« Dans la joie et la bonne humeur » de Jeanne Boukraa a remporté l’an passé le Grand Prix au Festival Premiers Plans d’Angers avant d’être sélectionné au dernier festival Court Métrange de Rennes. En moins de 6 minutes, le film parcourt les étapes phares de l’évolution de notre espèce depuis le moment où les scientifiques découvrent la clé de l’immortalité jusqu’à celui où, contre toute attente, l’espèce humaine est menacée d’extinction…
Pour introduire le sujet sans détour, un commentaire explique que le gène de la régénération a été découvert dans une petite méduse, la Turritopsis Nutricula. Immédiatement incorporé à l’ADN de la population, le précieux gène vient corriger un défaut tenace de l’espèce humaine : l’homme souffrait, il ne souffre plus, l’homme mourrait, il ne meurt plus.
Cette introduction délimite judicieusement la grille de lecture du métrage, le commentaire scrupuleux et détaché apparait comme l’énoncé d’une expérience dont le sujet d’étude est notre espèce, le catalyseur la manipulation génétique, le spectateur le témoin de la réaction génétique, et la problématique une simple question : qu’advient-il de notre espèce si l’on en modifie les gênes ? Depuis notre siège, nous devons donc en toute objectivité comparer les humains du film à l’humain que nous sommes et confronter les résultats de l’expérience.
La première étape de l’expérience se concentre sur un individu isolé que l’on observe de l’enfance au troisième âge. Par ellipses, un enfant ordinaire devient un adolescent plein de vie qui devient un homme mature qui devient un vieil homme très âgé. Rien d’inhabituel jusque à ce stade. Mais puisque l’homme ne meurt plus, c’est ici que l’expérience prend tout son sens : qu’arrive-t-il après la vieillesse ? L’ellipse qui suit apporte une réponse inédite lorsque le vieil homme, plutôt que du trépas, mute physiquement à mi-chemin de l’homme et de la méduse. C’est une conséquence monstrueuse. Mais qui ne dure qu’un temps. Le sujet de l’expérience revient à son point de départ, l’homme-méduse redevient l’enfant qu’il était en début de séquence, à l’aube de sa vie.
La boucle est bouclée, l’ordre naturel renversé, le spectateur ne témoigne pas seulement de la vie d’un homme en trente secondes, il découvre le cycle de la vie de notre espèce réduit à l’échelle d’un seul individu. Un cycle perverti que Jeanne Boukraa synthétise judicieusement par une allégorie forte, l’homme de l’expérience tourne en rond, évoluant sans cesse de la forme humaine à celle de la méduse, il vieillit, mute, rajeunit, puis vieillit, mute, etc. Conclusion : manipuler l’ADN a modifié l’apparence physique et le développement naturel de l’homme. Fort heureusement, l’humanité ne se limite pas au simple critère physique, elle s’exprime aussi dans les relations sociales.
Jeanne Boukraa lance alors la deuxième étape de l’expérience, l’homme est étudié dans son environnement social, au cours de ses échanges avec ses comparses. Au bureau, dans la cuisine, dans la rue, les moments de vie s’enchaînent, de façon que le spectateur puisse constater la progression des rapports sociaux. Nous observons des accidents domestiques, des altercations, des conflits de toutes sortes, et doucement, inexorablement, l’attitude des hommes change. Devenus invincibles, ils s’adonnent volontiers à des violences sur eux-mêmes comme sur leurs camarades. La violence devient anecdotique, c’est un moyen, un plaisir, et même un passe-temps.
Sans rien spoiler de la chute, nous pouvons tirer les conclusions de l’expérience de Jeanne Boukraa. Tout d’abord, la vulnérabilité de l’espèce humaine, fruit de sa génétique, loin d’être un défaut coriace sous-tend au contraire un système de valeur salutaire qui prohibe toute violence et vise au bien-être de tous. La thèse n’est pas nouvelle, mais il est toujours utile de la rappeler de façon intelligente, et Jeanne Boukraa s’y attèle de manière simple et pertinente.
Ensuite, « Dans la joie et la bonne humeur » dépoussière une idée précieuse que l’on avait retenu du « 2084 » de Chris Marker : si le cinéma peut témoigner du passé et du présent, peut-il visiter le futur ? Peut-on faire des « prévisions cinématographiques » ? C’est évidemment peu probable mais si l’expérience scientifique réalisée dans le film devait être reproduite dans des circonstances réelles, arriverait-on au même résultat sordide ? Ici réside tout l’intérêt des hypothèses « grise », « noire » et « bleue » du métrage de Chris Marker comme de celle unique et judicieuse que pose Jeanne Boukraa en début de pellicule.
Le rapprochement des deux œuvres n’est pas une digression, leurs constructions sont proches : ils ont en commun le commentaire d’ouverture, l’énoncé des hypothèses, un thème qui déborde largement le cadre du film, la prévision d’un futur possible et pas franchement glorieux… Jeanne Boukraa fait tout du long écho à l’œuvre de Marker. Dans « 2084 », à la question « Qu’est-ce que je n’aime pas ? » le premier homme interrogé répond : « La Mort ». Il a de la chance, c’est aussi le mot qui ouvre « Dans la joie et la bonne humeur », et « La Mort » y est vaincue, annulée, elle n’existe plus, elle est devenue impensable, il n’y a donc plus aucune aucune raison de ne pas l’aimer. Mais, après avoir observé les conséquences d’une vie sans « Mort », comme nous avons pu le voir, aurait-il corrigé sa réponse ?
Synopsis : Dans ce documentaire expérimental, nous observons, à travers des scènes du quotidien, les dégénérescences d’une société où la technologie grandissante à permis de réaliser le rêve ultime de tous les hommes : L’immortalité.
Vous êtes nombreux à avoir participé à notre Top 5 des meilleurs courts métrages lancé il y a 10 jours sur notre site internet. Voici les films que vous avez le plus apprécié cette année.
« Le Repas dominical » de Céline Devaux (Sacrebleu Productions) est le court métrage que vous avez préféré cette année : le film a remporté le plus de voix à notre Top 5.
5 films ex aequo font également partie de votre Top : « Notre Dame des hormones » de Bertrand Mandico (Ecce Films), « La Contre-allée » de Cécile Ducrocq (Année Zéro), « Ton coeur au hasard » de Aude Léa Rapin (Les Films de la Croisade), « Errance » de Peter Dourountzis (Année Zéro) et « Des millions de larmes » de Natalie Beder (Yukunkun Productions).
Après 40 ans de service, Roland Nguyen, ancien responsable du court métrage à France 3 puis à France Télévisions, n’est pas prêt de lâcher la forme courte. Toujours membre du comité court aux César, script doctor, coordinateur du comité d’experts du prix Polar SNCF, il est désormais Président de l’association Faites des Films, Fête des Films, à l’origine du « Cinéma, c’est jamais trop court » s’étant déroulé ce weekend au Carreau du Temple. Entretien autour des anges gardiens du court métrage, de l’opportunité du web, de la sincérité et de l’art de raconter des histoires.
Avant la réalisation de son dernier court métrage « Corpus » (récompensé au festival Court Métrange 2015, par le prix Format Court), le travail de Marc Hericher s’organisait autour d’une dualité qui structurait l’espace visuel et narratif de ses films. Une dualité entre deux mondes : le réel et le fantasmé.
« 25/75 Carcan », son tout premier film réalisé en 2006, alors qu’il était étudiant à l’École des Arts Décoratifs de Paris, est un condensé de tout ce qui fera la richesse de son futur travail. Ce court métrage en stop motion de 3 minutes s’ouvre sur la traversée énigmatique d’une ligne blanche qui vient départager l’écran en deux quantités : 25 et 75.
Puis, le décor du film se révèle face à deux pièces dont la superficie de chacune reprend les valeurs déterminés par cette ligne. Le cadre reste fixe. Pas de mouvement de caméra, ici c’est la scénographie du décor qui nous raconte une histoire. Un vieil homme sur un fauteuil roulant entre dans un vestibule exigu. Triste constat que sa vie : il tient à peine dans l’espace de la pièce tant son fauteuil est encombrant.
Comme pour s’échapper au 25 % de réalité dans lequel il est enfermé, le sommeil devient une échappatoire : il s’endort brusquement. Les 75 % restants du décor s’illuminent alors, révélant une autre pièce plus grande, lieu du déploiement de son rêve. Dans une mise en abyme visuelle, un écran de ciel se déploie à l’intérieur même de cette pièce, démultipliant l’espace. Pendant un court instant, le vieillard rêve et nage gracieusement dans ce qu’il croit être un océan de ciel infini.
La force de ce court métrage tient dans l’habileté à faire tenir autant d’espaces dans un cadre aussi exigu qu’une boîte à chaussures. Chacun de ces espaces interroge sur la place que l’on donne dans notre vie au rêve et à la réalité. Espaces qui semblent autant infinis que factices et restreints.
