cette intimité retrouvée pour la filmée au présent de leur relation et de leurs possibles échanges. En occultant nullement dans les premières séquences la gaucherie d’Amélie, ses écarts de conduites et ses moments de ressassement, la réalisatrice trouve l’angle juste et pose un regard bienveillant sur son sujet en cela qu’elle nous le donne dans son acception la plus prosaïque. La représentation du handicap n’est dès lors plus envisagée comme une fin en soi, mais comme l’espace d’un échange particulier que la proximité permise par le tournage documentaire peut nourrir en l’investissant de nouvelles questions, de nouveaux enjeux.

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Rapidement, un troisième acteur intervient au milieu de cet échange privilégié entre la réalisatrice et sa sœur : l’énigmatique Christine, esthéticienne et vraisemblablement amie d’Amélie qu’elle ne cesse d’évoquer au cour de ses discussions avec Clémence et qu’elle souhaite convier à un goûter. Un fil narratif se dessine alors progressivement et transforme la rencontre éternellement repoussée avec l’esthéticienne en véritable feuilleton, dont l’intérêt principal tient dans le déplacement des enjeux du récit qu’il opère en fabriquant un hors-champ inattendu. L’intelligence de la cinéaste se traduit alors par la prise en compte de cette nouvelle altérité, jusqu’à en faire le pivot à partir duquel les rapports entre les différents acteurs du film se transforment et redéfinissent, parfois avec une ironie surprenante, les statuts de chacun.

Car au cours de ce feuilleton, un épisode déterminant survient. Amélie saisit à un moment la puissance de l’outil-caméra et énonce l’envie de réaliser son propre projet pour se rapprocher de son amie absente, matérialisant de ce fait une donnée essentielle de la démarche documentaire : la présence de la caméra comme objet dont le filmeur et le filmé peuvent s’emparer au même moment, chacun construisant son film en parallèle du film de l’autre. Les sœurs finissent par se rencontrer au plus bel endroit, celui du cinéma qui leur offre par le truchement d’une caméra et du hors-champ qu’elle fabrique un espace à investir ensemble.l-amie-d-amelie1

La réussite du film de Clémence Diard tient dans le fait qu’il ne verse jamais dans le pathos ni dans la démagogie, et replace le geste documentaire au cœur de son projet. En s’emparant d’une matière personnelle qu’elle interroge à chaque instant, la cinéaste entreprend de répondre à son sujet dans le temps de la fabrication plutôt que d’imposer a priori un sens ou un discours quelconque. Si le cadre vacille, l’œil, lui, regarde assurément dans la bonne direction.

Marc-Antoine Vaugeois

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Pour information, le film est projeté ce samedi 21 mars à 18H30 au Luminor, le lundi 23 mars à 13H30 au Cinéma 1 et le jeudi 26 mars à 19H30 au Centre Wallonie Bruxelles.

A comme L’Amie d’Amélie

Fiche technique

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Synopsis : «Notre mère est partie depuis dimanche et je vais rester pendant une semaine auprès de ma sœur Amélie. Je pensais qu’on allait être seules pour une fois, mais je me trompais. Entre elle et moi, il y a Christine ».

Genre : Documentaire

Durée : 42′

Année : 2014

Pays : France

Réalisation : Clémence Diard

Image : Clémence Diard

Montage : Clémence Diard

Son : Clémence Diard

Production : La Fémis

Article associé : la critique du film