Hunger de Petra Zlonoga

Petra Zlonoga n’est plus une débutante. « Hunger » est son cinquième film en huit ans et, bien qu’elle soit graphiste, elle prend le contre-pied d’une grande partie de ses semblables lorsqu’ils en viennent au cinéma en évitant soigneusement d’animer directement sur ordinateur. Son dernier film, présenté au dernier Festival d’Angers, est en effet d’abord fait main, peint et dessiné selon des techniques traditionnelles avant d’être numérisé. Cela revêt une importance certaine car « Hunger » est d’abord un film intime et sur l’intimité. Il aurait été difficile et dommage d’utiliser des méthodes artificielles quand le toucher, le tracé et le mouvement sont aussi prégnants.

L’idée est simple et belle, parfaitement résumée par le pitch : « Tout ce qui est en vie a faim ; la graine a faim de lumière ; l’oiseau a faim de hauteurs, l’homme a faim du toucher de l’autre. Le germe du désir pousse dans tout ce qui nous nourrit. » C’est donc un film sur la faim, non sur l’éternel appétit pour la nourriture et notre survie mais sur cette faim qui fait germer en chacun de nous un désir, une envie. « Hunger », c’est encore un paysage abstrait, aussi bien visuel que sonore, qui tend petit à petit vers la figuration, comme naissance de quelque chose. Si le film parvient à rendre cette atmosphère palpable, c’est aussi grâce à l’apport d’Andrea Martignoni. Le sound-designer et musicien italien, connu pour ses performances en direct avec Pierre Hébert et pour sa collaboration aux univers urbains de Blu, propose une bande sonore minimaliste et antinaturaliste qui résonne comme un éternel écho.

Pendant que sur un fond quasi uni, des formes simples se plient, se métamorphosent et se révèlent au monde, un cœur bat et des bruits indistincts participent à la création d’un lieu connu mais différent de ce que nos sens ont l’habitude de nous faire percevoir. De l’espace noirâtre et souterrain de la graine et des racines, émerge la blancheur et la délicatesse de branches qui composent l’intérieur d’un corps humain. Et pendant que deux mains, l’une noire, peinte et sans contour, l’autre blanche, figure à peine esquissée, se rencontrent à la faveur d’un œuf, un oiseau prend forme à l’intérieur de ce dernier. Puis, il s’envole d’un second corps et se nourrit des fruits du premier.

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« Hunger » c’est le rapprochement et l’union de deux mondes graphiques complémentaires. Celui, plein, de la peinture, et l’autre, vide, du trait crayonné. Malgré leur fixité apparente, dans ces deux corps sommeillent un désir que les mouvements des animaux et des plantes grandissantes font émerger. L’un ne peut aller sans l’autre et c’est dans un dernier vol qu’ils s’unissent alors que les pulsations du cœur redoublent et que les ailes battent plus fort que jamais.

Nicolas Thys

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