Par la suite, cette ligne blanche qui introduit l’action dans « 25/75 Carcan » prendra pleinement son sens dans son film de fin d’études, « Ollo » (2008). Elle deviendra l’enjeu narratif : que se passe-t-il lorsque l’espace du réel empiète sur celui du fantasme, jusqu’à le rendre inexistant ?
Dans le travail de Marc Hericher, il y a ce que l’on pourrait appeler des forces supérieures et invisibles, qui contrôlent les actions présentées à l’écran. Les espaces de réalités et de rêves semblent être délimités par cette ligne blanche dans un but précis. D’abord pour comparer ces deux mondes, puis pour dénoncer l’empiétement souvent fatal du réel sur l’imaginaire. Cette disparition progressive nous mène vers une réflexion : il est important d’avoir en tête un lieu imaginaire dans l’espace de notre réalité, comme un coin de repli intérieur. Sans quoi l’unique échappatoire au monde réel deviendra, à l’image du dernier plan de « Ollo », une minuscule fenêtre ouverte sur un coin de ciel, dans un grenier délabré.
« Corpus » son tout dernier court métrage représente une certaine rupture avec ces films précédents. Il n’y est plus question d’opposition, d’empiètement. Au contraire, c’est une installation où corps et machines se répondent de manière harmonieuse et chorégraphique.
Et pourtant cette installation filmée est déterminée là encore par un geste invisible à l’image. Une bille entre dans le cadre sous une impulsion mystérieuse, pour venir déclencher l’installation mécanique. Ce mouvement peut s’interpréter d’une multitude de manières. Peut-être est-ce la présence cachée du réalisateur, qui souhaite secrètement donner l’impulsion nécessaire à sa création ?
Depuis 6 ans, les membres de Format Court se prêtent à l’exercice du Top 5 des meilleurs courts métrages de l’année, à l’instar des autres revues et sites web dédiés au long-métrage. Rituel oblige, voici les films de l’année qui ont marqué l’équipe de Format Court.
Pour rappel, vous avez jusqu’au mercredi 23/12 inclus pour nous envoyer par mail vos propres Top en nous précisant vos 5 coups de cœur de l’année, tous pays et genre confondus, par ordre de préférence, en n’oubliant pas de mentionner leurs réalisateurs et leurs pays. Beaucoup de Top nous sont déjà parvenus, n’hésitez pas à participer également ! Les résultats des votes seront publiés dans les prochains jours sur notre site.
En attendant, voici d’ores et déjà le Top 5 de l’équipe de Format Court…
Sylvain Angiboust
1. Le Repas dominical de Céline Devaux, France
2. Mur de Andra Tévy, France
3. Azurite de Maud Garnier, France
4. Sanjay et sa super équipe de Sanjay Patel, États-Unis
5. Mademoiselle de Guillaume Gouix, France
Fanny Barrot
1. Leftover de Tibor Banoczki et Sarolta Szabo, France
2. Washingtonia de Konstantina Kotzamani, Grèce
3. Le Park de Randa Maroufi, France
4. Porn Punk Poetry de Maurice Hübner, Allemagne
5. Notre-Dame des Hormones de Bertrand Mandico, France
1. World of Tomorrow de Don Hertzfeldt, États-Unis
2. De Smet de Wim Geudens et Baerten Thomas, Pays-Bas
3. Notre-Dame des Hormones de Bertrand Mandico, France
4. 12th Assistant de Jae-Hyun Jang, Corée du Sud
5. Démontable de Douwe Dijkstra, Pays-Bas
Marie Bergeret
1. Shipwreck de Morgan Knibbe, Pays-Bas
2. Onder ons de Guido Hendrickx, Pays-Bas
3. On The Other Side of The Woods de Anu-Laura Tuttelberg, Estonie
4. Nova Dubai de Gustavo Vinagre, Brésil
5. Aïssa de Clément Tréhin-Lalanne, France
Juliette Borel
1. Fan Fan de Chia-Hsin Liu, Taiwan
2. Quelques secondes de Nora El Hourch, France
3. Untitled de Damien Collet, Belgique
4. Port Nasty de Rob Zywietz, Royaume-Uni, Angleterre
5. Kanun de Sandra Fassio, Belgique
Clément Beraud
1. Rearranged de Ewa Górzna, Finlande
2. In uns das Universum (L’univers en nous) de Lisa Krane, Allemagne
3. Le Repas dominical de Céline Devaux, France
4. Stella Maris de Giacomo Abbruzzese, Italie
5. Mi ne mozem zhit bze kosmosa (la tête dans les étoiles) de Konstantin Bronzit, Russie
1. Nova Dubai de Gustavo Vinagre, Brésil
2. The Mad Half Hour de Leonardo Brzezicki, Argentine, Danemark
3. In Waking Hours de Sarah & Katrien Vanagt, Belgique
4. Shipwreck de Morgan Knibbe, Pays-Bas
5. I’m in Pittsburgh and It’s Raining de Jesse McLean, États-Unis
Agathe Demmanneville
1. Z Lozka Powstales (From Bed Thou Arose) de Bartek Konopka, Pologne
2. If Mama Ain’t Happy Nobody’s happy de Mea de Jong, Pays-Bas
3. Archipels, granites dénudés de Daphné Hérétakis, France, Grèce
4. Larp de Kordian Kądziela, Pologne
5. In de Naam Van de Kater (In God we trash) de Thijs de Block, Belgique
Xavier Gourdet
1. Le Park de Randa Maroufi, France
2. Panorama de Gian Luca Abbate, Italie
3. The Exquisite Corpus de Peter Tcherkassky, Autriche
4. Tehran-Geles de Arash Nassiri, France
5. Le Repas dominical de Céline Devaux, France
Aziza Kaddour
1. Moonkup – Les Noces d’Hémophile de Pierre Mazingarbe, France
2. F430 de Yassine Qnia, France
3. 8 balles de Frank Ternier, France
4. Hillbrow de Nicolas Boone, France
5. Limbo Limbo Travel de Zsuzsanna Kreif et Borbála Zétényi, France, Hongrie
Nadia Le Bihen-Demmou
1. Tigres à la queue leu leu de Benoît Chieux, France
2. Hillbrow de Nicolas Boone, France
3. F430 de Yassine Qnia, France
4. Black Diamond de Samir Ramdani, France
5. Le dernier des céfran de Pierre-Emmanuel Urcun, France
Mathieu Lericq
1. Hosanna de Na Young-kil, Corée du sud
2. Les passages secrets de Leslie Lagier, France
3. Dokument de Marcin Podolec, Pologne
4. Livreur de Vladilen Vierny, France
5. Nova Dubai de Gustavo Vinagre, Brésil
Zoé Libault
1. Onder ons de Guido Hendrickx, Pays-Bas
2. Ecosistema de Iara Udijara y Tomás Raimondo, Argentine
3. Dinner for few de Nassos Vakalis, Grèce
4. Sous tes doigts de Marie-Christine Courtès, France
5. Nieuw de Eefje Blankevoort, Pays-Bas
Julián Medrano Hoyos
1. La Légende Dorée de Olivier Smolders, Belgique
2. Antonio, lindo de Antonio de Ana Maria Gomes, France
3. Vous voulez une histoire ? de Antonin Peretjatko, France
4. Le Repas dominical de Céline Devaux, France
5. Roadtrip de Xaver Xylophon, Allemagne
1. Les Vendéennes de Frédéric Bayer-Azem et Johan Michel, France
2. Le Cœur de Olivier Guidoux, France
3. Archipels, granites dénudés de Daphné Hérétakis, France, Grèce
4. Les rues de Pantin de Nicolas Leclere, France
5. IEC Long de Joao Pedro Rodrigues et Joao Guerra da Mata, Portugal
Le Jour le plus court s’achève ce soir. Après vous avoir donné rendez-vous hier aux Ursulines (salle pleine, bouchon !), voici nos deux derniers films en ligne issus de la programmation de cette année, « Que c’est bon l’insolence ! » : « Dialogue au sommet » de Xavier Giannoli et « Petite Blonde » de Emilie Aussel.
Vous avez jusqu’à ce soir, minuit, pour les voir, partager, commenter. Ces deux films, tout comme « En pleine forme » de Pierre Etaix, « La Force des choses » de Alain Guiraudie, « Le Loup blanc » de Pierre-Luc Granjon et « Molii » de Carine May, Yassine Qnia, Hakim Zouhani et Mourad Boudaoud ne seront plus visibles en streaming sur notre site, pour des raisons de droit. Plus que quelques heures pour en profiter !
Dialogue au sommet de Xavier Giannoli (fiction, 7′, 1995, France)
Un ouvrier et son patron sont prisonniers l’un de l’autre à 80 mètres au-dessus du sol.
Petite Blonde de Emilie Aussel (fiction, 15’30 », 2013, France)
Marseille, l’été. Un jeune caïd et sa bande, des adolescents issus des quartiers populaires, passent leurs après-midi sur une plateforme de la corniche. Ils paradent, parlent fort, se baignent et sautent des rochers, du plus haut possible.
À Format Court, nous avons pour habitude de diffuser bon nombre de courts-métrages en salle et sur le net (à ce sujet, connaissez-vous notre vidéothèque forte de plusieurs centaines de films ?).
À l’occasion du Jour le plus court et en prévision de notre séance – gratuite – de ce soir dédiée à la manifestation (rendez-vous aux Ursulines à 20h30), nous diffusons depuis hier plusieurs films en ligne issus de la programmation de cette année, « Que c’est bon l’insolence ! ».
Ces films (6 au total, à raison de 2 par jour) sont visibles dans leur intégralité jusqu’à demain, dimanche 20 décembre 2015.
Après vous avoir proposé hier « En pleine forme » de Pierre Etaix et « La Force des choses » de Alain Guiraudie, voici nos deux nouveaux courts à consommer sur place ou à emporter : « Le Loup blanc » de Pierre-Luc Granjon et « Molii » de Carine May, Yassine Qnia, Hakim Zouhani, Mourad Boudaoud, deux films malicieux liés à l’enfance.
D’un côté, un conte atypique en papier découpé, aux forêts sombres et aux enfants rêveurs et imaginatifs. De l’autre, une comédie tournée de nuit dans une piscine, par quatre copains réalisateurs, désireux de filmer le cauchemar d’un apprenti gardien, confronté à une bande d’intrus hauts comme trois pommes.
A demain pour nos deux derniers films !
Le Loup blanc de Pierre-Luc Granjon (animation, 8’10″, 2006, France, Sacrebleu Production)
Un enfant réussit à apprivoiser un gros loup blanc pour en faire sa monture. Son petit frère et lui sont ravis. Mais pour nourrir sa famille, le père ramène de la chasse un gibier plus gros que d’habitude, un loup blanc…
Molii de Carine May, Yassine Qnia, Hakim Zouhani, Mourad Boudaoud (Fiction, 13’, 2013, Les Films du Worso, France).
Steve a la vingtaine bien tassée. Ce soir-là, il doit remplacer son père, gardien de la piscine municipale. Tout se passe comme prévu, jusqu’au moment où le jeune homme entend des bruits inhabituels.
Comment fêter vingt années de compétition de courts métrages ?
L’Étrange Festival y a répondu de la meilleure des manières au mois de septembre, en proposant une ribambelle de courts métrages, dont un sixième programme compétitif, deux séances rétrospectives spéciales, ainsi que de multiples surprises, disséminées à travers l’entière programmation. En inlassables découvreurs de nouvelles formes courtes, nous avons arpenté tous les recoins de cette profusion de films pour vous en ramener un bon aperçu.
Programme 1 : My sweet gore
Rentrons tout de suite dans le vif du sujet avec le premier programme de courts métrages composé de six films ayant pour point commun un appétit certain pour le sang ! Parmi cette sélection, deux d’entre eux nous ont particulièrement tapé dans l’œil.
Gummifaust de Marc Steck (Allemagne – 9’ – 2014 – Fiction)
Un “éminent” représentant de la critique théâtrale vient assister à une représentation moderne du Faust de Goethe. Prenant place dans l’auditoire, il s’aperçoit vite que son voisin vient lui aussi voir la pièce pour la chroniquer. Mais contrairement à son aîné, le jeune “hipster-chroniqueur” sévit sur les réseaux sociaux. Sans surprise, le courant ne passe pas très bien entre eux. Chacun profite de l’occasion pour se jauger. La pièce commence mais cela n’empêche pas le critique à l’âge respectable de livrer à son jeune collègue ses impressions à haute voix, critiquant en direct les choix de mise en scène et le jeu des comédiens. Un incident sur scène va décupler sa fougue, révélant ainsi tout le ressentiment accumulé des années durant, jusqu’au délire.
Dans cette comédie efficace et bien menée, chacun en prend pour son grade, et l’on assiste non sans amusement à un petit jeu de massacre qui prend tour à tour possession de la scène puis du public sans que personne, mis à part le critique “expérimenté”, ne sache vraiment ce qui se passe devant leurs yeux. Porté par la prestation de Butz Ulrich Buse (le critique du XXème siècle), « Gummifaust » est un film à l’ironie bienveillante et à l’humour gentiment vachard.
Kaiken jälkeen de Pekka Sassi (Finlande – 29’ – 2014 – Fiction)
On entre dans ce film comme dans un tunnel sans lumière. Ici, pas de faux-semblants : la vie a déserté les lieux. Dans ce no man’s land, deux garçons taciturnes tentent pourtant de survivre. Ils s’affairent à charger de lourds sacs blancs au contenu en décomposition sur des tapis roulants au milieu d’une gigantesque usine transformée pour la circonstance en incinérateur. Grâce à un noir & blanc impeccable et à des cadres soignés, le chaos à l’écran se met à rayonner. De temps à autre, une voix off vient apporter une réflexion qui entre en résonnance avec le paysage post-apocalyptique qui s’étend à perte de vue. Le son et la musique d’inspiration industrielle tiennent également une place de choix dans le dispositif et contribuent à l’atmosphère “fin du monde” qui émane du film.
Une entité que l’on pourrait qualifier d’ange (de la mort) vient brutalement troubler la routine protectrice des deux survivants. Après une lutte acharnée, ceux-ci parviennent difficilement à prendre le dessus. Avant de s’apercevoir que ce n’est probablement pas une attaque isolée…
Plutôt habitué aux films expérimentaux peu narratifs (visibles ici), Pekka Sassi – le réalisateur – nous donne à voir un court métrage en forme d’ode désenchantée et lumineuse à la joie d’être simplement en vie, quand tout autour de soi n’est que désolation.
Programme 2 : Et si c’était vrai ?
Ce deuxième programme brouille les cartes d’entrée de jeu et cherche à jeter le trouble dans les esprits en jouant sur la véracité des images et le décalage suscité chez le spectateur. Voici deux belles propositions provenant de cette sélection.
Sea Devil de Brett Potter (Etats-Unis – 12’30 – 2015 – Fiction)
Un pêcheur fait dans l’immigration illégale. Contre quelques billets, il accepte de prendre sur son bateau un père et sa fille qui souhaitent entrer clandestinement sur le sol américain. Plutôt que de les amener directement aux abords des côtes, le passeur impose à ses passagers une petite partie de pêche, sachant bien sûr qu’ils ne sont pas en mesure de décliner l’invitation. La nuit tombe et la faune marine s’éveille. Dans des plans qui ne sont pas sans rappeler ceux du documentaire Leviathan, le centre de gravité bascule en quelques plans et l’on aperçoit du fin fond de l’eau le petit bateau de pêche à la surface de la mer. Là où le documentaire nous fait plonger en apnée et recherche l’immersion totale jusqu’à devenir parfois abstrait, Bret Potter, le réalisateur, choisit plutôt de faire surgir des profondeurs une sorte de fantôme, que l’équipage hisse péniblement à bord. Tous sont sidérés par la vision qui s’offre à eux : un homme démembré, dont le corps est parsemé de coquillages, respire avec grande difficulté. Ces premiers mots sont pour “ses sauveurs” : “Remettez-moi à l’eau ! Nous sommes tous morts.” Que faire ? Tous se posent la question et la peur se lit sur les visages. Soudain une clameur venue du fin fond de la mer retentit, et comme s’il avait entendu un chant morbide scandé par des sirènes, le capitaine se jette à l’eau…
« Sea Devil » est un premier court métrage dense et âpre qui utilise notamment les codes du film de genre pour les mettre au service de la dimension politique du film : le sort tragique de ces femmes et de ces hommes aux quatre coins de la terre, forcés de quitter leur pays pour tenter de survivre.
De Schnuuf de Fabian Kaiser (Suisse – 10’40 – 2015 – Documentaire)
« De Schnuuf » (“Le Souffle” en français) est un documentaire signé Fabian Kaiser. Du souffle, il en faut aux jeunes pompiers filmés pour traverser les épreuves qui se présentent à eux. Univers clos, combinaisons hermétiques et plongée au plus près des flammes : la caméra de Fabian Kaiser se fait le témoin des conditions extrêmes auxquelles beaucoup de pompiers sont tôt ou tard confrontés.
A travers ce véritable parcours du combattant, les inspirations et les expirations de ces hommes deviennent un point de repère. L’omniprésence de cette respiration est toutefois ambivalente. D’un côté, elle met l’accent sur la robustesse des corps tout en attirant notre attention sur ce qui pourrait se passer si l’oxygène venait à manquer. C’est là une des forces de ce film : faire surgir le danger alors qu’il n’est pas encore présent. Le réalisateur ne se contente pas de filmer des apprentis pompiers en train d’apprendre leur futur métier, il sublime par le cadrage et le montage ce qui semble se passer dans la tête de ces hommes. Pendant onze minutes, il parvient à donner une coloration moins réaliste et plus intérieure à cet ensemble d’impressions, comme une invitation à se mettre dans la peau de ces “soldats du feu”.
Programme 3 : In & Out ?
Ce troisième programme navigue entre deux eaux. Dans les sept films proposés, si la comédie se taille la part du lion, la grande faucheuse n’est jamais très loin. Morceaux choisis.
De Smet de Wim Geudens et Baerten Thomas (Pays-Bas – 14’50 – 2014 – Fiction)
Trois hommes, trois maisons, une seule organisation : les frères De Smet organisent leur existence comme une horloge suisse. La vie est un long fleuve tranquille pour ces célibataires endurcis, jusqu’au jour où une nouvelle voisine vient s’installer de l’autre côté de la rue…
Porté par un excellent trio d’acteurs – Sven de Ridder, Stefaan Degand et Tom Audenaert, « De Smet » est une comédie à l’humour pince-sans-rire, qui met en scène, avec fantaisie et truculence, le quotidien routinier de trois frères. La musique entêtante et les décors soignés contribuent aussi à l’ambiance et au ton enlevé de ce court-métrage. Le duo de réalisateurs use et abuse d’un mélange détonnant d’influences cinématographiques complémentaires. Il y a d’abord le souci du détail, la minutie du cadrage et la précision de la mise en scène des films de Wes Anderson (« La famille Tenenbaum », « A bord du Darjeeling Limited», « The Grand Budapest Hotel »…). Puis il y a également le penchant pour l’absurde, la poésie là où on ne l’attend pas et un goût certain pour les plans qui s’inscrivent dans la durée comme l’affectionne particulièrement Roy Andersson dans ses propres films (« Chansons du 2e étage », « Nous, les vivants »…). La synthèse de ces choix de réalisation donne un film haut en couleur sur l’ennui organisé de trois hommes que Wim Geudens et Baerten Thomas parviennent à rendre captivants et drôles. « Granache ! »
Ramona de Andrei Cretulescu (Roumanie – 25’ – 2015 – Fiction)
« Ramona » est un film brut au timing bien dosé dont l’intensité est accentuée par le mutisme de ses personnages. C’est le troisième court-métrage d’une trilogie « impromptue » entamée il y 2 ans par le réalisateur Andrei Cretulescu. Les deux premiers films « Bad Penny » (2013) et « Kowalski » (2014) étaient déjà emprunts d’une noirceur à la fois à l’image mais aussi dans l’écriture. Dans ce plan-séquence d’une vingtaine de minutes, le réalisateur franchit un cran supplémentaire en gommant le mobile des meurtres, laissant le soin au spectateur de se forger sa propre opinion sur les motivation de cette femme qui, telle la déesse Némésis, abat sa colère sur ceux qui se trouvent sur son chemin. Ce « modus operandi » rappelle celui du film « Elephant » réalisé par Alan Clarke où des personnages débarquaient à l’improviste pour exécuter froidement un homme sans qu’un seul mot ne soit prononcé. Si le réalisateur de « Scum » faisait référence aux vagues meurtrières qui ont endeuillé longtemps l’Irlande du Nord, Andrei Cretulescu ne semble pas inscrire son film dans un contexte particulier, si ce n’est en conviant la voix chaleureuse de l’invité surprise du film : Dario Moreno. Avec une ironie assez frontale, les paroles de la chanson « Tout l’amour que j’ai pour toi » retentissent dans une chambre à coucher tandis qu’un homme se fait sauvagement assassiner. Même si la tension redescend un petit peu par moment, l’ambiance reste néanmoins pesante tant la détermination et l’impassibilité qui émane de cette femme inaccessible est grande.
Programme 4 : Au-delà du Rubicon
Regroupé sous une appellation poétique, ce programme propose un joli panorama de courts métrages d’animation où tout un chacun saura trouver chaussure à son pied, tant les genres abordés et les techniques d’animation utilisées sont variés.
World of Tomorrow de Don Hertzfeldt (Etats-Unis – 16’30 – 2015 – Animation)
Bonne nouvelle : après « It’s Such a Beautiful Day », Don Hertzfeldt revient au court métrage. Il n’a ni perdu son humour à toute épreuve ni son style singulier faussement naïf. Depuis son premier film « Rejected », on sent pointer au fil des films une petite musique empreinte de mélancolie qui prend une certaine ampleur dans ce dernier opus « World of Tomorrow » qui est en lice pour les Oscar.
Le film raconte l’histoire d’une fillette de 4 ans nommée Emily qui rencontre un clone d’elle-même de 227 ans, venant du futur. Le clone d’Emily choisit dans un premier temps de ne pas révéler la raison pour laquelle elle est venue rencontrer l’Emily « originale », la conviant à une ballade à travers le monde d’où elle vient. Mais rapidement, elle dévoile ses véritables intentions marquées par une nostalgie certaine pour des souvenirs d’enfance.
En quelques seize minutes, alternant légèreté et morosité, Don Hertzfeldt parvient à aborder au moyen d’un récit élaboré des thématiques complexes et denses telles que le voyage dans le temps, le clonage, l’enfance ou bien la mémoire. A chaque scène, il réussit à faire évoluer cet univers futuriste et nostalgique avec fantaisie et poésie, s’appuyant notamment sur un remarquable travail sur le son et les voix. Il parvient ici à réaliser une synthèse saisissante entre la richesse d’un récit et une grande accessibilité tout en préservant intacte l’émotion qui s’en dégage. Pour cela, « World of Tomorrow » est probablement le meilleur film de son auteur ou du moins son plus personnel.
Horse de Jie Shen (Chine – 4’15 – 2014 – Animation)
Nos rétines s’en souviennent, Jie Shen aimait déjà avec son précédent film « Run! » superposer les images en mouvement et chercher des combinaisons entre elles pour faire surgir ici ou là une association d’idées.
Avec « Horse », les choses se compliquent. L’air de rien, Jie Shen ajoute à sa partition une narration nébuleuse où 5 courts fragments montrés de façon répétitive se suivent les uns après les autres comme les 5 mouvements répertoriés du cheval au galop. Pour corser le tout, à chaque nouveau passage, un nouveau photogramme apparaît à l’image, révélant un peu plus à chaque fois le cours du récit. La construction du film fait penser à une sorte de palindrome convulsif où règne l’obsession pour le détail et l’enchevêtrement des formes.
Dans un premier temps, le film donne l’impression de jouer au jeu des 7 erreurs avec le spectateur, puis petit à petit, on se prend à chercher le nouveau petit indice qui viendra clore le nouveau cycle et éclairer l’ensemble. Le rythme et l’image parsemée d’éclairs stroboscopiques contribuent à galvaniser le spectateur, allant presque jusqu’à l’hypnotiser. Autant le dire tout de suite : il n’y a rien à comprendre. Si l’on baisse la garde et que l’on se laisse prendre au jeu, il y a de quoi passer un bon moment.
Programme 5 : Esprit es-tu là ?
Au menu de ce cinquième programme, six films faisant la part belle aux esprits frappeurs et autres fantômes malfaisants, soucieux de bien terrifier les êtres humains esseulés. Deux d’entre eux nous ont particulièrement intéressés.
Intruders de Santiago Menghini (Canada – 9’45 – 2014 – Fiction)
Court-métrage fantastique en provenance directe du Québec, « Intruders » de Santiago Menghini, est un film angoissant, qui se décline sous la forme de trois petites histoires d’horreur adaptées de comics, mettant en scène une présence des plus mystérieuses et qui s’en prend tour à tour à une vieille femme mourante, un adolescent trop curieux et un détective intrépide.
Plutôt décousu dans sa narration et manquant de clarté dans sa globalité, le film laisse toutefois une forte impression, grâce à une ambiance pesante très travaillée et des trouvailles visuelles assez brillantes. Nous retiendrons surtout le segment du milieu mettant en scène un adolescent voyeur témoin d’un meurtre sauvage à plusieurs pâtés de maison, et qui va voir la présence maléfique se retourner contre lui, sans pouvoir l’arrêter. Frissons garantis !
12th Assistant de Jae-Hyun Jang (Corée du Sud – 26’ – 2014 – Fiction)
« 12th Assistant » de Jae-Hyun Jang est une variation sur le thème de l’exorcisme qui raconte les premiers pas d’un assistant-exorciste affrontant un démon récalcitrant. Le sujet est traité avec un grand respect des conventions du genre, tout en ayant une approche sociale moderne et un décorum original qui lui permettent de prétendre à un certain renouveau.
Le folklore coréen permet par ailleurs une plus grande vraisemblance à l’écran, et la mise en scène sèche et au cordeau du film accompagne le spectateur dans cette initiation à la peur d’un jeune prêtre, qui va se retrouver confronté à ses propres ténèbres.
Un film de belle facture, qui a récemment fait partie d’une anthologie de court métrages coréens compilée par l’Agence du Court, Claustrophobia, et dont la version long-métrage est d’ores et déjà prévue pour fin 2015, en Corée du Sud.
Programme6 : Nouvelles Chairs
Pour ce sixième programme compétitif, l’Etrange nous promet d’explorer « Les Nouvelles Chairs », à savoir une dizaine de films se situant à mi-chemin entre des expérimentations typées art-vidéo, mariant corps et visages déformés, et des considérations thématiques chères au cinéma cérébral et sensuel de David Cronenberg. Deux œuvres parmi cette sélection « alléchante » ont attiré notre attention.
Trafo de Paul Horn (Autriche – 12’ – 2014 – Expérimental)
« Trafo » de Paul Horn se présente comme un dispositif expérimental mettant en scène des visages d’hommes et de femmes face caméra, que l’on prend un malin plaisir à transformer en direct. Le film travaille sur l’accumulation de portraits humains détournés de leur sens premier, à travers différentes décorations, déformations et maltraitances.
Les visages se font sculptures, ils deviennent le réceptacle d’atours sociaux factices, de comportements caricaturaux et de douleurs profondes. Le tracé même de l’existence, avec tout qu’elle compte comme joie et désespoir, commence à émerger doucement de cette multitude abusée et lasse, en une allégorie d’une grande subtilité.
Réflexion sur la dignité humaine, non dénué d’humour et avec une approche extrêmement ludique, « Trafo » hypnotise et embarque notre esprit dans un voyage mental que n’aurait pas renié un certain Giuseppe Arcimboldo.
Box Room de Michel Lathrop (USA – 16’ – 2014 – Fiction)
Mélangeant film de monstre et adolescence à fleur de peau, « Box Room » s’inscrit dans la tradition d’œuvres d’artistes tels que David Cronenberg ou Clive Barker, pour qui l’horreur a une dimension purement physiologique et corporelle.
Le film raconte l’histoire d’un jeune adolescent androgyne, en proie aux affres de l’amour et du sexe, n’y connaissant rien, mais voulant tout savoir. Habitant avec sa sœur aînée et écrasé par son épanouissement, il développe une sorte de psychose fantasmatique et découvre dans le mur de sa chambre, un vagin alien qui l’intrigue. Succombant à la tentation, il a une relation sexuelle avec l’entité. L’impensable se produit alors, le mystérieux organe reproducteur « accouche » d’un bébé monstre…
Oscillant entre la chronique sociale et le gore sérieux frondeur, avec moult effets de plateau plutôt réussis, « Box Room » dérange et interroge, sans jamais se prononcer clairement sur ce qui relève du fantasme ou de la réalité. Il est dommage cependant que le final, résolument Genre, ne soit pas à la hauteur de l’intention de départ, tellement le sujet aurait demandé plus de finesse psychologique et d’approfondissement.
Les étranges courts
Pour fêter dignement les vingt ans de compétition de courts métrages, l’Etrange Festival a fait appel à un partenaire privilégié, l’équipe des Programmes Courts et Créations de Canal + (lire l’interview d’Alain Burosse pour en savoir plus), pour concevoir deux séances rétrospectives spéciales, afin de réviser nos classiques sur ces deux décennies.
Commençons par le très poétique et fascinant « La Comtesse de Castiglione » de David Lodge, où la magie inhérente aux premiers dispositifs cinématographiques permet de donner vie à des visions cauchemardesques inspirées par un portrait photographique de 1885.
L’inquiétant « All Flowers in Time » de Jonathan Caouette (Grand Prix 2010 à l’Etrange Festival), avec l’égérie nineties Chloé Sévigny, est, quant à lui, une pépite indé culte, oscillant entre rêverie éveillée lynchienne et réalisme désinvolte, capté sur le vif.
Un film ensorcelant, volontairement lo-fi et creepy, qui n’oublie pas d’être ludique et se permet même une réflexion complexe sur le sens et le pouvoir de l’image, du point de vue et de la direction de regard.
L’une des premières œuvres du duo magique Vincent Patar et Stéphane Aubier (« Panique au Village », « Pic-Pic André », « Ernest et Célestine »), se trouvait également au programme : « Les Baltus au Cirque », film d’animation rêche et azimuté, dans lequel une famille des plus communes se rend au cirque du coin, puis se fait « séquestrée » par le Clown en chef qui les oblige à assister indéfiniment aux numéros de son cirque.
Satire déguisée du consumérisme et du divertissement de masse, « Les Baltus au Cirque » profite de l’humour dévastateur de Patar et Aubier qui en viennent à résoudre le nœud de l’histoire, en faisant s’échapper la famille Baltus grâce à un aspirateur !
Enfin, la comédie satirique finlandaise, « Rare Exports Inc. » est le court métrage prototype qui a permis à son réalisateur, Jalmari Helander, de décliner l’idée de « l’exportation » de Père Noël à travers le monde, ainsi que tout un univers en découlant, notamment à travers la réalisation d’un long-métrage horrifique, « Rare Exports », en 2010. Un film très efficace, extrêmement drôle et plaisant, qui fit un « carton » en son temps.
La Super Mega Bloody Bunny Apocalyptica Turbo Zombi Night !
L’Étrange Festival obéit à un principe induit à chaque édition, à savoir celui de programmer une nuit spéciale pour assouvir les exigences des cinéphiles les plus furieux et enragés, et leur procurer d’innombrables plaisirs coupables.
Cette année n’aura pas dérogé à la règle avec La Super Mega Bloody Bunny Apocalyptica Turbo Zombi Night !, qui alignait pas moins de quatre longs métrages, à situer entre la série B délirante et le nanar post-moderne, en hommage aux folles années 80.
En ouverture de cette nuit, le court métrage « Ninja Eliminator 4 : The French Connection », déjà évoqué ici au détour de l’interview de son réalisateur Mathieu Berthon (à l’occasion de l’édition 2014 du festival Court Métrange), introduisait la soirée avec brio.
Séquelle française d’une trilogie canadienne culte de fausses bandes-annonces (la série des « Ninja Eliminator »), ce film suit les aventures d’un policier « ninja », adepte de baguettes et de bérets, aux prises avec un méchant diabolique.
Fourmillant de trouvailles visuelles inspirées et profitant d’une interprétation investie (mention particulière à Lionel Laget et Rurik Sallé), le film tente d’exploser le cahier des charges contraignant, typique à toute fausse bande-annonce, en proposant une histoire « complète », qui soigne les détails et la caractérisation de ses personnages. Le film n’en oublie pas pour autant d’être divertissant et spectaculaire, notamment dans sa dernière partie, avec un combat des plus surréalistes sur les ailes d’un avion, relativement en mouvement…
Pour accompagner la cinquième édition du Jour le plus court, nous diffusons à partir d’aujourd’hui notre sélection de films en ligne issus de la programmation de cette année, « Que c’est bon l’insolence ! ». Pendant trois jours (du vendredi 18 au dimanche 20 décembre 2015), retrouvez sur notre site 6 courts-métrages visibles dans leur intégralité, récents comme plus anciens, animés comme fictionnels, à raison de deux films quotidiens.
Pour ce premier jour, Format Court opère un bond dans le temps et vous offre deux comédies audacieuses : d’un côté, un court extrait d’un long, mêlant noir et blanc et caprices du hasard, de l’autre, une quête romantique et sociale à travers les bois.
Ce court métrage est, à l’origine, l’une des séquences du long métrage « Tant qu’on a la Santé » dans sa version de 1965. En 1971, Pierre Etaix revient sur le montage de son film et extrait cette séquence qui devient le court métrage « En Pleine Forme ». En 2010, il décide de le présenter lors de la ressortie de ses films restaurés.
La Force des choses de Alain Guiraudie (Fiction, 16′, France, 1997, Hulot Production)
Dans une forêt d’Ouranie occidentale, trois jeunes guerriers sont à la recherche d’une jeune fille enlevée par un bandit.
Chaque année, depuis 6 ans, l’équipe de Format Court se prête à l’exercice du Top 5 et publie ses films préférés de l’année écoulée. En parallèle à la mise en ligne de notre nouveau Top, nous vous proposons de nous envoyer votre propre Top par mail.
Faites-nous part jusqu’au mercredi 23/12 inclus de vos 5 courts-métrages favoris de l’année, tous pays et genre confondus, par ordre de préférence, en n’oubliant pas de mentionner leurs réalisateurs et leurs pays. Nous ne manquerons pas de les publier sur Format Court !
Du 22 au 31 janvier 2016, aura lieu la 28ème édition du Festival d’Angers. Pour la troisième année consécutive, Format Court y attribuera un Prix dans la catégorie des Plans animés européens. Le Jury Format Court (composé de Fanny Barrot, Katia Bayer, Agathe Demmanneville, Gary Delepine et Lola L’hermite) élira le meilleur court-métrage en compétition parmi les 14 films retenus. Celui-ci bénéficiera d’un focus en ligne, sera projeté dans le cadre des séances Format Court, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) et bénéficiera d’un DCP doté par le laboratoire numérique Média Solution.
Films en compétition
– A Coat Made Dark de Jack O’Shea, Irlande
– Du plomb dans la tête de Aurore Peuffier, France
– Druciane Oprawki de Bartosz Kędzierski, Pologne
– Made in China de Vincent Tsui,France
– Mr Madila de Rory Waudby-Tolley, Royaume-Uni
– Novembre de Marjolaine Perreten, France
– Płoty de Natalia Krawczuk, Pologne
– Pro Mamu (About a Mother) de Dina Velikovskaya, Russie
– Le Repas dominical de Céline Devaux, France
– Tricker’s Tale de Noémie Scherer, Belgique
– Tsunami de Sofie Kampmark, Danemark
– Sea Child de Minha Kim, Royaume-Uni
– The Whale in the Room de Tara Wood, Royaume-Uni
– Zapletka de Stanislav Sekela, République tchèque
Notre dernière séance de l’année, organisée ce samedi 19 décembre à 20h30, est consacrée au Jour le plus court dont nous sommes partenaires pour la première fois. À cette occasion, nous programmons pas moins de 11 films formidables et éclectiques réalisés entre 1901 et 2011 en France, au Royaume-Uni, au Canada, en Grèce et en Suisse. Animations, fictions, films fantastiques, documentaires, portraits et burlesques composent cette soirée exceptionnelle et gratuite !
Pour accompagner ce nouveau rendez-vous, nos invités, Robert-Jan Lacombe et Jan Czarlewski, tous deux primés au festival de Locarno et anciens étudiants de l’ECAL (École Cantonale d’Art de Lausanne), échangeront avec la salle à l’issue de la projection.
En pratique
– Samedi 19 décembre 2015, à 20h30, accueil : 20h. Durée de la séance : 107′
– Infos (programmation, synopsis, critiques, trailers, …) : ici !
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
– Entrée : gratuite !
– Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com
Quatre sites internet participeront au Jour le plus Court en diffusant certains films de la programmation en streaming pendant les trois jours de la manifestation : NovaPlanet, Télérama.fr, Voir en VOD à Villeurbanne… Et Format Court !
Pour accompagner notre séance spéciale samedi 19 décembre aux Ursulines et notre participation au « Cinéma, c’est jamais trop court » au Carreau du Temple le weekend prochain, nous diffuserons six films en ligne et en libre accès de la programmation du Jour le plus court entre le vendredi 18 et le dimanche 20 décembre 2015. Soyez au rendez-vous !
Au décès de sa mère, une femme revient, avec sa propre fille, sur les lieux où elle a passé une partie de son enfance, un camp de réfugiés mis en place pour les rapatriés de la guerre d’Indochine. Elle lui raconte l’histoire de son aïeule. Cette dernière a fui l’Indochine coloniale après avoir mis au monde sa fille dont le père, un colon français, n’a jamais voulu s’occuper. En arrivant en France, elle est accueillie avec son enfant dans ce camp plus que sommaire.
Depuis ses débuts dans le journalisme, Marie-Christine Courtès s’intéresse à cette partie du monde avec notamment deux documentaires, « Le Camp des oubliés » (2004), sur ces camps français, et « Mille jours à Saïgon » (2012), sur Marcelino Truong, illustrateur franco-vietnamien. Avec « Sous tes doigts », sélectionné au festival de Villeurbanne, primé hier soir à Bruz et nommé aux César, elle passe de la grande Histoire à l’histoire intime d’une famille s’inspirant des femmes rencontrées pour son premier documentaire, du documentaire à la fiction et de la prise de vue réelle à l’animation.
La collaboration avec Ludivine Berthouloux, toute jeune animatrice, y est remarquable. Son travail de l’aquarelle très diluée pour les décors reflète une mémoire collective presque inexistante. Il ne reste de cette histoire que les souvenirs de la grand-mère, représentés par des nuages de poussière colorée, transmis de mère en fille et jamais sortis du cercle familial. Dessinées par Marcelino Truong, les personnages sont peints à la gouache, plus opaque que l’aquarelle. Cette différence de techniques distingue le vivant bien réel des souvenirs, plus flous.
Le lourd silence de l’histoire ne pouvant être retranscrit par des mots, Marie-Christine Courtès propose un film essentiellement musical où les émotions sont exprimées par la danse. L’animation image par image de ces séquences, reprise sur des mouvements filmés en prise de vue réelle de danseuses contemporaines, y est sublime. Ces scènes marquent les ellipses entre les événements importants de la vie de la grand-mère, sa rencontre avec le père de sa fille, le début de leur relation, sa grossesse, la guerre, sa fuite et son arrivée en France. Avec ce montage elliptique et parsemé de flashback, le spectateur est promené dans le temps et l’espace. La musique et la danse, entre hip-hop occidental et rituels orientaux, participent également à ce voyage entre les différentes générations et cultures de cette famille.
Sélectionné et primé dans de nombreux festivals, «Sous tes doigts » reçoit la considération qu’il mérite et rend un bel hommage à ces » femmes silencieuses qui, à partir de 1956, ont passé de longues années dans le camp de Sainte-Livrade, dernières oubliées de la guerre d’Indochine ».
Synopsis : À l’occasion du décès de sa grand-mère, une jeune eurasienne revit, entre danse et rituels, l’histoire singulière des femmes de sa famille, de l’Indochine coloniale à l’isolement d’un camp de transit.
Réalisation : Marie-Christine Courtès
Genre : Animation
Durée : 13’
Pays : France
Année : 2014
Scénario : Marie-Christine Courtès
Création graphique : Ludivine Berthouloux et Marcelino Truong
Le dimanche 20 décembre, à l’occasion de la deuxième édition belge du Jour le plus court, Short Screens, le rendez-vous mensuel du court métrage, vous convie à 3 séances spéciales au Cinéma Aventure, proposant des sélections de courts métrages belges et internationaux, tous genres confondus, en présence de Philippe Lamensch, Delphine Hermans, Zeno Graton, Stephan Dubrana et Yoann Stehr!
Au programme, vous pourrez découvrir à 11h, une séance « Kids » consacrée aux enfants de 6 à 10 ans avec huit courts métrages rassemblant des perles venues de Belgique, d’Estonie, de France, du Royaume-Uni et des États-Unis.
En plus de la séance « Kids », Short Screens s’est associé cette année à Filmer à tout prix, festival qu’il apprécie tout particulièrement, pour vous offrir des regards croisés sur le format court, sous forme de deux séances thématiques collectives.
Rendez-vous donc à 15h pour « En liens », réunissant en 6 films, le meilleur de la sélection du festival documentaire de cette année ainsi que d’autres films de fiction et d’animation, autour du thème du lien.
A 17h, venez assister à une seconde séance « En marges », toujours en collaboration avec le festival Filmer à tout prix, composée de 6 courts métrages documentaires, d’animation et de fiction autour du thème de la marge.
Enfin, pour terminer cette fête du court métrage en beauté, nous vous convions à une séance spéciale organisée par le festival Pink Screens à 19h30.
11h au Cinéma Aventure, Galerie du Centre, Rue des Fripiers 57, 1000 Bruxelles, PAF 6€
1. La vraie vérité, Camera, etc., animation, 3’50, Belgique, 2014
2. La petite casserole d’Anatole, Eric Montchaud, animation, 5’30, France, 2014
3. On The Other Side of The Woods, Anu-Laura Tuttelberg, fiction, 10′, Estonie, 2014
4. One Man, Eight Cameras, Naren Wilks, expérimental, 2’30, Royaume-Uni, 2014
5. Monkey Symphony, Maxime Baudin, Mélanie Fumey, Julien Gauthier, Samuel Gonon, animation, 6’11, France, 2013
6. La Vie en vert, Victor Besse, Sebastien Camrrubi, Valentin Dornel, Benoit Maillet, Philippe Moine, 5’42, France, 2013
7. Mouse For Sale, Wouter Bongaerts, 4’20, Belgique, 2010
8. Bottle, Kirsten Lepore, 5’25 Etats-Unis, 2010
Animation, 4′, Allemagne, 2013, Université de sciences appliquées d’Hambourg (HAW)
Synopsis : Wind est un film d’animation qui montre la vie quotidienne d‘une population vivant dans un pays très venteux. Néanmoins, ces habitants ont bien appris à faire face à ces conditions de vie hostiles. Le vent crée un système de vie naturel.
Conte subtil et bien fichu, d’une bonne durée (moins de 4 minutes), sonore & sans dialogue, « Wind », film de fin d’études de Robert Löbel, a remporté une flopée de prix en festivals, dont le Grand Prix du Jury ex aequo à Angers l’an passé. Simple, original et bourré d’humour, le film dévoile en quelques séquences la routine d’habitants d’une contrée très venteuse, confrontés à un changement soudain et bref de climat. Doté d’un super rythme, d’idées très créatives (cf. les parties de ping-pong, les bébés cerfs-volants) et d’un excellent design sonore (signé David Kamp), « Wind » fait partie de ces chouettes films qu’on aime découvrir en festival, retrouver et partager sur le Net.
Et voilà, après la nationale et le labo, la compétition internationale de Clermont est en ligne. 79 films issus de 52 pays seront projetés courant février dans la métropole du court, de Fernand Raynaud, de Blaise Pascal et du canard.
Films sélectionnés
Babor Casanova de Karim Sayad, Algérie, Suisse
In the Distance de Florian Grolig, Allemagne
Ihr Sohn de Katharina Woll, Allemagne
Sexy Laundry deIzabela Plucinska, Allemagne, Canada, Pologne
La Indiferencia del viento de Ruben Guzman, Argentine
Entre la tierra de Sofia Quirós, Argentine, Chili, Costa Rica
Homebodies de Yianni Warnock, Australie
Ernie Biscuit de Adam Elliot, Australie
Ri Guang Zhi Xia de Yang Qiu Australie, Chine
Die Badewanne de Tim Ellrich, Autriche, Allemagne
The Light side de Khayyam Abdoullayev, Elmaddin Aliyev, Azerbaïdjan
Dernière Porte Au Sud de Sacha Feiner, Belgique, France
Amazonas de Carlos Piñeiro, Bolivie
Auto Copa Park de João Atala, Brésil
Ainda sangro por dentro de Carlos Segundo, Brésil
Son In the Barbershop de Nathan Douglas, Canada
Le Nom que tu portes de Hervé Demers, Canada, Québec
Las Cosas simples de Alvaro Anguita, Chili
Huaso Chileno de Diego Acosta, Chili
Forastero de Iván D. Gaona, Colombie
Keep Going de Geon Kim, Corée du Sud
Boiler de Young-A Lee, Corée du Sud
Bow Wow Bow de Ayako Fujitani, Corée du Sud, Etats-Unis
Piknik de Jure Pavlovic, Croatie
Polsky de Rubén Rojas Cuauhtemoc, Cuba
Riders de Jesper Vidkjær Rasmussen, Danemark
Har .. Gaf .. Sayfan de Sherif El Bendary Egypte, Allemagne
2037 de Enric Pardo, Espagne
El Adiós de Clara Roquet Espagne, Etats-Unis
Lost Village de George Todria, Espagne, Géorgie
Isand de Riho Unt, Estonie
Touch de A. Stephen Lee, États-Unis
Midland de Bernsen Oliver, États-Unis
Blast Beat de Esteban Arango, États-Unis
Fata Morgana de Amelie Wen, États-Unis, Chine
Talvisydän de Jussi Hiltunen, Finlande
Den Tha Gerasoume Pote de Spiros Charalambous, Grèce
Garasz Inventory de Alyx Ayn Arumpac, Hongrie, Philippines
The Manliest Man de Anuj Gulati, Inde
Şeva Dirêj de Kamiran Betasi, Irak, Émirats Arabes Unis
Kasco de Mojtaba Ghasemi, Iran
Change in the Weather de Muiris Crowley, Irlande
Cham de Yotam Guendelman, Israël
Venerdi de Tonino Zangardi, Italie
The Lasting Persimmon de Kei Chikaura, Japon
Seide de Elnura Osmonalieva, Kirghizstan
No One Gets Out Of Here de Alive Ramzi Bashour, Liban
Anay ny lalana de Nantenaina Fifaliana, Madagascar
Amal de Aïda Senna, Maroc
Mil capas de Tess Anastasia Fernández Massieu, Mexique
Raisa de Pavel Cuzuioc Moldavie, Autriche
Takk for turen de Henrik Martin K. Dahlsbakken, Norvège
Madam Black de Ivan Barge, Nouvelle-Zélande
Accidents, Blunders and Calamities de James Cunningham, Nouvelle-Zélande
Red-end and the Factory Plant de Bethany De Forest, Robin Noorda, Pays-Bas, Belgique
9 Days – From My Window in Aleppo de Issa Touma, Floor van der Meulen, Thomas Vroege, Pays-Bas, Syrie
El Hueco de Daniel Martin Rodriguez, Germán Tejada, Pérou
Dokument de Marcin Podolec, Pologne
Cokolwiek się zdarzy, kocham cię de Justyna Mytnik, Pologne
O Guardador de Rodrigo Areias, Portugal
A Gloria de Fazer Cinema em Portugal de Manuel Mozos, Portugal
Alb de Paul Cioran, Roumanie
Edmond de Nina Gantz, Royaume-Uni
dark_net de Tom Marshall, Royaume-Uni
Fuel to Fire de Sam McMullen, Royaume-Uni
Manoman de Simon Cartwright, Royaume-Uni
Odnajdi v SSSR de Mikhail Zheleznikov, Russie
Zakat de Andrei Annenski, Russie, Allemagne, Roumanie
Vozvrashenie Erkina de Maria Guskova, Russie, Kazakhstan
Freeze de Nelicia Low, Singapour, Taiwan
Stoerre Vaerie (Norra Storfjället) de Amanda Kernell, Suède
Subotika – Land of Wonders de Peter Volkart, Suisse
Courber l’Echine de Kadija Ben-Fradj, Suisse
Just Another Day In Egypt de Corina Schwingruber Ilic, Nikola Ilic, Suisse, Serbie
Nia’s Door de Kek Huat Lau, Taiwan
Ferris wheel de Phuttiphong Aroonpheng, Thailande
Uzak mı… de Leyla Toprak, Turquie
Syn de Philip Sotnychenko, Ukraine
Panorama de Virginia Urreiztieta, Vénézuela
Présent au 30ème festival du film court de Brest pour une séance spéciale où il était invité à présenter certains de ses courts-métrages et à revenir sur sa carrière, le britannique Simon Ellis se prête volontiers au jeu des questions-réponses, en agrémentant le tout d’anecdotes de tournage, et répond aux questions de Format Court. Nous l’avions découvert en 2008 avec le multiprimé « Soft », un film qui concentre et met en scène avec brio tension et violence dans une banlieue de classe moyenne. Le film était présenté à Brest dans une carte blanche aux côtés d’œuvres plus anciennes comme « What About the Bodies » (2002) et d’autres plus expérimentales comme « A Storm and Some Snow » (2006), mais aussi son dernier court « Stew & Punch » (2013). Avec une carrière qui s’étend sur presque vingt ans et de nombreux films à son actif, Simon Ellis est l’une des figures importantes du court-métrage britannique.
Tu as commencé à réaliser des courts-métrages il y a presque vingt ans. As-tu vu les choses changer de façon importante depuis tes débuts, notamment au sein de l’industrie cinématographique britannique, dans la façon de réaliser et produire des courts ?
Je crois que j’ai vu pas mal de changements à vrai dire. Mon premier film a dix-neuf ans et désormais, le processus n’est plus le même, en grande partie à cause des technologies numériques qui ont tout changé. Maintenant, tout le monde peut faire un film et les courts- métrages sont clairement en train de se rallonger. Ce qui avant était un film de dix minutes est désormais un film de vingt minutes. À vrai dire, je pense que ce n’est pas une bonne chose.
Avant, on attendait d’avoir des financements, et si on ne les obtenait pas, on ne faisait pas de films. Aujourd’hui, même sans financements, on peut au moins faire un film facile à tourner avec des caméras pas chères. Il y a donc beaucoup plus de films et il faut maintenant creuser plus profondément pour essayer de trouver les bons. Ça rend les choses plus difficiles pour les festivals, car ils doivent faire leur travail de sélection parmi beaucoup plus de films qu’avant.
En ce qui concerne l’industrie du film britannique, ce qui a réellement changé, c’est l’introduction des frais d’inscription, basée sur le modèle américain. Il y a des festivals qui font ça uniquement pour réduire le nombre d’inscriptions. Si tu dois payer, tu y réfléchis à deux fois avant de proposer ton film amateur, ce qui est, pour être honnête, une situation très bizarre parce que les réalisateurs n’ont généralement pas d’argent.
Comment tes courts-métrages sont-ils produits ? Est-ce que cela a changé depuis tes débuts ?
Les cinq premières années de ma carrière, j’étais seul, je n’avais pas de producteur, je suppose que cela signifie que j’étais mon propre producteur. J’ai commencé à travailler avec un producteur pendant les cinq ou six années suivantes, puis j’ai de nouveau travaillé seul. Lorsqu’il s’agit de gérer un budget, des assurances, toutes ces choses dont vous n’avez pas à vous préoccuper lorsque vous travaillez seul, j’ai besoin d’un producteur. Du coup, il y a trois producteurs avec lesquels je travaille en fonction du projet et de leurs disponibilités.
Par exemple, je suis actuellement en développement d’un long métrage avec un producteur, Samm Haillay (Third Films), que je connais depuis quinze ans, qui a produit des courts et des long métrages supers et on avait très envie de travailler ensemble, c’est la bonne personne pour ce projet. Je ne vis pas à Londres mais les publicités que j’y ai réalisées m’ont permis de faire beaucoup de rencontres. L’équipe que j’ai trouvé dans la publicité, le directeur de la photographie, le chef électricien, le producteur, a ensuite travaillé sur mes courts-métrages, et je travaille avec eux dès que c’est possible. Pour le dire simplement, s’il y a du budget, s’il s’agit d’une commande, il y aura un producteur. Si c’est un projet sur lequel je travaille seul, alors je l’auto-produis.
Après que votre « Soft » ait récolté plus de 30 récompenses en festival, est-ce que cela a rendu les choses plus faciles pour toi ? As-tu eu plus de propositions ?
Oui, j’ai eu plus de propositions, surtout pour la télévision. Certaines de ces offres étaient des longs-métrages avec des scénarios écrits par d’autres personnes, et on me demandait juste de les réaliser, mais j’ai tout refusé. Je traversais une période difficile à l’époque et je me suis un peu senti submergé par toute cette attention. « Soft » étant un film sur la jeunesse et l’émasculation, on m’a proposé beaucoup de travail qui allait dans ce sens, comme par exemple des projets autour des gangs. À l’époque, je voulais aller dans une autre direction. Je me suis un peu enfermé et je n’ai fait aucune de ces choses. Lorsque le film a gagné le prix du jury au festival Sundance en 2008, c’était un événement important. J’ai reçu beaucoup d’e-mails de personnes qui étaient là-bas et qui souhaitaient qu’on se rencontre. Mais je n’y étais pas, je n’y suis pas allé. S’il y avait une chose sur laquelle je pouvais revenir en arrière, une chose que je pouvais changer dans ma carrière, je serais allé à Sundance !
Tes courts-métrages abordent avec réalisme des thèmes comme la violence et la masculinité. Ces thèmes se retrouvent dans d’autres courts-métrages britanniques présentés cette année en compétition lors du festival de Brest comme « Coach » de Ben Adler ou « The Patriot » d’Eva Riley. Penses-tu que ce sont des thèmes particulièrement liés à la société britannique, une réaction à des problèmes qui lui sont propres ?
Je ne sais pas. Le thème de l’émasculation abordé dans « Soft » est pour moi incroyablement universel, et je ne le considère pas comme quelque chose de britannique. J’essaye justement de rester en dehors des clichés du court métrage britannique. Mais chaque pays a ses clichés. Par exemple, je vais peut-être voir un film français que je vais beaucoup aimer alors que des Français ne l’aimeraient pas du tout. Il y a une tradition au Royaume-Uni, un genre qu’on appelle « poverty porn », qui se passe dans des logements sociaux, avec beaucoup de violence, de l’alcoolisme, des avortements, des viols, du sinistre encore et encore. Ces films s’exportent plutôt bien en fait. Mais j’ai l’impression que chez nous, on commence à se lasser de ce genre de films. Quand j’ai fait « Soft », j’ai délibérément situé l’histoire dans un quartier résidentiel de classe moyenne et non dans des logements sociaux. J’essaye d’avoir une vision plus large, plus universelle, et pas seulement un sentiment de « britannicité ». Je ne sais même pas ce que ça signifie, à part que ces films se passent dans des logements sociaux ou des HLM.
Dans « Stew & Punch », ton dernier court-métrage de fiction dans lequel une pendaison de crémaillère arrosée dégénère lorsqu’un couple participe à un bras de fer, la performance des acteurs semble très naturelle, est-ce que le scénario était écrit de A à Z ou y a-t-il eu une part d’improvisation ?
C’est un mélange. C’est drôle car cette question revient souvent avec « Stew & Punch ». J’essaye tout le temps de revenir en arrière, de regarder le scénario et d’en tirer le pourcentage d’écriture et le pourcentage d’improvisation. Le film a été écrit de A à Z, mais l’idée était que les comédiens puissent dire les choses à leur façon. Mais ils ne pouvaient pas digresser car cela aurait eu un effet sur la durée alors qu’il s’agit de trois chapitres filmés en plans-séquences et qu’il n’y avait pas de montage. Si un passage est censé prendre une page et durer une minute et qu’au final, il en fait deux, cela peut poser problème à cause du style de film dont il s’agit. L’objectif était toujours d’arriver à un certain point, et le temps que nous avions pour y arriver était calculé, peu importe de quelle façon. Le rythme et tous les événements étaient prévus, mais pour les dialogues, les comédiens étaient libres de dire les choses à leur façon.
Le film est tourné en trois actes et trois plans-séquences, pourquoi as-tu choisi cette forme et comment as-tu procédé au moment du tournage ?
L’idée est d’explorer des choses nouvelles à chaque nouveau film. Avec « Stew & Punch », je voulais travailler sur quelque chose proche du théâtre, et je l’ai écrit essentiellement comme une pièce en trois actes. Le concept était trois actes, trois pièces, trois plans. Cela ressemble à un artifice, mais l’idée était de regarder, en temps réel, cet homme se dégrader dans un processus d’auto-destruction. Lorsque vous travaillez en temps réel, en fonction du sujet, il y a instantanément une sorte de tension étrange qui se crée, liée au fait de ne pas savoir ce qui va se passer ensuite. Pour moi, tout ça était nouveau et j’ai trouvé que, parce que tout le monde a tant de choses à se rappeler, et que tant de choses doivent être chorégraphiées, la concentration de chacun est tout le temps à son maximum. On ne peut pas se permettre de tout rater. Si vous arrivez à la fin d’un plan de quatre minutes et que quelqu’un fait quelque chose qui ne va pas, vous devez tout recommencer, et le temps de chacun est gâché. Du coup, tout le monde est ensemble. C’est toujours le cas, mais encore bien plus sur un film tourné en temps réel. Le principal challenge était d’être sûr de pouvoir tourner ces scènes sans avoir à recommencer encore et encore. Le second challenge était de travailler avec une distribution de huit personnes, dans une maison sans meubles aux murs complètement vides où le son rebondissait de tous les côtés et où il était très difficile d’enregistrer un son de qualité dans ces conditions. C’est quelque chose sur lequel je travaille davantage avec le long-métrage que je suis en train de développer.
Est-ce que ce sera ton premier long-métrage ?
J’ai réalisé un long-métrage mais que je n’ai pas écrit, donc en terme de paternité et d’écriture, je n’en ai pas encore fait. Il s’agissait d’une comédie romantique qui est un genre qui ne m’intéresse pas vraiment. J’essayais du coup d’en faire ma propre version. C’était une expérience difficile et ce n’est que maintenant, neuf ans plus tard, que je travaille sur un nouveau projet de long. À vrai dire, quand tu fais des courts depuis très longtemps, que tu bénéficies d’un certain succès et que tu refuses des propositions de longs, tu espères que quand tu en feras un, tu choisiras le bon et ce sera bien. Cela était très naïf de ma part. Au final, les producteurs ont besoin de faire de l’argent et d’amortir leur investissement. C’est très différent du court métrage car avec les courts, les producteurs ne s’attendent pas à récupérer leur argent. On peut donc prendre plus de risques, être plus créatif je suppose. Il y a plusieurs de mes courts que j’ai d’abord écrit comme des longs mais j’ai finalement trouvé que ça fonctionnait mieux comme des courts-métrages, c’est le cas de « Soft » par exemple. Je co-écris, parce que si je devais écrire seul je pense que je n’arriverais nulle part. Je jetterais constamment les choses à la poubelle, je ne les terminerais jamais. C’est bon de pouvoir trouver un équilibre avec une autre personne. On se critique, et on se complimente aussi. Mais ce qui est important pour moi c’est de garder le rythme, car quand je perds un peu d’aplomb, les co-auteurs m’aident à en retrouver, et vice-versa.
Est-ce qu’il y a un réalisateur ou un film en particulier qui est important pour toi ?
J’ai récemment fait une conférence au European Film College au Danemark, et on m’a demandé de projeter un film de mon choix pour les étudiants. J’ai choisi « Nuts in May » de Mike Leigh (1975), qui a été réalisé, à l’origine, pour la télévision. C’est un film très étrange et excentrique et après la projection, des étudiants m’ont demandé pourquoi j’avais choisi ce film. Il est différent des miens et je pense qu’ils s’attendaient à un film sur la masculinité ou quelque chose dans le genre, mais je pense que c’est un chef-d’œuvre. Le principe est très simple, c’est une étude de personnages et c’est une des similarités qu’on peut, j’espère, trouver avec mes films. Il y a très peu de personnages, mais on passe beaucoup de temps avec eux. Au lieu d’essayer de raconter trop d’histoires à la fois, on apprécie les moments passés en compagnie de ces personnages excentriques, très anglais, uniques. C’est une histoire simple mais très bien racontée. Je l’ai vu plein de fois et je ne m’en lasse jamais, c’est un film important pour moi. Mais j’aime « Star Wars » aussi !